Action

Thumbnail
M* 6. • LUNDI 10 IUIN • PRIX MINIMUM : 0,50 F • Ce journal a été réalisé au Service des Comités d'Action, avec le soutien de l'UNEF, du SNESup et des Comités d'Action Lycéen».
Renault
oflensve
travailleurs
étudiants
abords
POURQUOI
FLINS ?
De Gaulle se croit supérieur parce qu'il a toujours
joué et battu une gauche qui ne sait être que parle-
mentaire. L'ayant convaincue de retourner au lit familier
d'où la grève la faisait déborder, il veut, maintenant
qu'elle est à demi désarmée, se donner un succès
facile. Il veut faire un exemple qui fasse apparaître son
gouvernement comme celui de l'ordre.
Flins, tout y parait propice. Les travailleurs d'ori-
gine paysanne y sont moins organisés qu'à Billancourt ;
l'usine assez récente est au milieu des champs, à
40 km de Paris. Flins serait ainsi le talon d'Achille de
la métallurgie, d'un secteur qui fait figure de noyau de
résistance.
L'intoxication aidant, l'ordre semble régner en
France puisque transports et communications sont ré-
tablis. Des petites entreprises toujours en grève, on
n'en a jamais parlé. Le gros morceau c'est donc la
métallurgie et, dans la métallurgie, l'industrie automo-
bile nationalisée, symbole trop traditionnel de la classe
ouvrière et de ses luttes.
Les métallos ne sont pas des ouvriers aristocrates
qui revendiqueraient abusivement plus que les autres.
Ces enragés d'un nouveau genre réclament leur dû,
ce dû dont dépend aujourd'hui, pour une bonne part,
l'avenir du mouvement. Pas de salaire inférieur à
1 000 francs, les 40 heures, les libertés syndicales.
Mais la faiblesse de de Gaulle, celle qu'il a encore
une fois révélée le mois dernier, c'est d'être un militaire.
Et de la plus mauvaise espèce : bourgeoise. De là son
incapacité à saisir la dynamique interne du mouvement.
De Gaulle non seulement sous-estime, mais connaît mal
son véritable ennemi : la base ouvrière alliée aux étu-
diants révolutionnaires. Cet adversaire innombrable et
sans visage a déjà battu de Gaulle aux coins des rues
de Paris, le voici dans la Basse-Seine.
La misérable astuce policière consistant à arrêter
300 étudiants sur l'autoroute de l'Ouest est pour le
pouvoir un bien maigre profit devant cette nouvelle
affirmation des possibilités de combat commun aux
travailleurs et aux étudiants.
Pour tous, avec Flins, la lutte continue. Le soutien
aux travailleurs de Flins doit s'étendre à tout le pays.
QUI SONT
LES
BRISEURS
D'UNIlï ?
Samedi matin, qui parlait au nom de « L'Huma-
nité » ? Qui parlait au nom de la C.G.T. de la région
parisienne ? L'organe central du Parti Communiste
Français, relatant la bataille de Flins, titrait en gros
caractères : « LES GROUPES GEISMAR ORGANISENT
UNE PROVOCATION CONTRE LES GREVISTES CHEZ
RENAULT ». A la une, sous le titre « Assez de provo-
cations », « L'Humanité » précise : « Les commandos
Geismar, militairement organisés, sont passés désor-
mais à la provocation contre le mouvement ouvrier. Ils
portent secours aux gaullistes... », « ils se font les
complices de la direction Renault et du pouvoir, les
complices du patronat de la métallurgie. » (*). Dans un
communiqué de l'Union syndicale C.G.T. Région pari-
sienne, les révélations se font encore plus précises sur
Geismar « qui apparaît de plus en plus comme un spé-
cialiste de la provocation ». Enfin, toujours dans « L'Hu-
manité », la déclaration du Bureau confédéral de la
C.G.T., à propos des déclarations de de Gaulle, signale
que ce dernier « a omis de désigner les véritables fau-
teurs de troubles et de provocations dont les agisse-
ments, y compris contre la reprise du travail, sont
couverts par une singulière complaisance du pouvoir ».
Il ne serait pas la peine d'insister sur ces propos
d'une grossièreté inouïe s'ils se bornaient à ce que
nous ont déjà réservé de nombreux articles de L'Hu-
manité comme de nombreuses déclarations des direc-
tions de la C.G.T. et du P.C.F. : calomnies sans l'ombre
d'explication contre des militants étudiants et ouvriers,
refus systématique d'une liaison étudiants-travailleurs,
accusation de « gauchisme aventuriste » de toute posi-
tion ou de toute initiative qui ne soit pas conforme à
la ligne politique de ces directions, etc.
Mais, samedi, on a été plus loin, on est carrément
passé à la dénonciation policière : le titre de « L'Huma-
nité » est un mensonge ignoble, ignoble pour la double
raison qu'il calomnie les ouvriers de Flins qui se sont
battus pendant plus de 24 heures et qu'il dénonce le
camarade Geismar comme on dénonce un flic. Le cama-
rade Séguy, par la déclaration du Bureau confédéral
de la C.G.T., appelle carrément la police gaulliste à la
répression contre les étudiants mais aussi contre les
ouvriers qui ont osé s'affronter aux milliers de C.R.S.
que l'Etat a envoyés à Flins. L'Union syndicale C.G.T.
fait chorus avec Pompidou et de Gaulle en calomniant
« ceux qui ne veulent pas désarmer » devant le rétablis-
sement de l'ordre.
Que les responsables de la C.G.T. appellent à
l'unité, c'est bien, et nous sommes d'accord.
Que la direction du Parti Communiste Français
fasse état de ses divergences avec le mouvement étu-
diant, c'est son droit.
Mais aucun ouvrier de Flins, aucun étudiant acquis
à la cause du prolétariat et qui a lu « L'Humanité » de
samedi matin, n'avalera de telles saloperies.
(*) Cf. article sur Pline, p. 3.
ÉLECTIONS :
LE
DESSOUS
DES
CARTES
Ce n'est pas par hasard que la bour-
geoisie a systématiquement tenté de
ramener le conflit de classe sur le terrain
électoral. C'est qu'elle sait qu'elle est
battue par 10 millions de grévistes alors
qu'elle peut gagner devant 28 millions
d'électeurs.
L'opération lui permet d'abord de neu-
traliser les millions de jeunes ouvriers,
chômeurs, lycéens, étudiants qui ont été
le fer de lance de la lutte ; pour une
bonne part, ceux-là ne sont pas majeurs
aux yeux de la loi bourqeoise. Le pou-
voir pourra mobiliser les attentistes, ceux
qui craignent pour leur propriété et leur
bourse. Le suffrage universel met sur le
même pied l'ouvrier et le parasite, le
producteur et le profiteur. La propagande
fera le reste et le pouvoir s'emploie à
récupérer les moyens d'information parce
qu'il sait que ceux-ci ont pour lui une
importance vitale.
En quelques semaines de lutte, les
masses « inéduquées » ont réussi à
sortir de l'entreprise de crétinisation de
la société bourgeoise. Tout l'effort de
propagande électorale tendra à la proté-
ger. Aux paysans on expliquera que l'ou-
vrier est un partageur totalitaire ; à
l'ouvrier que l'étudiant, c'est la chienlit ;
à l'étudiant qu'il a été « lâché > par les
ouvriers.
Une gigantesque opération de division
et de diversion est commencée ; le pou-
voir bourgeois y jouera tous ses atouts :
la presse, la radio, la télévision et les
flics.
Tous les électeurs ne pèsent pas le
même poids dans la balance. Les élec-
tions législatives ne sont pas le miroir
fidèle de l'opinion. Il existe une machine
électorale : d'un côté rentrent les voix,
de l'autre sortent les élus. Comme par
enchantement, il sort plus d'élus blancs
qu'il n'est rentré de voix blanches, et
moins d'élus rouges qu'il n'est entré de
voix rouges.
En 1967, avec un million de voix com-
munistes, la machine électorale a fabri-
qué 14,5 députés ; avec un million de
voix fédérées. 25,4 députés ; avec un
million de voix VB République, elle en a
fabriqué 28,8. Et pourtant, les élections
1967 ont été un modèle d'égalitarisme
par rapport aux élections antérieures. En
1962, avec un million de voix communis-
tes, 10,2 députés ; avec un million de
voix U.N.R., 39,1 députés. Mais la palme
revient certainement aux élections de
1958 : avec un million de voix commu-
nistes, 2,5 députés ; avec un million de
voix gaullistes, 54,9 députés.
Comment fonctionne la machine ? De
façon extrêmement simple ; à l'aide de
deux recettes :
1) LE DECOUPAGE ELECTORAL
Qu'un député soit élu avec 50,25 %
des voix ou 75 %, c'est toujours un
député. Il suffit donc de multiplier les
circonscriptions où la droite gagne avec
un peu plus de 50 % des voix et celles
où la qauche épuise massivement ses
voix. A ce petit jeu, les spécialistes du
ministère de l'Intérieur sont des orfèvres
La machine, en place depuis des années,
est bien huilée.
2) L'INEGALITE
DES CIRCONSCRIPTIONS
M Dijoud. brillant émule de M. Gis-
card d'Estaing, est élu dans la circons-
cription de Bnançon : sur 25895 élec-
teurs, M. Dijoud obtient au second tour
9871 voix. En revanche, le camarade
Quel, P.C., est, à Villeurbanne, l'élu
d'une circonscription de 103339 inscrits :
il obtient au second tour près de quatre
,rois plus de voix que M. Dijoud.
L'anticommunisme fera le reste : en
1967. le succès de certains candidats
de la gauche a été dû à l'appoint ou
a l'abstention d'électeurs de droite. Les
divisions du parti de l'ordre seront, en
1963, bien vite oubliées.
Si le 30 juin au soir, la majorité gaul-
liste se trouve renforcée, ceux qui ont
accepté que le combat des masses soit
transféré sur le terrain plein de chausse-
tiappes de l'élection porteront une res
ponsabilité écrasante. Même si la gauche
devait remporter, ce n'est pas en vain
que le système favorise la droite aux
dépens de la gauche, et au sein de la
oauche. la social-démocratie aux dé-
pens du P.C. C'est que ce système dé-
bouche sur une pratique politique que
ies masses connaissent bien : Wilson
en Angleterre, Brandt en Allemagne et
Nenni en Italie.
LE B.A-BA
DELA
REPRESSION
Ceci est un document : ce sont quelques échan-
tillons des instructions données aux C.R.S. sur les
techniques de contrôle des manifestations de rue.
Pour contrôler une manifes-
tation qui risque de tourner à
l'émeute, on applique la loi du
cinquième : cela signifie que
chaque homme de la police a,
à sa charge, cinq manifestants.
L'une des conditions essen-
tielles au contrôle de la mani-
festation consiste à avoir de
fortes réserves en hommes.
Devant les manifestations qua-
si-quotidiennes de la période
de la guerre d'Algérie, les for-
ces de police étaient rempla-
cées toutes les trois ou quatre
heures.
Les hommes doivent être diri-
gés rapidement et avec préci-
sion par leur chef qui, lui, a
une vue d'ensemble de la situa-
tion et sait exactement ce qui
se passe sur l'ensemble des
lieux. A Paris, par exemple, la
Préfecture de Police dispose
d'un bureau spécial, équipé de
telle manière que le comman-
dant et ses assistants sont en
relation permanente avec toutes
les voitures-radio envoyées sur
place. Chaque voiture dispose
d'un « spécialiste de l'émeute »
doué d'un excellent « flair »
qui lui permet de prévoir l'évo-
lution de la situation. Il est en
contact permanent avec la Pré-
fecture où sont prises les déci-
sions d'envoi de renfort.
Une autre technique : Toute
manifestation est un cas d'es-
pèce où divers éléments en-
trent en ligne de compte : le
temps (selon qu'il est beau ou
pluvieux, les manifestants se-
ront plus ou moins décidés, la
nature de la manifestation, la
personnalité des organisateurs,
influent sur son déroulement.
Depuis la loi de 1887, toute
décision d'organiser une mani-
festation doit être soumise à
l'accord du Préfet de Police :
ceci permet à la police de pren-
dre tous renseignements : sur
les organisateurs de la mani-
festation, sur son contenu, sur
les lieux où elle va se dérouler
(on enquête dans les boutiques,
cafés, etc.) pour rassembler le
maximum de renseignements :
c'est le travail des Renseigne-
ments Généraux qui communi-
quent les résultats au Préfet de
Police.
L'ACTION PSYCHOLOGIQUE
Peu de temps avant le début
de la manifestation, les C.R.S.
sortent le maximum de cars et
les amènent au lieu de départ
supposé de la manifestation.
Parfois les véhicules font demi-
tour et reviennent en formations
différentes pour donner l'im-
pression d'une mobilisation
massive. Souvent les grands
cars blindés, conçus pour rece-
voir 30 C.R.S., n'en contiennent
qu'une demi-douzaine. Cette
« recette » manque rarement
son but : les gens sont impres-
sionnés, beaucoup d'entre eux
rebroussent chemin.
Etape numéro 2 de l'action
psychologique : Si la manifes-
tation menace de tourner au
« désordre », les cars de C.R.S.
se forment en file unique en
direction des manifestants, s'ar-
rêtent à trente mètres de la
foule. Le chef de patrouille bon-
dit hors du car, donne le signal
et, simultanément, toutes les
portes s'ouvrent, les C.R.S.
sautent, arme sous le bras. Tout
est minuté, rapide, silencieux.
On entend seulement claquer
les ordres du chef de patrouille.
Dans la plupart des cas, cela
suffit à impressionner et faire
reculer la foule. Sinon on passe
à la formation de barrage et on
marche en direction de la foule.
LES LEÇONS DE L'HISTOIRE
Après les manifestations im-
portantes, on étudie les photos
et films pris par la presse et les
photographes de la police : on
commente la qualité du travail
réalisé ; on souligne les fautes,
on essaie de comprendre com-
ment elles ont pu se produire.
CITATION D'UN CADRE DE LA
POLICE
« Toute société devrait ac-
cepter sa police et non lutter
contre elle. Mais les Français
ont gardé leur vieil esprit révo-
lutionnaire. Peut-être est-il juste
de dire que tout pays a la police
qu'il mérite. »
CGT A CFDT
SOUTENEZ
GREVISTE S
RENULT
FLINS SE BAT
Flins, l'usine Renault au mi-
lieu des campagnes à 40 km de
Paris a marqué une nouvelle
étape dans la solidarité de com-
bat des travailleurs et des étu-
diants. Dreyfus le soi-disant
patron social et le préfet spécu-
laient sur cet isolement. C'est
jeudi 6 à 3 h. du matin que des
milliers de C.R.S. et de gardes
mobiles envahirent l'usine. Leur
calcul s'est avéré erroné.
L'AUBE DU VENDREDI
Au côté des travailleurs, des
étudiants venus de Paris, mal-
gré la police, se rassemblent
devant l'usine. Il s'agit, en arrê-
tant les voitures et les cars
transportant I e s travailleurs,
d'empêcher la reprise du tra-
vail que veut imposer la direc-
tion. La grande majorité de la
première équipe a refusé de re-
prendre, elle renforce le piquet
de grève de l'entrée de l'usine,
face aux C.R.S.
7 h 30. — C'est le moment
décisif : la seconde équipe
(6 000 travailleurs) arrive. Les
C.R.S. dégagent les abords de
l'usine pour isoler les arrivants
des grévistes. La manœuvre
échoue car grévistes et étu-
diants, traversant les bois se
portent au devant des cars.
Ceux des cars sont vite convain-
cus et descendent. Ils sont si
nombreux que les C.R.S. ne
peuvent intervenir. Sur la voie
ferrée voisine une locomotive
passe, son chauffeur salue les
grévistes à coups de sifflet, au
nez des C.R.S. Le travail ne re-
prendra pas à Flins. La provo-
cation policière a eu pour pre-
mier résultat de rassembler la
masse des travailleurs autour
des plus décidés. C'est ce que
montre le meeting qui va suivre.
Les orateurs, dirigeants syndi-
caux venus de Paris sont surtout
applaudis lorsqu'ils évoquent la
solidarité de la grève dans les
autres usines ou la venue à
Flins des étudiants. Les gré-
vistes ne se contentent pas
d'applaudir ils veulent entendre
les étudiants, malgré l'avis du
dirigeant C.G.T. L'un d'entre
eux prendra la parole, pour dire
qu'il n'est pas venu donner des
leçons mais exprimer concrète-
ment la solidarité. Le meeting
se termine après que l'assem-
blée ait décidé d'occuper les
abords de l'usine. Alors qu'une
délégation se dirige vers l'usine
pour obtenir le départ des forces
de police, les C.R.S. chargent.
L'AFFRONTEMENT
Insultés dans leur dignité par
l'occupation de l'usine les tra-
vailleurs de Flins font l'expé-
rience de la répression. Toute
la journée, avec les étudiants,
ils vont résister à la provocation
policière.
L'affrontement ayant lieu en
zone rurale c'est très vite sur
plusieurs centaines de mètres
que s'étalera « le front ». Mal-
gré leur mobilité les C.R.S.
n'osent pas s'éloigner de leurs
cars. Entre deux charges, on se
raconte et on fait connaissance
tandis que l'hélicoptère bour-
donne au-dessus de nous. Les
ouvriers des entreprises voi-
sines, les jeunes des villages
sont venus aider ceux de Flins :
ils veulent que les revendica-
tions des travailleurs soient sa-
tisfaites, ils sont contents que
les étudiants soient venus.
Quand vers le milieu de l'après-
midi une voiture de secouristes
étudiants embourbée dans un
chemin de terre sera assaillie
par les C.R.S., ce sont eux qui
réagiront immédiatement, for-
çant les mercenaires à aban-
donner la voiture dont ils ou-
vraient déjà les portes.
Le samedi matin, pendant le
meeting convoqué par les syn-
dicats tout cela était clair : vo-
lonté de poursuivre la lutte mal-
gré les forces de répression ;
volonté de resserrer dans l'ac-
tion l'unité travailleurs-étudiants.
L'article, qui, le matin, dans
l'Humanité, traitait de provoca-
teurs les étudiants et ouvriers
qui s'étaient battus fut accueilli
plus que froidement. Chaque fois
que dans un discours mention
était faite des étudiants et de
leur participation à l'affronte-
ment de la veille les applaudis-
sements crépitaient comme en
réaction à cet article, que cer-
tains tenaient à bout de bras
au-dessus de la foule.
A la fin du meeting, en petits
groupes, on discutait de la pour-
suite de la lutte, face aux C.
R.S., s'il le fallait lundi matin.
L'AUTOBUS
Vendredi soir, alors qu'à Flins
l'affrontement continuait, plu-
sieurs milliers d'étudiants et de
travailleurs se rassemblaient à
St-Lazare. But du rassemble-
ment : Renault-Billancourt.
Pour aller de St-Lazare à
Billancourt : rien... Mais nous
sommes de plus en plus enra-
gés ; alors, nous avons pris
l'autobus... Deux d'entre eux
furent arrêtés... Avec politesse
les passagers furent priés de
descendre et, devant la masse,
chauffeurs et receveurs accep-
tèrent de nous mener à Billan-
court... gratuitement.
Rien d'impossible camarades.
RHONE-POULENC :
SAVOIR
ORGANISER
UNE GREVE
A Rhône-Poulenc Vitry, les
travailleurs ne sont pas dispo-
sés à vider les lieux pour une
bouchée de pain, ni à se laisser
intimider si le patron menace.
Depuis le 20 mai, ils occupent
l'usine et chaque jour qui passe
renforce leur détermination à
poursuivre la lutte tant que la
direction du trust se jouera
d'eux avec des propositions
style accords de Grenelle.
Occuper l'entreprise n'est pas
pour eux un symbole, c'est re-
mettre effectivement en cause
l'autorité des patrons, c'est
prendre le contrôle de leurs
instruments de production et les
sauvegarder, c'est faire partici-
per le maximum de camarades
à cette responsabilité et leur
faire prendre conscience des
données de la lutte, c'est orga-
niser l'autodéfense contre les
commandos fascistes et les flics
du pouvoir. Et pour cela, ils se
sont donné les armes en met-
tant en place des structures
tout à fait nouvelles, que la
masse des employés de R.P. a
adoptées d'enthousiasme.
— Des comités de base for-
més de travailleurs d'un même
secteur, qui sont l'expression
de la volonté des travailleurs ;
— Un Comité central de grè-
ve formé de représentants élus
par les comités de base. Il re-
cueille et coordonne les déci-
sions des comités de base,
soumet ses projets à la ratifica-
tion de ceux-ci et les transmet
au Comité exécutif.
— Un Comité exécutif formé
par les représentants syndicaux
élus par les travailleurs, légale-
ment accrédités pour parler au
nom de ceux-ci. Il est l'inter-
prète des volontés et des aspi-
rations des travailleurs auprès
de la direction générale.
Grâce à un tel système, à cet
embryon de pouvoir soviétique,
plus de 1 800 des 3500 travail-
leurs de l'usine ont pris une
carte de gréviste et assument
chacun leur tâche à l'intérieur :
piquets de grève, tour de veille,
entretien des locaux ou pour-
suite d'expériences en cours
qu'ils se refusent à saboter en
arrêtant totalement le travail. Ils
prennent part également à la
conduite de la grève, dont ils
votent chaque jour — à main
levée — la poursuite, à la dis-
cussion permanente et totale-
ment libre sur le programme de
revendications, ou au débat
politique. Ils organisent la soli-
darité active avec les autres
usines menacées et diffusent
au maximum leur modèle d'or-
ganisation pour qu'une discus-
sion s'engage avec d'autres
grévistes, pour que s'élargisse
cette expérience à laquelle ils
participent — et tout cela alors
que les structures syndicales
n'accueillent que 13 % du per-
sonnel.
Cette structure prouve que
nous avons pris conscience de
nos responsabilités. Nous vou-
lons construire et non détruire :
ce serait mépriser les travail-
leurs que de limiter leurs aspi-
rations à des revendications
matérielles.
Alors que l'on nous avait
toujours refusé la parole, nous
avons appris à parler et cela
est irréversible.
Les travailleurs de Rhône-
Poulenc ne céderont pas pour
une bouchée de pain.
(Texte communiqué par un
ouvrier de R.P.)
DERNIÈRE MINUTE :
22 CAMARADES ALLEMANDS
ARRÊTES A PARIS
Dimanche à 3 heures de l'après-midi, 22 étudiants
allemands en séjour d'études à Paris, ont été arrêtés au
domicile de l'un d'entre eux. Conduits rue des Saus-
saies, ils ont été déférés devant la Sécurité Territoriale.
Toute la nuit dernière ils ont été interrogés. Ils risquent
d'être expulsés.
Déjà, depuis plusieurs jours des étrangers, jugés
subversifs, sont expulsés presque tous les jours dans
l'arbitraire le plus total. Les attendus du fac-similé re-
produit ci-contre sont éloquents. Compromettre l'ordre
public ,c'est tout simplement se déclarer non-gaulliste.
Décidément, pour le pouvoir et pour les paras « la
France est aux Français ».
De nouvelles informations sur l'arrestation de nos
camarades allemands seront transmises aujourd'hui
dans les rues et les facultés occupées. Nous appelons
tous les militants à manifester leur solidarité avec nos
camarades étrangers et à se tenir prêts à répondre à
toute mesure du pouvoir.
DIRECTION SE LA KSIEPS
Vu l'Ar-icli -23 ce :.'OrdorJîîr.oo eu 2 ÎTcve=bra 1545 rSlativs
i'en.ree e- au séjour des .étrar.£srs sr. Frar.ee,
Vtt.iê'récïct ou 1S ::a'.-.s 1S4E, .
6oasidéra:it rua la 5reser.ce ie l'c-Tïaoger susdésig&é sur le -srri-
-"toire français est de r.ature à cor-pcrnet^re l'ordre publie;
Considérant eu 'il y a lieu où lui itire s.-,t;lL.:ïti;- des disposi*
.-tiens de l'Article 25 as l'Ordonnance Brécitiï •c.jiioeraar.ï le cas
.d'urgence absolue;
Sur'ia
er - II est "enjoint ^SgT
français. "
de 'sortir du. territoire
^® 4"i*.j:uCVi dû IJûl'ic2
est-c:nrge de 1'exécution eu présent arrête»
i PAHIS,
!' 19S3
CITROEN :
LES ELECTIONS
BIDON
DE
H. BERCOT
Pendant plus cie 3 jours, l'O.R.T.F.
et les postes périphériques nous ont
rabattu les cueilles de communiques de
la direction de Citroen annonçant l'orga-
nisation d'élections au Palais des Sports
sur la reprise du travail. Vendredi et
samedi derniers, pour téléphoner à la per-
manence syndicale C.G.T. du Quai de Ja-
vel, il fallait d'abord subir pendant plu-
sieurs minutes une bande magnétique
branchée sur le standard : il était rappelé
inlassablement que 81 ;/0 des employés
de l'entreprise Citroen avaient vote pour
la reprise du travail. Cependant, en fin
de journée la direction admettait qu'il
fallait recommencer les élections..,.
20 % des employés s'y étaient pré-
sentés...
Mais la direction ne disait mot sur les
conditions de vote mises en olace. Et
pour cause ! .
Certains ouvriers hostiles à cette
consultation-maison ont été voir sur
place. Voici ce qu'ils nous ont rapporté :
Au Palais des Sports, une entrée,
gardée par Te personnel de maîtrise
de Citroën. Les employés sont admis
un par un. Ils doivent franchir un cou-
loir, le long duquel quelques hommes
de la maison montent la garde. La salle
de vote également gardée par des hom-
mes de la maison. Au bureau, on
vous présente une enveloppe et 2 bul-
letins : POUR la reprise du travail,
CONTRE la reprise du travail. On
vous laisse mettre le bulletin de
votre choix dans l'enveloppe. Ensuite
vous passez à l'urne. Mais chose - bi-
zarre - il y a DEUX urnes : la pre-
mière destinée aux POUR, la seconde
aux CONTRE. De cette façon, le dé-
compte est plus rapide : les agents
de la maîtrise peuvent, du même coup,
repérer au plus vite les récalcitrants
à la politique du flic BERCOT. Faut-il
préciser qu'aucun représentant du Co-
mité de grève n'est admis sur les lieux,
qu'aucune liste d'émargement n'existe,
que le vote, s'étalant sur 2 jours, les
urnes sont gardées la nuit sous le seul
contrôle de la direction etc. Mais ce
n'est pas tout ! : le Comité d'action
travaillant sur Citroën a mené sa pro-
pre enquête :
— Des cars de la direction sont
[ ailés chercher à domicile de nombreux
| employés, surtout les travailleurs étran-
gers logeant par groupes dans des « dor-
toirs » bidonvilles. Les pressions les
plus diverses sont exercées sur eux.
— Les représentants de Citroën ont
promis 50 F de prime a tous les vo-
tants.
— Pour recevoir l'acompte annoncé
par la direction il fallait d'abord voter :
lieux de vote et bureaux pour le verse-
ment des acomptes étaient judicieuse-
ment disposés dans ce but.
— Une R 16 occupée par les espions
de la direction passait et repassait de-
vant le Palais des Sports, Ses occupants
armés d'appareils de photos « poin-
taient • les employés qui se rendaient
au vote, mais aussi les quelques syn-
dicalistes qui étaient venus sur place
faire leur enquête, etc.
La direction Citroen a été contrainte
à considérer la participation au vote
sur la reprise du travail comme insuf-
fisante. Mais elle n'a pas désarmé pour
autant. Multipliant les provocations et
les intimidations, elle croit pouvoir faire
régner son ordre comme naguère. C'est
là où elle se trompe I
F.E.N. :
LES
INSTITUTEURS
EN
COLERE
La Fédération de l'Education Nationale
qui regroupe les syndicats de l'ensemble
du personnel de l'Education Nationale a
connu pendant le week-end un bien
curieux exercice de la démocratie syn-
dicale.
La direction de la F.E.N avait en effet
convoqué un meeting pour, semble-t-il,
envisager l'attitude du syndicat dans les
jours a venir. C'est dans ces conditions
qu'environ 1 500 enseignants se trou-
vèrent rassemblés samedi vers 17 h. a
la Bourse du Travail... où leur direction
syndicale ne vint pas ! Devant cette
carence ils constituèrent un « comité
provisoire de grève - et vers 18 heures,
deux centaines d'instituteurs se ren-
dirent au siège de leur syndicat, 10, rue
de Solférino pour l'occuper.
Comme ils l'ont raconté au cours de
leur conférence de presse cette occu-
pation fut pour les instituteurs l'occasion
de bien étranges découvertes. D'une
part une liasse de télégrammes protes-
tant contre la reprise, d'autre part une
instruction pour la permanence télépho-
nique : « Conseiller d'essayer de ne
pas se laisser ligoter par l'obligation
d'un retour à la base. Mais ne pas
contrecarrer le courant. On verra bien.
Evoquer toutefois le problème des dé-
lais ». Pendant l'occupation les institu-
teurs ont déclaré n'avoir eu aucun
contact avec un dirigeant de ia F.E.N.
Par contre dimanche a treize heures,
M. Daubard faisant une déclaralion offi-
cielle indiquait que •• la poignée d'insti-
tuteurs appartenant au communisme ré-
volutionnaire aurait mieux fait d'occuper
le ministère ••
A 14 heure;-, des professeurs d'édu-
cation physique, passant par le bâtiment
de la C.G.T. qui est contigu, s'intro-
duisent dans les locaux de la F.E.N.
Les mst'tuteurs occupant les lieux se
replièrent alors sur la Sorbonne où ils
appelèrent a la reprise de la grève.
Pendant ce temps ceux qui allaient aux
nouvelles rue de Solférino s'entendaient
dire qu'ils étaient la pour ne pas laisser
agir • les piovccateurs •• [N.D.L.R. :
ceux qui appellent à la reprise de la
grève.) Ceux-ci convoquent une reunion
lundi a 18 h 30 ou la parole sera don-
née a tous : responsable ou simple
syndiqué.
le directeur de la publication
Jean-Pierre VICIER
Travail exécuté par des ouvriers syndiqués
Grandes Imprimeries « Paris CettW» »
142, rue Montmartr*
••ris (2>)
ENQUÊTE A NANTES :
11 LA GRÈVE DÉBOUCHE
SIR LA GESTION DIRECTE
Nous commençons aujourd'hui la publication
d'une enquête réalisée en Loire-Atlantique depuis le
début de la « Commune de Nantes ». A suivre.
LES DEBUTS D'UNE GESTION
DIRECTE DANS LES
ENTREPRISES
Les phénomènes les plus pro-
fonds sont sans doute passés
inaperçus au cours des der-
nières semaines, et l'excitation
ou l'angoisse ont braqué les re-
gards sur les aspects spectacu-
laires au détriment des change-
ments plus importants. Pourtant
quelques journaux mentionnaient
en passant des cas de mise en
question par les travailleurs des
modalités de leur travail, qu'il
s'agisse de cadences, de condi-
tions de sécurité, de producti-
vité, des ouvriers ont commencé
de leur propre initiative à envi-
sager des modifications, et cela
à Péchiney, à Donges, à la C.
S.F. de Brest, etc.
Il est essentiel maintenant de
réfléchir sur les embryons d'au-
togestion qui ont été développés
par les travailleurs dans cer-
taines usines, parce qu'elles
marquent une prise de cons-
cience supérieure, comparée aux
revendications salariales tradi-
tionnelles. Une des caractéris-
tiques, sans doute, des journées
de mai, ce fut l'hésitation et
l'ambiguïté autour du combat
cause le pouvoir bourgeois,
s'exprime bien dans ce slogan
écrit sur les murs de Nantes :
« Augmentation massive des
salaires sans changement des
structures économiques et poli-
tiques = Augmentation du coût
de la vie et retour à la misère
d'ici quelques mois. »
Ce qui nous intéresse c'est
que cette position a été mise en
pratique même sous des formes
trop partielles. Témoin ce tract
du Comité de Grève des Marins,
qui fait précéder toute une série
de revendications matérielles
par quatre points posant la ques-
tion du pouvoir :
COMITE DE GREVE
DU PORT DE NANTES
OFFICIERS ET MARINS
REVENDICATIONS
AU PREALABLE A TOUTES
DISCUSSIONS :
1 Abrogation des ordonnances
anti-sociales et du décret du
31 juillet 1963 portant limita-
tion du droit de grève;
2 Paiement intégral des jours
de grève;
3 Non-décrochage des salaires
avec le large et garanties
formelles pour l'avenir.
marins se sont révoltés contre
leur commandant : celui-ci ayant
la mauvaise habitude de surveil-
ler la vie privée de ses hommes,
il a été dénoncé et insulté. Tout
commence par cet irrespect-là.
Sur un autre navire, un vote-
bidon avait été organisé avec les
Noirs illettrés en service, pour
forcer à la reprise du travail.
Aussitôt, 30 militants sont inter-
venus, et on a vu les dirigés re-
mettre leur dirigeant à sa place.
Dernier exemple, ce tract publié
fin mai en Loire-Atlantique par
les travailleurs de la Sécurité
Sociale réclamant l'abrogation
des ordonnances :
« Afin d'accélérer la réalisa-
tion de cet objectif, les Unions
départementales C.G.T. et C.F.
D.T. ont décidé avec leurs Con-
fédérations, de mettre en place
immédiatement des Comités
provisoires de gestion, compo-
sés uniquement de salariés dans
les diverses Caisses de Sécu-
rité Sociale et d'Allocations Fa-
miliales du département.
» Ces Comités se substituent
d'autorité aux Conseils mis en
place par le Pouvoir dans le ca-
dre des ordonnances.
» Ils oeuvreront pour que des
dispositions soient rapidement
prises pour assurer des élec-
tions d'Administrateurs salariés,
seuls compétents pour gérer les
fonds appartenant aux travail-
leurs. »
A la centrale thermique E.D.F.
de Cheviré, la question s'est
même posée plus profondément.
Le dimanche 2 juin, jour où j'ai
discuté avec les ouvriers et tech-
niciens de cette usine, ils ve-
naient d'obtenir 15000 anciens
francs d'augmentation mensuelle
moyenne et... continuaient la
» Aucune difficulté n'a été si-
gnalée au Comité pour l'organi-
sation des rondes et des rota-
tions. Tous les ateliers, tous les
bureaux se sont maintenant bien
organisés; cela mérite d'être
souligné. Quand les travailleurs
dirigent, ils savent s'organiser.
» La paie a été distribuée
normalement mercredi à 16 h.
Un certain nombre de cama-
rades n'ont pas encore retiré
leur enveloppe; qu'ils s'adres-
sent pour cela au Comité Cen-
tral (téléphone 322).
» Une distribution de conser-
ves a suivi la paie et nous
soulignons ici la discipline du
personnel, car toutes les com-
mandes enregistrées étaient in-
férieures à 30 F comme il avait
été demandé. »
Les deux derniers paragra-
phes donnent des indications
intéressantes sur le règlement
des acomptes par les travailleurs
eux-mêmes et sur le ravitaille-
ment. De la même manière, les
grévistes de la marine mar-
chande ont réquisitionné tous
les vivres entreposés sur les
navires. Dans les grèves précé-
dentes, cela n'était jamais arrivé,
et cette fois encore, des arma-
teurs tentèrent d'empêcher l'ou-
verture des cambuses ; mais
devant les menaces de faire
sauter portes et verrous, ils du-
rent céder.
Dans le cas de l'usine Che-
viré, l'autogestion est tombée
sur la tête des travailleurs com-
me une nécessité. Lorsque les
293 agents eurent occupés les
lieux, le samedi 18 mai, ils choi-
sirent un comité de grève com-
posé de délégués de chaque
syndicat (il y a 90 % de syndi-
qués à l'E.D.F.). Or il était né-
cessaire, tout en diminuant le
24 mai 1968. — Ouvriers et paysans manifestent dans les rues de Nantes : solidaires face à la répression.
prioritaire : la C.G.T. s'efforça
toujours de maintenir la lutte au
niveau des strictes améliorations
quantitatives; la C.F.D.T. avan-
ça les formules de participation
et de cogestion, sans dépasser
l'idéal mystificateur du socialis-
me suédois. Par contre, on vit la
base quitter le terrain cégétiste,
ou donner un contenu radical
aux formules cégétistes, en met-
tant en pratique la notion d'ap-
propriation par les travailleurs
des moyens de production.
REVENDICATIONS
ET PROBLEME DU POUVOIR
Quelques étudiants se procla-
ment depuis quelque temps
" les seuls révolutionnaires »,
parce qu'ils ont mis l'accent sur
le refus de la hiérarchie univer-
sitaire, alors que les ouvriers se-
raient d'ignobles réformistes li-
mitant leur lutte à des revendi-
cations. Cette prétention, venant
de la part de privilégiés, ne peut
prêter qu'à sourire. En revanche
le point de vue inverse est plus
dangereux : les travailleurs peu-
vent-ils améliorer leur condition
de vie de façon irréversible dans
le cadre du régime actuel ? L'ex-
périence de 1936 permet de ré-
pondre : non ! Et la nécessité,
pour la consolidation même des
revendications, de mettre en
— Reconnaissance des liber-
tés syndicales au sein de l'en-
treprise. Augmentation du pou-
voir du délégué et son immunité.
— Création au sein du Port
autonome d'un Comité d'entre-
prise.
— Gestion paritaire de l'en-
treprise par les délégués au
C.É. en attendant une nationali-
sation démocratique de la Ma-
rine Marchande.
— Reconnaissance de pou-
voirs réels au Comité d'entre-
prise et augmentation importante
de leurs budgets, minimum 5 %.
— Retour à la semaine des
40 heures sans diminution de
salaires.
— Parité des congés et de
l'indemnité de nourriture entre
officiers et marins.
— Attribution du 13e mois à
date fixe.
REMISE EN CAUSE
DE LA HIERARCHIE
PATRONALE
L'emprisonnement des direc-
teurs a été le premier symptôme.
A Sud-Aviation, le P.D.G. a été
bouclé plusieurs jours.
Dans la Marine marchande, le
délégué C.G.T. Andrieu, raconte
que pour la première fois les
grève ! C'est que, comme le di-
sait l'un d'eux : « Les cadres ne
sont plus là depuis deux se-
maines et ça tourne. On peut
se passer d'eux pour fournir le
courant. » Cette intervention de-
vait d'ailleurs entraîner toute
une discussion sur le problème
des cadres. On m'expliqua qu'en
Loire-Atlantique, les cadres se
sont solidarisés avec les tra-
vailleurs en nombre impression-
nant, ce qui ne s'était jamais vu.
Or le soutien aux revendications
salariales n'était pas l'essentiel :
c'est le thème de la gestion qui
a cimenté l'union. Les cadres
sont frustrés par la trop grande
centralisation des organismes
publics : ils restent dans leurs
bureaux à signer des papiers,
mais n'ont pas un pouvoir de
décision.
LE FONCTIONNEMENT
DE LA GESTION DIRECTE
On peut voir un premier stade
dans l'organisation de l'occupa-
tion des usines. Voici, par exem-
ple, le communiqué du Comité
Central de Grève à propos des |
chantiers A.C.B. : I
« Au troisième jour d'occupa- |
tion, le Comité Central constate j
avec satisfaction la volonté de
lutte de l'ensemble tiu person-
nel des A.C.B.
courant (ce qui contribuait à pa-
ralyser les industries locales) de
maintenir un minimum d'électri-
cité pour assurer les services de
sécurité : hôpitaux, etc. Le co-
mité de grève demanda donc
aux grévistes de « prendre leurs
responsabilités » à ce sujet.
Dans les faits, le comité élu
détenait depuis 15 jours, au mo-
ment de mon enquête, toute
l'autorité dans la centrale. Il
veillait à ce qu'une permanence
soit assurée par les travailleurs.
Il organisait la poursuite de l'ap-
provisionnement en combustible
(gaz de Lacq).
Les militants avec qui je dis-
cutais étaient très conscients,
le délégué C.G.T. lui-même !, du
sens politique de cette expé-
rience, et l'un d'eux expliquait :
« Nous voulions montrer notre
capacité et donc notre droit, en
tant que producteurs, à gérer
les moyens de production que
nous utilisons. La preuve est
faite ! »
Si mai 1968 a été vraiment
pour la France un « 1905 paci-
fique », suivant les mots d'An-
dri?u, le 1917 qui arrive devra
mener les conquêtes gestion-
naires à leur terme : le pouvoir
aux travailleurs.
(A suivre.)
,~:V^> '
•44 ',<••'"
'<: <C .V ' «.^
IV^A
\ v \
CHANSON DE VIEILLARDS
Premier vieillard
Avant cinquante ans — Avant cinquante ans
Que les jeunes gens sont bêtes
Avant cinquante ans — Avant cinquante ans ;
Ce sont tous des débutants.
Deuxième vieillard
Avant cinquante ans — Avant cinquante ans
Autant dire que l'on tette
Avant cinquante ans — Avant cinquante ans
Les humains sont révoltants.
Ensemble
C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures
[soupes
Un ragoût doit mitonner longtemps
C'est dans les vieux bois qu'on fait les meilleures
[coupes
Et pour les vivants c'est tout pareil évidemment.
C'est dans les vieux verres qu'on taille les meilleures
[loupes
C'est pas un hasard assurément.
Et si les vieux schnocks commandent les meilleures
[troupes
C'qui vaut pour le verre vaut pour les gens
C'est les vieux bateaux qu'ont les meilleures chaloupes
Un tonneau doit s'imbiber longtemps
C'est les vieilles juments qui ont les meilleures croupes
C'est toujours les vieux qui sont les plus intéressants.
Poème inédit de Boris Vian.
Category
Author
Title
Action
Issue
no.6
Date
Keywords
Publication information
no.6