L' événement
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fUnivers des Connaissances
Une collection internationale d'ouvrages illustrés,
écrits par d'éminents savants et érudits du monde
entier qui, à notre époque de spécialisation croissante,
ressentent le besoin de présenter une vue d'ensemble et
une miseàjourdesquestionsqu'ilsconnaissentlemieux.
Ces ouvrages s'adressent d'abord à l'ensemble
du public cultivé mais ils sont également destinés
aux étudiants des universités et aux spécialistes
de disciplines particulières, désireux
d'approfondir leur culture générale.
écrits par d'éminents savants et érudits du monde
entier qui, à notre époque de spécialisation croissante,
ressentent le besoin de présenter une vue d'ensemble et
une miseàjourdesquestionsqu'ilsconnaissentlemieux.
Ces ouvrages s'adressent d'abord à l'ensemble
du public cultivé mais ils sont également destinés
aux étudiants des universités et aux spécialistes
de disciplines particulières, désireux
d'approfondir leur culture générale.
HACHETTE
NOUVEAUTES
LA BIONIQUE
QU'EST-CE QUE LA LUMIERE ?
L'HOMME D'ACTION ET LA SCIENCE
L'HUMANISME ET LA RENAISSANCE
LA MEDECINE DES CHINOIS
LES ORIGINES DE LA CLASSE OUVRIERE
L'événement
25, boulevard Saint-Martin
Paris-lll"
TUR. 37-97 +
C.C.P. Paris 22 905-90
Directeur :
Emmanuel d'Astier
Emmanuel d'Astier
CHRONOLOGIE DE L'ÉVÉNEMENT Mai 1968
2
2
REGARD SUR L'ÉVÉNEMENT Emmanuel d'Astier
16
16
PREMIÈRE HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION
ÉDITORIAL
Ce qui a commencé
22
Ce qui a commencé
22
CALENDRIER
De mars à juin
26
De mars à juin
26
LA COMMUNE ÉTUDIANTE
RÉCIT
La Commune
36
La Commune
36
TÉMOIGNAGE
Itinéraire d'un «enragé»
44
Itinéraire d'un «enragé»
44
DICTIONNAIRE
Les institutions et les hommes
48
Les institutions et les hommes
48
HISTOIRE
Pourquoi les étudiants
52
Pourquoi les étudiants
52
DOCUMENT
Espèces de flics
56
Espèces de flics
56
PHOTOS
La violence
58
La violence
58
LA GRÈVE
RÉCIT
La grève
72
La grève
72
HISTOIRE
En France, la lutte des classes
80
En France, la lutte des classes
80
PROPOS
La première brèche
84
La première brèche
84
O.R.T.F.
La mutinerie
86
La mutinerie
86
Abonnements: 12 numéros 40 F - Étudiants 30 F - Étranger 45 F - 6 numéros 22 F - Étudiants 18 F.
RÉDACTION EN CHEF : Michel-Antoine Burnier,
Danielle Corbel, Christian Jelen. ADMINISTRA-
TION : Robert Strauss. PROMOTION : Jacques
Quoirez. RELATIONS EXTÉRIEURES : Janine Ma-
rignac. ABONNEMENTS : André Renaudin
Danielle Corbel, Christian Jelen. ADMINISTRA-
TION : Robert Strauss. PROMOTION : Jacques
Quoirez. RELATIONS EXTÉRIEURES : Janine Ma-
rignac. ABONNEMENTS : André Renaudin
Photo de couverture : Elie Kagan
© Reproduction interdite de
tous articles sauf accord avec
l'administration.
tous articles sauf accord avec
l'administration.
ONT PARTICIPÉ A CE NUMÉRO : Jean Berto-
lino - Julien Fanjeaux - Philippe Gavi - Annette
Lena - Frédéric Mornand - Olivier Oudiette -
Pierre-Charles Pathé - Roger-Jean Ségalat -
Bertrand Soyer. PHOTO-COMPOSITION, TIRAGE
OFFSET : Imprimerie La Haye, Les Mureaux.
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Emmanuel
d'Astier.
lino - Julien Fanjeaux - Philippe Gavi - Annette
Lena - Frédéric Mornand - Olivier Oudiette -
Pierre-Charles Pathé - Roger-Jean Ségalat -
Bertrand Soyer. PHOTO-COMPOSITION, TIRAGE
OFFSET : Imprimerie La Haye, Les Mureaux.
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Emmanuel
d'Astier.
1
mai
_ DE
L1VENBMENT
L1VENBMENT
1968
france
monde
tiers-monde
Mercredi 1er mai
Jean Effel, prix Lénine. Daniel Cohn-
Bendit, le leader des « enragés » de
Nanterre est convoqué devant la com-
mission de discipline de l'Université.
Plus de cinquante mille personnes défi-
lent pour la première fois depuis 14 ans
de la République à la Bastille.
Nanterre est convoqué devant la com-
mission de discipline de l'Université.
Plus de cinquante mille personnes défi-
lent pour la première fois depuis 14 ans
de la République à la Bastille.
Nelson Rockfeller sollicite l'investiture
du parti républicain et l'emporte sur
Nixon aux élections primaires du Mas-
sachusetts. M. Dubcek, secrétaire du
P.C. tchécoslovaque, veut « rendre le
socialisme plus attrayant ». Les mé-
moires du Che sont brûlées à Barcelone
par la police. Les dockers de Londres :
« les Nègres à la porte ».
du parti républicain et l'emporte sur
Nixon aux élections primaires du Mas-
sachusetts. M. Dubcek, secrétaire du
P.C. tchécoslovaque, veut « rendre le
socialisme plus attrayant ». Les mé-
moires du Che sont brûlées à Barcelone
par la police. Les dockers de Londres :
« les Nègres à la porte ».
Hanoi rejette la proposition indoné-
sienne de pourparlers à bord d'un navire
de guerre. Abba Eban, ministre des
Affaires étrangères d'Israël : « L'im-
passe actuelle n'a qu'une seule source :
c'est le refus de la R.A.U. d'admettre
les principes mêmes de la négociation
et de la paix. »
sienne de pourparlers à bord d'un navire
de guerre. Abba Eban, ministre des
Affaires étrangères d'Israël : « L'im-
passe actuelle n'a qu'une seule source :
c'est le refus de la R.A.U. d'admettre
les principes mêmes de la négociation
et de la paix. »
Jeudi 2 mai
Circulation parisienne : 365 morts en
1967. Victimes : 45% sont des pié-
tons. Octobre, mois le plus meurtrier.
En tête des statistiques : le xixe
arrondissement et le bois de Boulogne.
L'Assemblée nationale étend la qua-
trième semaine de congés payés à l'en-
semble des salariés. Deux millions de
personnes environ bénéficieront de
cette mesure.
1967. Victimes : 45% sont des pié-
tons. Octobre, mois le plus meurtrier.
En tête des statistiques : le xixe
arrondissement et le bois de Boulogne.
L'Assemblée nationale étend la qua-
trième semaine de congés payés à l'en-
semble des salariés. Deux millions de
personnes environ bénéficieront de
cette mesure.
Les Israéliens célèbrent le vingtième
anniversaire de leur Etat. La crise du
dollar : pour la première fois depuis
1920, le Trésor américain emprunte à
6 %. Afrique du Sud : le Parlement
adopte une loi interdisant l'ingérence
de tout représentant d'une race dans
les affaires politiques de l'autre race.
Etats-Unis : début de la marche des
pauvres vers Washington.
anniversaire de leur Etat. La crise du
dollar : pour la première fois depuis
1920, le Trésor américain emprunte à
6 %. Afrique du Sud : le Parlement
adopte une loi interdisant l'ingérence
de tout représentant d'une race dans
les affaires politiques de l'autre race.
Etats-Unis : début de la marche des
pauvres vers Washington.
Sept millions d'Egyptiens ratifient par
référendum le programme de « rénova-
tion » de Nasser. Nigeria et Biafra :
référendum le programme de « rénova-
tion » de Nasser. Nigeria et Biafra :
accord pour des pourparlers préliminai-
res à Londres. Abba Eban, ministre
des Affaires étrangères d'Israël : « La
paix n'exigerait pas les mêmes condi-
tions territoriales et autres qu'imposent
les nécessités de la défense... »
res à Londres. Abba Eban, ministre
des Affaires étrangères d'Israël : « La
paix n'exigerait pas les mêmes condi-
tions territoriales et autres qu'imposent
les nécessités de la défense... »
Vendredi 3 mai
Lock-out de la Sorbonne décide le
doyen Roche. Matraques et grenades
lacrymogènes contre les étudiants. Près
de 600 interpellations. « L'Humanité »
s'en prend à l'anarchiste allemand
Cohn-Bendit. Coup de poussière dans
un puits de charbon de Roche-La-
Molière : six mineurs tués, un blessé.
Greffe totale de la cornée réussie à
Lyon.
doyen Roche. Matraques et grenades
lacrymogènes contre les étudiants. Près
de 600 interpellations. « L'Humanité »
s'en prend à l'anarchiste allemand
Cohn-Bendit. Coup de poussière dans
un puits de charbon de Roche-La-
Molière : six mineurs tués, un blessé.
Greffe totale de la cornée réussie à
Lyon.
Paris est choisi comme lieu de rencon-
tre pour les négociations préliminaires
entre les Etats-Unis et le Viêt-nam.
Johnson : « La France est un pays où
toutes les parties peuvent bénéficier
d'un traitement impartial. » Deux gref-
fes du cœur à Houston et à Londres.
Pologne : le cinéaste Alexander Ford
est exclu du P.C.
tre pour les négociations préliminaires
entre les Etats-Unis et le Viêt-nam.
Johnson : « La France est un pays où
toutes les parties peuvent bénéficier
d'un traitement impartial. » Deux gref-
fes du cœur à Houston et à Londres.
Pologne : le cinéaste Alexander Ford
est exclu du P.C.
Le référendum en Egypte : 99.989%
de « oui ». Viêt-nam : attentat du F.N.L.
contre la télévision de Saigon : quatre
morts et vingt-cinq blessés. Argentine :
la Cour suprême estime que le régime
ne respecte pas la liberté de la presse.
Sénégal : M. Doudou Thiam, ancien
ministre des Affaires étrangères, est
révoqué de la présidence du Conseil
économique et social.
de « oui ». Viêt-nam : attentat du F.N.L.
contre la télévision de Saigon : quatre
morts et vingt-cinq blessés. Argentine :
la Cour suprême estime que le régime
ne respecte pas la liberté de la presse.
Sénégal : M. Doudou Thiam, ancien
ministre des Affaires étrangères, est
révoqué de la présidence du Conseil
économique et social.
Samedi 4 mai
Quatre « enragés » condamnés à 2 mois
de prison ferme. Nanterre : des ensei-
gnants libéraux soulignent les carences
de l'Université : « Ce sont les vives pro-
testations des étudiants et leurs vio-
lences qui nous ont amenés à nous
rendre compte que la situation de l'Uni-
versité actuelle était intenable. » Les
assassins du week-end : 4 morts et 4
blessés à la suite d'une collision sur la
RN 20.
de prison ferme. Nanterre : des ensei-
gnants libéraux soulignent les carences
de l'Université : « Ce sont les vives pro-
testations des étudiants et leurs vio-
lences qui nous ont amenés à nous
rendre compte que la situation de l'Uni-
versité actuelle était intenable. » Les
assassins du week-end : 4 morts et 4
blessés à la suite d'une collision sur la
RN 20.
Tchécoslovaquie : visite impromptue de
MM. Dubcek et Cernik à Moscou.
76% des Tchèques favorables aux
changements intervenus dans la vie
politique. Pologne : condamnation des
cinéastes qui « fuient les thèmes enga-
gés de l'histoire contemporaine » ou
« recherchent* le commercial et flattent
le mauvais goût de la petite bourgeoi-
sie. » Les théâtres devront désormais
présenter des pièces engagées.
MM. Dubcek et Cernik à Moscou.
76% des Tchèques favorables aux
changements intervenus dans la vie
politique. Pologne : condamnation des
cinéastes qui « fuient les thèmes enga-
gés de l'histoire contemporaine » ou
« recherchent* le commercial et flattent
le mauvais goût de la petite bourgeoi-
sie. » Les théâtres devront désormais
présenter des pièces engagées.
Pompidou en Iran : économie, culture
et tourisme. Biafra : des manifestants
incendient cinq bâtiments britanniques
à Port-Harcourt. Gibraltar : l'Espagne
ferme la frontière terrestre à tout tra-
fic sauf aux ouvriers espagnols qui tra-
vaillent dans la colonie britannique et
aux civils qui en obtiendront l'autorisa-
tion. Objet : refus des Britanniques de
négocier sur le statut de Gibraltar.
et tourisme. Biafra : des manifestants
incendient cinq bâtiments britanniques
à Port-Harcourt. Gibraltar : l'Espagne
ferme la frontière terrestre à tout tra-
fic sauf aux ouvriers espagnols qui tra-
vaillent dans la colonie britannique et
aux civils qui en obtiendront l'autorisa-
tion. Objet : refus des Britanniques de
négocier sur le statut de Gibraltar.
Etats-Unis : la «guérilla» des étudiants.
2 MAI. — Les Universités françaises n'ont pas le mono-
pole d'une révolte qui secoue depuis plusieurs mois leurs
homologues américaines. Celle-ci ne connaissent ni les
amphithéâtres bondés ni le cours magistral ni la crise des
débouchés ni l'autoritarisme des examens. L'appareil uni-
versitaire fonctionne démocratiquement. Les étudiants par-
ticipent pleinement à la gestion de leurs « Campus ». Pour-
tant les étudiants se rebellent de Berkeley à Howard, de
Stanford à Colombia et dans toutes les Universités et
Collèges noirs du Sud.
pole d'une révolte qui secoue depuis plusieurs mois leurs
homologues américaines. Celle-ci ne connaissent ni les
amphithéâtres bondés ni le cours magistral ni la crise des
débouchés ni l'autoritarisme des examens. L'appareil uni-
versitaire fonctionne démocratiquement. Les étudiants par-
ticipent pleinement à la gestion de leurs « Campus ». Pour-
tant les étudiants se rebellent de Berkeley à Howard, de
Stanford à Colombia et dans toutes les Universités et
Collèges noirs du Sud.
A Berkeley, la grève s'est déclenchée pour protester
contre le recrutement du trust « Dow chemical » qui fabrique
le napalm utilisé au Viêt-nam.
contre le recrutement du trust « Dow chemical » qui fabrique
le napalm utilisé au Viêt-nam.
A Howard, la plus grande Université noire, les étudiants
dénoncent les mesures disciplinaires prises à rencontre
de trois militants du « Pouvoir Noir », ils occupent les bureaux
de l'administration, ils décident une grève illimitée et veu-
lent imposer un cours de civilisation noire dans les pro-
grammes universitaires.
dénoncent les mesures disciplinaires prises à rencontre
de trois militants du « Pouvoir Noir », ils occupent les bureaux
de l'administration, ils décident une grève illimitée et veu-
lent imposer un cours de civilisation noire dans les pro-
grammes universitaires.
A Colombia, la révolte étudiante est le fait des « radicaux »
blancs et des noirs qui se regroupent au sein du S..D.S.
(Student for a Démocratie Society) et dont les penseurs
sont Marcuse, Camus, Debray et Guevara. Deux détona-
teurs :
blancs et des noirs qui se regroupent au sein du S..D.S.
(Student for a Démocratie Society) et dont les penseurs
sont Marcuse, Camus, Debray et Guevara. Deux détona-
teurs :
1° La construction par l'Université d'un gymnase sur
un terrain qui appartient à la communauté de Harlem ;
un terrain qui appartient à la communauté de Harlem ;
2° La liaison de l'Université avec quatorze instituts du
Pentagone qui recrutent des étudiants pour développer les
programmes de recherches militaires.
Pentagone qui recrutent des étudiants pour développer les
programmes de recherches militaires.
Occupation des locaux, ordre de grève, séquestration
d'un des doyens, création d'une commission « ad hoc » entre
professeurs assistants, étudiants et responsables adminis-
tratifs pour trouver une issue à la crise : la bonne société
new-yorkaise s'habitue mal à l'idée d'une bande de « hippies »
qui règne sur le domaine du doyen Kirk. Elle tremble pour
un Rembrandt inestimable que les étudiants gardent comme
otage. Elle désavoue la violence, véritable insulte aux « tra-
ditions de la démocratie américaine ».
d'un des doyens, création d'une commission « ad hoc » entre
professeurs assistants, étudiants et responsables adminis-
tratifs pour trouver une issue à la crise : la bonne société
new-yorkaise s'habitue mal à l'idée d'une bande de « hippies »
qui règne sur le domaine du doyen Kirk. Elle tremble pour
un Rembrandt inestimable que les étudiants gardent comme
otage. Elle désavoue la violence, véritable insulte aux « tra-
ditions de la démocratie américaine ».
Des fenêtres des bureaux qu'ils occupent et qu'ils bapti-
sent «zones libérées», les étudiants rebelles renvoient leurs
insultes aux « contre-révolutionnaires » qui se mêlent aux
indécis et aux curieux. Des barricades et des gardes vigi-
lants interdisent l'accès des bâtiments. Ceux qui veulent
rejoindre les « zones libérées » grimpent par les fenêtres le
long des façades. Le quatrième jour des piquets placés au
bas des fenêtres coupent la route du ravitaillement. Par-
dessus la foule, les sympathisants lancent sandwichs, ciga-
rettes, chocolats... De leur côté, les «rebelles» célèbrent
un mariage à l'intérieur d'une zone libérée.
sent «zones libérées», les étudiants rebelles renvoient leurs
insultes aux « contre-révolutionnaires » qui se mêlent aux
indécis et aux curieux. Des barricades et des gardes vigi-
lants interdisent l'accès des bâtiments. Ceux qui veulent
rejoindre les « zones libérées » grimpent par les fenêtres le
long des façades. Le quatrième jour des piquets placés au
bas des fenêtres coupent la route du ravitaillement. Par-
dessus la foule, les sympathisants lancent sandwichs, ciga-
rettes, chocolats... De leur côté, les «rebelles» célèbrent
un mariage à l'intérieur d'une zone libérée.
La porte sur laquelle est affichée « Université Malcom X »
ne s'ouvre qu'aux noirs qui viennent consulter les grévistes
ou les ravitailler. A l'intérieur du bâtiment, une série de
posters représente les héros du pouvoir noir et leurs slogans.
ne s'ouvre qu'aux noirs qui viennent consulter les grévistes
ou les ravitailler. A l'intérieur du bâtiment, une série de
posters représente les héros du pouvoir noir et leurs slogans.
Les négociations sont dans l'impasse. Les points sur les-
quels butent ces négociations sont : l'arrêt de la construc-
tion du gymnase et la garantie d'amnistie pour tous les
étudiants en grève. Les étudiants imaginent mal une inter-
quels butent ces négociations sont : l'arrêt de la construc-
tion du gymnase et la garantie d'amnistie pour tous les
étudiants en grève. Les étudiants imaginent mal une inter-
vention de la police. Néanmoins, la tension monte. Les
étudiants font provision de vaseline pour se protéger contre
le « Mace 5», un nouveau gaz asphyxiant mis au point
pour combattre les émeutes noires de l'été prochain. Le
septième jour de grève, la police pénètre dans le campus
et interdit l'entrée de l'Université. Le neuvième jour, à
l'appel du comité de tutelle qui finance l'Université, la
police est chargée de nettoyer le campus. C'est la «nuit
des barricades » new-yorkaise. La police reste modérée
envers les étudiants noirs pour éviter une réaction violente
dans Harlem ; elle décharge son agressivité à rencontre des
blancs qu'elle matraque et pourchasse.
étudiants font provision de vaseline pour se protéger contre
le « Mace 5», un nouveau gaz asphyxiant mis au point
pour combattre les émeutes noires de l'été prochain. Le
septième jour de grève, la police pénètre dans le campus
et interdit l'entrée de l'Université. Le neuvième jour, à
l'appel du comité de tutelle qui finance l'Université, la
police est chargée de nettoyer le campus. C'est la «nuit
des barricades » new-yorkaise. La police reste modérée
envers les étudiants noirs pour éviter une réaction violente
dans Harlem ; elle décharge son agressivité à rencontre des
blancs qu'elle matraque et pourchasse.
Le lendemain, professeurs et étudiants demandent la
démission du doyen et proclament la grève générale. Les
forces de l'ordre restent sur le campus. Le doyen ferme
l'Université. Les meetings se succèdent. Les représentants
de la communauté noire se rallient au mouvement. Des
manifestations ont lieu devant la Mairie de New York, dans
de multiples universités et devant le New York Times, à qui
l'on reproche d'avoir trahi la vérité des faits.
démission du doyen et proclament la grève générale. Les
forces de l'ordre restent sur le campus. Le doyen ferme
l'Université. Les meetings se succèdent. Les représentants
de la communauté noire se rallient au mouvement. Des
manifestations ont lieu devant la Mairie de New York, dans
de multiples universités et devant le New York Times, à qui
l'on reproche d'avoir trahi la vérité des faits.
Encouragés par ce vaste mouvement de solidarité, les
étudiants du S.O.S. font ronéoter et diffuser la corres-
pondance du doyen Kirk qui prouve l'existence de rapports
directs entre l'Université et « l'Asian Foundation » (orga-
nisme de recherche pour une action de « pacification » en
Asie du Sud-Est), largement financée par la C.I.A. Marc
Rudd, le leader S.O.S. de la révolte de Columbia, déclare :
« II est impossible de libérer Columbia, dans une société
qui est dominée par le pouvoir économique que le doyen
Kirk et le Comité de tutelle représentent. C'est pourquoi,
je ne crois pas que Columbia soit dans une phase révolu-
tionnaire. Mais les gens commencent à comprendre et à
analyser ce qui domine l'Université et la Société. »
étudiants du S.O.S. font ronéoter et diffuser la corres-
pondance du doyen Kirk qui prouve l'existence de rapports
directs entre l'Université et « l'Asian Foundation » (orga-
nisme de recherche pour une action de « pacification » en
Asie du Sud-Est), largement financée par la C.I.A. Marc
Rudd, le leader S.O.S. de la révolte de Columbia, déclare :
« II est impossible de libérer Columbia, dans une société
qui est dominée par le pouvoir économique que le doyen
Kirk et le Comité de tutelle représentent. C'est pourquoi,
je ne crois pas que Columbia soit dans une phase révolu-
tionnaire. Mais les gens commencent à comprendre et à
analyser ce qui domine l'Université et la Société. »
Aujourd'hui, le S.O.S. poursuit son agitation. Le doyen
Kirk ne se déplace dans le campus que par les tunnels
qu'emprunté la police pour déloger les étudiants des bâti-
ments occupés. Il n'apparait en public que devant les jour-
nalistes lors de conférences de presse qu'il donne pour
justifier ses appels aux forces de l'ordre.
Kirk ne se déplace dans le campus que par les tunnels
qu'emprunté la police pour déloger les étudiants des bâti-
ments occupés. Il n'apparait en public que devant les jour-
nalistes lors de conférences de presse qu'il donne pour
justifier ses appels aux forces de l'ordre.
La «guérilla» du pouvoir étudiant, en Amérique aussi,
est commencée. Et le New York Herald Tribune (conserva-
teur) ne s'y trompait pas quand il dégageait le 3 mai ses
conclusions : « L'affaire de Columbia ne prouve-t-elle pas
qu'une petite minorité peut entraîner de grands bouleverse-
ments sociaux? Que les méthodes traditionnelles pour
résoudre les conflits sont dépassées? Que les principes
démocratiques du vote et de la représentation sont supplan-
tés par la violence des activistes? »
est commencée. Et le New York Herald Tribune (conserva-
teur) ne s'y trompait pas quand il dégageait le 3 mai ses
conclusions : « L'affaire de Columbia ne prouve-t-elle pas
qu'une petite minorité peut entraîner de grands bouleverse-
ments sociaux? Que les méthodes traditionnelles pour
résoudre les conflits sont dépassées? Que les principes
démocratiques du vote et de la représentation sont supplan-
tés par la violence des activistes? »
france
monde
tiers-monde
Dimanche 5 mai
Etudiants : grève décident I'U.N,E.F.
et le syndicat de l'Enseignement supé-
rieur pour protester contre la fermeture
de la Sorbonne et les arrestations.
Communiqué du ministère de l'Educa-
tion nationale : « Le premier devoir des
pouvoirs publics et de l'Université est
d'assurer l'achèvement des cours et la
liberté des examens. » L'Humanité :
« Les aventuriers des groupes gauchis-
tes, trotskystes, anarchistes et autres
font le jeu du gouvernement. »
et le syndicat de l'Enseignement supé-
rieur pour protester contre la fermeture
de la Sorbonne et les arrestations.
Communiqué du ministère de l'Educa-
tion nationale : « Le premier devoir des
pouvoirs publics et de l'Université est
d'assurer l'achèvement des cours et la
liberté des examens. » L'Humanité :
« Les aventuriers des groupes gauchis-
tes, trotskystes, anarchistes et autres
font le jeu du gouvernement. »
Michel Souslov, l'idéologue du Krem-
lin, rappelle violemment à l'ordre des
déviationnistes de gauche et de droite
qui « altèrent les idées marxistes-léni-
nistes ». Yougoslavie : la ligue des
communistes refuse de participer à la
conférence internationale des P.C.
M. Wilson tend la main aux conserva-
teurs à propos du problème racial :
« Beaucoup de régions ont atteint les
limites de leurs capacités d'absorp-
tion. »
lin, rappelle violemment à l'ordre des
déviationnistes de gauche et de droite
qui « altèrent les idées marxistes-léni-
nistes ». Yougoslavie : la ligue des
communistes refuse de participer à la
conférence internationale des P.C.
M. Wilson tend la main aux conserva-
teurs à propos du problème racial :
« Beaucoup de régions ont atteint les
limites de leurs capacités d'absorp-
tion. »
Viêt-nam : le F.N.L attaque en 119
points différents. Le général Loan,
chef de la police sud viêt-namienne est
grièvement blessé. Naissance au Sud
de l'Alliance des forces démocratiques
appuyée par le F.N.L. Israël : mise en
garde" au Liban. Irak : Le « régime pro-
visoire » est prorogé de deux ans. Pla-
card publicitaire dans le New York
Times : « Un million et demi de réfu-
giés palestiniens sont à la recherche
d'un nouveau Balfour. »
points différents. Le général Loan,
chef de la police sud viêt-namienne est
grièvement blessé. Naissance au Sud
de l'Alliance des forces démocratiques
appuyée par le F.N.L. Israël : mise en
garde" au Liban. Irak : Le « régime pro-
visoire » est prorogé de deux ans. Pla-
card publicitaire dans le New York
Times : « Un million et demi de réfu-
giés palestiniens sont à la recherche
d'un nouveau Balfour. »
Lundi 6 mai
Etudiants : manifestation toute la ma-
tinée dans Paris. Violentes échauffou-
rées dans l'après-midi et dans la soirée :
quatre cent vingt-deux arrestations,
près de six cents étudiants et policiers
blessés. En province : meetings, mani-
festations, grève à Grenoble, Bordeaux,
Clermont-Ferrand, Strasbourg, Aix-en-
Provence, Caen, Montpellier, Toulou-
se, Nantes, Dijon, Rouen. Peyrefitte :
« Les étudiants se mettent à jouer à
l'émeute. »
tinée dans Paris. Violentes échauffou-
rées dans l'après-midi et dans la soirée :
quatre cent vingt-deux arrestations,
près de six cents étudiants et policiers
blessés. En province : meetings, mani-
festations, grève à Grenoble, Bordeaux,
Clermont-Ferrand, Strasbourg, Aix-en-
Provence, Caen, Montpellier, Toulou-
se, Nantes, Dijon, Rouen. Peyrefitte :
« Les étudiants se mettent à jouer à
l'émeute. »
Londres réaffirme son soutien à la po-
pulation de Gibraltar. Crise évitée entre
Moscou et Prague à la suite du voyage
de M. Dubcek à Moscou. Tirana :
« les révisionnistes » de Moscou ont
engendré les « ultra-révisionnistes » de
Prague. Gallup : trois Anglais sur quatre
approuvent les déclarations racistes de
M. Enoch Powell.
pulation de Gibraltar. Crise évitée entre
Moscou et Prague à la suite du voyage
de M. Dubcek à Moscou. Tirana :
« les révisionnistes » de Moscou ont
engendré les « ultra-révisionnistes » de
Prague. Gallup : trois Anglais sur quatre
approuvent les déclarations racistes de
M. Enoch Powell.
Viêt-nam : bombardements au mortier
et opérations de harcèlement autour de
Saigon développent un climat d'insé-
curité et provoquent la paralysie de
l'administration sud viêt-namienne. Ha-
noi salue chaleureusement la nouvelle
offensive au Sud. Biafra : les délégués
du Nigeria et du Biafra se rencontrent
à Londres. But de la réunion : trouver
un lieu acceptable par les deux camps
pour conclure un « cessez-le-feu ».
et opérations de harcèlement autour de
Saigon développent un climat d'insé-
curité et provoquent la paralysie de
l'administration sud viêt-namienne. Ha-
noi salue chaleureusement la nouvelle
offensive au Sud. Biafra : les délégués
du Nigeria et du Biafra se rencontrent
à Londres. But de la réunion : trouver
un lieu acceptable par les deux camps
pour conclure un « cessez-le-feu ».
Mardi 7 mai
Etudiants : plus de soixante mille étu-
diants manifestent à Paris et en pro-
vince. L'opinion des partis et person-
nalités politiques : parti communiste :
« Cette situation favorise les agisse-
ments d'aventurismes. » Jean Leca-
nuet « La violence d'où qu'elle vienne
est condamnable. » Le général de
Gaulle : « II n'est pas possible de tolé-
rer la violence dans la rue. » Négocia-
tions américano-viêt-namiennes : arri-
vée à Paris du second de la délégation
nord viêt-namienne, le colonel Ha Van
Lau qui se déclare très optimiste.
diants manifestent à Paris et en pro-
vince. L'opinion des partis et person-
nalités politiques : parti communiste :
« Cette situation favorise les agisse-
ments d'aventurismes. » Jean Leca-
nuet « La violence d'où qu'elle vienne
est condamnable. » Le général de
Gaulle : « II n'est pas possible de tolé-
rer la violence dans la rue. » Négocia-
tions américano-viêt-namiennes : arri-
vée à Paris du second de la délégation
nord viêt-namienne, le colonel Ha Van
Lau qui se déclare très optimiste.
Etats-Unis : Robert Kennedy, plus de
42% des suffrages, Eugène McCarthy
27 % aux élections primaires de l'India-
na. L'agence Tass dément que «cer-
tains conseillers des organes de sécuri-
té de l'Union soviétique auraient été
mêlés au décès de Jan Masaryk qui,
comme on le sait, s'est suicidé en
1948 » comme le laissait penser « Rude
Pravo » l'organe du comité central
tchèque. Marché commun : nouveau
régime proposé pour l'importation de
produits algériens : droits de douane à
50% du tarif extérieur commun et
contingentement.
42% des suffrages, Eugène McCarthy
27 % aux élections primaires de l'India-
na. L'agence Tass dément que «cer-
tains conseillers des organes de sécuri-
té de l'Union soviétique auraient été
mêlés au décès de Jan Masaryk qui,
comme on le sait, s'est suicidé en
1948 » comme le laissait penser « Rude
Pravo » l'organe du comité central
tchèque. Marché commun : nouveau
régime proposé pour l'importation de
produits algériens : droits de douane à
50% du tarif extérieur commun et
contingentement.
Viêt-nam : l'agence de presse du
F.N.L. annonce la constitution d'une
union des gouvernements révolution-
naires locaux des provinces de Hué,
Thua, Thien et de Saigon, Gia, Dinh.
Algérie : l'un des auteurs de l'attentat
contre Boumediene est arrêté. Afgha-
nistan : arrivée de M. Georges Pom-
pidou qui va examiner les moyens de
développer la coopération franco-af-
ghane. Soudan : le parti démocrate
centriste remporte les élections géné-
rales.
F.N.L. annonce la constitution d'une
union des gouvernements révolution-
naires locaux des provinces de Hué,
Thua, Thien et de Saigon, Gia, Dinh.
Algérie : l'un des auteurs de l'attentat
contre Boumediene est arrêté. Afgha-
nistan : arrivée de M. Georges Pom-
pidou qui va examiner les moyens de
développer la coopération franco-af-
ghane. Soudan : le parti démocrate
centriste remporte les élections géné-
rales.
Mercredi 8 mai
Etudiants : plus de 20.000 étudiants
manifestent à Paris dans le calme.
Assemblée nationale : débat de cinq
heures sur les événements du Quartier
Latin. Mitterrand : «Vous avez traité
l'étudiant en objet et vous avez obtenu
la violence. Cela juge votre politique. »
Deuxième transplantation cardiaque en
France à Montpellier par l'équipe du
professeur Nègre. «L'Ouest veut vi-
vre » : thème des manifestations orga-
nisées dans tout l'Ouest : grèves large-
ment suivies, défilés dans toutes les
villes
manifestent à Paris dans le calme.
Assemblée nationale : débat de cinq
heures sur les événements du Quartier
Latin. Mitterrand : «Vous avez traité
l'étudiant en objet et vous avez obtenu
la violence. Cela juge votre politique. »
Deuxième transplantation cardiaque en
France à Montpellier par l'équipe du
professeur Nègre. «L'Ouest veut vi-
vre » : thème des manifestations orga-
nisées dans tout l'Ouest : grèves large-
ment suivies, défilés dans toutes les
villes
Etats-Unis : l'assassin présumé de
Martin Luther King serait au Guate-
mala. Moscou : réunion des chefs des
cinq pays communistes qui discutent
de la démocratisation tchécoslovaque.
Canada : publication d'un livre blanc
sur la participation du Québec aux
conférences internationales sur l'éduca-
tion. Grande-Bretagne : sondage du
Daily Mail : 71 % des Anglais mé-
contents du gouvernement Wilson,
21 % satisfaits.
Martin Luther King serait au Guate-
mala. Moscou : réunion des chefs des
cinq pays communistes qui discutent
de la démocratisation tchécoslovaque.
Canada : publication d'un livre blanc
sur la participation du Québec aux
conférences internationales sur l'éduca-
tion. Grande-Bretagne : sondage du
Daily Mail : 71 % des Anglais mé-
contents du gouvernement Wilson,
21 % satisfaits.
Viêt-nam : bombardements et tirs d'ar-
tillerie à Cholon et dans l'ouest de Sai-
gon. Couvre-fea de vingt-quatre heures
sur vingt-quatre décrété. 1 5.000 sans
abri, 141 tués, 1.230 blessés civils.
Philippines : le maire de Manille exige
la fermeture des firmes japonaises opé-
rant dans le pays. Nigeria-Biafra : le
lieu des négociations, est choisi : Ka-
nyala (Ouganda). Syrie : le chef de
l'Etat propose une union militaire au
Président Nasser.
tillerie à Cholon et dans l'ouest de Sai-
gon. Couvre-fea de vingt-quatre heures
sur vingt-quatre décrété. 1 5.000 sans
abri, 141 tués, 1.230 blessés civils.
Philippines : le maire de Manille exige
la fermeture des firmes japonaises opé-
rant dans le pays. Nigeria-Biafra : le
lieu des négociations, est choisi : Ka-
nyala (Ouganda). Syrie : le chef de
l'Etat propose une union militaire au
Président Nasser.
Théâtre et Université
12 MAI. Au moment où les étudiants cassaient l'Université
bourgeoise, la troupe estudiantine de l'Aquarium présentait
« Les Héritiers » dans le cadre du Festival de Châtillon-sous-
Bagneux. Cette pièce dont nous publions un extrait, compta-
bilise les tares de la vieille Université et justifie, s'il en était
besoin, l'action des étudiants.
bourgeoise, la troupe estudiantine de l'Aquarium présentait
« Les Héritiers » dans le cadre du Festival de Châtillon-sous-
Bagneux. Cette pièce dont nous publions un extrait, compta-
bilise les tares de la vieille Université et justifie, s'il en était
besoin, l'action des étudiants.
Un professeur — Demandez le programme... Demandez le
programme...
programme...
Un autre professeur — Mesdames et messieurs, la Sor-
bonne est heureuse de vous accueillir si nombreux. Ceux qui
n'ont pas de strapontin peuvent s'asseoir sur les radiateurs.
bonne est heureuse de vous accueillir si nombreux. Ceux qui
n'ont pas de strapontin peuvent s'asseoir sur les radiateurs.
L'étudiant-ouvrier — Dégagez ! Partez ! Je passe mon
examen ici.
examen ici.
Un étudiant — Ne perds pas ton temps, il n'aura peut-êtr<-
pas lieu.
pas lieu.
L'étudiant-ouvrier — Les examens ont toujours lieu.
Les étudiants — On a décidé de les boycotter. La grève.
générale ! Plus d'examens. La liberté. Plus jamais d'exa-
mens.
générale ! Plus d'examens. La liberté. Plus jamais d'exa-
mens.
L'étudiant-ouvrier — Vous aimez palabrer, c'est votre droit.
Moi, je préfère un résultat concret à tous vos grands mots.
Je veux passer mon examen.
Moi, je préfère un résultat concret à tous vos grands mots.
Je veux passer mon examen.
Les étudiants — Un chiffon de papier, ça ne nous intéresse
pas.
pas.
L'étudiant-ouvrier — En somme, vous voulez boycotter
la chance, car l'examen est la première et la dernière chance
que l'on me donne à moi. Un ouvrier qui cherche du travail ne
fait pas la grève.
la chance, car l'examen est la première et la dernière chance
que l'on me donne à moi. Un ouvrier qui cherche du travail ne
fait pas la grève.
Les étudiants — II pactise avec le régime. Les ouvriers avec
nous.
nous.
L'étudiant-ouvrier — Vous êtes des fils à papa, pas moi.
Je sui le fils de celui qui me paie pour réussir.
Je sui le fils de celui qui me paie pour réussir.
Les étudiants — Petit bourgeois ! Tu nous combles de
joie en nous montrant ton cul, assis entre deux chaises, une
fesse avec nous, l'autre avec le pouvoir.
joie en nous montrant ton cul, assis entre deux chaises, une
fesse avec nous, l'autre avec le pouvoir.
Un dirigeant étudiant — Camarades, la camaraderie entre
les camarades ne vise pas à diviser les camarades. Elevons le
débat. En nous divisant, vous faîtes le jeu de la réaction.
Il faut s'en prendre au système. Voilà notre véritable ennemi.
Nous ne voulons plus de ces vieux vautours, de cette volaille
petite bourgeoise.
les camarades ne vise pas à diviser les camarades. Elevons le
débat. En nous divisant, vous faîtes le jeu de la réaction.
Il faut s'en prendre au système. Voilà notre véritable ennemi.
Nous ne voulons plus de ces vieux vautours, de cette volaille
petite bourgeoise.
Un professeur — Messieurs, c'est l'heure. Laissez-moi vous
maquiller. Les épreuves sont retransmises à la télévision.
Un peu plus de poudre ici ! On n'arrête pas le progrès
dans l'Université. Poudrez-vous, poudrez-vous ! La caméra
va témoigner dans le pays entier de la qualité de vos répon-
ses. Il n'y a pas plus objectif que l'œil de la caméra.
maquiller. Les épreuves sont retransmises à la télévision.
Un peu plus de poudre ici ! On n'arrête pas le progrès
dans l'Université. Poudrez-vous, poudrez-vous ! La caméra
va témoigner dans le pays entier de la qualité de vos répon-
ses. Il n'y a pas plus objectif que l'œil de la caméra.
Un autre professeur — Serrez-vous la main, serrez-vous
fraternellement la main en jurant de lutter selon l'idéal
olympique. Attention. A vos places.
fraternellement la main en jurant de lutter selon l'idéal
olympique. Attention. A vos places.
Le président du jury — Nous, président du jury, nous
jurons de juger les deux adversaires en toute impartialité,
en toute lucidité, en toute objectivité. Les questions tirées
à la loterie seront rigoureusement égales pour les deux
candidats. Je m'y engage en mon âme et conscience.
jurons de juger les deux adversaires en toute impartialité,
en toute lucidité, en toute objectivité. Les questions tirées
à la loterie seront rigoureusement égales pour les deux
candidats. Je m'y engage en mon âme et conscience.
Un professeur — Première question. Trente secondes.
Chronomètre. Premier candidat. Citez-nous les noms des
gallinacés.
Chronomètre. Premier candidat. Citez-nous les noms des
gallinacés.
L'étudiant-ouvrier — Faisan, perdrix, paon, dindon, coq,
poule, poulet, poule d'eau...
poule, poulet, poule d'eau...
Un professeur — Réponse enregistrée. Second candidat.
Chronomètre.
Chronomètre.
Un étudiant d'origine bourgeoise — Eh bien d'abord et
avant tout la poule, la poule qui est la femelle du coq
que nous citerons aussi parmi les gallinacés, la poule qui est
une excellente pondeuse à la différence du coq ainsi qu'en
témoigne le proverbe : «Si tu veux des œufs, supporte le
caquettage des poules ».
avant tout la poule, la poule qui est la femelle du coq
que nous citerons aussi parmi les gallinacés, la poule qui est
une excellente pondeuse à la différence du coq ainsi qu'en
témoigne le proverbe : «Si tu veux des œufs, supporte le
caquettage des poules ».
Un professeur — Réponse enregistrée.
Le président du jury — Nous avons remarqué l'exactitude
du premier candidat qui pêche néanmoins par son commen-
taire scolaire. En revanche, nous avons apprécié l'explication
élégante du second candidat. Dans un monde écrasant, il
a su conserver une légèreté exemplaire. Oui, la vérité sort
de la bouche de cet enfant, aussi l'accueillons-nous comme
un égal avec les honneurs mérités
du premier candidat qui pêche néanmoins par son commen-
taire scolaire. En revanche, nous avons apprécié l'explication
élégante du second candidat. Dans un monde écrasant, il
a su conserver une légèreté exemplaire. Oui, la vérité sort
de la bouche de cet enfant, aussi l'accueillons-nous comme
un égal avec les honneurs mérités
Grande-Bretagne : Powell le raciste.
8 MAI. — Un sondage effectué par le « Daily Telegraph »
a montré que 74% des Anglais approuvaient la position
prise par Enoch Powell sur l'immigration de couleur. A la
fin du mois dernier ce député conservateur, membre du
« cabinet fantôme », avait prononcé à Birmingham un dis-
cours incendiaire dénonçant la « menace » de l'immigration
de couleur. Le chef du parti conservateur avait réagi sur
le champ et exclu Powell du cabinet fantôme.
a montré que 74% des Anglais approuvaient la position
prise par Enoch Powell sur l'immigration de couleur. A la
fin du mois dernier ce député conservateur, membre du
« cabinet fantôme », avait prononcé à Birmingham un dis-
cours incendiaire dénonçant la « menace » de l'immigration
de couleur. Le chef du parti conservateur avait réagi sur
le champ et exclu Powell du cabinet fantôme.
Mais, en quelques jours, les réactions populaires mon-
trèrent que la démagogie raciste de Powell avait frappé
juste. Il recevait l'adhésion enthousiaste de la petite bour-
geoisie, comme de beaucoup de syndicats ouvriers. Conser-
vateurs et travaillistes durent reconnaître l'étendue des
préjugés racistes de la population.
trèrent que la démagogie raciste de Powell avait frappé
juste. Il recevait l'adhésion enthousiaste de la petite bour-
geoisie, comme de beaucoup de syndicats ouvriers. Conser-
vateurs et travaillistes durent reconnaître l'étendue des
préjugés racistes de la population.
Les immigrants de couleur représentent aujourd'hui 2 %
de la population de la Grande-Bretagne. Presque tous sont
arrivés depuis la guerre, en provenance des pays du Com-
monwealth, ceux d'Afrique, d'Asie et des Caraïbes.
de la population de la Grande-Bretagne. Presque tous sont
arrivés depuis la guerre, en provenance des pays du Com-
monwealth, ceux d'Afrique, d'Asie et des Caraïbes.
La plupart ont été attirés en Grande-Bretagne pour effec-
tuer certaines tâches pénibles ou peu reluisantes que les
blancs se refusaient à faire pour le salaire minimum. En
Angleterre comme ailleurs, l'afflux de travailleurs de cou-
leur a permis de maintenir les salaires de base à un niveau
déprimé.
tuer certaines tâches pénibles ou peu reluisantes que les
blancs se refusaient à faire pour le salaire minimum. En
Angleterre comme ailleurs, l'afflux de travailleurs de cou-
leur a permis de maintenir les salaires de base à un niveau
déprimé.
L'année dernière le gouvernement travailliste a commencé
à s'inquiéter du malaise raciste. Il a réduit l'immigration
de couleur à presque rien, mais s'est sagement refusé à
envisager le retour des immigrants. Il s'est prononcé au
contraire pour une assimilation progressive. Il a déposé,
au début du mois d'avril, un projet de loi destiné à lutter
contre la discrimination raciale. Ce projet fort anodin n'aurait
pas changé grand-chose. Il a donné à Enoch Powell l'occa-
sion de faire sa profession de foi raciste. Le succès popu-
laire de Powell est un avertissement.
à s'inquiéter du malaise raciste. Il a réduit l'immigration
de couleur à presque rien, mais s'est sagement refusé à
envisager le retour des immigrants. Il s'est prononcé au
contraire pour une assimilation progressive. Il a déposé,
au début du mois d'avril, un projet de loi destiné à lutter
contre la discrimination raciale. Ce projet fort anodin n'aurait
pas changé grand-chose. Il a donné à Enoch Powell l'occa-
sion de faire sa profession de foi raciste. Le succès popu-
laire de Powell est un avertissement.
france
monde
tiers-monde
Jeudi 9 mai
Etudiants : les autorités universitaires
décident puis annulent la réouverture
de la Sorbonne. La faculté de Nan-
terre est ouverte. Le mouvement de
grève s'étend en province. Assemblée
nationale : discussion sur le collectif
de la loi de finances. Mendès-France :
« Le gouvernement s'est privé de
moyens d'action sur la conjoncture. »
René Pleven : « L'expansion ne doit plus
être sacrifiée à la stabilité. »
décident puis annulent la réouverture
de la Sorbonne. La faculté de Nan-
terre est ouverte. Le mouvement de
grève s'étend en province. Assemblée
nationale : discussion sur le collectif
de la loi de finances. Mendès-France :
« Le gouvernement s'est privé de
moyens d'action sur la conjoncture. »
René Pleven : « L'expansion ne doit plus
être sacrifiée à la stabilité. »
Pologne : mouvements de troupes so-
viétiques à proximité de la frontière
tchécoslovaque. Angleterre : défaite
sans précédent pour le parti travailliste
aux élections municipales. Etats-Unis :
Rockfeller : « Le peuple viêt-namien a
le droit de choisir un gouvernement
communiste s'il le désire. » Le parti
communiste américain présentera un
candidat à la Présidence.
viétiques à proximité de la frontière
tchécoslovaque. Angleterre : défaite
sans précédent pour le parti travailliste
aux élections municipales. Etats-Unis :
Rockfeller : « Le peuple viêt-namien a
le droit de choisir un gouvernement
communiste s'il le désire. » Le parti
communiste américain présentera un
candidat à la Présidence.
Viêt-nam : la situation s'aggrave à quel-
ques heures de l'ouverture des négo-
ciations de Paris. Saigon : la bataille
fait rage. Durs combats dans le nord du
pays à Hué, Da-nang, Quang Tri. Nige-
ria : violents bombardements à proximi-
té de Port-Harcourt et d'Aba : 1 50 civils
tués. Proche-Orient : M. Jarring pour-
suivra sa mission à New York avec
l'accord de la R.A.U., de la Jordanie
et d'Israël.
ques heures de l'ouverture des négo-
ciations de Paris. Saigon : la bataille
fait rage. Durs combats dans le nord du
pays à Hué, Da-nang, Quang Tri. Nige-
ria : violents bombardements à proximi-
té de Port-Harcourt et d'Aba : 1 50 civils
tués. Proche-Orient : M. Jarring pour-
suivra sa mission à New York avec
l'accord de la R.A.U., de la Jordanie
et d'Israël.
Vendredi 10 mai
Etudiants : nuit des barricades au
Quartier Latin. 367 blessés, 460 inter-
pellations, 188 voitures endommagées.
Greffe du cœur : l'opéré de Montpellier
meurt. Il n'avait jamais repris conscien-
ce depuis l'opération. Treize transplan-
tations cardiaques ont été réalisées
dans le monde, neuf opérés sont morts.
Assemblée nationale : le collectif bud-
gétaire est voté. Conférence de Paris :
ouverture des pourparlers américano-
viêt-namiens
Quartier Latin. 367 blessés, 460 inter-
pellations, 188 voitures endommagées.
Greffe du cœur : l'opéré de Montpellier
meurt. Il n'avait jamais repris conscien-
ce depuis l'opération. Treize transplan-
tations cardiaques ont été réalisées
dans le monde, neuf opérés sont morts.
Assemblée nationale : le collectif bud-
gétaire est voté. Conférence de Paris :
ouverture des pourparlers américano-
viêt-namiens
Pologne : les mouvements de troupes
soviétiques font partie des manœuvres
du Pacte de Varsovie. Moscou : les
« Izvestia » accusent les partisans de la
démocratisation de faire le jeu des en-
nemis du socialisme. Tchécoslovaquie :
« Nous sommes décidés à construire un
nouveau type de démocratie socialiste »
affirment les dirigeants de Prague.
soviétiques font partie des manœuvres
du Pacte de Varsovie. Moscou : les
« Izvestia » accusent les partisans de la
démocratisation de faire le jeu des en-
nemis du socialisme. Tchécoslovaquie :
« Nous sommes décidés à construire un
nouveau type de démocratie socialiste »
affirment les dirigeants de Prague.
Viêt-nam : calme relatif à Saigon, les
réfugiés regagnent leur quartier.
Egypte : « le Caire ne subordonne pas
à l'évacuation des territoires occupés,
l'acceptation de la résolution du Conseil
de Sécurité pour un règlement israélo-
arabe » déclare le ministre des Affaires
étrangères au journal «le Monde».
Cameroun : Johnny Halliday est expul-
sé : il a frappé le chargé d'affaires de la
République centrafricaine.
réfugiés regagnent leur quartier.
Egypte : « le Caire ne subordonne pas
à l'évacuation des territoires occupés,
l'acceptation de la résolution du Conseil
de Sécurité pour un règlement israélo-
arabe » déclare le ministre des Affaires
étrangères au journal «le Monde».
Cameroun : Johnny Halliday est expul-
sé : il a frappé le chargé d'affaires de la
République centrafricaine.
Samedi 11 mai
Etudiants : après la nuit des barricades,
la C.G.T., la C.F.D.T., la F.E.N. lancent
un appel à la grève générale le lundi 13
mai. Pompidou arrive à Paris et fait
une allocution radio-télédiffusée pro-
mettant la réouverture des facultés, la
libération des étudiants condamnés et
une réforme de l'Université.
la C.G.T., la C.F.D.T., la F.E.N. lancent
un appel à la grève générale le lundi 13
mai. Pompidou arrive à Paris et fait
une allocution radio-télédiffusée pro-
mettant la réouverture des facultés, la
libération des étudiants condamnés et
une réforme de l'Université.
Allemagne Fédérale : cinquante mille
manifestants pour la marche sur Bonn
contre la législation d'exception. Mos-
cou : réunion au sommet entre les chefs
des partis soviétique, hongrois, polo-
nais, est-allemand et bulgare. La Tché-
coslovaquie n'était pas présente.
manifestants pour la marche sur Bonn
contre la législation d'exception. Mos-
cou : réunion au sommet entre les chefs
des partis soviétique, hongrois, polo-
nais, est-allemand et bulgare. La Tché-
coslovaquie n'était pas présente.
Viêt-nam : huitième jour de la seconde
offensive du front. Intervention mas-
sive de l'aviation américaine à Saigon.
150.000 sans abri, de nombreux bles-
sés et tués. Violents combats autour de
la base de Dong-Ha sur le front du
nord. Proche-Orient : incident de fron-
tière israélo-libanais.
offensive du front. Intervention mas-
sive de l'aviation américaine à Saigon.
150.000 sans abri, de nombreux bles-
sés et tués. Violents combats autour de
la base de Dong-Ha sur le front du
nord. Proche-Orient : incident de fron-
tière israélo-libanais.
Dimanche 12 mai
Etudiants : après huit heures de dis-
cussion, syndicats étudiants et ouvriers
organisent une manifestation commune
de la République à Denfert-Rochereau
lundi 13 mai à 15 h 30. Troisième
greffe du cœur en France.
cussion, syndicats étudiants et ouvriers
organisent une manifestation commune
de la République à Denfert-Rochereau
lundi 13 mai à 15 h 30. Troisième
greffe du cœur en France.
Etats-Unis : l'avant-garde de la «mar-
che des pauvres » arrive à Washing-
ton : 2.000 à 3.000 personnes condui-
tes par la veuve de Martin Luther King.
U Thant : « les raids américains contre
le Viêt-nam sont d'une moralité contes-
table et d'une légalité douteuse ».
che des pauvres » arrive à Washing-
ton : 2.000 à 3.000 personnes condui-
tes par la veuve de Martin Luther King.
U Thant : « les raids américains contre
le Viêt-nam sont d'une moralité contes-
table et d'une légalité douteuse ».
Viêt-nam : le grand pont en Y qui relie
Saigon à la base américaine de Bien
Hoa est en partie détruit. Plusieurs
bases américaines bombardées : Da-
nang, Long Binh, Bien Hoa, Tan Son
Nhut. Sept avions américains abattus
près du 1 9e parallèle au Nord Viêt-nam.
Saigon à la base américaine de Bien
Hoa est en partie détruit. Plusieurs
bases américaines bombardées : Da-
nang, Long Binh, Bien Hoa, Tan Son
Nhut. Sept avions américains abattus
près du 1 9e parallèle au Nord Viêt-nam.
Lundi 13 mai
« Dix ans, ça surfit » : plus de cinq cent
mille étudiants et ouvriers manifestent
de la République à Denfert-Rochereau
en protestant contre le régime. En fin
de soirée, la Sorbonne est occupée
par les étudiants. Conférence de Paris :
ouverture officielle des négociations
américano-viêt-namiennes dans une
atmosphère cordiale. Etudiants : tous
les manifestants, étudiants et non étu-
diants, sont libérés.
mille étudiants et ouvriers manifestent
de la République à Denfert-Rochereau
en protestant contre le régime. En fin
de soirée, la Sorbonne est occupée
par les étudiants. Conférence de Paris :
ouverture officielle des négociations
américano-viêt-namiennes dans une
atmosphère cordiale. Etudiants : tous
les manifestants, étudiants et non étu-
diants, sont libérés.
Espagne : assemblée libre à la faculté
des sciences de Madrid : des milliers
d'ouvriers et d'étudiants discutent de la
situation économique et sociale. Grèce :
abolition de la censure pour quatre
quotidiens. Londres : nouvelle baisse
de la livre sterling. Les mines d'or sont
en hausse.
des sciences de Madrid : des milliers
d'ouvriers et d'étudiants discutent de la
situation économique et sociale. Grèce :
abolition de la censure pour quatre
quotidiens. Londres : nouvelle baisse
de la livre sterling. Les mines d'or sont
en hausse.
Viêt-nam : d'après le commandement
américain « l'attaque a été complète-
ment repoussée ». Un camp de forces
spéciales américaines à Kham-Duc doit
cependant être évacué. Panama : gra-
ves incidents au lendemain de l'élection
présidentielle : 2 tués, plusieurs blessés
parmi les manifestants qui condamnent
la «fraude manifeste» et «l'interven-
tion de la garde nationale dans le scru-
tin ».
américain « l'attaque a été complète-
ment repoussée ». Un camp de forces
spéciales américaines à Kham-Duc doit
cependant être évacué. Panama : gra-
ves incidents au lendemain de l'élection
présidentielle : 2 tués, plusieurs blessés
parmi les manifestants qui condamnent
la «fraude manifeste» et «l'interven-
tion de la garde nationale dans le scru-
tin ».
Tourisme : l'Iran et l'Afghanistan
11 MAI. — Georges Pompidou est rentré d'une tournée
d'amitié à travers l'Iran et l'Afghanistan.
d'amitié à travers l'Iran et l'Afghanistan.
L'Iran, 1.645.000 km2 et 34 millions d'habitants, fut un
Empire prestigieux dans l'Antiquité et jusqu'au Moyen-Age.
Après des siècles de décadence, il semble avoir touché le
fond au début de ce siècle. Seule l'épopée plus ou moins
légendaire du « Livre des rois » de Firdousi restait un trait
d'union entre les tribus et les provinces qui croupissaient
dans la misère et l'ignorance. Depuis 20 ans le pays se
relève lentement. Mais l'économie moderne n'y touche
enc.ore qu'une couche très mince de la population et pres-
que tous les habitants de plus de 40 ans sont illettrés.
Empire prestigieux dans l'Antiquité et jusqu'au Moyen-Age.
Après des siècles de décadence, il semble avoir touché le
fond au début de ce siècle. Seule l'épopée plus ou moins
légendaire du « Livre des rois » de Firdousi restait un trait
d'union entre les tribus et les provinces qui croupissaient
dans la misère et l'ignorance. Depuis 20 ans le pays se
relève lentement. Mais l'économie moderne n'y touche
enc.ore qu'une couche très mince de la population et pres-
que tous les habitants de plus de 40 ans sont illettrés.
La terre d'Iran repose sur un véritable océan de pétrole.
Depuis le siècle dernier les Anglais en ont contrôlé l'exploi-
tation pour leur profit personnel. Depuis peu l'Iran a recou-
vré une certaine marge de liberté pour exploiter ses res-
sources naturelles.
Depuis le siècle dernier les Anglais en ont contrôlé l'exploi-
tation pour leur profit personnel. Depuis peu l'Iran a recou-
vré une certaine marge de liberté pour exploiter ses res-
sources naturelles.
Le groupe gouvernemental français E.R.A.P. est à la tète
du consortium de pétroliers européens indépendants qui
cherche à obtenir des droits d'exploitation sur certaines
zones du territoire iranien. Les Français cherchent éga-
lement à renforcer leur position culturelle. Avant la guerre,
les quelque milliers d'Iraniens cultivés parlaient tous le
français.
du consortium de pétroliers européens indépendants qui
cherche à obtenir des droits d'exploitation sur certaines
zones du territoire iranien. Les Français cherchent éga-
lement à renforcer leur position culturelle. Avant la guerre,
les quelque milliers d'Iraniens cultivés parlaient tous le
français.
Depuis, l'anglais ou plus exactement l'américain a tout
envahi. Mais la culture française garde la faveur d'une cer-
taine élite et le Premier ministre iranien a suggéré la création
d'une Université française à Téhéran.
envahi. Mais la culture française garde la faveur d'une cer-
taine élite et le Premier ministre iranien a suggéré la création
d'une Université française à Téhéran.
Au-delà de l'Iran, entre l'Union soviétique et le Pakistan,
Georges Pompidou a découvert l'Afghanistan, 650 000 km2
et 13 millions d'habitants. C'est un pays de hauts plateaux
avec quelques vallées paradisiaques. Dans l'ensemble il est
isolé, arriéré et desséché. La population est encore en grande
partie à l'état tribal. La France n'a guère d'intérêts écono-
miques dans ce pays encore très primitif. Mais la minuscule
élite locale reste attirée par ce qui est français.
Georges Pompidou a découvert l'Afghanistan, 650 000 km2
et 13 millions d'habitants. C'est un pays de hauts plateaux
avec quelques vallées paradisiaques. Dans l'ensemble il est
isolé, arriéré et desséché. La population est encore en grande
partie à l'état tribal. La France n'a guère d'intérêts écono-
miques dans ce pays encore très primitif. Mais la minuscule
élite locale reste attirée par ce qui est français.
A son retour, Georges Pompidou a parlé du prestige de la
France dans ces lointains pays. Il faut faire la part de la
rhétorique. En fait l'Iran est dominé par les Anglo-Saxons
et l'Afghanistan par les Soviétiques. Mais il est bien vrai
que dans ces deux pays tout le monde désire développer
les rapports avec la France et sur tous les plans.
France dans ces lointains pays. Il faut faire la part de la
rhétorique. En fait l'Iran est dominé par les Anglo-Saxons
et l'Afghanistan par les Soviétiques. Mais il est bien vrai
que dans ces deux pays tout le monde désire développer
les rapports avec la France et sur tous les plans.
La raison en est simple. La France est un pays avancé
de vieille culture, mais n'est plus une grande puissance.
Elle ne fait plus peur, alors que tous les Iraniens et Afghans
lucides se méfient de l'Union soviétique trop proche et des
Etats-Unis trop envahissants.
de vieille culture, mais n'est plus une grande puissance.
Elle ne fait plus peur, alors que tous les Iraniens et Afghans
lucides se méfient de l'Union soviétique trop proche et des
Etats-Unis trop envahissants.
Etats-Unis : la marche des pauvres.
18 MAI. — Depuis déjà deux semaines les participants à la
«Marche des pauvres» s'installent à Washington. Ils arri-
vent par petits groupes, à pied, en voiture à chevaux, en
automobile, en train, etc. Ils ne sont encore que quelques
centaines, mais ils seront bientôt des milliers.
«Marche des pauvres» s'installent à Washington. Ils arri-
vent par petits groupes, à pied, en voiture à chevaux, en
automobile, en train, etc. Ils ne sont encore que quelques
centaines, mais ils seront bientôt des milliers.
Le pasteur Martin Luther King préparait cette manifes-
tation depuis plusieurs mois. Après son assassinat c'est le
révérend Ralph Abernathy qui a pris la direction de la
marche. Il s'agit toujours d'amener dans la capitale les
pauvres de tous les coins des Etats-Unis et de les faire
camper sur les bords du Potomac, à petite distance de la
tation depuis plusieurs mois. Après son assassinat c'est le
révérend Ralph Abernathy qui a pris la direction de la
marche. Il s'agit toujours d'amener dans la capitale les
pauvres de tous les coins des Etats-Unis et de les faire
camper sur les bords du Potomac, à petite distance de la
Maison Blanche, jusqu'à ce que le Congrès vote un pro-
gramme de suppression du paupérisme.
gramme de suppression du paupérisme.
Le mouvement n'est donc pas limité aux Noirs. En fait,
les quatre cinquièmes des marcheurs sont Noirs. Ceux-ci
ne représentent que 11 à 12 % de la population mais ils
comptent à eux seuls plus de vrais pauvres que tout le reste
de la nation.
les quatre cinquièmes des marcheurs sont Noirs. Ceux-ci
ne représentent que 11 à 12 % de la population mais ils
comptent à eux seuls plus de vrais pauvres que tout le reste
de la nation.
Abernathy et les autres leaders de la marche étaient ar-
rivés à Washington avant le 1er mai. Ils avaient conscien-
cieusement exposé leur programme et leurs demandes aux
responsables de l'administration et aux membres du Congrès.
Leurs demandes s'inspirent en partie des conclusions du
rapport de la commission Kerner-Lindsay (1). Les fonction-
naires fédéraux les ont chiffrées très approximativement.
Elles exigeraient plus de 20 milliards de dollars par an. Tout
le monde a été poli mais les membres du Congrès et de
l'administration n'ont pas caché que ce programme n'avait
pas la moindre chance d'aboutir. Au moment où le Congrès
s'efforce de réduire les dépenses, il n'est pas question
d'envisager un tel effort.
rivés à Washington avant le 1er mai. Ils avaient conscien-
cieusement exposé leur programme et leurs demandes aux
responsables de l'administration et aux membres du Congrès.
Leurs demandes s'inspirent en partie des conclusions du
rapport de la commission Kerner-Lindsay (1). Les fonction-
naires fédéraux les ont chiffrées très approximativement.
Elles exigeraient plus de 20 milliards de dollars par an. Tout
le monde a été poli mais les membres du Congrès et de
l'administration n'ont pas caché que ce programme n'avait
pas la moindre chance d'aboutir. Au moment où le Congrès
s'efforce de réduire les dépenses, il n'est pas question
d'envisager un tel effort.
En attendant, les pauvres continuent à arriver pour s'ex-
poser comme reproche vivant à la civilisation américaine.
Leur terrain de campement, c'est la « Cité de la Résurrec-
tion ». Tout y est calme pour le moment, mais qu'arrivera^
t-il quand il y aura beaucoup plus de marcheurs due le camp
ne peut en contenir ? Y aura-t-il alors une explosion de
violence en dépit des mots d'ordre de non-violence du
mouvement ?
poser comme reproche vivant à la civilisation américaine.
Leur terrain de campement, c'est la « Cité de la Résurrec-
tion ». Tout y est calme pour le moment, mais qu'arrivera^
t-il quand il y aura beaucoup plus de marcheurs due le camp
ne peut en contenir ? Y aura-t-il alors une explosion de
violence en dépit des mots d'ordre de non-violence du
mouvement ?
Depuis les émeutes qui ont suivi la mort de Martin Luther
King, les quartiers noirs de Washington n'ont pas retrouvé
le calme. Les incendies volontaires et les pillages de maga-
sins sont devenus monnaie courante. Avec la chaleur de
l'été, les Noirs vont se trouver de plus en plus nombreux
dans la rue. Cela multipliera les occasions de heurt avec
la police. Dans ces conditions les autorités ne voient pas
sans inquiétude le gonflement des effectifs de la Cité de
la Résurrection.
King, les quartiers noirs de Washington n'ont pas retrouvé
le calme. Les incendies volontaires et les pillages de maga-
sins sont devenus monnaie courante. Avec la chaleur de
l'été, les Noirs vont se trouver de plus en plus nombreux
dans la rue. Cela multipliera les occasions de heurt avec
la police. Dans ces conditions les autorités ne voient pas
sans inquiétude le gonflement des effectifs de la Cité de
la Résurrection.
Toutes les précautions ont été prises. En dehors de
la police, une force d'intervention de 16000 hommes est
sur pied de guerre à la lisière de la capitale.
la police, une force d'intervention de 16000 hommes est
sur pied de guerre à la lisière de la capitale.
Abernathy et ses amis restent inflexibles. Ils maintien-
dront leurs consignes de non-violence mais soutiendront
leur siège pacifique tant qu'il faudra. Cependant, si les
marcheurs lassés finissaient par se disperser sans avoir
rien obtenu, tout le mouvement de non-violence en subirait
le contrecoup, et Abernathy n'a pas le prestige de Luther
King. La parole passerait définitivement aux durs de la
révolte noire, à Carmichael et aux autres.
dront leurs consignes de non-violence mais soutiendront
leur siège pacifique tant qu'il faudra. Cependant, si les
marcheurs lassés finissaient par se disperser sans avoir
rien obtenu, tout le mouvement de non-violence en subirait
le contrecoup, et Abernathy n'a pas le prestige de Luther
King. La parole passerait définitivement aux durs de la
révolte noire, à Carmichael et aux autres.
(1) L'événement n° 27, avril 1968 : Vers la guerre civile.
france
monde
tiers-monde
Mardi 14 mai
De Gaulle en voyage officiel en Rou-
manie : c'est la troisième fois qu'il se
rend en voyage dans l'Est européen
après ses voyages en U.R.S.S. et en
Pologne. Assemblée Nationale :
débat sur les événements du Quartier
Latin et la crise de l'Université. Pompi-
dou : « Je fais appel à la coopération
de tous et d'abord des étudiants. »
Mitterrand : « II est grand temps que le
gouvernement s'en aille. » De nom-
breuses facultés occupées.
manie : c'est la troisième fois qu'il se
rend en voyage dans l'Est européen
après ses voyages en U.R.S.S. et en
Pologne. Assemblée Nationale :
débat sur les événements du Quartier
Latin et la crise de l'Université. Pompi-
dou : « Je fais appel à la coopération
de tous et d'abord des étudiants. »
Mitterrand : « II est grand temps que le
gouvernement s'en aille. » De nom-
breuses facultés occupées.
Etats-Unis : 53 % des suffrages pour
Robert Kennedy aux élections primaires
de Nebraska contre 31 % à Me Carthy.
Crise soviéto-tchèque : un journal de
Moscou accuse le président Masaryk,
fondateur de la république tchèque,
d'avoir voulu faire assassiner Lénine.
Italie : l'Université de Milan est occupée
dans la nuit par les étudiants. Angle-
terre : déficit « assez considérable »
de la balance des paiements, déclare
la Trésorerie britannique.
Robert Kennedy aux élections primaires
de Nebraska contre 31 % à Me Carthy.
Crise soviéto-tchèque : un journal de
Moscou accuse le président Masaryk,
fondateur de la république tchèque,
d'avoir voulu faire assassiner Lénine.
Italie : l'Université de Milan est occupée
dans la nuit par les étudiants. Angle-
terre : déficit « assez considérable »
de la balance des paiements, déclare
la Trésorerie britannique.
Viêt-nam : durs combats autour de
Da-nang et de Chu Lai. Les bombarde-
ments contre le Nord Viêt-nam entre
le 17e et le 19e parallèle continuent à
un rythme soutenu. Algérie : nationa-
lisation du marché des produits
pétroliers. Yemen du Sud : mouve-
ments insurrectionnels dans trois
régions de la jeune république popu-
laire. La Côte-d'lvoire reconnaît l'état
sécessionniste du Biafra.
Da-nang et de Chu Lai. Les bombarde-
ments contre le Nord Viêt-nam entre
le 17e et le 19e parallèle continuent à
un rythme soutenu. Algérie : nationa-
lisation du marché des produits
pétroliers. Yemen du Sud : mouve-
ments insurrectionnels dans trois
régions de la jeune république popu-
laire. La Côte-d'lvoire reconnaît l'état
sécessionniste du Biafra.
Mercredi 15 mai
Etudiants : après la Sorbonne, le théâ-
tre de l'Odéon est occupé. Le mouve-
ment de contestation s'étend à Paris
et en province. L'usine Renault de
Cléon est occupée par les ouvriers.
Conférence de Paris : deuxième journée
des négociations. Harriman « II est
clair que l'agresseur est le Viêt-nam
du Nord. » Xuan Thuy : « Les agresseurs
sont les Etats-Unis, ils doivent faire
preuve de bonne volonté. »
tre de l'Odéon est occupé. Le mouve-
ment de contestation s'étend à Paris
et en province. L'usine Renault de
Cléon est occupée par les ouvriers.
Conférence de Paris : deuxième journée
des négociations. Harriman « II est
clair que l'agresseur est le Viêt-nam
du Nord. » Xuan Thuy : « Les agresseurs
sont les Etats-Unis, ils doivent faire
preuve de bonne volonté. »
Tchécoslovaquie : le président du
Parlement affirme « qu'aucune force
étrangère ou intérieure ne nous obli-
gera à dévier de la voie qui conduit à
une société socialiste, humanitaire et
démocratique. » La polémique entre
journaux soviétiques et tchèques
continue. Pologne : nouveau poste
pour les « partisans », le général
Pietrzak, ami du général Moczar, est
promu vice-ministre de l'intérieur.
Londres : hausse du prix de l'or :
41 dollars 50 l'once.
Parlement affirme « qu'aucune force
étrangère ou intérieure ne nous obli-
gera à dévier de la voie qui conduit à
une société socialiste, humanitaire et
démocratique. » La polémique entre
journaux soviétiques et tchèques
continue. Pologne : nouveau poste
pour les « partisans », le général
Pietrzak, ami du général Moczar, est
promu vice-ministre de l'intérieur.
Londres : hausse du prix de l'or :
41 dollars 50 l'once.
Viêt-nam : nouvelle offensive du F.N.L.
sur Cholon, Bien Hoa et sept chefs-
lieux de province ; un camp de forces
spéciales près de la frontière cambod-
gienne est anéanti ; 111 missions de
bombardement contre le nord. Bolivie :
le général Barrientos annonce le trans-
fert de Régis Debray et Ciro Bustos
« dans un endroit plus chaud ». Proche-
Orient : le vingtième anniversaire du
partage de la Palestine donne lieu à
des manifestations dans diverses
.capitales arabes.
sur Cholon, Bien Hoa et sept chefs-
lieux de province ; un camp de forces
spéciales près de la frontière cambod-
gienne est anéanti ; 111 missions de
bombardement contre le nord. Bolivie :
le général Barrientos annonce le trans-
fert de Régis Debray et Ciro Bustos
« dans un endroit plus chaud ». Proche-
Orient : le vingtième anniversaire du
partage de la Palestine donne lieu à
des manifestations dans diverses
.capitales arabes.
Jeudi 16 mai
Grèves : le mouvement d'occupation
d'usines et de grèves s'étend. Seconde
allocution de Pompidou : « Le gouver-
nement fera son devoir. Il vous de-
mande de l'aider. » Conférence de
Paris : M. Harriman, délégué américain,
dans une interview accordée à des
chaînes de télévision américaines,
insiste sur « la possibilité d'une relance
de la négociation grâce à un accord sur
le statut de la zone démilitarisée sépa-
rant les deux Viêt-nam. »
d'usines et de grèves s'étend. Seconde
allocution de Pompidou : « Le gouver-
nement fera son devoir. Il vous de-
mande de l'aider. » Conférence de
Paris : M. Harriman, délégué américain,
dans une interview accordée à des
chaînes de télévision américaines,
insiste sur « la possibilité d'une relance
de la négociation grâce à un accord sur
le statut de la zone démilitarisée sépa-
rant les deux Viêt-nam. »
Roumanie : « Comment vont les choses
chez vous ? », le général de Gaulle
prend un bain de foule. Il invite
M. Ceaucescu, chef de l'Etat roumain
à effectuer une visite officielle en
France. Italie : fort déficit de la balance
des paiements : 113 millions de dollars
en trois mois. Espagne procès à huis
clos contre des dirigeants de commis-
sions ouvrières.
chez vous ? », le général de Gaulle
prend un bain de foule. Il invite
M. Ceaucescu, chef de l'Etat roumain
à effectuer une visite officielle en
France. Italie : fort déficit de la balance
des paiements : 113 millions de dollars
en trois mois. Espagne procès à huis
clos contre des dirigeants de commis-
sions ouvrières.
Viêt-nam : bilan très lourd des pertes
américaines pendant la semaine du
4 au 11 mai : 562 tués, 2 225 blessés.
Le Front lance plusieurs attaques sur
les Hauts plateaux dans le nord du
pays. Sénégal : inauguration à M'bao
de la première usine d'engrais de
l'Afrique francophone — capacité de
production : 130 000 tonnes. Daho-
mey : les syndicats lancent un ordre
de grève générale.
américaines pendant la semaine du
4 au 11 mai : 562 tués, 2 225 blessés.
Le Front lance plusieurs attaques sur
les Hauts plateaux dans le nord du
pays. Sénégal : inauguration à M'bao
de la première usine d'engrais de
l'Afrique francophone — capacité de
production : 130 000 tonnes. Daho-
mey : les syndicats lancent un ordre
de grève générale.
Vendredi 17 mai
Grèves : le mouvement s'étend au
secteur public : S.N.C.F., navigation
aérienne. Le mouvement fait tache
d'huile dans le secteur privé. C.G.T. :
conférence de presse de Georges Sé-
guy, secrétaire général : pas d'ordre
de grève générale illimitée, mise en
garde contre l'aventurisme et les tenta-
tives d'immixtion extérieure dans les
luttes ouvrières, défense des justes
revendications des travailleurs. Pay-
sans : journée d'avertissement le
24 mai décident la F.N.S.E.A. et le
M.O.D.E.F.
secteur public : S.N.C.F., navigation
aérienne. Le mouvement fait tache
d'huile dans le secteur privé. C.G.T. :
conférence de presse de Georges Sé-
guy, secrétaire général : pas d'ordre
de grève générale illimitée, mise en
garde contre l'aventurisme et les tenta-
tives d'immixtion extérieure dans les
luttes ouvrières, défense des justes
revendications des travailleurs. Pay-
sans : journée d'avertissement le
24 mai décident la F.N.S.E.A. et le
M.O.D.E.F.
Tchécoslovaquie : le ministre sovié-
tique de la Défense, le maréchal
Gretchko, vient « faire connaissance
avec la nouvelle direction de l'armée
tchèque, procéder à un échange de
vues, discuter des problèmes com-
muns. » Quelques heures plus tard,
c'est au tour de M. Kossyguine d'atter-
rir à Prague. Espagne : le premier
satellite européen Esro 2 est lancé
avec succès de la base américaine de
Vandenberg. Londres : le prix de l'or
continue à monter. La livre sterling
est au plus bas.
tique de la Défense, le maréchal
Gretchko, vient « faire connaissance
avec la nouvelle direction de l'armée
tchèque, procéder à un échange de
vues, discuter des problèmes com-
muns. » Quelques heures plus tard,
c'est au tour de M. Kossyguine d'atter-
rir à Prague. Espagne : le premier
satellite européen Esro 2 est lancé
avec succès de la base américaine de
Vandenberg. Londres : le prix de l'or
continue à monter. La livre sterling
est au plus bas.
Viêt-nam : Hanoi dresse le bilan, de
la seconde offensive du Front : 27
aéroports attaqués, 1 000 véhicules
blindés détruits, plusieurs douzaines de
bateaux de guerre endommagés ou
coulés, grande quantité de matériel
de guerre pris à l'ennemi. Alger :
réforme de l'Université annoncée.
El Moudjahid : « produit d'une civili-
sation occidentale adaptée à un
contexte politique capitaliste l'ensei-
gnement actuel constitue un frein à
notre marche révolutionnaire ».
la seconde offensive du Front : 27
aéroports attaqués, 1 000 véhicules
blindés détruits, plusieurs douzaines de
bateaux de guerre endommagés ou
coulés, grande quantité de matériel
de guerre pris à l'ennemi. Alger :
réforme de l'Université annoncée.
El Moudjahid : « produit d'une civili-
sation occidentale adaptée à un
contexte politique capitaliste l'ensei-
gnement actuel constitue un frein à
notre marche révolutionnaire ».
8
De Gaulle en Roumanie.
14 MAI. — De son arrivée à Bucarest à son retour à Paris
dans la nuit du 18 mai, le général de Gaulle a été de récep-
tion en réception, dans une atmosphère de fête, au milieu
de foules joyeuses. Le 16 mai il a visité Craiova à 300 km
de la capitale. Le lendemain il est rentré par la route avec
de multiples arrêts, au milieu de fêtes champêtres, baigné
dans le folklore roumain. Le 18 au matin, il s'est mêlé aux
étudiants de l'Université de Bucarest. Il a évoqué à cette
occasion les troubles universitaires de France en faisant une
comparaison d'ailleurs inexacte.
dans la nuit du 18 mai, le général de Gaulle a été de récep-
tion en réception, dans une atmosphère de fête, au milieu
de foules joyeuses. Le 16 mai il a visité Craiova à 300 km
de la capitale. Le lendemain il est rentré par la route avec
de multiples arrêts, au milieu de fêtes champêtres, baigné
dans le folklore roumain. Le 18 au matin, il s'est mêlé aux
étudiants de l'Université de Bucarest. Il a évoqué à cette
occasion les troubles universitaires de France en faisant une
comparaison d'ailleurs inexacte.
Pendant tout son séjour, le général a gardé un calme olym-
pien et n'a rien laissé voir des soucis d'un homme d'Etat
contre lequel la moitié de son pays se révolte. Le malaise
a été bien dissimulé, mais il était sous-jacent. La presse et
la radio roumaines étaient discrètes mais beaucoup de
Roumains connaissent le français et écoutent les émissions
de France.
pien et n'a rien laissé voir des soucis d'un homme d'Etat
contre lequel la moitié de son pays se révolte. Le malaise
a été bien dissimulé, mais il était sous-jacent. La presse et
la radio roumaines étaient discrètes mais beaucoup de
Roumains connaissent le français et écoutent les émissions
de France.
Pour le général, c'était une malchance. En effet, la
Roumanie est'le pays de l'Est le plus proche de la France,
et l'enthousiasme de la population était tout à fait authen-
tique.
Roumanie est'le pays de l'Est le plus proche de la France,
et l'enthousiasme de la population était tout à fait authen-
tique.
Ce pays de 235000 km2 et 19 millions d'habitants est
un îlot latin entouré de slaves ou de magyars. Cette latinité
a survécu à toutes les dominations y compris celle de Otto-
mans, l'a plus longue de toutes. Elle n'est pas totale, la
langue roumaine comprend un quart de mots slaves et les
marques byzantines et slaves se retrouvent un peu partout.
un îlot latin entouré de slaves ou de magyars. Cette latinité
a survécu à toutes les dominations y compris celle de Otto-
mans, l'a plus longue de toutes. Elle n'est pas totale, la
langue roumaine comprend un quart de mots slaves et les
marques byzantines et slaves se retrouvent un peu partout.
L'histoire de la Roumanie a été très mouvementée mais
le pays n'a jamais manqué d'hommes d'Etat habiles, trop
habiles parfois. Resté très arriéré jusqu'à la dernière guerre,
il est devenu aujourd'hui un pays moderne en pleine expan-
sion. Le régime est entièrement socialiste-mais il a pris ses
distances à l'égard de l'Union soviétique. Il faut dire que sa
richesse agricole, exceptionnelle en Europe orientale, et ses
ressources pétrolières lui assurent une indépendance écono-
mique appréciable.
le pays n'a jamais manqué d'hommes d'Etat habiles, trop
habiles parfois. Resté très arriéré jusqu'à la dernière guerre,
il est devenu aujourd'hui un pays moderne en pleine expan-
sion. Le régime est entièrement socialiste-mais il a pris ses
distances à l'égard de l'Union soviétique. Il faut dire que sa
richesse agricole, exceptionnelle en Europe orientale, et ses
ressources pétrolières lui assurent une indépendance écono-
mique appréciable.
Les relations économiques avec la France restent très
modestes. La Roumanie s'efforce de développer ses échan-
ges avec l'Occident, mais l'Allemagne, par exemple, est
mieux placée que notre pays. C'est dans le domaine culturel
que la France a les meilleurs atouts.
modestes. La Roumanie s'efforce de développer ses échan-
ges avec l'Occident, mais l'Allemagne, par exemple, est
mieux placée que notre pays. C'est dans le domaine culturel
que la France a les meilleurs atouts.
Bien entendu le général de Gaulle a insisté sur le thème
de l'indépendance nationale. Sur ce plan, le Premier roumain
Ceaucescu avait des vues identiques. Néanmoins, les deux
hommes d'Etat se sont gardés de toute allusion qui puisse
déplaire à l'Union soviétique. Ceaucescu a par ailleurs fait
remarquer que l'Allemagne de l'Est constituait un autre
Etat allemand tout aussi légitime que celui de l'Ouest.
De Gaulle n'a pas relevé la remarque.
de l'indépendance nationale. Sur ce plan, le Premier roumain
Ceaucescu avait des vues identiques. Néanmoins, les deux
hommes d'Etat se sont gardés de toute allusion qui puisse
déplaire à l'Union soviétique. Ceaucescu a par ailleurs fait
remarquer que l'Allemagne de l'Est constituait un autre
Etat allemand tout aussi légitime que celui de l'Ouest.
De Gaulle n'a pas relevé la remarque.
Tchécoslovaquie et Union soviétique.
17 MAI. — Après la visite de Kossyguine à Prague, les
relations entre l'Union soviétique et la Tchécoslovaquie res-
tent toujours aussi confuses. Le malaise qui règne depuis
le départ de Novotny a provoqué de part et d'autre des
accusations souvent malveillantes.
relations entre l'Union soviétique et la Tchécoslovaquie res-
tent toujours aussi confuses. Le malaise qui règne depuis
le départ de Novotny a provoqué de part et d'autre des
accusations souvent malveillantes.
Une partie de la presse tchèque a lourdement insisté sur
les circonstances de la mort de Jan Masarvk en 1948. En
les circonstances de la mort de Jan Masarvk en 1948. En
fait les témoignages des amis de Masaryk réfugiés en
Occident et notamment de son secrétaire ne laissent
guère de doute sur le suicide de cet homme déchiré entre
ses convictions. Les tchèques auraient mieux fait de se
limiter à un terrain beaucoup plus solide, celui du
procès de Slansky où les envoyés de Staline ont joué un rôle
peu reluisant.
Occident et notamment de son secrétaire ne laissent
guère de doute sur le suicide de cet homme déchiré entre
ses convictions. Les tchèques auraient mieux fait de se
limiter à un terrain beaucoup plus solide, celui du
procès de Slansky où les envoyés de Staline ont joué un rôle
peu reluisant.
La maladresse des Tchèques a permis à la presse sovié-
tique de riposter et d'accuser Thomas Masaryk, le père de
Jan et le fondateur de l'Etat tchécoslovaque d'avoir eu de
noirs desseins à rencontre de Lénine.
tique de riposter et d'accuser Thomas Masaryk, le père de
Jan et le fondateur de l'Etat tchécoslovaque d'avoir eu de
noirs desseins à rencontre de Lénine.
Ces récriminations concernent un passé lointain et ne
font que masquer le véritable différend. Le grand mouve-
ment de libéralisation du régime tchèque inquiète profondé-
ment les dirigeants soviétiques. Les véritables raisons ne
sont pas celles qu'on avance généralement en Occident. Le
gouvernement de Prague n'a pas l'intention de quitter le
pacte de Varsovie et encore moins de basculer du côté
américain. Il sait que tous les Allemands n'ont pas abandon-
né leurs revendications sur le territoire des Sudètes. L'al-
liance soviétique est. quelque chose de naturel pour lui.
Elle est d'ailleurs peu gênante. Même aux pires moments de
la guerre froide, les forces soviétiques n'ont jamais pénétré
en Tchécoslovaquie.
font que masquer le véritable différend. Le grand mouve-
ment de libéralisation du régime tchèque inquiète profondé-
ment les dirigeants soviétiques. Les véritables raisons ne
sont pas celles qu'on avance généralement en Occident. Le
gouvernement de Prague n'a pas l'intention de quitter le
pacte de Varsovie et encore moins de basculer du côté
américain. Il sait que tous les Allemands n'ont pas abandon-
né leurs revendications sur le territoire des Sudètes. L'al-
liance soviétique est. quelque chose de naturel pour lui.
Elle est d'ailleurs peu gênante. Même aux pires moments de
la guerre froide, les forces soviétiques n'ont jamais pénétré
en Tchécoslovaquie.
La véritable inquiétude des dirigeants soviétiques est
ailleurs. Elle se rapporte à la contagion de l'exemple. La
libération tchèque va en effet très loin. La liberté de dis-
cussion et de contestation qui se développe à Prague est
assez impressionnante. Elle ne risque guère de conduire à des
excès parce que le peuple tchèque a une vieille tradition
socialiste. Mais quel exemple pour les démocraties popu-
laires voisines.
ailleurs. Elle se rapporte à la contagion de l'exemple. La
libération tchèque va en effet très loin. La liberté de dis-
cussion et de contestation qui se développe à Prague est
assez impressionnante. Elle ne risque guère de conduire à des
excès parce que le peuple tchèque a une vieille tradition
socialiste. Mais quel exemple pour les démocraties popu-
laires voisines.
Quel exemple surtout pour l'U.R.S.S. Nous touchons ici
le point essentiel. A tort ou à raison les dirigeants de Mos-
cou n'ont pas encore confiance dans la discipline de leur
peuple. Or, celui-ci est assez indifférent à ce qui se passe
en Roumanie, Hongrie, etc. mais il est attentif à ce que font
les Tchécoslovaques, les seuls slaves de vieille tradition
démocratique et industrielle. Il pourrait bien être tenté d'imi-
ter les contestations de Prague et ne plus savoir s'arrêter.
C'est du moins ce qu'on craint au Kremlin.
le point essentiel. A tort ou à raison les dirigeants de Mos-
cou n'ont pas encore confiance dans la discipline de leur
peuple. Or, celui-ci est assez indifférent à ce qui se passe
en Roumanie, Hongrie, etc. mais il est attentif à ce que font
les Tchécoslovaques, les seuls slaves de vieille tradition
démocratique et industrielle. Il pourrait bien être tenté d'imi-
ter les contestations de Prague et ne plus savoir s'arrêter.
C'est du moins ce qu'on craint au Kremlin.
Les interventions de Kossyguine auprès d'Alexandre Dub-
cek n'ont d'autre but que d'endiguer la libéralisation in-
terne dans ce qu'elle a de trop voyant. Ma4s il est difficile à
Dubcek de s'engager sur ce point. L'atmosphère du pays
est telle qu'il y perdrait son autorité. C'est ce qu'il s'efforce
d'expliquer aux dirigeants soviétiques. Mais ceux-ci ne voient
guère que leur propre problème. Le malaise entre les deux
capitales ne se dissipera pas de sitôt.
cek n'ont d'autre but que d'endiguer la libéralisation in-
terne dans ce qu'elle a de trop voyant. Ma4s il est difficile à
Dubcek de s'engager sur ce point. L'atmosphère du pays
est telle qu'il y perdrait son autorité. C'est ce qu'il s'efforce
d'expliquer aux dirigeants soviétiques. Mais ceux-ci ne voient
guère que leur propre problème. Le malaise entre les deux
capitales ne se dissipera pas de sitôt.
france
monde
tiers-monde
Samedi 18 mai
Retour anticipé du général de Gaulle à
Paris. Etudiants : discussions sur l'au-
tonomie, les examens, la co-gestion
dans toutes les facultés. Conférence de
Paris : troisième rencontre américano-
viêt-namienne, les Nord Viêt-namiens
s'étonnent que les Américains parlent
d'autre chose que de l'arrêt des raids
aériens.
Paris. Etudiants : discussions sur l'au-
tonomie, les examens, la co-gestion
dans toutes les facultés. Conférence de
Paris : troisième rencontre américano-
viêt-namienne, les Nord Viêt-namiens
s'étonnent que les Américains parlent
d'autre chose que de l'arrêt des raids
aériens.
Roumanie : « Voici qu'un vent salubre
se lève d'un bout à l'autre de notre
continent, dissipant les nuées, ébran-
lant les barrières », discours du général
de Gaulle à l'université de Bucarest.
Tchécoslovaquie : atmosphère de
«franche camaraderie» pour les entre-
tiens Kossyguine—Dubcek. Espagne :
près de dix mille étudiants et ouvriers
défilent à Madrid avec drapeaux rouges
et portraits de « Che » Guevara.
se lève d'un bout à l'autre de notre
continent, dissipant les nuées, ébran-
lant les barrières », discours du général
de Gaulle à l'université de Bucarest.
Tchécoslovaquie : atmosphère de
«franche camaraderie» pour les entre-
tiens Kossyguine—Dubcek. Espagne :
près de dix mille étudiants et ouvriers
défilent à Madrid avec drapeaux rouges
et portraits de « Che » Guevara.
Viêt-nam : démission du gouvernement
sud viêt-namien. M. Iran Van Huong
est nommé Premier ministre : il a la
réputation d'un homme honnête et pon-
déré, son anti-communisme le rendrait
hostile à la formation d'un gouverne-
ment de coalition avec le F.N.L. Pro-
che-Orient : fonds commun de déve-
loppement de un milliard quatre cent
millions de francs créé au Caire par la
ligue arabe. Onze états signent l'accord.
sud viêt-namien. M. Iran Van Huong
est nommé Premier ministre : il a la
réputation d'un homme honnête et pon-
déré, son anti-communisme le rendrait
hostile à la formation d'un gouverne-
ment de coalition avec le F.N.L. Pro-
che-Orient : fonds commun de déve-
loppement de un milliard quatre cent
millions de francs créé au Caire par la
ligue arabe. Onze états signent l'accord.
Dimanche 19 mai
De Gaulle : conclusion des consulta-
tions gouvernementales : « la réforme,
oui ! la chienlit, non ! » Cannes :
meeting spontané et clôture brutale du
Festival après vingt-quatre heures de
discussions, controverses et même
violences. Dijon : élections municipales
- Robert Poujade U.D. Ve, 49,61 %
des voix — ballottage.
tions gouvernementales : « la réforme,
oui ! la chienlit, non ! » Cannes :
meeting spontané et clôture brutale du
Festival après vingt-quatre heures de
discussions, controverses et même
violences. Dijon : élections municipales
- Robert Poujade U.D. Ve, 49,61 %
des voix — ballottage.
Radio Prague : « Le sort de l'expérien-
ce tchécoslovaque ne sera pas gagné
par des bataillons étrangers mais par
des bataillons d'ouvriers dans les usi-
nes. » Allemagne de l'Ouest : les syn-
dicats ne feront pas grève pour combat-
tre la législature d'exception. Italie :
forte participation aux élections géné-
rales. Etats-Unis : graves émeutes ra-
ciales à Salisbury (Maryland).
ce tchécoslovaque ne sera pas gagné
par des bataillons étrangers mais par
des bataillons d'ouvriers dans les usi-
nes. » Allemagne de l'Ouest : les syn-
dicats ne feront pas grève pour combat-
tre la législature d'exception. Italie :
forte participation aux élections géné-
rales. Etats-Unis : graves émeutes ra-
ciales à Salisbury (Maryland).
Viêt-nam : nouveaux bombardements à
Saigon, contre les immeubles améri-
cains. La base de Da-nang est encer-
clée. Ho Chi Minh a soixante dix-huit
ans. Nigeria : les troupes fédérales
s'emparent de Port-Harcourt. Lybie :
accord pétrolier franco-lybien entre
l'E.R.A.P., la S.N.P.A. et la compagnie
lybienne de pétrole. Haïti : des grou-
pes révolutionnaires armés débarquent
dans la partie nord de l'île.
Saigon, contre les immeubles améri-
cains. La base de Da-nang est encer-
clée. Ho Chi Minh a soixante dix-huit
ans. Nigeria : les troupes fédérales
s'emparent de Port-Harcourt. Lybie :
accord pétrolier franco-lybien entre
l'E.R.A.P., la S.N.P.A. et la compagnie
lybienne de pétrole. Haïti : des grou-
pes révolutionnaires armés débarquent
dans la partie nord de l'île.
Lundi 20 mai
Grèves : plusieurs millions de travail-
leurs ont cessé le travail et occupent
leurs usines. Le public s'affole : queues
devant les banques, les stations d'es-
sence, les magasins d'alimentation.
Conférence de Paris : M. Harriman ré-
pète que la présence des troupes nord
viêt-namiennes au Sud est une ques-
tion fondamentale.
leurs ont cessé le travail et occupent
leurs usines. Le public s'affole : queues
devant les banques, les stations d'es-
sence, les magasins d'alimentation.
Conférence de Paris : M. Harriman ré-
pète que la présence des troupes nord
viêt-namiennes au Sud est une ques-
tion fondamentale.
Italie : élections législatives : recul des
socialistes gouvernementaux, progrès
de l'opposition de gauche. Or : 42 dol-
lars l'once à l'ouverture du marché de
Londres. Prague : détente et satis-
faction à la suite des conversations
Kossyguine-Dubcek.
socialistes gouvernementaux, progrès
de l'opposition de gauche. Or : 42 dol-
lars l'once à l'ouverture du marché de
Londres. Prague : détente et satis-
faction à la suite des conversations
Kossyguine-Dubcek.
Viêt-nam : communiqué des F.A.P.L.
(Forces Armées Populaires de Libéra-
tion) : dans la semaine du 5 au 1 1 mai,
30.000 «ennemis» hors de combat,
dont 10.000 Américains, 250 appa-
reils, 700 véhicules et 30 bateaux dé-
truits. Pékin : plusieurs centaines de
milliers d'étudiants et d'ouvriers mani-
festent .
(Forces Armées Populaires de Libéra-
tion) : dans la semaine du 5 au 1 1 mai,
30.000 «ennemis» hors de combat,
dont 10.000 Américains, 250 appa-
reils, 700 véhicules et 30 bateaux dé-
truits. Pékin : plusieurs centaines de
milliers d'étudiants et d'ouvriers mani-
festent .
Mardi 21 mai
Assemblée Nationale : débat sur la mo-
tion de censure. Waldeck Rochet :
« Dix ans, ça suffit ». Guy Mollet : « Dix
ans de stabilité débouchent sur la para-
lysie et l'impuissance. » Robert Pou-
jade : « Le pays attend un vote de rai-
son, de sagesse et d'union ». René
Capitant, pour ne pas avoir à se pronon-
cer, démissionne de son mandat
tion de censure. Waldeck Rochet :
« Dix ans, ça suffit ». Guy Mollet : « Dix
ans de stabilité débouchent sur la para-
lysie et l'impuissance. » Robert Pou-
jade : « Le pays attend un vote de rai-
son, de sagesse et d'union ». René
Capitant, pour ne pas avoir à se pronon-
cer, démissionne de son mandat
Bruxelles : le mouvement français ga-
gne la Belgique. Berlin : occupation
d'un institut et ordre de grève à l'uni-
versité libre. Etats-Unis : troubles à
l'université de Columbia et à Berkely.
Prague : le maréchal Gretchko s'efforce
de renforcer le front des pays socialistes
face à l'Allemagne fédérale.
gne la Belgique. Berlin : occupation
d'un institut et ordre de grève à l'uni-
versité libre. Etats-Unis : troubles à
l'université de Columbia et à Berkely.
Prague : le maréchal Gretchko s'efforce
de renforcer le front des pays socialistes
face à l'Allemagne fédérale.
Viêt-nam : violents bombardements de
la base de Da-nang — accrochages sé-
rieux dans la région de Saigon et dans
le Delta. Venezuela : un dirigeant du
parti communiste, emprisonné depuis
1 963, M. Machado est remis en liberté.
Brésil : dix-huit évêques d'Amérique
latine demandent « une réforme pro-
fonde des structures ».
la base de Da-nang — accrochages sé-
rieux dans la région de Saigon et dans
le Delta. Venezuela : un dirigeant du
parti communiste, emprisonné depuis
1 963, M. Machado est remis en liberté.
Brésil : dix-huit évêques d'Amérique
latine demandent « une réforme pro-
fonde des structures ».
Mercredi 22 mai
Assemblée nationale : suite et fin du
débat sur la motion de censure. Pisani
votera la censure puis démissionnera de
son mandat. Vote : 233 voix pour. La
motion de censure est refusée. Amnis-
tie : la loi portant sur les actes commis
à l'occasion des manifestations étu-
diantes est votée. Cohn-Bendit le leader
du mouvement du 22 mars, actuelle-
ment en Allemagne, fait l'objet d'une
mesure d'interdiction de séjour.
débat sur la motion de censure. Pisani
votera la censure puis démissionnera de
son mandat. Vote : 233 voix pour. La
motion de censure est refusée. Amnis-
tie : la loi portant sur les actes commis
à l'occasion des manifestations étu-
diantes est votée. Cohn-Bendit le leader
du mouvement du 22 mars, actuelle-
ment en Allemagne, fait l'objet d'une
mesure d'interdiction de séjour.
Etats-Unis : Rap Brown, leader du
S.N.C.C. est condamné à cinq ans de
prison et 2.000 dollars d'amende pour
infraction à la législation sur le port
d'armes. Grande-Bretagne : inquiétude
sur la situation en France. Allemagne
de l'Ouest : manifestations de jeunes
contre la législature d'exception. Bruxel-
les : « L'Université libre est ouverte à
la population ». Italie : occupation de
facultés à Milan et à Venise.
S.N.C.C. est condamné à cinq ans de
prison et 2.000 dollars d'amende pour
infraction à la législation sur le port
d'armes. Grande-Bretagne : inquiétude
sur la situation en France. Allemagne
de l'Ouest : manifestations de jeunes
contre la législature d'exception. Bruxel-
les : « L'Université libre est ouverte à
la population ». Italie : occupation de
facultés à Milan et à Venise.
Viêt-nam : la radio du Front demande
à la population de Saigon d'évacuer
les habitations proches des bâtiments
administratifs et américains. Le géné-
ral Ky : « le monde entier admire Ho
Chi Minh et Vo Nguyen Giap alors
que dans le Sud on ne trouve per-
sonne... c'est sans doute parce qu'il
existe une bande d'esclaves parmi les
dirigeants du pays... »
à la population de Saigon d'évacuer
les habitations proches des bâtiments
administratifs et américains. Le géné-
ral Ky : « le monde entier admire Ho
Chi Minh et Vo Nguyen Giap alors
que dans le Sud on ne trouve per-
sonne... c'est sans doute parce qu'il
existe une bande d'esclaves parmi les
dirigeants du pays... »
10
France : greffe du cœur.
12 MAI. L'équipe du professeur Dubost effectue la troi-
sième transplantation cardiaque en France. Le succès opé-
ratoire a été complet et la greffe a une bonne chance de
durer. En effet le patient, un dominicain de 49 ans, se trou-
vait en bien meilleur état général que les sujets des deux
transplantations précédentes. Par ailleurs, l'équipe Daussot,
spécialiste des travaux sur les groupes tissulaires, avait ap-
porté son concours et conclu à la compatibilité tissulaire
entre le patient et le défunt donneur. Les règles de compati-
bilité sont encore incertaines et n'offrent aucune garantie de
non rejet, mais leur observation améliore le pronostic.
sième transplantation cardiaque en France. Le succès opé-
ratoire a été complet et la greffe a une bonne chance de
durer. En effet le patient, un dominicain de 49 ans, se trou-
vait en bien meilleur état général que les sujets des deux
transplantations précédentes. Par ailleurs, l'équipe Daussot,
spécialiste des travaux sur les groupes tissulaires, avait ap-
porté son concours et conclu à la compatibilité tissulaire
entre le patient et le défunt donneur. Les règles de compati-
bilité sont encore incertaines et n'offrent aucune garantie de
non rejet, mais leur observation améliore le pronostic.
En France, comme ailleurs, plusieurs équipes chirurgi-
cales ont maintenant maîtrisé la technique de transplan-
tation cardiaque. Mais l'obstacle majeur demeure : ce sont
les réactions d'auto-immunité. Ou elles aboutissent au rejet
de l'organe greffé, ou elles obligent les médecins à bloquer
ces réactions avec des remèdes tellement toxiques que
l'opéré finit souvent par succomber.
cales ont maintenant maîtrisé la technique de transplan-
tation cardiaque. Mais l'obstacle majeur demeure : ce sont
les réactions d'auto-immunité. Ou elles aboutissent au rejet
de l'organe greffé, ou elles obligent les médecins à bloquer
ces réactions avec des remèdes tellement toxiques que
l'opéré finit souvent par succomber.
Depuis 1959 des milliers de greffes d'organes ont été
tentées sur l'homme. La plupart concernaient le rein, quel-
ques-unes le poumon, le foie, le cœur, etc. Jusqu'ici très
peu d'opérés ont survécu plus de deux ans.
tentées sur l'homme. La plupart concernaient le rein, quel-
ques-unes le poumon, le foie, le cœur, etc. Jusqu'ici très
peu d'opérés ont survécu plus de deux ans.
En ce qui concerne le cœur, la première tentative a été
faite en Afrique du Sud, par le professeur Barnard, en
décembre 1 967 (1). Elle a été suivie de treize autres en diffé-
rents pays. Quatre des opérés restent en vie dont Philip
Blaiberg opéré par Barnard le 2 janvier dernier.
faite en Afrique du Sud, par le professeur Barnard, en
décembre 1 967 (1). Elle a été suivie de treize autres en diffé-
rents pays. Quatre des opérés restent en vie dont Philip
Blaiberg opéré par Barnard le 2 janvier dernier.
A première vue ce bilan n'est pas très favorable. Mais il
ne faut pas oublier que la plupart des sujets étaient âgés et
en assez mauvais état général. Ce n'est pas un hasard. En
effet la greffe du cœur comporte pour les médecins une plus
lourde responsabilité morale que la greffe d'autres organes.
On n'est jamais sûr qu'un cœur même très malade va s'ar-
rêter définitivement. On a vu des cœurs à bout de ressources
du point de vue médical continuer à battre plusieurs années.
Dans ces conditions il est angoissant de tenter une greffe
à laquelle le patient n'a pas une chance sur dix de survivre
deux ans.
ne faut pas oublier que la plupart des sujets étaient âgés et
en assez mauvais état général. Ce n'est pas un hasard. En
effet la greffe du cœur comporte pour les médecins une plus
lourde responsabilité morale que la greffe d'autres organes.
On n'est jamais sûr qu'un cœur même très malade va s'ar-
rêter définitivement. On a vu des cœurs à bout de ressources
du point de vue médical continuer à battre plusieurs années.
Dans ces conditions il est angoissant de tenter une greffe
à laquelle le patient n'a pas une chance sur dix de survivre
deux ans.
C'est pourquoi les chirurgiens choisissent plutôt des
gens âgés et reculent généralement devant le cas de jeunes
gens atteints d'une malformation grave. Leur position chan-
gera quand on saura mieux maîtriser les réactions d'auto-
immunité.
gens âgés et reculent généralement devant le cas de jeunes
gens atteints d'une malformation grave. Leur position chan-
gera quand on saura mieux maîtriser les réactions d'auto-
immunité.
Livres : histoire de la drogue.
22 MAI. — Tchou publie l'« Histoire de la drogue» de
l'éthonologue Jean-Louis Brau. Toutes les drogues et leurs
effets nous y sont décrits, qu'elles soient « Euphorica »
comme le pavot, l'opium, la morphine ou la cocaïne, « Phan-
tastica » comme le cannabis, les champignons sacrés du
Mexique ou le L.S.D. 25, « Hypnotica » comme le kawa-
kawa et les narcotiques de synthèse, « Excitantia » comme
le bétel, le gât. le camphre, le mercure, l'arsenic et les
aminés de réveil, etc. Dans un dernier chapitre, « l'Univers
toxique », l'auteur nous fait découvrir le monde de la drogue
— marchandise, trafic, répression, législation — et le monde
des drogués — de Baudelaire à Michaux et Burroughs sans
oublier le pape du L.S.D., Timothy Leary.
l'éthonologue Jean-Louis Brau. Toutes les drogues et leurs
effets nous y sont décrits, qu'elles soient « Euphorica »
comme le pavot, l'opium, la morphine ou la cocaïne, « Phan-
tastica » comme le cannabis, les champignons sacrés du
Mexique ou le L.S.D. 25, « Hypnotica » comme le kawa-
kawa et les narcotiques de synthèse, « Excitantia » comme
le bétel, le gât. le camphre, le mercure, l'arsenic et les
aminés de réveil, etc. Dans un dernier chapitre, « l'Univers
toxique », l'auteur nous fait découvrir le monde de la drogue
— marchandise, trafic, répression, législation — et le monde
des drogués — de Baudelaire à Michaux et Burroughs sans
oublier le pape du L.S.D., Timothy Leary.
Remède contre la faim, puissant palliatif de la douleur
morele ou physique, la drogue sous toutes ses formes
morele ou physique, la drogue sous toutes ses formes
règne en maîtresse sur le Tiers Monde. Elle commande le
comportement d'une partie notable des élites intellectuelles
dans les sociétés occidentales. Après avoir fermé le livre,
on sait qu'un homme sur quatre s'adonne à la drogue : on
dénombre encore aujourd'hui 300 millions de mâcheurs de
noix de kola, de coca, de gât ; 300 millions aussi de fumeurs
de cannabis ; enfin 400 millions d'individus attendent leur
part quotidienne de bonheur du traditionnel opium et de
ses dérivés.
comportement d'une partie notable des élites intellectuelles
dans les sociétés occidentales. Après avoir fermé le livre,
on sait qu'un homme sur quatre s'adonne à la drogue : on
dénombre encore aujourd'hui 300 millions de mâcheurs de
noix de kola, de coca, de gât ; 300 millions aussi de fumeurs
de cannabis ; enfin 400 millions d'individus attendent leur
part quotidienne de bonheur du traditionnel opium et de
ses dérivés.
Les élections italiennes
20 MAI. — On a trop vite dit que les élections italiennes
étaient sans surprises. Sans doute la démocratie chrétienne
a-t-elle mieux que maintenu ses positions avec 38,4%
des voix contre 35% en 1963. Mais les déplacements de
voix à gauche ont été assez sensibles pour modifier sérieu-
sement les perspectives politiques. Le parti communiste
se renforce et obtient 26,9% des voix contre 25,3. Par
ailleurs, le parti socialiste prolétarien, nouveau venu d'extrê-
me gauche obtient 4,5% des voix. Le troisième parti de
gauche, celui des socialistes nenniens est le grand perdant.
Il est lâché par plus du quart de ses troupes et n'obtient
plus que 14,5% contre 19,9%. Conséquence : le parti
socialiste nennien se retire de l'alliance avec les démo-
crates chrétiens pour faire « une cure d'opposition ».
étaient sans surprises. Sans doute la démocratie chrétienne
a-t-elle mieux que maintenu ses positions avec 38,4%
des voix contre 35% en 1963. Mais les déplacements de
voix à gauche ont été assez sensibles pour modifier sérieu-
sement les perspectives politiques. Le parti communiste
se renforce et obtient 26,9% des voix contre 25,3. Par
ailleurs, le parti socialiste prolétarien, nouveau venu d'extrê-
me gauche obtient 4,5% des voix. Le troisième parti de
gauche, celui des socialistes nenniens est le grand perdant.
Il est lâché par plus du quart de ses troupes et n'obtient
plus que 14,5% contre 19,9%. Conséquence : le parti
socialiste nennien se retire de l'alliance avec les démo-
crates chrétiens pour faire « une cure d'opposition ».
Par ailleurs, les socialistes nenniens ne sont pas les
seuls à vouloir s'engager sur une voie plus radicale. Il
existe une fraction non négligeable de la démocratie chré-
tienne qui est favorable à des orientations vers l'extrême
gauche et partant à la formation d'un gouvernement de
front populaire. Enfin, l'Italie connaît des conditions souvent
similaires à celles qui ont déclenché en France la crise
que l'on sait. Les salaires des ouvriers italiens sont les plus
bas parmi les pays de la communauté européenne. L'Italie
est l'un des pays où le pourcentage de la population active
reste le plus faible. L'occupation des universités se multiplie
et pourrait bien déboucher demain sur une occupation des
usines.
seuls à vouloir s'engager sur une voie plus radicale. Il
existe une fraction non négligeable de la démocratie chré-
tienne qui est favorable à des orientations vers l'extrême
gauche et partant à la formation d'un gouvernement de
front populaire. Enfin, l'Italie connaît des conditions souvent
similaires à celles qui ont déclenché en France la crise
que l'on sait. Les salaires des ouvriers italiens sont les plus
bas parmi les pays de la communauté européenne. L'Italie
est l'un des pays où le pourcentage de la population active
reste le plus faible. L'occupation des universités se multiplie
et pourrait bien déboucher demain sur une occupation des
usines.
Partis
Sièges
Sièges
Démocratie chrétienne
135 (+ 2)
135 (+ 2)
Communistes
87 (+2)
87 (+2)
Socialistes prolétariens
14 (+ 2)
14 (+ 2)
Socialistes nenniens
46 (0)
46 (0)
Républicains
2 (+ 1)
2 (+ 1)
Libéraux
16 (-3)
16 (-3)
Néo-fascistes
11 (-4)
11 (-4)
Monarchistes
2 (0)
2 (0)
11
france
monde
Jeudi 23 mai
Nouvelles échauffourées au quartier
latin : le service d'ordre de l'U.N.E.F.
et du S.N.E. Sup. tentent d'éviter les
heurts entre policiers et manifestants.
M. Barjonet démissionne de son poste
de secrétaire du centre d'études écono-
miques et sociales de la C.G.T. Les
gaullistes créent un « comité de défense
de la République » et se préparent à la
campagne du référendum. Baccalauréat
compromis annonce le syndicat de l'en-
seignement secondaire.
latin : le service d'ordre de l'U.N.E.F.
et du S.N.E. Sup. tentent d'éviter les
heurts entre policiers et manifestants.
M. Barjonet démissionne de son poste
de secrétaire du centre d'études écono-
miques et sociales de la C.G.T. Les
gaullistes créent un « comité de défense
de la République » et se préparent à la
campagne du référendum. Baccalauréat
compromis annonce le syndicat de l'en-
seignement secondaire.
Etats-Unis : un rapport du Sénat met en
relief le succès de l'offensive du Têt.
Italie : « Le centre gauche n'est plus en
mesure de gouverner. La vague de fond
issue des élections est liée au grand
mouvement des étudiants et des
ouvriers français qui remettent en cause
les bases du régime antidémocratique
de de Gaulle» déclare le secrétaire
général du P.C. Tchécoslovaquie : le
présidium du P.C. s'oppose à la recons-
titution du parti social-démocrate. »
relief le succès de l'offensive du Têt.
Italie : « Le centre gauche n'est plus en
mesure de gouverner. La vague de fond
issue des élections est liée au grand
mouvement des étudiants et des
ouvriers français qui remettent en cause
les bases du régime antidémocratique
de de Gaulle» déclare le secrétaire
général du P.C. Tchécoslovaquie : le
présidium du P.C. s'oppose à la recons-
titution du parti social-démocrate. »
Viêt-nam : des objectifs militaires amé-
ricains et gouvernementaux à Saigon
sont bombardés par le F.N.L. Autres
bombardements sur la ville de Can-Tho,
la base américaine de Chu-Lai et l'aéro-
drome de Nha-Trang. Au Nord, 135
raids aériens. Hanoi annonce : 4 avions
américains abattus. Haïti : l'assemblée
haitienne donne des « pouvoirs extraor-
dinaires » au docteur François Du-
valier.
ricains et gouvernementaux à Saigon
sont bombardés par le F.N.L. Autres
bombardements sur la ville de Can-Tho,
la base américaine de Chu-Lai et l'aéro-
drome de Nha-Trang. Au Nord, 135
raids aériens. Hanoi annonce : 4 avions
américains abattus. Haïti : l'assemblée
haitienne donne des « pouvoirs extraor-
dinaires » au docteur François Du-
valier.
Vendredi 24 mai
Les syndicats et le C.N.P.F. acceptent
de se rendre à la réunion proposée par
le gouvernement rue de Grenelle. Scè-
nes d'émeutes à Paris et en province :
deux morts et plusieurs centaines de
blessés. Les manifestations paysannes
rassemblent 200 000 personnes en
France. Les syndicats et les partis de
gauche accueillent défavorablement les
déclarations du général de Gaulle qui
décide de soumettre aux suffrages de la
nation un projet de loi par lequel il lui
demande « de donner à l'Etat et d'abord
à son chef un mandat pour la rénova-
tion ».
de se rendre à la réunion proposée par
le gouvernement rue de Grenelle. Scè-
nes d'émeutes à Paris et en province :
deux morts et plusieurs centaines de
blessés. Les manifestations paysannes
rassemblent 200 000 personnes en
France. Les syndicats et les partis de
gauche accueillent défavorablement les
déclarations du général de Gaulle qui
décide de soumettre aux suffrages de la
nation un projet de loi par lequel il lui
demande « de donner à l'Etat et d'abord
à son chef un mandat pour la rénova-
tion ».
Grande-Bretagne : un embryon de
« contestation » se développe chez les
étudiants et les ouvriers. Italie : l'Uni-
versité catholique de Milan est occupée.
Santiago du Chili : trois mille étudiants
occupent l'Université. Espagne : un
leader des commissions ouvrières est
condamné à seize mois de prison. Tché-
coslovaquie : « Toute tentative d'orga-
niser un nouveau parti serait considéré
comme un acte illégal » déclare le
ministre de l'intérieur. Allemagne de
l'Ouest : le gouvernement se félicite de
la réserve des syndicats dans la, lutte
contre la législation d'exception.
« contestation » se développe chez les
étudiants et les ouvriers. Italie : l'Uni-
versité catholique de Milan est occupée.
Santiago du Chili : trois mille étudiants
occupent l'Université. Espagne : un
leader des commissions ouvrières est
condamné à seize mois de prison. Tché-
coslovaquie : « Toute tentative d'orga-
niser un nouveau parti serait considéré
comme un acte illégal » déclare le
ministre de l'intérieur. Allemagne de
l'Ouest : le gouvernement se félicite de
la réserve des syndicats dans la, lutte
contre la législation d'exception.
Viêt-nam : à Saigon M. Iran Van Huang
forme son gouvernement. Chili : à San-
tiago du Chili où 3 000 étudiants occu-
pent les locaux de l'Université, M. Nava-
retti, président de la fédération des étu-
diants chiliens déclare : « Un conflit très
grave est en train de se préparer ».
Haïti : la guérilla se poursuit : trois tués
et six blessés chez les rebelles, douze
tués et vingt-quatre blessés chez les
gouvernementaux.
forme son gouvernement. Chili : à San-
tiago du Chili où 3 000 étudiants occu-
pent les locaux de l'Université, M. Nava-
retti, président de la fédération des étu-
diants chiliens déclare : « Un conflit très
grave est en train de se préparer ».
Haïti : la guérilla se poursuit : trois tués
et six blessés chez les rebelles, douze
tués et vingt-quatre blessés chez les
gouvernementaux.
Samedi 25 mai
Début des négociations de Grenelle :
accord sur le S.M.I.C. qui passe de
2,22 à 3 F par heure. Mgr Marty. arche-
vêque de Paris : « Ceux qui exercent
l'autorité doivent accepter des formes
nouvelles de participation à la respon-
sabilité ou soient présentes les organi-
sations des travailleurs ». L'Inter-syndi-
cale de l'O.R.T.F. n'assure plus que le
journal télévisé de 20 heures. Après le
discours de de Gaulle : Mitterrand : « Le
combat actuel doit déboucher sur des
élections générales ».
2,22 à 3 F par heure. Mgr Marty. arche-
vêque de Paris : « Ceux qui exercent
l'autorité doivent accepter des formes
nouvelles de participation à la respon-
sabilité ou soient présentes les organi-
sations des travailleurs ». L'Inter-syndi-
cale de l'O.R.T.F. n'assure plus que le
journal télévisé de 20 heures. Après le
discours de de Gaulle : Mitterrand : « Le
combat actuel doit déboucher sur des
élections générales ».
M. Sargent Shriver, nouvel ambassa-
deur des Etats-Unis, présente ses let-
tres de créance. Réactions étrangères
au discours de de Gaulle : Varsovie :
« Le général de Gaulle a eu le tort de
confier la direction de l'économie à des
éléments réactionnaires ». Chine Nou-
velle : « Les ouvriers se sont libérés du
contrôle des complices du capita-
lisme ». Washington : « De Gaulle réus-
sira-t-il à conserver le pouvoir ? ».
Madrid : « Un chaos impossible en Espa-
gne ». Bruxelles : « Un message creux ».
deur des Etats-Unis, présente ses let-
tres de créance. Réactions étrangères
au discours de de Gaulle : Varsovie :
« Le général de Gaulle a eu le tort de
confier la direction de l'économie à des
éléments réactionnaires ». Chine Nou-
velle : « Les ouvriers se sont libérés du
contrôle des complices du capita-
lisme ». Washington : « De Gaulle réus-
sira-t-il à conserver le pouvoir ? ».
Madrid : « Un chaos impossible en Espa-
gne ». Bruxelles : « Un message creux ».
Viêt-nam : à Saigon les combats re-
prennent. Les hélicoptères américains
tentent de couper le chemin à des uni-
tés F.N.L. infiltrées dans la ville. Autour
de la capitale les coups de main et les
bombardements du F.N.L. se multi-
plient. Le représentant du F.N.L. à
Phom Penh M. Nguyen Van Hieu : « La
recrudescence des opérations menées
par le F.N.L. ne constitue que le prélude
à une offensive de plus grande enver-
gure ».
prennent. Les hélicoptères américains
tentent de couper le chemin à des uni-
tés F.N.L. infiltrées dans la ville. Autour
de la capitale les coups de main et les
bombardements du F.N.L. se multi-
plient. Le représentant du F.N.L. à
Phom Penh M. Nguyen Van Hieu : « La
recrudescence des opérations menées
par le F.N.L. ne constitue que le prélude
à une offensive de plus grande enver-
gure ».
Dimanche 26 mai
Les négociations de Grenelle : les salai-
res réels seraient majorés de 7 % au
1er juin avec ratissage depuis le ^'jan-
vier et de 3 % au 1er octobre. M. Robert
Poujade entre au conseil municipal de
Dijon. Les progrès de la gauche attei-
gnent 15 %. Après les manifestations
estudiantines le P.C. dénonce avec le
ministre de l'Intérieur le rôle de la
« pègre ». Alain Geismar abandonne la
direction du S.N.E. Sup.
res réels seraient majorés de 7 % au
1er juin avec ratissage depuis le ^'jan-
vier et de 3 % au 1er octobre. M. Robert
Poujade entre au conseil municipal de
Dijon. Les progrès de la gauche attei-
gnent 15 %. Après les manifestations
estudiantines le P.C. dénonce avec le
ministre de l'Intérieur le rôle de la
« pègre ». Alain Geismar abandonne la
direction du S.N.E. Sup.
Berlin-Ouest : le parti social-démocrate
s'interroge sur sa « baisse de prestige
dans l'opinion ». Pays-Bas : 30 000
ouvriers manifestent à Utrecht contre
une proposition de loi tendant au blo-
cage des salaires. Le gouvernement
invite à un dialogue le conseil néerlan-
dais des étudiants pour prévenir un
développement qui, selon lui, pourrait
conduire à la situation apparue en
France et en Allemagne.
s'interroge sur sa « baisse de prestige
dans l'opinion ». Pays-Bas : 30 000
ouvriers manifestent à Utrecht contre
une proposition de loi tendant au blo-
cage des salaires. Le gouvernement
invite à un dialogue le conseil néerlan-
dais des étudiants pour prévenir un
développement qui, selon lui, pourrait
conduire à la situation apparue en
France et en Allemagne.
Proche-Orient : manifestation anti-
israélienne à Gaza. Cinq écolières bles-
sées. Nigeria : les pourparlers de paix
entre le Nigeria et le Biafra qui se tien-
nent à Kampala (Ouganda) sont rompus.
Viêt-nam : combats très durs sur les
Hauts-Plateaux et le «front du Sud».
Un avant poste de la base américaine
de Dakito est attaqué : quatorze tués
et cinquante-six blessés parmi les
défenseurs.
israélienne à Gaza. Cinq écolières bles-
sées. Nigeria : les pourparlers de paix
entre le Nigeria et le Biafra qui se tien-
nent à Kampala (Ouganda) sont rompus.
Viêt-nam : combats très durs sur les
Hauts-Plateaux et le «front du Sud».
Un avant poste de la base américaine
de Dakito est attaqué : quatorze tués
et cinquante-six blessés parmi les
défenseurs.
12
Lettre de Saigon
23 MAI. — Tout le monde était au courant de la deuxième
offensive du Front sur Saigon, la ville était armée jusqu'aux
dents, le contrôle de police était serré et sérieux. Pourtant,
le Front a déclenché son attaque,à l'heure et au jour qu'il
avait prévus, le 3 mai à 13 heures.
offensive du Front sur Saigon, la ville était armée jusqu'aux
dents, le contrôle de police était serré et sérieux. Pourtant,
le Front a déclenché son attaque,à l'heure et au jour qu'il
avait prévus, le 3 mai à 13 heures.
Les hommes du Front sont dans Saigon et, quoi qu'on
fasse, ils y ont l'initiative de l'offensive : c'est un fait acquis
qu'on ne discute même pas, et qui paraissait pourtant impen-
sable avant le Têt. Saigon rêvait alors d'être exempté de la
guerre.
fasse, ils y ont l'initiative de l'offensive : c'est un fait acquis
qu'on ne discute même pas, et qui paraissait pourtant impen-
sable avant le Têt. Saigon rêvait alors d'être exempté de la
guerre.
Il s'agit là, bien sûr, d'une victoire politique qui consiste
à prouver à l'ennemi américain que c'est lui qui est encerclé
et que la population des villes, par sa complicité tacite ou
active, n'a jamais été gagnée qu'à une cause : celle du
Front.
à prouver à l'ennemi américain que c'est lui qui est encerclé
et que la population des villes, par sa complicité tacite ou
active, n'a jamais été gagnée qu'à une cause : celle du
Front.
Huitième arrondissement. — Un exemple très intéressant
de ce phénomène est celui du huitième arrondissement. Cet
arrondissement s'étend à la péripjoérie de Saigon au long
de larges ruelles de terre battue, de canaux plus ou moins
croupissants, autour de mares verdâtres. Beaucoup de
petites maisons sont en dur, elles ménagent à chacun un
petit arpent de jardin : bananiers, bougainvilliers, fleurs. Au
bout des rues perpendiculaires, on aperçoit la campagne,
si verte en ce moment, l'eau lente des bras de rivières qui
se glisse entre les marais et les sampans qui filent. Partout
des gosses pieds nus, braillards et joyeux. Pendant long-
temps, ce quartier a respiré une atmosphère villageoise,
campagnarde et paisible.
de ce phénomène est celui du huitième arrondissement. Cet
arrondissement s'étend à la péripjoérie de Saigon au long
de larges ruelles de terre battue, de canaux plus ou moins
croupissants, autour de mares verdâtres. Beaucoup de
petites maisons sont en dur, elles ménagent à chacun un
petit arpent de jardin : bananiers, bougainvilliers, fleurs. Au
bout des rues perpendiculaires, on aperçoit la campagne,
si verte en ce moment, l'eau lente des bras de rivières qui
se glisse entre les marais et les sampans qui filent. Partout
des gosses pieds nus, braillards et joyeux. Pendant long-
temps, ce quartier a respiré une atmosphère villageoise,
campagnarde et paisible.
Ce quartier était l'enfant chéri du gouvernement, sa réus-
site, le modèle qu'il offrait au monde entier de ce que pou-
vait être une pacification réussie. C'est là que le Vice-Prési-
dent Humphrey fut amené quand on voulut montrer au
représentant du grand allié américain ce dont le gouver-
nement viêt-namien était « capable ». C'est là qu'ont été
multipliés programmes sanitaires, adductions d'eau, équi-
pements électriques, ouvertures d'écoles maternelles et pri-
maires, distributions de vivres. C'est là qu'ont été appliqués
les concepts américains de « démocratie participatoire ».
C'est là que toutes les bonnes volontés, loin de tout diri-
gisme, ont pris en main leur propre sort pour s'organiser
en communauté autonome. Tous ces facteurs, géogra-
phique, politique, psychologique, et sociologique sont entrés
dans le choix du Front de s'installer en ces lieux et d'en
faire partir l'une de leurs attaques les plus importantes de
cette offensive. La tactique, cette fois, a été entièrement
différente de celle du Têt. Le combattant était :
site, le modèle qu'il offrait au monde entier de ce que pou-
vait être une pacification réussie. C'est là que le Vice-Prési-
dent Humphrey fut amené quand on voulut montrer au
représentant du grand allié américain ce dont le gouver-
nement viêt-namien était « capable ». C'est là qu'ont été
multipliés programmes sanitaires, adductions d'eau, équi-
pements électriques, ouvertures d'écoles maternelles et pri-
maires, distributions de vivres. C'est là qu'ont été appliqués
les concepts américains de « démocratie participatoire ».
C'est là que toutes les bonnes volontés, loin de tout diri-
gisme, ont pris en main leur propre sort pour s'organiser
en communauté autonome. Tous ces facteurs, géogra-
phique, politique, psychologique, et sociologique sont entrés
dans le choix du Front de s'installer en ces lieux et d'en
faire partir l'une de leurs attaques les plus importantes de
cette offensive. La tactique, cette fois, a été entièrement
différente de celle du Têt. Le combattant était :
1° mieux organisé (approvisionnement en armes et en
nourriture) ;
nourriture) ;
2° mieux protégé. Lors de l'offensive du Têt, les bombar-
dements avaient souvent surpris les combattants à décou-
vert ou presque. Cette fois, ceux-ci se sont immédiatement
enterrés : trous, bunkers, tunnels ;
dements avaient souvent surpris les combattants à décou-
vert ou presque. Cette fois, ceux-ci se sont immédiatement
enterrés : trous, bunkers, tunnels ;
3° moins nombreux et beaucoup plus disséminés, ce qui
obligeait l'ennemi à diviser ses forces et à rester partout sur
ses gardes ;
obligeait l'ennemi à diviser ses forces et à rester partout sur
ses gardes ;
4° mieux équipé en artillerie, ce qui a plongé pendant
huit jours toute la ville dans l'angoisse.
huit jours toute la ville dans l'angoisse.
Résultats : les soldats américains conscients de la gravité
de la situation militaire et politique ont très rapidement pris
les choses en main. Les bombardements se sont abattus
de la situation militaire et politique ont très rapidement pris
les choses en main. Les bombardements se sont abattus
sur la ville et tout particulièrement sur le huitième arrondis-
sement avec une violence, une force et une variété stupé-
fiantes. Sont intervenus : hélicoptères cobras, lance-roquet-
tes, tirs au canon, tirs de balles au phosphore, jets super-
sabres, bombes et napalm, tanks et armes légères. Le tout,
jour et nuit pendant 120 heures.
sement avec une violence, une force et une variété stupé-
fiantes. Sont intervenus : hélicoptères cobras, lance-roquet-
tes, tirs au canon, tirs de balles au phosphore, jets super-
sabres, bombes et napalm, tanks et armes légères. Le tout,
jour et nuit pendant 120 heures.
Pour le seul huitième arrondissement, on compte 8.000
maisons détruites sur un total de 30.000. On évalue les sans
abris à environ 40.000 contre 15.000 pendant l'offensive
du Têt, pour une population de 160.000 habitants. On
compte dix civils tués pour un combattant du Front. Et on
évalue sans certitude le nombre de ceux-ci à une centaine.
maisons détruites sur un total de 30.000. On évalue les sans
abris à environ 40.000 contre 15.000 pendant l'offensive
du Têt, pour une population de 160.000 habitants. On
compte dix civils tués pour un combattant du Front. Et on
évalue sans certitude le nombre de ceux-ci à une centaine.
De leur côté, les Américains ont subi de lourdes pertes :
hélicoptères abattus, automitrailleuses et camions détruits,
nombreux morts et blessés graves. Enfin les poches de résis-
tance ont été « réduites » faute de combattants : les hommes
du Front sont morts sur place ou se sont retirés.
hélicoptères abattus, automitrailleuses et camions détruits,
nombreux morts et blessés graves. Enfin les poches de résis-
tance ont été « réduites » faute de combattants : les hommes
du Front sont morts sur place ou se sont retirés.
Ainsi, en lançant dans la bataille un petit nombre d'hom-
mes, le Front a réussi cette fois à investir et à tenir un
quartier considéré comme sûr, à infliger à l'ennemi des pertes
militaires plus considérables que pendant l'offensive du Têt,
à détruire en trois jours le travail de trois ans entrepris par
le gouvernement de Saigon et ses conseillers américains.
mes, le Front a réussi cette fois à investir et à tenir un
quartier considéré comme sûr, à infliger à l'ennemi des pertes
militaires plus considérables que pendant l'offensive du Têt,
à détruire en trois jours le travail de trois ans entrepris par
le gouvernement de Saigon et ses conseillers américains.
La population connaît ceux qui ont détruit son quartier,
ceux auxquels appartiennent les avions qui bombardent,
teux qui lâchent les tanks dans les rues et les rafales sur
tout ce qui bouge. Cette population ne veut plus d'une
«pacification » qu'elle doit payer à tel prix. Une fois de plus
l'écrasante répression se retourne contre l'Américain. Cha-
que nuit, pendant cinq jours, la population regardait du
haut des toits les rondes infernales, les jets de feu, les
gigantesques flammes et les colonnes de fumée qui mon-
taient dans le ciel de Saigon. Le sinistre ballet se déroulait
comme en plein jour, il était éclairé par les myriades de
fusées qui répandaient une lumière sulfureuse, éblouissante,
implacable à des kilomètres à la ronde; et chacun savait ici
qu'une seule de ces fusées vaut environ 300 francs.
300 francs pour un Viêt-namien, c'est fabuleux.
ceux auxquels appartiennent les avions qui bombardent,
teux qui lâchent les tanks dans les rues et les rafales sur
tout ce qui bouge. Cette population ne veut plus d'une
«pacification » qu'elle doit payer à tel prix. Une fois de plus
l'écrasante répression se retourne contre l'Américain. Cha-
que nuit, pendant cinq jours, la population regardait du
haut des toits les rondes infernales, les jets de feu, les
gigantesques flammes et les colonnes de fumée qui mon-
taient dans le ciel de Saigon. Le sinistre ballet se déroulait
comme en plein jour, il était éclairé par les myriades de
fusées qui répandaient une lumière sulfureuse, éblouissante,
implacable à des kilomètres à la ronde; et chacun savait ici
qu'une seule de ces fusées vaut environ 300 francs.
300 francs pour un Viêt-namien, c'est fabuleux.
Du huitième arrondissement il ne reste plus grand-chose
que la paix des ruines. Déjà les vivants reviennent fouiller
et récupérer le récupérable.
que la paix des ruines. Déjà les vivants reviennent fouiller
et récupérer le récupérable.
Dans Saigon. — Tout a commencé vendredi 3 mai à
13 heures avec une explosion à la télévision : un bruit énor-
me, un embouteillage monstrueux engorgant tout Saigon
qui suffoquait sous la chaleur, les colonnes de gaz carbo-
nique et les ronflements sinistres des colonnes de camions
bloqués un peu partout. Et puis tout s'est désengorgé. Le
soir s'est fait presque tendre, l'air presque frais. Le couvre-
feu apparaissait superficiel et vain. L'attentat laissait un
petit point d'interrogation dans les cœurs brumeux et les
esprits las.
13 heures avec une explosion à la télévision : un bruit énor-
me, un embouteillage monstrueux engorgant tout Saigon
qui suffoquait sous la chaleur, les colonnes de gaz carbo-
nique et les ronflements sinistres des colonnes de camions
bloqués un peu partout. Et puis tout s'est désengorgé. Le
soir s'est fait presque tendre, l'air presque frais. Le couvre-
feu apparaissait superficiel et vain. L'attentat laissait un
petit point d'interrogation dans les cœurs brumeux et les
esprits las.
13
france
monde
tiers-monde
Lundi 27 mai
Augmentation du SMIG.
réduction d'horaires et abaissement de
l'âge de la retraite : le protocole d'ac-
cord entre les syndicats, le patronat et
le gouvernement est refusé par la
base. Stade Charléty : le meeting orga-
nisé par l'U.N.E.F. attire 60000 étu-
diants et ouvriers. M. Barjonet : «Au-
jourd'hui la révolution est possible. »
réduction d'horaires et abaissement de
l'âge de la retraite : le protocole d'ac-
cord entre les syndicats, le patronat et
le gouvernement est refusé par la
base. Stade Charléty : le meeting orga-
nisé par l'U.N.E.F. attire 60000 étu-
diants et ouvriers. M. Barjonet : «Au-
jourd'hui la révolution est possible. »
Italie : méfiance pour le franc. Des
commerçants imposent à leurs clients
un change de 10 F contre 1 000 lires
au lieu de 1 250. Allemagne de l'Ouest :
la protestation des étudiants contre les
lois d'exception prend de l'ampleur.
Tchécoslovaquie : « le maintien du rôle
dirigeant du parti communiste est la
condition du développement socialiste
de la société » déclare M. Dubcek.
commerçants imposent à leurs clients
un change de 10 F contre 1 000 lires
au lieu de 1 250. Allemagne de l'Ouest :
la protestation des étudiants contre les
lois d'exception prend de l'ampleur.
Tchécoslovaquie : « le maintien du rôle
dirigeant du parti communiste est la
condition du développement socialiste
de la société » déclare M. Dubcek.
Sénégal : grève à l'Université de Dakar
et dans des établissements secon-
daires. New Delhi : la visite à Paris du
Président de la République, M. Hus-
sein, est reportée à une date ultérieure.
Nigeria : la Croix-Rouge internationale
affirme que 600 000 réfugiés meurent
de faim et d'épuisement au Biafra.
et dans des établissements secon-
daires. New Delhi : la visite à Paris du
Président de la République, M. Hus-
sein, est reportée à une date ultérieure.
Nigeria : la Croix-Rouge internationale
affirme que 600 000 réfugiés meurent
de faim et d'épuisement au Biafra.
Mardi 28 mai
Mitterrand envisage le départ du géné-
ral de Gaulle après le 1 6 juin et déclare
qu'il est candidat à la présidence de la
République. Le Conseil d'Etat aurait
émis un avis défavorable au projet de
loi référendaire. Cohn-Bendit rentre à
Paris. Grèves : négociations difficiles
dans tous les secteurs (fonction publi-
que, E.D.F.-G.D.F., banques, métallur-
gie, pétrole...)
ral de Gaulle après le 1 6 juin et déclare
qu'il est candidat à la présidence de la
République. Le Conseil d'Etat aurait
émis un avis défavorable au projet de
loi référendaire. Cohn-Bendit rentre à
Paris. Grèves : négociations difficiles
dans tous les secteurs (fonction publi-
que, E.D.F.-G.D.F., banques, métallur-
gie, pétrole...)
Marché commun : « Six mille agricul-
teurs de six pays manifestent à Bruxel-
les pour « une Europe au service des
hommes ». Etats-Unis : Eugène Me Car-
thy bat Robert Kennedy dans les élec-
tions « primaires » de l'Orégon. Tché-
coslovaquie : les partisans de M. No-
votny relèvent la tête : distribution de
tracts dans les usines, durcissement du
ton contre la presse.
teurs de six pays manifestent à Bruxel-
les pour « une Europe au service des
hommes ». Etats-Unis : Eugène Me Car-
thy bat Robert Kennedy dans les élec-
tions « primaires » de l'Orégon. Tché-
coslovaquie : les partisans de M. No-
votny relèvent la tête : distribution de
tracts dans les usines, durcissement du
ton contre la presse.
Proche-Orient : les organisations natio-
nalistes palestiniennes arrivent à un
accord sur la coordination de leur action
armée en territoire occupé et en Israël.
Haïti : cinq cents rebelles se trouvent
actuellement dans le secteur de Cap-
Haitien. Les gouvernementaux éva-
cuent un poste militaire
nalistes palestiniennes arrivent à un
accord sur la coordination de leur action
armée en territoire occupé et en Israël.
Haïti : cinq cents rebelles se trouvent
actuellement dans le secteur de Cap-
Haitien. Les gouvernementaux éva-
cuent un poste militaire
Mercredi 29 mai
Le général de Gaulle part pour Colom-
bey et reporte le conseil des ministres.
Pierre Mendès-France déclare qu'il ne
refuserait pas les responsabilités que lui
confierait « toute la gauche réunie ».
Plusieurs centaines de milliers de per-
sonnes répondent à l'appel de la C.G.T.
et du P.C. en défilant de la Bastille à la
gare Saint-Lazare. Les négociations
sociales piétinent.
bey et reporte le conseil des ministres.
Pierre Mendès-France déclare qu'il ne
refuserait pas les responsabilités que lui
confierait « toute la gauche réunie ».
Plusieurs centaines de milliers de per-
sonnes répondent à l'appel de la C.G.T.
et du P.C. en défilant de la Bastille à la
gare Saint-Lazare. Les négociations
sociales piétinent.
Marché commun : accord à Bruxelles
sur les produits laitiers. Le prix d'inter-
vention du beurre va passer de 8,63 F
le kilo à 8,70. Cet accord peut contri-
buer à apaiser l'effervescence qui
commençait à se manifester dans les
campagnes. Tchécoslovaquie : M. No-
votny est exclu du comité central avec
quelques autres anciens dignitaires.
sur les produits laitiers. Le prix d'inter-
vention du beurre va passer de 8,63 F
le kilo à 8,70. Cet accord peut contri-
buer à apaiser l'effervescence qui
commençait à se manifester dans les
campagnes. Tchécoslovaquie : M. No-
votny est exclu du comité central avec
quelques autres anciens dignitaires.
Viêt-nam : durs combats à Dang-Ho et
à Khe-Sanh, violent bombardement de
Da-Nang, menace sérieuse sur Dak-To.
Dakar : la police sénégalaise procède
à l'expulsion par la force des étudiants
qui occupaient l'Université. Un arrêté
du gouvernement ferme l'Université et
interdit « les attroupements de plus de
cinq personnes. »
à Khe-Sanh, violent bombardement de
Da-Nang, menace sérieuse sur Dak-To.
Dakar : la police sénégalaise procède
à l'expulsion par la force des étudiants
qui occupaient l'Université. Un arrêté
du gouvernement ferme l'Université et
interdit « les attroupements de plus de
cinq personnes. »
Jeudi 30 mai
De Gaulle reste. Il garde Pompidou. Il
dissout la Chambre et fait appel à
« l'action civique » contre le « commu-
nisme totalitaire». Plusieurs centaines
de milliers de personnes répondent à
l'appel des gaullistes et manifestent de
la Concorde à l'Arc de Triomphe. Réac-
tions : Robert Poujade (U.D. Ve) : « La
nation respire » ; le P.C. : « Une volonté
de dictature ».
dissout la Chambre et fait appel à
« l'action civique » contre le « commu-
nisme totalitaire». Plusieurs centaines
de milliers de personnes répondent à
l'appel des gaullistes et manifestent de
la Concorde à l'Arc de Triomphe. Réac-
tions : Robert Poujade (U.D. Ve) : « La
nation respire » ; le P.C. : « Une volonté
de dictature ».
Tchécoslovaquie : arrivée des premières
troupes soviétiques qui doivent parti-
ciper aux « exercices » du pacte de
Varsovie. Etats-Unis : le Président
Johnson répète que les Nord Viet-
namiens doivent les premiers amorcer
la désescalade. Allemagne de l'Ouest :
le Bundestag ratifie à une grosse majo-
rité la législation d'exception.
troupes soviétiques qui doivent parti-
ciper aux « exercices » du pacte de
Varsovie. Etats-Unis : le Président
Johnson répète que les Nord Viet-
namiens doivent les premiers amorcer
la désescalade. Allemagne de l'Ouest :
le Bundestag ratifie à une grosse majo-
rité la législation d'exception.
Viêt-nam : l'offensive nord viêt-na-
mienne se poursuit près de la zone
démilitarisée. Nigeria : après l'arrêt des
négociations de Kampala, le lieutenant-
colonel Ojukwu, président du Biafra
déclare : « Les Biafrais doivent se pré-
parer à opposer aux forces nigériennes
une résistance à outrance par la gué-
rilla ».
mienne se poursuit près de la zone
démilitarisée. Nigeria : après l'arrêt des
négociations de Kampala, le lieutenant-
colonel Ojukwu, président du Biafra
déclare : « Les Biafrais doivent se pré-
parer à opposer aux forces nigériennes
une résistance à outrance par la gué-
rilla ».
Vendredi 31 mai
Le nouveau gouvernement Pompidou :
Capitant, ministre de la justice ; Ortoli
à l'éducation nationale ; Debré aux
affaires étrangères et Couve de Mur-
ville aux Finances. Les syndicats acti-
vent les négociations par secteur. Le
Baccalauréat de 1968 ne comportera
que des épreuves orales, décide M.
Pompidou. Les livraisons d'essence
reprennent dans la région parisienne.
à l'éducation nationale ; Debré aux
affaires étrangères et Couve de Mur-
ville aux Finances. Les syndicats acti-
vent les négociations par secteur. Le
Baccalauréat de 1968 ne comportera
que des épreuves orales, décide M.
Pompidou. Les livraisons d'essence
reprennent dans la région parisienne.
Grande-Bretagne : M. Cécil King, le
magnat de la presse, est évincé de la
présidence de l'International Publishing
Corporation. Les Etats-Unis et
l'U.R.S.S. amendent le projet de traité
de non-dissémination des armes nu-
cléaires. Berlin-Est et Moscou préco-
nisent le renforcement du pacte de
Varsovie.
magnat de la presse, est évincé de la
présidence de l'International Publishing
Corporation. Les Etats-Unis et
l'U.R.S.S. amendent le projet de traité
de non-dissémination des armes nu-
cléaires. Berlin-Est et Moscou préco-
nisent le renforcement du pacte de
Varsovie.
Sénégal : l'état d'urgence est proclamé
à Dakar. Le président Senghor dans un
message à la nation affirme que « par-
delà les revendications corporatives des
étudiants il y a une revendication poli-
tique dictée par l'étranger». Panama :
M. Arias, leader de l'opposition est
proclamé président.
à Dakar. Le président Senghor dans un
message à la nation affirme que « par-
delà les revendications corporatives des
étudiants il y a une revendication poli-
tique dictée par l'étranger». Panama :
M. Arias, leader de l'opposition est
proclamé président.
14
Samedi donnait des désirs de week-end. A quatre heures
du matin, début de la grande peur, du grand coup. Le ciel
ébranlé tonnait dans l'aube silencieuse. Dans toute la ban-
lieue qui entoure la ville, l'attaque était déclenchée. Contrai-
rement à l'offensive de février, il ne s'agissait pas de
commandos qui venaient se jeter dans la gueule du loup
pour le blesser. Tapis entre les maisons, les pilotis, les
réseaux de canaux et de paillettes, c'était un vaste piège
que le Front avait disposé, un immense camouflage agressif.
Cette fois-ci, il faudrait aller le trouver difficilement et le
déloger dangereusement.
du matin, début de la grande peur, du grand coup. Le ciel
ébranlé tonnait dans l'aube silencieuse. Dans toute la ban-
lieue qui entoure la ville, l'attaque était déclenchée. Contrai-
rement à l'offensive de février, il ne s'agissait pas de
commandos qui venaient se jeter dans la gueule du loup
pour le blesser. Tapis entre les maisons, les pilotis, les
réseaux de canaux et de paillettes, c'était un vaste piège
que le Front avait disposé, un immense camouflage agressif.
Cette fois-ci, il faudrait aller le trouver difficilement et le
déloger dangereusement.
Tactique moins spectaculaire qu'en février sans doute
mais plus meurtrière et plus efficace. La ville est assiégée
sous le feu des combattants du Front. Quand on songe
qu'après l'offensive du Têt, les Sud-Viêt-namiens et les
Américains ont mené pendant trois semaines la plus grande
opération de nettoyage jamais entreprise autour de Saigon,
on mesure mieux encore l'efficacité du F.N.L. Il est clair
qu'il n'a jamais quitté la ville. Il a perdu des hommes et des
armes. Le quadrillage a touché quelques-uns de ses dispo-
sitifs (caches d'armes et abris). Mais il était là dans les ban-
lieues avec ses soldats au milieu des autres citoyens. Il a
resurgi où et quand il avait décidé de le faire.
mais plus meurtrière et plus efficace. La ville est assiégée
sous le feu des combattants du Front. Quand on songe
qu'après l'offensive du Têt, les Sud-Viêt-namiens et les
Américains ont mené pendant trois semaines la plus grande
opération de nettoyage jamais entreprise autour de Saigon,
on mesure mieux encore l'efficacité du F.N.L. Il est clair
qu'il n'a jamais quitté la ville. Il a perdu des hommes et des
armes. Le quadrillage a touché quelques-uns de ses dispo-
sitifs (caches d'armes et abris). Mais il était là dans les ban-
lieues avec ses soldats au milieu des autres citoyens. Il a
resurgi où et quand il avait décidé de le faire.
Nous avons passé la journée de dimanche près de cer-
tains lieux de combats. C'était, de nouveau, le flot de réfu-
giés qui redoutaient les bombardements aériens et s'en-
fuyaient avant qu'il ne soit trop tard. Au début, les combats
étaient relativement localisés. Un nid de tirs était repéré.
On l'encerclait tant bien que mal avec automitrailleuses et
canons sans recul. Et puis, c'était l'échange sporadique
de coups de feu. On partait un peu à l'assaut, on revenait à
l'arrière, on attendait. Combats pourrissants et statiques,
petite guerre de position. Certains endroits prenaient un air
de kermesse : les gens du quartier alentour venaient voir et
s'installaient, pendant que les habitants immédiats du lieu
sinistré fuyaient en sens inverse. Lentement, les murs
volaient en éclats, les fumées jaunes montaient, les coups
secs espacés et précis des hommes du Front répondaient
aux longues rafales des forces gouvernementales. Ainsi,
cinq hommes ont tenu tout un pâté de maison pendant plus
de trente-six heures. Autour d'eux tout s'effondrait, s'écrou-
lait et se vidait. Sont-ils morts? Certains ont-ils réussi à
s'échapper à la faveur de la nuit? On ne les voit pas, on les
entend seulement, et puis, soudain, on ne les entends plus.
tains lieux de combats. C'était, de nouveau, le flot de réfu-
giés qui redoutaient les bombardements aériens et s'en-
fuyaient avant qu'il ne soit trop tard. Au début, les combats
étaient relativement localisés. Un nid de tirs était repéré.
On l'encerclait tant bien que mal avec automitrailleuses et
canons sans recul. Et puis, c'était l'échange sporadique
de coups de feu. On partait un peu à l'assaut, on revenait à
l'arrière, on attendait. Combats pourrissants et statiques,
petite guerre de position. Certains endroits prenaient un air
de kermesse : les gens du quartier alentour venaient voir et
s'installaient, pendant que les habitants immédiats du lieu
sinistré fuyaient en sens inverse. Lentement, les murs
volaient en éclats, les fumées jaunes montaient, les coups
secs espacés et précis des hommes du Front répondaient
aux longues rafales des forces gouvernementales. Ainsi,
cinq hommes ont tenu tout un pâté de maison pendant plus
de trente-six heures. Autour d'eux tout s'effondrait, s'écrou-
lait et se vidait. Sont-ils morts? Certains ont-ils réussi à
s'échapper à la faveur de la nuit? On ne les voit pas, on les
entend seulement, et puis, soudain, on ne les entends plus.
Peu à peu, les combats se sont incrustés, élargis, étendus.
Les incendies redoutés se sont allumés, se répandant de
paillettes en paillettes. D'énormes colonnes noires ont
commencé à monter lentement en différents points de la
ville, à déferler et à s'étendre en cachant le soleil. L'air
sentait le cochon grillé. La pluie s'est mise à dégouliner à
travers cette suie puante. Toute la nuit de dimanche à lundi
le tonnerre et les éclairs faisaient concurrence aux fusées,
aux roquettes et aux canons. Les avions rugissaient et tour-
noyaient, les sirènes mugissaient. Quand la pluie s'en est
allée, il restait la guerre et la chaleur.
Les incendies redoutés se sont allumés, se répandant de
paillettes en paillettes. D'énormes colonnes noires ont
commencé à monter lentement en différents points de la
ville, à déferler et à s'étendre en cachant le soleil. L'air
sentait le cochon grillé. La pluie s'est mise à dégouliner à
travers cette suie puante. Toute la nuit de dimanche à lundi
le tonnerre et les éclairs faisaient concurrence aux fusées,
aux roquettes et aux canons. Les avions rugissaient et tour-
noyaient, les sirènes mugissaient. Quand la pluie s'en est
allée, il restait la guerre et la chaleur.
Viêt-nam ; les négociations de Paris
Les émeutes, les grèves à Paris ont fait quelque peu
oublier ce que tout le monde considérait jusqu'alors comme
l'événement numéro un de 1968 : le début des pourpar-
oublier ce que tout le monde considérait jusqu'alors comme
l'événement numéro un de 1968 : le début des pourpar-
lers américano nord-vietnamiens. Cependant, le peu de
progrès accomplis — officiellement du moins, et rien ne
prouve qu'il y ait des conversations en coulisses — est aussi
la cause de ce désintérêt soudain d'une opinion largement
occupée par ailleurs. Depuis le début des négociations,
on n'a enregistré qu'un seul pas en avant : l'admission
très voilée par M. Xuan Thuy — il a affirmé que tout Vietna-
mien a le droit de combattre en n'importe quel point du
Vietnam — de la présence possible de Nord-Vietnamiens
combattant aux côtés du F.N.L.
progrès accomplis — officiellement du moins, et rien ne
prouve qu'il y ait des conversations en coulisses — est aussi
la cause de ce désintérêt soudain d'une opinion largement
occupée par ailleurs. Depuis le début des négociations,
on n'a enregistré qu'un seul pas en avant : l'admission
très voilée par M. Xuan Thuy — il a affirmé que tout Vietna-
mien a le droit de combattre en n'importe quel point du
Vietnam — de la présence possible de Nord-Vietnamiens
combattant aux côtés du F.N.L.
C'est peu. Quant à MM. Averell Harriman et Cyrus Vance,
ils n'ont pas abordé un instant ce qui devait être pourtant
le premier sujet de discussions : la cessation totale et incon-
ditionnelle des bombardements sur le Nord. Ils menace-
raient même le Nord-Vietnam de la reprise des raids au-delà
du 19e parallèle si le pilonnage de Saigon aux roquettes et
au mortier ne cessait pas.
ils n'ont pas abordé un instant ce qui devait être pourtant
le premier sujet de discussions : la cessation totale et incon-
ditionnelle des bombardements sur le Nord. Ils menace-
raient même le Nord-Vietnam de la reprise des raids au-delà
du 19e parallèle si le pilonnage de Saigon aux roquettes et
au mortier ne cessait pas.
Car il semble bien que c'est là le nœud du problème. Si l'on
suppose que les conversations progressent suffisamment
pour que l'on en vienne à discuter de la présence de repré-
sentants du Sud-Vietnam à la table de négociation de l'Hôtel
Majestic, elles risquent alors de se heurter à une pierre
d'achoppement autrement plus sérieuse que celle qui bloque
actuellement les pourparlers : la représentativité du gouver-
nement de Saigon ou, pour employer les termes de ses
adversaires, des fantoches au pouvoir dans le Sud.
suppose que les conversations progressent suffisamment
pour que l'on en vienne à discuter de la présence de repré-
sentants du Sud-Vietnam à la table de négociation de l'Hôtel
Majestic, elles risquent alors de se heurter à une pierre
d'achoppement autrement plus sérieuse que celle qui bloque
actuellement les pourparlers : la représentativité du gouver-
nement de Saigon ou, pour employer les termes de ses
adversaires, des fantoches au pouvoir dans le Sud.
Quelle que soit l'idée que peut se faire Washington sur la
représentativité de ses protégés actuels, le gouvernement
des Etats-Unis ne peut se permettre de les tenir à l'écart,
car cela enlèverait toute base à sa position qui consiste à
dire qu'il a envoyé ses soldats au Vietnam pour répondre à
l'appel du gouvernement légal de Saigon. D'autre part, il lui
serait sans doute difficile de les supprimer tous comme le
Colonel Luan, chef de la Police. (Après tout, c'était peut-être
vraiment une erreur !)
représentativité de ses protégés actuels, le gouvernement
des Etats-Unis ne peut se permettre de les tenir à l'écart,
car cela enlèverait toute base à sa position qui consiste à
dire qu'il a envoyé ses soldats au Vietnam pour répondre à
l'appel du gouvernement légal de Saigon. D'autre part, il lui
serait sans doute difficile de les supprimer tous comme le
Colonel Luan, chef de la Police. (Après tout, c'était peut-être
vraiment une erreur !)
Mais, par leurs offensives répétées sur Saigon, les Nord-
Vietnamiens et le F.N.L., semble-t-il, sont en train de régler
les choses pour eux. L'administration sud-vietnamienne est
actuellement complètement désorganisée. Les réfugiés sont
innombrables. Les désertions ont augmenté de 40% dans
l'armée gouvernementale, alors qu'elles ont beaucoup dimi-
nué dans le F.N.L. Enfin, la nouvelle mobilisation, qui doit
permettre d'ajouter 300.00 nouveaux conscrits aux
combattants, se heurte à une immense hostilité. Alors ?
Vietnamiens et le F.N.L., semble-t-il, sont en train de régler
les choses pour eux. L'administration sud-vietnamienne est
actuellement complètement désorganisée. Les réfugiés sont
innombrables. Les désertions ont augmenté de 40% dans
l'armée gouvernementale, alors qu'elles ont beaucoup dimi-
nué dans le F.N.L. Enfin, la nouvelle mobilisation, qui doit
permettre d'ajouter 300.00 nouveaux conscrits aux
combattants, se heurte à une immense hostilité. Alors ?
Quand le gouvernement du général Thieu sera tombé — et
peut-il durer dans les conditions actuelles ? — quand aura
été mise en place, avec l'appui des Américains, une équipe
de dirigeants à tendance neutraliste, les négociations
auront avancé d'un grand pas. Mais pas à Paris.
peut-il durer dans les conditions actuelles ? — quand aura
été mise en place, avec l'appui des Américains, une équipe
de dirigeants à tendance neutraliste, les négociations
auront avancé d'un grand pas. Mais pas à Paris.
15
Regard
sur
sur
Févénement
suis perplexe. J'apprends. Le
vendredi 24 mai dans l'après-midi, Florent pousse ma
porte. Il est le Mouvement du 22 mars : « Vous nous avez
posé des questions hier. Nous ne sommes pas des diri-
geants. Venez avec nous. C'est la rue qui vous répondra
ce soir ». Je sais que je vais avec eux à une révolte, à un
affrontement. Comme tous les gens du passé, je ne peux
m'empêcher de dire : « Eh alors ? » II répond en subs-
comme Cohn-Bendit répondait à Sartre, qu'ils sont un
mouvement spontané pour provoquer le dialogue, le
désordre, l'explosion. Ils ne sont pas là pour un pro-
gramme, une organisation, une revendication, mais pour
mettre en cause la société, ses politiciens et ses appareils
traditionnels. La Révolution — ils n'emploient pas le
terme — ne se proclame ni ne se vote, elle se dégage et elle
se fait. Les refrains de Florent sont la rue, la jeunesse, une
action, un travail.
vendredi 24 mai dans l'après-midi, Florent pousse ma
porte. Il est le Mouvement du 22 mars : « Vous nous avez
posé des questions hier. Nous ne sommes pas des diri-
geants. Venez avec nous. C'est la rue qui vous répondra
ce soir ». Je sais que je vais avec eux à une révolte, à un
affrontement. Comme tous les gens du passé, je ne peux
m'empêcher de dire : « Eh alors ? » II répond en subs-
comme Cohn-Bendit répondait à Sartre, qu'ils sont un
mouvement spontané pour provoquer le dialogue, le
désordre, l'explosion. Ils ne sont pas là pour un pro-
gramme, une organisation, une revendication, mais pour
mettre en cause la société, ses politiciens et ses appareils
traditionnels. La Révolution — ils n'emploient pas le
terme — ne se proclame ni ne se vote, elle se dégage et elle
se fait. Les refrains de Florent sont la rue, la jeunesse, une
action, un travail.
Voilà quinze jours que je suis perplexe. Depuis des
mois, à L'événement, quels qu'aient été nos débats inté-
rieurs, nos divisions, nous en appelions à la jeunesse, nous
espérions son apparition révolutionnaire, sa provocation.
Nous considérions la chaîne qui allait d'Amsterdam à
Rome, de Varsovie et de Prague à Berlin, de Hanoi aux
Universités américaines. J'évoquais le 31 mars (1) la réalité
d'un monde devenu absurde, les extravagantes justifica-
tions de cette réalité dans la guerre et la misère, le pouvoir
magique de la lettre morte et la domination inhumaine
de l'imaginaire. Nous reconnaissions en France les signes
précurseurs, à Besançon, à Caen, à Nantes, à Antony, et
à Nanterre. Nous refusions de souscrire à l'analyse de
Viansson-Ponté : la France s'ennuie, sa jeunesse s'ennuie,
engluée dans son tiercé, son autoroute et sa télévision.
Partout une jeunesse — si minoritaire, si marginale qu'elle
fût — opposait à l'absurdité des vieux l'absurdité du mou-
vement qui pouvait tirer les hommes de l'ornière et de
l'âge. Pêle-mêle, à l'Ouest comme à l'Est, cette jeunesse
mettait en cause les règles du jeu, les ordres établis, l'équi-
mois, à L'événement, quels qu'aient été nos débats inté-
rieurs, nos divisions, nous en appelions à la jeunesse, nous
espérions son apparition révolutionnaire, sa provocation.
Nous considérions la chaîne qui allait d'Amsterdam à
Rome, de Varsovie et de Prague à Berlin, de Hanoi aux
Universités américaines. J'évoquais le 31 mars (1) la réalité
d'un monde devenu absurde, les extravagantes justifica-
tions de cette réalité dans la guerre et la misère, le pouvoir
magique de la lettre morte et la domination inhumaine
de l'imaginaire. Nous reconnaissions en France les signes
précurseurs, à Besançon, à Caen, à Nantes, à Antony, et
à Nanterre. Nous refusions de souscrire à l'analyse de
Viansson-Ponté : la France s'ennuie, sa jeunesse s'ennuie,
engluée dans son tiercé, son autoroute et sa télévision.
Partout une jeunesse — si minoritaire, si marginale qu'elle
fût — opposait à l'absurdité des vieux l'absurdité du mou-
vement qui pouvait tirer les hommes de l'ornière et de
l'âge. Pêle-mêle, à l'Ouest comme à l'Est, cette jeunesse
mettait en cause les règles du jeu, les ordres établis, l'équi-
16
libre de la terreur, les guerres sacrées, les races, la famine
inévitable pour les pays arriérés, l'injustice sociale et les
privilèges inévitables pour les pays nantis.
inévitable pour les pays arriérés, l'injustice sociale et les
privilèges inévitables pour les pays nantis.
Dans cette longue chaîne de jeunesse, d'Est en Ouest, de
nation en nation, la jeunesse française vient la dernière :
c'est elle qui la première fait le trou dans le mur. L'Etat,
ses gouvernements, ses Parlements dits représentatifs, ses
comités centraux, ses appareils syndicaux ou patronaux,
ses maîtres à enseigner ou à penser, les pères des peu-
ples et des familles sont contestés, désobéis, tournés en
dérision.
nation en nation, la jeunesse française vient la dernière :
c'est elle qui la première fait le trou dans le mur. L'Etat,
ses gouvernements, ses Parlements dits représentatifs, ses
comités centraux, ses appareils syndicaux ou patronaux,
ses maîtres à enseigner ou à penser, les pères des peu-
ples et des familles sont contestés, désobéis, tournés en
dérision.
Enragés, groupuscules : le pays stupéfait a découvert
que s'ils étaient mille ou vingt mille, ils pouvaient entraî-
ner des millions d'hommes. Un nom a surgi, le plus
étrange, Cohn-Bendit. La société disait : C'est un Juif, un
Allemand, un provocateur. C'était la première révolu-
tion : ce vocabulaire, ces anathèmes de l'âge et du pouvoir
ne troublaient plus les jeunes. Cohn-Bendit, de Montau-
ban ou de Berlin, du communisme ou du capitalisme, juif
ou chrétien, ils s'en foutaient : c'était un jeune. Les papes,
de Fouchet à Séguy, disaient : « Cohn-Bendit provoca-
teur » ou « Cohn-Bendit connais pas ». Les directeurs
sont toujours des directeurs : « Nous ne pouvons pas
tolérer qu'on sollicite des travailleurs pour soutenir des
idées qui consistent en fait à désigner et à insulter les plus
puissantes organisations ouvrières, en prétendant se
substituer à elles dans leur tâche de direction des luttes
ouvrières » ( 1 ).
que s'ils étaient mille ou vingt mille, ils pouvaient entraî-
ner des millions d'hommes. Un nom a surgi, le plus
étrange, Cohn-Bendit. La société disait : C'est un Juif, un
Allemand, un provocateur. C'était la première révolu-
tion : ce vocabulaire, ces anathèmes de l'âge et du pouvoir
ne troublaient plus les jeunes. Cohn-Bendit, de Montau-
ban ou de Berlin, du communisme ou du capitalisme, juif
ou chrétien, ils s'en foutaient : c'était un jeune. Les papes,
de Fouchet à Séguy, disaient : « Cohn-Bendit provoca-
teur » ou « Cohn-Bendit connais pas ». Les directeurs
sont toujours des directeurs : « Nous ne pouvons pas
tolérer qu'on sollicite des travailleurs pour soutenir des
idées qui consistent en fait à désigner et à insulter les plus
puissantes organisations ouvrières, en prétendant se
substituer à elles dans leur tâche de direction des luttes
ouvrières » ( 1 ).
Petits cons... Vieux cons... Soyons honnêtes : si, 'en dix
jours, les salariés ont arraché la reconnaissance de la sec-
tion syndicale, un surcroît de salaire de 1096 pour l'année,
le S.M.I.C. à 520 F (2), le retour aux quarante heures sans
diminution de salaires, un réaménagement de la Sécurité
sociale, c'est à quelques milliers de jeunes que nous le
jours, les salariés ont arraché la reconnaissance de la sec-
tion syndicale, un surcroît de salaire de 1096 pour l'année,
le S.M.I.C. à 520 F (2), le retour aux quarante heures sans
diminution de salaires, un réaménagement de la Sécurité
sociale, c'est à quelques milliers de jeunes que nous le
(1) Déclaration de Benoît Erachon.
(2) L'événement (n° 19-20) demandait en août 1967 le S.M.I.C.
à 600 F.
à 600 F.
Emmanuel d'Astier
devons, a un Cohn-Bendit. Si l'Université est bouleversée,
réformée, si elle devient autonome, c'est à quelques mil-
liers de jeunes que nous le devons. Cela ne veut pas dire
que la frontière entre les petits cons et les vieux cons soit
abolie, que les premiers aient toujours raison. Cela veut
dire que l'on ne peut plus rien faire sans les petits cons.
réformée, si elle devient autonome, c'est à quelques mil-
liers de jeunes que nous le devons. Cela ne veut pas dire
que la frontière entre les petits cons et les vieux cons soit
abolie, que les premiers aient toujours raison. Cela veut
dire que l'on ne peut plus rien faire sans les petits cons.
F
LURENT était debout sur le pas
de ma porte. Dans la nuit du 10 au 11 mai, quelques mil-
liers de jeunes étudiants que l'on nommait « groupus-
cules » ou « provocateurs » avaient réveillé Paris. Dans un
pré carré — de Saint-Germain à Maubert, de Saint-Michel
au Luxembourg — cernés par l'armée noire de l'ordre
établi, casques, boucliers, matraques et grenades, ils
étaient matraqués, gazés, dispersés, et ils avaient gagné. Le
trou dans le mur était fait. Des adultes, des corps consti-
tués, d'autres jeunesses, une population allait s'y enfour-
ner. Les recteurs, les doyens, les parents et les maîtres, de
l'agrégé à l'instituteur, faisaient contrition et volaient au
secours. La plupart réduisaient le mouvement aux crédits,
aux salaires, aux horaires et proclamaient la révolution
pour le confisquer ou l'étouffer. Monseigneur Marty
déclarait : «Je ne suis pas un patron. Je suis un pasteur
et un prophète. Les constructions du monde sont relatives,
mais Dieu y est présent et agissant ». Maître Le Cornée,
président de l'association des parents d'élèves, disait en
substance : c'est très bien ce que font nos petits. Ils retrou-
vent des solutions que nous préconisons depuis vingt ans.
3 mai, 10 mai, 13 mai, 24 mai : Mai 1968 s'achève. La
Révolution est là. J'y mets volontiers un grand R. Elle est
sans commune mesure avec 1936 (1936 raté pour son repli
intérieur et d'avoir négligé le rôle international de la
France), sans commune mesure avec 1945 (parce que nous
n'avions pas su jeter bas les structures sociales de 1940),
sans commune mesure avec la révolution de palais de
1958 qui avait situé à nouveau la France dans le monde —
une France dégagée de la tutelle américaine, de l'enfer
colonialiste, et des liens exclusifs avec les nations blanches
de ma porte. Dans la nuit du 10 au 11 mai, quelques mil-
liers de jeunes étudiants que l'on nommait « groupus-
cules » ou « provocateurs » avaient réveillé Paris. Dans un
pré carré — de Saint-Germain à Maubert, de Saint-Michel
au Luxembourg — cernés par l'armée noire de l'ordre
établi, casques, boucliers, matraques et grenades, ils
étaient matraqués, gazés, dispersés, et ils avaient gagné. Le
trou dans le mur était fait. Des adultes, des corps consti-
tués, d'autres jeunesses, une population allait s'y enfour-
ner. Les recteurs, les doyens, les parents et les maîtres, de
l'agrégé à l'instituteur, faisaient contrition et volaient au
secours. La plupart réduisaient le mouvement aux crédits,
aux salaires, aux horaires et proclamaient la révolution
pour le confisquer ou l'étouffer. Monseigneur Marty
déclarait : «Je ne suis pas un patron. Je suis un pasteur
et un prophète. Les constructions du monde sont relatives,
mais Dieu y est présent et agissant ». Maître Le Cornée,
président de l'association des parents d'élèves, disait en
substance : c'est très bien ce que font nos petits. Ils retrou-
vent des solutions que nous préconisons depuis vingt ans.
3 mai, 10 mai, 13 mai, 24 mai : Mai 1968 s'achève. La
Révolution est là. J'y mets volontiers un grand R. Elle est
sans commune mesure avec 1936 (1936 raté pour son repli
intérieur et d'avoir négligé le rôle international de la
France), sans commune mesure avec 1945 (parce que nous
n'avions pas su jeter bas les structures sociales de 1940),
sans commune mesure avec la révolution de palais de
1958 qui avait situé à nouveau la France dans le monde —
une France dégagée de la tutelle américaine, de l'enfer
colonialiste, et des liens exclusifs avec les nations blanches
et nanties — tout en plaçant le pays sous un boisseau.
Florent était dans la porte. Tourmenté, je ne savais pas
sur quoi elle s'ouvrait. On m'interpellait : « La Révolu-
tion est là. Où êtes-vous ? Que faites-vous ? Depuis trente
ans vous n'avez pas trouvé votre place dans les structures
sociales, dans les schémas. Compagnon des communistes,
vous avez contesté le Communisme, compagnon de
Charles de Gaulle, vous avez contesté le Gaullisme. Où
êtes-vous ? En marge ? »
sur quoi elle s'ouvrait. On m'interpellait : « La Révolu-
tion est là. Où êtes-vous ? Que faites-vous ? Depuis trente
ans vous n'avez pas trouvé votre place dans les structures
sociales, dans les schémas. Compagnon des communistes,
vous avez contesté le Communisme, compagnon de
Charles de Gaulle, vous avez contesté le Gaullisme. Où
êtes-vous ? En marge ? »
Marginal ? Il est vrai que je ne suis pas dans les limites
de l'épure. Je n'ai pu m'accommoder d'une carrière,
d'une hiérarchie, d'une idéologie. Je suis entré tard dans
la vie publique — en 1940 dans l'insurrection, comme
contestataire. C'était il y a mille ans. Et puis, de lustre en
lustre, contestataire encore, marginal encore : peut-être
est-ce la raison pour laquelle je suis entraîné au dialogue
et à la sympathie avec les Florent du Mouvement du
22 mars, contestataires et marginaux eux aussi, qui ont
mille ans de moins.
de l'épure. Je n'ai pu m'accommoder d'une carrière,
d'une hiérarchie, d'une idéologie. Je suis entré tard dans
la vie publique — en 1940 dans l'insurrection, comme
contestataire. C'était il y a mille ans. Et puis, de lustre en
lustre, contestataire encore, marginal encore : peut-être
est-ce la raison pour laquelle je suis entraîné au dialogue
et à la sympathie avec les Florent du Mouvement du
22 mars, contestataires et marginaux eux aussi, qui ont
mille ans de moins.
Alors pourquoi cette perplexité ? Sans doute parce que
je ne puis m'accommoder à l'idée que la seule voie de la
Révolution soit la violence et la rue, les barricades et le
sang. Contradictions aussi : j'avais été au pouvoir ou dans
ses avenues et je ne pouvais plus me mettre dans la peau
de ceux qui n'y avaient jamais été. Les pouvoirs me met-
taient dans un ici état de malaise que je ne pouvais non
plus rester dans la peau des pouvoirs. Enfin j'avais été
en voyage à l'Est, en Russie, en Chine, dans le Tiers-
Monde, en Afrique, et je ne pouvais pas rester dans la
peau du Français, dans les plis d'un drapeau tricolore.
je ne puis m'accommoder à l'idée que la seule voie de la
Révolution soit la violence et la rue, les barricades et le
sang. Contradictions aussi : j'avais été au pouvoir ou dans
ses avenues et je ne pouvais plus me mettre dans la peau
de ceux qui n'y avaient jamais été. Les pouvoirs me met-
taient dans un ici état de malaise que je ne pouvais non
plus rester dans la peau des pouvoirs. Enfin j'avais été
en voyage à l'Est, en Russie, en Chine, dans le Tiers-
Monde, en Afrique, et je ne pouvais pas rester dans la
peau du Français, dans les plis d'un drapeau tricolore.
Police : on voudrait la plaindre, plaindre l'honorable
Grimaud, le commissaire de police tué à Lyon. Elle n'est
qu'un circuit de pensée, celui du pouvoir. L'ignominieuse
répression des corps urbains vous retiennent : ces com-
missaires, ces hommes dont la fonction n'est plus de se
battre mais, à froid, dans les centres d'accueil à Beaujon,
au IVe, au Ve arrondissement, de rouer les têtes et les
sexes, d'avilir filles et garçons. Les adjudants de Charles
de Gaulle (qui avait su épurer son armée) n'ont pas voulu
épurer leur police de la guerre d'Algérie, de Charonne,
de Papon. On a la police quç l'on mérite.
Grimaud, le commissaire de police tué à Lyon. Elle n'est
qu'un circuit de pensée, celui du pouvoir. L'ignominieuse
répression des corps urbains vous retiennent : ces com-
missaires, ces hommes dont la fonction n'est plus de se
battre mais, à froid, dans les centres d'accueil à Beaujon,
au IVe, au Ve arrondissement, de rouer les têtes et les
sexes, d'avilir filles et garçons. Les adjudants de Charles
de Gaulle (qui avait su épurer son armée) n'ont pas voulu
épurer leur police de la guerre d'Algérie, de Charonne,
de Papon. On a la police quç l'on mérite.
17
Regard
sur
sur
l'événement
F
LORENT m'entraîne, Stalingrad,
Barbes, Clichy, la rue de Lyon. Cortèges, drapeaux rouges
et noirs, pancartes et banderolles, l'appareil du maintien
de l'ordre — CRS, corps urbains — qui, comme toute
armée de métier, doit sortir tout cru et sans âme d'un
ordinateur. Des parvis de la Gare de Lyon, au carrefour
Daumesnil, les gens étaient peut-être dix mille, peut-être
vingt-mille. Je m'entretiens avec trois hommes du Mou-
vement, Florent l'étudiant et deux ouvriers. La nature du
dialogue est différente de la nature de tous les dialogues
passés. Ils écoutent, prêts à dire n'importe quoi, à enten-
dre n'importe quoi. Leur seul propos : l'action, jeter bas
une vieille société. Ils ont séparé la passion de la haine,
l'individu de sa classe. Ils ne sont ni tranchants ni dogma-
tiques, ils ne demandent pas à la fille si elle est étudiante,
ouvrière ou mannequin, ils ne demandent pas à l'homme
s'il est communiste, gaulliste ou miterrandiste, ouvrier
ou bourgeois. C'était hier. Que pensez-vous d'aujour-
d'hui ?
Barbes, Clichy, la rue de Lyon. Cortèges, drapeaux rouges
et noirs, pancartes et banderolles, l'appareil du maintien
de l'ordre — CRS, corps urbains — qui, comme toute
armée de métier, doit sortir tout cru et sans âme d'un
ordinateur. Des parvis de la Gare de Lyon, au carrefour
Daumesnil, les gens étaient peut-être dix mille, peut-être
vingt-mille. Je m'entretiens avec trois hommes du Mou-
vement, Florent l'étudiant et deux ouvriers. La nature du
dialogue est différente de la nature de tous les dialogues
passés. Ils écoutent, prêts à dire n'importe quoi, à enten-
dre n'importe quoi. Leur seul propos : l'action, jeter bas
une vieille société. Ils ont séparé la passion de la haine,
l'individu de sa classe. Ils ne sont ni tranchants ni dogma-
tiques, ils ne demandent pas à la fille si elle est étudiante,
ouvrière ou mannequin, ils ne demandent pas à l'homme
s'il est communiste, gaulliste ou miterrandiste, ouvrier
ou bourgeois. C'était hier. Que pensez-vous d'aujour-
d'hui ?
Les insignes séculaires de la Révolution sont là, le terme
camarade, le tutoiement, le prénom qui efface le nom, la
référence au socialisme, le drapeau rouge. Encore est-il
frappé de tant d'insignes différents qu'il ne se reconnaît
plus, sauf aux barricades dans sa nudité originelle, privé
d'étoiles, de faucilles ou de croissants. Par moments,
comme à Pétrograd ou en Ukraine en 1918, en Catalogne
en 1936, dans les mines du Nord en 1940, le drapeau noir
et l'anarchie s'élèvent comme un dernier recours.
camarade, le tutoiement, le prénom qui efface le nom, la
référence au socialisme, le drapeau rouge. Encore est-il
frappé de tant d'insignes différents qu'il ne se reconnaît
plus, sauf aux barricades dans sa nudité originelle, privé
d'étoiles, de faucilles ou de croissants. Par moments,
comme à Pétrograd ou en Ukraine en 1918, en Catalogne
en 1936, dans les mines du Nord en 1940, le drapeau noir
et l'anarchie s'élèvent comme un dernier recours.
Huit heures du soir, j'écoute dans une voiture du Mou-
vement les sept minutes du Général de Gaulle, la voix
fantôme d'un des plus grands hommes de la France, à la
fois envoûtant, distant et insupportable. Ce soir, rue de
Lyon, c'est un monarque récusé par un peuple de jeunes :
passent les drapeaux rouges et noirs et les cohortes scan-
dent « De Gaulle assassin ». Ce cri me blesse. Il est insi-
gnifiant. Mes amis du 22 mars me parlent avec un ton de
compassion discrète. Ils reconnaissent l'acquis de la gran-
deur, mais ils ne sont pas férus d'Histoire. C'était il y a
mille ans. Ils ont un mépris plus grand pour un Mitter-
rand ou un Séguy ou un Waldeck, mais si ceux-là embru-
ment l'horizon, ils ne le bouchent pas encore.
vement les sept minutes du Général de Gaulle, la voix
fantôme d'un des plus grands hommes de la France, à la
fois envoûtant, distant et insupportable. Ce soir, rue de
Lyon, c'est un monarque récusé par un peuple de jeunes :
passent les drapeaux rouges et noirs et les cohortes scan-
dent « De Gaulle assassin ». Ce cri me blesse. Il est insi-
gnifiant. Mes amis du 22 mars me parlent avec un ton de
compassion discrète. Ils reconnaissent l'acquis de la gran-
deur, mais ils ne sont pas férus d'Histoire. C'était il y a
mille ans. Ils ont un mépris plus grand pour un Mitter-
rand ou un Séguy ou un Waldeck, mais si ceux-là embru-
ment l'horizon, ils ne le bouchent pas encore.
De Gaulle a parlé comme un vieil homme un peu incer-
tain. Le moment pathétique, le mouvement poétique c'est
l'envol des mouettes, des milliers de mouchoirs agités
tandis que des milliers d'hommes criaient « Adieu de
tain. Le moment pathétique, le mouvement poétique c'est
l'envol des mouettes, des milliers de mouchoirs agités
tandis que des milliers d'hommes criaient « Adieu de
Gaulle, adieu ». Tout est emporté par le chant de l'Inter-
nationale, par le petit enfer de la bataille des rues.
nationale, par le petit enfer de la bataille des rues.
Le tableau vivant, fait de paniers de fer, de casques et
de boucliers — icône devant les iconoclastes — s'anime.
Une barricade brûle. De petits minotaures noirs pour-
chassent leur contingent d'adolescents qui courent, se
dispersent, larmes aux yeux, triangles blancs autour du
visage, sous le son plus fort d'une grenade offensive, dans
le susurrement et la piqûre de grenades lacrymogènes.
Une grenade fumigène éclate à nos pieds. Daumesnil, la
Bastille, le feu dans la Bourse et le drapeau rouge : les
courants convergent au Quartier Latin. Une population
participe, travailleurs, canailles ou délicats. La joie vio-
lente, l'effusion furieuse court la rue, coupées d'entractes
de stupeur.
de boucliers — icône devant les iconoclastes — s'anime.
Une barricade brûle. De petits minotaures noirs pour-
chassent leur contingent d'adolescents qui courent, se
dispersent, larmes aux yeux, triangles blancs autour du
visage, sous le son plus fort d'une grenade offensive, dans
le susurrement et la piqûre de grenades lacrymogènes.
Une grenade fumigène éclate à nos pieds. Daumesnil, la
Bastille, le feu dans la Bourse et le drapeau rouge : les
courants convergent au Quartier Latin. Une population
participe, travailleurs, canailles ou délicats. La joie vio-
lente, l'effusion furieuse court la rue, coupées d'entractes
de stupeur.
Mes amis, Justine le mannequin, Justin le collégien me
racontent. Ils ont été au feu d'artifice. Ils ont voulu
participer : la violence est venue de surcroît. Justin dit :
« Pourquoi ont-ils voulu reprendre le terrain qu'ils nous
avaient laissé ? » Justine dit : « Je n'étais rien, je n'étais
plus seule, ivre de gaz, de peur et d'un amour égoïste »...
On parlait, parlait. Le monde des familles, des classes et
des lois était aboli. D'amphithéâtre en amphithéâtre, de
la Sorbonne à l'Odéon, on pouvait participer, dire ce
que l'on avait sur le cœur ou dans la tête sans souci du
ridicule et du regard oblique des adultes.
racontent. Ils ont été au feu d'artifice. Ils ont voulu
participer : la violence est venue de surcroît. Justin dit :
« Pourquoi ont-ils voulu reprendre le terrain qu'ils nous
avaient laissé ? » Justine dit : « Je n'étais rien, je n'étais
plus seule, ivre de gaz, de peur et d'un amour égoïste »...
On parlait, parlait. Le monde des familles, des classes et
des lois était aboli. D'amphithéâtre en amphithéâtre, de
la Sorbonne à l'Odéon, on pouvait participer, dire ce
que l'on avait sur le cœur ou dans la tête sans souci du
ridicule et du regard oblique des adultes.
Justine est éblouie par les graffitis qu'elle relève pour
faire un album : «N'allez pas en Grèce cet été, visitez la
Sorbonne » — « II est interdit d'interdire » — « Prenez vos désirs
pour des réalités » — t Professeurs, vous nous faites vieillir » —
«• Godard, le plus con des Suisses prochinois » — « Plus je fais
l'amour, plus j'ai envie de faire la révolution ; plus je fais la
révolution, plus j'ai envie de faire l'amour ».
faire un album : «N'allez pas en Grèce cet été, visitez la
Sorbonne » — « II est interdit d'interdire » — « Prenez vos désirs
pour des réalités » — t Professeurs, vous nous faites vieillir » —
«• Godard, le plus con des Suisses prochinois » — « Plus je fais
l'amour, plus j'ai envie de faire la révolution ; plus je fais la
révolution, plus j'ai envie de faire l'amour ».
Le fils est debout devant la famille. Il a seize ans. Il est
bourgeois, fils de notable dans une école de notables. Il a
tous les privilèges de sa classe. Sa contestation à l'égard
des maîtres et des parents s'exprimait dans le cheveu, le
vêtement, les filles, la ruse, un désordre secret contre un
ordre imposé... « Où vas-tu ? » — « Boulevard Saint-
Michel à la manif... » La mère dit au père à la cantonade :
« Tu es responsable. Il n'est pas étudiant. C'est un collé-
gien : il aura un mauvais coup ». Justin est debout, il feint
le respect. Ce mot n'a plus de sens. On y a substitué le
mot amour, mais l'amour des adultes pour les adoles-
cents n'est encore qu'une contrainte.
bourgeois, fils de notable dans une école de notables. Il a
tous les privilèges de sa classe. Sa contestation à l'égard
des maîtres et des parents s'exprimait dans le cheveu, le
vêtement, les filles, la ruse, un désordre secret contre un
ordre imposé... « Où vas-tu ? » — « Boulevard Saint-
Michel à la manif... » La mère dit au père à la cantonade :
« Tu es responsable. Il n'est pas étudiant. C'est un collé-
gien : il aura un mauvais coup ». Justin est debout, il feint
le respect. Ce mot n'a plus de sens. On y a substitué le
mot amour, mais l'amour des adultes pour les adoles-
cents n'est encore qu'une contrainte.
Derrière le feu d'artifice, l'agitation, le pavé et la
18
barricade, le verbe et le défoulement, derrière l'Odéon où
l'on joue, la Sorbonne où l'on s'agite, Censier où l'on
discute, la rue des Saints-Pères où l'on travaille, disci-
pline par discipline, profession par profession, des
jeunes, courtois et studieux, démantèlent les systèmes
anciens. Beaucoup n'en appellent pas à la politique et
à son vocabulaire, ne se jettent pas à la tête les vieux
maîtres et les cours magistraux. A la faculté de médecine,
chacun, à son degré, confronte avec patience ses connais-
sances et les responsabilités. Une nouvelle version de
l'ordre médical s'élabore, ainsi pour l'urbanisme, l'archi-
tecture, la pharmacie.
l'on joue, la Sorbonne où l'on s'agite, Censier où l'on
discute, la rue des Saints-Pères où l'on travaille, disci-
pline par discipline, profession par profession, des
jeunes, courtois et studieux, démantèlent les systèmes
anciens. Beaucoup n'en appellent pas à la politique et
à son vocabulaire, ne se jettent pas à la tête les vieux
maîtres et les cours magistraux. A la faculté de médecine,
chacun, à son degré, confronte avec patience ses connais-
sances et les responsabilités. Une nouvelle version de
l'ordre médical s'élabore, ainsi pour l'urbanisme, l'archi-
tecture, la pharmacie.
Une intersyndicale — des journalistes aux techniciens —
a mis la main sur les petites bastilles de l'Office de la
Radio et de la Télévision Française. Le statut est suspendu.
Directeurs et mandarins se tournent les pouces dans leurs
bureaux avant d'être chassés. La contestation, le dialogue
est au niveau du pouvoir.
a mis la main sur les petites bastilles de l'Office de la
Radio et de la Télévision Française. Le statut est suspendu.
Directeurs et mandarins se tournent les pouces dans leurs
bureaux avant d'être chassés. La contestation, le dialogue
est au niveau du pouvoir.
L
E 22 MAI, je suis devant mon
poste de télévision. La grille derrière laquelle rien ne se
passe — ni magazine, ni séquence d'actualités —, le rideau
se lève sur le Parlement. Voilà dix ans que je n'y ai pas mis
les pieds, après y avoir consacré treize années. L'hémi-
cycle parlementaire était déjà apparu à la télévision de
façon épisodique. Le spectacle était si fastidieux que des
millions de Français tournaient le bouton pour inter-
rompre ou chercher en seconde chaîne une dramatique ou
un jeu. Aujourd'hui, à défaut d'autre spectacle, les
millions de Français, paralysés par la grève, suspendus à
leurs postes d'écoute, goûteront la version intégrale. Un
vieux routier de la politique dira : « Nous attendions une
soupe au poivre, on nous a servi de la verveine ». Dans
le ronronnement des antiques sentences et des catili-
naires (Quousque tandem), quelques voix et quelques
visages s'élevaient au-dessus du dérisoire : Pompidou le
loup exténué qui fait face avec courage à la curée, Pierre
Cot rhéteur et réquisiteur courtois dont le grand art ora-
toire est dépassé dans la décrépitude des Parlements,
Edgard Pisani le rebelle tourmenté, Giscard d'Estaing le
jeune maître dont la sobriété impose le silence et l'atten-
poste de télévision. La grille derrière laquelle rien ne se
passe — ni magazine, ni séquence d'actualités —, le rideau
se lève sur le Parlement. Voilà dix ans que je n'y ai pas mis
les pieds, après y avoir consacré treize années. L'hémi-
cycle parlementaire était déjà apparu à la télévision de
façon épisodique. Le spectacle était si fastidieux que des
millions de Français tournaient le bouton pour inter-
rompre ou chercher en seconde chaîne une dramatique ou
un jeu. Aujourd'hui, à défaut d'autre spectacle, les
millions de Français, paralysés par la grève, suspendus à
leurs postes d'écoute, goûteront la version intégrale. Un
vieux routier de la politique dira : « Nous attendions une
soupe au poivre, on nous a servi de la verveine ». Dans
le ronronnement des antiques sentences et des catili-
naires (Quousque tandem), quelques voix et quelques
visages s'élevaient au-dessus du dérisoire : Pompidou le
loup exténué qui fait face avec courage à la curée, Pierre
Cot rhéteur et réquisiteur courtois dont le grand art ora-
toire est dépassé dans la décrépitude des Parlements,
Edgard Pisani le rebelle tourmenté, Giscard d'Estaing le
jeune maître dont la sobriété impose le silence et l'atten-
don. Mais la jeunesse entend-elle dans le crépitement
des grenades ces cours magistraux qui appellent à l'appui
Appolinaire ou Bernard Shaw ? On regarde Malraux qui
remâche ses Antimémoires, Mendès-France, l'espoir parmi
ses geôliers « On vous invitera à notre table », dit
Mitterand — « Je suis très touché », répond Mendès.
On écoute distraitement les mots homériques, vulgaires
chez Gaston Defferre « Je n'suis pas cultivé comme vous,
M'sieu le Premier ministre, mais on m'a appris à l'école
que la Roche Tarpéiennc était proche du Capitole. »,
redondants chez François Mitterrand. IVe, Ve République:
quelle jeunesse aujourd'hui songerait à interpeller le
Parlement, à s'en remettre à lui ?
des grenades ces cours magistraux qui appellent à l'appui
Appolinaire ou Bernard Shaw ? On regarde Malraux qui
remâche ses Antimémoires, Mendès-France, l'espoir parmi
ses geôliers « On vous invitera à notre table », dit
Mitterand — « Je suis très touché », répond Mendès.
On écoute distraitement les mots homériques, vulgaires
chez Gaston Defferre « Je n'suis pas cultivé comme vous,
M'sieu le Premier ministre, mais on m'a appris à l'école
que la Roche Tarpéiennc était proche du Capitole. »,
redondants chez François Mitterrand. IVe, Ve République:
quelle jeunesse aujourd'hui songerait à interpeller le
Parlement, à s'en remettre à lui ?
Je suis à cinquante kilomètres de Paris, en petite
province où il n'y a ni concentration étudiante ni concen-
tration ouvrière. Sur la route du retour, sans essence, on
m'interroge : « Qu'est-ce que c'est ?... Que fait Paris ? »
Les gens balancent entre la patience et la réserve. Rare-
ment indignés du mouvement de la jeunesse, rarement
excédés de la durée des grèves, ils disent : « Quand cela
va-t-il finir ? » '
province où il n'y a ni concentration étudiante ni concen-
tration ouvrière. Sur la route du retour, sans essence, on
m'interroge : « Qu'est-ce que c'est ?... Que fait Paris ? »
Les gens balancent entre la patience et la réserve. Rare-
ment indignés du mouvement de la jeunesse, rarement
excédés de la durée des grèves, ils disent : « Quand cela
va-t-il finir ? » '
Mercredi 29 mai, jeudi 30 mai, la jeunesse est laissée
à ses effusions. La politique reprend ses droits. Dans
l'assujetissement des grands défilés, les appareils et les
partis reprennent leurs troupes en main. Dans les bas
quartiers, quatre cent mille hommes vont de la Bastille à
Saint-Lazare, derrière la C.G.T. et le parti communiste.
La jeunesse ouvrière, orthodoxe ou hétérodoxe, fait un
baroud sans joie et sans diversion. La jeunesse étudiante,
. à la traîne, est seule à crier à la fois « de Gaulle non »,
« Mitterand non ». Le lendemain, dans les beaux quar-
tiers, cinq cent mille hommes vont de la Concorde à
l'Etoile, dans une riposte déterminée. De Gaulle avait
parlé : après le discours du 24 mai, après un suspense
funèbre et une retraite, il avait retrouvé soudain force et
conviction, stupéfiant la France et l'étranger.
à ses effusions. La politique reprend ses droits. Dans
l'assujetissement des grands défilés, les appareils et les
partis reprennent leurs troupes en main. Dans les bas
quartiers, quatre cent mille hommes vont de la Bastille à
Saint-Lazare, derrière la C.G.T. et le parti communiste.
La jeunesse ouvrière, orthodoxe ou hétérodoxe, fait un
baroud sans joie et sans diversion. La jeunesse étudiante,
. à la traîne, est seule à crier à la fois « de Gaulle non »,
« Mitterand non ». Le lendemain, dans les beaux quar-
tiers, cinq cent mille hommes vont de la Concorde à
l'Etoile, dans une riposte déterminée. De Gaulle avait
parlé : après le discours du 24 mai, après un suspense
funèbre et une retraite, il avait retrouvé soudain force et
conviction, stupéfiant la France et l'étranger.
Le mythe gaullien a reparu. Une population plutôt
qu'un peuple, la bourgeoisie qui pour une bonne part\
abomine de Gaulle se sont saisies du mythe. De Gaulle l
a désigné « le communisme totalitaire ». Le parti de la J
crainte se retrouvera au cri « le communisme ne passera
pas ». L'épopée du 18 juin et de 1944, l'épopée de G
l'Algérie libérée et des généraux matés, de la main tendue
au Tiers-Monde, de la gloire du Viêt-nam, de la résis-
tance au dollar sont noyées dans la foule des hauts quar-
tiers de Vichy et la sentence « Travail, Famille, Patrie ».
qu'un peuple, la bourgeoisie qui pour une bonne part\
abomine de Gaulle se sont saisies du mythe. De Gaulle l
a désigné « le communisme totalitaire ». Le parti de la J
crainte se retrouvera au cri « le communisme ne passera
pas ». L'épopée du 18 juin et de 1944, l'épopée de G
l'Algérie libérée et des généraux matés, de la main tendue
au Tiers-Monde, de la gloire du Viêt-nam, de la résis-
tance au dollar sont noyées dans la foule des hauts quar-
tiers de Vichy et la sentence « Travail, Famille, Patrie ».
*
19
La pègre dorée qui s'était crue accablée par la pègre
des faubourgs ressort le drapeau américain, crie « Cohn-
Bendit à Dachau », prend d'assaut le drapeau rouge
dans un chantier. On se reconnaît dans le Figaro, dans les
C.R.S. et les minotaures avec qui l'on fraternise... Mes-
sieurs Louis-Gabriel Robinet, Raymond Cartier et
Jacques Baumel ont repris confiance. Dans les frontières
d'un soir, du service d'ordre aux grilles des Tuileries
jusqu'à la flamme dérisoire du Soldat inconnu, où est
la condition humaine ?
des faubourgs ressort le drapeau américain, crie « Cohn-
Bendit à Dachau », prend d'assaut le drapeau rouge
dans un chantier. On se reconnaît dans le Figaro, dans les
C.R.S. et les minotaures avec qui l'on fraternise... Mes-
sieurs Louis-Gabriel Robinet, Raymond Cartier et
Jacques Baumel ont repris confiance. Dans les frontières
d'un soir, du service d'ordre aux grilles des Tuileries
jusqu'à la flamme dérisoire du Soldat inconnu, où est
la condition humaine ?
Le soir du 30 mai, je retourne à mes Florent, à mes
amis du 22 mars. Nous ne sommes pas gais. J'ai bien
mille ans. Ils ont aussi mille ans : contestateurs et margi-
naux, nous allions au même but par des voies différentes.
Je suis floué, ils sont floués. Je suis aussi malheureux
qu'eux : « Que faites-vous ? » Florent répond : « Un
manifeste, notre assemblée générale fait un manifeste...
Vous ne connaissez pas un autre mot ? » — « Oui, celui
que vous méprisez le plus : motion ». Florent ajoute
accablé : « II n'y a qu'à reprendre sa carte au parti
communiste, quitte à le quitter dans six semaines ou dans
six mois ».
amis du 22 mars. Nous ne sommes pas gais. J'ai bien
mille ans. Ils ont aussi mille ans : contestateurs et margi-
naux, nous allions au même but par des voies différentes.
Je suis floué, ils sont floués. Je suis aussi malheureux
qu'eux : « Que faites-vous ? » Florent répond : « Un
manifeste, notre assemblée générale fait un manifeste...
Vous ne connaissez pas un autre mot ? » — « Oui, celui
que vous méprisez le plus : motion ». Florent ajoute
accablé : « II n'y a qu'à reprendre sa carte au parti
communiste, quitte à le quitter dans six semaines ou dans
six mois ».
D
E GAULLE écrivait : « Dans le
tumulte des hommes et des événements, la solitude était
ma tentation, maintenant elle est mon amie. » Et le
silence. De Gaulle n'a pas d'autres amis. Le mercredi
29, à 11 heures du matin, il quitte l'Elysée. Il a fait
__jviser Pompidou et il refuse de le recevoir. La veille,
cinq minutes par cinq minutes, grognards, serviteurs et
ministres ont défilé dans son bureau. Il a écouté. D'un
geste, d'une question, d'une sentence, il a écarté le gaspil-
lage de la condamnation, de ce langage oral qui le met en
état de malaise. Pèse-t-il les erreurs : son Olympe quand
l'Empyrée était sur terre, qu'il se soit fait arracher par la
rue ce qu'il devait donner, son voyage à Bucarest et le
discours aux étudiants roumains, tandis que des cen-
taines de milliers d'étudiants français sont en rumeur, ce
référendum dérisoire, son entourage fasciné ou servile,
devenu un conseil d'administration. Pourquoi dire « Je
me suis trompé » ? Les égarements font l'histoire si on
les dépasse. De Gaulle se donne un jour pour la médi-
tation et la décision. Il est bon qu'on pense le perdre :
voilà cinq ans qu'il dit à ses plus intimes qu'il s'en ira.
Il survole ses marches de l'Est, Saint-Dizier, son Europe,
Baden-Baden, interroge ses généraux, Massu qu'il a
maté, le gendre de Boissieu, Beauvallet, la VIe Région.
Il s'assure de son armée, reconnaît la docilité, et l'indif-
férence. La nature qu'il aime, un printemps, la quiétude
silencieuse d'Yvonne de Gaulle et de l'aide de camp
protègent sa réflexion. A Colombey, sa demeure, la forêt,
la pièce d'angle en direction du couchant, la nuit le
pénètrent de « l'insignifiance des choses » (1).
ma tentation, maintenant elle est mon amie. » Et le
silence. De Gaulle n'a pas d'autres amis. Le mercredi
29, à 11 heures du matin, il quitte l'Elysée. Il a fait
__jviser Pompidou et il refuse de le recevoir. La veille,
cinq minutes par cinq minutes, grognards, serviteurs et
ministres ont défilé dans son bureau. Il a écouté. D'un
geste, d'une question, d'une sentence, il a écarté le gaspil-
lage de la condamnation, de ce langage oral qui le met en
état de malaise. Pèse-t-il les erreurs : son Olympe quand
l'Empyrée était sur terre, qu'il se soit fait arracher par la
rue ce qu'il devait donner, son voyage à Bucarest et le
discours aux étudiants roumains, tandis que des cen-
taines de milliers d'étudiants français sont en rumeur, ce
référendum dérisoire, son entourage fasciné ou servile,
devenu un conseil d'administration. Pourquoi dire « Je
me suis trompé » ? Les égarements font l'histoire si on
les dépasse. De Gaulle se donne un jour pour la médi-
tation et la décision. Il est bon qu'on pense le perdre :
voilà cinq ans qu'il dit à ses plus intimes qu'il s'en ira.
Il survole ses marches de l'Est, Saint-Dizier, son Europe,
Baden-Baden, interroge ses généraux, Massu qu'il a
maté, le gendre de Boissieu, Beauvallet, la VIe Région.
Il s'assure de son armée, reconnaît la docilité, et l'indif-
férence. La nature qu'il aime, un printemps, la quiétude
silencieuse d'Yvonne de Gaulle et de l'aide de camp
protègent sa réflexion. A Colombey, sa demeure, la forêt,
la pièce d'angle en direction du couchant, la nuit le
pénètrent de « l'insignifiance des choses » (1).
(1) de Gaulle : Mémoires.
20
20
II a sa détermination, une vigueur qui stupéfiera ses
fidèles et ses adversaires, et les nations qui l'avaient
toutes enterré. Il recommencera mai 1958, à l'envers cette
fois. Voilà dix ans il a été appelé, aujourd'hui il paraît
rejeté. Il dit : « J'ai pris ma résolution. Dans les cir-
constances présentes, je ne me retirerai pas. J'ai un
mandat du peuple. Je le remplirai. »
fidèles et ses adversaires, et les nations qui l'avaient
toutes enterré. Il recommencera mai 1958, à l'envers cette
fois. Voilà dix ans il a été appelé, aujourd'hui il paraît
rejeté. Il dit : « J'ai pris ma résolution. Dans les cir-
constances présentes, je ne me retirerai pas. J'ai un
mandat du peuple. Je le remplirai. »
Mais sait-il que dans cette quinzaine qu'il a dédaignée
quelque chose a craqué, qu'une société s'est défaite sous
les coups d'une jeunesse insulaire et sauvage et dans une
énorme grève où s'asseyaient des millions de mécon-
tents, de tout acabit, dans la revendication des salaires,
s'écartant de la jeunesse et de la révolution sans visage.
quelque chose a craqué, qu'une société s'est défaite sous
les coups d'une jeunesse insulaire et sauvage et dans une
énorme grève où s'asseyaient des millions de mécon-
tents, de tout acabit, dans la revendication des salaires,
s'écartant de la jeunesse et de la révolution sans visage.
.....
De Gaulle incarne aujourd'hui — au-delà de sa dimen-
sion phénoménale et historique, et qu'il le veuille ou
non — les pouvoirs d'une société en état de décrépitude.
Ces pouvoirs sont partout contestés, assaillis par une
jeunesse marginale. Dans leur opposition à une Ve Répu-
blique condamnée comme la IVe, un Mitterrand, un
Mollet, un Mendès, un Waldeck-Rochet endossent aussi
la décrépitude de notre société. De Gaulle apporte encore
un élément de surprise qui est une des conditions du
bouleversement et de l'action : avec lui on peut s'attendre
à tout. La capacité de surprise, la faculté révolutionnaire
des chefs de l'opposition est nulle : avec eux on ne peut
s'attendre à rien. Ils sont hier. C'est dans la carence
des pouvoirs et par un mouvement spontané qu'a surgi
la grande marée revendicatrice, la marée gréviste. Les
travailleurs coiffés par les appareil syndicaux, en compa-
gnie de la masse des salariés petits bourgeois avides d'un
sion phénoménale et historique, et qu'il le veuille ou
non — les pouvoirs d'une société en état de décrépitude.
Ces pouvoirs sont partout contestés, assaillis par une
jeunesse marginale. Dans leur opposition à une Ve Répu-
blique condamnée comme la IVe, un Mitterrand, un
Mollet, un Mendès, un Waldeck-Rochet endossent aussi
la décrépitude de notre société. De Gaulle apporte encore
un élément de surprise qui est une des conditions du
bouleversement et de l'action : avec lui on peut s'attendre
à tout. La capacité de surprise, la faculté révolutionnaire
des chefs de l'opposition est nulle : avec eux on ne peut
s'attendre à rien. Ils sont hier. C'est dans la carence
des pouvoirs et par un mouvement spontané qu'a surgi
la grande marée revendicatrice, la marée gréviste. Les
travailleurs coiffés par les appareil syndicaux, en compa-
gnie de la masse des salariés petits bourgeois avides d'un
nunprévu.
Ils sont hier. Aujourd'hui chacun cherche à sa façon
une société de bien-être. Le capitalisme de consommation
l'a établie dans l'inégalité des répartitions et dans de
monstrueuses distorsions. Le communisme de consom-
mation l'a établie dans l'abolition formelle de la pro-
priété et des classes. Pour l'un comme pour l'autre, la
sentence reste : travail, obéissance, gouvernants gouver-
nés. La notion originelle du socialisme a disparu : parti-
cipation, responsabilité, autogestion, soviet. La grande
rumeur des jeunes l'a remise en lumière, sans apporter
encore, pour la société industrielle, de solution concrète.
Mais au-delà des modalités d'une société de bien-être, le
problème essentiel reste celui de son usage. Quel cadre
l'esprit de l'homme peut-il donner à la spirale des biens
matériels et du progrès, au-delà des appétits où se loge-
ront le bonheur et l'amour ?
une société de bien-être. Le capitalisme de consommation
l'a établie dans l'inégalité des répartitions et dans de
monstrueuses distorsions. Le communisme de consom-
mation l'a établie dans l'abolition formelle de la pro-
priété et des classes. Pour l'un comme pour l'autre, la
sentence reste : travail, obéissance, gouvernants gouver-
nés. La notion originelle du socialisme a disparu : parti-
cipation, responsabilité, autogestion, soviet. La grande
rumeur des jeunes l'a remise en lumière, sans apporter
encore, pour la société industrielle, de solution concrète.
Mais au-delà des modalités d'une société de bien-être, le
problème essentiel reste celui de son usage. Quel cadre
l'esprit de l'homme peut-il donner à la spirale des biens
matériels et du progrès, au-delà des appétits où se loge-
ront le bonheur et l'amour ?
Juin, ce n'est plus le temps de l'imagination, c'est le
temps des clichés, aussi bien pour de Gaulle que pour
l'opposition : communisme totalitaire, guerre civile,
18 brumaire, 2 décembre. Les exigences sont escamotées :
vous êtes un dictateur, vous en êtes un autre.
temps des clichés, aussi bien pour de Gaulle que pour
l'opposition : communisme totalitaire, guerre civile,
18 brumaire, 2 décembre. Les exigences sont escamotées :
vous êtes un dictateur, vous en êtes un autre.
Tous aux urnes. C'est insignifiant. Entracte.
Emmanuel d'Astier
10 juin 1968
10 juin 1968
PREMIERE HISTOIRE
DE LA RÉVOLUTION
DE LA RÉVOLUTION
Les éléments de ce dos-
sier ont été réunis par :
sier ont été réunis par :
Jean Bertolino
Michel-Antoine Burnier
Danielle Corbel
Julien Fanjeaux
Philippe Gavi
Christian Jelen
Frédéric Mornand
Olivier Oudiette
Pierre-Charles Pathé
Bertrand Soyer
CE QUI A COMMENCÉ
VOICI un drapeau rouge, des barricades, des combats
de rue, une volonté révolutionnaire, une cohorte
étudiante : « le pouvoir est dans la rue ». Un mouvement
s'organise de lui-même, en dehors des partis, bien au-delà
des groupuscules. Il ne fait pas de promesses, ne distribue
pas schémas et fausses solutions : il maintient une puis-
sance de refus et de recherche. La vieille Université
s'effondre en huit jours avec son examen, ce délicat
symbole de l'individualisme bourgeois.
de rue, une volonté révolutionnaire, une cohorte
étudiante : « le pouvoir est dans la rue ». Un mouvement
s'organise de lui-même, en dehors des partis, bien au-delà
des groupuscules. Il ne fait pas de promesses, ne distribue
pas schémas et fausses solutions : il maintient une puis-
sance de refus et de recherche. La vieille Université
s'effondre en huit jours avec son examen, ce délicat
symbole de l'individualisme bourgeois.
Nos sociétés en marche vers l'abondance devaient
connaître la fin de l'inégalité et des conflits sociaux sous
la poussée de la technique et de l'organisation ; les idéo-
logues et les technocrates assuraient que bourgeoisies et
prolétariats étaient en voie de disparition. L'essor et~te~>
conditionnement de la consommation fondaient la paix
sociale. Restait la politique. On nous sommait de choisir :
à l'extérieur, entre le néo-capitalisme et le communisme
post-stalinien, entre Londres et Varsovie au pire, Paris
et Prague au mieux. A l'intérieur, entre gaullisme et
mitterrandisme, conservatisme éclairé contre social-
démocratie pro-américaine. Si, par hasard, les étudiants
s'occupaient de politique, ils savaient que s'opposaient
M. Peyrefitte, ministre de l'Education nationale, et
M. Billières, contre-ministre de l'Education nationale,
président du parti radical, ancien ministre de l'Education
nationale. ^-~
connaître la fin de l'inégalité et des conflits sociaux sous
la poussée de la technique et de l'organisation ; les idéo-
logues et les technocrates assuraient que bourgeoisies et
prolétariats étaient en voie de disparition. L'essor et~te~>
conditionnement de la consommation fondaient la paix
sociale. Restait la politique. On nous sommait de choisir :
à l'extérieur, entre le néo-capitalisme et le communisme
post-stalinien, entre Londres et Varsovie au pire, Paris
et Prague au mieux. A l'intérieur, entre gaullisme et
mitterrandisme, conservatisme éclairé contre social-
démocratie pro-américaine. Si, par hasard, les étudiants
s'occupaient de politique, ils savaient que s'opposaient
M. Peyrefitte, ministre de l'Education nationale, et
M. Billières, contre-ministre de l'Education nationale,
président du parti radical, ancien ministre de l'Education
nationale. ^-~
Présidentielles ou législatives, les mises en demeure
le défilé du 13 mai
électorales étaient nettes : en un combat douteux, l'option
de Gaulle ou Mitterrand est imposée à l'électeur français
comme s'imposent à l'Allemagne, à l'Italie ou à la
Belgique démocraties chrétiennes et social-démocraties,
faux alliés et faux adversaires, travaillistes et conservateurs
à.l'Angleterre, démocrates et républicains aux Etats-Unis.
Le parti^ojiimuj[n^j£,jrAnc,ais_^__cp^
de Gaulle ou Mitterrand est imposée à l'électeur français
comme s'imposent à l'Allemagne, à l'Italie ou à la
Belgique démocraties chrétiennes et social-démocraties,
faux alliés et faux adversaires, travaillistes et conservateurs
à.l'Angleterre, démocrates et républicains aux Etats-Unis.
Le parti^ojiimuj[n^j£,jrAnc,ais_^__cp^
chT~pouvoir — parle dés_ormais..jde-la-voie. parlementaire,.
aU^ocîalisme et s'allie à la gauche modérée. Les règles du
"jeu politique sont^ posées, et universeITemêlïï~âcITïïïsës.
Pourîês" poffticiens, l'hypothèse révolutionnaire_est un
^aTïs~unë~socîeTé' industrielle.
aU^ocîalisme et s'allie à la gauche modérée. Les règles du
"jeu politique sont^ posées, et universeITemêlïï~âcITïïïsës.
Pourîês" poffticiens, l'hypothèse révolutionnaire_est un
^aTïs~unë~socîeTé' industrielle.
Avec ses 50 000 manifestants parisiens, ses 15 000-
combattants des barricades, ses 2 500 blessés et ses
1 500 arrestations, le premier mouvement révolution-
naire bouleverse la France, entraîne des millions
d'hommes, et trouve la jonction avec une fraction de la
jeunesse ouvrière. Par la violence et par l'ironie, il
récuse le système tout entier, son enseignement et sa
culture, son organisation sociale et son ordre politique.
Nationalismes et hiérarchies sont effacés. La Commune
étudiante, radicale et minoritaire, ouvre la première crise
à caractère révolutionnaire qui ait ébranlé un
industriel de la deuxième moitié du xxe siècle.
combattants des barricades, ses 2 500 blessés et ses
1 500 arrestations, le premier mouvement révolution-
naire bouleverse la France, entraîne des millions
d'hommes, et trouve la jonction avec une fraction de la
jeunesse ouvrière. Par la violence et par l'ironie, il
récuse le système tout entier, son enseignement et sa
culture, son organisation sociale et son ordre politique.
Nationalismes et hiérarchies sont effacés. La Commune
étudiante, radicale et minoritaire, ouvre la première crise
à caractère révolutionnaire qui ait ébranlé un
industriel de la deuxième moitié du xxe siècle.
Comme pour la Commune de 1871, l'appui de
province se limite à quelques grandes villes, Lyon, Nantes.
La force majeure qui pourrait contester l'ordre — la
paysannerie en 1871, la classe ouvrière en 1968 — ne
rallie pas la révolution. Mais, comme en 1871, le mouve-
ment découvre la spontanéité de la foule, la liberté du
province se limite à quelques grandes villes, Lyon, Nantes.
La force majeure qui pourrait contester l'ordre — la
paysannerie en 1871, la classe ouvrière en 1968 — ne
rallie pas la révolution. Mais, comme en 1871, le mouve-
ment découvre la spontanéité de la foule, la liberté du
23
pays^J
débat. Et 1968, comme 1871, joue et rêve toutes les
révolutions passées pour annoncer des bouleversements
à venir. 1968, c'est aussi 1936, 1848 et 1789.
„ 1936.: sans consulter de prudents syndicats, la classe
ouvrière occupe les usines. Au-delà de la lutte pour les
K' salaires, la révolte contre les cadences et l'organisation
policière du travail donne au mouvement sa combativité.
Les syndicats suivent, freinent et négocient. 1848 : la
-.révolution se développe de capitale en capitale ; aujour-
d'hui, dans le monde entier, les étudiants se révoltent,
de Varsovie à Berlin, de Rome à Tokyo. La France
emprunte aux Japonais le pas de gymnastique scandé
de « hop, hop », l'Italie emprunte à Paris l'idée jusque-là
.^.oubliée de barricade. 1789 : c'est le caractère le plus
^JK étonnant du mouvement. En dehors des Communards
S étudiants et de leur radicalisme, de la classe ouvrière
j et de son combat, des secteurs jusqu'ici modérés et
• conservateurs se lèvent d'un coup. Comme en 89 les abus
et les féodalités deviennent brusquement insupportables.
Les anachronismes, le centralisme, les hobereaux des
bureaucraties sont mis en cause. A la Faculté de Médecine,
chez les architectes, à la Télévision asservie, un peu
> partout des hommes prennent conscience et réclament
une responsabilité et une autogestion.
révolutions passées pour annoncer des bouleversements
à venir. 1968, c'est aussi 1936, 1848 et 1789.
„ 1936.: sans consulter de prudents syndicats, la classe
ouvrière occupe les usines. Au-delà de la lutte pour les
K' salaires, la révolte contre les cadences et l'organisation
policière du travail donne au mouvement sa combativité.
Les syndicats suivent, freinent et négocient. 1848 : la
-.révolution se développe de capitale en capitale ; aujour-
d'hui, dans le monde entier, les étudiants se révoltent,
de Varsovie à Berlin, de Rome à Tokyo. La France
emprunte aux Japonais le pas de gymnastique scandé
de « hop, hop », l'Italie emprunte à Paris l'idée jusque-là
.^.oubliée de barricade. 1789 : c'est le caractère le plus
^JK étonnant du mouvement. En dehors des Communards
S étudiants et de leur radicalisme, de la classe ouvrière
j et de son combat, des secteurs jusqu'ici modérés et
• conservateurs se lèvent d'un coup. Comme en 89 les abus
et les féodalités deviennent brusquement insupportables.
Les anachronismes, le centralisme, les hobereaux des
bureaucraties sont mis en cause. A la Faculté de Médecine,
chez les architectes, à la Télévision asservie, un peu
> partout des hommes prennent conscience et réclament
une responsabilité et une autogestion.
VOILA pour le mouvement. De l'autre côté, les
pouvoirs, les institutions et les autorités. Après un
va et vient entre la répression et la capitulation, le
gouvernement s'effondre et disparaît dans la trappe.
Reste un Premier ministre qui fait à lui seul office de
uvernement par intérim. Le Parlement s'enlise dans
la démagogie. Le débat n'a nul rapport avec la gravité
de la crise et la France effarée découvre la médiocrité
de son personnel politique et l'usage que l'on a fait de
' "son suffrage universel. L'Assemblée nationale est l'un
des rares groupements qui n'ait rien compris, le seul où
la crise n'ait pu imposer, même provisoirement, un ton
nouveau.
pouvoirs, les institutions et les autorités. Après un
va et vient entre la répression et la capitulation, le
gouvernement s'effondre et disparaît dans la trappe.
Reste un Premier ministre qui fait à lui seul office de
uvernement par intérim. Le Parlement s'enlise dans
la démagogie. Le débat n'a nul rapport avec la gravité
de la crise et la France effarée découvre la médiocrité
de son personnel politique et l'usage que l'on a fait de
' "son suffrage universel. L'Assemblée nationale est l'un
des rares groupements qui n'ait rien compris, le seul où
la crise n'ait pu imposer, même provisoirement, un ton
nouveau.
~~ La querelle entre la majorité et l'opposition prend un
air de famille. Les dirigeants se comprennent et retrouvent
le même langage, chauvin et paternel, pour condamner en
la flattant la révolte des jeunesses étudiante et ouvrière.
Pompidou et Séguy ont vite découvert les voies d'un
accord qui ne posait ni le problème des conditions de
travail, ni celui du pouvoir ouvrier dans l'entreprise.
La C.G.T. met l'accent sur les revendications de salaire,
la C.F.D.T. sur les réformes de structure. Tout au long
de la crise, partis de gauche et syndicats C.G.T. cherchent
à isoler la fraction révolutionnaire, l'abandonnant à la
répression gouvernementale.
air de famille. Les dirigeants se comprennent et retrouvent
le même langage, chauvin et paternel, pour condamner en
la flattant la révolte des jeunesses étudiante et ouvrière.
Pompidou et Séguy ont vite découvert les voies d'un
accord qui ne posait ni le problème des conditions de
travail, ni celui du pouvoir ouvrier dans l'entreprise.
La C.G.T. met l'accent sur les revendications de salaire,
la C.F.D.T. sur les réformes de structure. Tout au long
de la crise, partis de gauche et syndicats C.G.T. cherchent
à isoler la fraction révolutionnaire, l'abandonnant à la
répression gouvernementale.
^- Une fois de plus, le général de Gaulle a sauvé sa
f République. Il a regroupé derrière lui sa seule clientèle
j disponible, les partis de la droite et de la crainte. Son
/ discours a fait lever une immense foule de privilégiés,
'•'d'apeurés et de Versaillais, avec leurs drapeaux trico-
f République. Il a regroupé derrière lui sa seule clientèle
j disponible, les partis de la droite et de la crainte. Son
/ discours a fait lever une immense foule de privilégiés,
'•'d'apeurés et de Versaillais, avec leurs drapeaux trico-
lores, leurs voitures décapotables et leurs frères C.R.S.
Et la Ve République, qui n'ose plus vanter ses réalisations,
voudrait trouver un argument électoral suprême dans un
anti-CQiâniunisjng sorduTè....Voici maintenue l'a querelle
traditionnelle de la droite et de la gauche : elle est
rassurante, les Français la vivent depuis un siècle et demi.
En dénonçant, sans y croire, le « communisme tota-
litaire et sa menace de dictature », le général de Gaulle
s'est montré ingrat envers un parti qui a attendu le
quinzième jour pour avancer timidement sa prétention à
participer à un nouveau gouvernement. La gauche a
répliqué en parlant de « dictature » et « d'appel à la
guerre civile ». Y avait-il un risque d'affrontement ?
Il faut en douter : chacun s'accorde sur le principe des
élections législatives. Les mêmes notables, dépassés et
rusés, iront dans les circonscriptions se battre avec de
grands mots. Le parlementarisme bourgeois reste le fond
commun d'une civilisation politique française que la
jeunesse révolutionnaire avait voulu mettre en cause.
Et la Ve République, qui n'ose plus vanter ses réalisations,
voudrait trouver un argument électoral suprême dans un
anti-CQiâniunisjng sorduTè....Voici maintenue l'a querelle
traditionnelle de la droite et de la gauche : elle est
rassurante, les Français la vivent depuis un siècle et demi.
En dénonçant, sans y croire, le « communisme tota-
litaire et sa menace de dictature », le général de Gaulle
s'est montré ingrat envers un parti qui a attendu le
quinzième jour pour avancer timidement sa prétention à
participer à un nouveau gouvernement. La gauche a
répliqué en parlant de « dictature » et « d'appel à la
guerre civile ». Y avait-il un risque d'affrontement ?
Il faut en douter : chacun s'accorde sur le principe des
élections législatives. Les mêmes notables, dépassés et
rusés, iront dans les circonscriptions se battre avec de
grands mots. Le parlementarisme bourgeois reste le fond
commun d'une civilisation politique française que la
jeunesse révolutionnaire avait voulu mettre en cause.
LACTION de la jeunesse étudiante et ouvrière réus-
sira-t-elle à créer des centres permanents de contes-
tation dans la nouvelle Université, dans les usines et
les syndicats ? Le mouvement va traverser le désert des
élections et des vacances : les loisirs et les milliers de
salles que la démocratie bourgeoise met à la disposition
de ses électeurs et de la population peuvent être au moins
un terrain pour entretenir l'agitation.
•~-€ohn-Rendit, le singulier, le hérault du moment, dit :
« La démonstration a été faite de l'efficacité des méthodes
/révolutionnaires. Il ne s'agit pas de faire de la méta-
I physique et de chercher comment se feraxc la révolution ».
Nous allons plutôt vers un changement perpétuel de la
société, provoqué, à chaque étape, par des actions révo-
/ lutionnaires. » La France officielle prétendra oublier la
Lréyolution et digérer les réformes. Les voix qui crient
« La France aux Français » voudront couvrir celles qui
ont affirmé « Nous sommes tous des fuifs allemands ».
Quelque chose a commencé, qui se poursuivra nécessai-
rement, au delà de de Gaulle et de Mitterrand.
sira-t-elle à créer des centres permanents de contes-
tation dans la nouvelle Université, dans les usines et
les syndicats ? Le mouvement va traverser le désert des
élections et des vacances : les loisirs et les milliers de
salles que la démocratie bourgeoise met à la disposition
de ses électeurs et de la population peuvent être au moins
un terrain pour entretenir l'agitation.
•~-€ohn-Rendit, le singulier, le hérault du moment, dit :
« La démonstration a été faite de l'efficacité des méthodes
/révolutionnaires. Il ne s'agit pas de faire de la méta-
I physique et de chercher comment se feraxc la révolution ».
Nous allons plutôt vers un changement perpétuel de la
société, provoqué, à chaque étape, par des actions révo-
/ lutionnaires. » La France officielle prétendra oublier la
Lréyolution et digérer les réformes. Les voix qui crient
« La France aux Français » voudront couvrir celles qui
ont affirmé « Nous sommes tous des fuifs allemands ».
Quelque chose a commencé, qui se poursuivra nécessai-
rement, au delà de de Gaulle et de Mitterrand.
Nous avons vécu les journées de mai. En voici le
tableau. Le courant peut être détourné, il ne peut être
étouffé. Après ce premier livre, d'autres viendront.
tableau. Le courant peut être détourné, il ne peut être
étouffé. Après ce premier livre, d'autres viendront.
Le 10 juin 1968
Michel-Antoine Burnier
Danielle Corbel
Christian felen
Olivier Oudiette
Unis dans la même peur du « communisme totalitaire », les
Gaullistes et les anciens partisans de l'Algérie française se sont
réconciliés pour défiler de la Concorde à l'Arc de Triomphe et |
scander « la France aux Français » et tr Cohn-Bendit à Dac/iau ». |=
Gaullistes et les anciens partisans de l'Algérie française se sont
réconciliés pour défiler de la Concorde à l'Arc de Triomphe et |
scander « la France aux Français » et tr Cohn-Bendit à Dac/iau ». |=
24
Calendrier
VENDREDI 22 MARS
142 étudiants dirigés par Daniel Cohn-
Bendit occupent la salle du Conseil de
Faculté à Nanterre et protestent contre
l'arrestation de plusieurs lycéens et de
militants du comité «Viêt-nam natio-
nal » après les « attentats » contre la
Chase Manhattan Bank et l'agence
T.W.A. de Paris.
Bendit occupent la salle du Conseil de
Faculté à Nanterre et protestent contre
l'arrestation de plusieurs lycéens et de
militants du comité «Viêt-nam natio-
nal » après les « attentats » contre la
Chase Manhattan Bank et l'agence
T.W.A. de Paris.
DIMANCHE 24 MARS
Les doyens des facultés des sciences
proposent un système de sélection par
étapes et la création de « centres de
formation professionnelle hiérarchisée».
étapes et la création de « centres de
formation professionnelle hiérarchisée».
SAMEDI 30 MARS
Peyrefitte : «Certaines des revendica-
tions des étudiants de Nanterre sont
légitimes. Mais par leurs excès, les
« enragés » se discréditent de plus en
plus aux yeux de la masse des étudiants
et de l'opinion publique. »
tions des étudiants de Nanterre sont
légitimes. Mais par leurs excès, les
« enragés » se discréditent de plus en
plus aux yeux de la masse des étudiants
et de l'opinion publique. »
MARDI 2 AVRIL
1 200 étudiants se rassemblent à Nan-
terre pour discuter des luttes ouvrières
et étudiantes dans les pays de l'Est,
des luttes anti-impérialistes, de l'Uni-
versité et de l'Université critique, du
capitalisme en 1968, de la culture et
de la créativité.
terre pour discuter des luttes ouvrières
et étudiantes dans les pays de l'Est,
des luttes anti-impérialistes, de l'Uni-
versité et de l'Université critique, du
capitalisme en 1968, de la culture et
de la créativité.
MERCREDI 3 AVRIL
Un comité interministériel décide d'ins-
tituer à partir de la rentrée de 1 969 une
sélection à l'entrée des facultés : il ne
suffira donc plus aux lycéens de réussir
au baccalauréat pour pouvoir faire des
études supérieures.
tituer à partir de la rentrée de 1 969 une
sélection à l'entrée des facultés : il ne
suffira donc plus aux lycéens de réussir
au baccalauréat pour pouvoir faire des
études supérieures.
JEUDI 11 AVRIL
Attentat à Berlin contre Rudi Dutschke.
DIMANCHE 21 AVRIL
Assemblée extraordinaire de l'U.N.E.F. :
bagarres entre étudiants de droite et de
gauche. Expulsion des « apolitiques ».
Un affrontement avec « Occident » em-
pêche l'assemblée d'achever ses tra-
vaux et d'élire un nouveau président.
l'U.N.E.F. refuse de boycotter les exa-
mens,
gauche. Expulsion des « apolitiques ».
Un affrontement avec « Occident » em-
pêche l'assemblée d'achever ses tra-
vaux et d'élire un nouveau président.
l'U.N.E.F. refuse de boycotter les exa-
mens,
A l'entrée de la faculté des lettres de Nan-
terre
terre
JEUDI 25 AVRIL
A Toulouse, violentes bagarres entre
étudiants de droite et de gauche. Le
recteur Richard demande l'intervention
de la police. Les «enragés» de Nan-
terre empêchent M. Pierre Juquin,
député communiste, de prendre la
parole devant les étudiants de la
Faculté. L'un des rapporteurs du mou-
vement du 22 mars déclare : « Nous
copions la S.O.S. allemande alors que
la situation est très différente. Nous
n'avons su faire que des phrases, des
affiches ou des manifestations. Nous
devons trouver une pratique originale. »
étudiants de droite et de gauche. Le
recteur Richard demande l'intervention
de la police. Les «enragés» de Nan-
terre empêchent M. Pierre Juquin,
député communiste, de prendre la
parole devant les étudiants de la
Faculté. L'un des rapporteurs du mou-
vement du 22 mars déclare : « Nous
copions la S.O.S. allemande alors que
la situation est très différente. Nous
n'avons su faire que des phrases, des
affiches ou des manifestations. Nous
devons trouver une pratique originale. »
VENDREDI 26 AVRIL
A Strasbourg, manifestation d'étudiants
qui accusent les « Dernières Nouvelles
d'Alsace » d'avoir à leur égard la même
attitude que les journaux du groupe
Springer à l'égard de leurs camarades
allemands.
qui accusent les « Dernières Nouvelles
d'Alsace » d'avoir à leur égard la même
attitude que les journaux du groupe
Springer à l'égard de leurs camarades
allemands.
SAMEDI 27 AVRIL
Cohn-Bendit est interpellé par la police.
DIMANCHE 28 AVRIL
200 membres des comités «Viêt-nam
de base » mettent à sac une exposition
organisée par le « Front uni de soutien
au Sud Viêt-nam ». Le groupuscule
d'extrême-droite « Occident » décide
« d'écraser la vermine bolchevique ».
de base » mettent à sac une exposition
organisée par le « Front uni de soutien
au Sud Viêt-nam ». Le groupuscule
d'extrême-droite « Occident » décide
« d'écraser la vermine bolchevique ».
JEUDI 2 MAI
Sorbonne : un incendie signé « Occi-
dent » ravage les locaux de l'Association
des étudiants en lettres. Le doyen réagit
contre un appel au boycottage des
examens. Nanterre : M. Grappin, doyen
de la faculté des lettres, décide de sus-
pendre les cours devant l'agitation estu-
dent » ravage les locaux de l'Association
des étudiants en lettres. Le doyen réagit
contre un appel au boycottage des
examens. Nanterre : M. Grappin, doyen
de la faculté des lettres, décide de sus-
pendre les cours devant l'agitation estu-
diantine : occupation d'un amphithéâtre
et de locaux administratifs par diffé-
rents groupements d'extrême-gauche
qui célèbrent la première de deux
«Journées anti-impérialistes»; rumeurs
d'affrontements entre l'extrême-gauche
et l'extrême-droite. Cohn-Bendit est
appelé à comparaître le 6 mai devant
le Conseil de l'Université. Deux réac-
tions : Minute : « Nous n'abandonne-
rons pas la rue à la chienlit des
enragés. » Dans un article paru le len-
demain, dans l'Humanité, Georges
Marchais écrit : « Les faux révolution-
naires (de Nanterre) servent les inté-
rêts du pouvoir gaulliste et des grands
monopoles capitalistes. »
et de locaux administratifs par diffé-
rents groupements d'extrême-gauche
qui célèbrent la première de deux
«Journées anti-impérialistes»; rumeurs
d'affrontements entre l'extrême-gauche
et l'extrême-droite. Cohn-Bendit est
appelé à comparaître le 6 mai devant
le Conseil de l'Université. Deux réac-
tions : Minute : « Nous n'abandonne-
rons pas la rue à la chienlit des
enragés. » Dans un article paru le len-
demain, dans l'Humanité, Georges
Marchais écrit : « Les faux révolution-
naires (de Nanterre) servent les inté-
rêts du pouvoir gaulliste et des grands
monopoles capitalistes. »
VENDREDI 3 MAI
Les étudiants tiennent le pavé de Paris :
barricades dressées et voitures mises
en travers de la chaussée par les étu-
diants, charges policières et grenades
lacrymogènes, 596 étudiants appré-
hendés et 27 gardés à vue, lock-out
de la Sorbonne, grève illimitée de
l'Université lancée par U.N.E.F. et
S.N.E. Sup. Le détonateur? L'appel du
recteur Roche aux policiers pour déga-
en travers de la chaussée par les étu-
diants, charges policières et grenades
lacrymogènes, 596 étudiants appré-
hendés et 27 gardés à vue, lock-out
de la Sorbonne, grève illimitée de
l'Université lancée par U.N.E.F. et
S.N.E. Sup. Le détonateur? L'appel du
recteur Roche aux policiers pour déga-
M. le recteur Roche
26
ger la Sorbonne : plusieurs centaines
d'étudiants protestaient calmement
contre la fermeture de Nanterre et la
comparution de six de leurs camarades
devant le Conseil de l'Université.
d'étudiants protestaient calmement
contre la fermeture de Nanterre et la
comparution de six de leurs camarades
devant le Conseil de l'Université.
SAMEDI 4 MAI
Premières réactions : L'Humanité :
« La grande masse des étudiants peut
mesurer les conséquences graves aux-
« La grande masse des étudiants peut
mesurer les conséquences graves aux-
D. Cohn Beridit va comparaître devant la
commission de discipline
commission de discipline
quelles inévitablement conduit l'aven-
turisme politique... » Paris-Jour : « Les
étudiants : des fils à papa ! » Le
Figaro : « Etudiants ces jeunes ? Ils
relèvent de la Correctionnelle plutôt que
de l'Université. » Le slogan « Figaro
fasciste» est déjà dans l'air. La 10e
chambre correctionnelle du tribunal de
Paris condamne sept étudiants à des
peines de prison avec sursis.
turisme politique... » Paris-Jour : « Les
étudiants : des fils à papa ! » Le
Figaro : « Etudiants ces jeunes ? Ils
relèvent de la Correctionnelle plutôt que
de l'Université. » Le slogan « Figaro
fasciste» est déjà dans l'air. La 10e
chambre correctionnelle du tribunal de
Paris condamne sept étudiants à des
peines de prison avec sursis.
DIMANCHE 5 MAI
Le ministère de l'Education nationale
avertit les professeurs que la grève
décidée par le S.N.E. Sup. est illégale,
le préavis de huit jours n'ayant pas été
respecté. Le professeur Kastler, prix
Nobel de physique, et vingt de ses
collègues passent outre. Quatre étu-
diants sont condamnés à des peines de
prison ferme.
décidée par le S.N.E. Sup. est illégale,
le préavis de huit jours n'ayant pas été
respecté. Le professeur Kastler, prix
Nobel de physique, et vingt de ses
collègues passent outre. Quatre étu-
diants sont condamnés à des peines de
prison ferme.
LUNDI 6 MAI
A 20 heures, M. Peyrefitte tente vaine-
ment de justifier à la télévision l'inter-
vention de la police : « II s'agissait de
protéger la grande masse des étudiants
contre une poignée d'agitateurs. » Les
agitateurs : ils sont 20 000 -qui au
ment de justifier à la télévision l'inter-
vention de la police : « II s'agissait de
protéger la grande masse des étudiants
contre une poignée d'agitateurs. » Les
agitateurs : ils sont 20 000 -qui au
même moment hurlent dans la rue :
« Nous sommes un groupuscule ». « Etu-
diants solidaires des travailleurs », « Une
dizaine d'enragés », « Figaro fasciste ».
« Libérez nos camarades ». Combats de
rue boulevard Saint-Germain : 345
membres du service d'ordre atteints et
24 conduits à l'hôpital, plusieurs cen-
taines d'étudiants blessés, 422 arres-
tations. Au plus fort des combats, des
responsables de l'U.N.E.F. condamnent
« l'action la plus déchaînée des mani-
festants. » Plus tard dans la nuit,
l'U.N.E.F. rectifie son tir et appelle les
étudiants à « s'élever contre la barbarie
en poursuivant la grève engagée et en
participant à toutes les actions des
jours suivants. » Réactions : Le Figaro
s'inquiète : « II n'y a pas d'autre solu-
tion que le dialogue. » La Nation est
surprise : « II ne faudrait pas que cer-
taines maladresses transforment le
bobo de quelques-uns en épidémie. »
L'Humanité prend le train en marche :
« Etudiants et professeurs peuvent
compter sur l'appui total des commu-
nistes pour le retour à un fonctionne-
ment normal des facultés. » Pour Pro-
grès et Démocratie, « la jeunesse fran-
çaise privée de la mystique de l'Europe
ne voit pas quels grands desseins lui
offre notre société. »
« Nous sommes un groupuscule ». « Etu-
diants solidaires des travailleurs », « Une
dizaine d'enragés », « Figaro fasciste ».
« Libérez nos camarades ». Combats de
rue boulevard Saint-Germain : 345
membres du service d'ordre atteints et
24 conduits à l'hôpital, plusieurs cen-
taines d'étudiants blessés, 422 arres-
tations. Au plus fort des combats, des
responsables de l'U.N.E.F. condamnent
« l'action la plus déchaînée des mani-
festants. » Plus tard dans la nuit,
l'U.N.E.F. rectifie son tir et appelle les
étudiants à « s'élever contre la barbarie
en poursuivant la grève engagée et en
participant à toutes les actions des
jours suivants. » Réactions : Le Figaro
s'inquiète : « II n'y a pas d'autre solu-
tion que le dialogue. » La Nation est
surprise : « II ne faudrait pas que cer-
taines maladresses transforment le
bobo de quelques-uns en épidémie. »
L'Humanité prend le train en marche :
« Etudiants et professeurs peuvent
compter sur l'appui total des commu-
nistes pour le retour à un fonctionne-
ment normal des facultés. » Pour Pro-
grès et Démocratie, « la jeunesse fran-
çaise privée de la mystique de l'Europe
ne voit pas quels grands desseins lui
offre notre société. »
MARDI 7 MAI
30 000 étudiants passent sans un
regard devant l'Assemblée nationale.
regard devant l'Assemblée nationale.
remontent les Champs-Elysées et chan-
tent l'Internationale sous l'Arc de
Triomphe. Agitation dans les lycées où
plusieurs grèves d'élèves ont lieu. Les
députés U.D. Ve s'en tiennent à «des
violences déclenchées par un petit
nombre de fanatiques », les fédérés
tent l'Internationale sous l'Arc de
Triomphe. Agitation dans les lycées où
plusieurs grèves d'élèves ont lieu. Les
députés U.D. Ve s'en tiennent à «des
violences déclenchées par un petit
nombre de fanatiques », les fédérés
Moto-pompe en action
imputent « toutes les responsabilités au
gouvernement », les communistes ré-
clament « l'amnistie de toutes les infrac-
tions pénales ». Chine Nouvelle : « La
lutte héroïque des étudiants a ébranlé
l'ensemble du pays et provoqué bien
des appréhensions dans les milieux
dirigeants français ». La Pravda parle
« des actes irraisonnés de jeunes pous-
sés par des «gauchistes» et des
« trotskystes ».
gouvernement », les communistes ré-
clament « l'amnistie de toutes les infrac-
tions pénales ». Chine Nouvelle : « La
lutte héroïque des étudiants a ébranlé
l'ensemble du pays et provoqué bien
des appréhensions dans les milieux
dirigeants français ». La Pravda parle
« des actes irraisonnés de jeunes pous-
sés par des «gauchistes» et des
« trotskystes ».
Devant la tombe du soldat inconnu : l'Inter-
nationale
nationale
MERCREDI 8 MAI
Le S.N.E. Sup. et l'U.N.E.F. appellent
dans la matinée leurs adhérents à se
réunir à la Halle aux Vins. Ils se
déclarent prêts à négocier avec le
gouvernement si satisfaction est don-
née à leurs demandes préalables. De-
vant les protestations de la base, Alain
Geismar déclare ensuite : « Libérée ou
non, la Sorbonne sera ce soir à nous. »
Tergiversations de Peyrefitte. Au Conseil
des ministres : « La tolérance et la
sérénité ne peuvent céder au fanatisme
et à la violence. » Devant l'Assemblée
nationale : « On pourra peut-être — je
l'espère — rouvrir la Sorbonne dès
demain. » Fouchet : « Dans la bagarre
comment chacun pourrait-il mesurer
exactement ses gestes ? On ne le fait
pas sur un terrain de rugby, comment
pourrait-on le faire dans une émeute ?
Festival de maladresses des élus U.D.
Ve à l'Assemblée nationale : Fanton :
« Le ministre ne peut continuer à ne
rien faire ! » Pierre Bas, député du 6e
dans la matinée leurs adhérents à se
réunir à la Halle aux Vins. Ils se
déclarent prêts à négocier avec le
gouvernement si satisfaction est don-
née à leurs demandes préalables. De-
vant les protestations de la base, Alain
Geismar déclare ensuite : « Libérée ou
non, la Sorbonne sera ce soir à nous. »
Tergiversations de Peyrefitte. Au Conseil
des ministres : « La tolérance et la
sérénité ne peuvent céder au fanatisme
et à la violence. » Devant l'Assemblée
nationale : « On pourra peut-être — je
l'espère — rouvrir la Sorbonne dès
demain. » Fouchet : « Dans la bagarre
comment chacun pourrait-il mesurer
exactement ses gestes ? On ne le fait
pas sur un terrain de rugby, comment
pourrait-on le faire dans une émeute ?
Festival de maladresses des élus U.D.
Ve à l'Assemblée nationale : Fanton :
« Le ministre ne peut continuer à ne
rien faire ! » Pierre Bas, député du 6e
27
arrondissement : « II faut qu'on assai-
nisse le Quartier Latin de la lamentable
tourbe qui y prolifère. » M. Julia s'élève
contre la «profanation... de la tombe
du Soldat Inconnu. » A l'Elysée, où
le maintien de l'ordre reste la priorité
des priorités, le général de Gaulle
répond par le silence au télégramme
des lauréats français du prix Nobel qui
lui demandaient « l'amnistie des étu-
diants condamnés et la réouverture des
facultés. »
nisse le Quartier Latin de la lamentable
tourbe qui y prolifère. » M. Julia s'élève
contre la «profanation... de la tombe
du Soldat Inconnu. » A l'Elysée, où
le maintien de l'ordre reste la priorité
des priorités, le général de Gaulle
répond par le silence au télégramme
des lauréats français du prix Nobel qui
lui demandaient « l'amnistie des étu-
diants condamnés et la réouverture des
facultés. »
JEUDI 9 MAI
Le recteur Roche et les doyens déci-
dent dans la matinée de lever la sus-
pension des cours. Devant la Sorbonne,
les étudiants font spontanément du
sit-in, parlent d'occuper les locaux, et
réclament la libération des manifestants
arrêtés. Participation de nombreux
étudiants au meeting organisé par la
Jeunesse communiste révolutionnaire
d'obédience trotskyste. Cohn-Bendit
annonce la multiplication des meetings
politiques dans les facultés et l'occupa-
tion de Nanterre et de la Sorbonne si
ces facultés s'ouvraient. Au cabinet du
Garde des sceaux, M. Joxe, on indique
que la procédure judiciaire qui concerne
les étudiants condamnés doit suivre son
cours. Les condamnés peuvent faire
appel, ajoute-t-on, et déposer une
demande de mise en liberté provisoire.
A vingt heures, M. Peyrefitte sabote la
désescalade : « La Sorbonne restera
fermée jusqu'au retour au calme. »
L'U.N.E.F. et le S.N.E. Sup. appellent
alors étudiants et enseignants à mani-
fester le lendemain à Denfert-Roche-
reau.
dent dans la matinée de lever la sus-
pension des cours. Devant la Sorbonne,
les étudiants font spontanément du
sit-in, parlent d'occuper les locaux, et
réclament la libération des manifestants
arrêtés. Participation de nombreux
étudiants au meeting organisé par la
Jeunesse communiste révolutionnaire
d'obédience trotskyste. Cohn-Bendit
annonce la multiplication des meetings
politiques dans les facultés et l'occupa-
tion de Nanterre et de la Sorbonne si
ces facultés s'ouvraient. Au cabinet du
Garde des sceaux, M. Joxe, on indique
que la procédure judiciaire qui concerne
les étudiants condamnés doit suivre son
cours. Les condamnés peuvent faire
appel, ajoute-t-on, et déposer une
demande de mise en liberté provisoire.
A vingt heures, M. Peyrefitte sabote la
désescalade : « La Sorbonne restera
fermée jusqu'au retour au calme. »
L'U.N.E.F. et le S.N.E. Sup. appellent
alors étudiants et enseignants à mani-
fester le lendemain à Denfert-Roche-
reau.
VENDREDI 10 MAI
La nuit des barricades, la plus longue
nuit du gaullisme, le général de Gaulle
qui dort depuis 22 heures et que per-
sonne n'osera déranger avant 6 heures
du matin, Pompidou en Afghanistan,
le refus de Joxe de libérer les étudiants
condamnés, le mutisme de Peyrefitte,
celui de Debré qui se souvient de son
livre « France quelle jeunesse te faut-
il ? », le quai d'Orsay qui proteste
«qu'on lui sabote ses négociations sur
le Viêt-nam », Fouchet obsédé à l'idée
que l'aube puisse se lever sur un carré
insurgé, drapeau rouge au vent, la
voirie elle-même qui rappelle que « les
rues doivent être rendues à la circula-
nuit du gaullisme, le général de Gaulle
qui dort depuis 22 heures et que per-
sonne n'osera déranger avant 6 heures
du matin, Pompidou en Afghanistan,
le refus de Joxe de libérer les étudiants
condamnés, le mutisme de Peyrefitte,
celui de Debré qui se souvient de son
livre « France quelle jeunesse te faut-
il ? », le quai d'Orsay qui proteste
«qu'on lui sabote ses négociations sur
le Viêt-nam », Fouchet obsédé à l'idée
que l'aube puisse se lever sur un carré
insurgé, drapeau rouge au vent, la
voirie elle-même qui rappelle que « les
rues doivent être rendues à la circula-
tion », la sauvagerie de la police. Bilan
de la nuit : 367 blessés dénombrés,
460 interpellations, de multiples
«ratonnades», 188 voitures endom-
magées. Le ministère de l'Information
a censuré à l'émission « Panorama » les
événements relatifs à l'Université et à
la révolte des étudiants.
de la nuit : 367 blessés dénombrés,
460 interpellations, de multiples
«ratonnades», 188 voitures endom-
magées. Le ministère de l'Information
a censuré à l'émission « Panorama » les
événements relatifs à l'Université et à
la révolte des étudiants.
SAMEDI 11 MAI
Grève générale de 24 heures et défilé
de la République à Denfert-Rochereau,
décident les organisations syndicales.
Georges Pompidou, le « miraculé de
Kaboul », désavoue implicitement la
police et décide, dans un but d'apaise-
ment, de faire rouvrir la Sorbonne dès
lundi. Vingt-quatre des vingt-huit étu-
diants qui se trouvent aux mains de la
justice seront libérés dès dimanche.
de la République à Denfert-Rochereau,
décident les organisations syndicales.
Georges Pompidou, le « miraculé de
Kaboul », désavoue implicitement la
police et décide, dans un but d'apaise-
ment, de faire rouvrir la Sorbonne dès
lundi. Vingt-quatre des vingt-huit étu-
diants qui se trouvent aux mains de la
justice seront libérés dès dimanche.
Le défilé du 13 mai
Quant aux quatre condamnés à des
peines de prison ferme, la Cour d'appel
se prononcera lundi sur leur demande
de mise en liberté provisoire. Un projet
de loi d'amnistie sera déposé à la
Chambre. A la télévision, la première
émission consacrée à la « révolte des
étudiants » est composée de reportages
antérieurs à la nuit des barricades.
peines de prison ferme, la Cour d'appel
se prononcera lundi sur leur demande
de mise en liberté provisoire. Un projet
de loi d'amnistie sera déposé à la
Chambre. A la télévision, la première
émission consacrée à la « révolte des
étudiants » est composée de reportages
antérieurs à la nuit des barricades.
LUNDI 13 MAI
La rue a parlé : plus de 500 000 mani-
festants - 171 000 pour la T.V. -
défilent de la République à Denfert-
Rochereau. Les slogans : « Dix ans, ça
suffit », « Grimaud salaud ! », « Roche à
la broche », « Bon anniversaire, mon
général », « Gouvernement populaire...»
L'U.N.E.F. et le S.N.E. Sup. annoncent
« l'occupation de tous les locaux univer-
festants - 171 000 pour la T.V. -
défilent de la République à Denfert-
Rochereau. Les slogans : « Dix ans, ça
suffit », « Grimaud salaud ! », « Roche à
la broche », « Bon anniversaire, mon
général », « Gouvernement populaire...»
L'U.N.E.F. et le S.N.E. Sup. annoncent
« l'occupation de tous les locaux univer-
sitaires et la poursuite de la grève».
Cohn-Bendit invite les manifestants à
s'organiser en « comités d'action » par
quartiers et par entreprises. Devant la
volonté des organisations syndicales de
disperser la manifestation, les étudiants
se regroupent au Champ-de-Mars. Vers
21 h 30, ils se retrouvent à la Sor-
bonne qui se transforme en « Université
critique». Les doyens des Facultés de
lettres se déclarent favorables à la parti-
cipation des étudiants à la gestion des
facultés. Le général de Gaulle s'adres-
sera au pays le 24 mai. Désarroi à
l'Union des syndicats de police où l'on
considère « la déclaration du Premier
ministre comme une reconnaissance du
bon droit des étudiants et comme un
désaveu absolu de l'action des forces
de police que le gouvernement a
ordonnée. »
Cohn-Bendit invite les manifestants à
s'organiser en « comités d'action » par
quartiers et par entreprises. Devant la
volonté des organisations syndicales de
disperser la manifestation, les étudiants
se regroupent au Champ-de-Mars. Vers
21 h 30, ils se retrouvent à la Sor-
bonne qui se transforme en « Université
critique». Les doyens des Facultés de
lettres se déclarent favorables à la parti-
cipation des étudiants à la gestion des
facultés. Le général de Gaulle s'adres-
sera au pays le 24 mai. Désarroi à
l'Union des syndicats de police où l'on
considère « la déclaration du Premier
ministre comme une reconnaissance du
bon droit des étudiants et comme un
désaveu absolu de l'action des forces
de police que le gouvernement a
ordonnée. »
Assemblée à la Sorbonne
MARDI 14 MAI
Le général de Gaulle arrive en Rou-
manie. A l'Assemblée nationale,
manie. A l'Assemblée nationale,
M. Pompidou admet l'autonomie des
universités, accepte la participation
directe des étudiants aux grandes
réformes nécessaires et rejette même
au passage les méthodes de sélection
« pour apaiser les esprits ». Fédérés et
communistes déposent une motion de
universités, accepte la participation
directe des étudiants aux grandes
réformes nécessaires et rejette même
au passage les méthodes de sélection
« pour apaiser les esprits ». Fédérés et
communistes déposent une motion de
29
censure qui sera discutée les 21 et
22 mai. L'Université de Strasbourg se
22 mai. L'Université de Strasbourg se
proclame autonome comme la faculté
des lettres de Nanterre. Sorbonne :
création d'une assemblée constituante.
Beaux-arts : plus de professeurs hono-
rifiques. Le mouvement de remise en
cause des examens s'étend. Tentative
de récupération du mouvement étu-
diant par le professeur Kastler : « La
suppression des examens ramènerait
l'Université au capitalisme féodal. »
des lettres de Nanterre. Sorbonne :
création d'une assemblée constituante.
Beaux-arts : plus de professeurs hono-
rifiques. Le mouvement de remise en
cause des examens s'étend. Tentative
de récupération du mouvement étu-
diant par le professeur Kastler : « La
suppression des examens ramènerait
l'Université au capitalisme féodal. »
MERCREDI 15 MAI
Les ouvriers de Sud-Aviation près de
Nantes occupent leur usine où des
étudiants passent la nuit avec eux.
L'initiative en revient à de feunes syndi-
calistes agissant spontanément sur le
modèle des étudiants. Débrayage aux
chantiers navals de Bordeaux. A Paris,
le théâtre de l'Odéon est occupé par
un millier de manifestants porteurs de
banderoles qui proclament : « L'Odéon
aux ouvriers. »
Nantes occupent leur usine où des
étudiants passent la nuit avec eux.
L'initiative en revient à de feunes syndi-
calistes agissant spontanément sur le
modèle des étudiants. Débrayage aux
chantiers navals de Bordeaux. A Paris,
le théâtre de l'Odéon est occupé par
un millier de manifestants porteurs de
banderoles qui proclament : « L'Odéon
aux ouvriers. »
JEUDI 16 MAI
Drapeaux rouges sur les usines Renault
occupées. Rhodiaceta est occupée à
Lyon. Colloque ouvriers - étudiants
devant les portes de l'usine de Billan-
court : les étudiants attendent que les
ouvriers prennent « de leurs mains fra-
giles » le relais de la lutte contre le
régime. Perturbations dans la distribu-
tion des journaux parisiens par suite
d'une grève déclenchée aux Nouvelles
Messageries de la Presse parisienne
(N.M.P.P.) « par des éléments incontrô-
lés en dehors des organisations syndi-
cales ». M. Benoit Frachon, président
de la C.G.T., abrège son voyage au
Japon et rentre à Paris. M. Pompidou
cherche à semer un mouvement de
panique dans l'opinion en dénonçant
d'un ton gaullien à la télévision ceux
qui se proposent de « généraliser le
désordre». La C.F.D.T. : «Où est
l'anarchie ? » La C.G.T., qui déplace les
projecteurs vers les grèves : « Le
Premier ministre feint d'ignorer le puis-
sant mouvement de la classe ouvrière. »
La C.G.T. et le parti communiste
mettent en garde leurs militants contre
l'aventurisme de certaines initiatives
estudiantines et particulièrement contre
le projet de manifestation devant
l'O.R.T.F., projet abandonné peu après.
L'U.N.E.F. désavoue la «prise de
l'Odéon ». L'initiative passe définitive-
ment au mouvement ouvrier.
occupées. Rhodiaceta est occupée à
Lyon. Colloque ouvriers - étudiants
devant les portes de l'usine de Billan-
court : les étudiants attendent que les
ouvriers prennent « de leurs mains fra-
giles » le relais de la lutte contre le
régime. Perturbations dans la distribu-
tion des journaux parisiens par suite
d'une grève déclenchée aux Nouvelles
Messageries de la Presse parisienne
(N.M.P.P.) « par des éléments incontrô-
lés en dehors des organisations syndi-
cales ». M. Benoit Frachon, président
de la C.G.T., abrège son voyage au
Japon et rentre à Paris. M. Pompidou
cherche à semer un mouvement de
panique dans l'opinion en dénonçant
d'un ton gaullien à la télévision ceux
qui se proposent de « généraliser le
désordre». La C.F.D.T. : «Où est
l'anarchie ? » La C.G.T., qui déplace les
projecteurs vers les grèves : « Le
Premier ministre feint d'ignorer le puis-
sant mouvement de la classe ouvrière. »
La C.G.T. et le parti communiste
mettent en garde leurs militants contre
l'aventurisme de certaines initiatives
estudiantines et particulièrement contre
le projet de manifestation devant
l'O.R.T.F., projet abandonné peu après.
L'U.N.E.F. désavoue la «prise de
l'Odéon ». L'initiative passe définitive-
ment au mouvement ouvrier.
Le cortège des étudiants arrive devant les usines Renault de Boulogne
VENDREDI 17 MAI
Le général de Gaulle décide d'écourter
son voyage en Roumanie tandis que le
mouvement de grève s'étend dans tous
le pays. Gaullistes : M. René Capitant
annonce qu'il votera la motion de cen-
sure. La C.G.T. annule le Festival de
la jeunesse de Pantin de façon à ne
pas priver les travailleurs « du concours
des milliers d'entre ses meilleurs ». La
centrale syndicale n'envisage pas pour
le moment de lancer un ordre de grève
générale illimitée mais elle exige l'abro-
gation immédiate des ordonnances sur
la Sécurité sociale, l'augmentation des
salaires, la réduction de la durée du
travail sans diminution de salaires et
la reconnaissance de l'organisation syn-
dicale dans l'entreprise. Syndicats pay-
sans : action professionnelle décidée
pour le 24 mai. O.R.T.F. : mouvement
d'émancipation. Les journalistes déci-
dent de ne plus subir l'influence des
ministres et des partis politiques.
Lycées parisiens : élection de comités
d'élèves. Universités : le mouvement
de contestation s'étend à des secteurs
traditionnellement plus calmes comme
les facultés de médecine, les grandes
écoles et les classes préparatoires.
son voyage en Roumanie tandis que le
mouvement de grève s'étend dans tous
le pays. Gaullistes : M. René Capitant
annonce qu'il votera la motion de cen-
sure. La C.G.T. annule le Festival de
la jeunesse de Pantin de façon à ne
pas priver les travailleurs « du concours
des milliers d'entre ses meilleurs ». La
centrale syndicale n'envisage pas pour
le moment de lancer un ordre de grève
générale illimitée mais elle exige l'abro-
gation immédiate des ordonnances sur
la Sécurité sociale, l'augmentation des
salaires, la réduction de la durée du
travail sans diminution de salaires et
la reconnaissance de l'organisation syn-
dicale dans l'entreprise. Syndicats pay-
sans : action professionnelle décidée
pour le 24 mai. O.R.T.F. : mouvement
d'émancipation. Les journalistes déci-
dent de ne plus subir l'influence des
ministres et des partis politiques.
Lycées parisiens : élection de comités
d'élèves. Universités : le mouvement
de contestation s'étend à des secteurs
traditionnellement plus calmes comme
les facultés de médecine, les grandes
écoles et les classes préparatoires.
SAMEDI 18 MAI
Le général de Gaulle rentre de Rou-
manie. Gorse, ministre de l'Information,
manie. Gorse, ministre de l'Information,
reste coupé des réalités : « Les enragés
sont de moins en moins écoutés et
suivis. Les étudiants se préoccupent
désormais de leurs examens. » Alain
Geismar (S.N.E. Sup.) : « La nature
sont de moins en moins écoutés et
suivis. Les étudiants se préoccupent
désormais de leurs examens. » Alain
Geismar (S.N.E. Sup.) : « La nature
même du régime politique est en
cause. » Inquiétude à la C.G.T. où l'on
écarte «tout mot d'ordre aventurier tel
que celui d'insurrection qui ne pourrait
que faire le jeu du gouvernement et du
patronat à l'affût de la moindre occa-
sion de sévir contre les travailleurs. »
Inquiétude à l'Humanité : « L'objectif
du Premier ministre, c'est de diviser
le mouvement et de l'isoler de la classe
ouvrière en utilisant les excès de ceux
qui s'appellent eux-mêmes les enragés. »
cause. » Inquiétude à la C.G.T. où l'on
écarte «tout mot d'ordre aventurier tel
que celui d'insurrection qui ne pourrait
que faire le jeu du gouvernement et du
patronat à l'affût de la moindre occa-
sion de sévir contre les travailleurs. »
Inquiétude à l'Humanité : « L'objectif
du Premier ministre, c'est de diviser
le mouvement et de l'isoler de la classe
ouvrière en utilisant les excès de ceux
qui s'appellent eux-mêmes les enragés. »
DIMANCHE 19 MAI
La situation politique se dégrade.
« Réforme oui, chienlit non » déclare de
Gaulle à ses ministres. Mendès-France:
« Le pouvoir ne peut plus rendre qu'un
service au pays : se retirer. » Waldeck-
Rochet : « Le parti communiste est
prêt à prendre ses responsabilités. »
Giscard d'Estaing : « Le plus grand
nombre des Français souhaite l'ordre
et des solutions nouvelles. » Mgr
Marty : « La crise actuelle est une crise
de croissance, il faut découvrir des voies
nouvelles. » Dans les facultés et les
grandes écoles, les principes d'auto-
nomie et de cogestion sont approuvés
à la quasi unanimité.
« Réforme oui, chienlit non » déclare de
Gaulle à ses ministres. Mendès-France:
« Le pouvoir ne peut plus rendre qu'un
service au pays : se retirer. » Waldeck-
Rochet : « Le parti communiste est
prêt à prendre ses responsabilités. »
Giscard d'Estaing : « Le plus grand
nombre des Français souhaite l'ordre
et des solutions nouvelles. » Mgr
Marty : « La crise actuelle est une crise
de croissance, il faut découvrir des voies
nouvelles. » Dans les facultés et les
grandes écoles, les principes d'auto-
nomie et de cogestion sont approuvés
à la quasi unanimité.
LUNDI 20 MAI
La France s'enfonce dans la crise.
L'U.D. Ve République fait distribuer
plusieurs millions de tracts : « Non à
l'anarchie, non au désordre. Défendons
la République. » Six à sept millions de
travailleurs sont désormais en grève.
Train, métro, bus, avion, courrier sont
plusieurs millions de tracts : « Non à
l'anarchie, non au désordre. Défendons
la République. » Six à sept millions de
travailleurs sont désormais en grève.
Train, métro, bus, avion, courrier sont
30
stoppés. Pas de coupures d'électricité
ni de gaz pour le moment, décident les
syndicats qui éprouvent certaines dif-
ficultés à établir un programme com-
mun. La C.G.T. confirme ses revendi-
cations et considère l'autogestion com-
me une «formule creuse». La C.F.D.T.
entend « lutter contre le pouvoir capi-
taliste ». Faculté de médecine : recon-
naissance du pouvoir étudiant dans les
structures hospitalo - universitaires.
Lycées : occupation des locaux à
Jacques-Decour, Janson de Sailly,
Condorcet, Jean-Baptiste Say... Réac-
tions à l'étranger : Financial Times
(Londres) : « II est trop tôt pour vendre
la peau de la France. » Die Welt
(Hambourg) : « La Ve République va
vers sa fin. » Dimanche-Presse (Bruxel-
les) : « La France tombe de haut. »
Chine Nouvelle (Pékin) : «Le P.C. à la
rescousse du pouvoir. »
ni de gaz pour le moment, décident les
syndicats qui éprouvent certaines dif-
ficultés à établir un programme com-
mun. La C.G.T. confirme ses revendi-
cations et considère l'autogestion com-
me une «formule creuse». La C.F.D.T.
entend « lutter contre le pouvoir capi-
taliste ». Faculté de médecine : recon-
naissance du pouvoir étudiant dans les
structures hospitalo - universitaires.
Lycées : occupation des locaux à
Jacques-Decour, Janson de Sailly,
Condorcet, Jean-Baptiste Say... Réac-
tions à l'étranger : Financial Times
(Londres) : « II est trop tôt pour vendre
la peau de la France. » Die Welt
(Hambourg) : « La Ve République va
vers sa fin. » Dimanche-Presse (Bruxel-
les) : « La France tombe de haut. »
Chine Nouvelle (Pékin) : «Le P.C. à la
rescousse du pouvoir. »
MARDI 21 MAI
Assemblée nationale : début d'un
débat sans relief sur la motion de
censure. Capitant (U.D. Ve) refuse la
censure mais donne sa démision de
député. Les grèves touchent de nou-
veaux secteurs (enseignement, textile,
grands magasins, banques). Les agri-
culteurs se mêlent au mouvement et
fraternisent dans l'Ouest avec les
ouvriers. Le siège du patronat est
occupé pendant deux heures par des
commandos de cadres. Monde : agi-
tation étudiante aux Pays-Bas, en Bel-
gique, en Allemagne de l'Ouest et en
Grande-Bretagne. A Pékin, des cen-
taines de milliers de personnes saluent
« le puissant torrent révolutionnaire qui
balaiera le système capitaliste et tous
les monstres mangeurs d'hommes. »
débat sans relief sur la motion de
censure. Capitant (U.D. Ve) refuse la
censure mais donne sa démision de
député. Les grèves touchent de nou-
veaux secteurs (enseignement, textile,
grands magasins, banques). Les agri-
culteurs se mêlent au mouvement et
fraternisent dans l'Ouest avec les
ouvriers. Le siège du patronat est
occupé pendant deux heures par des
commandos de cadres. Monde : agi-
tation étudiante aux Pays-Bas, en Bel-
gique, en Allemagne de l'Ouest et en
Grande-Bretagne. A Pékin, des cen-
taines de milliers de personnes saluent
« le puissant torrent révolutionnaire qui
balaiera le système capitaliste et tous
les monstres mangeurs d'hommes. »
MERCREDI 22 MAI
Le gouvernement moribond obtient la
confiance d'une Assemblée qui ne
représente plus le pays. Pisani vote la
censure et démissionne. L'Assemblée
vote la loi qui amnistie les actes
commis à l'occasion des manifestations
étudiantes. La grève atteint sa vitesse
de croisière. La parole est au gouver-
nement et au patronat, déclarent Séguy
(C.G.T.) et Descamps (C.F.D.T.). Cohn-
Bendit est interdit de séjour en France.
Manifestation d'étudiants au Quartier
Latin pour protester contre cette
mesure. La C.G.T. s'élève contre une
manifestation de caractère « provoca-
teur » et rompt les ponts avec l'U.N.E.F.
confiance d'une Assemblée qui ne
représente plus le pays. Pisani vote la
censure et démissionne. L'Assemblée
vote la loi qui amnistie les actes
commis à l'occasion des manifestations
étudiantes. La grève atteint sa vitesse
de croisière. La parole est au gouver-
nement et au patronat, déclarent Séguy
(C.G.T.) et Descamps (C.F.D.T.). Cohn-
Bendit est interdit de séjour en France.
Manifestation d'étudiants au Quartier
Latin pour protester contre cette
mesure. La C.G.T. s'élève contre une
manifestation de caractère « provoca-
teur » et rompt les ponts avec l'U.N.E.F.
Six heures du matin dans un amphi de la
Sorbonne
Sorbonne
JEUDI 23 MAI
« Non, la C.G.T. n'a pas rompu avec
les étudiants. Elle a seulement soin de
ne pas les confondre avec les éléments
troubles, excités ou irresponsables »
déclare Georges Séguy dans la mati-
née. Graves incidents dans la soirée au
Quartier Latin où plusieurs milliers de
personnes participent à une manifes-
tation spontanée devant le bouclage du
pont Saint-Michel par les forces de
police. L'U.N.E.F. et le S.N.E. Sup.
appellent à manifester le lendemain
contre l'interdiction de séjour qui frappe
les étudiants. Elle a seulement soin de
ne pas les confondre avec les éléments
troubles, excités ou irresponsables »
déclare Georges Séguy dans la mati-
née. Graves incidents dans la soirée au
Quartier Latin où plusieurs milliers de
personnes participent à une manifes-
tation spontanée devant le bouclage du
pont Saint-Michel par les forces de
police. L'U.N.E.F. et le S.N.E. Sup.
appellent à manifester le lendemain
contre l'interdiction de séjour qui frappe
La grève continue
Cohn-Bendit. L'Humanité s'élève isontre
les manifestations en faveur de Cohn-
Bendit dont le comportement fait à son
avis le jeu du pouvoir. La C.G.T. appelle
à des rassemblements de solidarité
avec les travailleurs dans toute la
France. Le préfet de police souhaite
« que l'on ait la sagesse de remettre
de vingt-quatre heures les manifesta-
tions prévues. » Le général de Gaulle
prononcera vendredi une allocution de
sept minutes.
les manifestations en faveur de Cohn-
Bendit dont le comportement fait à son
avis le jeu du pouvoir. La C.G.T. appelle
à des rassemblements de solidarité
avec les travailleurs dans toute la
France. Le préfet de police souhaite
« que l'on ait la sagesse de remettre
de vingt-quatre heures les manifesta-
tions prévues. » Le général de Gaulle
prononcera vendredi une allocution de
sept minutes.
VENDREDI 24 MAI
Référendum sur la « rénovation » an-
nonce de Gaulle dont l'allocution télé-
visée est mal accueillie dans le pay$ :
« Si la réponse est non, je n'assumerai
plus longtemps ma fonction. » Mendès-
France : « Un plébiscite ne se discute
pas, il se combat. » Manifestations et
barricades : à Lyon — un commissaire
tué, à Nantes, Strasbourg et Bordeaux.
Champ de bataille à Paris sur les deux
rives de la Seine : un mort, des cen-
taines de blessés, 648 interpellations,
la Sorbonne hôpital de campagne. Les
responsables : «La pègre» (?) pour
Fouchet ; « Les barrages de police à la
hauteur de la Bastille» pour l'U.NE.F.
Cohn-Bendit refoulé de France à For-
bach : «Je reviendrai.» Bruxelles :
deux drapeaux : un rouge et un noir
flottent sur l'Université. Francfort, San-
tiago du Chili et Milan : universités
occupées.
nonce de Gaulle dont l'allocution télé-
visée est mal accueillie dans le pay$ :
« Si la réponse est non, je n'assumerai
plus longtemps ma fonction. » Mendès-
France : « Un plébiscite ne se discute
pas, il se combat. » Manifestations et
barricades : à Lyon — un commissaire
tué, à Nantes, Strasbourg et Bordeaux.
Champ de bataille à Paris sur les deux
rives de la Seine : un mort, des cen-
taines de blessés, 648 interpellations,
la Sorbonne hôpital de campagne. Les
responsables : «La pègre» (?) pour
Fouchet ; « Les barrages de police à la
hauteur de la Bastille» pour l'U.NE.F.
Cohn-Bendit refoulé de France à For-
bach : «Je reviendrai.» Bruxelles :
deux drapeaux : un rouge et un noir
flottent sur l'Université. Francfort, San-
tiago du Chili et Milan : universités
occupées.
31
Devant le commissariat du Ve
SAMEDI 25 MAI
SAMEDI 25 MAI
15 heures : Pompidou convoque les
syndicats (C.G.T., C.F.D.T., C.F.T.C.,
F.O., C.G.C.) et le patronat au ministère
des affaires sociales. 18 h 45 : un
accord intervient sur le S.M.I.C. qui
passe de 384 F à 520 F par mois.
syndicats (C.G.T., C.F.D.T., C.F.T.C.,
F.O., C.G.C.) et le patronat au ministère
des affaires sociales. 18 h 45 : un
accord intervient sur le S.M.I.C. qui
passe de 384 F à 520 F par mois.
DIMANCHE 26 MAI
2 h 10 : les salaires réels seraient
majorés de 7% au 1er juin avec
« ratissage » des hausses obtenues
depuis le 1er janvier 1 968. La deuxième
majoration serait de 3 % au 1er octobre.
17 h 30 : Georges Séguy annonce que
la commission administrative de la
C.G.T. a donné un mandat impératif
à ses délégations pour obtenir l'échelle
mobile garantissant le pouvoir d'achat,
le paiement des heures de grève et
l'abrogation des ordonnances. Eugène
Descamps (C.F.D.T.) reste intraitable
sur la reconnaissance de la section
syndicale dans l'entreprise.
majorés de 7% au 1er juin avec
« ratissage » des hausses obtenues
depuis le 1er janvier 1 968. La deuxième
majoration serait de 3 % au 1er octobre.
17 h 30 : Georges Séguy annonce que
la commission administrative de la
C.G.T. a donné un mandat impératif
à ses délégations pour obtenir l'échelle
mobile garantissant le pouvoir d'achat,
le paiement des heures de grève et
l'abrogation des ordonnances. Eugène
Descamps (C.F.D.T.) reste intraitable
sur la reconnaissance de la section
syndicale dans l'entreprise.
LUNDI 27 MAI
7 h 15 : les négociateurs dressent le
procès verbal des points d'accord et de
désaccord : points d'accord : S.M.I.C.,
augmentation des salaires, garantie des
droits syndicaux, mise à jour des
conventions collectives, dispositions
concernant l'emploi. Point de désac-
cord : réduction insuffisante de la durée
du travail, maintien de l'âge de la
retraite, non-paiement des jours de
grève, maintien des ordonnances. L'ad-
dition : quinze milliards de francs sup-
plémentaires injectés dans les circuits
de la consommation. Pompidou : « Le
résultat exceptionnel d'une crise extra-
ordinairement sérieuse. » Huvelin (C.N.
P.F.) : « Cette confrontation a été dure,
procès verbal des points d'accord et de
désaccord : points d'accord : S.M.I.C.,
augmentation des salaires, garantie des
droits syndicaux, mise à jour des
conventions collectives, dispositions
concernant l'emploi. Point de désac-
cord : réduction insuffisante de la durée
du travail, maintien de l'âge de la
retraite, non-paiement des jours de
grève, maintien des ordonnances. L'ad-
dition : quinze milliards de francs sup-
plémentaires injectés dans les circuits
de la consommation. Pompidou : « Le
résultat exceptionnel d'une crise extra-
ordinairement sérieuse. » Huvelin (C.N.
P.F.) : « Cette confrontation a été dure,
mais vraiment constructive. » Séguy :
«II reste encore beaucoup à faire...
Ce qui a été décidé ne saurait être
négligé... Cependant nous ne saurions
donner de réponse sans consulter les
travailleurs». Les travailleurs de
Renault, Citroën, Berliet, Rhodiaceta et
de la S.N.E.C.M.A. décident dans la
matinée de poursuivre la grève et récla-
ment « un gouvernement populaire ». La
présence de Mendès-France est remar-
quée à Charlety où 60 000 personnes
manifestent à l'appel de l'U.N.E.F. et
du S.N.E. Sup. Slogans : «de Gaulle
démission», «gouvernement populaire ».
Alain Geismar abandonne la direction
du S.N.E. Sup.
«II reste encore beaucoup à faire...
Ce qui a été décidé ne saurait être
négligé... Cependant nous ne saurions
donner de réponse sans consulter les
travailleurs». Les travailleurs de
Renault, Citroën, Berliet, Rhodiaceta et
de la S.N.E.C.M.A. décident dans la
matinée de poursuivre la grève et récla-
ment « un gouvernement populaire ». La
présence de Mendès-France est remar-
quée à Charlety où 60 000 personnes
manifestent à l'appel de l'U.N.E.F. et
du S.N.E. Sup. Slogans : «de Gaulle
démission», «gouvernement populaire ».
Alain Geismar abandonne la direction
du S.N.E. Sup.
MARDI 28 MAI
Les négociations sociales s'engagent
ou se poursuivent dans plusieurs sec-
teurs dont l'E.D.F. Vers un accord sur
les salaires et les primes (10%) dans
les charbonnages. Pompidou remplace
Peyrefitte à l'Education nationale. Le
Conseil d'Etat émet un avis défavorable
ou se poursuivent dans plusieurs sec-
teurs dont l'E.D.F. Vers un accord sur
les salaires et les primes (10%) dans
les charbonnages. Pompidou remplace
Peyrefitte à l'Education nationale. Le
Conseil d'Etat émet un avis défavorable
Georges Séguy au lendemain des accords
de Grenelle
de Grenelle
au projet de loi référendaire. Baccalau-
réat : ajournement. Mitterrand se pro-
nonce en faveur d'un gouvernement
transitoire de la gauche qui compren-
drait dix personnes choisies « sans
exclusive et sans dosage » et dans
laquel Mendès-France aurait sa place
qui pourrait être la première. Méfiance
de Waldeck-Rochet à l'égard de Mitter-
rand et hostilité à l'égard de Mendès-
France : « II n'est pas sérieux de pré-
tendre aller au socialisme sans les
communistes et encore moins en fai-
sant de l'anticommunisme comme au
stade Charlety. » La fédération de la
gauche et le parti communiste se ren-
contrent après les déclarations de leurs
leaders. La C.G.T. durcit ses positions
et appelle ses adhérents à manifester
le lendemain pour réclamer «un gou-
vernement populaire. » Cohn-Bendit,
rentré clandestinement en France, tient
une conférence de presse à la Sorbonne.
réat : ajournement. Mitterrand se pro-
nonce en faveur d'un gouvernement
transitoire de la gauche qui compren-
drait dix personnes choisies « sans
exclusive et sans dosage » et dans
laquel Mendès-France aurait sa place
qui pourrait être la première. Méfiance
de Waldeck-Rochet à l'égard de Mitter-
rand et hostilité à l'égard de Mendès-
France : « II n'est pas sérieux de pré-
tendre aller au socialisme sans les
communistes et encore moins en fai-
sant de l'anticommunisme comme au
stade Charlety. » La fédération de la
gauche et le parti communiste se ren-
contrent après les déclarations de leurs
leaders. La C.G.T. durcit ses positions
et appelle ses adhérents à manifester
le lendemain pour réclamer «un gou-
vernement populaire. » Cohn-Bendit,
rentré clandestinement en France, tient
une conférence de presse à la Sorbonne.
MERCREDI 29 MAI
Le Conseil des ministres est reporté.
Le général de Gaulle quitte Paris à
11 h 24 en hélicoptère pour Colombey
où il arrive à 18 h 15. Mystère sur la
destination prise par le président de la
République. Plusieurs centaines de mil-
liers de personnes répondent à l'appel
de la C.G.T. et du P.C. Mots d'ordre :
«gouvernement populaire», «Adieu de
Gaulle ! » Mendès-France déclare : «Je
ne refuserai pas les responsabilités qui
pourraient m'être confiées par toute la
gauche réunie. » Jean Lecanuet : « Si
Mendès-France apporte la sauvegarde
des libertés, s'il fait une politique euro-
péenne et sociale, nous n'avons pas à
discuter les hommes qu'il choisira. »
Eugène Descamps (C.F.D.T.) : «Men-
dès-France est capable d'assumer les
responsabilités du pouvoir. »
Le général de Gaulle quitte Paris à
11 h 24 en hélicoptère pour Colombey
où il arrive à 18 h 15. Mystère sur la
destination prise par le président de la
République. Plusieurs centaines de mil-
liers de personnes répondent à l'appel
de la C.G.T. et du P.C. Mots d'ordre :
«gouvernement populaire», «Adieu de
Gaulle ! » Mendès-France déclare : «Je
ne refuserai pas les responsabilités qui
pourraient m'être confiées par toute la
gauche réunie. » Jean Lecanuet : « Si
Mendès-France apporte la sauvegarde
des libertés, s'il fait une politique euro-
péenne et sociale, nous n'avons pas à
discuter les hommes qu'il choisira. »
Eugène Descamps (C.F.D.T.) : «Men-
dès-France est capable d'assumer les
responsabilités du pouvoir. »
JEUDI 30 MAI
16 h 30 ; discours de combat de de
Gaulle : il reste, il garde Pompidou, il
dissout l'Assemblée nationale. Elec-
tions nationales prévues les 23 et
30 juin. Chantage à propos «du
communisme totalitaire ». Les préfets
redeviennent « commissaires de la
République ». 18 h : les gaullistes
mobilisent tous les anti-communistes
de Paris de la Concorde à l'Etoile :
plusieurs centaines de milliers de ma-
nifestants, des fascistes qui crient
« Cohn Bendit à Dachau », la duchesse
de la Rochefoucault qui scande « liberté
Gaulle : il reste, il garde Pompidou, il
dissout l'Assemblée nationale. Elec-
tions nationales prévues les 23 et
30 juin. Chantage à propos «du
communisme totalitaire ». Les préfets
redeviennent « commissaires de la
République ». 18 h : les gaullistes
mobilisent tous les anti-communistes
de Paris de la Concorde à l'Etoile :
plusieurs centaines de milliers de ma-
nifestants, des fascistes qui crient
« Cohn Bendit à Dachau », la duchesse
de la Rochefoucault qui scande « liberté
32
1an:40F-Étranger:45F(1)
Étudiants : 30 F
Étudiants : 30 F
6 mois : 22 F - Étudiants : 18 F
33
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personnels de l'E.D.F. et de la R.A.T.P.
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DIMANCHE 2 JUIN
34
à découper
(Service Abonnements)
25, boulevard Saint-Martin
75-PARIS 3e
:Le
plusieurs centaines de milliers de ma-
Le meeting de Charlèty
du travail », la jeunesse dorée des
beaux quartiers, une majorité d'hom-
mes et de femmes d'un âge certain,
la France d'hier. Réactions au discours
présidentiel : Mendès France : silence.
Mitterrand : « La voix que nous venons
d'entendre... c'est la voix de la dic-
tature. La C.G.T. : « Si les négociations
n'ont pas encore abouti, c'est parce que
le gouvernement s'est employé à les
bloquer». Capitant (U.D. Ve) : «J'ava-
lerai la couleuvre Pompidou ». Madrid :
« De Gaulle fait songer au Franco d'il
y a vingt ans». La Pravda publie un
résumé du discours où ont disparu les
passages anticommunistes. Chine
nouvelle stigmatise les responsables
de la C.G.T., complices du régime.
Washington : vœux de succès à de
Gaulle.
beaux quartiers, une majorité d'hom-
mes et de femmes d'un âge certain,
la France d'hier. Réactions au discours
présidentiel : Mendès France : silence.
Mitterrand : « La voix que nous venons
d'entendre... c'est la voix de la dic-
tature. La C.G.T. : « Si les négociations
n'ont pas encore abouti, c'est parce que
le gouvernement s'est employé à les
bloquer». Capitant (U.D. Ve) : «J'ava-
lerai la couleuvre Pompidou ». Madrid :
« De Gaulle fait songer au Franco d'il
y a vingt ans». La Pravda publie un
résumé du discours où ont disparu les
passages anticommunistes. Chine
nouvelle stigmatise les responsables
de la C.G.T., complices du régime.
Washington : vœux de succès à de
Gaulle.
VENDREDI 31 MAI
Le Figaro reprend confiance. Reprise
du franc sur les places étrangères.
Contrôle des changes institué aux
frontières. Chasse-croisé gouverne-
mental : Debré (économies et finances)
et Couve de Murville (affaires étran-
gères) échangent leurs postes ; entrée
de Capitant, sorties de Fouchet (inté-
rieur), Joxe (Garde des sceaux),
Gorse (Information)... L'activité reste
pratiquement nulle dans le secteur
public. Un protocole est soumis aux
personnels de l'E.D.F. et de la R.A.T.P.
Dans les P et T, la police chasse quel-
ques piquets de grève. La grève se
poursuit dans les secteurs clés du sec-
du franc sur les places étrangères.
Contrôle des changes institué aux
frontières. Chasse-croisé gouverne-
mental : Debré (économies et finances)
et Couve de Murville (affaires étran-
gères) échangent leurs postes ; entrée
de Capitant, sorties de Fouchet (inté-
rieur), Joxe (Garde des sceaux),
Gorse (Information)... L'activité reste
pratiquement nulle dans le secteur
public. Un protocole est soumis aux
personnels de l'E.D.F. et de la R.A.T.P.
Dans les P et T, la police chasse quel-
ques piquets de grève. La grève se
poursuit dans les secteurs clés du sec-
teur privé. Reprise dans les petites et
moyennes entreprises. Rencontre PC-
Fédération : pas de candidature
unique au premier tour. L'U.N.E.F.
appelle étudiants et travailleurs à
manifester le lendemain devant la
gare Montparnasse.
moyennes entreprises. Rencontre PC-
Fédération : pas de candidature
unique au premier tour. L'U.N.E.F.
appelle étudiants et travailleurs à
manifester le lendemain devant la
gare Montparnasse.
SAMEDI 1er JUIN
La divine essence ne manque plus,
à la grande joie de millions d'auto-
Au cours du défilé organisé par la C.G.T.
V '.V
mooilistes. « Elections trahison » :
c'est le slogan des 40 000 étudiants
qui défilent avec Cohn-Bendit de
Montparnasse à la gare d'Austerlitz.
Social : la S.N.C.F. et la R.A.T.P. res-
tent les points noirs — Métallurgie :
durcissement — Fonction publique :
volonté d'aboutir. La C.F.D.T. : « La
reprise ne peut se faire p'ar la force ».
qui défilent avec Cohn-Bendit de
Montparnasse à la gare d'Austerlitz.
Social : la S.N.C.F. et la R.A.T.P. res-
tent les points noirs — Métallurgie :
durcissement — Fonction publique :
volonté d'aboutir. La C.F.D.T. : « La
reprise ne peut se faire p'ar la force ».
l'Arc de Triomphe qui se retrouvent
sur les plages normandes surpeuplées :
soleil, roulette et mondanités.
sur les plages normandes surpeuplées :
soleil, roulette et mondanités.
LUNDI 3 JUIN
Grèves : aucun signe avant-coureur
d'une reprise de l'activité. La grève se
poursuit dans de nombreuses entre-
prises métallurgiques dont Renault.
Activité de 40 à 80 % dans les char-
bonnages. L'Inter syndicale de
l'O.R.T.F. rompt avec le ministre de
l'Information qui tente de repousser
aux calendes la révision du statut de
l'office. Démission de MM. de Bois-
deffre, directeur de la radio et Biasini,
directeur de la télévision. M. Sablier,
responsable des Actualités télévisées
est relevé de ses fonctions. 23 jaunes
de l'O.R.T.F. demandent la suspension
de certains grévistes.
d'une reprise de l'activité. La grève se
poursuit dans de nombreuses entre-
prises métallurgiques dont Renault.
Activité de 40 à 80 % dans les char-
bonnages. L'Inter syndicale de
l'O.R.T.F. rompt avec le ministre de
l'Information qui tente de repousser
aux calendes la révision du statut de
l'office. Démission de MM. de Bois-
deffre, directeur de la radio et Biasini,
directeur de la télévision. M. Sablier,
responsable des Actualités télévisées
est relevé de ses fonctions. 23 jaunes
de l'O.R.T.F. demandent la suspension
de certains grévistes.
MARDI 4 JUIN
Le travail reprend à l'E.D.F. et dans les
charbonnages. Situation confuse à la
S.N.C.F. et à la R.A.T.P. De 8 heures
à 23 heures, Paris connaît 15 heures
d'embouteillages. L'O.R.T.F. fait appel
à l'armée et à des techniciens privés.
M. de Bresson remplace M. Dupont
à la tête de l'Office. U.N.E.F. : une
« commission d'enquête » dénonce les
brutalités commises par la police après
les affrontements dans la rue.
charbonnages. Situation confuse à la
S.N.C.F. et à la R.A.T.P. De 8 heures
à 23 heures, Paris connaît 15 heures
d'embouteillages. L'O.R.T.F. fait appel
à l'armée et à des techniciens privés.
M. de Bresson remplace M. Dupont
à la tête de l'Office. U.N.E.F. : une
« commission d'enquête » dénonce les
brutalités commises par la police après
les affrontements dans la rue.
D. Cohn Bendit de retour à la Sorbonne
DIMANCHE 2 JUIN
L'angoisse n'est
les manifestants
plus de mise pour g
de la Concorde à 5
de la Concorde à 5
35
LA COMMUNE
ÉTUDIANTE
ÉTUDIANTE
Après une semaine de manifestations violentes et une nuit de barricades,
les étudiants sont entrés en maîtres dans leur quartier
les étudiants sont entrés en maîtres dans leur quartier
en scandant « Ces pavés sont à nous ».
La vieille Université s'effondre en deux jours,
jusque dans ses secteurs modérés. Le débat s'instaure partout.
Et, au-delà de la réforme de l'enseignement,
les mythes agités bouleversant la société tout entière.
les mythes agités bouleversant la société tout entière.
Le pouvoir est dans la rue
•V
V
V
Dans la nuit du 24 au 25 mai, le Quartier Latin s'est à
nouveau hérissé de barricades. Mais, pour la première
fois, la violence a touché d'autres quartiers de la capi-
tale — la Bastille, la Bourse, les Halles. Elle a déferlé en
province, à Lyon, à Bordeaux, à Nantes, à Strasbourg.
Tandis que le gouvernement voit dans les troubles l'action
d'agitateurs professionnels et de la « pègre venue des bas-
fonds de Paris », les communistes, qui depuis des semaines
dénoncent les provocations, triomphent et trouvent des
accents gaulliens pour condamner le chaos et l'anarchie.
Parmi ceux qui ont sincèrement soutenu jusque-là le
mouvement étudiant, beaucoup s'inquiètent : « Les étu-
diants ont commis une erreur. L'arrêté d'interdit contre
Cohn-Bendit était une provocation du, gouvernement, les
barrages de C.R.S. autour de la Bastille étaient une
autre provocation. Il ne fallait pas y céder. Il fallait dis-
perser la manifestation à l'Opéra. Les violences renouve-
lées isolent de plus en plus les étudiants. Certains groupes
qui s'installent à la Sorbonne ont une allure inquiétante.
Il n'est pas absurde de parler d'éléments incontrôlés et de
provocateurs. »
nouveau hérissé de barricades. Mais, pour la première
fois, la violence a touché d'autres quartiers de la capi-
tale — la Bastille, la Bourse, les Halles. Elle a déferlé en
province, à Lyon, à Bordeaux, à Nantes, à Strasbourg.
Tandis que le gouvernement voit dans les troubles l'action
d'agitateurs professionnels et de la « pègre venue des bas-
fonds de Paris », les communistes, qui depuis des semaines
dénoncent les provocations, triomphent et trouvent des
accents gaulliens pour condamner le chaos et l'anarchie.
Parmi ceux qui ont sincèrement soutenu jusque-là le
mouvement étudiant, beaucoup s'inquiètent : « Les étu-
diants ont commis une erreur. L'arrêté d'interdit contre
Cohn-Bendit était une provocation du, gouvernement, les
barrages de C.R.S. autour de la Bastille étaient une
autre provocation. Il ne fallait pas y céder. Il fallait dis-
perser la manifestation à l'Opéra. Les violences renouve-
lées isolent de plus en plus les étudiants. Certains groupes
qui s'installent à la Sorbonne ont une allure inquiétante.
Il n'est pas absurde de parler d'éléments incontrôlés et de
provocateurs. »
Dans le petit jour pluvieux de ce samedi matin, accoudé
au comptoir d'un café du Châtelet, un jeune étudiant, le
visage noirci, les traits tirés de fatigue, les yeux rouges
emplis de larmes, essaie de s'expliquer : « La C.G.T.
nous a abandonnés. Notre action a provoqué chez les
ouvriers une révolte jugée impossible. Les syndicats ont
dû suivre le mouvement tout en essayant d'en limiter la
au comptoir d'un café du Châtelet, un jeune étudiant, le
visage noirci, les traits tirés de fatigue, les yeux rouges
emplis de larmes, essaie de s'expliquer : « La C.G.T.
nous a abandonnés. Notre action a provoqué chez les
ouvriers une révolte jugée impossible. Les syndicats ont
dû suivre le mouvement tout en essayant d'en limiter la
36
portée. Mais maintenant nous ne comptons plus, nous ne
sommes qu'une diversion ! Ce que veulent les syndicats,
ce n'est pas changer le régime, mais négocier sur les salai-
res, la durée et les conditions du travail. Peut-être est-ce
aussi ce que veulent les ouvriers ? Je ne sais pas. Je faisais
partie du cortège étudiant qui est allé à Billancourt. Je
n'ai pu parler qu'avec un délégué, et encore à travers la
grille. Comprenez-bien, je sais que je suis un privilégié,
je ne juge pas la politique des syndicats, ce serait immoral,
je n'en ai pas le droit ! Mais si les ouvriers ne descendent
pas dans la rue, le mouvement est foutu de toute façon
et même chez les étudiants. Bien sûr, ce ne sera plus jamais
comme avant. Il y aura plus de professeurs et on pourra
discuter avec eux, on aura un droit de regard sur les pro-
grammes, les examens seront moins cons, mais rien d'es-
sentiel ne sera changé. Sur les barricades, au moins, nous
sommes tous ensemble. Malgré les grenades, c'est la
liberté. Et puis nous nous battons... ! Les barricades, ça
ne sert peut-être pas à grand-chose, mais c'est notre façon
de dire merde. »
sommes qu'une diversion ! Ce que veulent les syndicats,
ce n'est pas changer le régime, mais négocier sur les salai-
res, la durée et les conditions du travail. Peut-être est-ce
aussi ce que veulent les ouvriers ? Je ne sais pas. Je faisais
partie du cortège étudiant qui est allé à Billancourt. Je
n'ai pu parler qu'avec un délégué, et encore à travers la
grille. Comprenez-bien, je sais que je suis un privilégié,
je ne juge pas la politique des syndicats, ce serait immoral,
je n'en ai pas le droit ! Mais si les ouvriers ne descendent
pas dans la rue, le mouvement est foutu de toute façon
et même chez les étudiants. Bien sûr, ce ne sera plus jamais
comme avant. Il y aura plus de professeurs et on pourra
discuter avec eux, on aura un droit de regard sur les pro-
grammes, les examens seront moins cons, mais rien d'es-
sentiel ne sera changé. Sur les barricades, au moins, nous
sommes tous ensemble. Malgré les grenades, c'est la
liberté. Et puis nous nous battons... ! Les barricades, ça
ne sert peut-être pas à grand-chose, mais c'est notre façon
de dire merde. »
Ces propos sont assez caractéristiques de l'amertume
qui s'est emparée de beaucoup d'étudiants et qui les
pousse à renoncer à toute analyse politique et à ne voir
la sauvegarde de leur mouvement que dans une fuite
éperdue en avant. Pour ceux qui ont assisté aux deux
nuits des barricades, à celle du 10 mai et à celle du 24 mai,
le changement de climat est évident : les premières
étaient celles de l'espoir, les dernières sont celles de la
rage et de la déception.
qui s'est emparée de beaucoup d'étudiants et qui les
pousse à renoncer à toute analyse politique et à ne voir
la sauvegarde de leur mouvement que dans une fuite
éperdue en avant. Pour ceux qui ont assisté aux deux
nuits des barricades, à celle du 10 mai et à celle du 24 mai,
le changement de climat est évident : les premières
étaient celles de l'espoir, les dernières sont celles de la
rage et de la déception.
Le 10 mai, dans le réduit que les étudiants étaient en
train de fortifier, régnait une allégresse extraordinaire.
C'était à la fois la Commune et 91, la patrie en danger.
On était chez soi, entre soi, pénétré par l'excitation et la
train de fortifier, régnait une allégresse extraordinaire.
C'était à la fois la Commune et 91, la patrie en danger.
On était chez soi, entre soi, pénétré par l'excitation et la
fraternité des veilles de combat. Pas de cris, pas de
bousculades mais, partout présente, une secrète jubilation
mêlée d'angoisse, comme si chacun avait le sentiment que
ce qui se préparait aurait des conséquences irréversibles.
Curieusement, au milieu du foisonnement des initiatives,
un certain ordre se faisait jour. Des équipes se formaient
spontanément pour pousser les voitures et les renverser
au milieu de la rue, pour transporter tous les matériaux
arrachés aux chantiers voisins, pour défoncer la chaussée
et faire passer les pavés de main en main.
bousculades mais, partout présente, une secrète jubilation
mêlée d'angoisse, comme si chacun avait le sentiment que
ce qui se préparait aurait des conséquences irréversibles.
Curieusement, au milieu du foisonnement des initiatives,
un certain ordre se faisait jour. Des équipes se formaient
spontanément pour pousser les voitures et les renverser
au milieu de la rue, pour transporter tous les matériaux
arrachés aux chantiers voisins, pour défoncer la chaussée
et faire passer les pavés de main en main.
Plus de tabou
._. Certains ont parlé de destructions systématiques, de
I vandalisme. Ce jour-là, c'était faux. Il s'agissait au
/ contraire d'une étonnante œuvre de construction collec-
I tive qui possédait toutes les caractéristiques de la création
/ d'art authentique : liberté, spontanéité, invention. Tout
/ se passait comme si, brusquement, un barrage avait cédé
I libérant des forces trop longtemps réprimées. Plus de
tabou. L'automobile, le symbole de l'aliénation moderne,
la marque même de l'individualisme bourgeois, devenait
! enfin . par ce renversement radical un instrument de
j défense collective. Le gouvernement a prétendu que la
construction des barricades avait été dirigée par des
spécialistes de la guérilla urbaine. C'est absurde. Si de
tels spécialistes avaient été sur place, ils n'auraient pas
construit de barricades dans la rue Gay-Lussac, beau-
coup trop large ; ils les auraient édifiées ailleurs, et beau-
coup plus espacées, ils auraient prévu des possibilités de
retraite qui n'existaient pas.
I vandalisme. Ce jour-là, c'était faux. Il s'agissait au
/ contraire d'une étonnante œuvre de construction collec-
I tive qui possédait toutes les caractéristiques de la création
/ d'art authentique : liberté, spontanéité, invention. Tout
/ se passait comme si, brusquement, un barrage avait cédé
I libérant des forces trop longtemps réprimées. Plus de
tabou. L'automobile, le symbole de l'aliénation moderne,
la marque même de l'individualisme bourgeois, devenait
! enfin . par ce renversement radical un instrument de
j défense collective. Le gouvernement a prétendu que la
construction des barricades avait été dirigée par des
spécialistes de la guérilla urbaine. C'est absurde. Si de
tels spécialistes avaient été sur place, ils n'auraient pas
construit de barricades dans la rue Gay-Lussac, beau-
coup trop large ; ils les auraient édifiées ailleurs, et beau-
coup plus espacées, ils auraient prévu des possibilités de
retraite qui n'existaient pas.
Les barricades avaient un rôle de défense évident :
; c'était la seule protection possible pour des manifestants
t qui avaient décidé de se maintenir coûte que coûte au
; c'était la seule protection possible pour des manifestants
t qui avaient décidé de se maintenir coûte que coûte au
Quartier Latin. Mais l'aspect symbolique était aussi
important. L'orgueil et le triomphe se lisaient sur la figure
de cet étudiant, debout sur sa barricade et caressant la
poutre qui la coittait : « Elle est belle, hein ! » C'était
vrai. Les voitures renversées, les planches d'échaffaudages,
les pavés, les moellons, les morceaux de ferraille et les
débris divers, tous ces matériaux ordinaires prenaient
un sens nouveau, presque magique et les drapeaux noirs
et rouges semblaient à leur juste place.
important. L'orgueil et le triomphe se lisaient sur la figure
de cet étudiant, debout sur sa barricade et caressant la
poutre qui la coittait : « Elle est belle, hein ! » C'était
vrai. Les voitures renversées, les planches d'échaffaudages,
les pavés, les moellons, les morceaux de ferraille et les
débris divers, tous ces matériaux ordinaires prenaient
un sens nouveau, presque magique et les drapeaux noirs
et rouges semblaient à leur juste place.
Les habitants du Quartier Latin n'étaient pas de sim-
ples spectateurs, beaucoup participaient à la grande fête
qui se déroulait devant eux. On a vu un homme descendre
* dans la rue et pousser lui-même sa voiture vers une bar-
ricade. D'autres distribuaient mouchoirs, boissons et
victuailles aux manifestants.
ples spectateurs, beaucoup participaient à la grande fête
qui se déroulait devant eux. On a vu un homme descendre
* dans la rue et pousser lui-même sa voiture vers une bar-
ricade. D'autres distribuaient mouchoirs, boissons et
victuailles aux manifestants.
De l'autre côté des barricades, les forces de l'ordre.
Pour des milliers d'étudiants, ces mots ont pris brusque-
ment un sens concret qu'ils ne sont pas prêts d'oublier.
Pour des milliers d'étudiants, ces mots ont pris brusque-
ment un sens concret qu'ils ne sont pas prêts d'oublier.
Ce n'est pas sans raison que dans les films où il transpo-
sait le mythe d'Orphée, Cocteau a choisi des policiers
vêtus et casqués de noir pour symboliser les envoyés de la
Mort : dans l'obscurité, les cohortes de C.R.S., avec leurs
boucliers, leurs gourdins, leurs casques où passe parfois
sait le mythe d'Orphée, Cocteau a choisi des policiers
vêtus et casqués de noir pour symboliser les envoyés de la
Mort : dans l'obscurité, les cohortes de C.R.S., avec leurs
boucliers, leurs gourdins, leurs casques où passe parfois
Sorbonne : le débat
quelque reflet, ont vraiment une allure sinistre.
Il est 2 h 15 lorsque trois fusées rouges s'élèvent : la
police passe à l'attaque, les premières grenades explosent.
Aux premiers rangs, derrière les barricades, se trouvent
les étudiants les mieux équipés : casque et lunettes, cou-
vercle de poubelle en guise de bouclier. Tandis qu'une
équipe bombarde les policiers de pavés et de morceaux
de macadam, d'autres étudiants essayent de noyer les
grenades à l'aide de tuyaux d'arrosage et de seaux d'eau ;
les plus courageux ramassent les fumigènes pour les relan-
cer sur les policiers. Très vite l'atmosphère devient irres-
pirable : aux gaz lacrymogènes qui ne font que brûler
les yeux, s'ajoutent les gaz au chlore, plus lourds et de
couleur jaunâtre, qui attaquent les muqueuses et les
poumons. Les étudiants des premières lignes doivent
reculer pour essayer de trouver une bouffée d'air moins
empoisonné. D'autres prennent leur place et le bombar-
dement continue de part et d'autre : grenades contre
police passe à l'attaque, les premières grenades explosent.
Aux premiers rangs, derrière les barricades, se trouvent
les étudiants les mieux équipés : casque et lunettes, cou-
vercle de poubelle en guise de bouclier. Tandis qu'une
équipe bombarde les policiers de pavés et de morceaux
de macadam, d'autres étudiants essayent de noyer les
grenades à l'aide de tuyaux d'arrosage et de seaux d'eau ;
les plus courageux ramassent les fumigènes pour les relan-
cer sur les policiers. Très vite l'atmosphère devient irres-
pirable : aux gaz lacrymogènes qui ne font que brûler
les yeux, s'ajoutent les gaz au chlore, plus lourds et de
couleur jaunâtre, qui attaquent les muqueuses et les
poumons. Les étudiants des premières lignes doivent
reculer pour essayer de trouver une bouffée d'air moins
empoisonné. D'autres prennent leur place et le bombar-
dement continue de part et d'autre : grenades contre
38
fe-4 /.,
v .-V
pavés. Du haut de leur balcon, les habitants jettent de
1 eau pour tenter de dissoudre le gaz. L'un d'eux, dont la
voiture est en flammes - elle a été atteinte de plein fouet
par une grenade - se met à sangloter. Par trois fois les
C.R.S. doivent reculer. On entend alors les premières
explosions, assourdissantes, des grenades offensives. Les
policiers ne tirent plus en l'air, mais visent directement
les manifestants. Plusieurs étudiants s'écroulent, se tenant
la poitrine. L'un d'eux, blessé aux yeux, hurle. Les secou-
ristes de la Croix Rouge n'arrivent pas à évacuer les bles-
sés, les C.R.S. leur refusent le passage.
1 eau pour tenter de dissoudre le gaz. L'un d'eux, dont la
voiture est en flammes - elle a été atteinte de plein fouet
par une grenade - se met à sangloter. Par trois fois les
C.R.S. doivent reculer. On entend alors les premières
explosions, assourdissantes, des grenades offensives. Les
policiers ne tirent plus en l'air, mais visent directement
les manifestants. Plusieurs étudiants s'écroulent, se tenant
la poitrine. L'un d'eux, blessé aux yeux, hurle. Les secou-
ristes de la Croix Rouge n'arrivent pas à évacuer les bles-
sés, les C.R.S. leur refusent le passage.
Bientôt la rue est complètement envahie par les gaz :
tout le monde suffoque, pleure, mais le service d'ordre
étudiant canalise le repli d'une barricade à l'autre. Un
dirigeant muni d'un haut-parleur explique : « Pas de
panique! Reculez calmement! Dégagez les barricades, vous
gênez les tireurs. » Du haut de leur balcon, les habitants du
quartier injurient les forces de l'ordre ; les C.R.S. ripos-
tout le monde suffoque, pleure, mais le service d'ordre
étudiant canalise le repli d'une barricade à l'autre. Un
dirigeant muni d'un haut-parleur explique : « Pas de
panique! Reculez calmement! Dégagez les barricades, vous
gênez les tireurs. » Du haut de leur balcon, les habitants du
quartier injurient les forces de l'ordre ; les C.R.S. ripos-
tent en tirant des grenades dans les fenêtres. Des étudiants
embusqués sur les toits continuent à jeter des pavés dans
la rue. Deux policiers atteints au front s'écroulent.
embusqués sur les toits continuent à jeter des pavés dans
la rue. Deux policiers atteints au front s'écroulent.
« Montre tes mains ! »
Peu à peu, pourtant, les manifestants doivent aban-
donner le terrain. Alors, la « ratonnade » commence.
Déjà les jours précédents, les manifestants qui se disper-
saient étaient chassés et sauvagement matraqués. Les
C.R.S. retrouvent spontanément la voix des sbires du
général de Galliffet, lorsque ceux-ci écrasaient la
Commune : « Montre tes mains ! » Toute personne aux
mains sales est aussitôt assommée et jetée dans un car.
Mais désormais les policiers ne posent plus de question :
ceux qui ne portent pas l'uniforme sont indistinctement
des ennemis. Ni les journalistes, ni les secouristes, ni les
donner le terrain. Alors, la « ratonnade » commence.
Déjà les jours précédents, les manifestants qui se disper-
saient étaient chassés et sauvagement matraqués. Les
C.R.S. retrouvent spontanément la voix des sbires du
général de Galliffet, lorsque ceux-ci écrasaient la
Commune : « Montre tes mains ! » Toute personne aux
mains sales est aussitôt assommée et jetée dans un car.
Mais désormais les policiers ne posent plus de question :
ceux qui ne portent pas l'uniforme sont indistinctement
des ennemis. Ni les journalistes, ni les secouristes, ni les
39
bourgeois, ni les blessés ne sont épargnés. Les policiers
pénètrent dans les immeubles, les appartements et se jet-
tent sur tous les jeunes qu'ils rencontrent. Un homme
sort de chez lui en criant : « Salauds, ce sont des salauds.
Messieurs, j'ai fait l'Indochine. Je n'ai jamais vu cela.
Un jeune étudiant est venu chercher refuge chez moi.
Ne tenant plus debout, il s'est écroulé contre ma porte.
Une porte vitrée. Sa tête est passée en travers. Il me
suppliait de l'aider. Pendant que j'essayais de le faire
passer par la vitre brisée, deux flics sont venus et l'ont
tiré par les pieds. Le verre lui a entaillé la gorge. Il s'est
mis à saigner. Venez voir. Dites-le. C'est au 24, rue
Gay-Lussac. »
pénètrent dans les immeubles, les appartements et se jet-
tent sur tous les jeunes qu'ils rencontrent. Un homme
sort de chez lui en criant : « Salauds, ce sont des salauds.
Messieurs, j'ai fait l'Indochine. Je n'ai jamais vu cela.
Un jeune étudiant est venu chercher refuge chez moi.
Ne tenant plus debout, il s'est écroulé contre ma porte.
Une porte vitrée. Sa tête est passée en travers. Il me
suppliait de l'aider. Pendant que j'essayais de le faire
passer par la vitre brisée, deux flics sont venus et l'ont
tiré par les pieds. Le verre lui a entaillé la gorge. Il s'est
mis à saigner. Venez voir. Dites-le. C'est au 24, rue
Gay-Lussac. »
Les poursuites continuent jusqu'au petit matin. Au
Luxembourg, une trentaine d'étudiants sont alignés
contre la grille, les mains en l'air. Un chauffeur de taxi
proteste : « C'est honteux, c'est comme au temps de la
Gestapo. » Un coup de matraque le fait taire. Au commis-
sariat du Ve arrondissement, place du Panthéon, les étu-
diants que l'on embarque pour les mener au centre de tri
de Beaujon, doivent passer entre deux haies de flics, gour-
dins au poing : quant ils atteignent le car, ils sont en sang.
Luxembourg, une trentaine d'étudiants sont alignés
contre la grille, les mains en l'air. Un chauffeur de taxi
proteste : « C'est honteux, c'est comme au temps de la
Gestapo. » Un coup de matraque le fait taire. Au commis-
sariat du Ve arrondissement, place du Panthéon, les étu-
diants que l'on embarque pour les mener au centre de tri
de Beaujon, doivent passer entre deux haies de flics, gour-
dins au poing : quant ils atteignent le car, ils sont en sang.
Peu à peu, les acteurs désertent la scène, reste le décor :
du Luxembourg à la rue Mouffetard, de la rue Soufflot
à la rue Gay-Lussac, tandis que planent encore d'acres
nuages de gaz lacrymogène, c'est partout le même spec-
tacle : voitures calcinées, amas de pavés noircis, vitrines
brisées, barricades incendiées qui fument encore.
MM. Grimaud et Fouchet sont satisfaits, le calme est
du Luxembourg à la rue Mouffetard, de la rue Soufflot
à la rue Gay-Lussac, tandis que planent encore d'acres
nuages de gaz lacrymogène, c'est partout le même spec-
tacle : voitures calcinées, amas de pavés noircis, vitrines
brisées, barricades incendiées qui fument encore.
MM. Grimaud et Fouchet sont satisfaits, le calme est
rétabli. .. A l
NI ;
•r
(J
Une dizaine d'enragés
Ce sont quelque dix mille manifestants qui le lundi 6 mai
descendaient le boulevard Raspail et la rue de Rennes.
Parmi les slogans, deux semblaient avoir leur prédilec-
tion : <r Nom sommes un groupuscule ! Une dizaine d'enragés ! »
Cruelle dérision pour un gouvernement qui n'a su voir
dans la révolte étudiante que les seuls agissements de quel-
ques trublions ; cruelle dérision pour le Parti communiste
français qui n'a cessé de dénoncer les groupuscules
d'aventuristes irresponsables dont « l'action va à ['encon-
tre des intérêts de la masse des étudiants ».
descendaient le boulevard Raspail et la rue de Rennes.
Parmi les slogans, deux semblaient avoir leur prédilec-
tion : <r Nom sommes un groupuscule ! Une dizaine d'enragés ! »
Cruelle dérision pour un gouvernement qui n'a su voir
dans la révolte étudiante que les seuls agissements de quel-
ques trublions ; cruelle dérision pour le Parti communiste
français qui n'a cessé de dénoncer les groupuscules
d'aventuristes irresponsables dont « l'action va à ['encon-
tre des intérêts de la masse des étudiants ».
Au beau temps de l'U.N.E.F., dans les années 62-63,
lorsque l'organisation récoltait les fruits de la position
qu'elle avait su maintenir tout au long de la guerre
d'Algérie, ses dirigeants étaient satisfaits lorsque deux
ou trois mille manifestants obéissaient à leurs mots
d'ordre. Le mardi 7 mai, ce sont trente mille étudiants
qui participent à la longue marche de près de vingt
kilomètres à travers Paris. Dans la même soirée, deux
mille étudiants manifestent à Toulouse, trois mille à
Lille, trois mille à Bordeaux, quatre mille à Rennes...
plus de soixante mille dans la France entière.
lorsque l'organisation récoltait les fruits de la position
qu'elle avait su maintenir tout au long de la guerre
d'Algérie, ses dirigeants étaient satisfaits lorsque deux
ou trois mille manifestants obéissaient à leurs mots
d'ordre. Le mardi 7 mai, ce sont trente mille étudiants
qui participent à la longue marche de près de vingt
kilomètres à travers Paris. Dans la même soirée, deux
mille étudiants manifestent à Toulouse, trois mille à
Lille, trois mille à Bordeaux, quatre mille à Rennes...
plus de soixante mille dans la France entière.
Pourtant, bien qu'ils aient fait l'expérience de leur
nombre et de leur force, les étudiants ne veulent pas res-
ter enfermés dans le « ghetto universitaire ». Dès les
premiers jours ils se proclament « solidaires des travail-
leurs ». Ils appellent les ouvriers à venir les rejoindre
dans la rue. Au cours de la nuit du 10 mai, parmi les
innombrables fausses nouvelles qui se propageaient de
barricade en barricade l'une a soulevé un véritable
enthousiasme : « Les ouvriers sont avec nous, ils sont dix
mille qui se battent à Strasbourg-Saint-Denis ! »
nombre et de leur force, les étudiants ne veulent pas res-
ter enfermés dans le « ghetto universitaire ». Dès les
premiers jours ils se proclament « solidaires des travail-
leurs ». Ils appellent les ouvriers à venir les rejoindre
dans la rue. Au cours de la nuit du 10 mai, parmi les
innombrables fausses nouvelles qui se propageaient de
barricade en barricade l'une a soulevé un véritable
enthousiasme : « Les ouvriers sont avec nous, ils sont dix
mille qui se battent à Strasbourg-Saint-Denis ! »
Une occasion manquée.
La grande manifestation du-13 mai aurait pu être
l'occasion de la rencontre tant souhaitée par les étudiants :
l'occasion a été manquée. Les négociations entre diri-
geants syndicaux et leaders étudiants ont été difficiles et
longues : finalement deux points de rassemblement sont
adoptés, la gare de l'Est pour les étudiants et enseignants,
la République pour les ouvriers. Les deux cortèges doi-
vent fusionner et remonter ensemble vers Denfert-
Rochereau. La méfiance subsiste de part et d'autre. Les
étudiants veulent entrer en contact avec les travailleurs
mais ils récusent leurs organisations qu'ils soupçonnent
de vouloir coiffer le mouvement pour mieux l'étouffer.
De leur côté, les dirigeants syndicaux sont hostiles au
« gauchisme » des étudiants et ont peur d'être mêlés à ce
qu'ils appellent des provocations. Ils savent que l'action
des étudiants a trouvé des échos chez beaucoup de jeunes
- travailleurs et ils ne souhaitent pas que des discussions
intempestives alimentent une révolte qu'ils sentent
monter. Les cortèges resteront donc séparés, chacun
avec ses slogans et ses banderoles.
l'occasion de la rencontre tant souhaitée par les étudiants :
l'occasion a été manquée. Les négociations entre diri-
geants syndicaux et leaders étudiants ont été difficiles et
longues : finalement deux points de rassemblement sont
adoptés, la gare de l'Est pour les étudiants et enseignants,
la République pour les ouvriers. Les deux cortèges doi-
vent fusionner et remonter ensemble vers Denfert-
Rochereau. La méfiance subsiste de part et d'autre. Les
étudiants veulent entrer en contact avec les travailleurs
mais ils récusent leurs organisations qu'ils soupçonnent
de vouloir coiffer le mouvement pour mieux l'étouffer.
De leur côté, les dirigeants syndicaux sont hostiles au
« gauchisme » des étudiants et ont peur d'être mêlés à ce
qu'ils appellent des provocations. Ils savent que l'action
des étudiants a trouvé des échos chez beaucoup de jeunes
- travailleurs et ils ne souhaitent pas que des discussions
intempestives alimentent une révolte qu'ils sentent
monter. Les cortèges resteront donc séparés, chacun
avec ses slogans et ses banderoles.
Malgré les consignes certains ouvriers, surtout des
jeunes viennent se mêler aux étudiants. L'un d'eux expli-
que : « J'étais dans le cortège des types de Puteaux mais
j'ai perdu les copains et je suis venu voir ce qui se passait
chez vous. Vous, au moins, vous avez eu de la chance,
vous vous êtes battus. Moi, je travaille dans une fonderie,
cela fait deux ans que je suis revenu du service militaire et,
depuis ce temps, tout ce qu'on a réussi à faire, c'est des
débrayages d'une demie-heure. Les vieux, oui, ils ont
connu les grandes grèves et à cette époque les flics tiraient
sur les ouvriers. Mais maintenant ils ne veulent plus
bouger ». Les étudiants racontent les barricades. Le
jeune travailleur explique les conditions de travail, le
système des primes, volontairement compliqué pour
rendre les revendications parcellaires et dérisoires.
jeunes viennent se mêler aux étudiants. L'un d'eux expli-
que : « J'étais dans le cortège des types de Puteaux mais
j'ai perdu les copains et je suis venu voir ce qui se passait
chez vous. Vous, au moins, vous avez eu de la chance,
vous vous êtes battus. Moi, je travaille dans une fonderie,
cela fait deux ans que je suis revenu du service militaire et,
depuis ce temps, tout ce qu'on a réussi à faire, c'est des
débrayages d'une demie-heure. Les vieux, oui, ils ont
connu les grandes grèves et à cette époque les flics tiraient
sur les ouvriers. Mais maintenant ils ne veulent plus
bouger ». Les étudiants racontent les barricades. Le
jeune travailleur explique les conditions de travail, le
système des primes, volontairement compliqué pour
rendre les revendications parcellaires et dérisoires.
A Denfert-Rochereau, dirigeants ouvriers et étudiants
s'opposent à nouveau. Les responsables de la C.G.T.
demandent aux manifestants de se disperser dans « l'or-
dre, le calme et la dignité ». Cohn-Bendit propose au
contraire qu'étudiants et ouvriers se rendent en petits
groupes au Champs de Mars pour discuter. Les discus-
sions n'auront pas lieu, c'est dommage. Une fois de plus
les étudiants se retrouveront seuls à la Sorbonne. Les
quelques travailleurs qui y pénétrent dans la nuit du 13
mai ou les suivantes ne verront que la kermesse perma-
s'opposent à nouveau. Les responsables de la C.G.T.
demandent aux manifestants de se disperser dans « l'or-
dre, le calme et la dignité ». Cohn-Bendit propose au
contraire qu'étudiants et ouvriers se rendent en petits
groupes au Champs de Mars pour discuter. Les discus-
sions n'auront pas lieu, c'est dommage. Une fois de plus
les étudiants se retrouveront seuls à la Sorbonne. Les
quelques travailleurs qui y pénétrent dans la nuit du 13
mai ou les suivantes ne verront que la kermesse perma-
40
Travail en commission
nente qui se déroule dans la cour et la foire du grand
Amphithéâtre. Perdus au milieu de la masse des étudiants
ils n'apprécieront guère la pagaille et la surenchère des
mots d'ordre et partiront persuadés que le mouvemem
est en train de sombrer dans l'anarchie.
Amphithéâtre. Perdus au milieu de la masse des étudiants
ils n'apprécieront guère la pagaille et la surenchère des
mots d'ordre et partiront persuadés que le mouvemem
est en train de sombrer dans l'anarchie.
Malgré les barrages établis par les dirigeants syndicaux
et les critiques contre les étudiants qui se font toujours
plus acerbes dans l'Humanité, certains contacts auront lieu
aux portes des usines et au cours de la manifestation du
vendredi 24 mai. De nombreux travailleurs refusent en
effet de se disperser à la fin du défilé organisé par la
C.G.T. et rejoignent les étudiants massés à la gare de
Lyon. Dans les différents cortèges qui aboutissent vers
22 heures à l'Opéra, si les étudiants sont encore en majo-
rité, ils ne sont plus seuls. Il semble que beaucoup d'élé-
ments non intégrés, travailleurs étrangers, jeunes em-
ployés et ouvriers, chômeurs, anciens militants anar-
chistes se soient joints à eux.
et les critiques contre les étudiants qui se font toujours
plus acerbes dans l'Humanité, certains contacts auront lieu
aux portes des usines et au cours de la manifestation du
vendredi 24 mai. De nombreux travailleurs refusent en
effet de se disperser à la fin du défilé organisé par la
C.G.T. et rejoignent les étudiants massés à la gare de
Lyon. Dans les différents cortèges qui aboutissent vers
22 heures à l'Opéra, si les étudiants sont encore en majo-
rité, ils ne sont plus seuls. Il semble que beaucoup d'élé-
ments non intégrés, travailleurs étrangers, jeunes em-
ployés et ouvriers, chômeurs, anciens militants anar-
chistes se soient joints à eux.
« II aura fallu les barricades...! »
Après la chute des barricades du boulevard Saint-
Michel, plusieurs milliers de manifestants se réfugient à
la Sorbonne. Tandis que dans la cour retentissent les
Michel, plusieurs milliers de manifestants se réfugient à
la Sorbonne. Tandis que dans la cour retentissent les
Horace
sirènes des ambulances qui se succèdent de minute en
minute, deux salles sont transformées en hôpital impro-
visé. Faute de lits, les blessés doivent s'allonger sur les
tables et certains à même le sol. Dehors les combats
continuent, on entend le fracas des explosions et vers le
Luxembourg le ciel est illuminé par les incendies. C'est
dans cette atmosphère de tristesse et de lassitude que des
petits groupes se forment et poursuivent les mêmes éter-
nelles discussions, à voix basse pour ne pas gêner les
dormeurs. Sur un pilier une affichette vient d'être appo-
sée : « A Lyon, la C.G.T. livre six manifestants à la
police ». Un type passe et arrache l'affiche. Il est aussitôt
entouré et pris à partie : « Vous êtes des cons, réplique-
t-il. Il est possible que vous ne soyez pas d'accord avec
les camarades du syndicat. Dire que ce sont des traîtres,
cela ne rime à rien. Votre papier, c'est de la provo-
cation ».
minute, deux salles sont transformées en hôpital impro-
visé. Faute de lits, les blessés doivent s'allonger sur les
tables et certains à même le sol. Dehors les combats
continuent, on entend le fracas des explosions et vers le
Luxembourg le ciel est illuminé par les incendies. C'est
dans cette atmosphère de tristesse et de lassitude que des
petits groupes se forment et poursuivent les mêmes éter-
nelles discussions, à voix basse pour ne pas gêner les
dormeurs. Sur un pilier une affichette vient d'être appo-
sée : « A Lyon, la C.G.T. livre six manifestants à la
police ». Un type passe et arrache l'affiche. Il est aussitôt
entouré et pris à partie : « Vous êtes des cons, réplique-
t-il. Il est possible que vous ne soyez pas d'accord avec
les camarades du syndicat. Dire que ce sont des traîtres,
cela ne rime à rien. Votre papier, c'est de la provo-
cation ».
Il faudra attendre sept heures du matin pour qu'un
haut-parleur annonce que les C.R.S. ont quitté le quartier
et que la voie est libre. Au moment de sortir, un vieil
ouvrier, le béret sur la tête, serre la main d'un membre du
service d'ordre qui garde la porte : « II aura fallu les
barricades pour que je mette les pieds à la Sorbonne...
c'est moins vieux qu'on ne le disait »
haut-parleur annonce que les C.R.S. ont quitté le quartier
et que la voie est libre. Au moment de sortir, un vieil
ouvrier, le béret sur la tête, serre la main d'un membre du
service d'ordre qui garde la porte : « II aura fallu les
barricades pour que je mette les pieds à la Sorbonne...
c'est moins vieux qu'on ne le disait »
41
L'imagination a pris le pouvoir
« Introduire la politique à l'Université, c'est instaurer
l'agitation et le désordre, tous deux incompatibles avec
le sérieux des études ». C'est un grave professeur de
lettres à la Sorbonne qui parle ainsi et ses propos reflètent
assez bien l'opinion de la majorité de ses collègues. Mais
ceci se passait avant les « événements » : depuis de nom-
breux professeurs ont tourné casaque.
l'agitation et le désordre, tous deux incompatibles avec
le sérieux des études ». C'est un grave professeur de
lettres à la Sorbonne qui parle ainsi et ses propos reflètent
assez bien l'opinion de la majorité de ses collègues. Mais
ceci se passait avant les « événements » : depuis de nom-
breux professeurs ont tourné casaque.
Tout commence à Nanterre parce que des étudiants ne
partagent pas l'opinion de leurs maîtres : passer des
heures entières à étudier la dislocation de l'alexandrin
chez Victor Hugo, ou la convergence des civilisations selon
Raymond Aron ne leur paraît pas sérieux, saugrenu
plutôt et sans intérêt. Certains disent même que c'est
une trahison, à l'heure où les avions américains bom-
bardent le Viêt-nam, où l'Amérique latine étouffe sous la
domination américaine. Ils pensent qu'il existe dans le
monde des problèmes qui sont de vrais problèmes et
qu'on cherche à les en éloigner pour mieux les abrutir,
pour mieux les préparer au rôle de « chiens de garde »
qu'on leur destine.
partagent pas l'opinion de leurs maîtres : passer des
heures entières à étudier la dislocation de l'alexandrin
chez Victor Hugo, ou la convergence des civilisations selon
Raymond Aron ne leur paraît pas sérieux, saugrenu
plutôt et sans intérêt. Certains disent même que c'est
une trahison, à l'heure où les avions américains bom-
bardent le Viêt-nam, où l'Amérique latine étouffe sous la
domination américaine. Ils pensent qu'il existe dans le
monde des problèmes qui sont de vrais problèmes et
qu'on cherche à les en éloigner pour mieux les abrutir,
pour mieux les préparer au rôle de « chiens de garde »
qu'on leur destine.
_______________________Témoignage___
C'est pour obtenir le droit de tenir des réunions
politiques à l'intérieur des locaux universitaires et pour
protester contre l'arrestation de militants du Comité
Viêt-nam national, que, le 22 mars, cent quarante-deux
étudiants s'emparent du bâtiment administratif de la
faculté de lettres de Nanterre. Ils obtiennent en partie
satisfaction et le doyen met à leur disposition un amphi-
théâtre rebaptisé aussitôt amphithéâtre « Che Guevara ».
Des réunions fiévreuses vont s'y tenir aussitôt. La minorité
politisée de Nanterre est en effet divisée entre de nom-
breux groupes : pro-chinois de l'U.J.C.M.L., trotskystes
« durs » du C.L.E.R., trotskystes plus souples de la J.C.R.,
membres de l'U.E.C. ou du P.S.U., anarchistes, catho-
liques de gauche (voir dictionnaire). De nombreux inci-
dents éclatent : le député communiste Pierre Juquin
est défenestré par les pro-chinois et il faut toute l'autorité
de Cohn-Bendit pour que les étudiants du C.L.E.R.
acceptent de laisser la parole au « sélectionniste » Laurent
Schwartz, pourtant dirigeant du Comité Viêt-nam natio-
nal.
politiques à l'intérieur des locaux universitaires et pour
protester contre l'arrestation de militants du Comité
Viêt-nam national, que, le 22 mars, cent quarante-deux
étudiants s'emparent du bâtiment administratif de la
faculté de lettres de Nanterre. Ils obtiennent en partie
satisfaction et le doyen met à leur disposition un amphi-
théâtre rebaptisé aussitôt amphithéâtre « Che Guevara ».
Des réunions fiévreuses vont s'y tenir aussitôt. La minorité
politisée de Nanterre est en effet divisée entre de nom-
breux groupes : pro-chinois de l'U.J.C.M.L., trotskystes
« durs » du C.L.E.R., trotskystes plus souples de la J.C.R.,
membres de l'U.E.C. ou du P.S.U., anarchistes, catho-
liques de gauche (voir dictionnaire). De nombreux inci-
dents éclatent : le député communiste Pierre Juquin
est défenestré par les pro-chinois et il faut toute l'autorité
de Cohn-Bendit pour que les étudiants du C.L.E.R.
acceptent de laisser la parole au « sélectionniste » Laurent
Schwartz, pourtant dirigeant du Comité Viêt-nam natio-
nal.
Les débats portent sur deux thèmes principaux : la
lutte contre l'impérialisme et la mise en accusation d'une
société qui tonde sa prospérité sur l'exploitation du pro-
lutte contre l'impérialisme et la mise en accusation d'une
société qui tonde sa prospérité sur l'exploitation du pro-
Sons l'égide «V.N.E.F., S.N.E. Sup., Co-
mité des victimes », la Commission « Té-
moignas.*' et Assistance Juridique» a
rassemblé />his de trois cents témoignages
qui dénoncent les brutalités scandaleuses
commises par les forces de l'ordre à Paris
entre le 3 et 25 mai 1968. Les deux té-
moignages que nous reproduisons sont
cités de façon anonyme pour des raisons
de prudence faciles à comprendre. L'au-
torisation de publication signée des té-
moins est déposée à la Commission Té-
moignage.
mité des victimes », la Commission « Té-
moignas.*' et Assistance Juridique» a
rassemblé />his de trois cents témoignages
qui dénoncent les brutalités scandaleuses
commises par les forces de l'ordre à Paris
entre le 3 et 25 mai 1968. Les deux té-
moignages que nous reproduisons sont
cités de façon anonyme pour des raisons
de prudence faciles à comprendre. L'au-
torisation de publication signée des té-
moins est déposée à la Commission Té-
moignage.
Témoignage d'un lycéen de 18 ans, gra-
vement blessé, actuellement hospitalisé
et qui a fait l'objet d'une tentative de
noyade :
vement blessé, actuellement hospitalisé
et qui a fait l'objet d'une tentative de
noyade :
« Je revenais de la manifestation avec
mon camarade Jacky dans la nuit du
vendredi 24 au samedi 25. Il était environ
2 heures du matin et nous avions l'in-
tention de rentrer au lycée d'Aulnay ce
qui nous obligeait à traverser la Seine.
Nous voyons un pont sur lequel apparem-
ment il n'y avait que deux motards CRS ;
devant nous trois personnes, les avaient
déjà dépassés. Ce qui nous avait rassurés
et incités à passer ce pont. Deux autres
personnes se sont alors jointes à nous.
mon camarade Jacky dans la nuit du
vendredi 24 au samedi 25. Il était environ
2 heures du matin et nous avions l'in-
tention de rentrer au lycée d'Aulnay ce
qui nous obligeait à traverser la Seine.
Nous voyons un pont sur lequel apparem-
ment il n'y avait que deux motards CRS ;
devant nous trois personnes, les avaient
déjà dépassés. Ce qui nous avait rassurés
et incités à passer ce pont. Deux autres
personnes se sont alors jointes à nous.
A peine avions-nous ensemble dépassé
les deux motards qu'ils se retournaient
et matraquaient les deux personnes qui
s'étaient jointes à nous. Mon camarade
et moi nous sommes mis à courir pour
achever de traverser le pont. Mais nous
vîmes alors surgir de derrière des voitures
civiles un mur de C.R.S. qui nous bar-
raient le passage.
les deux motards qu'ils se retournaient
et matraquaient les deux personnes qui
s'étaient jointes à nous. Mon camarade
et moi nous sommes mis à courir pour
achever de traverser le pont. Mais nous
vîmes alors surgir de derrière des voitures
civiles un mur de C.R.S. qui nous bar-
raient le passage.
Nous retournâmes sur nos pas et es-
soufflé je regardais les C.R.S. d'un côté
et les motards de l'autre qui s'appro-
chaient en ricanant tandis que mon ca-
marade parvenait à s'enfuir.
soufflé je regardais les C.R.S. d'un côté
et les motards de l'autre qui s'appro-
chaient en ricanant tandis que mon ca-
marade parvenait à s'enfuir.
Acculé contre le parapet du pont je
montais dessus pour éviter un coup de
matraque quand un C.R.S. me dit : « allez,
saute ! »
montais dessus pour éviter un coup de
matraque quand un C.R.S. me dit : « allez,
saute ! »
Je répétais affolé cette phrase et des-
cendis de l'autre côté du parapet où
j'avais repéré un étroit rebord où poser
mes pieds.
cendis de l'autre côté du parapet où
j'avais repéré un étroit rebord où poser
mes pieds.
Mes doigts qui ne faisaient plus qu'un
avec le réverbère qui me protégeait la
tète des coups ne cessaient d'être frappés
à coup de matraque pour me faire lâcher
prise et me faire tomber à l'eau. Cela a
bien duré une minute jusqu'à ce qu'un
policier en civil intervienne en me rete-
nant par la manche de ma veste.
avec le réverbère qui me protégeait la
tète des coups ne cessaient d'être frappés
à coup de matraque pour me faire lâcher
prise et me faire tomber à l'eau. Cela a
bien duré une minute jusqu'à ce qu'un
policier en civil intervienne en me rete-
nant par la manche de ma veste.
Il me dit de repasser le parapet et qu'il
ne me serait fait aucun mal (je n'ai d'ail-
leurs jamais été frappé en sa présence).
Des secouristes qui virent la scène de-
mandèrent à m'emmener ce qui leur fut
refusé.
ne me serait fait aucun mal (je n'ai d'ail-
leurs jamais été frappé en sa présence).
Des secouristes qui virent la scène de-
mandèrent à m'emmener ce qui leur fut
refusé.
Après m'avoir fouillé une première
fois et regardé mes mains, les C.R.S.
m'ont fait monter dans un car où je me
trouvais seul. J'ai été conduit à un autre
pont dans ce véhicule et transféré dans un
autre car où un C.R.S. m'a interrogé sur
mon identité.
fois et regardé mes mains, les C.R.S.
m'ont fait monter dans un car où je me
trouvais seul. J'ai été conduit à un autre
pont dans ce véhicule et transféré dans un
autre car où un C.R.S. m'a interrogé sur
mon identité.
En descendant de ce véhicule on m'a
fait mettre les mains sur la tète et j'ai
alors été matraqué ,à nouveau.
fait mettre les mains sur la tète et j'ai
alors été matraqué ,à nouveau.
Ensuite on m'a fait remonter à l'arrière
de ce même car où j'ai retrouvé cinq à
six personnes. Nous avons attendu un peu
puis on nous a transférés à nouveau dans
un autre véhicule qui était un car bleu de
la gendarmerie. J'ai été à nouveau ma-
traqué pendant ce transfert, qui nous a
conduits au commissariat du IVe. Cachés
de l'extérieur par des cars, on nous a fait
descendre entre deux rangées de C.R.S.
qui nous ont frappés à coups de matra-
ques, à coups de pieds, de poings et de
manchettes. Après être rentrés dans le
commissariat, on nous a entassés dans
un coin. A l'intérieur, il y avait des gens
en civil qui avaient la liste des gens arrê-
tés et qui nous appelaient pour nous en-
voyer en cellule. En premier, on a appelé
deux garçons de dix-sept et vingt ans, qui
étaient accusés d'avoir sur eux un pisto-
let. Je ne les ai pas revus.
six personnes. Nous avons attendu un peu
puis on nous a transférés à nouveau dans
un autre véhicule qui était un car bleu de
la gendarmerie. J'ai été à nouveau ma-
traqué pendant ce transfert, qui nous a
conduits au commissariat du IVe. Cachés
de l'extérieur par des cars, on nous a fait
descendre entre deux rangées de C.R.S.
qui nous ont frappés à coups de matra-
ques, à coups de pieds, de poings et de
manchettes. Après être rentrés dans le
commissariat, on nous a entassés dans
un coin. A l'intérieur, il y avait des gens
en civil qui avaient la liste des gens arrê-
tés et qui nous appelaient pour nous en-
voyer en cellule. En premier, on a appelé
deux garçons de dix-sept et vingt ans, qui
étaient accusés d'avoir sur eux un pisto-
let. Je ne les ai pas revus.
Pour aller en cellule, il fallait encore
passer entre le comptoir du commissa-
riat et une rangée de C.R.S. et de Gardes
mobiles, qui frappaient à froid en étant
très conscients, avec une particulière
brutalité. J'ai reçu des coups sur la tête,
dans le ventre et dans les jambes. Mais
je restai debout, car devant moi un jeune
nomme qui était tombé sous les coups
était littéralement « défoncé » à coups de
pieds. Puis on me poussa dans une cellule
d'environ 2,50 m sur 4 m, où nous étions
pas loins de 60, à 80. Une dizaine de
personnes sont entrées encore derrière
moi. Nous sommes restés ici jusqu'à no-
tre transfert à Beaujon, où nous sommes
arrivés vers huit heures du matin.
passer entre le comptoir du commissa-
riat et une rangée de C.R.S. et de Gardes
mobiles, qui frappaient à froid en étant
très conscients, avec une particulière
brutalité. J'ai reçu des coups sur la tête,
dans le ventre et dans les jambes. Mais
je restai debout, car devant moi un jeune
nomme qui était tombé sous les coups
était littéralement « défoncé » à coups de
pieds. Puis on me poussa dans une cellule
d'environ 2,50 m sur 4 m, où nous étions
pas loins de 60, à 80. Une dizaine de
personnes sont entrées encore derrière
moi. Nous sommes restés ici jusqu'à no-
tre transfert à Beaujon, où nous sommes
arrivés vers huit heures du matin.
Avant notre départ du commissariat,
létariat et du Tiers-Monde. L'Université est dénoncée
comme étant l'une des pièces maîtresses du système
d'oppression.
comme étant l'une des pièces maîtresses du système
d'oppression.
Les « enragés » de Nanterre qui se sont regroupés au
sein du mouvement du 22 mars ont adopté une tactique
de lutte très simple : « Par une provocation systématique,
en employant les armes de la dialectique, de la violence
et de la bouffonnerie, il faut faire apparaître les contra-
dictions du système, l'obliger à se démasquer et en hâter
l'éclatement». (1). Cette tactique a porté ses fruits. Les
forces de l'ordre ont montré leur vrai visage et l'alliance
sacrée entre les ministres de l'éducation nationale et de
l'intérieur est un symbole qui parle à tous. Les commenta-
teurs qui ricanaient du « confusionnisme et du verba-
lisme » des étudiants n'ont pas été de bons prophètes.
sein du mouvement du 22 mars ont adopté une tactique
de lutte très simple : « Par une provocation systématique,
en employant les armes de la dialectique, de la violence
et de la bouffonnerie, il faut faire apparaître les contra-
dictions du système, l'obliger à se démasquer et en hâter
l'éclatement». (1). Cette tactique a porté ses fruits. Les
forces de l'ordre ont montré leur vrai visage et l'alliance
sacrée entre les ministres de l'éducation nationale et de
l'intérieur est un symbole qui parle à tous. Les commenta-
teurs qui ricanaient du « confusionnisme et du verba-
lisme » des étudiants n'ont pas été de bons prophètes.
La joie éclate
Un des aspects les plus étonnants des semaines qui
viennent de s'écouler est l'explosion des discussions à
tous les niveaux, dans le pays entier. Les Français se
viennent de s'écouler est l'explosion des discussions à
tous les niveaux, dans le pays entier. Les Français se
taisaient depuis dix ans et l'on en concluait qu'ils étaient
satisfaits du régime, qu'ils respectaient son chef, qu'ils
ne croyaient plus aux idéologies et qu'ils ne souhaitaient
qu'un peu plus de confort et de sécurité. Et brusquement,
c'est l'éclatement : on discute dans les facultés, dans les
Grandes Ecoles, dans les lycées, on discute dans les
usines, dans les cafés, dans la rue, n'importe où. Il
suffit que quelqu'un se mette à parler un peu fort pour
qu'aussitôt un groupe se forme autour de lui et que le
débat s'engage.
satisfaits du régime, qu'ils respectaient son chef, qu'ils
ne croyaient plus aux idéologies et qu'ils ne souhaitaient
qu'un peu plus de confort et de sécurité. Et brusquement,
c'est l'éclatement : on discute dans les facultés, dans les
Grandes Ecoles, dans les lycées, on discute dans les
usines, dans les cafés, dans la rue, n'importe où. Il
suffit que quelqu'un se mette à parler un peu fort pour
qu'aussitôt un groupe se forme autour de lui et que le
débat s'engage.
De cette explosion libératrice, le spectacle qui se
déroule à la Sorbonne est la marque la plus visible.
Au soir, du 13 mai, dans l'antique maison enfin libérée,
la joie éclate. Le drapeau rouge flotte sur la coupole,
les vieilles idoles sont détrônées, « les grands révolu-
tionnaires » prennent place dans la cour et pour la pre-
mière fois coexistent pacifiquement : Mao à côté de
« Che » Guevara, Staline à côté de Trotsky, de Lénine
et de Marx. Des centaines de curieux se pressent aux
déroule à la Sorbonne est la marque la plus visible.
Au soir, du 13 mai, dans l'antique maison enfin libérée,
la joie éclate. Le drapeau rouge flotte sur la coupole,
les vieilles idoles sont détrônées, « les grands révolu-
tionnaires » prennent place dans la cour et pour la pre-
mière fois coexistent pacifiquement : Mao à côté de
« Che » Guevara, Staline à côté de Trotsky, de Lénine
et de Marx. Des centaines de curieux se pressent aux
(1) F. Gaussen et G. Herzlich, Le Monde, 1 mai.
j'ai été témoin des faits suivants :
— Dans notre cellule, une jeune fille
avait demandé à sortir parce qu'elle se
trouvait mal, les C.R.S. l'ont laissé sortir,
puis nous avons vu qu'ils la matra-
quaient ; nous n'avons plus osé deman-
der des secours pour les évanouisse-
ments ; nous avons quand même voulu
faire sortir un garçon cardiaque qui était
« dans les pommes », l'autorisation a été
refusée ;
avait demandé à sortir parce qu'elle se
trouvait mal, les C.R.S. l'ont laissé sortir,
puis nous avons vu qu'ils la matra-
quaient ; nous n'avons plus osé deman-
der des secours pour les évanouisse-
ments ; nous avons quand même voulu
faire sortir un garçon cardiaque qui était
« dans les pommes », l'autorisation a été
refusée ;
— J'ai vu, lors de l'arrivée de la se-
conde vague d'arrêtés, une jeune fille en
particulier, grande et blonde, qui avait
été matraquée et qui était tombée à
terre; un C.R.S. voulut la violer; tout le
monde criait ; un gradé s'est alors appro-
ché et leur a dit poliment : « Cela suffit
messieurs » ; et la fille n'a finalement pas
été violée.
conde vague d'arrêtés, une jeune fille en
particulier, grande et blonde, qui avait
été matraquée et qui était tombée à
terre; un C.R.S. voulut la violer; tout le
monde criait ; un gradé s'est alors appro-
ché et leur a dit poliment : « Cela suffit
messieurs » ; et la fille n'a finalement pas
été violée.
A Beaujon, nous avons été parqués de
huit heures du matin à dix-neuf heures,
sur le stade, sous la pluie. On nous a
donné deux sandwiches. Des C.R.S. au
repos, arrivés vers seize heures ont
encore matraqué certains d'entre nous
qui passaient à leur portée. Après, on
m'a mis dans le gymnase, où je retrouvai
les autres. Puis j'ai été libéré vers deux
heures et demie du matin.
huit heures du matin à dix-neuf heures,
sur le stade, sous la pluie. On nous a
donné deux sandwiches. Des C.R.S. au
repos, arrivés vers seize heures ont
encore matraqué certains d'entre nous
qui passaient à leur portée. Après, on
m'a mis dans le gymnase, où je retrouvai
les autres. Puis j'ai été libéré vers deux
heures et demie du matin.
J'ai commencé à être pris de malaise
le mardi suivant ; mon état a nécessité
une hospitalisation.
le mardi suivant ; mon état a nécessité
une hospitalisation.
J'ai donné ce témoignage librement.
... L. 19-5-50
Fait le 3-6-1968
Fait le 3-6-1968
Témoignage des parents de ce lycéen :
Mon fils, Jean-Christophe, 18 ans,
lycéen, a été arrêté dans la nuit du 24
au 25 mai 1968, vers 2 heures du matin,
dans des conditions qui font par ailleurs
l'objet de son propre témoignage.
au 25 mai 1968, vers 2 heures du matin,
dans des conditions qui font par ailleurs
l'objet de son propre témoignage.
Nos recherches devant son absence
n'ont abouti qu'à 19 heures, le 25, son
nom ne figurant pas jusqu'alors sur les
listes de la police.
n'ont abouti qu'à 19 heures, le 25, son
nom ne figurant pas jusqu'alors sur les
listes de la police.
Les renseignements donnés par celle-
ci laissaient supposer une libération en
fin de soirée. En fait, elle n'est intervenue
qu'au cours de la nuit, à Beaujon, vers
2 heures du matin, en fonction vraisem-
blablement de l'heure d'interpellation.
ci laissaient supposer une libération en
fin de soirée. En fait, elle n'est intervenue
qu'au cours de la nuit, à Beaujon, vers
2 heures du matin, en fonction vraisem-
blablement de l'heure d'interpellation.
Personnellement, je suis porté à croire
que cette ignorance de l'heure réelle de
libération des enfants, dans laquelle on
a laissé les parents, a été volontairement
entretenue. Vers minuit rue de Courcelles,
devant Beaujon, la preuve de cela était
donnée par l'étrange démarche d'un
commandant de C.R.S. qui, accompagné
d'un autre gradé, est venu dans la foule
des parents pour justifier l'action de ses
hommes et donner des « leçons de mo-
rale » en assurant que, la prochaine fois,
on tirerait...
que cette ignorance de l'heure réelle de
libération des enfants, dans laquelle on
a laissé les parents, a été volontairement
entretenue. Vers minuit rue de Courcelles,
devant Beaujon, la preuve de cela était
donnée par l'étrange démarche d'un
commandant de C.R.S. qui, accompagné
d'un autre gradé, est venu dans la foule
des parents pour justifier l'action de ses
hommes et donner des « leçons de mo-
rale » en assurant que, la prochaine fois,
on tirerait...
Les personnes libérées ont ensuite
commencé de sortir par petits groupes
de 3 à 5, par les deux portes de la rue
du Faubourg-Saint-Honoré et de la rue
de Courcelles, ce qui, évidemment, ne
favorisait ^>as les retrouvailles. Lorsque
mon fils est sorti a son tour (porte de la
rue du Faubourg-Saint-Honoré), il s'est
certes montré heureux de nous trouver
là, mais il était surtout anxieux des
conditions du retour à la maison, tant il
commencé de sortir par petits groupes
de 3 à 5, par les deux portes de la rue
du Faubourg-Saint-Honoré et de la rue
de Courcelles, ce qui, évidemment, ne
favorisait ^>as les retrouvailles. Lorsque
mon fils est sorti a son tour (porte de la
rue du Faubourg-Saint-Honoré), il s'est
certes montré heureux de nous trouver
là, mais il était surtout anxieux des
conditions du retour à la maison, tant il
appréhendait une nouvelle arrestation.
Nous avons pris avec nous six autres gar-
çons et filles libérés que nous avons dé-
posés aussi près que possible de leur lieu
de destination, car il était évident, devant
le nombre de policiers rencontrés dans
les rues et leur attitude, qu'ils n'auraient
pu aller très loin à pied sans risquer une
nouvelle interpellation. On ne peut que
s'étonner, de ce point de vue, que les ser-
vices de Beaujon n'aient pas eu le souci
de remettre aux libérés un sauf-conduit
leur permettant de rejoindre leur domi-
cile sans crainte et sans difficulté.
Nous avons pris avec nous six autres gar-
çons et filles libérés que nous avons dé-
posés aussi près que possible de leur lieu
de destination, car il était évident, devant
le nombre de policiers rencontrés dans
les rues et leur attitude, qu'ils n'auraient
pu aller très loin à pied sans risquer une
nouvelle interpellation. On ne peut que
s'étonner, de ce point de vue, que les ser-
vices de Beaujon n'aient pas eu le souci
de remettre aux libérés un sauf-conduit
leur permettant de rejoindre leur domi-
cile sans crainte et sans difficulté.
Il convient de noter que, parmi les per-
sonnes libérées, certaines devaient être
soutenues en raison de blessures, notam-
ment une jeune fille qui ne pouvait poser
une jambe et qui pleurait de douleur...
sonnes libérées, certaines devaient être
soutenues en raison de blessures, notam-
ment une jeune fille qui ne pouvait poser
une jambe et qui pleurait de douleur...
Mais ce qui frappait chez tous ces jeu-
nes gens c'était, sur leur visage et dans
leurs récits, la marque du cauchemar
qu'ils venaient de vivre, où tout avait été
tenté, on n'ose dire de sang-froid, en
quelques heures, pour casser leur dignité
d'être humain (coups et injures à carac-
tère le plus souvent sexuel ou raciste,
menaces, appels pour des « destinations
inconnues », c'est-à-dire interrogatoires
en fait ou même... libération). Bref, l'ins-
tauration de la peur par le sentiment
imposé que tout pour eux dépendait dé-
sormais du bon vouloir de leurs gardiens,
sans recours légal possible en particulier.
nes gens c'était, sur leur visage et dans
leurs récits, la marque du cauchemar
qu'ils venaient de vivre, où tout avait été
tenté, on n'ose dire de sang-froid, en
quelques heures, pour casser leur dignité
d'être humain (coups et injures à carac-
tère le plus souvent sexuel ou raciste,
menaces, appels pour des « destinations
inconnues », c'est-à-dire interrogatoires
en fait ou même... libération). Bref, l'ins-
tauration de la peur par le sentiment
imposé que tout pour eux dépendait dé-
sormais du bon vouloir de leurs gardiens,
sans recours légal possible en particulier.
Pour ce qui concerne mon fils, il souf-
fre encore d'un traumatisme crânien qui
a nécessité une hospitalisation toujours
fre encore d'un traumatisme crânien qui
a nécessité une hospitalisation toujours
enc0urs' F.L. Le 2-6-1968
43
portes pour assister à la nouvelle révolution culturelle.
Dans le grand amphithéâtre archicomble siège en per-
manence une assemblée libre où chacun peut prendre la
parole, où chacun est écouté. Très vite pourtant, un
partage s'opère : la cour et le grand amphi sont réservés
au défoulement général, tandis que dans les autres salles
s'installent les commissions qui entreprennent un gigan-
tesque travail de remise en question.
Dans le grand amphithéâtre archicomble siège en per-
manence une assemblée libre où chacun peut prendre la
parole, où chacun est écouté. Très vite pourtant, un
partage s'opère : la cour et le grand amphi sont réservés
au défoulement général, tandis que dans les autres salles
s'installent les commissions qui entreprennent un gigan-
tesque travail de remise en question.
Dès le début un problème empoisonne les discussions :
celui des examens. Le mouvement du 22 mars et les plus
« durs » des étudiants veulent le boycott général. Leur
analyse est simple. L'examen est la clé de voûte, la fina-
lité dérisoire du système scolaire actuel. Casser l'examen,
c'est ébranler l'édifice tout entier. Il y a une autre raison
à leur attitude : si les examens ont lieu actuellement,
cela signifie la fin du mouvement, la démobilisation
générale ; chacun va retourner s'enfermer chez soi avec
ses cours et ses manuels. Mais une grande partie des
étudiants n'entendent pas renoncer à leur diplôme et
perdre le bénéfice d'une année d'études. Les discus-
sions sont longues et orageuses. Les étudiants les plus
politisés s'irritent de voir tant de temps perdu sur des
problèmes qu'ils estiment mineurs. Dans la cour de
la Sorbonne, des haut-parleurs clament que « ceux qui
discutent des examens tandis que les ouvriers occupent
leurs usines, sont des traîtres et des réactionnaires ».
Finalement un accord intervient, dont les modalités
varient suivant les disciplines, mais dont les grandes
lignes sont les suivantes : les examens sont reportés
à septembre. Une commission est chargée de déterminer
leurs nouvelles formes. Une session spéciale est prévue
en juillet pour ceux qui ont un besoin urgent de leur
diplôme.
celui des examens. Le mouvement du 22 mars et les plus
« durs » des étudiants veulent le boycott général. Leur
analyse est simple. L'examen est la clé de voûte, la fina-
lité dérisoire du système scolaire actuel. Casser l'examen,
c'est ébranler l'édifice tout entier. Il y a une autre raison
à leur attitude : si les examens ont lieu actuellement,
cela signifie la fin du mouvement, la démobilisation
générale ; chacun va retourner s'enfermer chez soi avec
ses cours et ses manuels. Mais une grande partie des
étudiants n'entendent pas renoncer à leur diplôme et
perdre le bénéfice d'une année d'études. Les discus-
sions sont longues et orageuses. Les étudiants les plus
politisés s'irritent de voir tant de temps perdu sur des
problèmes qu'ils estiment mineurs. Dans la cour de
la Sorbonne, des haut-parleurs clament que « ceux qui
discutent des examens tandis que les ouvriers occupent
leurs usines, sont des traîtres et des réactionnaires ».
Finalement un accord intervient, dont les modalités
varient suivant les disciplines, mais dont les grandes
lignes sont les suivantes : les examens sont reportés
à septembre. Une commission est chargée de déterminer
leurs nouvelles formes. Une session spéciale est prévue
en juillet pour ceux qui ont un besoin urgent de leur
diplôme.
Une fausse égalité
Sur les murs de la Sorbonne, les inscriptions fleurissent.
La plupart marquent une hostilité fondamentale à la
société de consommation et au régime gaulliste déclaré
« monolithiquement bête ». Beaucoup estiment que la
démocratisation de l'Université est un leurre dans le
système actuel. Ils ne veulent pas se contenter d'une
meilleure adaptation de l'enseignement aux exigences
d'une société qu'ils contestent en bloc. Mais la Révolution
n'est pas encore pour aujourd'hui! Alors que faire?
C'est le thème des discussions les plus longues et les plus
passionnées : comment transformer l'un des bastions du
système capitaliste en instrument, sinon de démolition,
du moins de contestation permanente. La meilleure
arme leur paraît d'assurer un pouvoir étudiant. A l'inté-
rieur de commissions paritaires, un nombre égal d'étu-
diants et de professeurs seraient chargés d'étudier tous
les problèmes posés par l'organisation et la gestion des
futures universités autonomes. Sur ce thème aussi les
débats seront violents.
La plupart marquent une hostilité fondamentale à la
société de consommation et au régime gaulliste déclaré
« monolithiquement bête ». Beaucoup estiment que la
démocratisation de l'Université est un leurre dans le
système actuel. Ils ne veulent pas se contenter d'une
meilleure adaptation de l'enseignement aux exigences
d'une société qu'ils contestent en bloc. Mais la Révolution
n'est pas encore pour aujourd'hui! Alors que faire?
C'est le thème des discussions les plus longues et les plus
passionnées : comment transformer l'un des bastions du
système capitaliste en instrument, sinon de démolition,
du moins de contestation permanente. La meilleure
arme leur paraît d'assurer un pouvoir étudiant. A l'inté-
rieur de commissions paritaires, un nombre égal d'étu-
diants et de professeurs seraient chargés d'étudier tous
les problèmes posés par l'organisation et la gestion des
futures universités autonomes. Sur ce thème aussi les
débats seront violents.
Au cours de l'assemblée générale des anglicistes, un
étudiant prend la parole : « Camarades, refusez les
commissions paritaires qui ne sont que du bluff, qu'un
étudiant prend la parole : « Camarades, refusez les
commissions paritaires qui ne sont que du bluff, qu'un
moyen pour briser notre mouvement. Toutes celles qui
ont fonctionné jusqu'à maintenant n'ont abouti qu'à
présenter une fausse façade démocratique. Il y a des
.camarades enseignants qui nous ont soutenu sincèrement.
./Mais n'oubliez pas que la majorité d'entre eux se sont
' opposés jusque là à toutes les réformes. Camarades, ne
vous laissez pas tromper une fois de plus. Dans les com-
missions paritaires l'égalité n'est qu'une fausse égalité :
dans quelques temps, ce sont les étudiants les plus dociles
qui y seront élus et les professeurs y disposeront d'in-
nombrables moyens de pression. Camarades, la seule
démocratisation que nous réclamons, c'est le renforce-
ment de notre mouvement ». Toute la salle applaudit.
'Finalement suivant les disciplines, des solutions diverses
seront adoptées qui vont du refus pur et simple des
commissions, à l'envoi d'un simple observateur ou d'un
délégué élu sur un mandat précis et obligé de rendre
compte de son intervention à l'assemblée générale.
ont fonctionné jusqu'à maintenant n'ont abouti qu'à
présenter une fausse façade démocratique. Il y a des
.camarades enseignants qui nous ont soutenu sincèrement.
./Mais n'oubliez pas que la majorité d'entre eux se sont
' opposés jusque là à toutes les réformes. Camarades, ne
vous laissez pas tromper une fois de plus. Dans les com-
missions paritaires l'égalité n'est qu'une fausse égalité :
dans quelques temps, ce sont les étudiants les plus dociles
qui y seront élus et les professeurs y disposeront d'in-
nombrables moyens de pression. Camarades, la seule
démocratisation que nous réclamons, c'est le renforce-
ment de notre mouvement ». Toute la salle applaudit.
'Finalement suivant les disciplines, des solutions diverses
seront adoptées qui vont du refus pur et simple des
commissions, à l'envoi d'un simple observateur ou d'un
délégué élu sur un mandat précis et obligé de rendre
compte de son intervention à l'assemblée générale.
L'art dans la rue
""" Si ce qui se passe à la Sorbonne a valeur de symbole,
la révolte qui secoue aujourd'hui l'Ecole des Beaux
Arts et les facultés de médecine est tout aussi exemplaire
et peut-être plus représentative du bouleversement de
l'Université française toute entière. L'Ecole des Beaux
Arts était l'une de celles où la sclérose était la plus mani-
feste, le divorce entre l'enseignement et la vie le plus
flagrant. Ce sont les élèves architectes qui sont à l'origine
du mouvement et qui les premiers ont décidé l'occupation
des locaux. La plupart d'entre eux étaient obligés pour
subsister durant les huit années d'études de travailler
comme « nègre » dans une agence, de « tirer des barres »
à longueur de journée pour dix francs de l'heure. Groupés
par ateliers, ils subissaient la loi toute puissante du
« patron ». Dans les projets sur lesquels ils travaillaient,
ils devaient tenir compte du style et des tics du « maître ».
la révolte qui secoue aujourd'hui l'Ecole des Beaux
Arts et les facultés de médecine est tout aussi exemplaire
et peut-être plus représentative du bouleversement de
l'Université française toute entière. L'Ecole des Beaux
Arts était l'une de celles où la sclérose était la plus mani-
feste, le divorce entre l'enseignement et la vie le plus
flagrant. Ce sont les élèves architectes qui sont à l'origine
du mouvement et qui les premiers ont décidé l'occupation
des locaux. La plupart d'entre eux étaient obligés pour
subsister durant les huit années d'études de travailler
comme « nègre » dans une agence, de « tirer des barres »
à longueur de journée pour dix francs de l'heure. Groupés
par ateliers, ils subissaient la loi toute puissante du
« patron ». Dans les projets sur lesquels ils travaillaient,
ils devaient tenir compte du style et des tics du « maître ».
^Aujourd'hui ils ne veulent plus de patrons, de mandarins
absentéistes. Ils veulent participer collectivement à
l'élaboration de l'enseignement. Ils refusent d'être de
simples fabricants de façades bourgeoises, ils refusent
l'étroite spécialisation où l'on voudrait les confiner. Ils
réclament le rattachement de leur école aux facultés afin
de bénéficier des enseignements de sociologie et de psy-
cho-sociologie qu'ils estiment indispensables à leur
formation. A partir de leurs revendications profession-
nelles, ils sont amenés, eux aussi, à remettre en cause
l'ensemble de la société et dans une des motions adoptées
il est déclaré « qu'il ne peut y avoir d'architecture libre
et vivante dans une société régie par la loi du profit ».
Peintres, graveurs, sculpteurs participent aussi au grand
mouvement de contestation. Dans l'amphithéâtre Edgar
Quinet, à la Sorbonne, les débats se poursuivent soir
après soir. Comment édifier une culture populaire ?
Comme partout, deux points de vue s'affrontent. Les
uns préconisent le boycott systématique de tous les
locaux culturels, la prolifération des œuvres d'art dans la
rue et les bâtiments publics. D'autres soulignent que dans
absentéistes. Ils veulent participer collectivement à
l'élaboration de l'enseignement. Ils refusent d'être de
simples fabricants de façades bourgeoises, ils refusent
l'étroite spécialisation où l'on voudrait les confiner. Ils
réclament le rattachement de leur école aux facultés afin
de bénéficier des enseignements de sociologie et de psy-
cho-sociologie qu'ils estiment indispensables à leur
formation. A partir de leurs revendications profession-
nelles, ils sont amenés, eux aussi, à remettre en cause
l'ensemble de la société et dans une des motions adoptées
il est déclaré « qu'il ne peut y avoir d'architecture libre
et vivante dans une société régie par la loi du profit ».
Peintres, graveurs, sculpteurs participent aussi au grand
mouvement de contestation. Dans l'amphithéâtre Edgar
Quinet, à la Sorbonne, les débats se poursuivent soir
après soir. Comment édifier une culture populaire ?
Comme partout, deux points de vue s'affrontent. Les
uns préconisent le boycott systématique de tous les
locaux culturels, la prolifération des œuvres d'art dans la
rue et les bâtiments publics. D'autres soulignent que dans
44
une société qui repose sur l'oppression d'une classe par
une autre la culture ne peut être que la « chose » de la
classe dominante. Seule une révolution permettra l'ins-
tauration d'une culture populaire. Alors, comme chez
les étudiants, le problème se pose : que faire dans l'immé-
diat? Est-ce qu'il n'existe pas un art qui peut aider à la
révolution ne serait-ce qu'en remettant en cause l'ordre
régnant? Les thèses soutenues depuis longtemps par
Jean Dubuffet recueillent de nombreux échos : il faut
désacraliser l'artiste, il faut qu'il redevienne un travail-
leur anonyme comme les autres. L'œuvre d'art n'est pas
faite pour durer, il faut choisir de préférence les maté-
riaux les plus éphémères. Pour la première fois depuis
longtemps une assemblée d'artistes a réussi à sortir de
l'académisme, des stériles conflits entre tendances : un
tel débat ne peut avoir de conclusions formelles mais
les idées soulevées laisseront peut-être un jour leur trace
dans la rue.
une autre la culture ne peut être que la « chose » de la
classe dominante. Seule une révolution permettra l'ins-
tauration d'une culture populaire. Alors, comme chez
les étudiants, le problème se pose : que faire dans l'immé-
diat? Est-ce qu'il n'existe pas un art qui peut aider à la
révolution ne serait-ce qu'en remettant en cause l'ordre
régnant? Les thèses soutenues depuis longtemps par
Jean Dubuffet recueillent de nombreux échos : il faut
désacraliser l'artiste, il faut qu'il redevienne un travail-
leur anonyme comme les autres. L'œuvre d'art n'est pas
faite pour durer, il faut choisir de préférence les maté-
riaux les plus éphémères. Pour la première fois depuis
longtemps une assemblée d'artistes a réussi à sortir de
l'académisme, des stériles conflits entre tendances : un
tel débat ne peut avoir de conclusions formelles mais
les idées soulevées laisseront peut-être un jour leur trace
dans la rue.
La fin d'un règne
Avec les facultés de médecine, c'est un des bastions
les plus traditionnels de l'Université qui s'est écroulé
sous la poussée des étudiants. A bas les « grands patrons »,
tel est aussi le cri de ralliement des étudiants qui occupent
les plus traditionnels de l'Université qui s'est écroulé
sous la poussée des étudiants. A bas les « grands patrons »,
tel est aussi le cri de ralliement des étudiants qui occupent
les locaux de la rue des Saints-Pères. Partout, dans les
facultés comme dans les Centres hospitaliers universi-
taires, se forment des comités d'action et de travail qui
tentent de mettre sur pied de nouvelles structures démo-
cratiques et d'organiser la cogestion et la collégialité
de direction. Des appels sont lancés pour que le mouve-
ment ne reste pas enfermé dans le ghetto universitaire
mais s'étende à l'ensemble du svstème hospitalier et fasse
participer infirmières et personnel administratif et ouvrier
aux futurs comités d'auto-gestion.
facultés comme dans les Centres hospitaliers universi-
taires, se forment des comités d'action et de travail qui
tentent de mettre sur pied de nouvelles structures démo-
cratiques et d'organiser la cogestion et la collégialité
de direction. Des appels sont lancés pour que le mouve-
ment ne reste pas enfermé dans le ghetto universitaire
mais s'étende à l'ensemble du svstème hospitalier et fasse
participer infirmières et personnel administratif et ouvrier
aux futurs comités d'auto-gestion.
Tandis que les étudiants participent à un travail sérieux
dans les commissions, une véritable farce se joue dans
les locaux du Conseil de l'Ordre, occupés par de nom-
breux médecins. La salle du rez-de-chaussée où se déroule
les débats est une véritable foire : au milieu des vocifé-
rations, on se bouscule, on s'empoigne pour mieux
s'empêcher de parler. On voit même un vieux disciple
d'Hippocrate ramper sous la chaire pour arracher les
fils du micro. Les étudiants présents n'avaient jamais
tant ri... Finalement le professeur de Vernejoul, président
du Conseil de l'Ordre, récupère ses locaux avec l'aide
de la police.
dans les commissions, une véritable farce se joue dans
les locaux du Conseil de l'Ordre, occupés par de nom-
breux médecins. La salle du rez-de-chaussée où se déroule
les débats est une véritable foire : au milieu des vocifé-
rations, on se bouscule, on s'empoigne pour mieux
s'empêcher de parler. On voit même un vieux disciple
d'Hippocrate ramper sous la chaire pour arracher les
fils du micro. Les étudiants présents n'avaient jamais
tant ri... Finalement le professeur de Vernejoul, président
du Conseil de l'Ordre, récupère ses locaux avec l'aide
de la police.
Partie de Nanterre, la vague de révolte, après avoir
soulevé toute l'Université, va jusqu'à bousculer l'Ecole
Polytechnique où les élèves réclament leur démilitarisa-
tion et une E.N.A. qui rechigne pour la première fois,
entraînée par Sciences-Pô révolutionnaire et occupé.
soulevé toute l'Université, va jusqu'à bousculer l'Ecole
Polytechnique où les élèves réclament leur démilitarisa-
tion et une E.N.A. qui rechigne pour la première fois,
entraînée par Sciences-Pô révolutionnaire et occupé.
.Nous sommes en marche !.
Tons les soirs à vingt heures se réunit à la nou-
velle faculté' de lettres à Censier, une commis-
sion ouverte à tous. Elle ne cherche pas à édi-
fier un programme, ni une doctrine mais plutôt
à créer des thèmes de discussion et d'action.
Son nom indique son programme : « nous som-
mes en marche ! » Voici vingt-trois proposi-
tions pour une révolution culturelle.
velle faculté' de lettres à Censier, une commis-
sion ouverte à tous. Elle ne cherche pas à édi-
fier un programme, ni une doctrine mais plutôt
à créer des thèmes de discussion et d'action.
Son nom indique son programme : « nous som-
mes en marche ! » Voici vingt-trois proposi-
tions pour une révolution culturelle.
Structures mentales et révolution cultu-
relle.
relle.
1. Toutes les notions existantes sont
périmées et à repenser.
périmées et à repenser.
2. Nos structures psychiques scléro-
sées et archaïques doivent se saborder,
pour laisser la place à l'imagination d'un
monde nouveau.
sées et archaïques doivent se saborder,
pour laisser la place à l'imagination d'un
monde nouveau.
3. Le changement n'est pas une fin
en soi ; entre la rigidité et l'agitation il y
a une marge suffisante pour tous ceux qui
veulent se donner la peine de penser.
en soi ; entre la rigidité et l'agitation il y
a une marge suffisante pour tous ceux qui
veulent se donner la peine de penser.
4. Pour réapprendre à penser, sabor-
dons-nous en tant qu'individus condi-
tionnés par une classe.
dons-nous en tant qu'individus condi-
tionnés par une classe.
5. Que ceux qui veulent prendre le
train en marche se sabordent en tant
qu'individus déterminés par des structu-
res institutionnelles.
train en marche se sabordent en tant
qu'individus déterminés par des structu-
res institutionnelles.
6. Les utopistes sont ceux qui croient
qu'en changeant les structures sociales,
on changera l'esprit des hommes.
qu'en changeant les structures sociales,
on changera l'esprit des hommes.
7. Toute personne qui prend peur
de P« Aventure » doit savoir qu'elle n'a
peur que du changement.
peur que du changement.
8. Toute personne qui considère
l'émotion comme étrangère à la pensée
logique doit se défaire sur le champ de
cette vision idéaliste.
l'émotion comme étrangère à la pensée
logique doit se défaire sur le champ de
cette vision idéaliste.
10. Tout esprit jeune, encore libre de
structures psychiques trop déterminées
peut imaginer des idées nouvelles et être
créatif.
structures psychiques trop déterminées
peut imaginer des idées nouvelles et être
créatif.
11. Nous appelons dogme tout ce que
nous avons cru jusqu'à présent, et la ma-
nière dont nous l'avons cru.
nous avons cru jusqu'à présent, et la ma-
nière dont nous l'avons cru.
12. Des structures psychiques trop dé-
terminées ne peuvent imaginer de nou-
velles structures sociales ; les secondes ne
sont jamais que le reflet des premières et
réciproquement.
terminées ne peuvent imaginer de nou-
velles structures sociales ; les secondes ne
sont jamais que le reflet des premières et
réciproquement.
13. Seul l'éclatement de nos structures
actuelles de pensée permettra de repen-
ser un monde nouveau.
actuelles de pensée permettra de repen-
ser un monde nouveau.
14. La remise en cause sociale passe
nécessairement par la remise en cause
personnelle et réciproquement.
nécessairement par la remise en cause
personnelle et réciproquement.
15. L'attitude critique est la seule atti-
tude dogmatique à apprendre et à
conserver.
tude dogmatique à apprendre et à
conserver.
16. Tant que l'on reste réactionnel,
ou dans l'opposition, c'est-à-dire dépen-
dant hiérarchiquement de ce qui existe,
on ne peut progresser ou inventer, on ne
fait que reproduire en miroir ce que l'on
condamne.
ou dans l'opposition, c'est-à-dire dépen-
dant hiérarchiquement de ce qui existe,
on ne peut progresser ou inventer, on ne
fait que reproduire en miroir ce que l'on
condamne.
17. Toute création nouvelle doit com-
porter des éléments anti-sclérosants, agis-
sant par réaction réflexe.
porter des éléments anti-sclérosants, agis-
sant par réaction réflexe.
18. La révolution ne se fera pas en
laissant sortir hors de soi, d'une façon
anarchique tout ce qui a été refoulé de-
puis des mois ou des années.
laissant sortir hors de soi, d'une façon
anarchique tout ce qui a été refoulé de-
puis des mois ou des années.
19. La révolution ne se fera pas en
laissant uniquement les gens discuter sans
direction, alors qu'on leur demande de
faire par là quelque chose qu'ils n'ont
jamais appris : une participation à une
créativité de groupe.
laissant uniquement les gens discuter sans
direction, alors qu'on leur demande de
faire par là quelque chose qu'ils n'ont
jamais appris : une participation à une
créativité de groupe.
20. Demander aux hommes de faire du
jour au lendemain ce qu'a on » s'est bien
gardé de leur apprendre jusqu'à présent,
est une preuve d'insuffisance de réflexion
critique.
jour au lendemain ce qu'a on » s'est bien
gardé de leur apprendre jusqu'à présent,
est une preuve d'insuffisance de réflexion
critique.
21. Il faut former des animateurs de
discussion, capables de faciliter le proces-
sus de communication et de dialogue
dans de multiples petits groupes de dis-
cussion.
discussion, capables de faciliter le proces-
sus de communication et de dialogue
dans de multiples petits groupes de dis-
cussion.
22. Cessons de reconnaître les « Per-
sonnalités » pour mieux reconnaître les
personnes.
sonnalités » pour mieux reconnaître les
personnes.
23. Tant que nos structures mentales
seront inchangées, le goût du pouvoir res-
tera le pire des fléaux de toute société.
Faisons en sorte que chaque leader ne
puisse rester trop longtemps en place,
compte tenu d'un seuil d'efficacité.
seront inchangées, le goût du pouvoir res-
tera le pire des fléaux de toute société.
Faisons en sorte que chaque leader ne
puisse rester trop longtemps en place,
compte tenu d'un seuil d'efficacité.
Itinéraire
d'un
« enragé »
«J'étais un imbécile :
Je croyais que la seule forme de révolte
qui s'offrait à moi était la révolte individuelle.
Le «22 mars» m'a offert la révolte de masse... »
qui s'offrait à moi était la révolte individuelle.
Le «22 mars» m'a offert la révolte de masse... »
Michel D., 19 ans,
conformiste et dégoûté,
s'était inscrit en Droit à Nanterre
en octobre 1967.
LORSQUE je suis arrivé à Nanterrc en novembre
1967, j'ai refusé de m'inscrire à l'U.N.E.F. Il y
avait l'U.N.E.F., la F.N.E.F., de nombreux groupes, des
tendances, des dirigeants inconnus : tout cela ne repré-
sentait rien. L'U.N.E.F. a voulu dénoncer l'apathie des
étudiants par une campagne. Elle tenait des meetings
dans le hall : les orateurs n'étaient pas écoutés, des étu-
diants disait « ne nous appelez pas camarades ; on n'a
pas gardé les vaches ensemble », les appels à la solidarité
avec les travailleurs des bidonvilles nous semblaient
ridicules.
1967, j'ai refusé de m'inscrire à l'U.N.E.F. Il y
avait l'U.N.E.F., la F.N.E.F., de nombreux groupes, des
tendances, des dirigeants inconnus : tout cela ne repré-
sentait rien. L'U.N.E.F. a voulu dénoncer l'apathie des
étudiants par une campagne. Elle tenait des meetings
dans le hall : les orateurs n'étaient pas écoutés, des étu-
diants disait « ne nous appelez pas camarades ; on n'a
pas gardé les vaches ensemble », les appels à la solidarité
avec les travailleurs des bidonvilles nous semblaient
ridicules.
En janvier, des incidenis éclatent entre les maoistes etT
le groupe « Occident ». Pas du tout des batailles rangées, I
mais de petites bagarres, presque des duels. Tout cela l
n'avait pas grande importance et ne concernait encore que l
peu de monde. On n'a plus revu ensuite le groupe « Oc- J
cident », si ce n'est sous forme de nivthe, et j'avoue ne pas
savoir exactement pourquoi la police est intervenue.
Mais l'arrivée de la police à l'Université, ça changeait]
tout : c'était l'entrée de la violence, tout autre chose I
qu'un monôme ou de petites bagarres que personne I
n'avait vues.
le groupe « Occident ». Pas du tout des batailles rangées, I
mais de petites bagarres, presque des duels. Tout cela l
n'avait pas grande importance et ne concernait encore que l
peu de monde. On n'a plus revu ensuite le groupe « Oc- J
cident », si ce n'est sous forme de nivthe, et j'avoue ne pas
savoir exactement pourquoi la police est intervenue.
Mais l'arrivée de la police à l'Université, ça changeait]
tout : c'était l'entrée de la violence, tout autre chose I
qu'un monôme ou de petites bagarres que personne I
n'avait vues.
Tu as l'impression très for/e que la violence est apportée par la
police ?
police ?
Les étudiants ne pensaient pas que l'on puisse fairP
intervenir la police à l'intérieur d'une faculté : on leur
avait parlé jusque là d'une « discipline librement consen-
tie ». Ils se sentent joués et répondent à la brutalité de la
police avec des panneaux, des chaises. C'est la première
prise de conscience.
intervenir la police à l'intérieur d'une faculté : on leur
avait parlé jusque là d'une « discipline librement consen-
tie ». Ils se sentent joués et répondent à la brutalité de la
police avec des panneaux, des chaises. C'est la première
prise de conscience.
Un flic, c'est fait pour réprimer par la violence, on ne
suppose pas que ça soit fait pour autre chose. Les flics
nous ont donné l'idée clé la bataille, alors que nous n'y
avions jamais pensé : il fallait riposter. Je n'arrive pas à
comprendre que l'on ne riposte pas, que les manifestants
qui défilaient pour la paix en Algérie n'aient pas résisté
devant les matraquages, alors qu'ils étaient beaucoup
plus nombreux que nous ne l'étions au départ. Peut-être
avaient-ils peur...
suppose pas que ça soit fait pour autre chose. Les flics
nous ont donné l'idée clé la bataille, alors que nous n'y
avions jamais pensé : il fallait riposter. Je n'arrive pas à
comprendre que l'on ne riposte pas, que les manifestants
qui défilaient pour la paix en Algérie n'aient pas résisté
devant les matraquages, alors qu'ils étaient beaucoup
plus nombreux que nous ne l'étions au départ. Peut-être
avaient-ils peur...
Après l'intervention des flics, nouveau passage à vide!"
On a retiré les panneaux et les chaises cassées. Les étu-
diants semblaient avoir un peu honte de ce qui s'était
passé.
On a retiré les panneaux et les chaises cassées. Les étu-
diants semblaient avoir un peu honte de ce qui s'était
passé.
Entre ces bagarres et le 22 mars, il se passe quelque chose ?
C'est difficile à dire. Il v a un cheminement souterrain.
Puis, le 22 mars, 142 étudiants de Nanterre veulent s'em-
parer de l'Administration. Pour la direction, c'est un acte
de vandalisme. Chez les étudiants, les réactions sont di-
verses : s'agit-il d'un acte inutile, d'une réponse à l'uti-i
lisation des listes noires, d'un acte simple et normal ou
d'une effronterie de mauvais goût ? En tout^caj^Je pro-.
blême des groupuscules et de la politisation ne__se pose
pas : il s agit d'une minorité de_r_évoltés yjjdmejiL-Surgis
de la~sîtuiiiari. J'apprécie le folklore et la saveur des
slogans. Le mouvement est ironique, il essaie de montrer
à quel point l'examen et la pompe magistrale du profes-
seur sont bouffons. Mais il est difficile d'adhérer : la no-
Puis, le 22 mars, 142 étudiants de Nanterre veulent s'em-
parer de l'Administration. Pour la direction, c'est un acte
de vandalisme. Chez les étudiants, les réactions sont di-
verses : s'agit-il d'un acte inutile, d'une réponse à l'uti-i
lisation des listes noires, d'un acte simple et normal ou
d'une effronterie de mauvais goût ? En tout^caj^Je pro-.
blême des groupuscules et de la politisation ne__se pose
pas : il s agit d'une minorité de_r_évoltés yjjdmejiL-Surgis
de la~sîtuiiiari. J'apprécie le folklore et la saveur des
slogans. Le mouvement est ironique, il essaie de montrer
à quel point l'examen et la pompe magistrale du profes-
seur sont bouffons. Mais il est difficile d'adhérer : la no-
tion même d'adhésion est déconsidérée par l'échec de
l'U.N.E.F. et des groupes politiques.
l'U.N.E.F. et des groupes politiques.
A partir de quel moment l'affaire prend-elle une réelle ampleur ?
Quand te sens-tu concerné ?
Quand te sens-tu concerné ?
Après Pâques. Avant, comme la majorité des étudiants,
je connais mal ces types-là et leur programme. Le nom de
Cohn-Bendit m'apparaît pour la première fois pendant
les vacances de Pâques dans un article de Pans-Match.
Mais rapprç^j^^e_s_j^aj^e-n£_nous conduit à cTûmger
d'attitude.JMous édons_no_mbreux à penser plus oujnoins
co_ntusêment que Te système Jeodal de l'enseignement
était insurjcjOTiaBLe-T cours magistraux durant lesquels le
professeur lit son cours polycopié, servilité des assistants
envers leur maître, coteries, plans de devoirs imposés.
Nous savions que les méthodes de revendications classi-
ques ne valaient rien : il y avait eu sur le problème dêl
l'équivalence des diplômes des grèves de l'U.N.E.F. qui
avaient duré une semaine et qui n'avaient rien donné, j
Je savais que les protestations individuelles ne menaient
pas loin : j'ai été mis à la porte des Travaux pratiques
pour avoir dit fortement ce que je pensais.
je connais mal ces types-là et leur programme. Le nom de
Cohn-Bendit m'apparaît pour la première fois pendant
les vacances de Pâques dans un article de Pans-Match.
Mais rapprç^j^^e_s_j^aj^e-n£_nous conduit à cTûmger
d'attitude.JMous édons_no_mbreux à penser plus oujnoins
co_ntusêment que Te système Jeodal de l'enseignement
était insurjcjOTiaBLe-T cours magistraux durant lesquels le
professeur lit son cours polycopié, servilité des assistants
envers leur maître, coteries, plans de devoirs imposés.
Nous savions que les méthodes de revendications classi-
ques ne valaient rien : il y avait eu sur le problème dêl
l'équivalence des diplômes des grèves de l'U.N.E.F. qui
avaient duré une semaine et qui n'avaient rien donné, j
Je savais que les protestations individuelles ne menaient
pas loin : j'ai été mis à la porte des Travaux pratiques
pour avoir dit fortement ce que je pensais.
L'examen est le couronnement de tout le système. Il
fallait l'accepter, donc reculer, ou aller beaucoup plus
loin. Alors que la masse était encore très apathique, les
« enragés » ont lancé le mot d'ordre de boycottage des
examens partiels d'après Pâques. Trois jours avant, les
étudiants étaient décidés à passer leur examen, moi y
compris. Le mot d'ordre de boycottage a fouetté les dé-'
goûts individuels : des centaines d'étudiants ont refusé
de passer les partiels qui n'ont pu avoir lieu.
fallait l'accepter, donc reculer, ou aller beaucoup plus
loin. Alors que la masse était encore très apathique, les
« enragés » ont lancé le mot d'ordre de boycottage des
examens partiels d'après Pâques. Trois jours avant, les
étudiants étaient décidés à passer leur examen, moi y
compris. Le mot d'ordre de boycottage a fouetté les dé-'
goûts individuels : des centaines d'étudiants ont refusé
de passer les partiels qui n'ont pu avoir lieu.
Et tu adhères au Mouvement du 22 mars ?
J'hésite encore un peu. Les orateurs parlaient de Marx,
et d'un Marcuse que je ne connaissais pas. La première
fois que j'ai entendu ce nom là, j'ai demandé à ce qu'on
me l'épelle. J'ai cherché dans le Larousse pour savoir ce que
ce type avait fait. Marcuse n'est pas dans le Larousse.
et d'un Marcuse que je ne connaissais pas. La première
fois que j'ai entendu ce nom là, j'ai demandé à ce qu'on
me l'épelle. J'ai cherché dans le Larousse pour savoir ce que
ce type avait fait. Marcuse n'est pas dans le Larousse.
Le Mouvement avait prouvé son efficacité en boycottant
les examens. Mais boycotter les partiels, c'est à la portée
de n'importe qui. J'étais partagé entre une certaine"]
crainte — il fallait passer d'une critique de l'examen à une j
critique de la société — et la tentation d'adhérer pour me I
donner une bonne raison personnelle de saboter les
examens. Et puis un jour, brusquement, j'ai eu envie
de sauter sur la tribune et de crier : « J'étais un imbécile,
j'ai cru que la seule forme de révolte qui s'offrait à moi
était la révolte individuelle. Vous m'offrez la révolte de
masse, la fin de cette solitude dans Nanterre, un mouve-
ment qui ne me contraindra pas ». Il n'y avait pas de carte
à prendre, pas de militants de base, pas de hiérarchie.
Cohn-Bendit refusait d'être un chef, il voulait qu'on le
considère comme un porte-parole.
les examens. Mais boycotter les partiels, c'est à la portée
de n'importe qui. J'étais partagé entre une certaine"]
crainte — il fallait passer d'une critique de l'examen à une j
critique de la société — et la tentation d'adhérer pour me I
donner une bonne raison personnelle de saboter les
examens. Et puis un jour, brusquement, j'ai eu envie
de sauter sur la tribune et de crier : « J'étais un imbécile,
j'ai cru que la seule forme de révolte qui s'offrait à moi
était la révolte individuelle. Vous m'offrez la révolte de
masse, la fin de cette solitude dans Nanterre, un mouve-
ment qui ne me contraindra pas ». Il n'y avait pas de carte
à prendre, pas de militants de base, pas de hiérarchie.
Cohn-Bendit refusait d'être un chef, il voulait qu'on le
considère comme un porte-parole.
A partir de là, tout va très vite : en deux jours, un autre
meeting, deux distributions de tracts — d'abord à la
faculté, ensuite chez les ouvriers de Nanterre.
meeting, deux distributions de tracts — d'abord à la
faculté, ensuite chez les ouvriers de Nanterre.
Pourquoi les ouvriers ?
Parce qu'il fallait briser l'isolement du monde étudiant":—\
à partir du moment où l'on conteste, l'idée de la classe ]
à partir du moment où l'on conteste, l'idée de la classe ]
47
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-*i» " 1
.~ *
.~ *
* r,
J mai : l'évacuation et La fermeture de la Sorbonne.
ouvrière s'impose avec torce et naïveté. On s'est fait fiche
dehors par les gars de la C.G.T. Pour moi, la C.G.T.
était une chose importante et respectable, un mouvement
"pas du tout bureaucratique. Je n'ai pas compris. Que
craignaient-ils ? On distribuait des tracts. Ils pronon-
çaient les mêmes injures que les flics : « fils de bourgeois ».
J'étais blessé — ce n'est pas de notre faute si nous sommes
différents, on essaie justement d'en sortir. Mais nous
avons pris conscience de notre importance, puisqu'ils
nous craignaient.
dehors par les gars de la C.G.T. Pour moi, la C.G.T.
était une chose importante et respectable, un mouvement
"pas du tout bureaucratique. Je n'ai pas compris. Que
craignaient-ils ? On distribuait des tracts. Ils pronon-
çaient les mêmes injures que les flics : « fils de bourgeois ».
J'étais blessé — ce n'est pas de notre faute si nous sommes
différents, on essaie justement d'en sortir. Mais nous
avons pris conscience de notre importance, puisqu'ils
nous craignaient.
Et les « groupuscules » f
Les membres du C.L.E.R., de la J.C.R. ou même de
l'U.N.E.F. — qui n'était à Nanterre qu'un groupuscule
parmi les autres — intervenaient dans les meetings. En
général, ils étaient conspués. Il est ridicule de leur attri-
buer un rôle d'avant-garde. Un seul mouvement compte,
c'est le mouvement du 22 mars, spontané et unitaire.
l'U.N.E.F. — qui n'était à Nanterre qu'un groupuscule
parmi les autres — intervenaient dans les meetings. En
général, ils étaient conspués. Il est ridicule de leur attri-
buer un rôle d'avant-garde. Un seul mouvement compte,
c'est le mouvement du 22 mars, spontané et unitaire.
Très vite Grappin s'affole, persuadé que des gens qui
ont envahi les locaux sont capables d'y mettre le feu : c'est
la peur des émeutiers, des brigands, des grandes compa-
gnies. Pourtant, notre violence reste verbale. Il n'y a pas
de bagarres. Les murs se couvrent d'inscriptions extraor-
dinaires, très belles : « Professeurs, vous êtes vieux ». Les
flics interviennent.
ont envahi les locaux sont capables d'y mettre le feu : c'est
la peur des émeutiers, des brigands, des grandes compa-
gnies. Pourtant, notre violence reste verbale. Il n'y a pas
de bagarres. Les murs se couvrent d'inscriptions extraor-
dinaires, très belles : « Professeurs, vous êtes vieux ». Les
flics interviennent.
Le 2 mai, la Fac est fermée : portes bouclées, barrages
de police, fouilles mains sur la tête, face au mur. Tous les
étudiants sont solidaires, parce que pour un flic tout étu-
diant est suspect. Refoulés de Nanterre, nous rentrons à
Paris.
de police, fouilles mains sur la tête, face au mur. Tous les
étudiants sont solidaires, parce que pour un flic tout étu-
diant est suspect. Refoulés de Nanterre, nous rentrons à
Paris.
Le lendemain, j'étais au Quartier Latin. Il y avait une
manifestation dans la cour de la Sorbonne. J'étais à
l'extérieur, je voulais aller au cinéma. J'ai vu les flics cas-
qués, avec la matraque ou le mousqueton. J'ai eu très
peur : ils allaient nous taper dessus en toute impunité
— on les avait mis là pour casser l'étudiant et personne
ne s'en scandaliserait. Que craignaient-ils ? On ne leur
avait rien fait.
manifestation dans la cour de la Sorbonne. J'étais à
l'extérieur, je voulais aller au cinéma. J'ai vu les flics cas-
qués, avec la matraque ou le mousqueton. J'ai eu très
peur : ils allaient nous taper dessus en toute impunité
— on les avait mis là pour casser l'étudiant et personne
ne s'en scandaliserait. Que craignaient-ils ? On ne leur
avait rien fait.
La peur a entraîné chez nous une espèce de sursaut phy-
sique, une réaction contre ces gens qui bloquaient, qui
arrêtaient, qui demandaient des papiers, qui n'avaient
aucun sens de l'humour...
sique, une réaction contre ces gens qui bloquaient, qui
arrêtaient, qui demandaient des papiers, qui n'avaient
aucun sens de l'humour...
'Toujours l'humour...
Oui, c'est important. Tu t'adresses à un flic, tu désignes
sa matraque : « Ça ressemble à quoi, votre truc ? Ça
ressemble à un phallus ». Il ne comprend pas.
sa matraque : « Ça ressemble à quoi, votre truc ? Ça
ressemble à un phallus ». Il ne comprend pas.
On apprend l'arrestation des militants qui se trouvaient
à l'intérieur de la Sorbonne. Quelques groupes ont une
réaction de défense, personne n'avait l'intention d'atta-
quer : de petites manifestations, quelques dizaines d'étu-
diants, se forment loin des barrages. On crie : « salauds,
rendez-nous les types. Vous leur avez promis qu'ils pour-
raient sortir sans dommage. Vous les avez cravatés et
tabassés. » Beaucoup d'étudiants entendent les cris, se
rassemblent. Les flics sont partout. On a l'impression
d'être cernés. On s'énerve. Première réaction des flics,
une petite réaction : ils chargent au bâton. C'est l'explo-
sion.
à l'intérieur de la Sorbonne. Quelques groupes ont une
réaction de défense, personne n'avait l'intention d'atta-
quer : de petites manifestations, quelques dizaines d'étu-
diants, se forment loin des barrages. On crie : « salauds,
rendez-nous les types. Vous leur avez promis qu'ils pour-
raient sortir sans dommage. Vous les avez cravatés et
tabassés. » Beaucoup d'étudiants entendent les cris, se
rassemblent. Les flics sont partout. On a l'impression
d'être cernés. On s'énerve. Première réaction des flics,
une petite réaction : ils chargent au bâton. C'est l'explo-
sion.
Les manifestants lancent les pierres qu'ils trouvent
autour des arbres. Les flics chargent un peu partout et
matraquent. Pour prendre les pierres, il faut soulever
les grilles de protection. Sur le bord, dans la terre, on
trouve par hasard des pavés non scellés qui servent à
tenir les grilles. Il n'y en a pas beaucoup. Tout le monde
veut en lancer. A partir de là, des manifestants cassent
les panneaux de sens interdit et commencent à dépaver la
chaussée. Les premières grenades lacrymogènes intervien-
nent. Un flic bardé de fer et de cuir comme un chevalier
teutonique tombe à terre. Ce jour là, il y aura déjà un
embryon de barricade, un tas de tuyaux et de goudron
enflammé.
autour des arbres. Les flics chargent un peu partout et
matraquent. Pour prendre les pierres, il faut soulever
les grilles de protection. Sur le bord, dans la terre, on
trouve par hasard des pavés non scellés qui servent à
tenir les grilles. Il n'y en a pas beaucoup. Tout le monde
veut en lancer. A partir de là, des manifestants cassent
les panneaux de sens interdit et commencent à dépaver la
chaussée. Les premières grenades lacrymogènes intervien-
nent. Un flic bardé de fer et de cuir comme un chevalier
teutonique tombe à terre. Ce jour là, il y aura déjà un
embryon de barricade, un tas de tuyaux et de goudron
enflammé.
Je vois bien l'enchaînement qui mène de là aux barricades du
lundi 6 et du vendredi 10. J'aimerais en venir aux problèmes de
fond : qu'est-ce que tu détestes ?
lundi 6 et du vendredi 10. J'aimerais en venir aux problèmes de
fond : qu'est-ce que tu détestes ?
— Je déteste cette Université-caserne : le flic, c'est aussi
le symbole du surveillant général. Crier « la Sorbonne aux
étudiants », cela ne signifie pas que nous voulons retour-
ner dans nos facultés pour y retrouver une situation
inchangée. Pour moi, c'est un refus global de l'Université
bourgeoise et une contestation radicale de la société. Je
1 suis pour la suppression des partis politiques de type
I classique, pour la disparition de la famille qui prépare
dès l'enfance à accepter le régime autoritaire et paterna-
liste. Il faut trouver de nouvelles formes de démocratie
directe. Ceux qui se disent « révolutionnaires », par
crainte d'effrayer les masses, ont très souvent gardé un
le symbole du surveillant général. Crier « la Sorbonne aux
étudiants », cela ne signifie pas que nous voulons retour-
ner dans nos facultés pour y retrouver une situation
inchangée. Pour moi, c'est un refus global de l'Université
bourgeoise et une contestation radicale de la société. Je
1 suis pour la suppression des partis politiques de type
I classique, pour la disparition de la famille qui prépare
dès l'enfance à accepter le régime autoritaire et paterna-
liste. Il faut trouver de nouvelles formes de démocratie
directe. Ceux qui se disent « révolutionnaires », par
crainte d'effrayer les masses, ont très souvent gardé un
48
certain recul par rapport à leurs idées : leur action s'est
transformée en éloquence. Nous voulons coller à nos
idées.
transformée en éloquence. Nous voulons coller à nos
idées.
Le gaullisme ?
Avant, je me disais gaulliste, un peu séduit par l'Etat
autoritaire et sa poljtique étrangère. C'est un régime qui
a abusé de moi, un régime puritain et victorien qui refuse
la recherche et la création d'une nouvelle Université.
C'est dégueulasse.
autoritaire et sa poljtique étrangère. C'est un régime qui
a abusé de moi, un régime puritain et victorien qui refuse
la recherche et la création d'une nouvelle Université.
C'est dégueulasse.
L'opposition ?
Ça n'existe pas.
Que représente pour vous le Viêt-nam, Cuba, le « Che » ?
Le Viêt-nam n'a joué aucun rôle au départ. Le mardi
7 mai, Cohn-Bendit a parlé du Viêt-nam. Il n'a pas été
suivi. A la Sorbonne, dans les discussions, nous avons
commencé à comprendre le rapport qu'il y a entre la lutte
du Viêt-nam et la nôtre. Mais l'idée circule que le Viêt-
nam du Nord, en acceptant les négociations, a perdu un
certain esprit révolutionnaire. D'un autre côté, Hanoi
subit des influences que nous rejetons, singulièrement
celle de l'Union Soviétique. Il est difficile de faire un
parallèle entre ce qui se passe ici et le conflit qui oppose
la civilisation américaine à un communisme nationaliste.
7 mai, Cohn-Bendit a parlé du Viêt-nam. Il n'a pas été
suivi. A la Sorbonne, dans les discussions, nous avons
commencé à comprendre le rapport qu'il y a entre la lutte
du Viêt-nam et la nôtre. Mais l'idée circule que le Viêt-
nam du Nord, en acceptant les négociations, a perdu un
certain esprit révolutionnaire. D'un autre côté, Hanoi
subit des influences que nous rejetons, singulièrement
celle de l'Union Soviétique. Il est difficile de faire un
parallèle entre ce qui se passe ici et le conflit qui oppose
la civilisation américaine à un communisme nationaliste.
Le « Che » a joué un rôle beaucoup plus important
dans notre remise en cause. Il est plus proche de nos pré-
occupations : il ne s'est pas installé dans la révolution, il
a cherché à créer un autre monde. Il faut que par sa jeu-
nesse l'Europe puisse s'allier aux révolutionnaires du
Tiers-Monde pour mettre l'Amérique en échec.
dans notre remise en cause. Il est plus proche de nos pré-
occupations : il ne s'est pas installé dans la révolution, il
a cherché à créer un autre monde. Il faut que par sa jeu-
nesse l'Europe puisse s'allier aux révolutionnaires du
Tiers-Monde pour mettre l'Amérique en échec.
Le pouvoir noir ?
Le Black Power ébranlera les structures de l'Amérique.
Mais s'il veut simplement créer un Etat noir aux Etats-
Unis, cela ne nous intéresse pas.
Mais s'il veut simplement créer un Etat noir aux Etats-
Unis, cela ne nous intéresse pas.
<r Communisme-nationaliste viét-namien », Etat noir : vous
rejetiez tout enracinement local et toute référence nationale...
rejetiez tout enracinement local et toute référence nationale...
C'est un refus fondamental, essentiel. D'où le drapeau
rouge, ou le drapeau noir, qui sont les mêmes partout.
rouge, ou le drapeau noir, qui sont les mêmes partout.
Rome, Berlin, Varsovie, Prague, c'est très important ?
Elle Kagan
C'est capital. Les mouvements partent d'une extrémité
ou de l'autre, de l'Ouest ou de l'Est, mais c'est le même
refus. Nous voulons réaliser tout ce que l'antagonisme
capitalisme-communisme n'a pas réalisé.
ou de l'autre, de l'Ouest ou de l'Est, mais c'est le même
refus. Nous voulons réaliser tout ce que l'antagonisme
capitalisme-communisme n'a pas réalisé.
Tu crois que le mouvement s'organisera de telle façon qu'il puisse
durer ?
durer ?
Nous refusons l'organisation du communisme, du
trotskysme ou du vieil anarchisme. Nous devons inventer
une nouvelle forme d'organisation. Dans l'immédiat, nous
ne sommes pas sûrs de réussir. Je suis pessimiste : les
réformistes vont l'emporter, les gens estimeront qu'ils ont
été réalistes et qu'ils ont gagné. On mettra sur pied une
réforme de l'Université dont la France sera fière. Notre
mouvement repartira, ce sera long et difficile. On pourra
profiter des hésitations de l'après-gaullismc.
trotskysme ou du vieil anarchisme. Nous devons inventer
une nouvelle forme d'organisation. Dans l'immédiat, nous
ne sommes pas sûrs de réussir. Je suis pessimiste : les
réformistes vont l'emporter, les gens estimeront qu'ils ont
été réalistes et qu'ils ont gagné. On mettra sur pied une
réforme de l'Université dont la France sera fière. Notre
mouvement repartira, ce sera long et difficile. On pourra
profiter des hésitations de l'après-gaullismc.
Acceptez-vous l'idée d'un moindre mal, par exemple d'un vote
en faveur du communisme contre le gaullisme, ou en faveur du
gaullisme contre l'extrême-droite ?
en faveur du communisme contre le gaullisme, ou en faveur du
gaullisme contre l'extrême-droite ?
Ce système électoral est stupide et je n'en veux pas. Je
pense simplement qu'une Quatrième République bis est
plus vulnérable que le gaullisme, que nous bousculerons
plus facilement un parlement qu'un gouvernement qui se
veut fort. De toute façon, nous faisons un pari sur l'idiotie
des gouvernants et, jusqu'à présent, ce genre d'hypothèse
n'a jamais été infirmée.
pense simplement qu'une Quatrième République bis est
plus vulnérable que le gaullisme, que nous bousculerons
plus facilement un parlement qu'un gouvernement qui se
veut fort. De toute façon, nous faisons un pari sur l'idiotie
des gouvernants et, jusqu'à présent, ce genre d'hypothèse
n'a jamais été infirmée.
Vous êtes un peu comme le pouvoir noir qui peut accepter l'aide
de progressistes blancs, mais qui refuse de les intégrer dans le
mouvement. Vous refusez la participation et les conseils des gens
de ma génération qui ont vingt-cinq ou trente ans et qui viennent
de quitter le monde étudiant.
de progressistes blancs, mais qui refuse de les intégrer dans le
mouvement. Vous refusez la participation et les conseils des gens
de ma génération qui ont vingt-cinq ou trente ans et qui viennent
de quitter le monde étudiant.
Ce n'est pas parce que vous avez plus de vingt-cinq ans,
c'est parce que vous êtes là en tant que spectateurs, et tu
ne peux pas savoir le mépris...
c'est parce que vous êtes là en tant que spectateurs, et tu
ne peux pas savoir le mépris...
Spectateurs ? Nous étions un certain nombre sur les barricades
avec vous...
avec vous...
Oui, vous étiez là : c'était pour avoir une bonne
conscience. Il y a quelque chose qu'on ne vous pardonne
pas. Je ne sais pas très bien quoi, peut-être une démission
et une certaine soumission. Vous êtes des spectateurs.
conscience. Il y a quelque chose qu'on ne vous pardonne
pas. Je ne sais pas très bien quoi, peut-être une démission
et une certaine soumission. Vous êtes des spectateurs.
49
Dictionnaire
Autonomie de l'université : le centra-
lisme était la loi du régime universi-
taire en vigueur jusqu'à la révolte des
étudiants : nomination de profes-
seurs, choix des programmes, des
horaires, des sujets d'examen, tout
était décidé par le ministère de l'Edu-
cation nationale. Seule une université
administrativement autonome, libre
d'élaborer son budget, permettra aux
étudiants de participer effectivement
à l'organisation du cadre, des condi-
tions et du contenu de leur travail.
lisme était la loi du régime universi-
taire en vigueur jusqu'à la révolte des
étudiants : nomination de profes-
seurs, choix des programmes, des
horaires, des sujets d'examen, tout
était décidé par le ministère de l'Edu-
cation nationale. Seule une université
administrativement autonome, libre
d'élaborer son budget, permettra aux
étudiants de participer effectivement
à l'organisation du cadre, des condi-
tions et du contenu de leur travail.
Cohn-Bendit Daniel : « l'anarchiste
allemand » suivant l'Humanité, le « juif
allemand » suivant Minute, est l'un des
pionniers du mouvement du 22 mars
qui débuta à Nanterre. Né en France
de parents allemands ayant fui le
nazisme en 1933, il a opté pour la
nationalité allemande alors qu'il fai-
sait ses études secondaires dans ce
pays. Il fut l'un des leaders les plus
écoutés par les étudiants tout au long
des manifestations. Son mépris pour
les « crapules staliniennes » et ses
provocations en font une cible pour
la presse du parti communiste.
allemand » suivant l'Humanité, le « juif
allemand » suivant Minute, est l'un des
pionniers du mouvement du 22 mars
qui débuta à Nanterre. Né en France
de parents allemands ayant fui le
nazisme en 1933, il a opté pour la
nationalité allemande alors qu'il fai-
sait ses études secondaires dans ce
pays. Il fut l'un des leaders les plus
écoutés par les étudiants tout au long
des manifestations. Son mépris pour
les « crapules staliniennes » et ses
provocations en font une cible pour
la presse du parti communiste.
F.E.R. : le Comité de Liaison des
Etudiants Révolutionnaires, devenu
aujourd'hui la Fédération des Etu-
diants Révolutionnaires (F.E.R.), a été
fondée en 1961 par un groupe d'étu-
diants se réclamant de la tendance
dure du trotskysme — tendance Lam-
bert. Ils condamnent la ligne réfor-
miste du P.C.F., les bureaucraties des
pays de l'Est et lancent des appels à
la grève révolutionnaire. Ils ont une
organisation de type quasi-militaire.
Leur non-participation à la « soirée
des barricades » du 10 mai les a quel-
que peu déconsidérés en milieu
étudiant.
Etudiants Révolutionnaires, devenu
aujourd'hui la Fédération des Etu-
diants Révolutionnaires (F.E.R.), a été
fondée en 1961 par un groupe d'étu-
diants se réclamant de la tendance
dure du trotskysme — tendance Lam-
bert. Ils condamnent la ligne réfor-
miste du P.C.F., les bureaucraties des
pays de l'Est et lancent des appels à
la grève révolutionnaire. Ils ont une
organisation de type quasi-militaire.
Leur non-participation à la « soirée
des barricades » du 10 mai les a quel-
que peu déconsidérés en milieu
étudiant.
Geismar Alain : secrétaire national du
S.N.E. Sup. Agé de vingt-neuf ans,
il est actuellement maître-assistant à
la faculté des Sciences de Paris. Il a
longtemps milité au P.S.U. dont il fut
l'un des dirigeants dans la région pa-
risienne. Au sein du syndicat il a dé-
S.N.E. Sup. Agé de vingt-neuf ans,
il est actuellement maître-assistant à
la faculté des Sciences de Paris. Il a
longtemps milité au P.S.U. dont il fut
l'un des dirigeants dans la région pa-
risienne. Au sein du syndicat il a dé-
Staline et Mao.
fendu une ligne de gauche préconi-
sant une action immédiate pour la
transformation de l'Université, contre
le conservatisme et le mandarinat des
professeurs. Il fut l'un des principaux
responsables du mouvement qui por-
ta les professeurs à se battre aux côtés
des étudiants. Le 27 mai, il aban-
donne son poste au S.N.E. Sup. pour
se consacrer à l'action politique.
sant une action immédiate pour la
transformation de l'Université, contre
le conservatisme et le mandarinat des
professeurs. Il fut l'un des principaux
responsables du mouvement qui por-
ta les professeurs à se battre aux côtés
des étudiants. Le 27 mai, il aban-
donne son poste au S.N.E. Sup. pour
se consacrer à l'action politique.
Grappin : doyen de la faculté de Nan-
terre. Hésitant entre le libéralisme et
la tradition autoritaire de l'Univer-
sité, il ne comprend ni le sens ni
l'ampleur de la révolte étudiante. Le
2 mai, il ferme la faculté de Nanterre
et ouvre la crise.
terre. Hésitant entre le libéralisme et
la tradition autoritaire de l'Univer-
sité, il ne comprend ni le sens ni
l'ampleur de la révolte étudiante. Le
2 mai, il ferme la faculté de Nanterre
et ouvre la crise.
J.C.R. : la Jeunesse Communiste Ré-
volutionnaire a été formée au début
de 1966 par un groupe d'anciens
militants du secteur Sorbonne lettres
de l'U.E.C. Hostiles au parlementa-
risme du P.C.F., ils se réclament d'un
courant trotskyste dit groupe Frank.
Leur doctrine est moins rigide que
celle de la F.E.R. (Fédération des Etu-
diants Révolutionnaires) et la lutte
anti-impérialiste y tient une grande
place. Ils disposent de groupes assez
actifs à Caen, Rouen et dans le Midi.
volutionnaire a été formée au début
de 1966 par un groupe d'anciens
militants du secteur Sorbonne lettres
de l'U.E.C. Hostiles au parlementa-
risme du P.C.F., ils se réclament d'un
courant trotskyste dit groupe Frank.
Leur doctrine est moins rigide que
celle de la F.E.R. (Fédération des Etu-
diants Révolutionnaires) et la lutte
anti-impérialiste y tient une grande
place. Ils disposent de groupes assez
actifs à Caen, Rouen et dans le Midi.
Ministres de l'Education nationale :
M. Alain Peyrefitte était le huitième
grand maître de l'Université de la
grand maître de l'Université de la
Ve République. Nomme le 8 juillet
1967, il a été précédé par [ean Ber-
thoin (nommé le 2-6-58), André
Boulloche (8-1-59), Louis foxe (15-
1-60), Pierre Guillaumat (22-11-60),
Lucien Paye (21-1-61), Pierre Sudreau
(16-4-62), Christian Fouchet (28-11-
62). Démissionnaire il est remplacé
par François Ortoli (31-5-68).
1967, il a été précédé par [ean Ber-
thoin (nommé le 2-6-58), André
Boulloche (8-1-59), Louis foxe (15-
1-60), Pierre Guillaumat (22-11-60),
Lucien Paye (21-1-61), Pierre Sudreau
(16-4-62), Christian Fouchet (28-11-
62). Démissionnaire il est remplacé
par François Ortoli (31-5-68).
Mouvement du 22 mars : organisa-
tion peu structurée qui regroupe des
étudiants de gauche de tendance sou-
vent anarchiste et qui refuse en bloc
toutes les organisations politiques et
syndicales traditionnelles. Il a reçu
son nom à la suite de l'occupation
des bâtiments administratifs de la fa-
culté de Nanterre le 22 mars 1968.
tion peu structurée qui regroupe des
étudiants de gauche de tendance sou-
vent anarchiste et qui refuse en bloc
toutes les organisations politiques et
syndicales traditionnelles. Il a reçu
son nom à la suite de l'occupation
des bâtiments administratifs de la fa-
culté de Nanterre le 22 mars 1968.
Occident : Mouvement d'extrême-
droite de type fasciste soutenant l'in-
tervention américaine au Viêt-nam.
Il s'est spécialisé dans des actions de
commando et en particulier dans l'at-
taque des militants de gauche à coups
de barre de fer et de matraque
cloutées.
droite de type fasciste soutenant l'in-
tervention américaine au Viêt-nam.
Il s'est spécialisé dans des actions de
commando et en particulier dans l'at-
taque des militants de gauche à coups
de barre de fer et de matraque
cloutées.
Plan Fouchet 1963 ou plan de réorga-
nisation superficielle de l'Université.
L'ancien système propédeutique — li-
cence — agrégation est remplacé par
trois cycles de deux ans chacun, le sys-
tème des certificats étant remplacé par
celui des années d'études.
nisation superficielle de l'Université.
L'ancien système propédeutique — li-
cence — agrégation est remplacé par
trois cycles de deux ans chacun, le sys-
tème des certificats étant remplacé par
celui des années d'études.
50
1er cycle ou cycle d'orientation divisés
en sections :
en sections :
a) Etudes littéraires : Lettres classi-
ques, Lettres modernes, Lan-
gues vivantes, histoire, etc.
ques, Lettres modernes, Lan-
gues vivantes, histoire, etc.
b) Sciences .-Maths-physique (M.P.),
Physique-Chimie (P.C.), Chi-
mie-Biologie (C.B.) etc.
Physique-Chimie (P.C.), Chi-
mie-Biologie (C.B.) etc.
L'étudiant n'a droit qu'à une seule
section jusqu'à la fin de ses études.
La fin du premier cycle, qui ne peut
être redoublé qu'une seule fois, est
sanctionné par un diplôme : D.U.E.L.
(Diplôme universitaire d'Etudes litté-
raires), D.U.E.S. (Diplôme universi-
taire d'Etudes scientifiques).
En deuxième cycle, l'étudiant, tout en
gardant sa spécialisation, devra choi-
sir entre deux types de licence,
conduisant à deux types de Maîtrise,
objectif de la fin du deuxième cycle :
la licence d'enseignement qui peut
soit déboucher directement sur le
C.A.P.E.S. soit sur une Maîtrise d'en-
seignement et le cas échéant sur
l'agrégation, ou la licence de recher-
che débouchant sur Maîtrise de re-
cherche et conduisant aux Doctorats.
Les modalités sont légèrement diffé-
rentes entre les deuxièmes et troisiè-
mes cycles de Lettres et de Sciences.
Elles aboutissent aux mêmes résul-
tats : spécialisation par branche, cloi-
sonnement entre recherche et ensei-
gnement.
section jusqu'à la fin de ses études.
La fin du premier cycle, qui ne peut
être redoublé qu'une seule fois, est
sanctionné par un diplôme : D.U.E.L.
(Diplôme universitaire d'Etudes litté-
raires), D.U.E.S. (Diplôme universi-
taire d'Etudes scientifiques).
En deuxième cycle, l'étudiant, tout en
gardant sa spécialisation, devra choi-
sir entre deux types de licence,
conduisant à deux types de Maîtrise,
objectif de la fin du deuxième cycle :
la licence d'enseignement qui peut
soit déboucher directement sur le
C.A.P.E.S. soit sur une Maîtrise d'en-
seignement et le cas échéant sur
l'agrégation, ou la licence de recher-
che débouchant sur Maîtrise de re-
cherche et conduisant aux Doctorats.
Les modalités sont légèrement diffé-
rentes entre les deuxièmes et troisiè-
mes cycles de Lettres et de Sciences.
Elles aboutissent aux mêmes résul-
tats : spécialisation par branche, cloi-
sonnement entre recherche et ensei-
gnement.
Roche (Jean) : agrégé de Sciences
naturelles, professeur au Collège de
France, recteur de l'Université de
Paris. Il a signé l'ordre de réquisition
qui a permis aux forces de police,
pour la première fois depuis la Libé-
ration, de pénétrer à l'intérieur de la
Sorbonne. La majorité des profes-
seurs sont élevés contre sa décision
et ont nié les prétendus désordres qui
l'auraient motivée.
naturelles, professeur au Collège de
France, recteur de l'Université de
Paris. Il a signé l'ordre de réquisition
qui a permis aux forces de police,
pour la première fois depuis la Libé-
ration, de pénétrer à l'intérieur de la
Sorbonne. La majorité des profes-
seurs sont élevés contre sa décision
et ont nié les prétendus désordres qui
l'auraient motivée.
Sauvageot (Jacques) : âgé de vingt-
cinq ans, actuellement inscrit en troi-
sième cycle d'histoire de l'art. Vice-
président de l'U.N.E.F., il en assure
pratiquement la direction depuis la
démission, pour des raisons person-
nelles du Président M. Penaud.
cinq ans, actuellement inscrit en troi-
sième cycle d'histoire de l'art. Vice-
président de l'U.N.E.F., il en assure
pratiquement la direction depuis la
démission, pour des raisons person-
nelles du Président M. Penaud.
S.N.E. Sup. : le Syndicat National
de l'Enseignement Supérieur est affi- §
lié à la Fédération de l'Education 3
de l'Enseignement Supérieur est affi- §
lié à la Fédération de l'Education 3
nationale. C'est l'organisme qui re-
groupe le plus grand nombre de pro-
fesseurs et d'assistants. Au congrès
de 1967, la tendance de gauche for-
mée surtout par les assistants et les
maîtres de conférence et partisane
d'une réforme radicale de l'Univer-
sité a obtenue une courte majorité.
groupe le plus grand nombre de pro-
fesseurs et d'assistants. Au congrès
de 1967, la tendance de gauche for-
mée surtout par les assistants et les
maîtres de conférence et partisane
d'une réforme radicale de l'Univer-
sité a obtenue une courte majorité.
U.E.C. : l'Union des Etudiants Com-
munistes est l'organisation étudiante
du Parti communiste français. Elle
dispose d'une grande audience à la
fin de la guerre d'Algérie (à l'époque
son journal, Clarté, se vend à 25 000
exemplaires) ; elle cherche une cer-
taine autonomie politique et entre en
conflit avec la direction du Parti.
L'épuration qui s'en suit fournira des
cadres et des militants aux autres
groupes révolutionnaires. La nou-
velle U.E.C. est orthodoxe mais sque-
lettique.
munistes est l'organisation étudiante
du Parti communiste français. Elle
dispose d'une grande audience à la
fin de la guerre d'Algérie (à l'époque
son journal, Clarté, se vend à 25 000
exemplaires) ; elle cherche une cer-
taine autonomie politique et entre en
conflit avec la direction du Parti.
L'épuration qui s'en suit fournira des
cadres et des militants aux autres
groupes révolutionnaires. La nou-
velle U.E.C. est orthodoxe mais sque-
lettique.
U.J.C.M.L. : l'Union de la Jeunesse
Communiste (Marxiste Léniniste) a
été fondée en novembre 1966 par des
étudiants de l'Ecole normale supé-
rieure de la rue d'Ulm qui ont quitté
l'U.E.C. à la suite de la reprise en
main par le Parti. Ce mouvement
s'est élargi depuis et dispose de plu-
sieurs périodiques dont Servir le peu-
ple, Garde rouge et la Cause du peuple.
Deux thèmes y sont développés : ana-
lyse et éloge de l'exemple chinois, de
Communiste (Marxiste Léniniste) a
été fondée en novembre 1966 par des
étudiants de l'Ecole normale supé-
rieure de la rue d'Ulm qui ont quitté
l'U.E.C. à la suite de la reprise en
main par le Parti. Ce mouvement
s'est élargi depuis et dispose de plu-
sieurs périodiques dont Servir le peu-
ple, Garde rouge et la Cause du peuple.
Deux thèmes y sont développés : ana-
lyse et éloge de l'exemple chinois, de
Le « Che » et Trotski.
la pensée de Mao et de la révolution
culturelle ; soutien des luttes popu-
laires déclenchées par les travailleurs
et lutte contre la bureaucratie de la
C.G.T.
culturelle ; soutien des luttes popu-
laires déclenchées par les travailleurs
et lutte contre la bureaucratie de la
C.G.T.
U.N.E.F. : l'Union Nationale des
Etudiants de France est le syndicat
étudiant le plus important. Il dispo-
serait aujourd'hui selon ses dirigeants
de soixante à soixante-dix mille adhé-
rents. Avec la guerre d'Algérie, la
direction du syndicat avait échu à la
gauche. La lutte pour là paix vaut à
l'U.N.E.F. un maximum d'audience
et la suppression d'une subvention
que le gouvernement accorde à la
F.N.E.F. Après 1962, l'élaboration
difficile d'une critique de l'Université,
les querelles de tendances et la crise
financière affaiblissent considérable-
ment le syndicat. La crise actuelle
peut lui donner un nouvel élan.
Etudiants de France est le syndicat
étudiant le plus important. Il dispo-
serait aujourd'hui selon ses dirigeants
de soixante à soixante-dix mille adhé-
rents. Avec la guerre d'Algérie, la
direction du syndicat avait échu à la
gauche. La lutte pour là paix vaut à
l'U.N.E.F. un maximum d'audience
et la suppression d'une subvention
que le gouvernement accorde à la
F.N.E.F. Après 1962, l'élaboration
difficile d'une critique de l'Université,
les querelles de tendances et la crise
financière affaiblissent considérable-
ment le syndicat. La crise actuelle
peut lui donner un nouvel élan.
Université critique : elle n'a plus pour
but de dispenser un certain bagage
de connaissances mais de soumettre
à une critique permanente l'idéologie
et les institutions de la société. Pro-
grammes, méthodes d'enseignement,
ne sont plus déterminés autoritaire-
ment mais deviennent le produit
d'une discussion permanente entre
professeurs et élèves. Une Université
critique fonctionne depuis six mois
à Berlin, depuis deux mois à Florence.
but de dispenser un certain bagage
de connaissances mais de soumettre
à une critique permanente l'idéologie
et les institutions de la société. Pro-
grammes, méthodes d'enseignement,
ne sont plus déterminés autoritaire-
ment mais deviennent le produit
d'une discussion permanente entre
professeurs et élèves. Une Université
critique fonctionne depuis six mois
à Berlin, depuis deux mois à Florence.
51
Pourquoi
les
étudiants ?
étudiants ?
Dans une société où, semble-t-il,
les conflits violents avaient disparus,
les étudiants ont mené une lutte
à caractère révolutionnaire.
Pourquoi les étudiants?
IL importe de préciser le contenu des mots. Lutte révo-
lutionnaire, cela signifie : 1) que cette lutte ne s'est pas
proposée pour but un aménagement de la situation pré-
sente mais le changement total de la société ; 2) que cet
objectif n'a pas été une pétition de principe mais a ins-
piré effectivement la stratégie appliquée : l'épreuve de
force n'a pas été un affrontement destiné à préparer un
compromis mais le heurt direct entre le pouvoir de l'Etat
et le pouvoir de la rue. \,a violence n'est pas la carar-
téristique durnojiJvejriejiLJ^KoiwtieiinaiiL1, niais le corol-
lutionnaire, cela signifie : 1) que cette lutte ne s'est pas
proposée pour but un aménagement de la situation pré-
sente mais le changement total de la société ; 2) que cet
objectif n'a pas été une pétition de principe mais a ins-
piré effectivement la stratégie appliquée : l'épreuve de
force n'a pas été un affrontement destiné à préparer un
compromis mais le heurt direct entre le pouvoir de l'Etat
et le pouvoir de la rue. \,a violence n'est pas la carar-
téristique durnojiJvejriejiLJ^KoiwtieiinaiiL1, niais le corol-
"^Lutte a caractère révolutionnaire, cela signifie que le mou-
vement n'a présenté ces caractéristiques qu'à l'état
embryonnaire. La conséquence, c'est l'absence d'idéolo-
gie structurée, de conception claire de la société nou-
velle à construire, d'une organisation capable d'assurer
la direction politique du mouvement.
vement n'a présenté ces caractéristiques qu'à l'état
embryonnaire. La conséquence, c'est l'absence d'idéolo-
gie structurée, de conception claire de la société nou-
velle à construire, d'une organisation capable d'assurer
la direction politique du mouvement.
Si l'on admet que les journées de mai ont présenté ccsv
traits distinctifs, l'énigme est encore plus grande : pour- j
quoi les étudiants ? On peut d'emblée exclure les expli- /
cations qui viennent sous la plume du journaliste effrayé /
par « l'émeute », les dissertations sur les « profession-1
nels du combat de rue » qui auraient exploité le malaise l
étudiant. Il ne s'agissait pas non plus d'un monôme de l
jeunes désireux de s'amuser et inconscients du danger \
traits distinctifs, l'énigme est encore plus grande : pour- j
quoi les étudiants ? On peut d'emblée exclure les expli- /
cations qui viennent sous la plume du journaliste effrayé /
par « l'émeute », les dissertations sur les « profession-1
nels du combat de rue » qui auraient exploité le malaise l
étudiant. Il ne s'agissait pas non plus d'un monôme de l
jeunes désireux de s'amuser et inconscients du danger \
Alain Geismar, secrétaire
qu'ils couraient. Depuis le lundi 6 mai, les étudiants
savent que les grenades lacrymogènes aveuglent, que les
matraques blessent, que le jet des auto-pompes peut cata-
pulter un homme à plus de cinq mètres. Vendredi 10 mai,
au soir, les étudiants avaient peur, et le courage de sur-
monter leur peur.
savent que les grenades lacrymogènes aveuglent, que les
matraques blessent, que le jet des auto-pompes peut cata-
pulter un homme à plus de cinq mètres. Vendredi 10 mai,
au soir, les étudiants avaient peur, et le courage de sur-
monter leur peur.
Jusqu'au mois de mai, les observateurs ne croient guère
à la possibilité d'explosions violentes dans ces sociétés
industrielles qui parviennent à contrôler tant bien que
mal la machine économique. Le contrôle n'est pas total :
il subsiste des crises, partielles et isolées ; tous les à-coups
de la machine économique n'ont pas disparu. Mais les
gouvernants arrivent à maintenir en longue période un
taux de croissance élevé. La régulation empêche l'appa-
rition des crises cycliques qui, jusqu'en 1929, ont carac-
térisé l'évolution des économies capitalistes. L'expansion
permet une hausse relative mais progressive du niveau
de vie. A l'époque de la voiture et du frigidaire, à l'époque
des traites pour les payer, il n'v a pas, pense-t-on, de révo-
lution.
à la possibilité d'explosions violentes dans ces sociétés
industrielles qui parviennent à contrôler tant bien que
mal la machine économique. Le contrôle n'est pas total :
il subsiste des crises, partielles et isolées ; tous les à-coups
de la machine économique n'ont pas disparu. Mais les
gouvernants arrivent à maintenir en longue période un
taux de croissance élevé. La régulation empêche l'appa-
rition des crises cycliques qui, jusqu'en 1929, ont carac-
térisé l'évolution des économies capitalistes. L'expansion
permet une hausse relative mais progressive du niveau
de vie. A l'époque de la voiture et du frigidaire, à l'époque
des traites pour les payer, il n'v a pas, pense-t-on, de révo-
lution.
On peut donc considérer les sociétés néo-capitalistes
comme des sociétés qui « contrôlent » les processus éco-
nomiques : cela signifie simplement qu'elles ont mis fin
à l'anarchie fondamentale de l'économie libérale. La
comme des sociétés qui « contrôlent » les processus éco-
nomiques : cela signifie simplement qu'elles ont mis fin
à l'anarchie fondamentale de l'économie libérale. La
52
du S.N.E. Sup (enseignants), Jacques Sauvageot, vice-président de l'U.N.E.F., Daniel Cohn-Bendit, leader du Mouvement du 22 mars.
stabilisation économique n'a pu être obtenue qu'à deux
conditions : un renforcement de l'organisation sociale,
une innovation technique incessante Le renforcement de
l'organisation va de pair avec le renforcement du contrôle.
Il ne s'exprime pas seulement par la planification (offi-
cielle en France, occulte dans de nombreux pays) mais
aussi par la création d'entreprises géantes hiérarchique-
ment organisées. Le fonctionnement ne se conçoit que si
chacun est à sa place et y reste, que si personne ne boule-
verse par une initiative intempestive l'équilibre global
savamment établi. Le moindre écart revendicatif doit être
évité pour que l'ensemble de la machine puisse continuer
à tourner. Dans les coffres-forts des grandes entreprises,
comme le remarque André Gorz, il n'y a pas de l'or, mais
des plans, reja signifie que In incirté industrielle pnur
lever les contraintes naturelles qui pèsent sur l'individu
(la faim, le froid...) a accru dans des proportions gigan-
tesques les contVfijnrf"i nrgnnisntionnpll"s La vie dans les
grandes métropoles industrielles est à cet égard très révé-
latrice. Les hommes de la ville utilisent, aux mêmes
heures, les mêmes moyens de transports pour travailler
aux mêmes endroits. Pour le week-end, ils partiront dans
les mêmes voitures par les mêmes itinéraires pour se
retrouver dans le même type d'habitat.
conditions : un renforcement de l'organisation sociale,
une innovation technique incessante Le renforcement de
l'organisation va de pair avec le renforcement du contrôle.
Il ne s'exprime pas seulement par la planification (offi-
cielle en France, occulte dans de nombreux pays) mais
aussi par la création d'entreprises géantes hiérarchique-
ment organisées. Le fonctionnement ne se conçoit que si
chacun est à sa place et y reste, que si personne ne boule-
verse par une initiative intempestive l'équilibre global
savamment établi. Le moindre écart revendicatif doit être
évité pour que l'ensemble de la machine puisse continuer
à tourner. Dans les coffres-forts des grandes entreprises,
comme le remarque André Gorz, il n'y a pas de l'or, mais
des plans, reja signifie que In incirté industrielle pnur
lever les contraintes naturelles qui pèsent sur l'individu
(la faim, le froid...) a accru dans des proportions gigan-
tesques les contVfijnrf"i nrgnnisntionnpll"s La vie dans les
grandes métropoles industrielles est à cet égard très révé-
latrice. Les hommes de la ville utilisent, aux mêmes
heures, les mêmes moyens de transports pour travailler
aux mêmes endroits. Pour le week-end, ils partiront dans
les mêmes voitures par les mêmes itinéraires pour se
retrouver dans le même type d'habitat.
D'un autre côté, l'innovation technique permanente
est le fondement de l'expansion économique et le princi-
pal moteur de la croissance. Cela signifie que nous nous
trouvons dans une situation tout à fait paradoxale :
une société fortement hiérarchisée en mutation permanente.
L'innovation technique sape l'autorité au moment où
l'autorité est plus nécessaire que jamais. L'arme princi-
pale de défense des sociétés hiérarchisées, c'est la perma-
nence. Dans les sociétés qui évoluent lentement, l'auto-
rité du chet et des anciens repose sur une coutume
ancestrale. La valeur attachée à l'expérience, parmi les
qualités nécessaires au gouvernement des hommes, est
révélatrice du mode de perpétuation traditionnel de
l'autorité.
est le fondement de l'expansion économique et le princi-
pal moteur de la croissance. Cela signifie que nous nous
trouvons dans une situation tout à fait paradoxale :
une société fortement hiérarchisée en mutation permanente.
L'innovation technique sape l'autorité au moment où
l'autorité est plus nécessaire que jamais. L'arme princi-
pale de défense des sociétés hiérarchisées, c'est la perma-
nence. Dans les sociétés qui évoluent lentement, l'auto-
rité du chet et des anciens repose sur une coutume
ancestrale. La valeur attachée à l'expérience, parmi les
qualités nécessaires au gouvernement des hommes, est
révélatrice du mode de perpétuation traditionnel de
l'autorité.
La prudence devient un frein
Aujourd'hui, la situation est toute différente. Dans un
laboratoire, dans une entreprise de pointe, le jeune cher-
cheur ou le jeune cadre connaissent mieux les techniques
nouvelles et maîtrisent mieux l'évolution sociale que le
chercheur ou le cadre plus âgé. Le chômage des cadres
laboratoire, dans une entreprise de pointe, le jeune cher-
cheur ou le jeune cadre connaissent mieux les techniques
nouvelles et maîtrisent mieux l'évolution sociale que le
chercheur ou le cadre plus âgé. Le chômage des cadres
53
de plus de cinquante ans n'est que la sanction économique
de cet état de fait. L'expérience devient dans certains cas
obstacle à la novation ; la prudence devient frein.
de cet état de fait. L'expérience devient dans certains cas
obstacle à la novation ; la prudence devient frein.
Cette situation nouvelle entraîne une crise de processus
de socialisation. Les sociologues désignent par ce terme
les moyens par lesquels l'individu apprend — principale-
ment mais non exclusivement pendant l'enfance et l'ado-
lescence — les normes et les conduites nécessaires à la vie
en groupe. Les trois instruments privilégiés en sont la
famille, l'école et la religion. Les transformations de la
société industrielle impliquent une modification des pro-
cessus de socialisation.
de socialisation. Les sociologues désignent par ce terme
les moyens par lesquels l'individu apprend — principale-
ment mais non exclusivement pendant l'enfance et l'ado-
lescence — les normes et les conduites nécessaires à la vie
en groupe. Les trois instruments privilégiés en sont la
famille, l'école et la religion. Les transformations de la
société industrielle impliquent une modification des pro-
cessus de socialisation.
David Riesman, l'un des plus grands sociologues amé-
ricains, a analysé cette mutation dans son ouvrage La
foule solitaire. A l'époque du capitalisme libéral, estime
Riesman, la socialisation consiste à inculquer un certain
nombre de règles de caractère général qui permettront à
l'individu de trouver les conduites appropriées à des '
situations très diverses. L'individu est ainsi nanti d'une
espèce de boussole qui lui indique comment se dirigée
dans la vie. Le prototype de cet homme est le puritain
protestant. Cet ensemble de règles comprend non seule-
ment les impératifs de la morale générale mais aussi un
certain nombre de principes formulés ou informulés qui
constituent les piliers de la morale bourgeoise : par
exemple : « qui paie ses dettes s'enrichit ». Un tel indi-
vidu est « intro-déterminé » :il possède en lui-même les
éléments qui lui permettent de déterminer sa conduite.
ricains, a analysé cette mutation dans son ouvrage La
foule solitaire. A l'époque du capitalisme libéral, estime
Riesman, la socialisation consiste à inculquer un certain
nombre de règles de caractère général qui permettront à
l'individu de trouver les conduites appropriées à des '
situations très diverses. L'individu est ainsi nanti d'une
espèce de boussole qui lui indique comment se dirigée
dans la vie. Le prototype de cet homme est le puritain
protestant. Cet ensemble de règles comprend non seule-
ment les impératifs de la morale générale mais aussi un
certain nombre de principes formulés ou informulés qui
constituent les piliers de la morale bourgeoise : par
exemple : « qui paie ses dettes s'enrichit ». Un tel indi-
vidu est « intro-déterminé » :il possède en lui-même les
éléments qui lui permettent de déterminer sa conduite.
Ce prototype est en voie de disparition dans les sociétés
industrielles. Lui succède ce que Riesman appelle l'homme
« extro-déterminé ». Cela signifie simplement que l'indi-
vidu ne règle plus sa conduite en fonction de principes
personnels, mais selon l'attitude de son groupe d'apparte-
nance, de son groupe de pairs. L'écolier s'aligne sur le
comportement de ses camarades, l'adulte sur celui de ses
collègues de travail, la ménagère sur celui de ses voisines
de quartier. Parmi les différents « groupes de pairs », les
classes d'âges jouent un rôle particulièrement important,
qui s'ajoute aux autres stratifications sociales. Les mass
média, la télévision, la presse à grand tirage, l'ensemble
des moyens de communications jouent dans la détermi-
nation des normes de groupe un rôle de première impor-
tance. Elles suscitent, modifient et généralisent les
comportements. La publicité joue un rôle central dans le
domaine de la consommation. C'est là d'ailleurs que l'on
sent peut-être le mieux le passage de l'homme intro-
déterminé à l'homme extro-déterminé : il y a deux géné-
rations, la consommation était dictée par quelques sacro-
saints principes comme « le bon marché coûte cher » ;
aujourd'hui la consommation est déterminée par de tou-
tes autres influences.
industrielles. Lui succède ce que Riesman appelle l'homme
« extro-déterminé ». Cela signifie simplement que l'indi-
vidu ne règle plus sa conduite en fonction de principes
personnels, mais selon l'attitude de son groupe d'apparte-
nance, de son groupe de pairs. L'écolier s'aligne sur le
comportement de ses camarades, l'adulte sur celui de ses
collègues de travail, la ménagère sur celui de ses voisines
de quartier. Parmi les différents « groupes de pairs », les
classes d'âges jouent un rôle particulièrement important,
qui s'ajoute aux autres stratifications sociales. Les mass
média, la télévision, la presse à grand tirage, l'ensemble
des moyens de communications jouent dans la détermi-
nation des normes de groupe un rôle de première impor-
tance. Elles suscitent, modifient et généralisent les
comportements. La publicité joue un rôle central dans le
domaine de la consommation. C'est là d'ailleurs que l'on
sent peut-être le mieux le passage de l'homme intro-
déterminé à l'homme extro-déterminé : il y a deux géné-
rations, la consommation était dictée par quelques sacro-
saints principes comme « le bon marché coûte cher » ;
aujourd'hui la consommation est déterminée par de tou-
tes autres influences.
Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes
si ce conditionnement général de l'opinion et des
comportements avait une efficacité absolue, si les hommes
perdaient totalement leur esprit critique. Or, contraire-
ment à l'idée courante, les mass média ne constituent pas
si ce conditionnement général de l'opinion et des
comportements avait une efficacité absolue, si les hommes
perdaient totalement leur esprit critique. Or, contraire-
ment à l'idée courante, les mass média ne constituent pas
l'arme psychologique absolue. Les études sur la propa-
gande électorale par exemple ont montré que la percep-
tion du message de propagande est essentiellement fonc-
tion du niveau culturel. Plus l'information de l'auditeur
est grande, plus celui-ci est perméable au message de
propagande ; mais, en revanche, plus il est capable de
le soumettre à la critique. On ne connaît pas encore par-
faitement l'impact des mass média : tout indique qu'il
est important, mais tout indique qu'il ne joue pas dans
un seul sens.
gande électorale par exemple ont montré que la percep-
tion du message de propagande est essentiellement fonc-
tion du niveau culturel. Plus l'information de l'auditeur
est grande, plus celui-ci est perméable au message de
propagande ; mais, en revanche, plus il est capable de
le soumettre à la critique. On ne connaît pas encore par-
faitement l'impact des mass média : tout indique qu'il
est important, mais tout indique qu'il ne joue pas dans
un seul sens.
Des milliers de drames individuels
'Dans les sociétés néo-capitalistes, la plupart des indivi-
ius subissent les contraintes de l'ère industrielle. Si les
étudiants constituent aujourd'hui le foyer de la révolte,
l'est pas parce qu'ils sont les plus opprimés par ces
Craintes, comme le prolétariat au xixe siècle était la
(classe la plus exploitée. Mais, par leur fonction sociale
lême — étudier — les étudiants sont les plus critiques à
'égard des conditionnements de la société industrielle,
ils se situent à la charnière de deux processus de socia-
'isation en crise : la famille et l'enseignement. Au cours
des journées de mai, seul le drame collectif des manifesta-
tions a été perceptible. Mais il ne faut pas oublier les
dizaines de milliers de drames individuels qui ont, avant
ou après les manifestations, déchiré les familles. A l'éman-
cipation sociale et à la lutte contre la police se sont
superposées pour nombre de manifestants une émancipa-
tion personnelle et une lutte contre la famille.
ius subissent les contraintes de l'ère industrielle. Si les
étudiants constituent aujourd'hui le foyer de la révolte,
l'est pas parce qu'ils sont les plus opprimés par ces
Craintes, comme le prolétariat au xixe siècle était la
(classe la plus exploitée. Mais, par leur fonction sociale
lême — étudier — les étudiants sont les plus critiques à
'égard des conditionnements de la société industrielle,
ils se situent à la charnière de deux processus de socia-
'isation en crise : la famille et l'enseignement. Au cours
des journées de mai, seul le drame collectif des manifesta-
tions a été perceptible. Mais il ne faut pas oublier les
dizaines de milliers de drames individuels qui ont, avant
ou après les manifestations, déchiré les familles. A l'éman-
cipation sociale et à la lutte contre la police se sont
superposées pour nombre de manifestants une émancipa-
tion personnelle et une lutte contre la famille.
C'est sans doute pour les étudiants que les contraintes
de la hiérarchie sociale sont les plus injustifiées. Car c'est
dans le domaine du Savoir que les positions acquises
sont le plus menacées par la rapidité de l'évolution. Le
• seul Fondement légitime de l'autorité du maître sur
I l'élève, c'est la prééminence du Savoir (le maître) sur le
*-Hon-Savoir (l'élève). Or, avec l'évolution rapide des
connaissances, aucun maître ne peut plus prétendre incar-
ner le Savoir. Le maître comme l'élève se situent simple-
ment à une hauteur différente sur l'échelle du non-Savoir.
Cela signifie que l'accélération du rythme d'acquisition
des connaissances appelle des relations maîtres-élèves qui
f' nient la structure hiérarchique de la société. L'explosion
/ sociale ne se produit pas à l'endroit où les chaînes sont
/ les plus lourdes, mais à l'endroit où elles sont les plus
(__ faciles à briser.
de la hiérarchie sociale sont les plus injustifiées. Car c'est
dans le domaine du Savoir que les positions acquises
sont le plus menacées par la rapidité de l'évolution. Le
• seul Fondement légitime de l'autorité du maître sur
I l'élève, c'est la prééminence du Savoir (le maître) sur le
*-Hon-Savoir (l'élève). Or, avec l'évolution rapide des
connaissances, aucun maître ne peut plus prétendre incar-
ner le Savoir. Le maître comme l'élève se situent simple-
ment à une hauteur différente sur l'échelle du non-Savoir.
Cela signifie que l'accélération du rythme d'acquisition
des connaissances appelle des relations maîtres-élèves qui
f' nient la structure hiérarchique de la société. L'explosion
/ sociale ne se produit pas à l'endroit où les chaînes sont
/ les plus lourdes, mais à l'endroit où elles sont les plus
(__ faciles à briser.
Cette situation sociale de l'étudiant dans les pays indus-
triels explique la révolte qui secoue les universités et les
sociétés, à l'Ouest comme à l'Est. En France, le conflit a
trouvé ses formes et sa gravité dans un mécontentement
et un malaise dus à l'explosion numérique, à la désorga-
nisation provoquée par l'application à la réforme Fou-
chet, à l'immobilisme des autorités, à l'absence de débou-
chés (1). On a aussi souligné l'inexistence des organisa-
triels explique la révolte qui secoue les universités et les
sociétés, à l'Ouest comme à l'Est. En France, le conflit a
trouvé ses formes et sa gravité dans un mécontentement
et un malaise dus à l'explosion numérique, à la désorga-
nisation provoquée par l'application à la réforme Fou-
chet, à l'immobilisme des autorités, à l'absence de débou-
chés (1). On a aussi souligné l'inexistence des organisa-
(1) Voir L'événement n° 25, Etudiants en soldes, « Le gâchis » par-
Frédéric Mornand.
Frédéric Mornand.
54
lions étudiantes. Il importe de s'arrêter à cette dernière Jfc"
cause : la décomposition du mouvement étudiant a une
histoire qui explique l'intensité de l'explosion.
cause : la décomposition du mouvement étudiant a une
histoire qui explique l'intensité de l'explosion.
La crise de l'U.N.E.F.
En juillet 1956, la tendance de gauche l'emporte à
l'U.N.E.F. : des militants catholiques appuyés, et parfois
critiqués, par les communistes gardent la direction jus-
qu'à la fin de la guerre d'Algérie. La politique choisje —
la lutte contre la guerre coloniale —, la rigueur de sa
mise en œuvre assurent à l'U.N.E.F. une audience crois-
sante à l'intérieur comme à l'extérieur du milieu étudiant.
Sur le plan politique, c'est 1 Union des Etudiants Commu-
nistes (U.E.C.) qui profite le plus nettement de cette
révolte étudiante contre la guerre. La S.F.I.O., déconsi-
dérée par la politique du gouvernement Mollet, ne mord
pas sur le milieu étudiant. Le P.S.U. manque le rendez-
vous avec le monde universitaire par ses hésitations poli-
tiques et son manque de dynamisme plus encore que par
ses divisions. La gauche étudiante sort de la guerre
d'Algérie en pleine puissance. Les positions prises par
FIJ.N.E.F., loin de l'isoler lui nr|f conféré force et repré-
sentativité. L'U.E\C. est en croissance constante ; elle a
été au cours de lJhjver 1961-62 la poutre maîtresse du
Front Universitaire Anti-fasciste qui, à Paris, a groupé
plus de sept mille étudiants. En 1963, les communistes
entrent au bureau de l'U.N.E.F.
l'U.N.E.F. : des militants catholiques appuyés, et parfois
critiqués, par les communistes gardent la direction jus-
qu'à la fin de la guerre d'Algérie. La politique choisje —
la lutte contre la guerre coloniale —, la rigueur de sa
mise en œuvre assurent à l'U.N.E.F. une audience crois-
sante à l'intérieur comme à l'extérieur du milieu étudiant.
Sur le plan politique, c'est 1 Union des Etudiants Commu-
nistes (U.E.C.) qui profite le plus nettement de cette
révolte étudiante contre la guerre. La S.F.I.O., déconsi-
dérée par la politique du gouvernement Mollet, ne mord
pas sur le milieu étudiant. Le P.S.U. manque le rendez-
vous avec le monde universitaire par ses hésitations poli-
tiques et son manque de dynamisme plus encore que par
ses divisions. La gauche étudiante sort de la guerre
d'Algérie en pleine puissance. Les positions prises par
FIJ.N.E.F., loin de l'isoler lui nr|f conféré force et repré-
sentativité. L'U.E\C. est en croissance constante ; elle a
été au cours de lJhjver 1961-62 la poutre maîtresse du
Front Universitaire Anti-fasciste qui, à Paris, a groupé
plus de sept mille étudiants. En 1963, les communistes
entrent au bureau de l'U.N.E.F.
Les courants de droite et d'extrême-droite sont tota-
lement isolés. La tentative de constitution d'une organi-
sation rivale de l'U.N.E.F., la F.N.E.F., échoue lamenta-
blement. La gauche étudiante repose sur deux piliers :
les catholiques progressistes et les communistes. Alliés,
ils dominent l'U.N.E.F. dont ils constituent le réservoir
de cadres.
lement isolés. La tentative de constitution d'une organi-
sation rivale de l'U.N.E.F., la F.N.E.F., échoue lamenta-
blement. La gauche étudiante repose sur deux piliers :
les catholiques progressistes et les communistes. Alliés,
ils dominent l'U.N.E.F. dont ils constituent le réservoir
de cadres.
L'analyse des dirigeants du mouvement étudiant au
lendemain de la guerre d'Algérie a été, à plus d'un titre,
prémonitoire. Elle s'organise autour de trois idées :
f°l) le glissement à la gauche du monde étudiant n'est pas
I un phénomène temporaire provoqué par la guerre colo-
I / niale, mais une donnée permanente explicable par les
^transformations économiques de la société ; 2) la crpis-
C~ sance des effectifs universitaires entraîne un accroissement
» V du poids politique du mouvement étudiant ; 3) les pro-
<^ blêmes de l'Université sont parmi les plus cruciaux de la
X société néo-capitaliste. La conclusion logique de cette
analyse est que le mouvement étudiant doit et peut deve-
nir une force de contestation et de rénovation de l'Uni-
versité et de la société s'il parvient à s'allier avec les
organisations syndicales ouvrières et les forces politiques
progressistes.
lendemain de la guerre d'Algérie a été, à plus d'un titre,
prémonitoire. Elle s'organise autour de trois idées :
f°l) le glissement à la gauche du monde étudiant n'est pas
I un phénomène temporaire provoqué par la guerre colo-
I / niale, mais une donnée permanente explicable par les
^transformations économiques de la société ; 2) la crpis-
C~ sance des effectifs universitaires entraîne un accroissement
» V du poids politique du mouvement étudiant ; 3) les pro-
<^ blêmes de l'Université sont parmi les plus cruciaux de la
X société néo-capitaliste. La conclusion logique de cette
analyse est que le mouvement étudiant doit et peut deve-
nir une force de contestation et de rénovation de l'Uni-
versité et de la société s'il parvient à s'allier avec les
organisations syndicales ouvrières et les forces politiques
progressistes.
Malgré une représentativité indiscutable, malgré une
vision claire des problèmes, les organisations étudiantes
ont rapidement échoué. La raison est simple. Contre
elles_ s'est_ nouée inconsciemment la sainte alliance qui
aujourd'hui se forme à nouveau contre les « enragés »,
l'alliance du gouvernement, de l'Eglise et du P.C.F.
vision claire des problèmes, les organisations étudiantes
ont rapidement échoué. La raison est simple. Contre
elles_ s'est_ nouée inconsciemment la sainte alliance qui
aujourd'hui se forme à nouveau contre les « enragés »,
l'alliance du gouvernement, de l'Eglise et du P.C.F.
Le gouvernement, indisposé par les prises de position
dêTu.iN.b.F. en faveur de l'indépendance de l'Algérie,
retire à l'organisation sa subvention. Ce point est impor-
tant ^gjiriirlf nrijrii-iicTHr.n fTiir|i;1n^ nf p<°"f vivri» r]p SCS
dêTu.iN.b.F. en faveur de l'indépendance de l'Algérie,
retire à l'organisation sa subvention. Ce point est impor-
tant ^gjiriirlf nrijrii-iicTHr.n fTiir|i;1n^ nf p<°"f vivri» r]p SCS
propres ressources. Couper les crédits, cela veul dire limj-
ter_les contacts avec la province, renforcer les rpnHaTyps
autonomes des organes de base : c'est la voie ouverte à
la décomposition. Le gouvernement tente d'éliminer les
représentants étudiants de la cogestion des œuvres uni-
versitaires (restaurants universitaires, cités, etc.). Surtout,
il s'oppose systématiquement et parfois par la violence —
le premier grand bouclage du Quartier Latin date de
1964 — aux revendications de l'U.N.E.F.
ter_les contacts avec la province, renforcer les rpnHaTyps
autonomes des organes de base : c'est la voie ouverte à
la décomposition. Le gouvernement tente d'éliminer les
représentants étudiants de la cogestion des œuvres uni-
versitaires (restaurants universitaires, cités, etc.). Surtout,
il s'oppose systématiquement et parfois par la violence —
le premier grand bouclage du Quartier Latin date de
1964 — aux revendications de l'U.N.E.F.
Les oripeaux du marxisme
Les syndicats ouvriers n'apportent guère d'appui à
l'U.N.E.F. Ils se désintéressent des questions universi-
taires ou tout au moins refusent d'en faire l'un des axes
de leur action. L'Union des Etudiants Communistes entre
en conflit avec le P.C.F. : elle lui reproche son inadapta-
tion à la société française et les lenteurs de la destalinisa-
tion. Elle réclame une démocratisation des structures
internes du P.C.F. et le droit à une élaboration politique
autonome qui lui permeile de « percer » en milieu étu-
diant. En 1965, le conflit se termine par la victoire de
l'orthodoxie. Mais l'U.E.C. a été brisée. A la même
époque, Mgr Veuillot casse la Jeunesse Etudiante Chré-
tienne.
l'U.N.E.F. Ils se désintéressent des questions universi-
taires ou tout au moins refusent d'en faire l'un des axes
de leur action. L'Union des Etudiants Communistes entre
en conflit avec le P.C.F. : elle lui reproche son inadapta-
tion à la société française et les lenteurs de la destalinisa-
tion. Elle réclame une démocratisation des structures
internes du P.C.F. et le droit à une élaboration politique
autonome qui lui permeile de « percer » en milieu étu-
diant. En 1965, le conflit se termine par la victoire de
l'orthodoxie. Mais l'U.E.C. a été brisée. A la même
époque, Mgr Veuillot casse la Jeunesse Etudiante Chré-
tienne.
Le terrain est vide ; il se prête à la prolifération des
groupuscules, pour la plupart issus de l'éclatement de
l'U.E.C. Pendant que continue à croître le nombre des
étudiants, pendant que s'accumule un mécontentement
qu'aucune organisation ne vient canaliser.
groupuscules, pour la plupart issus de l'éclatement de
l'U.E.C. Pendant que continue à croître le nombre des
étudiants, pendant que s'accumule un mécontentement
qu'aucune organisation ne vient canaliser.
Les révoltés de l'Université se drapent aujourd'hui dans
les oripeaux du marxisme. Rien de plus naturel : même
un peu défraîchi par ses tribulations staliniennes, le
marxisme est aujourd'hui — hors un anarchisme impré-
cis — la seule idéologie révolutionnaire disponible. Mais
le problème soulevé par les étudiants — celui de l'ensem-
ble des rapports d'autorité dans la société — dépasse très
largement le cadre de cette idéologie. Peut-être les étu-
diants se rendront-ils compte que les oppositions écono-
miques masquent des oppositions d'autorité comme les
conflits poliliques au début du xixe siècle ont masqué les
oppositions économiques.
les oripeaux du marxisme. Rien de plus naturel : même
un peu défraîchi par ses tribulations staliniennes, le
marxisme est aujourd'hui — hors un anarchisme impré-
cis — la seule idéologie révolutionnaire disponible. Mais
le problème soulevé par les étudiants — celui de l'ensem-
ble des rapports d'autorité dans la société — dépasse très
largement le cadre de cette idéologie. Peut-être les étu-
diants se rendront-ils compte que les oppositions écono-
miques masquent des oppositions d'autorité comme les
conflits poliliques au début du xixe siècle ont masqué les
oppositions économiques.
Le décalage entre la puissance du mouvement étudiant
et sa pauvreté théorique explique les formes de la lutte.
Le radicalisme des objectifs du mouvement ne peut que
s'exprimer par la violence. /La Commune étudiante
échouera sans doute dans l'immédiat, brisée par la répres-
sion ou récupérée par les politiciens. Mais elle ouvre
dans des sociétés qui paraissaient assoupies l'espoir d'un
changement social. Et puis, qui sait ? Les étudiants repré-
sentent aujourd'hui 1,1% de la population française;
mais, en 1914, le prolétariat représentait, 1,7 % de la .
population russe. Les explosions sont toujours possibles j
quand existe un détonateur. __I
et sa pauvreté théorique explique les formes de la lutte.
Le radicalisme des objectifs du mouvement ne peut que
s'exprimer par la violence. /La Commune étudiante
échouera sans doute dans l'immédiat, brisée par la répres-
sion ou récupérée par les politiciens. Mais elle ouvre
dans des sociétés qui paraissaient assoupies l'espoir d'un
changement social. Et puis, qui sait ? Les étudiants repré-
sentent aujourd'hui 1,1% de la population française;
mais, en 1914, le prolétariat représentait, 1,7 % de la .
population russe. Les explosions sont toujours possibles j
quand existe un détonateur. __I
55
Espèces
de flics
de flics
Les «forces de l'ordre»
La police urbaine ou police municipale
— est constituée par les « commis-
saires de police » dont la tâche est
d'assurer la sécurité publique, le
maintien de l'ordre, l'hygiène et la
salubrité dans le ressort d'une cir-
conscription de police. Pour les
opérations de l'ordre, elle est requise
par le Préfet. Pour l'ensemble de
la métropole, ses effectifs sont envi-
ron de 70 000 personnes dont 22 000
pour Paris et la région parisienne,
organisés en 20 compagnies d'arron-
dissement à Paris et 26 compagnies de
circonscription de banlieue.
— est constituée par les « commis-
saires de police » dont la tâche est
d'assurer la sécurité publique, le
maintien de l'ordre, l'hygiène et la
salubrité dans le ressort d'une cir-
conscription de police. Pour les
opérations de l'ordre, elle est requise
par le Préfet. Pour l'ensemble de
la métropole, ses effectifs sont envi-
ron de 70 000 personnes dont 22 000
pour Paris et la région parisienne,
organisés en 20 compagnies d'arron-
dissement à Paris et 26 compagnies de
circonscription de banlieue.
On les reconnaît dans les manifes-
tations à leurs longs imperméables
noirs, leur bouclier carré et leur
matraque en bois.
tations à leurs longs imperméables
noirs, leur bouclier carré et leur
matraque en bois.
Il faut leur ajouter les compagnies
d'intervention basées dans les six
districts de Paris — spécialistes de
la répression et de la lutte anti-
émeutes, très bien entraînés. On les
reconnaît à leur treillis kaki.
Les C.R.S. (Compagnies Républi-
caines de Sécurité) sont des unités
mobiles de police placées sous l'auto-
rité du Ministre de l'intérieur. Elles
constituent les réserves générales de
la police de sécurité publique et sont
réparties par régions militaires en
dix groupements. Leurs effectifs
sont environ de 14000 hommes.
Les C.R.S. sont employés pour des
missions diverses : maintien de l'or-
dre, circulation routière, incendies en
forêts, accidents d'avion, sauvetage en
montagne...
d'intervention basées dans les six
districts de Paris — spécialistes de
la répression et de la lutte anti-
émeutes, très bien entraînés. On les
reconnaît à leur treillis kaki.
Les C.R.S. (Compagnies Républi-
caines de Sécurité) sont des unités
mobiles de police placées sous l'auto-
rité du Ministre de l'intérieur. Elles
constituent les réserves générales de
la police de sécurité publique et sont
réparties par régions militaires en
dix groupements. Leurs effectifs
sont environ de 14000 hommes.
Les C.R.S. sont employés pour des
missions diverses : maintien de l'or-
dre, circulation routière, incendies en
forêts, accidents d'avion, sauvetage en
montagne...
On les reconnaît dans les manifes-
tations à leurs boucliers ronds et à
leurs matraques noires en caout-
chouc. Les Gendarmes mobiles sont des
militaires relevant du service des
Années. Sur réquisition des Préfets,
tations à leurs boucliers ronds et à
leurs matraques noires en caout-
chouc. Les Gendarmes mobiles sont des
militaires relevant du service des
Années. Sur réquisition des Préfets,
L'école de la police.
ils apportent leur concours au main-
tien de l'ordre public. Leurs effectifs
sont de 16500 hommes. On les
reconnaît à leur veste noire, à leur
pantalon bleu à bande noire, à leurs
mousquetons.
tien de l'ordre public. Leurs effectifs
sont de 16500 hommes. On les
reconnaît à leur veste noire, à leur
pantalon bleu à bande noire, à leurs
mousquetons.
Les armes employées
Matraques en bois ou en caoutchouc
durci.
durci.
Autopompes qui lancent de l'eau avec
une très grande force : un manifes-
tant pris de plein fouet par le jet peut
être renversé ou même projeté à quel-
ques mètres.
une très grande force : un manifes-
tant pris de plein fouet par le jet peut
être renversé ou même projeté à quel-
ques mètres.
Grenades lacrymogènes : elles font partie
de la catégorie des armes chimiques
dites Irritants. Deux types de grena-
des sont employées en France :
La grenade CN, la plus ancienne,
contient de la chloracétophénone
à raison de 0,6 gramme par élé-
meni. Elle provoque à très faible
concentration une violente irritation
conjonctivale douloureuse avec lar-
moiement abondant, spasme des
paupières, toux irritative violente,
sensation d'étoulfement et de cons-
triction thoracique.
de la catégorie des armes chimiques
dites Irritants. Deux types de grena-
des sont employées en France :
La grenade CN, la plus ancienne,
contient de la chloracétophénone
à raison de 0,6 gramme par élé-
meni. Elle provoque à très faible
concentration une violente irritation
conjonctivale douloureuse avec lar-
moiement abondant, spasme des
paupières, toux irritative violente,
sensation d'étoulfement et de cons-
triction thoracique.
Son effet incapacitant dure, en
principe — c'est-à-dire à l'air libre
et en petit nombre — trois minutes.
principe — c'est-à-dire à l'air libre
et en petit nombre — trois minutes.
Placées au contact de l'eau, les
substances contenues dans la grena-
de subissent un effet d'hvdrolise :
substances contenues dans la grena-
de subissent un effet d'hvdrolise :
leur action cesse immédiatement.
La grenade CB (CS pour les anglo-
saxons), la plus récente, contient de
l'orthochlore benzalmalononitrile à
raison de 0,6 gramme par élément.
Elle a la même action incapacitante
que la grenade CN (irritation, suffo-
cation) plus un ettet nauséeux.
La grenade CB (CS pour les anglo-
saxons), la plus récente, contient de
l'orthochlore benzalmalononitrile à
raison de 0,6 gramme par élément.
Elle a la même action incapacitante
que la grenade CN (irritation, suffo-
cation) plus un ettet nauséeux.
Ses effets — à l'air libre et en petit
nombre — durent de cinq à dix mi-
nutes en principe.
nombre — durent de cinq à dix mi-
nutes en principe.
Au contraire de la grenade CN, la
grenade CB est beaucoup plus active
en atmosphère humide et ses effets
beaucoup plus violents et durables.
grenade CB est beaucoup plus active
en atmosphère humide et ses effets
beaucoup plus violents et durables.
Les grenades sont lancées soit à la
main (portée vingt-cinq à trente
mètres) soit au fusil lance-grenade
(portée cinquante à cent cinquante
mètres).
main (portée vingt-cinq à trente
mètres) soit au fusil lance-grenade
(portée cinquante à cent cinquante
mètres).
La quantité considérable de gre-
nades tirées pendant les manifesta-
tions, l'atmosphère humide (pluie,
jets d'eau des autopompes, mou-
choirs mouillés, baquets d'eau déver-
sés des fenêtres), les grenades écla-
tant sur des manifestants, leur liquide
répandu sur la tête ou le visage ont
provoqué un certain nombre d'acci-
dents graves. On craint en particulier
des cas de cécité totale ou d'un œil.
La grenade offensive (au contraire de
la grenade défensive qui est une arme
de guerre à grande capacité de des-
truction), fréquemment utilisée en
nades tirées pendant les manifesta-
tions, l'atmosphère humide (pluie,
jets d'eau des autopompes, mou-
choirs mouillés, baquets d'eau déver-
sés des fenêtres), les grenades écla-
tant sur des manifestants, leur liquide
répandu sur la tête ou le visage ont
provoqué un certain nombre d'acci-
dents graves. On craint en particulier
des cas de cécité totale ou d'un œil.
La grenade offensive (au contraire de
la grenade défensive qui est une arme
de guerre à grande capacité de des-
truction), fréquemment utilisée en
Algérie dans les opérations de main-
tien de l'ordre, contient deux cent
vingt-cinq grammes de poudre enfer-
mée dans un métal léger et mise en
action par un bouchon allumeur au
phosphore. La portée est de vingt-
cinq à trente-cinq mètres selon la
force du lanceur et son rayon d'effi-
cacité de l'ordre de huit à dix mètres.
Elle a un effet de souffle. Les éclats
projetés peuvent blesser les personnes
proches du lieu de l'explosion et le
phosphore du bouchon allumeur a
mis fréquemment le feu aux voitures
renversées sur les barricades.
tien de l'ordre, contient deux cent
vingt-cinq grammes de poudre enfer-
mée dans un métal léger et mise en
action par un bouchon allumeur au
phosphore. La portée est de vingt-
cinq à trente-cinq mètres selon la
force du lanceur et son rayon d'effi-
cacité de l'ordre de huit à dix mètres.
Elle a un effet de souffle. Les éclats
projetés peuvent blesser les personnes
proches du lieu de l'explosion et le
phosphore du bouchon allumeur a
mis fréquemment le feu aux voitures
renversées sur les barricades.
Les moyens judiciaires
Parmi les moyens dont dispose la
société pour réprimer les atteintes à
la sécurité publique, la garde à vue
et le flagrant délit ont été utilisés
durant les manifestations étudiantes.
La garde à vue.
société pour réprimer les atteintes à
la sécurité publique, la garde à vue
et le flagrant délit ont été utilisés
durant les manifestations étudiantes.
La garde à vue.
Pendant vingt-quatre heures, qua-
rante-huit heures si le procureur de
la République l'autorise, la personne
arrêtée est à la disposition de la
police. La garde à vue est ordonnée
soit par les officiers de police judi-
ciaire, soit par le juge d'instruction,
soit par le Préfet, soit par le Procu-
reur de la République. Ni libre, ni
détenue, la personne arrêtée n'a pas
droit à l'assistance d'un avocat. Elle
est cependant protégée par certaines
règles : le délai, vingt-quatre heures —
délai normal, quarante-huit heures —
délai exceptionnel — les cas où elle
s'applique : crime, flagrant délit,
enquête préliminaire. Enfin, la per-
sonne arrêtée a droit à dix heures de
repos par vingt-quatre heures dont
huit consécutives et elle a droit à
demander ou faire demander un
examen médical.
rante-huit heures si le procureur de
la République l'autorise, la personne
arrêtée est à la disposition de la
police. La garde à vue est ordonnée
soit par les officiers de police judi-
ciaire, soit par le juge d'instruction,
soit par le Préfet, soit par le Procu-
reur de la République. Ni libre, ni
détenue, la personne arrêtée n'a pas
droit à l'assistance d'un avocat. Elle
est cependant protégée par certaines
règles : le délai, vingt-quatre heures —
délai normal, quarante-huit heures —
délai exceptionnel — les cas où elle
s'applique : crime, flagrant délit,
enquête préliminaire. Enfin, la per-
sonne arrêtée a droit à dix heures de
repos par vingt-quatre heures dont
huit consécutives et elle a droit à
demander ou faire demander un
examen médical.
En outre, des témoins peuvent être
tenus à la procédure de garde à vue
tenus à la procédure de garde à vue
dans les mêmes cas ou pour l'exécu-
tion d'une commission rogatoire.
En ce qui concerne les témoins, la
prolongation de la garde à vue ne
peut-être demandée que pour l'en-
quête préliminaire ou l'exécution
d'une commission rogatoire.
La garde à vue exceptionnelle s'applique
aux crimes contre la sûreté de l'Etat.
Ses règles sont beaucoup plus dures.
Le délai normal est de quarante-huit
heures. Ce délai peut être porté à
cinq jours en cas de crime ou de fla-
grant délit à la demande du minis-
tère public, ou pour complément
d'enquête par le juge.
tion d'une commission rogatoire.
En ce qui concerne les témoins, la
prolongation de la garde à vue ne
peut-être demandée que pour l'en-
quête préliminaire ou l'exécution
d'une commission rogatoire.
La garde à vue exceptionnelle s'applique
aux crimes contre la sûreté de l'Etat.
Ses règles sont beaucoup plus dures.
Le délai normal est de quarante-huit
heures. Ce délai peut être porté à
cinq jours en cas de crime ou de fla-
grant délit à la demande du minis-
tère public, ou pour complément
d'enquête par le juge.
Enfin, « si les nécessités de l'en-
quête l'exigent », elle peut être portée
à dix jours.
quête l'exigent », elle peut être portée
à dix jours.
La procédure de flagrant délit.
Procédure accélérée qui fait suite à la
garde à vue. Elle est décidée par les
officiers de police judiciaire, le pro-
cureur de la République, ou le juge
d'instruction.
Procédure accélérée qui fait suite à la
garde à vue. Elle est décidée par les
officiers de police judiciaire, le pro-
cureur de la République, ou le juge
d'instruction.
Le code de procédure pénale défi-
nit ainsi le flagrant délit : « L'infrac-
tion qui est en train de se commettre
ou qui vient de se commetre ».
L'auteur peut être « quelqu'un
poursuivi par la rumeur publique ou
quelqu'un trouvé porteur d'indices ».
En outre sont assimilés les crimes, les
délits et les infractions commises à
l'intérieur d'une maison.
nit ainsi le flagrant délit : « L'infrac-
tion qui est en train de se commettre
ou qui vient de se commetre ».
L'auteur peut être « quelqu'un
poursuivi par la rumeur publique ou
quelqu'un trouvé porteur d'indices ».
En outre sont assimilés les crimes, les
délits et les infractions commises à
l'intérieur d'une maison.
La personne arrêtée est déférée
immédiatement devant le procureur
de la République et traduite immé-
diatement à l'audience du tribunal.
S'il n'y a pas audience, à celle du
lendemain. Au besoin le tribunal est
spécialement réuni à cet effet. Les
témoins sont cités directement par la
police.
immédiatement devant le procureur
de la République et traduite immé-
diatement à l'audience du tribunal.
S'il n'y a pas audience, à celle du
lendemain. Au besoin le tribunal est
spécialement réuni à cet effet. Les
témoins sont cités directement par la
police.
Enfin, d'après l'article 396 du code
de procédure pénale, la personne
déférée peut demander l'assistance
d'un avocat. Elle a pour cela un délai
de procédure pénale, la personne
déférée peut demander l'assistance
d'un avocat. Elle a pour cela un délai
de trois jours, mais la plupart du
temps, elle ne connaît pas ses droits
et la procédure de garde à vue l'en
empêche.
temps, elle ne connaît pas ses droits
et la procédure de garde à vue l'en
empêche.
L'écoute téléphonique
En France, l'écoute téléphonique
n'est légale que si elle est ordonnée
par commission rogatoire d'un
juge d'instruction. Dans tous les
autres cas, elle est illégale.
n'est légale que si elle est ordonnée
par commission rogatoire d'un
juge d'instruction. Dans tous les
autres cas, elle est illégale.
Son existence est clandestine.
Officieusement donc, c'est un service
de la sécurité militaire qui l'organise.
L'opération est très simple : les fils
du téléphone à surveiller sont connec-
tés avec un réseau de câbles qui relient
les centraux téléphones aux centres
d'enregistrement. Là, les machines
à enregistrer entrent en fonction dès
qu'on soulève l'écouteur du télé-
phone. Contrairement à ce que l'on
pense, on ne peut détecter l'écoute
puisque celle-ci se déclenche avant
même que le récepteur soit porté à
l'oreille. Les déclics ou bruits divers
que l'on entend quelquefois sont des
bruits inhérents au réseau et non le
signe d'une écoute. Une fois la
conversation enregistrée, il s'agit de
la décrypter : c'est là le travail le
plus long et le plus délicat car il ne
s'agit pas de tout décrypter mais HP
choisir ou de faire une synthèse. Ce
doit être, d'autre part, très discret
car l'écoute étant illégale et clandes-
tine, rien ne doit filtrer à l'extérieur.
Officieusement donc, c'est un service
de la sécurité militaire qui l'organise.
L'opération est très simple : les fils
du téléphone à surveiller sont connec-
tés avec un réseau de câbles qui relient
les centraux téléphones aux centres
d'enregistrement. Là, les machines
à enregistrer entrent en fonction dès
qu'on soulève l'écouteur du télé-
phone. Contrairement à ce que l'on
pense, on ne peut détecter l'écoute
puisque celle-ci se déclenche avant
même que le récepteur soit porté à
l'oreille. Les déclics ou bruits divers
que l'on entend quelquefois sont des
bruits inhérents au réseau et non le
signe d'une écoute. Une fois la
conversation enregistrée, il s'agit de
la décrypter : c'est là le travail le
plus long et le plus délicat car il ne
s'agit pas de tout décrypter mais HP
choisir ou de faire une synthèse. Ce
doit être, d'autre part, très discret
car l'écoute étant illégale et clandes-
tine, rien ne doit filtrer à l'extérieur.
Très peu de personnes sont écou-
tées en permanence. Mais, selon les
événements, les conversations télé-
phoniques des personnes qui y jouent
un rôle sont écoutées. Parfois même
pour éviter une perte de temps, les
fonctionnaires de police viennent
écouter directement aux centres
d'enregistrement les conversations
qui les intéressent.
tées en permanence. Mais, selon les
événements, les conversations télé-
phoniques des personnes qui y jouent
un rôle sont écoutées. Parfois même
pour éviter une perte de temps, les
fonctionnaires de police viennent
écouter directement aux centres
d'enregistrement les conversations
qui les intéressent.
IS OffttBS C.R.S. : f'nuge
•èuiif (Tin sigle.
•èuiif (Tin sigle.
Le Syndicat des of Aclen C.R.a
communique :
communique :
* Par ta voix de leur Jfndtaif.
les officier* de* compagnie* ré-
publicaine* de técuritt protettent
contre l'usage abutif du tifle
C-R.S. utilité, de bonne ou de
mauvaise /pi, depuis le début de*
manifestation* d'étudiant* pour
désigner tout membre des force*
de- police participant au rétablit-
tement de l'ordre. En particulier,
il* ne peuvent accepter qu'eux-
mtmes et le* lanctiottnairei qu'il»
commandent soient tfttématique-
ment déconsidéré* par le récit
fetocttont qu'il* n'ont pu eom-
mUei.
les officier* de* compagnie* ré-
publicaine* de técuritt protettent
contre l'usage abutif du tifle
C-R.S. utilité, de bonne ou de
mauvaise /pi, depuis le début de*
manifestation* d'étudiant* pour
désigner tout membre des force*
de- police participant au rétablit-
tement de l'ordre. En particulier,
il* ne peuvent accepter qu'eux-
mtmes et le* lanctiottnairei qu'il»
commandent soient tfttématique-
ment déconsidéré* par le récit
fetocttont qu'il* n'ont pu eom-
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APPRENEZ A LES RECONNAITRE
(SARDIf N Pf IA PAIX MOTARD CARDE MC6IIE CONTRAtMWL CRS SRISADE SPéC\ALf éENPARMP
INSPECTEUR
dessin de Sine (L'enragé n° 2)
57
LA COMMUNE ÉTUDIANTE
* - =-:. .isf^f* .:.P^fr{';'
Après le guet-apens de la Sorbonne,
Jour après Jour,
Jour après Jour,
la violence s'empare du Quartier Latin.
Face aux matraques et aux grenades lacrymogènes,
les manifestants retrouvent spontanément
les gestes de toutes les insurrections :
dépaver les rues, édifier des barricades.
58
4 ."s-ww*. >+ .
'*
' « » ' *
LA COMMUNE ÉTUDIANTE -
Contre les manifestants le policier armé d'un g
fusil lance-grenade s'apprête à tirer de plein *
fouet. Bientôt les matraqueurs vont charger, m
fusil lance-grenade s'apprête à tirer de plein *
fouet. Bientôt les matraqueurs vont charger, m
A.F.P.
•
LA COMMUNE ÉTUDIANTE
A coups de barre à mine les étudiants
dépavent la chaussée. Les chaînes s'orga-
nisent, les barricades s'élèvent.
dépavent la chaussée. Les chaînes s'orga-
nisent, les barricades s'élèvent.
Elle Kagan
LA COMMUNE ÉTUDIANTE
Devant les gaz lacrymogènes et le gaz au
chlore les étudiants se sont repliés. Les
policiers partent à l'assaut des barricades.
chlore les étudiants se sont repliés. Les
policiers partent à l'assaut des barricades.
Lé-Dû
LA COMMUNE
ÉTUDIANTE
ÉTUDIANTE
t
Le jour se lève, la bataille se
termine. Rue Gay-Lussac, les
promeneurs viennent contem-
pler les débris des barricades.
termine. Rue Gay-Lussac, les
promeneurs viennent contem-
pler les débris des barricades.
68
LA COMMUNE
ÉTUDIANTE
ÉTUDIANTE
Les compagnies d'intervention au
travail.
travail.
Spectateur puis acteur, le ""
commissaire en civil rétablit l'ordre.
commissaire en civil rétablit l'ordre.
ilii.
LA GREVE
Du 14 au 18 mai, dix millions de grévistes
se barricadent dans leurs usines.
Revendications insatisfaites,
cadences intolérables, directions policières,
crainte du chômage : le mécontentement gronde.
Il gronde chez Citroën
l'entreprise pénitentiaire,
chez Renault « Ventreprise pilote »,
chez Manpower
le dépotoir de tous les désespérés.
Meeting à Usinor.
"*,i»»****"'
E
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13
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13
i
72
MARDI 14 mai, 17 heures : l'usine Sud-Aviation à
Bouguenais près de Nantes est occupée par ses
deux mille ouvriers. Vendredi 17 mai : la grève avec
occupation d'usines s'est étendue en France comme une
traînée de poudre : Renault, Berliet, Rhodiaceta, Rhône-
Poulenc, Schneider-Lé Creusot, Snecrna, Hispano-Suiza...
La S.N.C.F. stoppe le trafic sur les lignes de la banlieue
parisienne.
Bouguenais près de Nantes est occupée par ses
deux mille ouvriers. Vendredi 17 mai : la grève avec
occupation d'usines s'est étendue en France comme une
traînée de poudre : Renault, Berliet, Rhodiaceta, Rhône-
Poulenc, Schneider-Lé Creusot, Snecrna, Hispano-Suiza...
La S.N.C.F. stoppe le trafic sur les lignes de la banlieue
parisienne.
Lundi 20 mai : la France s'enfonce dans la crise. Dix
millions de travailleurs ont cessé le travail. Même le per-
sonnel du service municipal des pompes funèbres de
Paris est en grève. La crainte de la pénurie provoque la
pénurie : commerçants, banquiers et pompistes sont
dévalisés.
millions de travailleurs ont cessé le travail. Même le per-
sonnel du service municipal des pompes funèbres de
Paris est en grève. La crainte de la pénurie provoque la
pénurie : commerçants, banquiers et pompistes sont
dévalisés.
Tout a commence très simplement. Il y a eu d'abord les
revendications salariales qui ne datent pas d'aujourd'hui.
Il V a eu les barricades, la grève du 13 mai, l'immense
manifestation parisienne. Et surtout il y a eu les jeunes
ouvriers décidés à suivre l'exemple des étudiants et qui
partout ont débordé les cadres syndicaux. Il y a eu encore
les drapeaux rouges sur les usines, la crise politique, les
gaullistes qui ont ressorti la sucette de l'association
capital-travail, les craintifs qui se sont réfugiés dans le
silence, les « socialistes » qui ont promis le socialisme
mais seulement après l'élection d'un beau Parlement de
« gauche ». Il y a eu enfin de Gaulle, le « sauveur », et son
second retour de Colombey en dix ans après cette fois une
rapide tournée des popotes en Allemagne.
revendications salariales qui ne datent pas d'aujourd'hui.
Il V a eu les barricades, la grève du 13 mai, l'immense
manifestation parisienne. Et surtout il y a eu les jeunes
ouvriers décidés à suivre l'exemple des étudiants et qui
partout ont débordé les cadres syndicaux. Il y a eu encore
les drapeaux rouges sur les usines, la crise politique, les
gaullistes qui ont ressorti la sucette de l'association
capital-travail, les craintifs qui se sont réfugiés dans le
silence, les « socialistes » qui ont promis le socialisme
mais seulement après l'élection d'un beau Parlement de
« gauche ». Il y a eu enfin de Gaulle, le « sauveur », et son
second retour de Colombey en dix ans après cette fois une
rapide tournée des popotes en Allemagne.
Comment en est-on arrivé là ? Les documents qui
suivent fournissent un début de réponse à cette question.
Voici trois témoignages exemplaires : Citroen l'entreprise
pénitentiaire, Renault l'entreprise pilote et Manpower, la
super-boîte moderne du travail intérimaire, le dépotoir de
tous les désespérés.
suivent fournissent un début de réponse à cette question.
Voici trois témoignages exemplaires : Citroen l'entreprise
pénitentiaire, Renault l'entreprise pilote et Manpower, la
super-boîte moderne du travail intérimaire, le dépotoir de
tous les désespérés.
L'entreprise pénitenciaire
Quai de favel, rue Balard, rue Saint-Charles, le cœur
de l'empire Citroen, plusieurs dizaines d'hectares d'ate-
liers, de hangars. Chaque jour près de 20.000 ouvriers
— Espagnols, Portugais, Arabes en grande majorité — se
relaient sur les chaînes de montages, produisent sans
discontinuer des « dyanes » et des « DS ». Dès l'entrée,
le ton de la maison est donné : gardiens en uniforme noir,
des chefs de secteurs inspectent les sacs des travailleurs,
veillent à ce que nul tract, nul journal « subversif» ne soit
introduit dans l'usine. Les meneurs, les syndicalistes, les
fortes tètes ne font pas de vieux os dans la maison. Il n'y
a de liberté que pour le syndicat « libre », c'est-à-dire celui
du patron. Sur la chaîne, on dispose habilement les
nationalités. Un Yougoslave, un Portugais, un Français.
On ne discute pas : on ne se comprend pas. Précaution
supplémentaire : les équipes de mouchardage omnipré-
de l'empire Citroen, plusieurs dizaines d'hectares d'ate-
liers, de hangars. Chaque jour près de 20.000 ouvriers
— Espagnols, Portugais, Arabes en grande majorité — se
relaient sur les chaînes de montages, produisent sans
discontinuer des « dyanes » et des « DS ». Dès l'entrée,
le ton de la maison est donné : gardiens en uniforme noir,
des chefs de secteurs inspectent les sacs des travailleurs,
veillent à ce que nul tract, nul journal « subversif» ne soit
introduit dans l'usine. Les meneurs, les syndicalistes, les
fortes tètes ne font pas de vieux os dans la maison. Il n'y
a de liberté que pour le syndicat « libre », c'est-à-dire celui
du patron. Sur la chaîne, on dispose habilement les
nationalités. Un Yougoslave, un Portugais, un Français.
On ne discute pas : on ne se comprend pas. Précaution
supplémentaire : les équipes de mouchardage omnipré-
sentes ; des vestiaires à la cantine, aux toilettes même, il
faut surveiller ses paroles.
faut surveiller ses paroles.
Pourtant ce lundi 20 mai au matin, il va se passer quel-
que chose ; quelque chose d'imprévisible, un boulever-
sement sans précédent dans l'histoire du trust Citroën :
en quelques heures la totalité des ateliers passe aux mains
des travailleurs ; le drapeau rouge, le drapeau des ouvriers
flotte sur toutes les portes de l'usine.
que chose ; quelque chose d'imprévisible, un boulever-
sement sans précédent dans l'histoire du trust Citroën :
en quelques heures la totalité des ateliers passe aux mains
des travailleurs ; le drapeau rouge, le drapeau des ouvriers
flotte sur toutes les portes de l'usine.
Dès le samedi un bruit avait couru, les syndicats C.G.T.
et C.F.D.T. avaient prévenu leurs adhérents — peu nom-
breux — que l'on tenterait quelque chose, après Sud-
Aviation, après Renault, la grève.
et C.F.D.T. avaient prévenu leurs adhérents — peu nom-
breux — que l'on tenterait quelque chose, après Sud-
Aviation, après Renault, la grève.
Lundi matin 5 h 45 rue Balard, gardiens, chefs de secteurs,
contremaîtres sont déjà dans l'usine. Les travailleurs
n'arrivent qu'à partir de 6 heures. Pourtant sur les trot-
toirs des petits groupes sont déjà rassemblés. Mêlés à ces
groupes, une cinquantaine d'étudiants sont venus se
mettre au service des travailleurs. Rapidement les délégués
syndicaux se réunissent. « Si on laisse entrer les gars un à
un, on ne pourra plus les faire arrêter ; une fois à leur
poste, avec le contremaître dans le dos, ils travailleront.
Il faut bloquer l'entrée. On va demander aux étudiants,
qui ne risquent rien du patron, de faire le piquet ». Deux,
trois rangées se forment, au coude à coude, faisant un
solide barrage. Pendant ce temps on a sorti les haut-
parleurs. « Travailleurs ! nous vous demandons de ne pas
prendre le travail aujourd'hui. Depuis des années Citroën
dit non à toutes vos revendications. Tous unis, nous allons
engager la bataille; nous réclamons : 1.000 francs de
salaire minimum, des contrats de travail illimités — c'est-
à-dire la fin des licenciements abusifs, du chantage au
travail — la retraite à 60 ans pour les hommes, à 55 ans
pour les femmes, cinq semaines de congés payés pour les
jeunes de moins de 21 ans, et surtout la liberté syndicale,
la fin de la répression policière chez Citroën ! Trabaja-
dores, todos unidos... »
contremaîtres sont déjà dans l'usine. Les travailleurs
n'arrivent qu'à partir de 6 heures. Pourtant sur les trot-
toirs des petits groupes sont déjà rassemblés. Mêlés à ces
groupes, une cinquantaine d'étudiants sont venus se
mettre au service des travailleurs. Rapidement les délégués
syndicaux se réunissent. « Si on laisse entrer les gars un à
un, on ne pourra plus les faire arrêter ; une fois à leur
poste, avec le contremaître dans le dos, ils travailleront.
Il faut bloquer l'entrée. On va demander aux étudiants,
qui ne risquent rien du patron, de faire le piquet ». Deux,
trois rangées se forment, au coude à coude, faisant un
solide barrage. Pendant ce temps on a sorti les haut-
parleurs. « Travailleurs ! nous vous demandons de ne pas
prendre le travail aujourd'hui. Depuis des années Citroën
dit non à toutes vos revendications. Tous unis, nous allons
engager la bataille; nous réclamons : 1.000 francs de
salaire minimum, des contrats de travail illimités — c'est-
à-dire la fin des licenciements abusifs, du chantage au
travail — la retraite à 60 ans pour les hommes, à 55 ans
pour les femmes, cinq semaines de congés payés pour les
jeunes de moins de 21 ans, et surtout la liberté syndicale,
la fin de la répression policière chez Citroën ! Trabaja-
dores, todos unidos... »
En espagnol, en arabe, les consignes sont données.
Maintenant, ils sont mille, deux mille. Les camions que
le patron a envoyé dans les centres de banlieue déversent
leurs cargaisons d'hommes. Peu nombreux sont ceux qui
cherchent à rentrer ; devant le piquet, ils n'insistent pas.
Dans la cour, les chefs en blouses grises ou complet veston
ricanent, sûrs de leur autorité, ils font signe du doigt à
« leurs » ouvriers de passer par une petite porte, qu'ils
croient tenir ouverte, sur le quai. La grande masse main-
tenant rassemblée, ne dit rien, écoute, déchiffre les tracts,
hésite.
Maintenant, ils sont mille, deux mille. Les camions que
le patron a envoyé dans les centres de banlieue déversent
leurs cargaisons d'hommes. Peu nombreux sont ceux qui
cherchent à rentrer ; devant le piquet, ils n'insistent pas.
Dans la cour, les chefs en blouses grises ou complet veston
ricanent, sûrs de leur autorité, ils font signe du doigt à
« leurs » ouvriers de passer par une petite porte, qu'ils
croient tenir ouverte, sur le quai. La grande masse main-
tenant rassemblée, ne dit rien, écoute, déchiffre les tracts,
hésite.
7 heures : Changement de tactique. Les haut-parleurs
portatifs annoncent : « Tous ensemble, nous allons ren-
trer dans l'usine. Nous ne nous rendrons pas à nos postes
de travail, mais nous déciderons à l'intérieur ce que nous
ferons ». Moment de flottement. Le piquet s'écarte, un
premier groupe se dirige vers la porte. En hâte les gar-
diens tentent maintenant de la fermer. Les rôles sont
inversés. Ouvriers et étudiants poussent de toutes leurs
forces. L'usine ne fermera pas. Un « cadre » qui tentait
de placer un camion en barrage est rapidement expulsé de
portatifs annoncent : « Tous ensemble, nous allons ren-
trer dans l'usine. Nous ne nous rendrons pas à nos postes
de travail, mais nous déciderons à l'intérieur ce que nous
ferons ». Moment de flottement. Le piquet s'écarte, un
premier groupe se dirige vers la porte. En hâte les gar-
diens tentent maintenant de la fermer. Les rôles sont
inversés. Ouvriers et étudiants poussent de toutes leurs
forces. L'usine ne fermera pas. Un « cadre » qui tentait
de placer un camion en barrage est rapidement expulsé de
74
<"--f -•
Xs.-*
Xs.-*
-*t*
la cabine. Déjà les gardiens reculent, vont s'enfermer
dans leurs cages vitrées. Les quelques étudiants, projetés
à l'intérieur, ressortent, mais la masse des ouvriers hésite
encore. Beaucoup se demandent ce qu'ils feront à l'inté-
rieur, s'ils pourront ressortir.
dans leurs cages vitrées. Les quelques étudiants, projetés
à l'intérieur, ressortent, mais la masse des ouvriers hésite
encore. Beaucoup se demandent ce qu'ils feront à l'inté-
rieur, s'ils pourront ressortir.
7 h 30 : « Grenelle est occupé ». La nouvelle arrive à
Balard. C'est le coup de fouet. On commence à crier
« occupation ». La cour pourtant ne se remplit guère.
Balard. C'est le coup de fouet. On commence à crier
« occupation ». La cour pourtant ne se remplit guère.
7 h 4*> : Un petit groupe, mené par les plus jeunes ouvriers
débouche de la rue Saint-Charles. Au coude à coude, ils
scandent « Bercot assassin » et « tous à l'intérieur ». Cette
fois c'est la ruée. Derrière les jeunes, on se bouscule pour
entrer. En quelques minutes deux mille travailleurs sont
à l'intérieur. Javel est occupé. D'autres ateliers restent à
prendre. Les flics maisons ont fermé toutes les portes, se
sont barricadés derrière des containers de pièces, des
chariots.
débouche de la rue Saint-Charles. Au coude à coude, ils
scandent « Bercot assassin » et « tous à l'intérieur ». Cette
fois c'est la ruée. Derrière les jeunes, on se bouscule pour
entrer. En quelques minutes deux mille travailleurs sont
à l'intérieur. Javel est occupé. D'autres ateliers restent à
prendre. Les flics maisons ont fermé toutes les portes, se
sont barricadés derrière des containers de pièces, des
chariots.
S heures : Atelier par atelier, les groupes s'organisent. On
secoue les portes, on bouscule un peu les gardiens. Saint-
Charles cède le premier.
secoue les portes, on bouscule un peu les gardiens. Saint-
Charles cède le premier.
8 h 10 : Le drapeau rouge est hissé sur l'entrée principale
de favel.
de favel.
8 h 30 : L'atelier Gutenberg reste fermé. Les jeunes dis-
cutent. <( C'est notre atelier, on doit l'occuper comme les
autres. » A coup de barre à mine on commence à défoncer
une porte. Un jeune ouvrier fait remarquer à un étudiant :
« Tu vois, quand on appelle ça une tôle, on a raison. Les
portes des prisons ne sont pas plus solides ».
cutent. <( C'est notre atelier, on doit l'occuper comme les
autres. » A coup de barre à mine on commence à défoncer
une porte. Un jeune ouvrier fait remarquer à un étudiant :
« Tu vois, quand on appelle ça une tôle, on a raison. Les
portes des prisons ne sont pas plus solides ».
Au bruit, un « vieux » du syndicat s'approche : « Laissez
tomber, les gars, ça va nous faire des ennuis. On tient déjà
tout le reste. Faut pas trop en vouloir. Allez plutôt dis-
cuter avec ceux d'en face. D'accord ? » Mutisme absolu.
Il repart. Cinq minutes après la grille d'une fenêtre est
dessoudée. Un par un les ouvriers se glissent à l'intérieur,
courent au poste de commande électrique des portes.
C'est la victoire. Les deux grands battants coulissants
s'écartent. L'enthousiasme éclate, on applaudit, on crie.
« On a pris la Bastille » hurle un jeune. De main en main
un drapeau rouge est porté à la tête du cortège. Enthou-
siasme, mais aussi gravité ; en ordre, les ouvriers — pour
la première fois — passent le seuil de l'usine comme une
victoire.
tomber, les gars, ça va nous faire des ennuis. On tient déjà
tout le reste. Faut pas trop en vouloir. Allez plutôt dis-
cuter avec ceux d'en face. D'accord ? » Mutisme absolu.
Il repart. Cinq minutes après la grille d'une fenêtre est
dessoudée. Un par un les ouvriers se glissent à l'intérieur,
courent au poste de commande électrique des portes.
C'est la victoire. Les deux grands battants coulissants
s'écartent. L'enthousiasme éclate, on applaudit, on crie.
« On a pris la Bastille » hurle un jeune. De main en main
un drapeau rouge est porté à la tête du cortège. Enthou-
siasme, mais aussi gravité ; en ordre, les ouvriers — pour
la première fois — passent le seuil de l'usine comme une
victoire.
9 heures : Toute l'usine est occupée. C'est la joie, la fête.
« Enfin, c'est vrai que nous sommes les plus forts. » Les
services d'ordre s'organisent. On fait circuler les voitures,
chahutant au passage les chefs et les contremaîtres qui ne
sont pas au courant et viennent « travailler ». Crispés sur
leur volant, ils sont pâles, très pâles. On a envie de rire
aussi. On parle aux passants, déjà on raconte. Ces gens
fatigués dès le matin, ces gens pressés qui courent dans les
couloirs du métro, ces gens qui ne parlent pas parce qu'ils
ne comprennent pas notre langue, les ouvriers, savent
qu'aujourd'hui quelque chose a changé, que d'autres
choses vont changer. On est fort. On ira jusqu'au bout.
« Enfin, c'est vrai que nous sommes les plus forts. » Les
services d'ordre s'organisent. On fait circuler les voitures,
chahutant au passage les chefs et les contremaîtres qui ne
sont pas au courant et viennent « travailler ». Crispés sur
leur volant, ils sont pâles, très pâles. On a envie de rire
aussi. On parle aux passants, déjà on raconte. Ces gens
fatigués dès le matin, ces gens pressés qui courent dans les
couloirs du métro, ces gens qui ne parlent pas parce qu'ils
ne comprennent pas notre langue, les ouvriers, savent
qu'aujourd'hui quelque chose a changé, que d'autres
choses vont changer. On est fort. On ira jusqu'au bout.
La joie et l'enthousiasme du premier jour, s'ils se cal-
ment après une nuit de veille, ne disparaîtront pas.
ment après une nuit de veille, ne disparaîtront pas.
Devant l'usine Citroen.
75
L'annonce de chaque nouvelle usine occupée vient ren-
forcer une certitude : la classe ouvrière est sur une posi-
tion de force. On veut savoir comment les choses se
passent ailleurs. « A Sud-Aviation, ils ont soudé le direc-
teur dans son bureau. » « A Renault c'est comme ici, ce
sont les jeunes qui ont mis le paquet. » Tandis que les
tours de rôle s'organisent, que l'on pend Bercot en effigie
à la porte des ateliers, les travailleurs pour la première
fois circulent librement dans leur usine. Aux étudiants,
aux habitants du quartier qui sont venus se mettre au
sen'ice de la lutte, on raconte les conditions de travail, les
mutations sans raisons, les brimades. Des tracts s'éla-
borent en commun qui seront distribués sur les marchés.
« II faut s'adresser aux travailleurs étrangers, les entraîner
avec nous », insistent les jeunes auprès des délégués.
« C'est normal qu'ils aient peur : un Portugais, s'il est
renvoyé dans son pays, il sait ce qui l'attend : sept ans
de guerre coloniale en Angola, la prison s'il a participé à
la grève. » Une véritable avant-garde se constitue, qui
exige le droit à la parole, qui ne ménage pas ses critiques
à l'égard de telle déclaration du secrétaire général de la
C.G.T. Très vite, dans les jours qui suivent, on parle
politique. « Ce qu'il faut, c'est un autre gouvernement.
forcer une certitude : la classe ouvrière est sur une posi-
tion de force. On veut savoir comment les choses se
passent ailleurs. « A Sud-Aviation, ils ont soudé le direc-
teur dans son bureau. » « A Renault c'est comme ici, ce
sont les jeunes qui ont mis le paquet. » Tandis que les
tours de rôle s'organisent, que l'on pend Bercot en effigie
à la porte des ateliers, les travailleurs pour la première
fois circulent librement dans leur usine. Aux étudiants,
aux habitants du quartier qui sont venus se mettre au
sen'ice de la lutte, on raconte les conditions de travail, les
mutations sans raisons, les brimades. Des tracts s'éla-
borent en commun qui seront distribués sur les marchés.
« II faut s'adresser aux travailleurs étrangers, les entraîner
avec nous », insistent les jeunes auprès des délégués.
« C'est normal qu'ils aient peur : un Portugais, s'il est
renvoyé dans son pays, il sait ce qui l'attend : sept ans
de guerre coloniale en Angola, la prison s'il a participé à
la grève. » Une véritable avant-garde se constitue, qui
exige le droit à la parole, qui ne ménage pas ses critiques
à l'égard de telle déclaration du secrétaire général de la
C.G.T. Très vite, dans les jours qui suivent, on parle
politique. « Ce qu'il faut, c'est un autre gouvernement.
Ceux-là nous reprendront d'une main ce qu'ils nous
donneront de l'autre. » Pourtant la propagande des partis
traditionnels a peu de prise. Bien sûr, on achète Y Huma
pour s'informer. Mais on reste un peu sur sa faim.
« Beaucoup de discours, des interventions au Parlement,
pas grand chose sur les usines. » « Mitterrand n'inspire
guère confiance. » « Dans le fond ils se ressemblent tous. »
donneront de l'autre. » Pourtant la propagande des partis
traditionnels a peu de prise. Bien sûr, on achète Y Huma
pour s'informer. Mais on reste un peu sur sa faim.
« Beaucoup de discours, des interventions au Parlement,
pas grand chose sur les usines. » « Mitterrand n'inspire
guère confiance. » « Dans le fond ils se ressemblent tous. »
On ne propose pas de solution et on l'avoue: « Un gou-
vernement populaire, un gouvernement qui se ferait avec
nous, avec l'unité que nous avons faite à la base ». « Au-
jourd'hui, tout ce que nous savons, c'est qu'il ne faut pas
céder. » « Des « vieux » qui ont vu 36 affirment que le
mouvement d'aujourd'hui est encore plus fort : « II fau-
dra aussi que ça aille plus loin ».
vernement populaire, un gouvernement qui se ferait avec
nous, avec l'unité que nous avons faite à la base ». « Au-
jourd'hui, tout ce que nous savons, c'est qu'il ne faut pas
céder. » « Des « vieux » qui ont vu 36 affirment que le
mouvement d'aujourd'hui est encore plus fort : « II fau-
dra aussi que ça aille plus loin ».
La vie dans l'usine s'organise. On assure le service de
la cantine, l'infirmerie est transformée en dortoir. Quand
c'est complet, les jeunes ouvriers se paient une DS. « Tu
te rends compte, on dort dans une DS, c'est rudement
confortable et depuis le temps qu'on les voit passer. »
Les loisirs s'organisent également, troupes de théâtre,
chanteurs, films. Enfin on se tient prêt à recevoir ceux
qui, sur ordre du patron ou du ministre de l'Intérieur,
voudraient forcer les piquets de grève.
la cantine, l'infirmerie est transformée en dortoir. Quand
c'est complet, les jeunes ouvriers se paient une DS. « Tu
te rends compte, on dort dans une DS, c'est rudement
confortable et depuis le temps qu'on les voit passer. »
Les loisirs s'organisent également, troupes de théâtre,
chanteurs, films. Enfin on se tient prêt à recevoir ceux
qui, sur ordre du patron ou du ministre de l'Intérieur,
voudraient forcer les piquets de grève.
L'essentiel pourtant, c'est le résultat. Opprimés et
réprimés, les ouvriers de chez Citroen ne veulent pas
avoir fait la grève pour rien et ils le disent : « Nous ne
reprendrons pas le travail si on ne répond pas à toutes
nos revendications ». C'est ce qu'ils ont clairement fait
sentir aux responsables syndicaux venus leur exposer les
résultats des négociations avec le gouvernement, un
« non » catégorique, aussi catégorique que celui qui fut
opposé par les ouvriers de Renault à MM. Séguy et
Frachon, les incitant d'ailleurs à ne pas retenter l'expé-
rience chez Citroen.
réprimés, les ouvriers de chez Citroen ne veulent pas
avoir fait la grève pour rien et ils le disent : « Nous ne
reprendrons pas le travail si on ne répond pas à toutes
nos revendications ». C'est ce qu'ils ont clairement fait
sentir aux responsables syndicaux venus leur exposer les
résultats des négociations avec le gouvernement, un
« non » catégorique, aussi catégorique que celui qui fut
opposé par les ouvriers de Renault à MM. Séguy et
Frachon, les incitant d'ailleurs à ne pas retenter l'expé-
rience chez Citroen.
Nul ne sait aujourd'hui quelle sera l'issue de la crise,
et moins que tous les autres, les membres des appareils
syndicaux et politiques qui multiplient les mises en gardes,
les tentatives pour canaliser un mouvement qui visible-
ment les dépasse. La seule certitude, le seul fait tangible,
indéniable c'est que de cette masse que l'on disait inté-
grée, moutonnière, sont sortis des éléments d'avant-garde,
dont la prise de conscience est irréversible. A Renault, à
Citroen, dans des dizaines d'usines, la classe ouvrière a
retrouvé quelque chose : sa conscience. Et dans les piquets
de grève il est un mot qui ne fait plus sourire personne :
c'est le mot révolution.
et moins que tous les autres, les membres des appareils
syndicaux et politiques qui multiplient les mises en gardes,
les tentatives pour canaliser un mouvement qui visible-
ment les dépasse. La seule certitude, le seul fait tangible,
indéniable c'est que de cette masse que l'on disait inté-
grée, moutonnière, sont sortis des éléments d'avant-garde,
dont la prise de conscience est irréversible. A Renault, à
Citroen, dans des dizaines d'usines, la classe ouvrière a
retrouvé quelque chose : sa conscience. Et dans les piquets
de grève il est un mot qui ne fait plus sourire personne :
c'est le mot révolution.
L'entreprise pilote
Samedi 18 mai, 2 heures du matin. Renault, Boulogne-Billan-
court, l'avant-garde du prolétariat, le bastion de la C.G.T.
Des murs gris, une prison peut-être, de lourdes grilles ;
les prolos, baluchon de toutes les couleurs, de toutes les
nationalités discutent partout. Des vieux qui parlent de 36.
Des jeunes.
court, l'avant-garde du prolétariat, le bastion de la C.G.T.
Des murs gris, une prison peut-être, de lourdes grilles ;
les prolos, baluchon de toutes les couleurs, de toutes les
nationalités discutent partout. Des vieux qui parlent de 36.
Des jeunes.
Ce soir, entre deux barreaux, emmitouflé dans une
couverture, un jeune gars qui monte la garde, juché sur
un tas de pièces détachées, derrière la porte coulissante
de l'usine, nous dit : « Ici, c'est l'esclavage. On est pire
que des bêtes. Il faut que ça chanee. »
couverture, un jeune gars qui monte la garde, juché sur
un tas de pièces détachées, derrière la porte coulissante
de l'usine, nous dit : « Ici, c'est l'esclavage. On est pire
que des bêtes. Il faut que ça chanee. »
II fait partie du noyau initial de ceux qui en ont eu
marre, de ceux qui ont dit : « Les gars, on débraye », au
mépris de toutes les consignes. Aujourd'hui, ils ont gagné,
ou presque. Le drapeau rouge flotte sur l'usine, la France
s'est mise en grève, la politique a suivi.
marre, de ceux qui ont dit : « Les gars, on débraye », au
mépris de toutes les consignes. Aujourd'hui, ils ont gagné,
ou presque. Le drapeau rouge flotte sur l'usine, la France
s'est mise en grève, la politique a suivi.
Les langues commencent à se délier. Des hommes, sou-
vent les plus jeunes, accusent. Ils ne savent pas parler un
français châtié mais, comme ils le disent, « On a gros sur
le ventre ». Ils parlent alors des suicides de l'atelier 14 de
Boulogne-Billancourt, où paraît-il « l'encadrement s'y
conduit comme de vrais nazis », de l'exploitation générale
des jeunes payés 400 NF par mois pour neuf heures et
demi de travail six jours sur sept, des chômeurs qui trou-
vent les portes fermées, des mille et une humiliations
ressenties dans les usines, du désespoir, du patron poli-
cier, ce type bien habillé qui déclare à la télévision au
nom du C.N.P.F. que chacun doit prendre ses respon-
sabilités, que le chef d'entreprise fera tout pour l'ouvrier,
ou à Radio-Luxembourg que toute la crise est due... à
une trop forte centralisation.
vent les plus jeunes, accusent. Ils ne savent pas parler un
français châtié mais, comme ils le disent, « On a gros sur
le ventre ». Ils parlent alors des suicides de l'atelier 14 de
Boulogne-Billancourt, où paraît-il « l'encadrement s'y
conduit comme de vrais nazis », de l'exploitation générale
des jeunes payés 400 NF par mois pour neuf heures et
demi de travail six jours sur sept, des chômeurs qui trou-
vent les portes fermées, des mille et une humiliations
ressenties dans les usines, du désespoir, du patron poli-
cier, ce type bien habillé qui déclare à la télévision au
nom du C.N.P.F. que chacun doit prendre ses respon-
sabilités, que le chef d'entreprise fera tout pour l'ouvrier,
ou à Radio-Luxembourg que toute la crise est due... à
une trop forte centralisation.
Robert, 25 ans, témoigne : « 441.000 francs pour aller
au Mexique ! C'est donné. Allons-y avec ma femme, mes
gosses. C'est chouette le soleil, le Mexique, 441.000 francs
rien que ça, on va aller au soleil. Voilà ce que j'ai lu sur
une affiche : ça me fait marrer, parce que la plupart de
mes camarades ne gagnent pas plus de 38.000 francs par
quinzaine.
au Mexique ! C'est donné. Allons-y avec ma femme, mes
gosses. C'est chouette le soleil, le Mexique, 441.000 francs
rien que ça, on va aller au soleil. Voilà ce que j'ai lu sur
une affiche : ça me fait marrer, parce que la plupart de
mes camarades ne gagnent pas plus de 38.000 francs par
quinzaine.
76
On nous a donné une quatrième semaine de congés
pavés. C'est bien joli, mais on ne nous a pas donné le
fric pour partir. Alors la plupart restent chez eux. D'autres
vont voir leur famille, leur oncle, leur tante en province.
Un copain, lui, est resté les quatre semaines chez lui, et
il s'est offert la télévision.
pavés. C'est bien joli, mais on ne nous a pas donné le
fric pour partir. Alors la plupart restent chez eux. D'autres
vont voir leur famille, leur oncle, leur tante en province.
Un copain, lui, est resté les quatre semaines chez lui, et
il s'est offert la télévision.
L'année dernière, ils nous ont laissé partir en juillet.
Ça, ils ne le recommenceront plus : ils ont eu un ralen-
tissement de la production au moment où on leur a
demandé un tas de voitures, jamais on n'en avait demandé
autant. Résultat, les vacances en juillet, c'est terminé.
Ça, ils ne le recommenceront plus : ils ont eu un ralen-
tissement de la production au moment où on leur a
demandé un tas de voitures, jamais on n'en avait demandé
autant. Résultat, les vacances en juillet, c'est terminé.
Ecoule, moi, après le boulot, je suis trop claqué. J'en
ai marre. Je rentre chez moi : deux heures de trajet,
j'habite à Trappes. Je n'ai même pas la télé, pour y voir
les saloperies qu'on y présente. Non, j'arrive, je bouffe et
je me couche. Les maisons de la culture, les spectacles
culturels, c'est bien joli, mais, et les copains sont tous
comme moi, on est trop fatigués.
ai marre. Je rentre chez moi : deux heures de trajet,
j'habite à Trappes. Je n'ai même pas la télé, pour y voir
les saloperies qu'on y présente. Non, j'arrive, je bouffe et
je me couche. Les maisons de la culture, les spectacles
culturels, c'est bien joli, mais, et les copains sont tous
comme moi, on est trop fatigués.
Parce qu'on boulonne à Renault. Comme des dingues.
Une vraie boîte policière. Faut avoir sur soi constam-
ment sa carte d'identité, des gars de la volante nous la
demandent chaque lois qu'on fait un mètre. Et pas ques-
tion de lever la voix, de siffler, ou de dire quelque chose
au contremaître. Ce serait la porte et terminé. A la chaîne,
ils mettent des gars de nationalité différente pour qu'ils
ne se parlent pas, un Français, un Noir, un Nord Afri-
cain, un Espagnol, un Portugais et ainsi de suite. Silence,
on tourne. Pendant huit heures. Et pour aller aux toilet-
tes, c'est tout un travail. Nous, on boulonne comme des
dingues : produire, produire, produire. Alors, ce que je
ne comprends pas, c'est pourquoi il y en a d'autres qui
gagnent plus ou la même chose et qui se tournent les
pouces. Parce que je suis allé dans des bureaux, et tu me
diras pas qu'ils ne se tournent pas les pouces là-bas quand
on voit ce qu'on exige de nous.
Une vraie boîte policière. Faut avoir sur soi constam-
ment sa carte d'identité, des gars de la volante nous la
demandent chaque lois qu'on fait un mètre. Et pas ques-
tion de lever la voix, de siffler, ou de dire quelque chose
au contremaître. Ce serait la porte et terminé. A la chaîne,
ils mettent des gars de nationalité différente pour qu'ils
ne se parlent pas, un Français, un Noir, un Nord Afri-
cain, un Espagnol, un Portugais et ainsi de suite. Silence,
on tourne. Pendant huit heures. Et pour aller aux toilet-
tes, c'est tout un travail. Nous, on boulonne comme des
dingues : produire, produire, produire. Alors, ce que je
ne comprends pas, c'est pourquoi il y en a d'autres qui
gagnent plus ou la même chose et qui se tournent les
pouces. Parce que je suis allé dans des bureaux, et tu me
diras pas qu'ils ne se tournent pas les pouces là-bas quand
on voit ce qu'on exige de nous.
Sans compter la bureaucratie. Un copain s'est blessé
au doigt il y a quelques jours. Il était huit heures et demie.
Il n'est entré à l'infirmerie qu'à onze heures. Les pape-
rasses, le contremaître, bureau un, bureau deux, on en
finit plus. Pendant ce temps, le gars, il souffrait.
au doigt il y a quelques jours. Il était huit heures et demie.
Il n'est entré à l'infirmerie qu'à onze heures. Les pape-
rasses, le contremaître, bureau un, bureau deux, on en
finit plus. Pendant ce temps, le gars, il souffrait.
Non, les jeunes comme moi, ils en ont marre. Ce qu'on
veut, c'est la part du gâteau. C'est normal, non!' On tra-
vaille, donc on veut la part du gâteau. Les vieux syndiqués
nous disent qu'on est des jeunots, qu'on a pas vu 1936,
ah ! 1936, attendre, attendre les consignes du syndicat,
et on se lait toujours avoir. Les syndicats veulent tout
contrôler, mais ils ne font rien. Tiens, il y a une prime
de non gréviste. C'est impôt tant. Ça chiffre entre 400 et
600 F. Aux premières neuf heures de.grève, on nous
enlève 20 % de la prime. Ensuite, c'est 40 %, 60 % etc.
Alors les syndicats s'arrangent pour qu'on stoppe le tra-
vail 8 h 35, 8 h 55. Et ils nous demandent d'attendre un
trimestre pour recommencer.
veut, c'est la part du gâteau. C'est normal, non!' On tra-
vaille, donc on veut la part du gâteau. Les vieux syndiqués
nous disent qu'on est des jeunots, qu'on a pas vu 1936,
ah ! 1936, attendre, attendre les consignes du syndicat,
et on se lait toujours avoir. Les syndicats veulent tout
contrôler, mais ils ne font rien. Tiens, il y a une prime
de non gréviste. C'est impôt tant. Ça chiffre entre 400 et
600 F. Aux premières neuf heures de.grève, on nous
enlève 20 % de la prime. Ensuite, c'est 40 %, 60 % etc.
Alors les syndicats s'arrangent pour qu'on stoppe le tra-
vail 8 h 35, 8 h 55. Et ils nous demandent d'attendre un
trimestre pour recommencer.
Ça nous démangeait de parler avec des étudiants.
Jusqu'à lundi, les syndicats nous disaient clans des tracts
qu'ils étaient des rigolos. Et puis, lundi, bravo les étu-
Jusqu'à lundi, les syndicats nous disaient clans des tracts
qu'ils étaient des rigolos. Et puis, lundi, bravo les étu-
diants, manifestez avec les étudiants. Ça nous a mis la
puce à l'oreille. On a vu comme ils ont combattu et ce
qu'ils ont obtenu. C'était efficace. Les voitures brûlées,
les dégâts matériels, ça n'a pas d'importance : on ne fait
pas d'omelette sans casser des œufs. On serait toujours
dans la panade s'il n'y avait pas eu les barricades.
puce à l'oreille. On a vu comme ils ont combattu et ce
qu'ils ont obtenu. C'était efficace. Les voitures brûlées,
les dégâts matériels, ça n'a pas d'importance : on ne fait
pas d'omelette sans casser des œufs. On serait toujours
dans la panade s'il n'y avait pas eu les barricades.
Aux ateliers, les jeunes parlaient de cela. On disait :
ce Ils sont gonflés, les étudiants. » Et puis on a vu qu'ils
manifestaient pour nous. Alors on s'est dit que quelque
chose n'allait pas du côté des syndicats. Jeudi après-midi,
à l'atelier 70, un jeune gars a dit : « J'en ai marre. » Et
il a débrayé, ce T'es pas fou ? », lui a dit le voisin, ce Allez
viens ». Les autres ont suivi. L'atelier a débrayé. La nou-
velle est passée partout. « Les gars débrayent. » De chaîne
à chaîne, de poste à poste, atelier 72 - 73, là-bas ici, par-
tout. Les vieux disaient qu'il fallait attendre les consignes
du syndicat. Attendre, attendre ! En une demi-heure, tout
Boulogne-Billancourt débrayait. On décidait d'occuper
les locaux, comme les étudiants. Les syndicats ont dû
suivre. Ils nous ont alors dit : ce Ne laissez pas entrer les
étudiants à l'usine, ils vont tout casser. » Moi, je crois que
ce n'est pas vrai. Je crois au contraire qu'il faudrait les
laisser entrer et discuter avec eux, mais les syndicats ont
peur que cela se retourne contre eux.
ce Ils sont gonflés, les étudiants. » Et puis on a vu qu'ils
manifestaient pour nous. Alors on s'est dit que quelque
chose n'allait pas du côté des syndicats. Jeudi après-midi,
à l'atelier 70, un jeune gars a dit : « J'en ai marre. » Et
il a débrayé, ce T'es pas fou ? », lui a dit le voisin, ce Allez
viens ». Les autres ont suivi. L'atelier a débrayé. La nou-
velle est passée partout. « Les gars débrayent. » De chaîne
à chaîne, de poste à poste, atelier 72 - 73, là-bas ici, par-
tout. Les vieux disaient qu'il fallait attendre les consignes
du syndicat. Attendre, attendre ! En une demi-heure, tout
Boulogne-Billancourt débrayait. On décidait d'occuper
les locaux, comme les étudiants. Les syndicats ont dû
suivre. Ils nous ont alors dit : ce Ne laissez pas entrer les
étudiants à l'usine, ils vont tout casser. » Moi, je crois que
ce n'est pas vrai. Je crois au contraire qu'il faudrait les
laisser entrer et discuter avec eux, mais les syndicats ont
peur que cela se retourne contre eux.
Je n'ai pas fait d'études. Alors, je ne sais pas parler.
J'ai honte; j'ai peur d'aller à la Sorbonne. Et pourtant
les étudiants que j'ai rencontré m'ont semblé sympa. Pas
du tout les provocateurs dont parlent les syndicats. J'ai
suivi l'école d'apprentissage de Renault. Il n'y a que
200 places pour plus de 1.500 demandes. On élimine ceux
qui habitent trop loin, ceux qui sont en mauvaise santé.
Et à la sortie, il y en a qui gagnent seulement 1,74 F de
l'heure. La direction est rusée : elle emploie plein de
jeunes qu'elle sous-paye, avant qu'ils partent au service
ou foutent le camp écœurés. Cette fois-ci, ça s'est retourné
contre eux. »
J'ai honte; j'ai peur d'aller à la Sorbonne. Et pourtant
les étudiants que j'ai rencontré m'ont semblé sympa. Pas
du tout les provocateurs dont parlent les syndicats. J'ai
suivi l'école d'apprentissage de Renault. Il n'y a que
200 places pour plus de 1.500 demandes. On élimine ceux
qui habitent trop loin, ceux qui sont en mauvaise santé.
Et à la sortie, il y en a qui gagnent seulement 1,74 F de
l'heure. La direction est rusée : elle emploie plein de
jeunes qu'elle sous-paye, avant qu'ils partent au service
ou foutent le camp écœurés. Cette fois-ci, ça s'est retourné
contre eux. »
Les demi-soldes du prolétariat
Manpower, lundi 20 mai, la puissance de l'homme, la super
boîte moderne avec son entrée au luxe abstrait destiné à
inspirer confiance au patron. Pour le moment, le patron,
cravate, petit mouchoir, brillant, pimpant, frappe, ou
plutôt martèle la porte en criant : « Mais enfin, c'est chez
nous ici ! » Tandis que quatre jeunes, de l'autre côté, lui
répondent : « C'est fini. On veut plus de pion. On a mûri.
On a grandi. Plus de pion. » Qjuatre ouvriers qui en ont
marre, quatre ce enragés » décidés, comme ils le disent, à
en finir avec leur condition d'esclave. Et quelques étu-
diants arrivés à l'aube avec qui ils fraternisent. Cigarettes,
bière. Le vocabulaire est différent, mais cela ne compte
plus. L'orthographe et les bonnes manières se sont réfu-
boîte moderne avec son entrée au luxe abstrait destiné à
inspirer confiance au patron. Pour le moment, le patron,
cravate, petit mouchoir, brillant, pimpant, frappe, ou
plutôt martèle la porte en criant : « Mais enfin, c'est chez
nous ici ! » Tandis que quatre jeunes, de l'autre côté, lui
répondent : « C'est fini. On veut plus de pion. On a mûri.
On a grandi. Plus de pion. » Qjuatre ouvriers qui en ont
marre, quatre ce enragés » décidés, comme ils le disent, à
en finir avec leur condition d'esclave. Et quelques étu-
diants arrivés à l'aube avec qui ils fraternisent. Cigarettes,
bière. Le vocabulaire est différent, mais cela ne compte
plus. L'orthographe et les bonnes manières se sont réfu-
77
giées chez le cadre d'une trentaine d'années, le « monsieur
sorti d'une grande école », encore impeccable malgré la
nuit blanche passée à observer dans la boîte. Il n'est pas
tout à fait d'accord, mais, pour la première fois, comme
beaucoup, comme nous, il découvre des hommes que
pourtant il voyait chaque jour.
sorti d'une grande école », encore impeccable malgré la
nuit blanche passée à observer dans la boîte. Il n'est pas
tout à fait d'accord, mais, pour la première fois, comme
beaucoup, comme nous, il découvre des hommes que
pourtant il voyait chaque jour.
Il a chu dans l'enfer des travailleurs. Il était bien placé :
Manpower, cette boîte de travail intérimaire, n'est-ce pas
un peu le dépotoir de tous les désespérés, de tous ceux
qui n'ont pas réussi à trouver un travail stable ? Et les
ouvriers qui, dès l'aube, commencent à arriver pour se
heurter à une porte close et retournent chez eux en lisant
le tract que leur distribue un des grévistes, ont tous le
regard bas, un peu hagard. Alain, 22 ans, a commencé
à espérer.
Manpower, cette boîte de travail intérimaire, n'est-ce pas
un peu le dépotoir de tous les désespérés, de tous ceux
qui n'ont pas réussi à trouver un travail stable ? Et les
ouvriers qui, dès l'aube, commencent à arriver pour se
heurter à une porte close et retournent chez eux en lisant
le tract que leur distribue un des grévistes, ont tous le
regard bas, un peu hagard. Alain, 22 ans, a commencé
à espérer.
« Ici, on fait du travail intérimaire. Parfois, on reste
dans une boîte pendant une semaine, un mois, un an
même. On fait n'importe quoi. On a besoin d'un ma-
nœuvre, on devient manœuvre ; d'un magasinier, on de-
vient magasinier. Parfois, on vient le matin, on attend une-
heure, deux heures, trois heures, pour rien du tout. Ça
arrive fréquemment. Pour les types qui sont mariés et
qui ont une famille à nourrir, il y a des frais de dépla-
cement et tout. Jamais remboursés. Quand on va dans
les entreprises, on ne nous traite pas comme les autres.
On paye la cantine quatre cents balles, les autres la payent
deux cent cinquante balles. Comme au Bazar de l'Hôtel
de Ville, par exemple.
dans une boîte pendant une semaine, un mois, un an
même. On fait n'importe quoi. On a besoin d'un ma-
nœuvre, on devient manœuvre ; d'un magasinier, on de-
vient magasinier. Parfois, on vient le matin, on attend une-
heure, deux heures, trois heures, pour rien du tout. Ça
arrive fréquemment. Pour les types qui sont mariés et
qui ont une famille à nourrir, il y a des frais de dépla-
cement et tout. Jamais remboursés. Quand on va dans
les entreprises, on ne nous traite pas comme les autres.
On paye la cantine quatre cents balles, les autres la payent
deux cent cinquante balles. Comme au Bazar de l'Hôtel
de Ville, par exemple.
Nous, à Manpower, on nous prend pour des esclaves.
J'ai un copain qu'on a envoyé dans un laboratoire pour
être garçon de labo. Quand il est arrivé, on lui a fait
nettoyer deux cents poubelles. Ensuite, on lui a fait couper
les têtes des souris. Nous n'avons aucune spécialité. Si
nous gueulons, le patron téléphone à Manpower et on
nous met à la porte.
J'ai un copain qu'on a envoyé dans un laboratoire pour
être garçon de labo. Quand il est arrivé, on lui a fait
nettoyer deux cents poubelles. Ensuite, on lui a fait couper
les têtes des souris. Nous n'avons aucune spécialité. Si
nous gueulons, le patron téléphone à Manpower et on
nous met à la porte.
On n'a pas de délégués syndicaux, on a personne pour
nous défendre. On se défend nous-mêmes. C'est pour ça
qu'on a fermé la maison hier. On l'a pris à quatre. Ven-
dredi, on était vingt-cinq. On est allé à la sorbonne. On
ne savait pas quoi faire. Les étudiants nous ont aidés. Ils
nous ont mis en rapport avec la C.F.D.T. et imprimé des
tracts. On a décidé alors de faire la grève.
nous défendre. On se défend nous-mêmes. C'est pour ça
qu'on a fermé la maison hier. On l'a pris à quatre. Ven-
dredi, on était vingt-cinq. On est allé à la sorbonne. On
ne savait pas quoi faire. Les étudiants nous ont aidés. Ils
nous ont mis en rapport avec la C.F.D.T. et imprimé des
tracts. On a décidé alors de faire la grève.
Impossible de trouver un emploi stable à l'heure
actuelle. Moi, j'ai été obligé de me rabattre sur Manpower
pour gagner un peu d'argent. J'en ai même vu aller
chercher les petites annonces de France-Soir à l'imprimerie
dès neuf heures du matin. Sans grand espoir. On se
pointe dans une maison : il est neuf heures et demie, dix
ouvriers font la queue. Le patron nous reçoit. Il nous
voit tous. Il se dit : on va leur filer quarante cinq mille
francs par mois. Parfois, des Portugais, des Arabes, des
Turcs se ramènent. Ils demandent la moitié. Terminé.
actuelle. Moi, j'ai été obligé de me rabattre sur Manpower
pour gagner un peu d'argent. J'en ai même vu aller
chercher les petites annonces de France-Soir à l'imprimerie
dès neuf heures du matin. Sans grand espoir. On se
pointe dans une maison : il est neuf heures et demie, dix
ouvriers font la queue. Le patron nous reçoit. Il nous
voit tous. Il se dit : on va leur filer quarante cinq mille
francs par mois. Parfois, des Portugais, des Arabes, des
Turcs se ramènent. Ils demandent la moitié. Terminé.
Quand j'avais dix-sept ans, on me disait que j'étais
trop jeune pour avoir un emploi. Quand j'ai eu dix-huit
ans, on a pas voulu me prendre parce que j'allais partir
à l'armée. Après l'armée, j'ai cherché du boulot. A cette
époque-là, avec le chômage, il était impossible de trouver
du boulot.
trop jeune pour avoir un emploi. Quand j'ai eu dix-huit
ans, on a pas voulu me prendre parce que j'allais partir
à l'armée. Après l'armée, j'ai cherché du boulot. A cette
époque-là, avec le chômage, il était impossible de trouver
du boulot.
78
. * * *
, %, «*PS|
w
Meeting à Renault.
A Manpower, tout dépend des boîtes où l'on tombe.
Si l'on tombe dans des boîtes qui font quarante heures
par semaine, quarante heures à 3,75 francs de l'heure, ça
fait cent cinquante francs par semaine. Comment peut-
on vivre avec ça ?
Si l'on tombe dans des boîtes qui font quarante heures
par semaine, quarante heures à 3,75 francs de l'heure, ça
fait cent cinquante francs par semaine. Comment peut-
on vivre avec ça ?
Les patrons profitent des jeunes. Mon frère a dix-sept
ans. Il est allé à la Formation professionnelle des adultes
(F.P.A.) pour apprendre un métier. Bon. Il subit un test,
un examen psycho-technique aussi. On lui dit qu'il sera
monteur ou câbleur. On lui dit aussi d'aller chez un
patron. Là, il apprendra mieux que dans un centre. Ce
sera bien payé. Il est content. Il court chez un patron. Il
attend une heure entière. Le patron le reçoit et lui pose
une question : « Que savez-vous faire ? » Effondré, mon
frère retourne à la F.P.A. Il dit qu'il lui faut du boulot,
ans. Il est allé à la Formation professionnelle des adultes
(F.P.A.) pour apprendre un métier. Bon. Il subit un test,
un examen psycho-technique aussi. On lui dit qu'il sera
monteur ou câbleur. On lui dit aussi d'aller chez un
patron. Là, il apprendra mieux que dans un centre. Ce
sera bien payé. Il est content. Il court chez un patron. Il
attend une heure entière. Le patron le reçoit et lui pose
une question : « Que savez-vous faire ? » Effondré, mon
frère retourne à la F.P.A. Il dit qu'il lui faut du boulot,
très vite. Les gens de la F.P.A. lui disent qu'ils l'avertiront.
Ils l'avertissent : une vieille dame demande un commis à
quarante mille francs par mois. Mon frère se dit : j'ai
besoin d'argent, quarante mille francs, c'est bon. Il va
voir la patronne, il rentre dans la boîte le 25 novembre
1965, il en est reparti le 17 mars 1967. Le matin il fallait
qu'il arrive à sept heures devant la boutique qui ouvrait
à huit heures. Il rentrait les caisses, il sortait les caisses,
il faisait les livraisons à une borne. Tout ça pour quarante
mille francs, neuf heures par jour du mardi au dimanche
matin. Il n'était payé que le 10 ou le 15 de chaque mois.
Mon frère en a eu marre. Il est parti de chez la vieille.
Il est resté un mois sans travail, puis il est venu à Man-
power. On demandait des types pour tirer des câbles. Il
y est allé. Il n'y avait personne. On lui a dit de revenir
le lendemain. Le lendemain ils l'ont envoyé dans une
Ils l'avertissent : une vieille dame demande un commis à
quarante mille francs par mois. Mon frère se dit : j'ai
besoin d'argent, quarante mille francs, c'est bon. Il va
voir la patronne, il rentre dans la boîte le 25 novembre
1965, il en est reparti le 17 mars 1967. Le matin il fallait
qu'il arrive à sept heures devant la boutique qui ouvrait
à huit heures. Il rentrait les caisses, il sortait les caisses,
il faisait les livraisons à une borne. Tout ça pour quarante
mille francs, neuf heures par jour du mardi au dimanche
matin. Il n'était payé que le 10 ou le 15 de chaque mois.
Mon frère en a eu marre. Il est parti de chez la vieille.
Il est resté un mois sans travail, puis il est venu à Man-
power. On demandait des types pour tirer des câbles. Il
y est allé. Il n'y avait personne. On lui a dit de revenir
le lendemain. Le lendemain ils l'ont envoyé dans une
usine de peinture à Bobigny : le bagne, dix heures par
jour, une atmosphère effroyable..
jour, une atmosphère effroyable..
Il y a de quoi vouloir se suicider. Moi, par exemple,
à seize ans j'ai voulu me suicider. J'habitais la banlieue, je
venais à Paris pour trouver du boulot. Je chômais depuis
deux mois. J'allais voir toutes les boîtes, cinquante par
jour. Un après-midi, j'arpentais la Seine. Je me suis arrêté.
Je l'ai regardé la Seine. J'avais envie de sauter mais j'ai
songé à une chose qui me déplaisait si elle arrivait. Plon-
ger et que quelqu'un me sauve. Parce qu'en finir, ça
m'était indifférent. Mais être sauvé, ça m'était intolé-
rable. J'ai foutu le camp. Ojuand je vois les types bien
baraqués du Comité de Défense de la Ve venir le soir à
Manpower nous insulter, arracher le drapeau rouge en
Tnumph, en Jaguar, en Mercedes, des voitures de basse
classe quoi, je suis écœuré. »
à seize ans j'ai voulu me suicider. J'habitais la banlieue, je
venais à Paris pour trouver du boulot. Je chômais depuis
deux mois. J'allais voir toutes les boîtes, cinquante par
jour. Un après-midi, j'arpentais la Seine. Je me suis arrêté.
Je l'ai regardé la Seine. J'avais envie de sauter mais j'ai
songé à une chose qui me déplaisait si elle arrivait. Plon-
ger et que quelqu'un me sauve. Parce qu'en finir, ça
m'était indifférent. Mais être sauvé, ça m'était intolé-
rable. J'ai foutu le camp. Ojuand je vois les types bien
baraqués du Comité de Défense de la Ve venir le soir à
Manpower nous insulter, arracher le drapeau rouge en
Tnumph, en Jaguar, en Mercedes, des voitures de basse
classe quoi, je suis écœuré. »
79
En France,
la lutte des classes
la lutte des classes
Depuis dix ans, la classe ouvrière finance le gros de Fexpansion,
L'échéance du Marché commun implique la « réorganisation » des entreprises,
L'échéance du Marché commun implique la « réorganisation » des entreprises,
l'autorité accrue des patrons,
les cadences infernales ou la porte pour les travailleurs.
les cadences infernales ou la porte pour les travailleurs.
Derrière lu porte guette le chômage
qui permet au capitalisme de tourner rond et de tourner mal.
qui permet au capitalisme de tourner rond et de tourner mal.
EN trois jours, dix millions de travailleurs se mettent
spontanément en grève. Ils s'enferment dans
leurs usines. Ils refusent d'en sortir avant d'obtenir :
spontanément en grève. Ils s'enferment dans
leurs usines. Ils refusent d'en sortir avant d'obtenir :
1 000 francs comme salaire minimum.
Le retour immédiat aux 40 heures sans diminution de
salaire.
Le paiement intégral des heures de grève sans lequel
le droit de grève ne signifie rien.
Les libertés politiques et syndicales dans les entreprises.
Pourquoi cette révolte ? Pourquoi donner libre cours à
une colère passée inaperçue pendant dix ans ?
une colère passée inaperçue pendant dix ans ?
Pendant dix ans, les travailleurs s'en remettent au
pouvoir pour régler leurs problèmes : « Chariot, des
sous », « Nos 40 heures ». Pendant 10 ans, le pouvoir
leur répond par des promesses : « l'année sociale » ;
par des coups de matraque : le démantèlement de la
Sécurité sociale. Pendant 10 ans, le pouvoir se justifie par
les bienfaits de l'expansion : plus de 50 % de croissance
économique et plus de 60 % de croissance industrielle.
En trois jours, dix millions de travailleurs profitent des
brèches ouvertes par l'action directe des étudiants et
pouvoir pour régler leurs problèmes : « Chariot, des
sous », « Nos 40 heures ». Pendant 10 ans, le pouvoir
leur répond par des promesses : « l'année sociale » ;
par des coups de matraque : le démantèlement de la
Sécurité sociale. Pendant 10 ans, le pouvoir se justifie par
les bienfaits de l'expansion : plus de 50 % de croissance
économique et plus de 60 % de croissance industrielle.
En trois jours, dix millions de travailleurs profitent des
brèches ouvertes par l'action directe des étudiants et
Meeting à Renault.
s'interrogent sur le sens de cette expansion : l'expansion
pour qui ? L'expansion pour faire quoi ?
pour qui ? L'expansion pour faire quoi ?
La politique économique de la Ve République répond
à ces questions. Depuis dix ans, les travailleurs supportent
le gros des charges de l'expansion. Jamais, les possibilités
de mieux vivre ne leur ont été autant déniées tout en leur
étant proposées comme les normes valables pour tous.
La Ve République a beaucoup parlé d'équipements
collectifs : elle n'a même pas réalisé les objectifs modestes
qu'elle inscrivait dans ses plans. En matière d'urbanisme,
de transports urbains, de services sociaux, de santé,
d'enseignement professionnel et supérieur, les besoins
n'ont cessé de croître plus vite que les réalisations. En
matière de logement, le rythme de la construction est
resté inférieur d'un tiers aux besoins réellement exprimés.
Pourtant, la construction chaque année de 30 % de
logements sociaux supplémentaires n'aurait pas ruiné la
Nation. Selon des professionnels, le prix de la construc-
tion traditionnelle peut être abaissé d'au moins 20 %
par de simples mesures d'organisation et de rationali-
sation dans la corporation du bâtiment. Il peut être
abaissé de 40 % par adoption de méthodes d'industriali-
sation boudées par la profession. Le prix des terrains
qui représente jusau'à 50 % de celui d'un logement
à ces questions. Depuis dix ans, les travailleurs supportent
le gros des charges de l'expansion. Jamais, les possibilités
de mieux vivre ne leur ont été autant déniées tout en leur
étant proposées comme les normes valables pour tous.
La Ve République a beaucoup parlé d'équipements
collectifs : elle n'a même pas réalisé les objectifs modestes
qu'elle inscrivait dans ses plans. En matière d'urbanisme,
de transports urbains, de services sociaux, de santé,
d'enseignement professionnel et supérieur, les besoins
n'ont cessé de croître plus vite que les réalisations. En
matière de logement, le rythme de la construction est
resté inférieur d'un tiers aux besoins réellement exprimés.
Pourtant, la construction chaque année de 30 % de
logements sociaux supplémentaires n'aurait pas ruiné la
Nation. Selon des professionnels, le prix de la construc-
tion traditionnelle peut être abaissé d'au moins 20 %
par de simples mesures d'organisation et de rationali-
sation dans la corporation du bâtiment. Il peut être
abaissé de 40 % par adoption de méthodes d'industriali-
sation boudées par la profession. Le prix des terrains
qui représente jusau'à 50 % de celui d'un logement
81
peut être substantiellement réduit par la municipalisation
des sols. Bref, dans le domaine des équipements collectifs,
la Ve République n'a pas manqué de ressources finan-
cières, elle a manqué de volonté politique.
des sols. Bref, dans le domaine des équipements collectifs,
la Ve République n'a pas manqué de ressources finan-
cières, elle a manqué de volonté politique.
La réorganisation de l'économie.
Dans les autres domaines, le gouvernement a choisi une
politique qui peut être résumée comme suit : le Marché
commun impose la mutation accélérée des structures
industrielles de la France. Les mots clés sont : rationa-
lisation, concentration et investissement.
politique qui peut être résumée comme suit : le Marché
commun impose la mutation accélérée des structures
industrielles de la France. Les mots clés sont : rationa-
lisation, concentration et investissement.
La sidérurgie et les industries qui travaillent pour le
plan calcul et la force de frappe bénéficient d'importants
crédits de l'Etat. Ce dernier, par voie de conséquence,
réduit ses engagements dans d'autres secteurs : vérité
des prix dans les entreprises publiques (c'est-à-dire hausse
du prix des transports), suppression du déficit de la
Sécurité sociale, limitation des salaires dans la fonction
publique (la procédure Toutée associe les organisations
syndicales dans la répartition d'une masse salariale fixée
par le pouvoir à tout le personnel d'une entreprise
nationalisée)...
plan calcul et la force de frappe bénéficient d'importants
crédits de l'Etat. Ce dernier, par voie de conséquence,
réduit ses engagements dans d'autres secteurs : vérité
des prix dans les entreprises publiques (c'est-à-dire hausse
du prix des transports), suppression du déficit de la
Sécurité sociale, limitation des salaires dans la fonction
publique (la procédure Toutée associe les organisations
syndicales dans la répartition d'une masse salariale fixée
par le pouvoir à tout le personnel d'une entreprise
nationalisée)...
Pour concentrer et rationaliser les autres industries,
le gouvernement favorise ce qu'il appelle « le desserre-
ment du suremploi » : 465000 chômeurs en mai 1968.
Pour investir, la plupart des industries jouent le jeu du
capitalisme dont le moteur est le profit. Comment ces in-
dustries dégagent-elles des profits ? En bloquant les salai-
res d'ouvriers. Le gouvernement les y pousse : il joue sur
la crainte qu'inspiré le chômage, il multiplie les clauses
d'ouvriers. Le gouvernement les y pousse : il joue sur la
crainte qu'inspiré le chômage, il multiplie les clauses
anti-grèves dans les secteurs publics et nationalisés, il
tente d'étouffer la contestation ouvrière par le biais de
l'intéressement des salariés au plus-values d'actifs des
entreprises.
le gouvernement favorise ce qu'il appelle « le desserre-
ment du suremploi » : 465000 chômeurs en mai 1968.
Pour investir, la plupart des industries jouent le jeu du
capitalisme dont le moteur est le profit. Comment ces in-
dustries dégagent-elles des profits ? En bloquant les salai-
res d'ouvriers. Le gouvernement les y pousse : il joue sur
la crainte qu'inspiré le chômage, il multiplie les clauses
d'ouvriers. Le gouvernement les y pousse : il joue sur la
crainte qu'inspiré le chômage, il multiplie les clauses
anti-grèves dans les secteurs publics et nationalisés, il
tente d'étouffer la contestation ouvrière par le biais de
l'intéressement des salariés au plus-values d'actifs des
entreprises.
Premier type de conséquences : en France, comme
l'indique le tableau suivant, l'augmentation (en pouvoir
l'indique le tableau suivant, l'augmentation (en pouvoir
En Europe, le salaire global d'un ouvrier français
(charges sociales comprises) est inférieur d'environ 15 %
à celui d'un ouvrier allemand. Pour les gains ouvriers
(charges sociales comprises) est inférieur d'environ 15 %
à celui d'un ouvrier allemand. Pour les gains ouvriers
Année
Taux d'expansion
%
Accroissement du revenu brut des ménages %
Augmentation des salaires horaires %
Taux d'expansion
%
Accroissement du revenu brut des ménages %
Augmentation des salaires horaires %
1962
6,8
8,7
3,2
6,8
8,7
3,2
1963
5,6
6,2
3,8
5,6
6,2
3,8
1964
6,2
6,4
4,2
6,2
6,4
4,2
1965
3,5
4,4
3,2
3,5
4,4
3,2
1966
5
3,7
3
5
3,7
3
1967
5,5
3,6
2,57
5,5
3,6
2,57
Durée du travail (en heures)
Salaire horaire (en francs)
Salaire horaire (en francs)
France
47
4,05
47
4,05
Allemagne Belgique Italie
44 44
37
5,75 5,05 3,45
44 44
37
5,75 5,05 3,45
Luxembourg Pavs-Bas
46 46
6
4,75
46 46
6
4,75
d'achat) des salaires ouvriers reste à la remorque de
l'augmentation (en pouvoir d'achat) des revenus des
ménages :
l'augmentation (en pouvoir d'achat) des revenus des
ménages :
nets la France se situe après la Belgique, l'Allemagne, le
Luxembourg et les Pays-Bas ; seuls les ouvriers italiens
sont plus mal payés que les Français.
Luxembourg et les Pays-Bas ; seuls les ouvriers italiens
sont plus mal payés que les Français.
Deuxième type de conséquences : devant « l'armée de
réserve » des chômeurs qui permet au capitalisme de tour-
ner rond, les seules perspectives offertes aux jeunes gens
sont les services, c'est-à-dire, les bureaux de voyages, les
supermarchés, les bars, les restaurants, les agences immo-
bilières, les emplois de rédacteurs de slogans qui aideront
à écouler de nouvelles superlessives... et mille autres gad-
gets inutiles. Comment s'en étonner ? L'industrie fran-
çaise qui se rationalise et se concentre a cessé de faire de
l'expansion par embauche de main-d'œuvre pour faire
de l'expansion par meilleure utilisation de la main-
d'œuvre disponible. Or, du seul fait du « baby-boom »
d'après guerre, la population active potentielle de la
France s'accroît de près de soixante-dix mille personnes
par an. A cette population il convient d'ajouter les cent
mille agriculteurs qui bon an mal an émigrent vers les
villes. La rationalisation et la concentration ont donc pour
premier corollaire un immense gaspillage qui se traduit
par la stérilisation de quatre cent soixante-cinq mille
existences. Pour second corollaire de faire régner une
atmosphère pénitenciaire au sein des entreprises.
réserve » des chômeurs qui permet au capitalisme de tour-
ner rond, les seules perspectives offertes aux jeunes gens
sont les services, c'est-à-dire, les bureaux de voyages, les
supermarchés, les bars, les restaurants, les agences immo-
bilières, les emplois de rédacteurs de slogans qui aideront
à écouler de nouvelles superlessives... et mille autres gad-
gets inutiles. Comment s'en étonner ? L'industrie fran-
çaise qui se rationalise et se concentre a cessé de faire de
l'expansion par embauche de main-d'œuvre pour faire
de l'expansion par meilleure utilisation de la main-
d'œuvre disponible. Or, du seul fait du « baby-boom »
d'après guerre, la population active potentielle de la
France s'accroît de près de soixante-dix mille personnes
par an. A cette population il convient d'ajouter les cent
mille agriculteurs qui bon an mal an émigrent vers les
villes. La rationalisation et la concentration ont donc pour
premier corollaire un immense gaspillage qui se traduit
par la stérilisation de quatre cent soixante-cinq mille
existences. Pour second corollaire de faire régner une
atmosphère pénitenciaire au sein des entreprises.
Produire plus en payant moins.
Après avoir procédé à l'élimination des entreprises
marginales, on a procédé dans la quasi totalité des grandes
unités industrielles à ce que l'on appelle pudiquement des
« réorganisations ». De quoi s'agit-il ? Très simplement
de produire plus en payant moins. Il existe pour cela
nombre de techniques. Les plus voyantes font appel aux
chronométreurs, et aboutissent à des augmentations de
cadences sans augmentations de salaires. Là où les
ouvriers sont peu organisés pour se défendre, on ne
biaisera pas : ce sont les nouvelles cadences ou la porte —
et derrière la porte, on le sait, guette le chômage. D'autres
techniques sont plus raffinées : on équipe les machines
de « mouchards », c'est-à-dire de cadrans enregistreurs
du temps de travail effectif. Chaque arrêt — même si les
normes sont respectées — est enregistré et décompté du
salaire. On peut également muter des équipes entières à
de nouveaux postes et profiter de la mutation pour trans-
marginales, on a procédé dans la quasi totalité des grandes
unités industrielles à ce que l'on appelle pudiquement des
« réorganisations ». De quoi s'agit-il ? Très simplement
de produire plus en payant moins. Il existe pour cela
nombre de techniques. Les plus voyantes font appel aux
chronométreurs, et aboutissent à des augmentations de
cadences sans augmentations de salaires. Là où les
ouvriers sont peu organisés pour se défendre, on ne
biaisera pas : ce sont les nouvelles cadences ou la porte —
et derrière la porte, on le sait, guette le chômage. D'autres
techniques sont plus raffinées : on équipe les machines
de « mouchards », c'est-à-dire de cadrans enregistreurs
du temps de travail effectif. Chaque arrêt — même si les
normes sont respectées — est enregistré et décompté du
salaire. On peut également muter des équipes entières à
de nouveaux postes et profiter de la mutation pour trans-
82
former les cadences : sur leurs nouveaux postes, les tra-
vailleurs mutés, tout en produisant autant que l'ancienne
équipe, verront leur feuille de paie diminuée du tiers.
Ce fut le cas dans de nombreuses entreprises métallur-
giques du Nord, en particulier à l'International Harvester
de Croix où les soudeurs débrayèrent chaque jour pen-
dant plusieurs semaines sans pour autant obtenir satis-
faction. Bref, des movens d'encadrement et de recherche
considérables ont été mis au service de cette bonne cause :
rationaliser au maximum l'extraction du profit. Les
« sciences humaines » comme les méthodes policières
jouent dans cette affaire un rôle non négligeable.
vailleurs mutés, tout en produisant autant que l'ancienne
équipe, verront leur feuille de paie diminuée du tiers.
Ce fut le cas dans de nombreuses entreprises métallur-
giques du Nord, en particulier à l'International Harvester
de Croix où les soudeurs débrayèrent chaque jour pen-
dant plusieurs semaines sans pour autant obtenir satis-
faction. Bref, des movens d'encadrement et de recherche
considérables ont été mis au service de cette bonne cause :
rationaliser au maximum l'extraction du profit. Les
« sciences humaines » comme les méthodes policières
jouent dans cette affaire un rôle non négligeable.
Ce n'est pas chez Citroen ou chez Simca que l'on
tentera de gagner la bonne volonté du travailleur par le
développement des relations humaines dans l'entreprise.
La majorité étant d'ailleurs composée d'immigrés, on
y pratiquera plus simplement les méthodes qui furent —
ou qui sont encore — en vigueur dans les pays d'origine
des travailleurs : répression policière, fascisme. L'Algérien
de Citroën retrouvera en face de lui l'ancien para devenu
chef de secteur ou contremaître, l'Espagnol ou le Portu-
gais reconnaîtront dans « l'interprète » le « guardia
civil » ou l'agent de la P.I.D.E. (Police politique portu-
gaise).
tentera de gagner la bonne volonté du travailleur par le
développement des relations humaines dans l'entreprise.
La majorité étant d'ailleurs composée d'immigrés, on
y pratiquera plus simplement les méthodes qui furent —
ou qui sont encore — en vigueur dans les pays d'origine
des travailleurs : répression policière, fascisme. L'Algérien
de Citroën retrouvera en face de lui l'ancien para devenu
chef de secteur ou contremaître, l'Espagnol ou le Portu-
gais reconnaîtront dans « l'interprète » le « guardia
civil » ou l'agent de la P.I.D.E. (Police politique portu-
gaise).
Ailleurs on fera venir des sociologues ; on tentera de
créer dans l'usine un « bon climat » ; on expliquera
longuement aux ouvriers qu'il est de leur intérêt de voir
la firme se développer, et donc d'accepter aux côtés du
patron, en vertu des lois de la concurrence, de faire de
petits sacrifices. Insensiblement les cadences augmen-
teront. Si le délégué syndical est « compréhensif »,
il se chargera lui-même d'expliquer aux travailleurs la
nécessité d'être « raisonnables de ne pas provoquer de
« crise » etc.
créer dans l'usine un « bon climat » ; on expliquera
longuement aux ouvriers qu'il est de leur intérêt de voir
la firme se développer, et donc d'accepter aux côtés du
patron, en vertu des lois de la concurrence, de faire de
petits sacrifices. Insensiblement les cadences augmen-
teront. Si le délégué syndical est « compréhensif »,
il se chargera lui-même d'expliquer aux travailleurs la
nécessité d'être « raisonnables de ne pas provoquer de
« crise » etc.
Dans un cas comme dans l'autre les travailleurs ont
constaté le résultat : plus de fatigue pour moins d'argent.
Toutefois le peu d'ardeur des directions syndicales à
développer des luttes sur ce terrain, laissaient à penser
que le patronat français arriverait à passer le cap de la
productivité sans trop de heurts, sans plus de quelques
débrayages financièrement supportables, de quelques pé-
titions. L'Etat garantissait la paix sociale ; s'il le fallait,
il négociait avec les syndicats, donnait ce que dans les
usines on appelle une « sucette » comme l'accord sur le
chômage partiel de février dernier. A mieux y regarder
pourtant, on pouvait déceler depuis près d'un an une
pression de la masse des travailleurs — syndiqués ou non
syndiqués — tendant à des actions revendicatrices beau-
coup plus dures. La grève de Rhodiaceta en 1967 surprit
par sa longueur et sa dureté ; la violence des affron-
tements entre jeunes ouvriers et C.R.S. à Caen ou au
Mans en automne 1967, le débordement et l'affolement
des directions syndicales, révélèrent à l'opinion l'exis-
tence d'un esprit de révolte.
constaté le résultat : plus de fatigue pour moins d'argent.
Toutefois le peu d'ardeur des directions syndicales à
développer des luttes sur ce terrain, laissaient à penser
que le patronat français arriverait à passer le cap de la
productivité sans trop de heurts, sans plus de quelques
débrayages financièrement supportables, de quelques pé-
titions. L'Etat garantissait la paix sociale ; s'il le fallait,
il négociait avec les syndicats, donnait ce que dans les
usines on appelle une « sucette » comme l'accord sur le
chômage partiel de février dernier. A mieux y regarder
pourtant, on pouvait déceler depuis près d'un an une
pression de la masse des travailleurs — syndiqués ou non
syndiqués — tendant à des actions revendicatrices beau-
coup plus dures. La grève de Rhodiaceta en 1967 surprit
par sa longueur et sa dureté ; la violence des affron-
tements entre jeunes ouvriers et C.R.S. à Caen ou au
Mans en automne 1967, le débordement et l'affolement
des directions syndicales, révélèrent à l'opinion l'exis-
tence d'un esprit de révolte.
Plus significative encore fût la grève des ouvriers de
Redon qui dura du 10 au 25 mars et aboutit à une victoire
des travailleurs. Déclenchée par une usine « de pointe »,
l'usine Garnier (métallurgie), elle gagna l'ensemble de
Redon qui dura du 10 au 25 mars et aboutit à une victoire
des travailleurs. Déclenchée par une usine « de pointe »,
l'usine Garnier (métallurgie), elle gagna l'ensemble de
la région comme une traînée de poudre. Ce n'était pas un
hasard, en effet, si les travailleurs des usines Garnier
avaient su préparer l'unification de leur lutte en présen-
tant une revendication principale, identique pour tous les
travailleurs : 30 centimes d'augmentation horaire. Ils
prirent en main eux-mêmes le travail d'explication dans
les autres usines, pénétrant dans les ateliers au mépris des
gardiens, tenant des meetings improvisés, bref affirmant
concrètement le lien de classe entre tous les ouvriers de la
région. Enfin, et ce n'est pas le moins significatif, ils ne
cédèrent pas devant la menace des C.R.S. mais au contraire
réussirent à les chasser de la ville en organisant à partir des
usines l'auto-défense des travailleurs. On retrouve là, à
l'échelon d'une région, tous les prémices de la situation
qui devait être créée à l'échelon national deux mois plus"
tard.
hasard, en effet, si les travailleurs des usines Garnier
avaient su préparer l'unification de leur lutte en présen-
tant une revendication principale, identique pour tous les
travailleurs : 30 centimes d'augmentation horaire. Ils
prirent en main eux-mêmes le travail d'explication dans
les autres usines, pénétrant dans les ateliers au mépris des
gardiens, tenant des meetings improvisés, bref affirmant
concrètement le lien de classe entre tous les ouvriers de la
région. Enfin, et ce n'est pas le moins significatif, ils ne
cédèrent pas devant la menace des C.R.S. mais au contraire
réussirent à les chasser de la ville en organisant à partir des
usines l'auto-défense des travailleurs. On retrouve là, à
l'échelon d'une région, tous les prémices de la situation
qui devait être créée à l'échelon national deux mois plus"
tard.
Un esprit de révolte.
L'exemple de cette grève ne fut pourtant guère étudié
par les dirigeants des syndicats. La Vie Ouvrière (organe
de la C.G.T.) ne lui consacra qu'une colonne, illustrant
ainsi le divorce entre les positions traditionnelles de la
C.G.T. et une situation en mouvement. En effet — que
l'exemple de Redon fut connu ou non — les idées qui
furent avancées dans cette lutte existaient et se propa-
geaient rapidement dans la classe ouvrière, et en parti-
culier chez les jeunes travailleurs. Elles pouvaient se
résumer en une seule : à l'inverse du syndicat qui pose la
négociation comme remède-miracle, quelles que soient les
circonstances, pour un grand nombre de travailleurs la
négociation ne peut venir qu'après l'acquisition par la
classe ouvrière d'une position de force ; cette position
de force est le garant de la victoire, elle s'obtient par
l'unité des travailleurs à la base, elle ne doit en aucun
cas être perdue par la négociation mais au contraire
renforcée.
par les dirigeants des syndicats. La Vie Ouvrière (organe
de la C.G.T.) ne lui consacra qu'une colonne, illustrant
ainsi le divorce entre les positions traditionnelles de la
C.G.T. et une situation en mouvement. En effet — que
l'exemple de Redon fut connu ou non — les idées qui
furent avancées dans cette lutte existaient et se propa-
geaient rapidement dans la classe ouvrière, et en parti-
culier chez les jeunes travailleurs. Elles pouvaient se
résumer en une seule : à l'inverse du syndicat qui pose la
négociation comme remède-miracle, quelles que soient les
circonstances, pour un grand nombre de travailleurs la
négociation ne peut venir qu'après l'acquisition par la
classe ouvrière d'une position de force ; cette position
de force est le garant de la victoire, elle s'obtient par
l'unité des travailleurs à la base, elle ne doit en aucun
cas être perdue par la négociation mais au contraire
renforcée.
Du coup, la jeunesse ouvrière ne pouvait que trouver
dans la révolte étudiante le détonateur qui lui manquait.
L'occupation des usines facilitait l'ouverture des débats
qui n'avaient pu, jusqu'ici avoir lieu. Ici ou là, on se
dressait contre le système économique, on étudiait les
modalités d'une mise en auto-gestion des usines, on
contestait le pouvoir patronal et la direction autoritaire
des entreprises en matière d'organisation de travail, de
classification des poste, de temps de repos... Après les
négociations de grenelle du 27 mai, on critiquait les syndi-
cats écartelés entre la parole et l'action, entre le verba-
lisme révolutionnaire utilisé à tout propos et la pratique
réformiste qui débouchera cette fois sur des élections
générales.
dans la révolte étudiante le détonateur qui lui manquait.
L'occupation des usines facilitait l'ouverture des débats
qui n'avaient pu, jusqu'ici avoir lieu. Ici ou là, on se
dressait contre le système économique, on étudiait les
modalités d'une mise en auto-gestion des usines, on
contestait le pouvoir patronal et la direction autoritaire
des entreprises en matière d'organisation de travail, de
classification des poste, de temps de repos... Après les
négociations de grenelle du 27 mai, on critiquait les syndi-
cats écartelés entre la parole et l'action, entre le verba-
lisme révolutionnaire utilisé à tout propos et la pratique
réformiste qui débouchera cette fois sur des élections
générales.
Au delà du bilan provisoire de la crise, la jeunesse est
devenue le moteur de la classe ouvrière. Qu'on le veuille
ou non, une révolution est en marche. Elle pourrait très
vite se traduire par de profondes mutations dans les
structures représentatives de la classe ouvrière. Et d'abord
au sein des syndicats qui, en mai 1968, ne sont pas appa-
rus comme l'organisateur de la grève mais comme l'ins-
tance juridique à travers laquelle la grève se légalise.
devenue le moteur de la classe ouvrière. Qu'on le veuille
ou non, une révolution est en marche. Elle pourrait très
vite se traduire par de profondes mutations dans les
structures représentatives de la classe ouvrière. Et d'abord
au sein des syndicats qui, en mai 1968, ne sont pas appa-
rus comme l'organisateur de la grève mais comme l'ins-
tance juridique à travers laquelle la grève se légalise.
83
La première
brèche
brèche
La contestation actuelle
mènera à un bouleversement des rapports
mènera à un bouleversement des rapports
sociaux plus profond
que tous ceux du passé.
Dans un système reposant sur l'autorité
statutaire, la révolution des jeunes
a ouvert une première brèche.
TOUTES les grandes révolutions du passé concer-
naient des sociétés que nous appellerions aujour-
d'hui sous-développées, c'est-à-dire des sociétés renfer-
mant une majorité de déshérités sur le plan économique et
culturel. Cette majorité n'avait pas grand-chose à perdre
et, dans les moments historiques où son mécontentement
s'exacerbait, un groupe révolutionnaire conscient pouvait
les conduire à détruire les structures politico-sociales
existantes. L'entreprise a réussi en France en 1789 et en
Russie en 1917. Elle a échoué en 1871 lors de la Commune
de Paris.
naient des sociétés que nous appellerions aujour-
d'hui sous-développées, c'est-à-dire des sociétés renfer-
mant une majorité de déshérités sur le plan économique et
culturel. Cette majorité n'avait pas grand-chose à perdre
et, dans les moments historiques où son mécontentement
s'exacerbait, un groupe révolutionnaire conscient pouvait
les conduire à détruire les structures politico-sociales
existantes. L'entreprise a réussi en France en 1789 et en
Russie en 1917. Elle a échoué en 1871 lors de la Commune
de Paris.
Dans ce sens ancien il est certain que la France du
printemps 1968 n'est pas dans une situation révolution-
naire. On y trouve le fond de déshérités inséparable des
sociétés capitalistes même très avancées. Mais ce fond
ne doit pas dépasser 15% de la population, dont un
certain nombre d'étrangers. Par ailleurs, le niveau de vie
général continue à s'améliorer, quoique de plus en plus
lentement.
printemps 1968 n'est pas dans une situation révolution-
naire. On y trouve le fond de déshérités inséparable des
sociétés capitalistes même très avancées. Mais ce fond
ne doit pas dépasser 15% de la population, dont un
certain nombre d'étrangers. Par ailleurs, le niveau de vie
général continue à s'améliorer, quoique de plus en plus
lentement.
Dans ces conditions il est exclu que la majorité du pays
veuille un chambardement général, au sens du 19e siècle.
La prolongation du désordre et d'une grève quasi géné-
rale bouleverseraient trop la vie de la grande majorité.
Telle est la grande différence avec les temps héroïques.
En 1789 la grande majorité des Français menait une
pauvre vie, liée aux ressources locales les plus élémen-
taires. L'ouragan révolutionnaire ne pouvait pas beau-
coup changer leur vie matérielle. Un mouvement de l'am-
pleur de celui de mai 1968 prolongé au-delà d'un mois
rendrait la vie intolérable pour la plupart. Les peuples
avancés ne peuvent plus guère aller au-delà du réfor-
misme.
veuille un chambardement général, au sens du 19e siècle.
La prolongation du désordre et d'une grève quasi géné-
rale bouleverseraient trop la vie de la grande majorité.
Telle est la grande différence avec les temps héroïques.
En 1789 la grande majorité des Français menait une
pauvre vie, liée aux ressources locales les plus élémen-
taires. L'ouragan révolutionnaire ne pouvait pas beau-
coup changer leur vie matérielle. Un mouvement de l'am-
pleur de celui de mai 1968 prolongé au-delà d'un mois
rendrait la vie intolérable pour la plupart. Les peuples
avancés ne peuvent plus guère aller au-delà du réfor-
misme.
Cependant, toutes les discussions sur le caractère des
événements de mai 1968 sont surtout des querelles de
mots. Si on adapte le vocabulaire à la société de 1968,
alors la situation apparaît comme authentiquement
révolutionnaire. Sauf en ce qui concerne les petits salaires
dont le niveau était scandaleusement bas, les réclamations
matérielles ne sont pas du tout l'essentiel des revendica-
tions. Le fer de lance des mouvements estudiantins et
ouvriers est exclusivement composé de très jeunes gens.
Ils ont entraîné une grande partie de la population à
rejeter fondamentalement une certaine conception des
rapports sociaux. Cela va beaucoup plus loin que la
contestation traditionnelle des rapports capitalistes
basés exclusivement sur l'argent. Le mouvement remet
en cause le droit des supérieurs statutaires à décider du
sort des administrés sans la participation de ces derniers,
et cela dans tous les domaines et à tous les échelons.
événements de mai 1968 sont surtout des querelles de
mots. Si on adapte le vocabulaire à la société de 1968,
alors la situation apparaît comme authentiquement
révolutionnaire. Sauf en ce qui concerne les petits salaires
dont le niveau était scandaleusement bas, les réclamations
matérielles ne sont pas du tout l'essentiel des revendica-
tions. Le fer de lance des mouvements estudiantins et
ouvriers est exclusivement composé de très jeunes gens.
Ils ont entraîné une grande partie de la population à
rejeter fondamentalement une certaine conception des
rapports sociaux. Cela va beaucoup plus loin que la
contestation traditionnelle des rapports capitalistes
basés exclusivement sur l'argent. Le mouvement remet
en cause le droit des supérieurs statutaires à décider du
sort des administrés sans la participation de ces derniers,
et cela dans tous les domaines et à tous les échelons.
Le mépris des contingences
La conception centralisatrice et mandarinale de toute
l'administration française est très ancienne. Les inconvé-
nients de cette conception sont devenus de plus en plus
pesants dans une société avancée en évolution accélérée.
Le problème n'est pas spécial à la France. On le retrouve
à des degrés divers dans tous les pays avancés. Dans aucun
d'eux les rapports sociaux ne s'adaptent assez vite aux
conditions technico-économiques.
l'administration française est très ancienne. Les inconvé-
nients de cette conception sont devenus de plus en plus
pesants dans une société avancée en évolution accélérée.
Le problème n'est pas spécial à la France. On le retrouve
à des degrés divers dans tous les pays avancés. Dans aucun
d'eux les rapports sociaux ne s'adaptent assez vite aux
conditions technico-économiques.
Si l'explosion s'est produite en France, c'est que par
un étrange paradoxe les défauts traditionnels du système
français n'ont fait que s'aggraver sous la Cinquième
République. Le régime gaulliste a renforcé une certaine
efficacité des administrations, mais il en a accentué les
vices. La hauteur et le mépris des contingences du chef
de l'Etat se sont répercutés à tous les niveaux et sans être
toujours accompagnés des mêmes qualités.
un étrange paradoxe les défauts traditionnels du système
français n'ont fait que s'aggraver sous la Cinquième
République. Le régime gaulliste a renforcé une certaine
efficacité des administrations, mais il en a accentué les
vices. La hauteur et le mépris des contingences du chef
de l'Etat se sont répercutés à tous les niveaux et sans être
toujours accompagnés des mêmes qualités.
Les hauts fonctionnaires, les grands technocrates,
comme les grands professeurs ont de plus en plus perdu
contact avec le peuple. Quand on parlait du problème
des travailleurs aux gens des ministères économiques,
ou des difficultés universitaires à ceux de l'Education
nationale, on se voyait opposer des tableaux et des gra-
phiques prouvant que la situation n'avait jamais été
meilleure. Les chiffres n'étaient pas faux mais ils ne
disaient qu'une partie de la vérité.
comme les grands professeurs ont de plus en plus perdu
contact avec le peuple. Quand on parlait du problème
des travailleurs aux gens des ministères économiques,
ou des difficultés universitaires à ceux de l'Education
nationale, on se voyait opposer des tableaux et des gra-
phiques prouvant que la situation n'avait jamais été
meilleure. Les chiffres n'étaient pas faux mais ils ne
disaient qu'une partie de la vérité.
Au moment où la progression technologique obligeait
à des adaptations économico-sociales, de plus en plus
rapides, l'administration française s'éloignait de plus en
plus des réalités humaines. Dans tous les secteurs le flot
de doléances croissait d'année en année, mais les autorités,
persuadées qu'on pouvait faire le bonheur des gens
sans s'en approcher, semblaient de moins en moins
concernées.
à des adaptations économico-sociales, de plus en plus
rapides, l'administration française s'éloignait de plus en
plus des réalités humaines. Dans tous les secteurs le flot
de doléances croissait d'année en année, mais les autorités,
persuadées qu'on pouvait faire le bonheur des gens
sans s'en approcher, semblaient de moins en moins
concernées.
Dans beaucoup d'entreprises industrielles les droits
syndicaux étaient ouvertement bafoués par les patrons et
technocrates. Partout les syndicalistes étaient maintenus
à l'écart. Quant à l'autonomie que l'Etat avait accordé
à certains établissements et collectivités, elle était presque
toujours illusoire. Par le biais de l'ad ninistration des
finances l'Etat reprenait la plupart des prérogatives
accordées. Le ministère des Finances français est depuis
longtemps une véritable forteresse qui exerce un contrôle
autoritaire, inhumain et souvent néfaste sur la vie de la
nation. Sous la Cinquième République l'arrogance de ce
ministère n'a fait que croître. Les hauts fonctionnaires
de la rue de Rivoli sont toujours persuadés que les
organisations spécialisées ou régionales ne peuvent être
menées que par des irresponsables.
syndicaux étaient ouvertement bafoués par les patrons et
technocrates. Partout les syndicalistes étaient maintenus
à l'écart. Quant à l'autonomie que l'Etat avait accordé
à certains établissements et collectivités, elle était presque
toujours illusoire. Par le biais de l'ad ninistration des
finances l'Etat reprenait la plupart des prérogatives
accordées. Le ministère des Finances français est depuis
longtemps une véritable forteresse qui exerce un contrôle
autoritaire, inhumain et souvent néfaste sur la vie de la
nation. Sous la Cinquième République l'arrogance de ce
ministère n'a fait que croître. Les hauts fonctionnaires
de la rue de Rivoli sont toujours persuadés que les
organisations spécialisées ou régionales ne peuvent être
menées que par des irresponsables.
En installant sans mesure à tous les postes de com-
mande des anciens élèves de l'E.N.A. (Ecole nationale
d'administration), le régime gaulliste a précipité le drame
actuel. Cette école forme en effet des hommes brillants
et courtois, sans le moindre contact avec le peuple. Ils
conviennent parfaitement aux Affaires étrangères et aux
Finances, le jour où celles-ci seront dépouillées de leur
prérogatives autoritaires.
mande des anciens élèves de l'E.N.A. (Ecole nationale
d'administration), le régime gaulliste a précipité le drame
actuel. Cette école forme en effet des hommes brillants
et courtois, sans le moindre contact avec le peuple. Ils
conviennent parfaitement aux Affaires étrangères et aux
Finances, le jour où celles-ci seront dépouillées de leur
prérogatives autoritaires.
Ils n'ont rien à faire dans l'économie réelle, à l'Educa-
tion nationale, etc.
tion nationale, etc.
Telles sont quelques-unes des bastilles que la révolu-
tion de 1968 devra renverser en chemin.
tion de 1968 devra renverser en chemin.
La contestation actuelle mènera plus ou moins vite
à un bouleversement des rapports sociaux plus profond
que tous ceux du passé. Elle a été amenée, en fin de
compte, par l'accélération de l'évolution technologique.
Celle-ci a en effet dévalorisé l'acquit fondamental de la
maturité, l'expérience. Ainsi l'autorité statuaire a été
définitivement ébranlée et il était logique qu'une révolu-
tion de jeunes y ouvre la première brèche.
à un bouleversement des rapports sociaux plus profond
que tous ceux du passé. Elle a été amenée, en fin de
compte, par l'accélération de l'évolution technologique.
Celle-ci a en effet dévalorisé l'acquit fondamental de la
maturité, l'expérience. Ainsi l'autorité statuaire a été
définitivement ébranlée et il était logique qu'une révolu-
tion de jeunes y ouvre la première brèche.
85
Mutinerie
àl'O.R.T.F
àl'O.R.T.F
A force de silences et de mensonges, la Télévision s'est déshonorée.
La nuit des barricades fut pour le personnel le signal de la révolte.
En poursuivant la grève, il entend obtenir enfin un statut qui libère l'Office
des tutelles politiques et financières.
QUATRE semaines après la première nuit des barri-
cades qui fut pour le personnel de l'O.R.T.F. le-
signal de la révolte, le gouvernement s'est enfin décidé
à entamer le dialogue. Pour qu'il se résolve à négocier,
il aura fallu qu'il constate l'échec de ses armes habituelles :
ni le silence méprisant, ni la violence, ni l'appel à la
délation ne sont parvenus à briser la détermination des
grévistes.
cades qui fut pour le personnel de l'O.R.T.F. le-
signal de la révolte, le gouvernement s'est enfin décidé
à entamer le dialogue. Pour qu'il se résolve à négocier,
il aura fallu qu'il constate l'échec de ses armes habituelles :
ni le silence méprisant, ni la violence, ni l'appel à la
délation ne sont parvenus à briser la détermination des
grévistes.
Le vendredi 10 mai, tandis que le Quartier Latin édifie
ses barricades, l'O.R.T.F. présente aux vingt-cinq mil-
lions de téléspectateurs, le plus grand journal de France,
le magazine Panorama. Pas un mot sur les étudiants, pas
une image sur le drame qui se prépare. Pourtant, les
journalistes ont fait leur travail, ils ont réuni les élé-
ments d'une enquête sur la révolte des étudiants où
figurent les films des différentes manifestations et des
déclarations de Jacques Sauvageot, d'Alain Geismar et
des professeurs Monod et Kastler. Mais vendredi à,
19-h 45, deux censeurs, l'un représentant M. Pevrefitte,
ministre de l'Education nationale, l'autre M. Gorse,
ministre de l'Information, interdisent la diffusion de
l'émission. M. Gorse a sans doute oublié que l'année
dernière, au moment de prendre place au gouvernement,
il déclarait à Paris Presse : « II y a chez les Français
un appétit d'information. L'information appartient à
tout le monde : à ceux qui sont pour le Gouvernement
et à ceux qui sont contre. Il faut éclairer les Français,
quitte à ce que chacun tire ensuite les conclusions qu'il
veut. » II a oublié que plus récemment, répondant à
l'interpellation d'un député, il niait formellement l'exis-
tence de la censure à la Télévision.
ses barricades, l'O.R.T.F. présente aux vingt-cinq mil-
lions de téléspectateurs, le plus grand journal de France,
le magazine Panorama. Pas un mot sur les étudiants, pas
une image sur le drame qui se prépare. Pourtant, les
journalistes ont fait leur travail, ils ont réuni les élé-
ments d'une enquête sur la révolte des étudiants où
figurent les films des différentes manifestations et des
déclarations de Jacques Sauvageot, d'Alain Geismar et
des professeurs Monod et Kastler. Mais vendredi à,
19-h 45, deux censeurs, l'un représentant M. Pevrefitte,
ministre de l'Education nationale, l'autre M. Gorse,
ministre de l'Information, interdisent la diffusion de
l'émission. M. Gorse a sans doute oublié que l'année
dernière, au moment de prendre place au gouvernement,
il déclarait à Paris Presse : « II y a chez les Français
un appétit d'information. L'information appartient à
tout le monde : à ceux qui sont pour le Gouvernement
et à ceux qui sont contre. Il faut éclairer les Français,
quitte à ce que chacun tire ensuite les conclusions qu'il
veut. » II a oublié que plus récemment, répondant à
l'interpellation d'un député, il niait formellement l'exis-
tence de la censure à la Télévision.
Depuis le début de l'agitation universitaire et malgré
l'aggravation de la situation, les « maîtres » de la télé-
vision n'ont jamais donné la parole aux étudiants, ils
ne font d'ailleurs que suivre les consignes du Gouver-
nement qui en est encore à dénoncer les « voyoux et les
trublions. » Après que les radios périphériques ont rendu
compte, de minute en minute, du combat des barricades,
et à la suite des protestations des réalisateurs, le Gouver->.
nement est contraint de lever le voile : l'émission de
Panorama, interdite la veille, est diffusée samedi à la
fin de Télé-Soir dans des conditions qui soulèvent une \
nouvelle protestation des syndicats de réalisateurs et de
producteurs. « A la suite d'une interview du préfet de
police recueillie après la nuit tragique du vendredi 10 mai,
on a fait figurer des déclarations de professeurs et d'étu-
diants recueillies avant cette nuit tragique. CertainêT"1)
remontaient à une semaine et ne rendaient pas compte j
de l'évolution de la position des interviewés par rapport
aux événements les plus récents et les plus graves. Après
un black-out total d'une semaine, l'actualité télévisée a
donné un nouvel exemple d'information partielle et
partiale. »
l'aggravation de la situation, les « maîtres » de la télé-
vision n'ont jamais donné la parole aux étudiants, ils
ne font d'ailleurs que suivre les consignes du Gouver-
nement qui en est encore à dénoncer les « voyoux et les
trublions. » Après que les radios périphériques ont rendu
compte, de minute en minute, du combat des barricades,
et à la suite des protestations des réalisateurs, le Gouver->.
nement est contraint de lever le voile : l'émission de
Panorama, interdite la veille, est diffusée samedi à la
fin de Télé-Soir dans des conditions qui soulèvent une \
nouvelle protestation des syndicats de réalisateurs et de
producteurs. « A la suite d'une interview du préfet de
police recueillie après la nuit tragique du vendredi 10 mai,
on a fait figurer des déclarations de professeurs et d'étu-
diants recueillies avant cette nuit tragique. CertainêT"1)
remontaient à une semaine et ne rendaient pas compte j
de l'évolution de la position des interviewés par rapport
aux événements les plus récents et les plus graves. Après
un black-out total d'une semaine, l'actualité télévisée a
donné un nouvel exemple d'information partielle et
partiale. »
Le mardi 14 mai, la seconde chaîne diffuse un numéro
de Zoom entièrement consacré aux manifestations étu-
diantes. Il est trop tard : pour l'ensemble de son per-
sonnel, l'O.R.T.F. s'est définitivement déshonorée. Une
réunion spontanée a lieu jeudi soir et décide la convo-
cation d'une assemblée générale de l'ensemble du per-
sonnel pour le lendemain. L'assemblée se réunit à
19 heures, en deux fractions — l'une réunie aux Buttes-
Chaumont, l'autre à la Maison de l'O.R.T.F. — qui
communiquent par duplex.
de Zoom entièrement consacré aux manifestations étu-
diantes. Il est trop tard : pour l'ensemble de son per-
sonnel, l'O.R.T.F. s'est définitivement déshonorée. Une
réunion spontanée a lieu jeudi soir et décide la convo-
cation d'une assemblée générale de l'ensemble du per-
sonnel pour le lendemain. L'assemblée se réunit à
19 heures, en deux fractions — l'une réunie aux Buttes-
Chaumont, l'autre à la Maison de l'O.R.T.F. — qui
communiquent par duplex.
87
_ L'insatisfaction, la rancœur trop longtemps contenues
j peuvent enfin se donner libre cours. Les débats sont
V confus mais sur l'essentiel le personnel est d'accord :
J seule une réforme de structures fondamentale qui garan-
/ tirait enfin l'autonomie politique et financière de l'Office,
/ permettra de résoudre les problèmes et de garantir la
satisfaction des diverses revendications catégorielles.
Le Journal du mensonge
4
S*
S*
Les syndicats de réalisateurs et de producteurs décident
aussitôt de cesser le travail selon le principe d'une grève
reconductible de vingt-quatre heures en vingt-quatre
heures. L'intersyndicale qui regroupe l'ensemble du per-
sonnel se prononce à son tour pour la grève mais déci-
dent de laisser les journalistes poursuivre leur travail
d'information au Journal télévisé qu'une grève totale ne
paralyserait pas puisque le Gouvernement dispose d'un
studio à la Tour Eiffel. Il s'avère rapidement que malgré
le lest lâché par le Gouvernement, une information
objective reste impossible à la Télévision. A la suite du
discours du président de la République, les journalistes
réussissent à enregistrer une série de déclarations de
personnalités politiques et de syndicalistes. M. Biasini
met son veto à la diffusion de l'émission. Le lendemain,
une interview de Jacques Sauvageot est coupée au mon-
tage. Les journalistes « qui ne sont plus en mesure de
garantir l'impartialité du journal télévisé comme ils s'y
étaient engagés se mettent, à leur tour, en grève.
aussitôt de cesser le travail selon le principe d'une grève
reconductible de vingt-quatre heures en vingt-quatre
heures. L'intersyndicale qui regroupe l'ensemble du per-
sonnel se prononce à son tour pour la grève mais déci-
dent de laisser les journalistes poursuivre leur travail
d'information au Journal télévisé qu'une grève totale ne
paralyserait pas puisque le Gouvernement dispose d'un
studio à la Tour Eiffel. Il s'avère rapidement que malgré
le lest lâché par le Gouvernement, une information
objective reste impossible à la Télévision. A la suite du
discours du président de la République, les journalistes
réussissent à enregistrer une série de déclarations de
personnalités politiques et de syndicalistes. M. Biasini
met son veto à la diffusion de l'émission. Le lendemain,
une interview de Jacques Sauvageot est coupée au mon-
tage. Les journalistes « qui ne sont plus en mesure de
garantir l'impartialité du journal télévisé comme ils s'y
étaient engagés se mettent, à leur tour, en grève.
Tandis qu'un quarteron de journalistes « jaunes » assu-
rent à vingt heures le journal du mensonge, diverses
commissions travaillent sur les projets de réforme.
L'intersyndicale remet au ministre un protocole qui porte
sur deux points :
rent à vingt heures le journal du mensonge, diverses
commissions travaillent sur les projets de réforme.
L'intersyndicale remet au ministre un protocole qui porte
sur deux points :
1° L'Etat s'engagera à présenter à la future Assemblée
nationale un projet de statut garantissant l'autonomie
financière et politique de l'Office.
nationale un projet de statut garantissant l'autonomie
financière et politique de l'Office.
2° Le statut sera élaboré conjointement par des repré-
sentants du Gouvernement, du personnel et des différents
courants d'opinion du pays. Un comité de gestion tri-
parti te assurera la gestion de l'Office pendant la période
intérimaire.
sentants du Gouvernement, du personnel et des différents
courants d'opinion du pays. Un comité de gestion tri-
parti te assurera la gestion de l'Office pendant la période
intérimaire.
Le lundi 3 juin, M. Yves Guéna qui succède à
M. Georges Gorse, reçoit les délégués de l'intersyndicale.
Il refuse de discuter les deux points du protocole et se
borne à annoncer la constitution d'une commission
d'étude dénuée de tout pouvoir et qui ne rendra son avis
que dans trois mois. Pour amadouer les grévistes, il leur
offre en pâture la tête de MM. de Boisdeffre et Biasini,
directeurs de la Radio et de la Télévision, de M. Sablier,
sous-directeur des actualités télévisées, puis celle de
M. Dupont, directeur général.
M. Georges Gorse, reçoit les délégués de l'intersyndicale.
Il refuse de discuter les deux points du protocole et se
borne à annoncer la constitution d'une commission
d'étude dénuée de tout pouvoir et qui ne rendra son avis
que dans trois mois. Pour amadouer les grévistes, il leur
offre en pâture la tête de MM. de Boisdeffre et Biasini,
directeurs de la Radio et de la Télévision, de M. Sablier,
sous-directeur des actualités télévisées, puis celle de
M. Dupont, directeur général.
La riposte du personnel est immédiate : renforcement
de la grève. Les journalistes de France Inter qui avaient
tenté depuis quinze jours de donner une information
objective cessent à leur tour le travail. L'attitude du
Pouvoir devant la rupture qu'il a lui-même provoquée
est significative. L'armée occupe les émetteurs, les centres
régionaux sont bouclés par la police, des techniciens
de la grève. Les journalistes de France Inter qui avaient
tenté depuis quinze jours de donner une information
objective cessent à leur tour le travail. L'attitude du
Pouvoir devant la rupture qu'il a lui-même provoquée
est significative. L'armée occupe les émetteurs, les centres
régionaux sont bouclés par la police, des techniciens
privés sont recrutés pour remplacer les grévistes. Répon-
dant à l'appel fraternel du Général, les journalistes
« jaunes » constitués en comité d'action civique entrepren-
nent une campagne de délation comme aux beaux jours
de l'Occupation ou du McCarthvsme.
dant à l'appel fraternel du Général, les journalistes
« jaunes » constitués en comité d'action civique entrepren-
nent une campagne de délation comme aux beaux jours
de l'Occupation ou du McCarthvsme.
Il aura fallu les barricades pour que le personnel de /
l'O.R.T.F. se réveille enfin. L'organisation de la grève a
été longue et difficile. C'est que dans la grande maison
où les rivalités sont nombreuses, on ne s'aime ni se
respecte beaucoup. Entre les 173 catégories de personnel,
entre les réalisateurs, les techniciens, les journalistes, les
acteurs, les musiciens, les intérêts divergent : les salaires Jj*
ne sont pas les mêmes, ni la place dans la hiérarchie^
ni la part dans la création artistique. Et puis, il faut bien
le dire, beaucoup las de la guerre d'usure qui les oppose
depuis des années à la direction ont fini par prendre leur
parti de la servitude, et se sont installés dans une habi-
tude d'auto-censure. Au lendemain de l'interdiction de
l'émission de Panorama consacrée aux étudiants, la seule
réaction des journalistes fut d'envoyer une lettre de pro-
testation respectueuse à M. Vladimir d'Ormesson, prési-
dent du conseil d'administration. Encore certains trou-
veront-ils les termes du message trop violents. C'est dire
l'état de dégradation des mœurs dans cette maison.
l'O.R.T.F. se réveille enfin. L'organisation de la grève a
été longue et difficile. C'est que dans la grande maison
où les rivalités sont nombreuses, on ne s'aime ni se
respecte beaucoup. Entre les 173 catégories de personnel,
entre les réalisateurs, les techniciens, les journalistes, les
acteurs, les musiciens, les intérêts divergent : les salaires Jj*
ne sont pas les mêmes, ni la place dans la hiérarchie^
ni la part dans la création artistique. Et puis, il faut bien
le dire, beaucoup las de la guerre d'usure qui les oppose
depuis des années à la direction ont fini par prendre leur
parti de la servitude, et se sont installés dans une habi-
tude d'auto-censure. Au lendemain de l'interdiction de
l'émission de Panorama consacrée aux étudiants, la seule
réaction des journalistes fut d'envoyer une lettre de pro-
testation respectueuse à M. Vladimir d'Ormesson, prési-
dent du conseil d'administration. Encore certains trou-
veront-ils les termes du message trop violents. C'est dire
l'état de dégradation des mœurs dans cette maison.
Un comité de censure camouflé
Pourtant, il y a bien longtemps que l'O.R.T.F. ne joue
plus son rôle d'information, si elle l'a jamais joué. Les
barrages sont innombrables. C'est ainsi que chaque
matin à 11 h 15 se réunit au ministère de l'Information
un comité de censure camouflé : le Service de liaison
interministériel pour l'Information. A la tête du S.L.I.I.
on ne trouve pas un journaliste mais un ancien collabo-
rateur de Roger Frey, formé depuis dix ans dans une suite
de cabinets préfectoraux : Michel Denieul, quarante-
deux ans. Assistent aussi aux réunions, trois chargés de
missions, douze délégués des grands ministères et deux
journalistes de la radio et de la télévision chargés d'enre-
gistrer les consignes qui seront données. Le- rôle du
S.L.I.I. a été résumé très simplement par M. Thibau,
ancien directeur-adjoint de la Télévision ; il détermine :
1° ce dont la Télévision ne doit pas parler ; 2° les i
gurations et cérémonies officielles qui doivent être très
largement couvertes. C'est pourquoi les omissions sont si
fréquentes et les inaugurations, si présentes. Le rôle du S.L.I.I.
n'a pourtant jamais été prépondérant et il s'est encore
affaibli au cours des derniers mois. La véritable censure
se fait par voie directe. « Les interventions sont innom-
brables, avoue M. Edouard Sablier, qui, en tant que
patron des actualités télévisées va parfois jusqu'à les
solliciter ; elles émanent de partout, non seulement du
Gouvernement et des ministres, mais de cabinets minis-
tériels, de hauts fonctionnaires, de préfets, de députés,
de maires... » ^
plus son rôle d'information, si elle l'a jamais joué. Les
barrages sont innombrables. C'est ainsi que chaque
matin à 11 h 15 se réunit au ministère de l'Information
un comité de censure camouflé : le Service de liaison
interministériel pour l'Information. A la tête du S.L.I.I.
on ne trouve pas un journaliste mais un ancien collabo-
rateur de Roger Frey, formé depuis dix ans dans une suite
de cabinets préfectoraux : Michel Denieul, quarante-
deux ans. Assistent aussi aux réunions, trois chargés de
missions, douze délégués des grands ministères et deux
journalistes de la radio et de la télévision chargés d'enre-
gistrer les consignes qui seront données. Le- rôle du
S.L.I.I. a été résumé très simplement par M. Thibau,
ancien directeur-adjoint de la Télévision ; il détermine :
1° ce dont la Télévision ne doit pas parler ; 2° les i
gurations et cérémonies officielles qui doivent être très
largement couvertes. C'est pourquoi les omissions sont si
fréquentes et les inaugurations, si présentes. Le rôle du S.L.I.I.
n'a pourtant jamais été prépondérant et il s'est encore
affaibli au cours des derniers mois. La véritable censure
se fait par voie directe. « Les interventions sont innom-
brables, avoue M. Edouard Sablier, qui, en tant que
patron des actualités télévisées va parfois jusqu'à les
solliciter ; elles émanent de partout, non seulement du
Gouvernement et des ministres, mais de cabinets minis-
tériels, de hauts fonctionnaires, de préfets, de députés,
de maires... » ^
Pour que l'émission de Chris Marker sur les grèves
de Rhodiacéta soit programmée, il aura fallu que
l'ensemble des producteurs de magazines fassent pression
de Rhodiacéta soit programmée, il aura fallu que
l'ensemble des producteurs de magazines fassent pression
88
et menacent d'interdire la diffusion de leurs œuvres.
Et encore, cela ne s'est pas passé sans mal. Six projections
ont dû être organisées, pour M. Emile Biasini, directeur
général de la Télévision, pour son adjoint, M. Pierre-Yves
Ligen, pour M. André Astoux, directeur général adjoint,
pour M. Claudius Brosse, chargé de mission auprès du
Premier ministre, pour M. Georges Gorse, ministre de
l'Information, pour M. Edouard Sablier, directeur des
actualités télévisées : bel exemple de rentabilité et de
liberté. Il y en a d'autres. Ainsi, au soir des émeutes
de Djibouti, en 1966, lors du voyage du général de Gaulle,
quelques minutes avant que passe le journal télévisé,
les consignes suivantes furent données par le ministère
de l'Information : le présentateur devait dire : 1° que
les manifestants .criaient « Vive de Gaulle » et « Vive
l'indépendance » ; 2° qu'il y avait dans la foule des
éléments provocateurs venus d'un pays voisin ; 3° qu'il
fallait parler à ce propos, de l'influence d'une puissance
étrangère. Ainsi, non seulement les journalistes ne sont
pas libres du choix des informations qu'ils diffusent mais
la présentation même de ces informations leur est
imposée.
Et encore, cela ne s'est pas passé sans mal. Six projections
ont dû être organisées, pour M. Emile Biasini, directeur
général de la Télévision, pour son adjoint, M. Pierre-Yves
Ligen, pour M. André Astoux, directeur général adjoint,
pour M. Claudius Brosse, chargé de mission auprès du
Premier ministre, pour M. Georges Gorse, ministre de
l'Information, pour M. Edouard Sablier, directeur des
actualités télévisées : bel exemple de rentabilité et de
liberté. Il y en a d'autres. Ainsi, au soir des émeutes
de Djibouti, en 1966, lors du voyage du général de Gaulle,
quelques minutes avant que passe le journal télévisé,
les consignes suivantes furent données par le ministère
de l'Information : le présentateur devait dire : 1° que
les manifestants .criaient « Vive de Gaulle » et « Vive
l'indépendance » ; 2° qu'il y avait dans la foule des
éléments provocateurs venus d'un pays voisin ; 3° qu'il
fallait parler à ce propos, de l'influence d'une puissance
étrangère. Ainsi, non seulement les journalistes ne sont
pas libres du choix des informations qu'ils diffusent mais
la présentation même de ces informations leur est
imposée.
Contrairement aux déclarations de M. Gorse, le
gouvernement n'a jamais considéré l'O.R.T.F. comme un
organisme ayant pour mission d'informer librement, mais
comme un des centres de son pouvoir politique. L'Office,
c'est la « chose » du gouvernement, c'est sa voix, le moyen
dont il veut disposer pour s'adresser à tout moment,
comme il l'entend, à tous les Français. C'est d'ailleurs
ce qu'avoué franchement Edouard Sablier : « Comment
un service public d'Etat, peut-il ne pas être au service
de l'Etat, c'est-à-dire du gouvernement ? »
gouvernement n'a jamais considéré l'O.R.T.F. comme un
organisme ayant pour mission d'informer librement, mais
comme un des centres de son pouvoir politique. L'Office,
c'est la « chose » du gouvernement, c'est sa voix, le moyen
dont il veut disposer pour s'adresser à tout moment,
comme il l'entend, à tous les Français. C'est d'ailleurs
ce qu'avoué franchement Edouard Sablier : « Comment
un service public d'Etat, peut-il ne pas être au service
de l'Etat, c'est-à-dire du gouvernement ? »
Duper le public.
Ce serait pourtant tomber dans un piège que de faire
porter le combat sur la seule liberté d'information. La
télévision ne sera pas libre le jour où chaque déclaration"
de M. Pompidou sera suivie d'une déclaration d'égale
durée de MM. Mitterand ou Waldeck Rochet. L'objecti-
vité formelle est une leurre : que signifient quelques brides
de vérité noyées dans un flot de silence et de mensonges.
Il ne s'agit pas uniquement de « libérer » les actualités
télévisées mais de faire que l'ensemble des programmes ne
soient plus cette forme euphorisante de duper un public,
de l'endormir en lui cachant toutes les tares du système^
dans lequel il vit. La liberté d'information ne peut prendre
un sens que si elle s'inscrit dans un cadre beaucoup plus
vaste qui est la liberté générale d'expression. La supres"
sion des tutelles politiques doit s'accompagner d'un
véritable autonomie financière sans laquelle aucun
réforme n'est possible. On ne peut gérer le plus granc
journal de France et la plus grande entreprise de specta
clés comme on gère les P et T. A l'O.R.T.F., jusque là
chaque engagement de dépense, était soumis à six contrô
les financiers : les décisions du directeur lui-même dépen
daient de l'accord du contrôleur général.
porter le combat sur la seule liberté d'information. La
télévision ne sera pas libre le jour où chaque déclaration"
de M. Pompidou sera suivie d'une déclaration d'égale
durée de MM. Mitterand ou Waldeck Rochet. L'objecti-
vité formelle est une leurre : que signifient quelques brides
de vérité noyées dans un flot de silence et de mensonges.
Il ne s'agit pas uniquement de « libérer » les actualités
télévisées mais de faire que l'ensemble des programmes ne
soient plus cette forme euphorisante de duper un public,
de l'endormir en lui cachant toutes les tares du système^
dans lequel il vit. La liberté d'information ne peut prendre
un sens que si elle s'inscrit dans un cadre beaucoup plus
vaste qui est la liberté générale d'expression. La supres"
sion des tutelles politiques doit s'accompagner d'un
véritable autonomie financière sans laquelle aucun
réforme n'est possible. On ne peut gérer le plus granc
journal de France et la plus grande entreprise de specta
clés comme on gère les P et T. A l'O.R.T.F., jusque là
chaque engagement de dépense, était soumis à six contrô
les financiers : les décisions du directeur lui-même dépen
daient de l'accord du contrôleur général.
Deux exemples illustrent le degré d'absurdité où l'on
était parvenu. Un réalisateur qui disposait d'un crédit de
1 000 francs pour la location de costumes et qui ne dépen-
sait que 500 francs, n'avait pas même la possibilité d'uti-
liser la somme restante pour améliorer son décor. On
raconte aussi l'histoire de ce réalisateur parti tourner en
Lybie : il avait besoin que l'un de ses plans fût filmé au
coucher du soleil. Il fallait donc que les techniciens
fassent des heures supplémentaires : Grave problème !
Le réalisateur dut téléphoner à Paris pour obtenir l'auto-
risation.
1 000 francs pour la location de costumes et qui ne dépen-
sait que 500 francs, n'avait pas même la possibilité d'uti-
liser la somme restante pour améliorer son décor. On
raconte aussi l'histoire de ce réalisateur parti tourner en
Lybie : il avait besoin que l'un de ses plans fût filmé au
coucher du soleil. Il fallait donc que les techniciens
fassent des heures supplémentaires : Grave problème !
Le réalisateur dut téléphoner à Paris pour obtenir l'auto-
risation.
Lors du débat sur l'introduction de la publicité à la
télévision, le gouvernement a insisté sur le déficit financier
de l'Office : 980 millions de francs de recettes provenant
des redevances des télespec tateurs, contre 1 220 millions
de dépenses. Ce que l'on a pas dit assez clairement c'est
qu'au passif on faisait figurer aussi bien les frais de
fonctionnement que les dépenses d'infrastructures. Le
budget de l'Office pourrait parfaitement être équilibré
si, comme c'est l'usage partout, aux Charbonnages"com-
me à l'E.D.F., on finançait les investissements en recou-
rant à l'emprunt à long ou moyen terme.
télévision, le gouvernement a insisté sur le déficit financier
de l'Office : 980 millions de francs de recettes provenant
des redevances des télespec tateurs, contre 1 220 millions
de dépenses. Ce que l'on a pas dit assez clairement c'est
qu'au passif on faisait figurer aussi bien les frais de
fonctionnement que les dépenses d'infrastructures. Le
budget de l'Office pourrait parfaitement être équilibré
si, comme c'est l'usage partout, aux Charbonnages"com-
me à l'E.D.F., on finançait les investissements en recou-
rant à l'emprunt à long ou moyen terme.
L'autonomie financière et administrative ne portcronTs\
vraiment leurs fruits que si à la tête de l'Office on se décide
enfin à placer des professionnels du spectacle. Pour que
la télévision devienne un lieu où la libre créativité puisse
s'exercer il faut qu'elle soit dirigée par des hommes qui
aient la passion de leur métier, qui en connaissent toutes
les techniques et non pas par des diplomates, des techno-
crates ou des flics.
vraiment leurs fruits que si à la tête de l'Office on se décide
enfin à placer des professionnels du spectacle. Pour que
la télévision devienne un lieu où la libre créativité puisse
s'exercer il faut qu'elle soit dirigée par des hommes qui
aient la passion de leur métier, qui en connaissent toutes
les techniques et non pas par des diplomates, des techno-
crates ou des flics.
Le directeur de la B.B.C. a parcouru tous les services
pendant quinze ans avant de parvenir à la responsabilité
suprême. A la tête du T.N.P. on n'a pas nommé un ancien
préfet, mais Jean Vilar, acteur et metteur en scène dont
la compétence et l'amour du théâtre étaient reconnus par
tous. Seul un homme de cette trempe et de cette qualité
peut assurer le destin de l'Office.
pendant quinze ans avant de parvenir à la responsabilité
suprême. A la tête du T.N.P. on n'a pas nommé un ancien
préfet, mais Jean Vilar, acteur et metteur en scène dont
la compétence et l'amour du théâtre étaient reconnus par
tous. Seul un homme de cette trempe et de cette qualité
peut assurer le destin de l'Office.
Mais pourquoi s'étonner de l'absurdité de la gabegie
et de l'autoritarisme aveugle qui caractérisent l'organisa-
tion de l'O.R.T.F. Lorsque M. Contamine supprimait
unilatéralement les commissions paritaires, lorsqu'il
décidait de son propre chef que tel ou tel réalisateur ne
trounerait pas, qu'aucune pièce de Brecht ne passerait
sur les écrans, que faisait-il sinon partager le mépris du
Général pour les corps intermédiaires et son refus de
tout dialogue. L'aliénation qui a porté le personnel de
l'Office à la révolte est à l'image de l'insatisfaction géné-
rale des Français. '
et de l'autoritarisme aveugle qui caractérisent l'organisa-
tion de l'O.R.T.F. Lorsque M. Contamine supprimait
unilatéralement les commissions paritaires, lorsqu'il
décidait de son propre chef que tel ou tel réalisateur ne
trounerait pas, qu'aucune pièce de Brecht ne passerait
sur les écrans, que faisait-il sinon partager le mépris du
Général pour les corps intermédiaires et son refus de
tout dialogue. L'aliénation qui a porté le personnel de
l'Office à la révolte est à l'image de l'insatisfaction géné-
rale des Français. '
Une utopie dangereuse.
Différents projets de statuts sont à l'étude actuellement
dans diverses commissions. Tous prévoient la création
d'un conseil d'administration tripartite : un tiers des
membres représentant le gouvernement, un tiers le
personnel, un tiers le public. La désignation de représen-
tants du public qui témoigne d'un souci louable d'ouver-
ture et de démocratie, pose cependant certains problèmes.
S'appuyer une nouvelle fois sur les associations familiales
et autres organisations sclérosées, c'est contredire le rôle
dans diverses commissions. Tous prévoient la création
d'un conseil d'administration tripartite : un tiers des
membres représentant le gouvernement, un tiers le
personnel, un tiers le public. La désignation de représen-
tants du public qui témoigne d'un souci louable d'ouver-
ture et de démocratie, pose cependant certains problèmes.
S'appuyer une nouvelle fois sur les associations familiales
et autres organisations sclérosées, c'est contredire le rôle
89
r.
L
de contestation et d'éducation qui devrait être celui du
nouvel Office. Ne pourrait-on pas plutôt se mettre
d'accord sur le choix de certaines personnalités — respon-
sables de Maisons de la culture, artistes, professeurs —
qui tout au long des semaines de mai auraient témoigné
de leur volonté de changement ?
nouvel Office. Ne pourrait-on pas plutôt se mettre
d'accord sur le choix de certaines personnalités — respon-
sables de Maisons de la culture, artistes, professeurs —
qui tout au long des semaines de mai auraient témoigné
de leur volonté de changement ?
Tous les projets à l'étude s'accordent également pour
souligner la nécessité d'un éclatement de la Télévision.
À cet égard un des schémas les plus intéressants est
celui sur lequel travaillent les réalisateurs. L'Office serait
divisé en une cinquantaine d'Unités de production qui
disposeraient d'un budget propre, à charge pour elles
de réaliser un certain nombre d'heures de programme.
Les Unités de productions seraient polyvalentes, réalisant
à la fois des dramatiques, des documentaires et des varié-
tés. Elles disposeraient d'un service financier et d'un
conseil d'administration où seraient représentés réalisa-
teurs, techniciens et personnel administratif. A la tête de
chaque unité se trouverait un « promoteur » responsable
de l'ensemble des réalisations.
souligner la nécessité d'un éclatement de la Télévision.
À cet égard un des schémas les plus intéressants est
celui sur lequel travaillent les réalisateurs. L'Office serait
divisé en une cinquantaine d'Unités de production qui
disposeraient d'un budget propre, à charge pour elles
de réaliser un certain nombre d'heures de programme.
Les Unités de productions seraient polyvalentes, réalisant
à la fois des dramatiques, des documentaires et des varié-
tés. Elles disposeraient d'un service financier et d'un
conseil d'administration où seraient représentés réalisa-
teurs, techniciens et personnel administratif. A la tête de
chaque unité se trouverait un « promoteur » responsable
de l'ensemble des réalisations.
Un tel système aurait un double avantage : créer des
groupes de travail de taille raisonnable où chacun puisse
groupes de travail de taille raisonnable où chacun puisse
se connaître mais surtout restaurer la notion de compéti-
tion intellectuelle qui est le seul garant de la qualité. Or,
jusque là à PO.R.T.F., s'il y avait censure politique, il
n'y avait aucun « contrôle de qualité » : tout ce qui était
tourné était projeté, quelqu'en soit la médiocrité. On
peut regretter que dans les projets à l'étude peu d'allu-
sions soient faites aux problèmes de liaison avec le cinéma,
et les Maisons de la culture qui, de leur côté, cherchent la
voie d'une plus grande indépendance. Si l'O.R.T.F., devait
s'enfermer dans un nouveau ghetto corporatiste, elle
perdrait beaucoup de ses chances de renouveau et ris-
querait à courte ou moyenne échéance de connaître à
nouveau la sclérose actuelle.
tion intellectuelle qui est le seul garant de la qualité. Or,
jusque là à PO.R.T.F., s'il y avait censure politique, il
n'y avait aucun « contrôle de qualité » : tout ce qui était
tourné était projeté, quelqu'en soit la médiocrité. On
peut regretter que dans les projets à l'étude peu d'allu-
sions soient faites aux problèmes de liaison avec le cinéma,
et les Maisons de la culture qui, de leur côté, cherchent la
voie d'une plus grande indépendance. Si l'O.R.T.F., devait
s'enfermer dans un nouveau ghetto corporatiste, elle
perdrait beaucoup de ses chances de renouveau et ris-
querait à courte ou moyenne échéance de connaître à
nouveau la sclérose actuelle.
Un autre danger serait de croire que le combat pour
la rénovation de l'O.R.T.F. puisse être dissocié du combat
politique général. Comment pourrait-il y avoir d'entre-
prise libre, d'Université libre, d'O.R.T.F. libre, dans un
système tout entier fondé sur l'oppression. A la Télévision,
le Gaullisme a toujours préféré la chienlit aux réformes :
croire qu'au moment où il engage la bataille électorale il
se laissera déposséder de son arme de prédilection est
une dangereuse utopie.
la rénovation de l'O.R.T.F. puisse être dissocié du combat
politique général. Comment pourrait-il y avoir d'entre-
prise libre, d'Université libre, d'O.R.T.F. libre, dans un
système tout entier fondé sur l'oppression. A la Télévision,
le Gaullisme a toujours préféré la chienlit aux réformes :
croire qu'au moment où il engage la bataille électorale il
se laissera déposséder de son arme de prédilection est
une dangereuse utopie.
1.2.00
4*-3&atuae
fït^^
90
dessin de Sine (L'enragé n" 2)
Voici la nouvelle carte accréditive du
DINERS CLUB
DINERS CLUB
IW-P ï XMP
SIGNATURE PERSONNELLE OBLIGATOIRE
UF 1-309-9874-0
MR. R. VINCENT
MR. R. VINCENT
CARTE EXPIRE LE
30 NOVEMBRE 1966
30 NOVEMBRE 1966
NOV 66
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Q _ ÉVÉNEMENT 5, rue Lamartine - Paris 9e
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J-------------------?_ NOM (en majuscules) _ Prénom
demande
d'admission
au diners club
de France
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Précisez si la présente souscription
est établie dans le cadre de l'entre-
prise .... ou à titre personnel ....
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Adresse privée
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tél..
Adresse de la Banque.
Société----------------------
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.Banque.
_N° de compte.
.Fonction.
Adresse de la Société.
Je.
Signature
L._______________________J
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Title
L' événement
Issue
no.29
Date
06/1968
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Publication information
no.29