Action

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REPRESSION s F AIR
FACE!
FACULTE DES LETTRES
Pourquoi nous nous battons :
La presse et la radio vous ont dit : Quelques cen-
taines de trublions interrompent le fonctionnement
de l'Université. La presse et la radio vous ont dit :
Ces gens sont des agitateurs. La presse et la radio
vous ont dit que quelques centaines • d'enragés » font
Ce journal a été réalisé avec le
soutien de l'U.N.E.F. du Mouve-
ment du 22 mars (Nanterre) et
des Comités d'Action Lycéens
(C.A.L.). Pour que l'action conti-
nue nous avons besoin d'argent.
Effectuez vos versements à P.
Brumberg. C.C.P. 23.898.73 Paris.
régner la violence au quartier latin, et interdisent ainsi
aux étudiants sérieux de travailler en paix.
LA PRESSE, LA RADIO VOUS MENTENT.
Peyrefitte. les ministères vous mentent.
(Suite page 4)
Alain Geismar : «Nous ne
maintiendrons pas Tordre»
Une déclaration du secrétaire géné-
ral du Syndicat national de l'enseigne-
ment supérieur.
• L'Université, temple de la culture, les professeurs,
ses grands prêtres... il est plus que temps de désa-
craliser tout cet appareil, ce mythe et cette mystifica-
tion. Au dernier congrès du S.N.E. Sup. nous disions :
la pratique universitaire doit être fondamentalement mo-
difiée. Un autre enseignement est à inventer. Nous
nous y sommes employés avec un certain succès.
(Suite page 3)
MERCI ET ADIEU
MONSIEUR ROCHE
Le 3 mai, Jean Roche, recteur
de l'Académie de Paris a fait
donner les gardes mobiles contre
les étudiants. Il a pris ses respon-
sabilités. Page 2 le récit des six
heures qui ont ébranlé la Sor-
bonne.
CHIENS
DE GARDE
Le mouvement contre la répression
a contraint tous les gardiens de l'ordre
à se démasquer. Etudiants, vous êtes
à la une des journaux. Voyez comment
on parle de vous.
Plusieurs centaines de gardes mobiles ont bravé ven-
dredi dernier une poignée d'étudiants qui se livraient
à un de leur chahut traditionnel aux alentours de la
Sorbonne. • Ces trublions oulblient un peu trop qu'ils
sont, tout de même, des privilégiés. Les manifestants
de la Bastille le leur ont rappelé l'autre jour en les
traitant de « fils à papa ». l'ignore s'il y a parmi eux
beaucoup de * fils à papa » mais je n'en serais pas
tellement étonné ». (Paris-Jour)
Une faculté fait beaucoup parler d'elle : Nanterre-la-Folie.
(Suite page 3)
Un bruit court
avec persistance :
ROCHE voudrait
démissionner.
Soutenez votre recteur,
Téléphonez-lui
A Odéon 24-13
-J'ESPÈRE <?oïw AURA unf PRIME ... COMME A
Monsieur Roche
Préfet de Police
Universitaire
Merci et Adieu
Monsieur Roche !
JEUDI 2 MAI.
Le doyen Grappin annonce la fermeture sine die de
la faculté de Nanterre • II déclare : - II apparaît à l'évi-
dence que les libertés d'expression et de travail tra-
ditionnel, en usage dans les Facultés sont ouvertement
bafouées ».
VENDREDI 3 MAI.
L'Université a répondu par la matraque à l'action des
étudiants de Nanterre. Dès 10 heures du matin, à la
Sorbonne. les étudiants ripostent. Le groupe fasciste
Occident, célèbre pour ses agressions, ses incendies et
ses actions de commandos, prenant acte de la ferme-
ture de Nanterre annonce qu'il va - nettoyer » le quar-
tier latin, pour exterminer « la vermine bolchevique »
Pour protéger la Sorbonne, des groupes d'auto-défense
sont constitués aux portes. Mais la riposte contre les
mesures autoritaires du pouvoir est plus importante que
a bataille contre les groupes fascistes, le pouvoir,
d'ailleurs, espère une telle bataille qui permettrait de
réduire les actions étudiantes à des « rivalités intes-
tines entre extrémistes ».
COUR DE LA SORBONNE 10 HEURES-MIDI.
A l'appel de l'UNEF. de la J.C.R. du M.A.U. et de
la F.E.R., les étudiants parisiens tiennent un meeting de
solidarité avec les étudiants de Nanterre qui se joignent
à eux (mouvement du 22 mars). La veille on avait appris
que 7 étudiants du mouvement du 22 mars menacés
d'exclusion pour leur activité politique étaient appelés
à comparaître devant le conseil de discipline de l'Uni-
versité de Paris. La Pouvoir frappant de prétendus me-
neurs veut intimider les étudiants. La matinée se dé-
roule dans le calme.
L'APRES-MIDI
Le meeting se poursuit, un millier d'étudiants sont là
pour dénoncer la répression universitaire et policière.
A 15 heures le groupe • Occident • descend le
boulevard Saint-Michel : Cent manifestants seulement,
encadrés par trois rangs de paras et de nostalgiques de
l'Indochine et de l'Algérie, venus de province et de
Belgique, casques et matraques au poing, qui scandent
* Vietcong assassin », avec à leurs bras des emblèmes
du mouvement fasciste. Ils remontent la rue des Ecoles
en direction de la Sorbonne. Ce n'est qu'à ce moment
que la police intervient : Là, pas d'arrestations, on re-
foule le • cortège » en le canalisant vers la place
Maubert. Quelques résidus fascistes sillonneront le quar-
tier latin jusque dans la soirée, essayant de provoquer
les étudiants.
La police cerne alors la Sorbonne ; se rapprochant
des issues : il est 15 H 30.
A l'intérieur les étudiants, demandant l'ouverture d'un
amphi, et refusent, comme leur demande l'administra-
tion, d'évacuer les lieux. Le Recteur Roche fait appel
à la police pour fermer l'entrée de la faculté : plus un
étudiant ne pourra rentrer : l'Union des étudiants
communistes qui diffuse dans la Sorbonne un tract
dénonçant les provocations des groupuscules d'extrême
gauche, au moment où défile le commando Occident, se
fait huer.
15 H30-16 HEURES.
Tout est calme. Pourtant à la radio le ton commence
à monter ; on parle déjà de scènes d'émeutes. On
annoncera même que le service d'ordre étudiant des-
celle les plaques de marbre dans la cour de la Sorbonne
(on a tout simplement avancé chaises et tables pour
protéger les portes, au moment où le commando Occi-
dent approchait de la Sorbonne).
16 HEURES.
Deuxième entrevue entre les étudiants et l'adminis-
tration. Deuxième conclusion : la police n'empêche plus
seulement l'accès de la Sorbonne : elle ne permet
plus d'en sortir. Faute de pouvoir se réunir dans un
amphithéâtre les étudiants organisent un sit-in : on dis-
cute des formes d'action et des perspectives du mou-
vement étudiant. Comment lier l'action entreprise aux
luttes ouvrières ? Comment lutter contre la répression ?
Assis sur les marches, on discute des derniers événe-
ments de Nanterre, de la Sorbonne.
16 H 45.
Les étudiants discutent mais pour le Recteur Roche,
une discussion doit déjà être un début d'émeute. Il
appelle la police. Le sit-in s'interrompt par la force des
choses. La provocation délibérée du recteur réussit :
D'un seul coup la police fait irruption, arme au poing,
comme au sortir de la tranchée. Ils sont 300.
Un peu plus tard les suivront les brigades d'inter-
vention en treillis (moniteurs de judo et de karaté ;
forces spéciales anti-émeutes), et des gardes mobiles
crosses en main. Certains étudiants réussissent à fuir.
Face au coup de force, les étudiants refusent la provo-
cation. Pour limiter les incidents, une délégation s'en-
quiert des intentions des « représentants de l'ordre » ;
S'il n'y a pas de résistance, ils promettent une sortie
sans histoire. Le service d'ordre étudiant forme un
cordon entre leurs camaradeç et les forces de police
pour éviter les accrochages. Malgré les promesses, les
premiers étudiants sont « cueillis » à la sortie et em-
barqués dans les cars de police. Nouvelle provocation
Le but : trouver le prétexte pour briser le mouvement.
Un moment d'hésitation : on relâche les filles tout de
suite, à l'extérieur. Des groupes de manifestants se
forment. Des • fauteurs de troubles -, des • enragés »,
des • extrémistes »? Ce ne sont même pas forcément
des étudiants politisés ; nombre d'entre eux viennent
tout simplement en bibliothèque. Ils ripostent sponta-
nément à la présence policière dans l'Université et se
joignent aux rescapés pour protester contre l'arresta-
tion de leurs camarades. • Halte à la répression »,
« C.Fi S. = S.S. ». Les mots d'ordre sont trouvés, norma-
lemenf, spontanément. Toute la soirée ces réactions en
chaîne se multiplient. Ces manifestations sont nées
spontanément, l'une provoquant l'autre. Elles expri-
ment la solidarité des étudiants contre l'arbitraire poli-
cier. Elles mettent à jour les racines profondes du
mouvement dans le milieu étudiant.
Tout se déclenche, place de la Sorbonne au moment
où partent les premiers cars. Charge de la police pour
dégager la place, bombes fumigènes ; les manifestants,
peu nombreux, refluent vers le Boulevard Saint-Michel.
Immédiatement, sans qu'aucune consigne soit donnée,
tout les services d'ordre, tous les dirigeants politiques
et syndicaux sont bouclés dans la Sorbonne jusqu'à
20 heures, puis embarqués peu à peu au commissariat
où ils seront fichés. D'autres jeunes, d'autres étudiants
se regroupent autour des premiers noyaux. Beaucoup
sont venus après les annonces de la radio, conscients
de l'importance de la situation. Les uns remontent jus-
qu'au Luxembourg, le plus brûlant des points chauds de
la soirée (la manifestation se prolongera jusqu'à 23
heures) puis à Port-Royal. D'autres vont jusqu'au car-
refour Saint-Germain. Dispersés, ils reforment la mani-
festation au carrefour Saint-Jacques où ils bloquent les
voitures.
_ ON VA TENTER UNE 6RFFFE .'
La force de la police c'est l'immobilité, la force des
manifestants c'est la mobilité. Il n'y aura pas d'affron-
tement direct entre la police et les manifestants. Ces
derniers parviennent à « tenir • en ripostant par des
projectiles ; ils arrachent des pavés, des grilles d'arbres,
rattrapent au sol des grenades et les relancent. Ils
forment des barricades, reculent face aux charges, con-
tre les nappes de gaz lacrimogènes, se dispersent puis
se reforment. Par deux fois, même, ils chargent. Ils
veulent rester là. Leurs mots d'ordre :
Libérez nos camarades.
Halte à la répression.
Gaullisme dictature.
Retour dans les cars, un policier furieux d'avoir
reçu un projectile dans l'omoplate « casse du manifes-
tant ».
De vingt et une heure à vingt-deux heures les bri-
gades d'intervention écument le quartier latin : tout civil
est un suspect. La police matraque tout ce qui ressem-
ble à un étudiant. Plus d'un passant, tout à fait étranger
à la manifestation passe trois heures au poste.
40 étudiants s'échappent d'un car. Comment ? Il y a
seulement quatre policiers dans le car ; dans une rue
isolée, ils brisent les vitres et s'enfuient.
Depuis lors les « scènes d'émeutes • ont défrayé la
chronique. Le trait dominant de la journée du 3 mai,
c'est la spontanéité de la résistance à la répression
policière. Elle prouve que l'on ne peut pas • casser » le
mouvement par un coup de massue. Elle révèle la pro-
fondeur de la crise étudiante. Elle montre que l'agita-
tion n'est pas le fait d'une * poignée d'enragés », mais
qu'elle a rencontré un écho profond dans la masse
étudiante. La journée du 3 mai c'est le premier moment
d'une radicalisation de la lutte ; le mouvement commence
à s'étendre en province, rencontre le soutien inter-
national.
Comme pour les manifestations de vendredi : A la
dispersion succédera le regroupement du mouvement,
chaque fois grossi de nouveaux militants actifs, les étu-
diants sont passés à un stade supérieur de l'action.
Alain Geismar
"nous ne maintiendrons
pas l'ordre"
Mais l'Université dans son ensemble continue d'appa-
raitre aux étudiants les plus conscients comme une
institution périmée. Ceux qu'elle forme seront, pour
une part importante, des chômeurs s'ils obtiennent un
diplôme ou des ratés s'ils n'en obtiennent pas L'Uni
verslté reste une institution intégrée à l'ordre social
établi ; de surcroit, son fonctionnement a heu dans
les plus mauvaises conditions, étant donné les res-
trictions budgétaires prévues par la dernière loi de
finances.
Institution qui diffuse une idéologie liée à la classe
dominante et dont les produits, dans leur grande ma-
jorité, s'intègrent naturellement à l'ordre bourgeois,
l'Université apparaît donc dans une large mesure comme
un élément de répression. Quand elle ne parvient plus
à jouer ce rôle, le pouvoir lui substitue les gardes
mobiles et les mousquetons. Si les universitaires ne
peuvent partager les modes d'action des étudiants —
en particulier des éléments les plus avancés — ils
deviennent pourtant conscients de la crise générale de
l'institution. Quand la police entre à l'Université, leur
solidarité apparaît nettement : face à la répression, la
solidarité ne se divise pas. La place des professeurs
se trouve à côté des étudiants. Assurément ils ne parta-
gent pas toujours toutes leurs analyses et. en majo-
rité, s'inquiètent des formes parfois prises par leur
action. Mais il leur semble indécent et inimaginable
de renvoyer dos à dos étudiants et policiers ou d'émet-
tre à ce moment-là des réserves sur la solidarité. Les
problèmes posés sont des problèmes de fond. La police
ne les résoudra pas. La répression élargira le mouve-
ment.
Les étudiants mettent en cause l'Université et, à
travers elle, l'ordre social. Qu'une large partie de la
presse tei te de les discréditer, cela est banal. Que
le ministre de l'Education Nationale du régime reprenne
les arguments de Springer, cela est dans la logique
du système. Qu'il fasse venir la police à l'Université,
cela est de sa part une faute politique.
En ce qui concerne l'attitude du recteur Roche, nous
rappellerons seulement qu'après avoir recouru à la po-
lice, le vice-recteur de l'Université de Madrid a démis-
sionné sous la pression des enseignants au mois de
février dernier. De son côté, le professeur Tejero, doyen
de la faculté de droit, démissionnait pour protester
contre la présence des forces de l'ordre dans sa
faculté.
Le syndicat appelle à la Grève Sa direction a pris
ses responsabilités. Il n'était pas concevable pour
des syndicalistes que l'Université accepte la situation
faite aux étudiants. •
Chiens de garde
Savez-vous comment y vivent les étudiants ? au milieu
de bidonvilles ou croupit un sous-prolétariat, la bour-
geoisie a installé toutes les commodités dus à ces fils
« Lorsqu'ils sont fatigués, /es résidents de Nanterre
vont se reposer dans leurs chambres. Bien modestes
à leur avis. Vous savez le genre de chambre qui coûte
trois mille cinq cent anciens francs la nuit dans un
hôtel : grandes baies vitrées, panneaux de liège pour
afficher ce qu'on veut, cabinet de toilette séparé par une
cloison, eau chaude, eau froide, prise pour le rasoir
électiique. Sur le palier salle de douche. Téléphone et
petite cuisine avec réfrigérateur et cuisinière, et ascen-
seur bien sûr. Comme se sont des intellectuels, des
femmes de charge s'occupent de nettoyer chaque jour
chaque chambre... Le confort cinq étoiles • (Paris-Jour)
Mais aux dires du doyen Grappin: cette expérience reste
un échec :
• Le mariage d'une résidence et d'une faculté s'est
révèle malheureux à l'expérience Le campus est devenu,
je n'ose pas dire un chaudron de sorcière, mais un
espace clos replié sur lui-même où toutes les rumeurs
se sont développées -. (L'Aurore).
Les fils à papa « méconnaissent le problème, ils in-
sultent à la mémoire de leurs aines qui ont tant fait
de sacrifices pour leur assurer ces conditions dévie
paradisiaques.
• l'ai été étudiant, moi aussi, il me semble qu'au/our-
_ OUI. CHEF... D'UN DIPLOME !
d'hui les étudiants ont la vie facile. Nous n'avions pas
nous — sauf quelques privilégiés de résidence univer-
sitaires — nous vivions le plus souvent dans des cham-
bres sans feu. Nous n'avions pas de ces restaurants
corporatifs où l'on oeuf aujourd'hui faire un repas conve-
nable pour 1,50 F. Vos cités, pour nous, c'aurait été le
paradis. Alors travaillez et tenez-vous tranquilles. (Ca-
mille Leduc - Paris-Jour).
Mais parfois les chahuts peuvent dégénérer en drames.
Les trublions s'en moquent. Ce ne sont pas eux qui
payent les vitrines cassées. Le peuple est profondément
désorienté, mais les bons Français veillent : ils dénon-
cent avec force les provocateurs qui prennent leurs
directives à l'étranger.
• Certains groupuscules (anarchistes, trotskystes, maoïs-
tes) composés en général de fils de grand bourgeois
et dirigés par l'anarchiste allemand Cohn Bendit, pren-
(Suite page 4)
Un autre bruit :
ROCHE avant
de démissionner
ferait appel aux C.R.S.
pour corriger
les examens.
nent prétexte des carences gouvernementales pour se
livrer à des agissements visant à empêcher le fonction-
nement normal de la faculté (dégradation des locaux,
interruption des cours, proposition de boycot des exa-
ments, etc...) • (L'Humaniité).
Ces fleurs de réthorique n'ont pas simplement pour
effet de ridiculiser leurs auteurs, elles sont venimeuses
et visent systématiquement à isoler les étudiants et à
dévaloriser leur lutte. Dans ce but, la presse fait appel
à des recettes éprouvées. Les stéréotypes les plus
éculés : l'étudiant-fils-à-papa, l'étudiant-qui-ne-fait-rien,
les meurs-qui-ne-représentent-pas-la-majorité, s'allient à
l'appel aux sentiments les plus douteux : l'anti-intellec-
tualisme et la xénophobie. Il faut voir avec quelle délec-
tation on glisse la formule l'« anarchiste allemand »
Cohn Bendit. Le but de cette campagne est clair. Les
appels à la répression ponctuent cette littérature
Du Président du conseil municipal de Paris, Monsieur
Caldagues... • Au moment où Paris, choisi pour lieu de
lieu de rencontre à l'occasion des négociations sur le
Vietnam, voit ainsi sa vocation de capital de la paix
consacrée, il est inadmissible qu'une poignée d'agita-
teurs parmi lesquels certains abusent scandaleusement
de la traditiormelle hospitalité française, se livrent à des
actes de violences n'éparganant pas les passants ».
...Du député d'extrême droite M. Frédéric Dupont, qui
demande dans une question orale adressée au ministre
de l'Education nationale * les mesures qu'il compte pren-
dre pour que les éutdiants de Nanterre puissent nor-
malement suivre leurs cours et passer leurs examens
sans être menacés et parfois blessés par une minorité
d'agitateurs... •
...Au déput communiste M. Baillot qui demande à Pey-
refitte dans une question orale • quelles mesures it
compte prendre : 1) pour permettre aux étudiants de
pouvoir étudier normalement et préparer leurs examens
dans des bonnes conditions ; 2) pour apporter de véri-
tables solutions aux légitimes revendications estudian-
tines (logements, restaurants universitaires, bourses,
etc... ; 3) pour mettre en œuvre un plan d'urgence ae
construction de faculté et d'IU.T. dans la région pari-
sienne »...
La sainte alliance des bien-pensants se noue.
« Etudiants, ces jeunes ? ils relèvent de la Correction-
nelle plutôt que de l'Université ». (Jean Papillon - Le
Figaro).
Pourquoi nous nous battons
Les raisons de la révolte
Ce n'est pas par plaisir que les étudiants affrontent
les gardes mobiles casqués et armés jusqu'aux dents.
Ce n'est pas par plaisir, qu'à l'heure des examens
les étudiants répondent à la violence policière.
Ce n'est jamais par plaisir que l'on se bat contre
plus fort que soi.
Pendant des années les étudiants ont protesté contre
les mesures autoritaires que le gouvernement voulait
leur imposer. Dans le calme, ils ont protesté contre
la réforme Fouchet, contre les mesures Peyrefitte. Dans
le calme, mais aussi dans l'indifférence générale ; pen-
dans des années le pouvoir a ignoré leurs protesta-
tions comme il a ignoré celles des travailleurs. Pen-
dant des années cette protestation est restée vaine
et sans écho.
Aujourd'hui les étudiants résistent
Leur seul crime c'est de refuser une université dont
le seul but est de former les patrons de demain et
les instruments dociles de l'économie. Leur seul crime,
c'est de refuser un système social autoritaire et hiérar-
chique qui refuse toute opposition radicale ; c'est de
refuser d'être les serviteurs de ce système.
Ce seul crime leur vaut la matraque et la prison.
Si les étudiants et les lycéens se sont mobilisés,
s'ils ont affrontés la répression, c'est qu'ils veulent
se défendre contre la répression policière et le pou-
voir bourgeois, les étudiants sont en état de légitime
défense.
Ce qu'on veut aussi vous faire croire, c'est qu'il
n'y a là qu'un défoulement d'une poignée d'agitateurs
isolés, qui, bien sûr, viennent de Nanterre : C'est de
Nanterre que viennent tous les maux. Le recours au
nanterrorisme n'explique rien. Le pouvoir se rassure à
bon compte : les « trublions • de Nanterre ne sont
pas, n'ont jamais été isolés. Sinon comment expliquer
que dans toute l'Europe les étudiants manifestent. A
un malaise général correspondent des causes générales.
Partout en Europe
Pour arrêter la révolte étudiante, décapiter Nanterre
ne saurait suffire : celle qui naît aujourd'hui à Paris
ne connaît pas de frontière ; à Berlin des milliers
d'étudiants ont mis en échec un pouvoir d'Etat fort
et réactionnaire. Le S.D.S. lui aussi ce n'était qu'une
petite poignée d'agitateurs : aujourd'hui il représente
le seul grand mouvement d'opposition à la fascisation
de l'Allemagne occidentale. En Italie des milliers d'étu-
diants ont imposé leur droit à contester le système
social. A une répression violente ils ont répondu par
des manifestations encore plus violentes que celles de
vendredi dernier. En Espagne, en Angleterre, au Bré-
sil, à Louvain, partout en Europe et dans le monde
les étudiants ont affronté dans la rue les forces de
l'ordre bourgeois. Partout y compris à Paris, la vio-
lence de la répression a montré que les gouverne-
ments, ont peur de ces mouvements, si faible en
apparence et qui ont pourtant commencé d'ébranler
l'ordre existant. Les campagnes de presse ont pour-
tant tenté d'isoler, de discréditer les mouvements : si
les révoltes étudiantes occupent la Une des journaux,
ce n'est pas dû à la tendresse particulière des jour-
nalistes. Au contraire, on ne cherche qu'à propor-
tionner la campagne de haine au danger potentiel que
court l'ordre social.
Un même combat
A Paris et à Nanterre ils ne se battent pas seuls ;
ils ne se battent pas pour eux seuls. En Allemagne,
le 1er mai, des dizaines de milliers d'étudiants et
d'ouvriers se sont retrouvés ensemble à l'initiative
du S.D.S. dans \<\ première manifestation anticapitaliste
que Berlin ait connu depuis le nazisme. La • poignée
d'agitateurs » est devenue mouvement de masses. Ceux
qui luttent contre l'université capitaliste se sont retrou-
vés aux côtés de ceux qui luttent contre l'exploita-
tion capitaliste.
En France, nous savons aussi que notre combat ne
fait que commencer ; nous savons que la jeunesse
est sensible à la crise capitaliste, à la crise de l'impé-
rialisme qui opprime au Vietnam, en Amérique latine,
partout dans le • tiers monde ». A Redon, à Caen, les
jeunes ouvriers se sont révoltés violemment, plus vio-
lemment que nous. Cela, la presse qui nous attaque
aujourd'hui, l'a passé sous silence. Malgré l'Etat, malgré
le silence et les manipulations d'une presse à son
service, nos luttes convergeront avec les leurs.
Aujourd'hui, les étudiants prennent conscience de ce
qu'on veut faire d'eux : les cadres du système écono-
mique existant, payés pour le faire fonctionner au
mieux. Leur combat concerne tous les travailleurs car
il est le leur : ils refusent de devenir des profes-
seurs au service d'un enseignement qui sélectionne
les fils de la bourgeoisie et qui élimine les autres ;
des sociologues fabricants de slogans pour les cam-
pagnes électorales du gouvernement, des psycholo-
gues, chargés de faire • fonctionner » les • équipes
de travailleurs » selon les meilleurs intérêts du patron ;
des cadres chargés d'appliquer contre les travailleurs
un système auquel ils sont eux-mêmes soumis.
La jeunesse, lycéenne, étudiante, ouvrière, refu-
se l'avenir que lui offre la société actuelle ; elle
refuse un chômage, sans cesse plus menaçant : elle
refuse l'Université d'aujourd'hui qui ne lui donne qu'une
formation ultraspécialisée, sans valeur, qui, sous pré-
texte de • sélection », réserve le savoir aux fils de la
bourgeoisie ; qui n'est qu'un instrument de répression
contre toutes les idées non conforme aux intérêts de
la classe dominante.
Quand elle se révolte avec violence, elle a cons-
cience qu'elle rend plus évident et plus net ce refus ;
elle a conscience que son combat ne peut aboutir
que si les travailleurs en comprennent le sens et le
font leur. C'est pourquoi aujourd'hui, nous conti-
nuons ; c'est pourquoi nous nous adressons à vous
II parait
qu'il aurait démissionné,
dégoûté,
et qu'il serait promu
à de nouvelles fonctions
dans la police.
LES INTELLECTUELS
Les soussignés s'élèvent avec vigueur contre la vio-
lation du territoire universitaire dont la Sorbonne a été.
pour la première fois, le théâtre, le 4 mai 1968. Ils
rappellent que, dans une récente situation de même
espèce, un recteur d'université espagnole a dû donner
sa démission. Ils apportent leur appui à l'action entre-
prise par le Syndicat Nationale de l'Enseignement Supé-
rieur et considèrent que les décisions prises par ce
Syndicat sont à la mesure des circonstances. l|s tiennent
à informer l'opinion publique qu'à leur connaissance, et
après enquête, aucun des groupes estudiantins consi-
dérés comme de gauche et d'extrême-gauche ne visent
à organiser une grève des examens. Ils demandent aux
intellectuels français de joindre leur signature à la pré-
sente déclaration.
Daniel Guérin, Michel Leiris, Jean-Pierre Vigier
LE S.D.S. SOLIDAIRE
Aujourd'hui, lundi, manifestation à Hambourg, Franc-
fort Berlin, Munich. Cologne
' Le S D.S affirme sa complète solidarité avec les
étudiants français qui organisent lundi une grève natio-
nale et dont les manifestations contre les mesures
disciplinaires sont interdites Le comportement sadique
de la police, la collaboration des bureaucraties de l'Etat
et de l'Université, comme la diffamation - d'une minorité
d'agitateurs » (M. Peyrefitte) montrent des similitudes
profondes avec la situation en Allemagne.
Dans les différentes villes le S.D.S. organisera des
actions de solidarité avec les camarades étudiants fran-
çais.
Bureau national du S.D.S. - Francfort.
Des messages de solidarité du S.V.B. (Hollande), des
étudiants de Louvain, de l'Université libre de Bruxelles.
(Dans ces dernières villes, des meetings sont organisés
dès lundi) de l'Assemblée des étudiants de Turin, de
Genève, Zurich, Londres...
Dans toutes ces universités des actions sont en pré-
paration, pour les jours prochains.
LE MOUVEMENT EN PROVINCE
Les mouvements se généralisent en province : grèves
étudiantes à Dijon, Poitiers, Tours, Montpellier, Toulouse,
Caen, Lyon, Orléans, Metz, Grenoble, Pau, Aix et Nan-
tes. Manifestations à Poitiers, Tours, Nancy, Clermont.
Bordeaux, Caen, Grenoble, Pau, Nantes A Dijon ces
manifestations s'accompagnent d'une occupation de |a
Faculté des Lettres. A Metz, elles reçoivent l'appui des
jeunes ouvriers. Meetings à Montpellier, à Grenoble. Les
professeurs, à l'appel du SNESup se mettent en grève
dans l'ensemble des facultés à Clermont, à Nice, à
Lyon, à Caen, dans les facultés des lettres et des Scien-
ces à Poitiers, dans les facultés des lettres à Besançon
et Dijon, dans les facultés des sciences à Paris, à Mar-
seille, à Orléans. A Montpellier, les professeurs de
sciences et de lettres tiennent un meeting.
MESSAGE DE BERLIN
Au mouvement du 22 mars.
A l'union nationale des étudiants de France.
Camarades,
C'est par une grève que nous exprimons notre soli-
darité avec vous dans le combat contre le terrorisme
international des bureaucraties universitaires et gouver-
nementales qui ne savent répondre à |a protestation
des forces démocratiques que par la brutalité policière
et par l'abus de la juridiction.
Les blessés de Nanterre et de Paris prouvent la néces-
sité de la lutte active contre les structures réactionnaires
de la société.
ASTA de l'université libre de Berlin.
ASTA de l'université technique de Berlin.
ASTA de l'université théologique de Berlin.
ASTA de l'école des Arts et Métiers de Berlin.
ASTA de la maison Pestalozzi-Frôgel.
Section de l'institut Otto Suhr.
Séminaire des langues romanes.
Union des étudiants socialistes (S.D.S.).
Union des étudiants démocrates (D.H.B.).
Union des étudiants sociaux démocrates (S.H.B.).
Union des étudiants humanistes (H.S.U.V
Section des étudiants des écoles sociales.
Comité d'action des écoles sociales de la sécurité
sociale ouvrière.
Ce n'est qu'un début
Avant la rentrée officielle, cette année, l'agitation était
déjà vive au sein de l'université française, deux élé-
ments peuvent expliquer cette agitation :
— L'application systématique de la réforme de l'en-
seignement supérieur et ses séquelles (problèmes
d'équivalence de diplôme d'un système à l'autre, de
débouchés, TJ'Bneadrement, etc.).
— Le contexte dans lequel s'insérait cette applica-
tion : les ordonnances « antisociales * d'août 67, les
pleins pouvoirs, etc.
Les quatre semaines de novembre furent l'époque
du plus grand désordre, de l'affolement le plus total.
Ce même mois fut aussi marqué par un événement dont
nous sommes aujourd'hui à même de mesurer l'impor-
tance : la remontée après bien des années de crise
de luttes étudiantes de masse. Le 9 novembre, 5 000
étudiants et lycéens descendaient dans la rue à l'appet
de l'U.N.E.F., manifestaient sans ambiguïté leur opposi-
tion à la politique sociale et universitaire du gouver-
nement. Les mots d'ordre sont clairs et témoignent d'un
degré de politisation qui surprend parfois : • A bas les
ordonnances », « non à la sélection »...
Quelques jours après (20 novembre) éclate à Nan-
terre la plus importante grève universitaire du pays :
10000 étudiants sont touchés une semaine durant. Parti
de la section de sociologie, le mouvement, partielle-
ment préparé par de nombreux contacts entre S.N.E.S.
U.P. et U.N.E.F., dépasse vite l'audience habituelle des
organisations syndicales ; il est dirigé par un * comité
de grève • regroupant syndiqués (U.N.E.F.), et non-
syndiqués. Ce comité traite en tant que tel avec le
corps enseignant et l'administration, il organise collo-
ques et débrayages d'amphis et de T.P.
L'administration de son côté joua sur deux tableaux :
— Le refuge successif de chaque • autorité • derrière
son supérieur hiérarchique immédiat ; exemple : la direc-
tion de telle section accorde telle équivalence qui huit
jours plus tard est refusée par le ministère.
— La volonté apparente du dialogue avec les étu-
diants en grève au sein de comités - paritaires • (qui
en réalité ne sont pas paritaires et n'ont aucun pouvoir
de décision). En bref, la volonté d'intégrer le mouve-
ment en lui retirant ses bases d'existence sans lui offrir
de réelles satisfactions.
Lorsqu'une inévitable démobilisation se produit après
l'intense activité de fin novembre, chacun, à Nanterre,
sent que l'on n'a pas été aussi loin que possible : il
reste bien des choses à faire et de l'énergie pour
mener à bien, avec de nouvelles formes d'intervention
peut-être, un nouveau combat. Le trimestre se termine,
après une grève-participation réussie à la Sorbonne, par
une journée nationale le 13 décembre.
Pendant le deuxième trimestre, les lycéens entrent
en scène de manière spectaculaire, partout la lutte con-
tre la barbarie américaine au Vietnam se développe, à
Nanterre le mouvement démarre.
LES LYCEENS.
Depuis un an environ, un malaise se faisait sentir
dans les lycées : grèves et occupations de locaux, à
Mantes, Nîmes, Condorcet, Cognac... Le 13 décembre
l'idée d'une grève circule spontanément : six lycées se
mettent en grève (en moyenne 75 % de participants) et
manifestent leur solidarité avec les travailleurs. Prenant
pour prétexte la grève du 11 janvier, l'administration
exclut un élève de Condorcet pour « activité politique
et syndicale ». Cette mesure accélérera les actions ly-
céennes. Le lendemain 500 lycéens manifestent pour
réclamer la réintégration de leur camarade. Le samedi
suivant, 1 500 lycéens se heurtent aux forces de l'ordre
(8 policiers seront blessés), derrière les banderoles :
- Liberté d'expression », « Droit de revendication -, « Des
profs, pas de flics ».
Le même jour un meeting réunit 500 personnes qui
débattent des perspectives des C.A.L Un militant du
S.D.S. allemand explique le combat des lycéens dans
son pays. Le 13 mars. 200 lycéens occupent l'Ecole
Nationale de Chimie pour protester contre le renvoi
d'une militante. Le 14 mars, ils manifestent avec l'U.N.
E.F. et le S.N.E.S.U.P. devant le ministère de l'Educa-
tion nationale où ils reviendront pour déposer leurs
pétitions avec le mouvement de la jeunesse commu-
niste. Vendredi dernier, 3 dirigeants des C.A.L. sont
arrêtés. Des dizaines de lycéens sortant de cours se
joindront spontanément aux étudiants protestant contre
la répression.
Aujourd'hui, contre l'arrestation et la condamnation de
militants, les lycéens organisent des actions d'agitation :
grèves locales sur le tas, meetings dans les cours, ma-
LE QUARTIER LATIN
U/V
— L'U.N.E.F. et la
dences Universitaires
14 février à abroger
confiner les étudiants
nifestationa autour des lycées, actions contre les cars
de police stationnant aux alentours D autre paît, les
C AL appellent à manifester le lundi avec les étudiants
Les lycéens sont sortis de la passivité dans laquelle
les confinait l'université autoritaire et répressive , une
large frange a pris conscience de la nature de l'ensei-
gnement et de l'université, et qui ont compris la néces-
sité d'une contestation radicale de la société.
LE 21 FEVRIER.
A l'appel du C.V.N. et de l'U.N.E.F., 8000 étudiants
font du quartier latin le quartier du Vietnam héroïque
Ils remontent le boulevard Saint-Michel nouvellement
rebaptisé, brûlent des effigies de Johnson, plantent des
drapeaux sur la Sorbonne, défilent 2 heures durant sur
les mots d'ordre : F.N.L. à Saigon ! F.N.L. vaincra !
Refusant les défilés et processions rituelles qui ne
correspondent pas aux nécessités de la riposte contre
l'agression américaine, les étudiants ont fait une mani-
festation combattive et résolue.
A Nanterre, le mouvement renaît au mois de février,
à la suite de trois conflits :
— Manifestation de solidarité avec un étudiant
menacé d'exclusion de la Faculté et d'expulsion du
territoire français. Bagarres avec la police. Agitation
à l'intérieur de la Fac.
F.R.U.F. (Fédération des Rési-
de France) appellent pour le
un règlement intérieur qui veut
dans un statut passif, dans un
monde clos et aliénant. Engagée nationalement, pré-
parée massivement, l'action réussit pleinement.
— Le 22 mars, à la suite de l'arrestation de 6 mili-
tants du C.V.N., un meeting de protestation est orga-
nisé au terme duquel on décide l'occupation du bâti-
ment administratif pour le soir même. 150 étudiants
réunis dans la salle du conseil des professeurs débat-
tent jusqu'à deux heures du matin de nombreux pro-
blèmes politiques. Une journée de débats politiques
est fixée au 29 mars.
Une intense préparation de la journée (tracts, prise
de parole, campagne d'affiches à l'intérieur des locaux
universitaires inquiète l'administration, qui cherche à
dresser le personnel de la faculté contre les étudiants.
Le doyen Grappin répondant à la discussion par l'auto-
rité ordonne la suspension des cours et des T.P. jus-
qu'au 1er avril. Le 29, tandis qu'un important dispositif
policier ceinture le campus, 600 étudiants participent
au meeting d'ouverture dans un foyer de la cité, puis
se répartissent dans des commissions pour discuter
sur les thèmes prévus : Luttes étudiantes et luttes
ouvrières ; luttes anti-impérialistes ; luttes étudiantes
dans les démocraties populaires ; université critique,
critique de l'université. Le 1er avril les étudiants en
sociologie de deuxième année de premier cycle, déci-
dent majoritairement de boycotter leurs examens. Ils
publient un texte dénonçant l'enseignement de la socio-
logie. Des dissensions apparaissent au sein du corps
enseignant : « Libéraux » contre • conservateurs » qui
exigent l'arrestation des • meneurs ».
2 avril, succès complet : 1 500 personnes se réunis-
sent dans un amphi de la faculté puis se répartissent
en commission dans des salles de cours. L'assemblée
plénière finale décide la continuation du mouvement,
la publication d'un bulletin largement diffusé à Nan-
terre et à Paris.
Nanterre n'a pas été un cas à part comme on
tente de le faire croire. Les mouvements qui ont lieu
dans les campus : Besançon, Nice... annonçaient par
certains aspects celui de Nanterre. A la Sorbonne le
mouvement d'action universitaire organise un meeting
international sur les luttes étudiantes en Europe. La
réunion est interdite, les étudiants occupent un amphi-
théâtre et pour la première fois refusent par les actes,
l'interdiction obscurantiste des manifestations politiques
à la Sorbonne.
A Nantes les résidentes envahissent le pavillon des
garçons, 2 000 étudiants qui entendent imposer le droit
à l'information politique manifestent. Ils dénoncent éga-
lement le rôle répressif d'une certaine psycho-socio-
logie. La réaction est brutale. Les forces de police
mobilisées sont nombreuses et parfaitement armées.
Les condamnations portées au terme d'actions juridi-
ques exceptionnelles sont sévères, les amendes sont
très lourdes.
Nantes est restée isolée... La leçon a porté.
LE MOUVEMENT DU 22 MARS.
Mouvement de contestation radicale et anti-impéria-
liste (débat et actions sur le Vietnam motions de
solidarité avec les étudiants polonais et le peuple
guadeloupéen, etc.), voijà ce qu'a voulu être le mou-
vement du 22 mars. Animé par 2 à 300 étudiants, il
est capable d'en mobiliser quasiment en permanence
1 000 à 1 200. Dans le cadre d'une faculté neuve sans
traditions politiques et syndicales, c'est sans doute
l'originalité de l'intervention du mouvement, qui lui a
permis d'acquérir si rapidement une audience que les
organisations traditionnelles n'avaient jamais connu à
Nanterre. Sur le thème central du droit d'expression
politique à l'intérieur de la Faculté, il a obligé chacun
à se prononcer par rapport à lui et a donc accéléré
la prise de conscience politique de nombreux étudiants
non organisés, tout en leur offrant la possibilité de
participer activement à la préparation des actions enga-
gées. Bref la dénonciation et le refus de l'université
de classe, l'approfondissement du problème de 'a
jonction des luttes étudiantes avec celles des travail-
leurs, thème privilégié des travaux du mouvement exclut
(fallait-il le préciser ?) le moindre crédit accordé au
mythe des quelques • enragés » qui mèneraient de pau-
vres moutons à l'abime.
Le succès des activités entreprises après Pâques a
contribué à la décision de l'administration de fermer à
nouveau la Faculté après une prise de position fort
peu claire sur un meeting prévu par • occident • à
l'intérieur des locaux universitaires. Les étudiants de
Nanterre étaient prêts à défendre chèrement les jour-
nées anti-impérialistes prévues pour le 2 et le 3 mai.
Le 2, les fascistes ne vinrent pas. Le 3 la Faculté
était fermée ; l'action se porte sur Paris. On sait la
suite.
Désormais Nanterre n'est plus isolée. Le mouvement
doit s'étendre - DE LA CRITIQUE DE L'UNIVERSITE
DE CLASSE A LA CONTESTATION DE LA SOCIETE
CAPITALISTE ..
UNE DIZAINE D'ENRAGES
CE QU'IL FAUT:
LA REOUVERTURE DES FACULTES
L'ANNULATION
DE TOUTES LES POURSUITES
LE QUARTIER LATIN
AUX ETUDIANTS
8 h, des groupes d'étudiants commencent à sillonner le
Quartier Latin distribuant des tracts pour la manifesta-
tion, s'accumulent jusqu'à 9 h-9 h 30, heure à laquelle
les sept étudiants entrent à la Sorbonne pour se pré-
senter au Conseil de discipline. Dès 7 h-7 h 30 un très
important déploiement de forces de police avait été mis
en place, créant des verrous à chaque intersection de
rues. Une manifestation est lancée lors de l'entrée des
sept camarades dans la Sorbonne, qui chantaient l'inter-
nationale poings levés. Cette manifestation va parcourir
Paris en passant successivement dans le Quartier Latin,
s'arrêtant à la Faculté des Sciences où un meeting se
tint. Evaluée à 5000 manifestants, elle repartait, passait
à l'Opéra et rejoignait le bd Saint-Germain, scandant :
Libérez nos camarades ! Roche démission !
Alors que la manifestation remontait la rue Saint-Jacques,
elle connut son premier heurt sérieux avec les CRS, qui
allait décider de la tournure définitive de la manifestation.
Principaux points chauds : Maubert, Denfert-Rochereau,
et erjfin les barricades de Saint-Germain-des-Prés.
L'ouragan s'abattait sur le Quartier Latin.
— La première charge de CRS s'est produite rue Saint-
Jacques par pure provocation.
— A la hauteur de la pharmacie située face à la rue
A. Thénard, sur le bd Saint-Germain, 3 CRS ont matra-
qué pendant plusieurs minutes un jeune homme qui sor-
tait de chez lui. Un officier CRS s'est rendu compte que
des journalistes étaient en train de filmer la scène. Il a
donné l'ordre d'arrêter.
- Durant les batailles de la place Maubert, la police a
utilisé des grenades asphixiantes, lancées à la main, ou
par obusier portable, ou bien encore du haut des héli-
coptères.
— Rue Maître-Albert plusieurs centaines de manifestants
tiennent autant de CRS en respect à coups de tout (pier-
res, etc...). Puis charge des flics, des manifestants se
réfugient dans la rue Maître-Albert. Avec un fusil lance-
bombes, un CRS envoie une charge de gaz dans la
chambre d'un hôtel (Hôtel de France) en brisant les
vitres de la fenêtre. Un vieil homme fut tiré de la cham-
bre dans un état lamentable. Nombre de Nord-Africains
habitant là ripostèrent avec des volées de pierres sur les
flics qui reculèrent, bientôt enfumés par un incendie sur
la place Maubert.
— Chez Maspéro : charges de CRS dans le tas du bd
Saint-Michel. Les étudiants se réfugient dans la librairie
La Joie de Lire. Des CRS entourent la librairie, proposant
avec le sourire la matraque ou les bombes asphixiantes,
que finalement ils enverront dans la librairie. J.-L. Godard
qui filmait les scènes de matraquage de passants isolés
fut assailli par les flics et sa caméra brisée. Il sera relâ-
ché quelques instants après.
— Ordinairement les CRS chargent sans avertissement.
Ceci est contraire à la loi. La sommation réglementaire
consiste en trois coups de clairon. Hier il y a eu des
charges à la trompette.
A côté des grenades lacrymogènes qui font seulement
pleurer, la police a utilisé des bombes asphixiantes aux
gaz incapacitants CW et CB mortels à forte dose. La
Croix Rouge française a été gênée dans son action par
les gardes mobiles. Il a fallu 30 mn pour faire évacuer
les blessés d'une pharmacie du bd St-Germain. Les
manifestants arrêtés étaient tabassés dans les cars. Les
flics tabassaient également des gens évanouis sous
l'effet des gaz incapacitants. Longtemps après la disper-
sion de la manifestation les CRS ont bloqué les issues
de la rue Monsieur-le-Prince pour mettre en état de
siège le local du SNESup;
— Pendant toute la soirée les gardes mobiles ont systé-
matiquement attaqué les étudiants isolés qui avaient
l'audace de s'attarder dans les rues. Jusqu'à 1 h du
matin des corps spéciaux de la police attaquent matra-
que en main les passants dans les petites rues du
Quartier Latin, les poursuivant dans les couloirs et les
escaliers des immeubles.
La journée d'hier fut la réponse pratique à la campagne
de calomnies de la presse.
Venant de Denfert Rochereau 20000 manifestants arri-
vaient à St-Germain-des-Prés scandant : " NOUS SOM-
MES UN GROUPUSCULE? UNE DIZAINE D'ENRAGES...
C'est en masse que les étudiants ont répondu à la répres-
sion, résisté à la brutalité policière. La presse bourgeoise
aujourd'hui ne comprend pas que des jeunes (étudiants,
lycéens ou travailleurs) puissent répondre à la répression,
contre attaquer devant des policiers casqués, armés de
matraques, de fusils, de lance-grenades, de bombes
asphixiantes...
Défenseurs d'un système où une minorité exploite et ma-
nipule une majorité ; ils ne peuvent raisonner que dans
ces termes : pour eux les jeunes " doivent " être dirigés
de l'extérieur pour pouvoir affronter violemment les
forces de police. La bourgeoisie doit élaborer un nouveau
mythe: celui de "commandos étudiants entraînés à la
guérilla urbaine " !
- Hier de 18 h 30 à 20 h 20000 manifestants parmi eux,
des professeurs se regroupent et défilent dans le calme
le plus complet de Denfert Rochereau à St-Germain. C'est
l'intervention des forces de police qui engendra la vio-
lence. L'origine de la provocation est évidente. La déter-
mination de la riposte le sera tout autant. La police fut
contrainte de reculer.
C'est maintenant dans l'organisation à tous les niveaux
que se poursuivra la lutte.
Lundi 6 en Province
Grenoble : 1500 manifestants, une dizaine de blessés, un
meeting sur le campus, une manifestation à 18 h, agita-
tion de groupes fascistes. Toulouse : Intervention de la
police à la demande du recteur, occupation massive de
la Fac, heurts violents avec les flics, grève 100% en
Lettres, une manifestation prévue mardi, des missions de
trois membres sur six du bureau d'AGE (UEC), qui
condamnent le mouvement national réclamant une pré-
paration à l'examen dans de meilleures conditions, une
majorité d'étudiants favorables au mouvement de Nan-
terre, une AG prévue pour décider de la grève limitée.
STRASBOURG Mille manifestants ; grève totale, piquet
d'explication, prochaine AG décidera suite action.
RENNES 2000 manifestants, grève générale mercredi.
LYON 3000 participants à un meeting Sciences appli-
quées, manifestations prévues mardi avec participation
Rhodiaceta. CLERMONT FERRAND grève totale. DIJON
grève générale 95 % Lettres Droit, 80 % Sciences, ris-
ques de heurt avec les fascistes. BORDEAUX grève
mardi. ORLEANS 400 manifestants. NANCY un meeting
d'explication lundi, pas de grève. BESANÇON pas de
cours, explications dans les amphis, meeting lundi.
METZ grève mardi. MARSEILLE heurts violents. AIX
grève en Droit. PARIS 95 % grève dans les grandes
écoles, 7 lycées. Le proviseur de Michelet manifeste en
tête de ses élèves. POITIERS grève 90 %, meeting. LILLE
un meeting, une motion sur la grève sera votée ultérieu-
rement.
OFFSET PRESSE - SAINT MAUR
Dépôt légal N" 608
Le Directeur de la Publication
Jean Pierre VICIER
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