Premières leçons de la montée révolutionnaire de mai 68

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DECLA.^ITON DU SECRSTAHIAT UNIFIE DE LA IV IHTSINATIOMLE
Supplément au nd 29 de IV Internationale
95 rue du Faubourg St-ilartin» Paris (10 )
._je mois de mai 1968 entrera dans 1 histoire des luttes de classe
comme celui do ia plus vaste montée révolutionnaire qui se soit jusqu'ici
produite dans un pays capitaliste industriellement développé. Dix millions
grévistes ; toutes les grande:
moyennes entreprises : les couches les
plus arriérées et l;s moins politisées du prolétariat et des fonctionnaires
entraînées dans l'action ; la jeunesse estudiantine et lycéenne faisant preu-
ve d'une ardeur révolutionnaire extraordinaire ; les techniciens et les cadres
largement associés ; les paysans rejoignant les étudiants et les travailleurs
dans la lutte ; de, manifestations de plus en plus amples et de plus en plus
dures affrontant des forces clé répression harcelées et progressivement démo-
ralisées ; un gouvernement ''fort'1 désarçonné et de plus en plus paralysé
pendant deux semaines j telle -était l'image de la Prance dans ce printemps
exceptionnel,.
La volonté des centaines de milliers d'étudiants, de jeunes ouvriers,
de lycéens d'abattre le régime capitaliste" a éclaté de manière tellement évi-
dente que personne ne peut la mettre en question sérieusement. Les travailleurs
n'ont pas moins manifesté., eux aussi avec éclat, leur volonté de se battre non
seulement pour des revendications immédiates et contre le régime gaulliste,
mais aussi pour renverser lo règne de la bourgeoisie et du Capital. Cette volon-
té s'est exprimée dans les occupations d'usines, de gares, de centrales élec-
triques, de bureaux de- poste,, sur lesquels le drapeau rouge était hissé. Elle
s'est exprimée dans les mots d'ordre de "pouvoir ouvrier", de "pouvoir aux
travailleurs" de plus en plus répétés dans les manifestations et sur des affi-
ches. Elle s'est exprimée par de nombreuses initiatives spontanées de contrôle
ou de prise en main do moyens de production, d'appropriation du pouvoir de
fait par des comités ou des collectifs de travailleurs et de citoyens.
Ainsi naissait progressivement devant les yeux du monde entier, un
nouveau pouvoir, celui de la future République socialiste française," face au
pouvoir décadent de la Yè République française.. Il aurait été parfaitement
possible, pendant la semaine du 2-!- au ~j£) mai, de généraliser ces expériences,
de couvrir le pays d'un réseau d'organes de dualité de pouvoir, de les fédérer,
de prendre les initiatives.nécessaires peur abattre le régime gaulliste chan-
celant et de faire, que la crise révolutionnaire aboutisse à la prise du pou-
voir par le prolétariat, pour la construction du socialisme,
s'est pas'produit., si l'Etat bourgeois a, en définitive,
Les renés du pouvoir, cela est dû exclusivement à la
trahison des directions ouvrières, avant tout des dirigeants du P.C.P. et de
la C..G,,T. qui contrôlaient la grande majorité des travailleurs. Ces dirigeants
du ?. C i-1. et de 10 C,(LT ont fait 1 ' :.^possible pour isoler les'étudiants et
la nouvelle a/aat~gardc rovolutrurxnuire de la nasse ouvrière, canaliser la
grève avec occupations d'usines vers des buts purement revendicatifs, empêcher
étaient éminemment
favorables à la révolution.- paralyser la riposte devant les violences de'la'
répression, erapêchsr 1,'arrncme.at des piquets de grève et la constitution de
mili .f s ouvrièr-r-;: ot estudiantines, faire accepter 1: issue des élections que
leur offrit MT_ pouvoir aux aboie, et fractionner et étouffer les grèves, dès
que leur propre irrésolution et le discours résolu de De Gaulle avaient déter-
miné un premier arrêt du mouvement,
-1-
Cette trahison est le produit de leur attachement à la doctrine de
"coexistence pacifique" du Kremlin qiri voit dans De Gaulle un facteur affai-
blissant le dispositif de 1'imoérialisme américain en Eurooe. et qui est mer-
Elle est aussi fonction do lour installation cl.. langue date dans la routine
de 1 ' électoraliame et du parlementarisme. Le refrain sur les "voies pacifiques
et parlementaires au socialisme" était avance depuis des années avec 1 excuse
qu'une crise révolutionnaire-;, de toute façon, no pouvait se produire en France.
effectivement produite, cette même stratégie réfor-
prendre le pouvoir.
La direction du P.C.?. a perdu fout r;- 'el^ parmi les étudiants révo-
lutionnaires ; son prcGtige est largement entamé dans toute l'avant-garde
jeune. Cette libération do la jeunesse du ocron*- nrcaueratique lui a permis
d'entrer en action eonv.vj v.ne nouvelle avant-garde révolutionnaire sur une
échelle jamais égalée en 3'rancc. Mais au sein de la classe ouvrière > l'appareil
nées.,, et récemment encore lorsque les travailleurs des /grandes usines rejetèrent
les accords indignes qu'il avait élaborés avec le j:a~ronat et le gouvernement
gaulliste pour mettre fin à la grève, conserve une large prépondérance et de
multiples moyens d'étouffer la démocratie ouvrière et la libre expression des
volontés de la base. Los éléments épars d'une direction de rechange, qui se
sont puissamment affirmés parmi les jeunes ouvriers, ont été encore trop faibles
et insuffisamment orgrnisés et structurés, peur pouvoir assurer la constitution
généralisée d'organes de dualité du pouvoir. C'est pourquoi la trahison de l'ap-
pareil duhP.C.F.-C.G.T. a une fois de plus sauvé le capitalisme français, comme
il l'avait fait en 19 >5 et en 1945-^7.
fois-
mont , ,
ci, briser net la montée du printemps 19r>3, ni déterminer un renversement ra-
pide des rapports do force. Des combats révolutionnaires de mai IjGC ont surgi
des bastions, telle la Sorbcnne révolutionnaire, des pouvoirs tels que ceux -qui
veulent' assurer un droit de con '
L'Etat bourgeois ne pourra tolérer que ces embryons de dualité de pou-
voir se consolident et s'étendent. Liais il n'a pas la force do les éliminer d'un
seul coup. Ainsi s'ouvre une période transitoire, pendant laquelle la répression
fora des coups de sonde multiples comme elle l'a 'Lente à Fllns, qui pourront être
le point de départ d'une relance révolutionnaire. Par ailleurs, la faiblesse de
l'industrie et de l'économie du capitalisme français ne lui permettant pas de
digérer les avantages matériels considérables qu'il a du accorder au prolétariat
afin d'assurer la reprise du travail, la hausse des prix, l'inflation et le
-2-
son tour des réactions violentes du prolétariat. Finalement., la crise inté-
rieure des syndicats et des partis ouvriers traditionnels ne fait que conrnen-
ecr. Cette crise s'approfondira dans les semaines à venir., surtout après les
élections qui servent de dernier moyen au P.C,F0 pour ressouder ses rangs.
Tous les éléments se trouvent ainsi réunis pour permettre de prévoir que-
la baisse de la température Intervenue le ;51 "';-i n'est que temporaire, que de
nouvelles explosions et de nouveaux affrontements violents sont absolument
lucidité et d'organisation. Il faut tirer toutes les leçons des luttes de mai
1968 ,s'assurer que l'acquis sera conservé, que la, prochaine vague parte du
niveau le plus élevé et oeuvrer pour que toutes les insuffisances de la, pre-
mière vague soient surmontées.
Cette première vague a révélé l'extraordinaire fragilité du néo-capita-
lisme sous l'apparente stabilité de la "société de consommation" ,do "l'ex-
pansion économique" et de "l'Etat fort". Le développement des forces producti-
ves., l'élévation du niveau de culture et de qualification technique des masses,
l'industrialisation en profondeur du pays, l'explosion universitaire, le ra-
jeunissement démographique, toutes ces mutations que le régime capitaliste
s'attribuait comme autant de mérites et autant de signes de son modernisme,se
sont en définitive retournées contre lui. Car, dans le- cadre du régime capi-
taliste, tout développement des forces productives accroît les contradictions
économiques et sociales. Les masses sentent d'instinct que d'immenses possi-
bilités de satisfaire leurs besoins fondamentaux sont gaspillées, tronquées
ou déviées sous le règne du profit et de la, propriété privée. Les jeunes
n'admettent plus qu'il y ait près d'un million de chômeurs alors que la POS-
rizon. Les étudiants, les ouvriers hautement qualifiés, les techniciens,
n'acceptent plus que des patrons, des directeurs ou des technocrates au ser-
vice du Capital, leur dictent d'autorité comment il faut travailler, ce qu'il
faut produire et ce qu'il faut consommer. De même, les travailleurs toléreront
de moins en moins que leurs organisations échappent à leur contrôle et soient
soumises A une bureaucratie autoritaire.
La IVe Internationale a élaboré un programme de transition qui répond
à ces besoins essentiels des masses. File le mettra au point et le complétera à
laires ; le contrôle ouvrier sur la production ; 1 ouverture des livres de compte
le veto ouvrier sur l'embauche et les licenciements ; la suppression du secret
banquaire ; la publication du calcul du prix de revient et des marges bénéficiai-
res de toutes les grandes entreprises ; l'établissement d'un cadastre des fortu-
nes mobilières ; l'élaboration démocratique par un Congrès des Travailleurs con-
voqué à cette fin,? d'un pian de développement économique de la France socialiste ;
ports urbains, de tous les réseaux d'enseignement et de tout le matériel scolaire;
le présalaire lycéen et estudiantin généralisé à partir de 16 ans ;
universités par toute la communauté universitaire : la nationalisation de toutes les
Grandes entrprlscs, des banques privées et de toutes les institutions de crédit •
l'élimination de tous les représentants du Grand Capital dans les conseils d'admi-
nistration des entreprises nationalisées ; la refonte cai budget public par la sup-
pression de la force de frappe e t la réduction radicale des dépenses militaires., et
slnultanénent l'expansion considérable des dépenses d'équipement- culturel et social
(hôpitaux, logements à bon narcbé, routes, terrains de sport et centres de loisirs),
tels sont quelques uns des éléments d'un tel programme.
••Celui-ci doit culnlncr dons la revendication d'un gouvernement des travailleurs,
émanation (te organisations représentatives de la classe nvrlore -aujourd'hui encore
les syndicats, demain des comités démocratiquement élus. Sans doute, une telle re-
vendication équivaut doans 1 innédiat -à appeler les grands partis ouvriers, associés
aux syndicats, à prendre le p~••voir ; ils jouissent encore en effet de 1''appui de la.
majorité de la classe ouvrière. Mai3 ces partis ne montrent aucun désir de s'engager
dans la voie de la conquête du pouvoir par des noyens extra-parlementaires. Plus la
crise révolutionnaire rebondira ••:• 'c s'approfondira, plus ces partis traditionnels
seront débordés par les nasses, et plus le mot d'ordre du gouvernement xlcs travail-
leurs acquerra pour elles le scnc> de la prise du pouvoir par les travailleurs cux-
rafies organisés dans des comités.
Pour promouvoir et propulser les activités révolutionnaires dcrrrmasses sur la
voie d'une relance de la lutte de mai 19r-'>8, il importe avant tout de renforcer l'a-
vant-garde révolutionnaire. Ce renforcement doit s'effectuer sur plusieurs plans,
entre autre celui de 1'avant-garde large, regroupant, nar la force des choses, di-
verses tendances et organisations, entre lesquelles doit s'établir une unité d'ac-
tion solide fondée sur une communauté d'objectifs révolutionnaires précis, et le
respect de la démocratie ouvrière ; et celui des marxistes-révolutionnaires eux-
mêmes qui doivent s'efforcer de progresser aussi rapidement que possible vers la
construction d'un parti révolutionnaire disposant déjà d'une audience dans les
masses. Le Secrétariat Unifié de la IYè Internationale exprime sa conviction que
les membres de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire et du Parti Communiste In-
ternationaliste (Section Française de la IVè Internationale) ont admirablement
soutenu l'épreuve de mai 19^"j> joueront un rôle capital dans la-réalisation de cet-
te double tachC; sans laquelle la révolution socialiste française ne pourra vaincre.
Celle-ci revêt une importance capitale pour le mouvement ouvrier du monde en-
tier et la marche en avant de la révolution mondiale. liai 1968 a débloqué la situa-
tion politique dans toute l'Europe, amené à un niveau plus élevé les luttes étudi-
antes en Italie, en Espagne, en r'rande-Tîrctagnc, en Belgique, en Suède, stimulé la
reprise des luttes ouvrières dans plusieurs pays, déclenché le processus de la ré-
volution européenne. liai 1968 a déjà exercé une influence profonde sur le déclen-
chement de la lutte de étudiants en "-'ougoslavie, et contribue à préparer la révolu-
tion politique dans tous les Etats ouvriers burcaucratiquemont déformer; ou dégéné-
rés. Mai 19 '8 assurera à la nouvelle avant-garde qui se forme .dans ces pays un haut
niveau de conscience marxiste-révolutionnaire. Il obligera l'impérialisme à redis-
tribuer ses forces à l'échelle mondiale, et représente ainsi une aide Importante à
la l'évolution vietnamienne, à la révolution latino-américaine, à toute la révolu-
t i o n c o 1 o n I a 1 e.
Mais l'importance primordiale du mouvement de mai 19 ";0 est de ramener le pro —
létariat d'un pays hautement industrialisé au coeur de la révolution mondiale, pour
la première fois depuis plus de vingt ans. De ce fait. II a déjà balayé toute une
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