TRAVAILLEURS,
ÉTUDIANTS,

Le drapeau rouge de la classe ouvrière flotte sur les facultés et sur les usines. Des millions
de travailleurs occupent les entreprises. Les masses laborieuses, qu'on disait « apathiques »,
se sont mises en mouvement.

Le 13 mai 1968, elles ont pris conscience de la force immense qu'elles représentent, en
même temps qu'elles mesuraient la faiblesse réelle du Pouvoir. En 10 ans de régime gaulliste,
elles ont pu éprouver l'inefficacité totale des formes traditionnelles de lutte, héritées de la
IV3 République : les batailles parlementaires, les grèves tournantes, les cortèges nonchalants,
les « Journées nationales d'action » sont venus se briser sans aucun résultat sur les contre-
forts de l'Etat policier.

Seule l'action directe et résolue des masses est capable de faire plier l'Etat gaulliste. Telle
est la leçon que des millions de travailleurs ont tirée du combat victorieux étudiants. Cette
leçon, ils l'ont spontanément et massivement appliquée pour résoudre leurs propres problèmes,

Aujourd'hui, le centre de gravité de la lutte s'est déplacé des facultés vers les usines. La

contestation de l'Université bourgeoise s'est transmuée en contestation de la société capita-
liste. Car, ne nous y trompons pas : si, par millions, les travailleurs occupent les entreprises,
ce n'est pas simplement pour obtenir satisfaction sur leurs revendications salariales. La ques-
tion du Pouvoir est posée, dans l'Entreprise et dans la société. C'est le sort du régime qui
est en jeu.

Le Patronnât et l'Etat sont frappés de stupeur. La bourgeoisie,affolée, adjure les « organisa-
tions représentatives de la classe ouvrière » de reprendre les choses en main. Elle sait qu'en
période de crise sociale profonde les directions réformistes de la classe ouvrière constituent
le meilleur et l'ultime rempart du régime capitaliste : encroûtées dans le parlementarisme,
scrupuleusement respectueuses de la légalité bourgeoise, ces directions sauront canaliser
la combativité des masses et parviendront à l'orienter vers des objectifs compatibles avec la
survie du système.

Pour conserver son pouvoir, la classe dominante est prête à des concessions temporaires.
Elle sait attendre le reflux du mouvement pour reprendre d'une main ce qu'elle a dû concéder
de l'autre.

Les jeunes travailleurs, les étudiants qui sont à la pointe du combat, ne veulent pas que