Action

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N" 7 • MARDI 11 JUIN • PRIX MINIMUM : 0,50 F • Ce (ournal a été réalisé au Service des Comités d'Action, avec le soutien de l'UNEF, du SNESup et des Comités d'Action Lycé«nt.
je dois dire très haut que les forces de l'ordre
public ont fait très bien leur devoir tout entier
ASSASSIN
. •(•*•'
ASSASSIN
ASSASSIN
DE
SANG
FROID
Dans un décor dérisoire, un de nos camarades,
un lycéen de 17 ans, est mort, assassiné de sang-froid.
Pour remettre la France au travail, Pompidou n'a pas
lésiné sur les moyens. A l'heure des secousses, le
capitalisme français se montre le digne héritier des
Versaillais qui assassinèrent les communards. Depuis
cinq jours, C.R.S. et gardes mobiles font la chasse
à l'étudiant et aux travailleurs dans la région de Flins.
Quelle liberté défendent ceux qui occupent une usine
où aucun ouvrier ne veut travailler ? Quelle liberté si ce
n'est celle pour le capital de maintenir son taux de
profit ?
Seuls croiront qu'il s'agit d'un accident ceux qui
ferment les yeux sur la répression quotidienne qu'uti-
lisé le régime. De Gaulle et Pompidou n'ont pas manqué
une occasion de féliciter les matraqueurs du Quartier
Latin. Dans le même temps qu'ils assurent leurs arriè-
res en faisant rentrer les fascistes Soustelle et Bidault,
ils expulsent vingt-deux militants socialistes allemands.
Ce n'est pas un accident. Les gendarmes mobiles qui
ont frappé et le pouvoir qui les utilise et les couvre,
c'est la réaction d'une classe qui entend par tous les
moyens endiguer le mouvement qui s'est enclenché
voici six semaines et dont Flins a renouvelé la capacité
d'expression.
Dans la riposte à l'occupation de l'usine, les tra-
vailleurs, malgré les consignes, ont apprécié la venue
des étudiants.
Après avoir cru pouvoir jouer de l'intimidation,
le pouvoir s'est aperçu de son erreur : chaque lutte
commune aux ouvriers et aux étudiants permet aux
uns et aux autres de dégager de nouvelles perspectives
d'action.
C'est pour cela qu'il a frappé. Qu'on n'attende
pas de nous que nous confiions aux urnes électorales le
soin de notre réponse.
La bataille de Flins va devenir celle de tout le pays.
Après le meurtre de Meulan
Après fes ratonnades sauvages de Flins
Après l'expulsion des 22 étudiants allemands
HALTE A L'ESCALADE
DE LA REPRESSION
A L'APPEL DE L'UNEF,
DU 22 MARS, DES C.A.L.
DE LA COORDINATION
DES COMITÉS D'ACTION
MANIFESTATION
CE SOIR MARDI A19H
GARE DE L'EST
10 MILLIONS
DE
HORS-LA-LOI
« Vos idées sont elles-mêmes
les produits du système bour-
geois de production et de pro-
priété, tout comme votre droit
n'est que la volonté de votre
classe érigée en loi ; et il n'y a
rien d'autre dans cette volonté
que les nécessités matérielles
de classe. »
(Le Manifeste Communiste.)
Tous les réformistes s'enten-
dent aujourd'hui pour mettre fin
à la grève et faire miroiter aux
yeux du peuple en colère la
possibilité d'un triomphe légal de
la gauche aux élections.
Mais, renouant d'un seul coup
avec toutes les expériences de
luttes prolétariennes, la masse
des producteurs s'est souvenue
qu'elle ne pouvait remporter de
victoire qu'en dehors du Parle-
ment et de la légalité. La liste
est longue des délits que nous
avons commis eu égard à la loi
bourgeoise. Les combats de rue
ont provoqué les plus specta-
culaires, mais de loin les moins
graves. Rappelons pourtant qu'il
est interdit de dresser des bar-
ricades, de brûler des voitures,
de dépaver des rues, d'attaquer
les forces de l'ordre, de fabri-
quer ou de porter des armes,
et, depuis peu, d'acheter des
fusils de chasse. Dans l'illéga-
lité, les étudiants ont conquis
les universités.
Mais les luttes ouvrières n'ont
pu se développer qu'au prix
d'illégalités bien plus sérieuses
dont la responsabilité pénale
pèse sur les organisations syn-
dicales qui y ont été contraintes
par la base. Il est interdit d'oc-
cuper les usines et les facultés
et d'empêcher la liberté du tra-
vail par des piquets de grève.
I! est interdit de déclencher une
grève sans déposer un préavis.
Il est interdit de participer à des
manifestations interdites. Il est
interdit d'utiliser sans payer le
téléphone des administrations
publiques ou des entreprises
privées. Il est interdit de livrer
au commerce en gros des pom-
mes de terre et des poulets au
profit des grévistes sans payer
de taxes. Il est interdit de se
livrer à des collectes sur la voie
publique pour des organisations
non reconnues. Il est interdit de
déchirer des drapeaux tricolores
pour en faire des drapeaux rou-
ges. Il est interdit d'offenser le
chef de l'Etat et les C.R.S. par
des caricatures injurieuses.
Dans l'illégalité, les travail-
leurs ont mené, prolongé et ren-
forcé leur grève.
On nous dit que l'abrogation
éventuelle des ordonnances et
la réforme éventuelle du statut
de l'O.R.T.F. relèvent du domai-
ne de la loi, c'est-à-dire du
Parlement. Ceux qui acceptent
cet argument, autrement que
pour des raisons tactiques, com-
prendront dans trois semaines
leur mystification. La Révolution
n'appelle droit ses exigences et
ses conquêtes que pour prendre
au mot la bourgeoisie, ce qui
est une façon de détruire la
bourgeoisie et son langage.
Il va être temps de faire les
comptes. Si les travailleurs ont
fait aboutir certaines de leurs
revendications, cela n'a pu être
réalisé qu'en violant mille inter-
dictions. Quand pour un moment
force va revenir à la loi du Par-
lement et aux règlements gou-
vernementaux, les conquêtes ou-
vrières commenceront à s'éva-
nouir en fumée. Il faudra alors
revenir à l'affrontement qui fait
voler en éclat toutes les lois.
PERMANENCE
DIFFUSION
ACTION
- SORBOMNE ~
Escalier B - Bureau 31
FONDEZ
DES ATELIERS
POPULAIRES
A l'entrée de l'atelier on peut lire : « Travailler dans
l'atelier populaire, c'est soutenir concrètement le grand
mouvement des travailleurs en grève qui occupent leurs
usines, contre le gouvernement gaulliste antipopulaire.
En mettant toutes ses capacités au service de la lutte
des travailleurs, chacun dans cet atelier travaille aussi
pour lui, car il s'ouvre par la pratique au pouvoir éduca-
teur des masses populaires. »
|. _ MATERIEL (de base)
0 ] ou plusieurs cadres de bords
solides (taille affichette : 80 X 100).
0 1 ou plusieurs raclettes de tailles
différentes (prévoir des raclettes de 10
ou 15 cm de moins que la largeur du
cadre) 0 du nylon (recommandé), de
la soie ou du polyester, n° 10 recom-
mandé 0 1 agrafeuse pistolet ou des
clous de tapissier (pour tendre le nylon)
0 du vernis cellulosique (pour boucher
les cadres). Acheter des vernis spéciaux
faits pour la sérigraphie. Se méfier des
vernis cellulosiques vendus chez les dro-
guistes qui deviennent poreux après
quelques tirages 0 du tape (tesa) (mar-
king tape) pour boucher les côtés du
cadre 0 du White Spirit (pour diluer
la couleur) peut se remplacer par de
l'essence de térébenthine 0 du Trichlo-
réthylène pour nettoyer la couleur du
cadre (le nettoyage peut aussi se faire
au White Spiri, mais le trichloréthylène
est préférable pour terminer) 0 de l'Acé-
tate d'Ethyle (pour enlever le vernis
cellulosique du cadre) peut se rempla-
cer par de l'Acétone ou du diluant cel-
lulosique 0 de la couleur (Matrifa -
Sennk - Jet de Satin. .) préciser couleur
pour impression sur papier et mate.
Séchage 1 4 d'heure (plus économique
par gallons) 0 si possible des charnières
oour monter le cadre pour le tirage
0 prévoir de la ficelle et des pinces à
linge pour le séchage 0 coton - chif-
fons.
2. — TENSION DU CADRE
a) Agrafer en A puis en B et en C
en posant le nylon à plat sans le tendre;
b) Agrafer tout le côté 1 et 2 du
cadre;
c) Coller au vernis cellulosique les
côtés agrafes Laisser sécher;
d) Agrafer en D en tirant très fort
(se procurer si possible une pince à
tendre les toiles);
e) Agrafer de C en D puis de B en
D en tirant très fort:
f) Coller les deux derniers côtés au
cellulosique. Laisser sécher.
3. — GRAVURE DU CADRE
(transmission du dessin sur le cadre)
A. — SERICAME :
Matériel : Sérigame - vernis cellu-
losique - si possible : raclette creuse.
Technique : Peindre le dessin au séri-
game directement sur le cadre en ayant
soin que le nylon ne soit jamais en
contact avec un support quelconque -
laines sèches - enduire le cache avec
du vernis cellulosique (pour cela utiliser
si possible la raclette creuse ou à dé-
faut une raclette normale ou un bout
de carton bien plan). Pour bien enduire
il faut le faire d'un seul coup de ra-
clette avec du vernis assez liquide -
éviter de mettre du vernis des deux
côtés du nylon - ne jamais enduire le
nylon étant posé sur un support quel-
conque - laisser sécher - frotter le séri-
game avec le doigt, il partira entraînant
avec lui le vernis cellulosique déposé
dessus.
B. — DECOUPE :
Matériel : 1 rouleau de film découpe
(Ulano Sta Sharp ou Amberlitts), 1 cou-
teau à découpe, 1 bidon de liquide
d'Adhérence).
Technique : Le film découpe est
constitué d'une émulsion coulée sur un
support en nylon ou en papier - décou-
per très légèrement (en ayant soin de
ne pas abîmer le côté support du film)
le côté émulsion du film avec le cou-
teau à découpe - les parties que l'on
voudra ouvertes se pèleront facilement -
déposer la découpe terminée sous le
cadre.
Coller le film sur le cadre avec le
liquide d'adhérence - utiliser deux co-
tons, 1 sec et 1 mouillé légèrement
avec du liquide - ne jamais frotter le
film trop fort. Ventiler avec le coton
sec. Laisser sécher Peler le support du
film.
C. — PHOTO :
Matériel : 1 bouteille d'Ultra Seil.
1 raclette creuse de 15 cm plus petite
que le cadre, 1 planche bien plane plus
petite que le cadre (pouvant rentrer à
l'intérieur), 1 couverture, 1 grande
glace sans tain (plus grande que le
cadre), 1 ou plusieurs lampes HPR avec
leurs transformateurs suivant la taille du
cadre ou à défaut des lampes photo-
flood, eau de Javel.
Technique : Le dessin se fait sur un
support transparent (nylon kodathrau)
au lieu de se faire directement sur le
cadre. Il doit se faire en positif (les
parties imprimées étant les parties à
colorier). Vérifier l'opacité des parties
coloriées du positif. Enduire le cadre
avec l'émulsion, utiliser pour cela la
raclette creuse. Passer plusieurs fois de
chaque côté en ayant soin de laisser une
couche bien fine et de ne pas faire de
surépaisseurs qui pourraient couler.
Laisser sécher. Procéder comme indiqué
(cf. schéma) pour te dispositif d'inso-
lation (attention : la planche du dessous
doit être plus grande que le positif),
poser des poids sur la glace du dessus
en ayant soin de ne pas les poser sur la
surface émulsionnée (elles feraient des
ombres).
Exposer de 1 '4 d'heure à 30 minutes
ou 1 heure suivant le dispositif d'éclai-
rage et la taille du cadre. Laver à l'eau
immédiatement après. Les parties
non exposées se dissolveront. Pour dé-
truire les parties exposées : mouiller à
l'eau de |avel. Attendre 10 minutes.
Rincer abondamment.
D. — Nota : On peut faire directement
sur le cadre le dessin en bouchant avec
du vernis cellulosique les parties que
l'on veut non imprimées, mais cette
méthode n'est pas recommandée car elle
crée des surépaisseurs qui risquent
d'abîmer le nylon et qui sont difficiles
à nettoyer.
Très important : Prévoir TOUJOURS
de la place autour du destin sur le
cadre (environ Si 15 cm de plus sur le
côté de la hauteur).
4. — TIRAGE
Préparation : S'aviser que le cadre
est bien bouché sur tous les côtés. Il
faut qu'il soit parfaitement hermétique
(sauf en ce qui concerne la partie à
imprimer) avant le tirage. Boucher les
environs immédiats du dessin avec un
couteau palette de peintre (pour ne pas
créer de surépaisseurs) et la partie li-
mite entre le bois et le nylon avec un
pinceau puis renforcer cette partie li-
mite avec du tape.
Prévoir un hors contact (petit bout
de bois ou de carton maintenant le nylon
à quelques mm du papier), les fixer sous
le cadre avec du tape.
Tirage : Prévoir une raclette un peu
plus grande que le dessin. Tirer fort en
penchant un peu. Napper en soulevant
le cadre en ramenant toute la couleur
avec la raclette (charger le nylon de
couleur) toujours emmener toute la cou-
leur avec soi, dans certains cas on peut
tirer sans napper (économie de couleur).
Nettoyage : Ne pas hésiter à beau-
coup mouiller les cotons. Essuyer avec
les chiffons. Commencer avec du White
Spirit et finir au trichloréthylène pour
enlever le vernis cellulosique : acétate
d'éthyle.
Adresses :
Craphosilk, 10, rue Croce-Spinelli,
Paris (H') - 734.73.44.
Tripette et Renaud, 39, rue ).-J.-
Rousseau, Paris (1er) - 488-21.45.
Busine, 44, rue du Louvre, Paris
(1er) - 236.37.31.
Rougier et Plé, 13, boulevard des
Filles-du-Calvaire, Paris (3e) 272.82.90.
u
LES
RATISSAGES
DE
FLINS
Alors que les dirigeants patro-
naux de la métallurgie mainte-
naient leur opposition absolue à
toute révision des « accords de
Grenelle » et à toute négociation
nationale avec les fédérations
syndicales, la lutte continuait à
Flins. La veille, Pompidou, dans
une allocution aux journalistes
lançait son mot d'ordre pétai-
niste : « Au travail ! Ce doit être
la devise de la France ».
Depuis dimanche, la mobi-
lisation dans la région de
Flins s'organise. La population
locale se met spontanément au
service des ouvriers et des étu-
diants venus de Paris. Héberge-
ment, ravitaillement, communi-
cations sont assurés par les habi-
tants de Flins et des localités
voisines. Dans la nuit vers 4 heu-
res du matin, les étudiants sont
hébergés dans le local C.F.D.T.
et dans la chapelle de Flins. Mais
dès 5 heures de nombreuses
forces de police les investissent
et chargent baïonnette au ca-
non ses occupants. 150 étu-
diants sont arrêtés, plusieurs mi-
litants C.F.D.T. sont matraqués.
Dans l'heure qui suit ce sont en-
core 150 étudiants et ouvriers
qui sont arrêtés aux Mureaux.
Vers 7 h, le maire fait alors éva-
cuer les C.R.S. et les gardes mo-
biles de la ville. Cependant, en
fin de matinée, les forces de
police réinvestissent la ville et
d'autres communes comme Meu-
lan, Aubergenville, Mantes et
arrêtent au hasard, tous les jeu-
nes qui leur paraissent suspects :
étudiants, jeunes ouvriers, tra-
vailleurs étrangers, tous ceux qui
ont des cheveux longs (samedi
les flics tondaient les manifes-
tants qu'ils avaient arrêtés).
Aux abords de l'usine, dès le
début de la matinée, les incidents
se multiplient.
Aux environs de 8 heures,
près de 3000 ouvriers, arri-
vés par cars de la région,
se rendent à l'usine. Il y a
bien parmi eux quelques jaunes,
mais la plupart d'entre eux « sont
venus voir ». Favorables ou non
à la poursuite de la grève, tous
sont unanimes pour refuser de
reprendre le travail tant que des
policiers sont aux portes de
l'usine.
Au bout d'une heure, la quasi-
totalité d'entre eux sont ressortis
de l'usine. Certains sont repartis
chez eux, d'autres, grévistes dé-
cidés, occupent un moment l'ate-
tier de peinture. Ces derniers en
ressortant de l'usine se heurtent
aux forces de l'ordre ; quelques
bagarres éclatent.
Ail h 30 un meeting se tient
aux portes de l'usine. Devant
1 500 personnes les délégués
syndicaux appellent leurs adhé-
rents à poursuivre la grève tant
que leurs revendications ne se-
ront pas satisfaites.
Dans l'après-midi, des petits
meetings improvisés continuent
à se tenir, aux Mureaux et dans
d'autres localités. Cependant, la
répression persévère. Les forces
de police continuent à « ratis-
ser » la région, interpellent
systématiquement les étudiants
et arrêtent toutes les voitures
immatriculées 75.
En fin d'après-midi, quelques
manifestants se regroupent
dans l'Ile de Meulan. Bientôt,
les gardes mobiles les cernent
et les acculent au bord de l'eau.
Certains sont poussés par les
flics. Un lycéen de 17 ans est
noyé. Une fois encore le sang-
froid des forces de l'ordre a été
mis en évidence.
Les policiers hésitent avant de poursuivre leur attaque
aux environs des Mureaux
La dignité du réprimé face aux brutes policières au repos
Un étudiant parle :
les ouvriers, contre l'avis des délégués syndicaux,
avaient demandé à l'entendre
Contre l'arme perfectionnée des forces de l'ordre
(grenade à effet soufflant)... l'arme de la jeunesse
DERNIERE MINUTE :
LE CRIME
Lundi 10, vers 16 heures, dix-huit étudiants dont
trois filles, avaient réussi à passer dans l'île située entre
Les Mureaux et Melan.
Ilsy tenaient une réunion.
Depuis deux heures, ils observaient un petit avion
qui survolait l'île (au moins vingt passages).
Sur l'île au fond du pré, ils ont vu passer un « flic »
à bicyclette. Quelques minutes plus tard, des gendarmes
mobiles, armés de mousquetons, mais non casqués,
sont arrivés du fond de l'île en rangs serrés. Devant leur
charge, les étudiants ont reflué vers la pointe de l'île
située sous un pont.
Les gendarmes mobiles avançant toujours, presque
tous les étudiants se jetèrent à l'eau. Trois ou quatre
d'entre eux, pourtant, restèrent sur la berge. Les gen-
darmes, aux dires des témoins et acteurs du drame,
les bousculèrent dans l'eau à l'aide de leur crosse.
L'un des témoins a hésité à se jeter à l'eau et a
entendu les gendarmes mobiles crier : « A la baille ! »
(à la flotte).
Les étudiants se sont dirigés, en nageant, dans
plusieurs directions.
L'un d'eux nous a dit :
« Alors que j'étais à mi-chemin du rivage, j'ai en-
tendu crier : « II y a des gens qui se noient ! Il y a une
« fille qui se noie. » On n'a pas regardé plus longtemps,
car des gendarmes mobiles nous attendaient sur la
berge. Quand on est arrivé, des ouvriers nous ont aidés
et nous ont indiqué par où l'on pouvait s'enfuir.
« D'autre part, alors que je nageais sur le dos, j'ai
vu un certain nombre de choses qui se passaient sur
l'île.
« J'ai vu dans l'eau une camarade qui, quelques
instants plus tôt était au milieu des gardes mobiles.
« Ces gardes mobiles s'occupaient d'elle sans
qu'on puisse préciser s'ils l'empêchaient de remonter
ou s'ils cherchaient à l'aider. Par la suite, au moment
où j'ai atteint la rive, j'ai vu un gendarme mobile qui
s'était déshabillé et qui plongeait. Après, je suis parti. »
Certains étudiants ont été arrêtés, mais le plus
grand nombre a réussi à s'enfuir.
C'est dans ces conditions qu'a été noyé Gilles X...,
lycéen de 17 ans, élève de 1re au lycée Mallarmé. Il
était le photographe du groupe et porteur d'un appareil
de 160000 anciens francs. Il a certainement hésité
à se jeter à l'eau.
De nombreux témoins qui se trouvaient sur place
ont signé leur déposition.
En page 4, le récit des premières heures de riposte dans
la nuit de lundi à mardi.
LES GREVISTES
DE L'O.RJ.F. :
NON
A L'INFORMATION
TRONQUÉE
* Plus de 12000 techniciens, ouvriers,
employés, journalistes, réalisateurs et
vedettes ont cessé le travail. Ils veu-
lent que l'O.R.T.F. soit au service des
30 millions de téléspectateurs et d'au-
diteurs et non pas d'une propagande
partisane.
(...) Une crise grave a éclaté dans le
pays. Conscients de nos devoirs en-
vers vous, nous avons tout fait pour
vous tenir au courant jusqu'au jour où
nous en avons été totalement empêchés.
Nous avons alors refusé de vous four-
nir une information tronquée et, tous
ensemble, nous avons protesté en ar-
rêtant le travail.
Aujourd'hui le problème est posé.
L'O.R.T.F. doit être indépendant de tout
gouvernement et de tout parti. Il ne
l'est pas encore :
— Son conseil d'administration est
nommé par le gouvernement ;
— Son directeur général aussi ;
— Les directeurs de la télévision et
de la radio également.
L'O.R.T.F. reste la chose du gouver-
nement.
Le Pouvoir peut :
— Supprimer une émission comme :
* La caméra explore le temps », contre
la volonté des téléspectateurs.
— Faire partir les journalistes qu'aimé
le public : Pasteur, De Caunes, Pen-
chenier.
— Censurer des émissions comme
la séquence - Panorama » sur les mou-
vements d'étudiants.
— Substituer à des reportages effec-
tués dans le monde ouvrier, paysan,
ou universitaire des déclarations offi-
cielles sur le même sujet...
— Détourner l'attention des Français
de la situation intérieure vers les pro-
blèmes de l'étranger...
— Ouvrir largement l'antenne à la
Majorité et la refuser à l'Opposition
et même à l'opinion publique.
Il en sera ainsi tant que l'O.R.T.F.
sera soumis au gouvernement. Il en
sera ainsi quel que soit le gouvernement.
Pour que cela change, pour assurer
aux Français une information complète
et impartiale, le personnel de l'O.R.T.F.
a proposé un statut qui prévoit :
— La nomination des dirigeants de
l'Office par des représentants de toutes
les forces de la nation.
— La possibilité pour tout groupe
politique, syndical, économique, philo-
sophique ou religieux de faire appel à
un conseil d'arbitrage en cas de man-
quement d'objectivité.
(...) Cette bataille vous concerne tous
Les grévistes de l'O.R.T.F. luttent pour
vous. Ils ont besoin de vous. >
SIMf A :
LE
CHANTAGE
La direction des usines Simca a-t-
elle envoyé à l'ensemble du personnel
une circulaire ,où, après avoir vanté les
accords de Grenelle, elle conclut « Pour
l'application de ce texte et les amélio-
ration possibles, la direction tiendra
compte de l'attitude de son personnel
pendant les derniers événements. Elle
tiendra compte, le cas échéant de l'at-
titude d'une certaine minorité parmi les
mensuels ».
Nous attendons le démenti des pa-
trons de SIMCA.
MANIFESTATIONS
DES
l/*rl«L«
Lundi, place Denfert-Rochereau, vers
15 heures, gardes mobiles et C.R.S. ont
empêché les lycéens de manifester
contre le • Bac Pompidou ». Il y a eu
quelques arrestations. En fait, cette
manifestation avait été décommandée
parce que trop rapidement préparée.
Aujourd'hui mardi, par contre, les
C.A.L. et les C»A.E.T. appellent à mani-
fester place Monge, à 18 heures, contre
le bac oral décidé par le gouvernement,
bac dont les épreuves devraient durer
quinze jours,
INSTITUTEURS
EN
COLÈRE
(suite)
La réunion des instituteurs que nous
avions annoncée dans notre édition
d'hier s'est tenue à la Bourse du Tra-
vail. Plusieurs centaines d'adhérents de
la F.E.N. se sont rassemblés pour récla-
mer des explications aux dirigeants du
Syndicat National des Instituteurs sur
la décision de reprendre le travail, de
nombreux syndiqués estimant que cette
reprise n'était pas conforme au vote de
la majorité.
Après avoir obtenu de se réunir dans
la grande salle de la Bourse du Travail,
rapidement archi-comble, ils invitèrent
les dirigeants du S.N.I. à venir s'expli-
quer.
Ceux-ci ont refusé et ont renvoyé les
adhérents aux Conseils départementaux.
Après la réunion, les participants de-
vaient ensuite se rendre en cortège rue
de Solférino, au siège de la F.E.N.
LES
22 CAMARADES
ALLEMANDS
EXPULSÉS
Hier, nous annoncions l'arrestation, à
leur domicile, de 22 camarades alle-
mands, membres des S.O.S. Après avoir
été interrogés pendant près de 24 heu-
res, dans les locaux du Ministère de
l'Intérieur, on apprend qu'ils ont été
expulsés du territoire français et recon-
duits à la frontière.
Nous apprenons aussi que 3 étudiants
étrangers, arrêtés à Flins, sont de même
entendus par la Sécurité territoriale et
risquent d'être expulsés. La répression
s'accentue. Le pouvoir ne tolère plus
aucun •• étranger » à l'ordre moral.
PAS D'ÉTUDIANTS
JAUNES !
Devant la poursuite de la grève des
hôtesses de l'air et des stewarts Air
France, U.T.A., Air Inter, les directions
de ces 3 compagnies tentent de recru-
ter du personnel de remplacement no-
tamment parmi les étudiants.
L'U.N.E.F., solidaire des travailleurs
en lutte, dénonce vivement ces pratiques
et demande instamment à tous les
étudiants de refuser toute offre d'emploi
de ces compagnies.
De façon plus générale, l'U.N.E.F.
invite les étudiants qui souhaiteraient
obtenir un emploi de vacances, à ob-
server la plus grande prudence et, à
cette fin, leur demande de prendre con-
tact avec les organisations syndicales
des entreprises où ils pourraient être
employés.
Les étudiants en refusant de jouer le
rôle de briseurs de grève et de volants
de chômage, ont l'occasion de montrer
que le soutien à la lutte des travailleurs
n'est pas que verbale mais effective.
Le Bureau National de l'U.N.E.F.
10 juin 1968
AUX MILITANTS
Pour qu'ACTION soit vraiment un
instrument de lutte, pour qu'ACTION
dise ce que la presse tait, le journal
sera maintenant à votre disposition
tous les trois jours, tous les deux jours,
tous les jours peut-être. Pour cela,
nous avons besoin d'argent, nous avons
besoin d'équipes de distribution, nous
avons besoin de l'aide et de la partici-
pation de tous. Que les comités d'action
nous transmettent l'information que la
presse passe sous silence. Tous les
jours la table du Comité de Rédaction
sera à votre disposition dans la cour
de la Sorbonne.
le directeur de la publication :
Jean-Pierre VICIER
Travail exécuté par des ouvriers syndiques
Grandes Imprimeries « Paris Centre
142, rue Montmartre
Paris (2-)
ENQUÊTE A NANTES :
2l COMBATIVITÉ OVIIVRIERE
DANS LES USINES OCCUPÉES
Nous avons pris comme test
de la combativité ouvrière, deux
entreprises : Sud-Aviation Bou-
guenais et l'A.C.B. (chantiers
navals). Egalement les nombreu-
ses discussions que nous avons
eues avec des syndicalistes ou-
vriers nous permettent de don-
ner un aspect du degré de
conscience de classe chez les
travailleurs nantais.
Le contact avec l'usine Sud-
Aviation Bouguenais nous sem-
blait particulièrement important,
puisque c'est la première entre-
prise qui a été occupée par les
ouvriers, et qui a eu le rôle de
détonateur dans le déclenche-
ment de la grève générale.
L'usine se situe à la périphérie
de Nantes, elle prend aujour-
d'hui l'aspect d'un véritable
camp retranché, où des barra-
ges successifs contrôlent l'en-
trée des alentours de la boîte.
Tous les 20 mètres, se trouvent
des piquets de grève, 21 en
tout, prêts à la riposte contre
toute attaque extérieure. Ce
soir-là, les nervis des C.D.R.
(Comité de Défense Républi-
caine) étaient attendus.
La C.G.T. est majoritaire à
Sud-Aviation avec 800 voix, en-
suite vient la C.F.D.T. avec 700
voix, et la C.G.T.-F.O. avec
300 voix. Les piquets de grève
de la C.G.T. se méfient des
contacts avec les étudiants, aus-
si le point de liaison ouvrier-
légués élus des postes de garde.
Les postes de garde sont ins-
tallés spontanément par les
ouvriers au moyen de planches
de bois pour constituer derrière
les murs de l'usine des tourelles
pour installer les services d'or-
dre. La première nuit, les ou-
vriers couchent dans des car-
tons d'emballage de frigidaires.
Quelques jours plus tard, la
séquestration du patron pose
des problèmes aux syndicalistes
de la C.G.T., après la condam-
nation par Séguy des actes de
séquestration. La C.F.D.T. est
pour la libération de Duvochel,
sous garantie qu'il paie un
acompte. La section F.O. est
pour le maintien de la séques-
tration. La majorité des ouvriers
est hostile à la libération de
Duvochel, libération qui risquait
de démobiliser une bonne partie
des travailleurs. Un représen-
tant des cadres de la C.G.T.
Desaigne, arrive de Paris dans
la nuit. Cette rapidité de dépla-
cement étonne les ouvriers.
Desaigne, arrive de Paris avec
fierté :
« Devinez comment je suis
venu ? »
Réponse des travailleurs :
« En bécane ! »
« Non », répond Desaigne.
« En voiture ! »
« Non. »
« En train ! »
« Non, en avion », répond fiè-
occupée par les forces de po-
lice ; en 1960, nouveau lock-out
de 15 jours après une grève
de salaires, et en 1962 égale-
ment.
Avec ses 2 800 ouvriers, l'usi-
ne de Sud-Aviation est l'une
des plus grosses entreprises de
la région.
DES BARRAGES ROUTIERS
A L'AUTODEFENSE
(Nantes, 24 mai - 31 mai)
Des polémiques ont eu lieu
dans la deuxième moitié du
mois de mai entre politiciens
d'appareil et « gauchistes » pour
savoir si la situation française
était révolutionnaire ou non. Il
est certain que le débat est
beaucoup plus clair à Nantes,
où l'état des luttes est tel que
chacun doit se démarquer sans
échappatoire possible. Un exem-
ple concret nous est donné par
le tract signé U.N.E.F. - trans-
ports F.O., et qui a été diffusé
le 30 mai :
«C.R.S. CONTRE BARRAGE
« Un barrage des transports
F.O. et d'étudiants était mis en
place le 29 mai à l'entrée des
Sorinières, vers 17 heures. Il
était composé d'une cinquantai-
ne de bidons au milieu de la
route et d'une centaine de trans-
porteurs F.O. aidés par des étu-
diants.
« En accord avec le comité
central de grève, seuls les ca-
mions transportant des denrées
périssables et munis d'un lais-
ser-passer du comité central de
grève et les voitures particu-
lières étaient autorisés à passer.
« Alors, vers 22 heures, quatre
cars de gardes mobiles, cinq
« estafettes », six motards, sans
— dominant dans les transports
à Nantes — a agi en liaison
avec le comité central de grève
qui venait de se constituer. Le
comité central de grève distri-
buait déjà des bons d'essence ;
il fut chargé en outre de déli-
vrer des autorisations aux ca-
mionneurs pour que seules les
marchandises nécessaires aux
paysans ou au strict ravitaille-
ment des grévistes puissent
passer. L'idée était bonne, mais
malheureusement, une grande
confusion a d'abord régné, par
manque d'organisation. En l'ab-
sence d'une commission « trans-
ports » compétente, le comité
central de grève a mal distribué
ses autorisations. Le numéro du
camion et la nature du fret (mar-
chandise urgente ou non)
n'étaient pas précisés sur le
laisser-passer. Beaucoup de ca-
mionneurs ignoraient au début
qu'il fallait une autorisation. On
a vu le patron de la principale
«taule», Grangjouan, obtenir
l'autorisation, car le comité cen-
tral de grève n'avait pas con-
tacté les transporteurs ! etc.
Malgré cela, le contrôle des
routes a pris place. Les quatre
principaux accès étaient sur-
veillés par des piquets de 500
camionneurs et étudiants. Il y
a eu quelques vitres brisées et
pneus dégonflés pour les bri-
seurs de barrages. Mais pas de
pillage : samedi 1er juin, un com-
muniqué F.O. démentait les ru-
meurs de rançonnage des voi-
tures particulières.
Ainsi, pendant plusieurs jours,
toute une ville a été isolée, les
barrages fonctionnant comme
filtres, et étant même prêts à
une résistance armée si les mai-
gres forces policières encore à
la disposition du préfet voulaient
Sud-Aviation Bouguenais (Nantes). — Ils ont montré la voie : première usine occupée de la grève de Mai 1968.
étudiant se fait au point 16,
piquet des ouvriers horaires de
F.O., qui sont sur des positions
syndicalistes révolutionnaires.
Tout a commencé à partir
d'une revendication sur la réduc-
tion du temps de travail sans
diminution de salaire. Le 1fr mai,
après refus de la direction de
prendre en considération les
revendications ouvrières, les
syndicats C.G.T. et C.F.D.T. lan-
•ent un mot d'ordre de grève
perlée, F.O. réclamant la grève
illimitée avec occupation d'usi-
nes. Le 7 mai, deux jours avant
une journée complète de grève,
le patron s'enfuit, poursuivi par
35 ouvriers. Il réussit à se sau-
ver. Le 10 mai, l'entrevue avec
la direction tourne à la masca-
rade. La position des syndicats,
continuer la grève par demi-
heures, est réaffirmée par un
vote qui refuse la proposition
de la C.G.T. et de F.O. de grève
totale sans occupation d'usines.
Mardi 14 mai, la grève par demi-
heures continue, mais vers 15
heures, trois délégués syndicaux
décident de virer les mensuels
des bureaux et d'enfermer le
patron dans son bureau. Quel-
ques cadres se joignent au di-
recteur séquestré. Un poste de
garde est installé devant sa
porte.
Un comité de grève est consti-
tué, où sont représentés les dé-
rement Desaigne à l'étonnement
de la majorité du poste.
Le lendemain, à l'intersyndi-
cale, Desaigne prend la parole,
expliquant qu'il est venu de sa
propre initiative, contre l'avis de
la Confédération, et demande la
libération de Duvochel. Cette
intervention est très mal prise
par le comité de grève, et même,
un délégué C.G.T. lui rétorque
que le problème de la séques-
tration de Duvochel ne peut être
posé par quelqu'un de l'exté-
rieur. Finalement, Desaigne fu-
rieux s'en va et reprend l'avion
directement pour Paris. Le len-
demain, un vote est organisé
pour ou contre la séquestration
de Duvochel, la libération du
directeur est acquise à 66,7 %
des voix des présents. Quelques
jours après, les grévistes met-
tent au point un système d'or-
ganisation interne à l'entreprise
pour assurer l'occupation. Une
cantine est assurée tous les
jours avec un service bénévole.
Des constructions en dur sont
installées partout dans l'usine
pour s'abriter la nuit. Des dis-
tractions sont organisées, et
une kermesse au profit du co-
mité de grève s'est tenue di-
manche. Cette occupation de
l'usine est sans précédent dans
l'histoire de Sud-Aviation, bien
que l'usine ait été plusieurs fois
lock-outée en 1957 où elle fut
compter les voitures de police,
arrivent de Nantes. Après avoir
appelé le responsable du bar-
rage, le chef des forces de
« l'ordre » donne, sans somma-
tions, l'ordre au peloton de
charger.
« II y a eu plusieurs blessés,
dont un lycéen, gravement. »
Ceux qui ont rédigé le tract
étaient d'accord avec leurs lec-
teurs : il existe un comité cen-
tral de grève, ce comité détient
le pouvoir, il décide du droit de
circulation routière, si les parti-
culiers veulent un interlocuteur
valable, ce n'est pas le maire
ou le préfet, mais bien ce comité
central. Si une telle situation
n'est pas révolutionnaire, quand
donc y a-t-il révolution ? Ou les
mots n'ont plus aucun sens.
A Nantes, en tout cas, quand
les transporteurs sont entrés en
grève, ils ne se sont pas posé
des questions subtiles sur la
révolution, mais ils ont vu clai-
rement qu'il fallait contrôler les
communications de Nantes avec
l'extérieur. C'était la seule so-
lution.
Les barrages routiers autour
de Nantes ont été mis en place
à partir du vendredi 24 mai. Les
transporteurs en grève ont blo-
qué les principales artères avec
l'aide des lycéens et étudiants
pour renforcer leurs effectifs.
Après le 26 mai, le syndicat F.O.
intervenir. Cependant la situa-
tion a évolué à partir du 31 mai.
Le réveil de l'Etat gaulliste a
donné plus de réalité aux me-
naces de répression policières.
Les fêtes de Pentecôte démobi-
lisèrent, et surtout la reprise
probable du boulot dans quel-
ques taules, obligeait les syn-
dicats à renforcer les piquets de
grève, c'est-à-dire dégarnir les
barrages. Enfin le comité cen-
tral de grève décida le 1 r juin
d'abandonner le système des
bons d'essence (lequel mobili-
sait une véritable administration
de 40 personnes) par peur du
mécontentement des automobi-
listes. Dans ces circonstances,
les barrages n'étaient plus tena-
bles, et ils furent supprimés
dans la nuit du 1 ' au 2 juin.
Pour éviter toute effusion de
sang, il fallait changer de ter-
rain. Comme me le disait un
délégué F.O. le 2 juin : « Si
Paris reprend mardi 4 juin, des
convois de camions escortés
vont arriver en masse. Pas ques-
tion de tenir les routes ! Mais
si nos piquets de grève dans les
taules empêchent de décharger
les camions, la lutte continuera. »
Nantes aura donc vécu pen-
dant une semaine dans une si-
tuation quasiment d'auto-défen-
se, que seul le démantèlement
des autorités publiques a évité
de se manifester violemment.
DERNIERE MINUTE :
RIPOSTE
A 22 heures, Cour de la Sor-
bonne, la nouvelle qui circulait
depuis 18 h 30 est confirmée
aux étudiants. Spontanément,
quelques centaines d'étudiants
commencent à manifester sur le
boulevard Saint-Michel. Aux cris
de : « Ils ont tué nos cama-
rades », « Gouvernement assas-
sin », « De Gaulle, Franco, Sa-
lazar ». Très vite la manifesta-
tion grossit : un millier, bien-
tôt deux milliers. Les manifes-
tants passent devant l'Odéon,
reviennent sur le boulevard St-
Michel qu'ils descendent vers
la Seine, jusqu'au barrage de
C.R.S. qui bloque le pont, puis
ils remontent à nouveau le bou-
levard. Sur la place de la Sor-
bonne, les premiers panneaux
électoraux sont brûlés aux cris
de « Elections, piège à cons ! ».
On peut chiffrer alors les mani-
festants à plus de 4000. Des
drapeaux rouges sont hissés et
précédés d'une grande bande-
rolle des Comités d'Action sur
laquelle on lit « Solidarité avec
Flins ». La manifestation se di-
rige maintenant vers la rue
Soufflet qu'elle occupe bientôt
entièrement et qui est remontée
au pas de charge. Devant le
commissariat du Ve arrondisse-
ment, les panneaux électoraux
sont à nouveau brûlés. Puis les
manifestants mettent le feu aux
cars de police et brisent les
vitres du commissariat aux cris
de " C.R.S. - S.S. » ! Très
vite, venant du Panthéon, des
C.R.S. arrivés en renfort atta-
quent, les gens reculent. 2 ma-
nifestants tombent matraqués.
La manifestation se retourne
aussitôt contre les flics qui re-
fluent. Les 2 manifestants tom-
bés sont relevés par leurs ca-
marades.
Il est minuit, les charges con-
tinuent. Des embryons de barri-
cades s'élèvent.
Dans tes rues avoisinantes,
les grenades lacrymogènes
éclatent un peu partout. 1 h 15,
toutes les conditions sont en
place pour une nouvelle nuit des
barricades : les manifestants
sont décidés et les forces de
police commencent à quadriller
le Quartier Latin (Panthéon,
place Edmond-Rostand, Saint-
Sulpice, Pont Saint-Michel). Les
bombardements de grenades
lacrymogènes s'intensifient. A
1 h 40, on compte déjà 20 bles-
sés par éclats de grenades à
l'infirmerie de la Sorbonne. Un
énorme feu est allumé sur le
boulevard Saint-Michel tandis
que depuis la rue Soufflet, les
C.R.S. envoient des grenades
par dessus les toits. Quelques
vitrines brisées déclenchent des
sonneries d'alarme, en vain...
Une barricade commence à
s'élever place Edmond-Rostand
où les C.R.S. ont été momenta-
nément repoussés.
Paris, 2 heures. Beaucoup
d'étudiants se sont repliés vers
la Sorbonne tandis que des
groupes restreints tiennent les
quelques barricades. Rue Vic-
tor-Cousin, place Edmond-Ros-
tand, la lutte s'installe en
« guérillas » ; les forces de po-
lice n'avancent que lentement
sans oser se rapprocher de la
Sorbonne.
Ce n'est pas une nuit des
barricades, c'est une soirée de
riposte qui en annonce d'autres.
COMMUNIQUE
DU S.N.E.SUP
Aujourd'hui près de Flins,
la police de de Gaulle a
causé la mort d'un manifes-
tant. La répression, en frap-
pant les travailleurs de Re-
nault, a gagné encore en
sauvagerie. C'en est assez
de ce régime ! Le S.N.E.
Sup s'adresse à la F.E.N. et
aux centrales syndicales
pour organiser avec l'U.N.
E.F. et les mouvements
d'étudiants la riposte qui
s'impose.
Le 10 juin 1968.
COMMUNIQUE
DE L'U.N.E.F.
Aujourd'hui lundi 10 juin,
un étudiant a été assassiné
par les forces de police.
Ce meurtre a été perpétré
au cours des ratonnades
sauvages qui se sont pour-
suivies durant toute cette
journée vis-à-vis des étu-
diants venus apporter con-
crètement à Flins leur sou-
tien aux travailleurs qui
poursuivent la lutte. Ce
n'est pas là un fait isolé, un
accident. Il s'inscrit dans le
cadre d'une politique géné-
rale de répression visant
les éléments les plus com-
batifs du mouvement, qu'ils
soient travailleurs ou étu-
diants. (...) La riposte doit
être immédiate et massive,
c'est pourquoi l'U.N.E.F.
appelle toute la population
parisienne à manifester
mardi 11 juin à 19 heures.
Rassemblement gare de
l'Est.
Lundi 10 min 1QRR 93 h
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no.7
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no.7