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N° 13 S MERCREDI 19 |UIM • PRIX MINIMUM : 0,50 F • Ça lournal a été réalisé au Service des Com.tes d'Action, avec le soutien de l'UNEF. du SNESup et d«e Comités d'Action
COMITES
ACTION
REPRISE
LA
REPRISE
Ce qui fait la force de notre mouvement c'est, entre
autres, le refus de tout ce qu'un certain type d'activité
politique peut avoir de sclérosé, de religieux et donc
de faux. N'en déplaise aux marchands de souvenirs qui
dans les hebdomadaires qui commencent à reparaître
vendent les albums-photos des événements de mai 1968,
nous n'avons jamais cru que nous étions en train de
faire la révolution. Ce que par contre nous avons la
prétention d'avoir fait, c'est une expérience révolution-
naire vécue de manière active par une large part de la
population. Parce que c'est une expérience et que nous
voulons faire la révolution, nous en tirerons des leçons.
Ceci dès maintenant, car nous sommes à un moment
charnière, celui où l'engagement spontané de centaines
de milliers d'individus doit se transformer en volonté
révolutionnaire consciente pour que la lutte se pour-
suive.
Cet examen, d'une manière ou d'une autre, les
dix millions de grévistes sont en train de le faire, ce
serait une grave erreur de le faire sans eux, de trans-
former les comités d'action en comités tout court. Les
travailleurs du département 74 de Renault-Billancourt,
qui malgré leurs dirigeants syndicaux n'ont pas repris
le travail hier témoignent du mécontentement contre les
directions politiques et syndicales, mécontentement
d'autant plus fort que la lutte a été dure. Il ne s'agissait
pas comme l'a déclaré Roger Garaudy à Nice, de choi-
sir entre les aspirations de 30000 étudiants parisiens
et la majorité du pays, il s'agissait de choisir entre
dix millions de grévistes et cinq millions de bulletins de
vote.
Ce faisant Garaudy nous rappelle que sur les
orientations de principe rien ne le distingue de son
collège Marchais. Le pseudo-libéralisme et le moder-
nisme du P.C.F. ne font que masquer son incapacité à
analyser et exploiter les potentialités révolutionnaires
des sociétés capitalistes développées.
Si les travailleurs reprennent le travail, ce n'est pas
que leurs revendications aient été satisfaites, mais
parce que des questions politiques profondes ne sont
pas résolues. Ce raisonnement, des centaines de mil-
liers de travailleurs peuvent aujourd'hui l'entendre à
condition qu'on leur en donne les moyens. Cela dépend
en grande partie des comités d'action. Les travailleurs
qui se sont montrés les plus combatifs appartiennent
à toutes les centrales syndicales ou même parfois ne
sont pas organisés. La seule manière pour eux de se
rencontrer est donc de créer des comités d'action au
sein même des entreprises.
Ainsi seront abattues les barrières d'organisation.
Bien sûr, à eux seuls, ces comités ne vont pas tracer les
perspectives absentes ma/s en leur sein pourront être
prises les initiatives adéquates à ce projet.
Dans ces conditions, les bornes de l'expérience
actuelle pourront être reculées ou franchies.
La gauche traditionnelle a refusé de poser le pro-
blème de l'organisation par les travailleurs eux-mêmes
de leur intervention politique. Ce faisant elle a laissé
se déplacer le rapport des forces en faveur de la
réaction.
CQMÔ16V De T£MP$
l
oe
PoUK.
FLINS : L'UNITÉ
AU-DELA
DE LA GREVE
A Flins, l'unité des ouvriers
et des étudiants dans la lutte
n'est pas près d'être rompue.
Après les bagarres avec les
C.R.S.. après l'assassinat de
Gilles Tantin, après le vote pour
la reprise du travail, l'action con-
tinue. Les événements restent
dramatiques.
Le fameux samedi 8 juin,
au meeting des Mureaux, le dé-
légué de la C.G.T. n'avait été
applaudi que par quelques pi-
liers du syndicat, et le respon-
sable du P.C.F. avait été sifflé.
La foule brandissait « L'Huma-
nité » qui stigmatisait les « com-
mondos Geismar ». Après ce
meeting une petite assemblée
permanente s'est tenue dans le
parc du château des Mureaux.
La discussion porta sur ce qu'on
allait faire le lundi si des ou-
vriers venaient reprendre le
travail. Participation à cette dis-
cussion : des étudiants, des ou-
vriers de Renault et des entre-
prises avoisinantes. des jeunes
travailleurs venus des villages
de la région. Parmi tous ces
gens, certains appartenaient à
des organisations : syndicalis-
tes prolétariens militant en liai-
son avec l'U.J.C.M.L. et le mou-
vement de soutien aux luttes
du peuple, étudiants du Mouve-
ment du 22 Mars et de la J.C.R.
Evidemment, des pratiques poli-
tiques différentes s'affrontèrent.
L'U.J.C.M.L. distinguait deux
étages d'organisation : celui
des ouvriers, seuls révolution-
naires et celui de la population
qu'il fallait diriger vers des ac-
tions petites-bourgeoises mais
cependant utile comme l'orga-
nisation directe du ravitaille-
ment, la surveillance des prix
sur les marchés, la grève des
loyers, etc. Ce genre d'activités
était précisément celui que
le Mouvement du 22 Mars met-
tait le plus en avant. Les miVi-
tants de la J.C.R. proposaient
avant tout la politisation des re-
vendications ouvrières par le
moyen de tracts et d'affiches.
Quoi qu'il en soit, quelques
projets pratiques furent élabo-
rés. Il fut décidé que certains
iraient, le lundi matin, se poster
aux points de passage de cars
qui transportent le personnel,
afin de discuter avec les ou-
vriers qui viendraient à l'usine,
soit pour reprendre le travail,
soit pour avoir des nouvelles.
D'autres resteraient près de
l'usine. Rendez-vous fut pris
près du local de la C.F.D.T.
Le dimanche, une seconde
réunion eut lieu. Les discussions
entre tendances étudiantes firent
hésiter un certain nombre de
travailleurs. Le lundi matin,
quand les étudiants et les jeu-
nes travailleurs arrivèrent près
du local de la C.F.D.T., il ne
trouvèrent aucun militant syn-
dicaliste. Ils se rendirent d'eux-
mêmes aux points de passage
des cars et ne trouvèrent que
très peu de ceux qui s'étaient
engagés à y venir. On sait com-
ment les choses se passèrent
le lundi. Opération cars réussie.
Arrestation de beaucoup de
ceux qui étaient restés au Mu-
reaux. Bagarres toute la jour-
née, chasse aux manifestants et,
pour finir, l'assassinat
Depuis, il n'a pas été possi-
ble de constituer un comité
d'action à Flins. Les militants
de lignes différentes ne se sont
plus retrouvés. Cependant une
solidarité effective s'est créée
entre plusieurs syndiqués et
non-syndiqués, les militants étu-
diants et la population qui de-
puis le premier jour a abrité
les étudiants contre les attaques
des C.R.S.
Depuis la reprise, l'action ne
cesse pas à Flins. Collage d'af-
fiches dans toutes les localités
de la région, dénonçant la nul-
lité de prétendue victoire. Tracts
dénonçant le chantage exercé
par la C.G.T. pour faire cesser
le mouvement (chantage à la
famine, à la répression et au
fascisme). Des équipes de jeu-
nes travailleurs et d'étudiants se
préparent à continuer le combat
en recourant à des formes d'ac
1 tion autres que la grève.
POURQUOI LES ÉLECTIONS 12
BILLETS DE BANQUE
ET BULLETINS DE VOTE
Les experts économiques du
Marché commun se réunissent
à Bruxelles et soupèsent lon-
guement, mais avec précision, la
situation économique de la
France dans les dix-huit mois à
venir. Ils ne se soucient nulle-
ment de savoir quel sera le
résultat des élections qui vont
se dérouler dimanche. Sont-ils
devins ? Connaissent-ils déjà
le verdict de l'urne ? Certaine-
ment pas : même si certains
d'entre eux ont un pronostic,
ils sont trop prudents pour lier
leurs prévisions économiques à
de tels paris.
CE QUE SAVENT
LES EXPERTS
Pourquoi peuvent - ils abs-
traire une donnée qui apparaît j
aussi importante ? C'est qu'ils
savent pertinemment que la
machine économique capitaliste
réagit suivant des lois qui lui
sont propres et qui laissent au
gouvernement une marge d'ac-
tion très étroite. Bien sûr, il y a,
entre les partis politiques tradi-
tionnels, des différences : si
M. Mitterrand vient au pouvoir,
les experts savent qu'il y aura
plus d'expansion, moins de chô-
mage, mais aussi plus d'infla-
tion. Dans l'hypothèse d'une
victoire gaulliste, une stabilité
de la monnaie plus grande, mais
une expansion plus ralentie et
un chômage plus important.
Cela, les experts le savent :
mais ils savent aussi que les
marges de variations sont très
étroites et même que ces diffé- i
renées ne sont souvent que
temporaires : la gauche peut,
sous la pression de la fuite de
la monnaie, être contrainte à
pratiquer la politique économi-
que de la droite — cela s'est
déjà vu. La droite, sous la près-
ston des masses, peut être ame-
née à prendre des mesures
sociales. On vient de le voir. Il
existe un équilibre général de
la machine économique qui ne :
peut être durablement remis en
cause sans que le système soit
totalement mis à bas. Renverser
le régime capitaliste, c'est notre
hypothèse de travail, ce n'est
pas celle des experts.
OU SONT PRISES
LES DECISIONS ?
De plus, les experts savent
que les décisions majeures
orientant l'avenir de l'économie
ne sont pas prises au niveau
du Parlement, donc, que des
élections parlementaires ne peu-
vent pas avoir d'influence sur
elles. Les élections de dimanche
peuvent mettre M. Mitterrand à
la place de M. Pompidou,
M. Billières à la place de
M. Ortoli ; elles ne remplace-
ront pas le président-directeur
général de Rhône-Poulenc, de
Citroën ou de Berliet. Il y a,
dira-t-on, les nationalisations ;
mais à quoi sert la nationalisa-
tion si l'entreprise nationale se
trouve dans un environnement
capitaliste, donc gérée comme
une entreprise capitaliste.
Qu'est-ce que cela change pour
l'ouvrier de Flins que son direc-
teur soit M. Renault ou M. Drey-
fus ?
LES FUTILITES
DU PARLEMENTAIRE
II y a quelques années, Jean-
Jacques Servan-Schreiber expli-
quait que dans les sociétés
industrielles les choix politiques
portent sur des portions infimes
du revenu national : 0,75 %,
avançait - il, se fondant sur
l'exemple suédois. Ainsi, il se
faisait le porteur de la plus
grande mystification de l'idéo-
logie néocapitaliste. Ce qui
porte sur de telles futilités,
c'est le jeu classique, légaliste
et électoraliste des partis par-
lementaires. Mais ce jeu ne
contient qu'une toute petite
partie du champ des possibili-
tés ouvertes aux sociétés hu-
maines à l'époque d« l'atome.
Les problèmes fondamentaux de
notre société ne sont pas posés
par le système parlementaire et
cela parce que ce système ne
peut pas les résoudre.
La bourgeoisie a toujours es-
sayé de faire croire que son
règne était dans la nature des
choses. Autrefois, elle le justi-
i fiait par la * liberté » (d'entre-
: prise, du travail, etc.) ; aujour-
! d'hui elle le fait par la techni-
que. Lorsque la technique est
passée, il ne reste que 0,75 %
pour ceux qui veulent encore
discuter. Si nous récusons les
! termes de ce débat, c'est que
! les solutions « techniques » des
• problèmes ne sont que l'habil-
I lage des choix politiques qui
! sont mis en cause par le mou-
: vement révolutionnaire et la
: première tâche est de les mettre
en lumière.
BESOINS SOLVABLES
ET BESOINS REELS
Dans le domaine économique,
on peut les situer à trois ni-
veaux. L'aspect le plus super-
ficiel, c'est cette multitude de
décisions qu'imposent les trusts
et les groupes de pressions ca-
pitalistes. On peut prendre un
exemple : l'automobile, qui, par
tous ses aspects, a été au centre
de la crise de mai. Si une partie
seulement de l'argent consacré
au perfectionnement du moteur
à explosion avait été consacrée
a l'étude de l'automobile élec-
trique, le problème serait au-
jourd'hui résolu. Pendant un
demi-siècle, et aujourd'hui en-
core, la pression des groupes
pétroliers oriente la recherche
dans un sens tout différent. On
pourrait multiplier les exemples :
implantations imbéciles d'entre-
prises, spéculations foncières,
etc. On ne saurait faire le
compte des décisions arrachées
par des pots de vin dont la po-
pulation subit les conséquences.
Mais plus profondément, c'est.
; le système économique lui-même
qui oriente « spontanément » le
choix. En régime capitaliste, il
n'est qu'une sorte de besoins :
les besoins solvables, ceux qjii
peuvent donner lieu à une vente,
donc à un profit. Il n'est pas
un pays capitaliste où les équi-
pements collectifs ne soient
systématiquement sacrifiés. Loin
de s'améliorer cette situation
empire malgré l'expansion éco-
nomique. New York est en passe
de devenir la ville la plus sale
du monde et bien des métro-
poles françaises sont sur la
même voie. A ces problèmes
comme à beaucoup d'autres
(hôpitaux, éducation nationale,
équipement culturel) le système
capitaliste est incapable de ré-
pondre.
D'AUTRES ARMES
QUE LE BULLETIN DE VOTE
A la base de cette incapacité,
il y a le modèle de consomma-
tion et de civilisation qu'imposé
le capitalisme. Mettre en cause
ce modèle, c'est mettre en cause
le système qui l'engendre. Cela
suppose d'autres armes que le
bulletin de vote, d'autres champs
de luttes que le Parlement. On
voit d'ailleurs, combien les for-
mes de la lutte sont liées à son
contenu. La critique de la - so-
ciété de consommation » peut
prendre un aspect réactionnaire :
le refus de la consommation de
masse au nom de conceptions
élitistes, au nom de vertus mo-
1 raies de la frugalité. Si nous
: condamnons les sociétés capi-
: talistes avancées, ce n'est pas
'. parce que les masses y con-
somment trop — que l'on aille
expliquer cela aux Smigards,
même à 3 F de l'heure — mais
: parce qu'on y consomme mal.
Ce qui est au cœur du problè-
me, ce sont tous les besoins
. profonds que le capitalisme
comprime ou supprime.
Mais dégager et formuler ces
besoins, c'est trouver des for-
mes nouvelles d'expression des
masses, celles qui sont déjà
apparues au cours de la crise
de mai et qui ne seront pas
: oubliés de si tôt. Construire un
nouveau modèle de consomma-
tion, c'est donner la parole à
ceux qui ne peuvent pas paHer.
' C'est déjà la Révolution.
MILITANT
TÉMOIGNE :
LE BLUEE POLICIER
Le mercredi 12 juin fut rendue pu-
blique . l'interdiction des organisations
révolutionnaires. Cette mesure ne fut
appliquée réellement que deux jours
plus tard ; le vendredi 14 au matin, une
pléiade de militants du gouvernement
en uniforme de « Civil • se rendit a
environ 40 endroits différents pour per-
quisitionner et arrêter.
Sept, d'un modèle semblable mais
hiérarchisé pénètrent avec l'aide d'un
passe-partout. Plus tard, après plus am-
ple connaissance, il s'avérait que cinq
étaient de la Police Judiciaire avec un
chef appelé patron, et les deux autres
représentaient les Renseignements Gé-
néraux et la Sûreté du Territoire. Tout
de suite le dialogue s'engage après
•• vérification » d'identité.
— Où sont les armes ?
— ... ?!
— On fait des cocktails-Molotov ?
— ...?!
— Où avez-vous appris le sabotage ?
__ ... ? !
Plus tard pendant la fouille :
— Tiens des médicaments. Regardes
voir s'il n'y a pas de L.S.D. ou de
l'héroïne. Depuis un mois on se demande
comment y tiennent.
— Où sont untel et unetelle ?
— ...!?
Coups de téléphone pour demander
des renseignements à la maison mère.
Fouilles, bris de serrures, constitution
d* scellés, de dossiers de scellés. En
fait, l'anonymat et la légalité de ces
dossiers prouvent à quel point l'inculture
de ces messieurs est grande.
Quatre heures de fouille, d'espoir, de
désespoir. Finalement on entasse, on se
permet une plaisanterie ironique en dé-
couvrant une étoile jaune que portaient
les Israélites pendant la guerre : « Tiens
ça rappelle des souvenirs. »
Puis, direction quai des Orfèvres, et
plus précisément le Dépôt, le bureau
des militants trouves. En route on vous
demande avec des restes d'angoisse
dans la voix :
— Alors, Monsieur X..., vous ne direz
pas que la police gaulliste se comporte
en vandale, en gestapo. Je me demande
comment vous nous traiterez lorsque
nous serons prisonniers des vôtres.
Premier interrogatoire, poli et pas très
long. Où habitez-vous ? Que faites-
vous ? étudiant? Quelles études? Com-
ment vivez-vous ? Les parents ? Com-
ment avez-vous connu untel ? Vous êtes
membre de ? Quelles sont vos respon-
sabilités? Avez-vous manifeste, parti-
cipé aux émeutes, édifié des barricades ?
— NON. m'sieur.
En fin d'après-midi, s'amorce la des-
cente dans les entrailles de la répu-
blique : cellule du Dépôt. (Le lendemain
soirée avait passe a l'interrogatoire. Le
même, en plus détaille, que la veille. La
conclusion générale qui s'impose, c est
qu on cherche, là-haut au gouvernement
( des preuves de toute urgence qui per-
! mettraient d'établir l'existence d'un com-
! plot international étranger.
Pas d'armes, pas de fnc. Alors quoi ?
Eh bien Cuba et la Chine. Faut prouver
: les liaisons, inventer des responsables.
Peut-être bien que ces émeutes, ces
guérillas urbaines, ces cocktails Molo-
tov. c'est dans les campagnes a Mao
ou à Fidel qu'ils ont appris à les faire.
; Hem i
Vite les carnets d'adresses, les fichiers
' d'abonnements. Quels rapports untel et
unetelle entretiennent-ils avec X... ou
i Y...?
| Le lendemain dimanche, on attend le
magistrat qui doit décider si la garde
à vue est prolongée ou non. Car il y a
une loi sur la garde a vue qui découpe
la période de garde s vue en plusieurs
• tranches, 2 jours, 5 jours, 3 jours et
' encore 5. A chaque fin de celles-ci, le
i procureur décide si on remet ça, si on
inculpe ou si on libère. De toute manière
quand on garde, c'est pour « complé-
! ment d'informations -. Par ces mesures,
| on évite la liberté provisoire, que le
j gardé à vue pourrait « concevoir » com-
I me définitive.
i Quelques réflexions s'imposent sur la
I manière dont tout s'est déroule depuis
' le début.
Figurait dans le texte publie au J.O.,
j informant de la dissolution, un article
! du Code en plus de la loi de 36 (Front
! Populaire) autorisant d'appliquer la me-
sure d'interdiction dans l'instant qui suit
la signature du décret. S'il en avait été
ainsi, les résultats auraient été les sui-
vants (c'est pas des conseils qu'on
vous donne messieurs d'en face) ; à la
porte des habitations et locaux visés
auraient été placées les escouades aux-
quelles l'ordre de perquisitionner et
d'arrêter serait venu quasi simultané-
ment à la signature du décret par de
Gaulle. Munis au préalable du mandat
de perquisition du sinistre Grimaud,
post-date au besoin, ces messieurs au-
raient joué de l'effet de surprise et en
voiture Arthur !-
H n'en fut pas ainsi, parce que la
mesure d:mterdiction a été prise dans
un climat de-panique après les dernières
manifestations conséquentes aux événe-
ments de Flins.
Par ailleurs ce n'est pas si simple de
procéder à des arrestations en masse.
Dans une société comme la nôtre, con-
trairement à l'Indonésie depuis octobre
doyen * Grimaud et son assesseur
matin, vn café W.C. retourne à ses
sources à peine délivré.) Et menottes
aux mains, en voiture particulière, di-
rection Est de Paris pour aboutir à la
Redoute de Gravelles, à Vincennes,
dans les locaux aérés et propres du
bataillon de Joinville. Les grillages sont
visses à toute vitesse sur les fenêtres
du bâtiment de détention, façade côté
cour. De l'autre, côté mur, on commence
à clouer six rangées de barbelés. Puis
pour couronner le tout on tire des rou-
feeux de barbelés sur le faite des murs.
Les détenus, 18 au total, arrivent les
uns après les autres. Quatre seront re-
lâchés le samedi soir, après interroga-
toire ; ils s'étaient fait arrêter alors
qu'ils venaient au local d'organisations
interdites acheter des journaux.
Pour les autres, nuit de repos, c'est
pas trop tôt depuis tant de jours. La
65, et à moins d'un régime de type
nazi, il reste difficile de faire dispa-
raître les gens. La vitesse a laquelle
ont été connues les arrestations est un
facteur gênant pour la pègre dirigeante.
La sensibilité à ce genre de chose
que manifestent des intellectuels, per-
sonnalités dignes de ce nom est de-
venue une tradition : résistance contre
les nazis, guerres d'Indochine, d'Al-
gérie l'ont fortement établie. Un coup
d'Etat militaire complètement identique
au modèle grec reste délicat et dif-
ficile; il a fallu aller voir Massu pour
être sûr. après quel marchandage?,
qu une partie de l'armée suivrait.
Pour nous tous, sortis des barricades,
la lutte continue; les jours qui vont
suivre marqueront la « reprise dans
l'unité » et sous d'autres formes, de
• la lutte révolutionnaire ».
PROPOSITIONS II
POUR
LES UNIVERSITÉS D'ETE
Nous publions aujourd'hui la première partie d'un document,
établi avec la collaboration de B. Herzberg, militant du S.N.E.-Sup.
Les universités d'été doivent
avoir deux objectifs. Elles ser-
viront à la mise en œuvre d'ex-
périences nouvelles : nouveaux
enseignements, nouvelles mé-
thodes pédagogiques, nouvelles
structures. Il est bien évident,
quoiqu'en dise M. Ortoli, que
ces nouvelles structures ne
seront pas octroyées par le
gouvernement mais qu'elles doi-
vent être mises en place et
expérimentées. Les universités
d'été permettront, d'autre part,
de réaliser l'université ouverte
aux travailleurs.
EXPERIENCES ET OUVERTURE
Concrètement, cela signifie
trois choses. D'abord, la mise
en oeuvre du concept classique
de démocratisation de l'ensei-
gnement sur lequel il n'est pas
besoin de s'étendre, encore que
rien n'ait été organisé dans ce
domaine ni pour les étudiants
qui travaillent (aménagement
des heures de cours, allocations
d'étude), ni pour les travailleurs
(cours du soir, heures de per-
fectionnement payées par le
patronat et l'Etat). Il faudra donc,
dès la rentrée, imposer des
mesures dans ce sens.
Il faut, en second lieu, que
les travailleurs, en tant que tels,
puissent venir à l'Université
et qu'ils y trouvent des élé-
ments pour leur culture mais
aussi pour leurs luttes syndi-
cale et politique, autrement dit,
les éléments d'une critique de
la société bourgeoise.
Il faut, enfin, que les travail-
leurs puissent jouer un rôle
dans la politique universitaire,
c'est-à-dire, dans la formation
des ingénieurs et des cadres,
et qu'ils aient la possibilité de
les contester.
PARTIR
DES REVENDICATIONS
Prenons pour exemple le
« cahier » des revendications
économiques fondamentales des
travailleurs qui comporte :
— l'augmentation des salai-
res, pensions et retraites ;
— la réduction de la durée
hebdomadaire du travail ;
— l'échelle mobile des sa-
laires ;
— l'abaissement de l'âge de
la retraite ;
— les libertés syndicales
dans l'entreprise.
Sur le premier point : Aug-
mentation des salaires, on peut
faire confiance au gouverne-
ment, pour récupérer les relève-
ments de salaires accordés par
le biais de mécanismes devenus
classiques : inflation sur le mar-
ché intérieur, dévaluation pour
relancer les exportations, aug-
mentation de la productivité par
l'accélération des cadences, la
modernisation de l'appareil de
production et la concentration
du capital, avec pour corollaire
l'accroissement du chômage.
La modernisation de l'appa-
reil de production implique une
rationalisation de l'éducation —
qui peut se traduire par la mise
en œuvre du plan Fouchet —
ainsi qu'une rationalisation de
la politique de recherche et des
interventions accrues de l'Etat
dans ce domaine. C'est préci-
sément ici que peut s'opérer la
jonction des problèmes posés
aux travailleurs intellectuels et
à ceux de l'industrie : c'est ici
que les travailleurs doivent se
retourner, face à cette « poli-
tique de recherche » du gouver-
nement. C'est à partir de cela
qu'ils doivent développer une
stratégie politique juste, et ce
peut être l'un des sujets à dis-
cuter dans les universités d'été.
Nous prenons maintenant, en
autre exemple : la réduction de
la durée hebdomadaire du tra-
vail. Ici aussi, dans certains
secteurs, elle peut être compen-
sée par une augmentation de
la productivité. Mais il en est
d'autres, et c'est le cas des
secteurs soumis à la compéti-
tion internationale, où l'on man-
que de main-d'œuvre spéciali-
sée, de techniciens, d'ingé-
nieurs et dans lesquels le patro-
nat et l'Etat ne peuvent satis-
faire une telle revendication.
Dès lors, le simple fait de poser
cette revendication revêt un
caractère révolutionnaire.
Cependant, dans les tenta-
tives d'intégration idéologique
des travailleurs à la société
bourgeoise, c'est une revendi-
cation que l'on a tout intérêt à
satisfaire. C'est pourquoi la
bourgeoisie veut la désamorcer,
en la réalisant par étapes suc-
cessives : parallèlement aux
mesures prises pour accroître
la productivité, elle mettra en
œuvre une planification du sys-
tème éducatif qui permettra de
satisfaire ses besoins en main-
d'œuvre.
Les relations entre la réforme
du système éducatif et les
luttes des travailleurs devraient
ainsi fournir un autre sujet
d'étude pour les universités
d'été.
Quant à l'abaissement de
l'âge de la retraite, c'est là une
revendication légitime étant don-
né l'usure prématurée qui ré-
sulte des semaines de 45 heu-
res, d'un travail monotone et
abrutissant, de cadences sans
cesse accélérées. Mais la ques-
tion est posée de savoir si l'on
oppose une autre civilisation à
ccste civilisation industrielle ca-
pitaliste. Avec les progrès de
médecine qui permettent une
espérance de vie de 75-80 ans,
il est légitime de se demander
si les gens doivent demeurer
inactifs à partir de 60 ans.
Dernier point, les libertés syn-
dicales et politiques. Il faut
confronter les expériences du
mouvement et les traditions de
lutte des travailleurs pour faire
naître de nouvelles formes de
contestation syndicale et ima-
giner les voies politiques qui.
dans l'entreprise, aboutissent a
la mise en cause de l'emprise
du patronat sur la production.
Il faut naturellement ne pas
perdre de vue que les condi-
tions de lutte à l'Université et
dans l'entreprise sont très dif-
férentes. La répression à l'Uni-
versité est forcément moins
grave qu'à l'entreprise où l'on
« utilise ' le licenciement.
(A suivre)
CHEZ CITROEN
POUR LE DROIT
A L'ORGANISATION
Le patron de chez Citroen Beu,ot ne
se livre pas ci de grandes manœuvres
d'intimidation, il préfère la petite guerre.
Hormis les C R.S . ses troupes sûres
— quelques chefs d'atelier aboyeurs —
ne sont pas légion. Pour preuve de cette
tactique, l'incident de vendredi dernier
quand la direction annonça son inten-
tion de verser un acompte des 10 heures
du matin. Les ouvriers grévistes et non-
grévistes se pressent aux portes a partir
de 9 heures : les chefs d'atelier se tien-
nent prudemment en arrière et lancent
un mot d'ordre succinct : • Poussez,
poussez ! -
Il est 10 h 30 et les comptables de
l'entreprise Citroen ne sont toujours pas
la. |
La direction de chez Citroen espérait •
que ses ouvriers confondraient deux,
choses : la colère d'attendre à plusieurs ,
milliers un acompte dû, et le désir des
chefs d'atelier de faire reprendre le
boulot.
A 10 h 45, le piquet de grève, devant
la poussée, décide d'asperger tout le
monde avec les lances d'incendie. Ber-
cot lui-même dut se sentir aspergé puis-
que l'acompte fut payé dans les minutes
suivantes.
Aujourd'hui, la grève continue. Sous
la pression de la base, les deléga- j
tions syndicales rompaient dimanche ;
dernier, au matin, les pourparlers avec
la direction. La délégation C.F.D.T. pu-
blie ce communiqué :
Au sortir de l'entrevue des délégués
syndicaux C.F.D.T. - C.G.T., avec la di-
rection Citroën, la C.F.D.T. a pris acte
de la prétention de la société Citroën
de rejeter au lendemain de la reprise du ;
travail l'examen des libertés syndicales
et individuelles.
En conséquence, la C.F.D.T. Citroën
s'abstiendra de participer à toute nou-
velle discussion avec la direction, tant ,
que cette dernière n'apportera pas de
garanties réelles et immédiates sur le ;
problème du droit syndical dans l'en- ;
treprise.
Loin de minimiser les autres revendi-
cations des travailleurs, la C.F.D.T. réaf-
firme qu'elle ne saurait •< brader •• les
libertés syndicales et individuelles. (1)
Le 15 juin 1968, 12 heures.
L'avant-garde ouvrière de chez Ci-
troen se bat pour avoir le droit de s'or- |
ganiser. A l'usine Citroën, un millier '
d'ouvriers seulement sont syndiques, î
Officiellement la direction ne veut pas
entendre p;ir;-r des libertés svndicaies,
elle affirmai! jusqu'à cette dern:o:'e greva
qu'elle < avait pleine confiance ?n ses
ouvriers -, Pourquoi alors entretena't-
elie — et personne ne pense qu'elle
change facilement de méthode — une
police particulièrement entraînée a la
deiation et a l'espionnage politique à
l'intérieur de l'usine ? Chez Citroen A
est interdit d'être syndique et d'avoir
des opinions politiques .Les ouvriers du
piquet de grève avenue Felrx-Faure, po-
sent un préalable a toute nouvelle dis-
cussion avec la direction : • Nous som-
mes prêts a reprendre les contacts quand
la direction nous informera officielle-
ment qu'elle accepte de nous garantir
les libertés syndicales.
Le Comité d'action du 1 bl arrondisse-
ment apporte un soutien politique et
matériel aux grévistes de chez Citroen
en aidant en particulier a la diffusion
d'un tract signe • Des travailleurs de
chez Citroen -.
POURQUOI LA GREVE CITROEN ?
Les travailleurs de chez Citroën sont
en grève depuis plus de quatre semaines
contre la politique antisociale de la
direction.
Les travailleurs sont :
EN GREVE : Pour le respect de la
personne humaine et pour plus de di-
gnité envers les travailleurs de la part
de ce patron de combat qu'est Bercot,
ainsi qu'une grande partie de ses agents
de direction, certaines maîtrises et au-
tres.
EN GREVE : Pour l'application immé-
diate des libertés syndicales et indivi-
duelles dans l'entreprise.
EN GREVE : Contre les cadences
excessives qui ruinent la santé des tra-
vailleurs.
EN GREVE : Pour plus d'hygiène et
de respect dans les centres d'héberge-
ments et là, nous vous demandons d«
lire attentivement le tract que nous vous
distribuons.
EN GREVE : Pour de meilleures con-
ditions de vie et de travail.
Habitants du 15, nous vous deman-
dons d'être attentifs au grand problème
des libertés chez Citroën.
Nous vous remercions de tout cœur
de participer à notre lutte par votre soli-
darité.
Des travailleurs de chez Citroën.
(1) Certains journaux ont omis de
reproduire cette dernière phrase.
APPEL DD18 JUIN 1968
Nous «von» reçu le texte suivant signé
* Mouvement du 22 mars », qui n'est
p«* sans rappeler un autre appel :
Les chefs qui depuis le 13 mai 58
sont à la tête des armées françaises
ont formé im gouvernement Ce gouver-
nement alléguant notre défaite s'est mis
•n rapport avec les chefs de l'O.A.S.
pour nous faire cesser le combat.
Certes nous avons été submergés par
)«9 forces mécaniques, terrestres, aé-
riennes et hertziennes de l'ennemi. Infi-
niment plus que leur nombre et leur
matériel c'est le martèlement des bottes
sur les écrans de télévision et l'intoxi-
cation massive de la presse et des
radios qui nous font reculer.
Ce sont les complicités manifestes et
la rapidité du recours a l'illégalité qui
r»oos ont surpris au point de nous ame-
ner la où nous sommes aujourd'hui.
Mat» le bewiter mot est-il dit'? L'espé-
rance doit-elle disparaître ? Le recul est-
il définitif? Non.
Nous qui vous parlons en connais-
sance de cause, nous vous disons que
rien n'est perdu pour la révolution.
Nous avons encore de nombreux
moyens de faire venir un jour la victoire
car les étudiants ne sont pas seuls, ils
ont l'ensemble de la classe ouvrière avec
eux. Ils peuvent faire bloc avec elle
pour tenir et continuer la lutte. Ensemble,
étudiants et ouvriers, nous pourrons li-
bérer et utiliser l'immense industrie des
usines et des facultés.
Cette révolution n'est pas limitée à
notre pays. Cette révolution n'est pas
tranchée par les journées de mai. Cette
révolution est une révolution mondiale.
Toutes les fautes, tous les retards n'em-
pêchent pas qu'il y ait dans l'univers
tous les moyens pour écraser nos enne-
mis.
Atteints aujourd'hui par notre faiblesse
mecaatque nous pourrons vaincre dans
l'avenir par une force révolutionnaire
supérieure. Le destin du monde est la.
Le mouvement du 22 mars invite tous
les révolutionnaires qui se trouvent en
territoire français ou qui viendraient à
s'y trouver avec leurs armes ou sans
leurs armes, travailleurs et étudiants, à
s'organiser.
Quoiqu'il arrive la flamme de la ré-
sistance populaire ne doit s'éteindre et
ne s'éteindra pas.
Demain comme aujourd :,j ,••*;>•, pa-
lerons.
HALLE AU VINS :
AGITATION POLITIQUE
La Commission d'Animation Politique
de la Faculté des Sciences de la Halle
aux Vins organise des débats ouverts
aux habitants et aux ouvriers du quar-
tier, chaque soir à 18 h,, a l'Amphi 32
de la Faculté.
Sont prévus dans les prochains jours : j
mercredi 19 juin : Découpages électo-
raux. Jeudi 20 juin : L'originalité de la
révolution cubaine avec C. Julien. Ven-
dredi 21 juin : Structures socio-écono-
miques de la France actuelle, avec A.
Barjonet, et à 17 h. samedi 22 juin :
Révolution et conseils ouvriers en Alle-
magne en 1917, avec Briciner.
COMME UN POISSON
DANS L'EAD
Paris, un arrondissement populaire.
Depuis huit jours, comme en beaucoup
d'autres endroits un débat a lieu sur
une petite place, animé par les cama-
rades du Comité d'Action. Depuis le
soir de l'interdiction des organisations
politiques étudiantes, les camarades
n'avaient pas tenu ce débat quotidien
Hier, timidement, ils décidaient de re-
nouer avec cette activité. Sur la petite
place des habitants du quartier étaient
là : « Alors quoi ! Vous ne venez plus
nous donner des informations, on a
besoin de vous, remettez vos panneaux
et utilisez le porte-voix. »
A LIRE
* Une nouvelle revue vient de pa-
raitre, « Les Cahiers de Mai -, consacrée
aux événements de ce printemps. Au
sommaire de ce numéro, une enquête
sur les grèves à Nantes dont des
extraits sont parus dans - Action -.
• « NIVEAU 3 ». la revue du SNE-Sup,
vient de livrer son troisième numéro.
Illustré par Cardou, il a pour thème :
• A quoi sert l'Université ». Rédigés
avant le début des événements, ces
articles éclairent l'orientation actuelle
du SNE-Sup.
ATTENTION !
PERMANENCE
DIFFUSION
ACTION
transférée
à la Halle aux Vins
te directeur de la publication :
Jean-Pierre VIGIER
Travail exécute par d«s ouvriers syndiqués
Grandes Imprimerie-- « Fans Centre
142, ru? Montmartre
Pan? (2*)
RÉVOLUTION A L'INSTITUT
D'ÉTUDE DU DÉVELOPPEMENT
ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
Hier, a l'Institut du développe-
ment économique, et social
(I,E.D,E,S.). M. Perroux démis-
sionne de son poste de
directeur par les étudiants
par les e n s e i g n » n t s, est
venu dans l'intention de repren-
dre ses locaux. Accompagne
d'un huissier, •• appuyé - par
le petit commando d'un Comité
d'Action Civique et un car de
police, il a prétendu < signifier -
a ceux qui occupaient l'Institut
que rien n'était change, qu'il
restait le directeur et que le
comité paritaire ne pouvait en
aucun cas s'arroger les fonc-
tions du Comité de direction. M.
Perroux comptait sans doute
sur le fait que les étudiants
l'empêcheraient d'entrer pour
faire intervenir la police. Ce ne
fut pas le cas et M. Perroux
est sorti gros Jean comme de-
vant, son huissier avec lui.
Do fait, d'ores et déjà la
question du pouvoir est posée
a l'I.E.D.E.S et elle prend une
importance particulière avec la
transformation politique de l'Ins-
titut décidée par les étudiants
et les enseignants.
L'INSTITUT DE M. PERROUX
L'Institut d'Etudes du Déve-
loppement économique et so-
cial a pour but de préparer des
« techniciens du développe
ment » pour les pays dits sous-
devploppés. Fréquente par 400
étudiants, il recrute un très
çji-anrJ nombre d'etranqers pour
les préparer à être les futurs
cadi-pç techniciens de leur pays
Fonde en 1957. l'Institut avait
officiellement pour tâche de
participer a * l'aide aux pays
sous-developpes •> dans le nou-
vel esprit qui présidait aux re-
lations entre métropoles et pays
récemment émancipes de leur
tutelle ou en voie de l'être
II est certain que (a majorité
de ceux qui travaillèrent a la
formation de l'Institut étaient
sincèrement convaincus de cette
mission, Cependant l'ambiguïté
de cette institution était présente
dès le départ, 1957 est l'année
de la loi-cadre-qui avait pour
but de mettre en place une po
litique de rechange au colonia-
lisme. Très vite, l'idéologie néo-
colonialiste s'est précisée dan?
l'organisation de l'enseignement
et de la recherche : suppression
des cours sur les causes fon-
damentales du sous-développe-
ment, démission de professeurs
progressistes et introduction de
professeurs travaillant au ser
vice des sociétés privées de
développement capital! stes
L'autoritarisme académique est
venu sanctionner cette orienta
hon : interdiction de toute con-
testation, mesures répressives
contre les étudiants qui remet-
taient en cause cette politique.
Aussi, depuis bientôt 4 ans,
les étudiants ont mené des mou-
vements revendicatifs très im-
portants. Le dernier en date est
la grève six semaines en No-
vembre-Décembre 1967.
L'OCCUPATION
Le? événements de mai 1968
pnt déclenche un bouleverse-
ment radical de l'Institut, Dés
le 16 mai une assemblée gêné
raie des étudiants et des ensei-
gnants, vote a l'unanimité l'oc-
cupation des locaux qui com-
mence le soir même. Le 18 mai
une assemblée réunissant des
professeurs, le personnel ad-
ministratif et de recherche et
les étudiants vote le principe
d'un comité paritaire transitoire
gérant l'institut (18 étudiants, 8
enseignants, 2 chercheurs, 2 re-
présentants du personnel admi-
nistratif).
Le pouvoir de fait est alors
entre les mains des étudiants
qui occupent les locaux en as-
semblée générale permanente,
Le directeur de l'Institut, M, Per-
roux est destitue de ses fonc-
tions Le personnel administra-
tif et de recherche demande a
.crin tour la démission de Per-
rcu». E" même temps il crée
s<-,i «yndic^ (qui n'existait pas)
p en grève,
tion des Iccaur est
dans deux sens.
D'abord H.E.D.E.S. devient un
point de ralliement de comités
d'action et de comités de liaison
étudiants-ouvriers. D'autre part,
trois commissions de travail jet-
tent les bases d'une refonte to-
tale de l'Institut. Celles-ci sont
exprimées dans une charte
(dont nous donnons de larges
extraits ci-contre) qui est ap-
prouvée à l'unanimité les 10 et
11 juin. Deux principes indisso-
ciables sont affirmes :
— Le pouvoir de gestion, le
pouvoir politique sont direc-
tement aux mains des étu-
diants, enseignants, cher-
cheurs et personnel. Le pou-
voir trouve son expression
dans le comité partaire.
Mais, les participants du
mouvement ne veulent pas
gérer l'état des choses exis-
tant : l'Institut, désormais,
se mettra au service de l'an
tineocolonialisme et de l'anti-
impérialisme.
Enfin, dans le cadre d'une
remise en cause effective de
de l'université bourgeoise, les
LA CHARTE
DE LXE.D.E.S.
AD SERVICE
DE L'ANTICOLONIALISME
Etudiants, enseignants, cher-
cheurs et personnel ont adopte
le 10 juin, en assemblée géné-
rale, une charte décrétant le
rôle et le but que prendra
désormais le nouvel Institut
d'Etude du Développement Eco-
nomique et Social, sur les trois
bases suivantes :
~- Organisation de l'Institut
au service de l'anticolo-
nialisme et de ('anti-impé-
rialisme.
— Pouvoir exerce directe-
ment par les étudiants, le
personnel administratif et
de recherche et les ensei-
gnants.
sives dans les structures de
leur institut Repoussant des
pseudo-réformes et de vagues
promesses, ils ont pris le pou-
voir a l'ancienne direction qui
non seulement représentait le
pouvoir d'Etat, les structures pe
rimees et oppressives de l'Uni
versité, mais encore utilisait un
tempérament dictatorial, pour
: imposer une idéologie spécifi-
! quement néo-colonialiste. Ce
pouvoir de fait a été instaure
a la suite d'une lutte violente
contre la repression policière.
Ayant détenu l'intégralité du
pouvoir dans des événements
historiques décisifs et représen-
tant une force essentielle per-
manente, les étudiants de l'I E
DE,S. ont partage ce pouvoir
avec les enseignants, le per-
sonnel administratif et de re
cherche,
L'UNIVERSITE
DEMOCRATIQUE,
C'EST LE POUVOIR
AUX TRAVAILLEURS
L'action révolutionnaire des
étudiants a trouve le dépasse-
ment de ses propres limites
avec l'entrée dans la lutte de
i la classe ouvrière.
! Us ont affirme la nécessite
de lier leur lutte a celle des, tra-
vailleurs pour combattre a so-
ciété capitaliste. Les étudiants
et les enseignants et particu-
lièrement ceux de l'LE.D.E.S.,
de I I.E.D.E.S. estiment néces-
saire de prendre fondamentale-
ment position quant a la nature
des phénomènes varies qursont
les différents aspects, facteurs
ot conséquences de la situation
de « sous-développement -, Une
telle prise de position est en
effet essentielle pour que I en-
semble des enseignements et
des recherches donnés et effec-
tues a l'I.E.D.E.S. ne soient
plus susceptibles d être déviés
ou dénatures par des préoccu-
pations néocolonialistes.
Ils ne veulent pas servir
d alibi ou d'instruments a des
entreprises matérielles ou idéo-
logiques profitables a l'impéria-
lisme ; ils refusent désormais
de s associer a diverses opéra-
tions de type technocratique,
favorables au maintien et à
l'élargissement du néocolonia-
lisme, qui se sont effectuées,
malgré les efforts de quelques-
uns, sous le couvert de II E,
D.E.S., durant les années précé-
dentes.
Ils refusent par conséquent
d'accepter les idéologies réac-
tionnaires qui essayent de ré-
duire les problèmes du « sous-
deveiopement » a des problè-
mes techniques.
LE
« SOUS-DEVELOPPEMENT .
UN PHENOMENE POLITIQUE
Les facteurs primordiaux qui
occupants de l'Institut décident
de mettre l'Institut au service
de l'université d'été et d'admet-
tra désormais à l'I.E.D.E.S. des
travailleurs français et étrangers
sans considération de diplômes.
M. Perroux et son comité de
direction ne pourront pas re-
mettre la main sur ce qu'ils
considéraient comme leur mai-
son.
ACTION
CONTINUE
Contrairement a certaines in-
formations diffusées par la radio,
Action n'est pas interdit a la
vente publique. Nous rappelons
a nos diffuseurs que la ventes
par colportage occasionnel est
autorisée et ne nécessite pas
de carte délivrée par la préfec-
ture de police. Toute manœuvre
d'intimidation comme celles
dont ont été victimes plusieurs
de nos diffuseurs hier est illé-
gale.
— Ouverture de l'Institut aux
travailleurs français et
étrangers sans considera-
. tion de diplôme.
Nous donnons ici, de larges
extraits de cette charte.
Préambule :
Etudiants, enseignants, cher-
cheurs, membres du personnel
administratif de l'I.E.D.E.S. ont
jugé nécesairc d'élaborer cette
charte afin qu'après les événe-
ments de Mai 1968 le fonction-
nement de leur institut se fasse
sur der, bases radicalement dif-
férentes rie celles qui existaient
depuis Sri création en 1957. Ils
estiment que révolution rie
II L'.D.E'.S particulièrement de-
puis 1962-1963, '"i été nocive
poui eux tous ( ..)
L'ANCIEN LE-D.E.S, ;
UN INSTITUT AU SERVICE
DU NEO-COLONIALISME
Les étudiants de l'I E.D E. S
a qui les difficultés des luttes
précédente?! avaient montre la
nécessite de changements ra-
dicaux, ont opère en mai
1968 des transformattons déci-
! affirment qu une réforme démo-
cratique totale et définitive de
1 l'Université ne peut être obte-
! nue qu'après le véritable succès
de la lutte des travailleurs, lors-
qu'ils posséderont réellement
les moyens de production et en
! contrôleront la gestion.
Les étudiants et enseignants
de l'I.E.D.E.S soulignent que
cette action unie des travail-
leurs et des étudiants ne peut
prendre toute sa signification
que dans le cadre de la lutte de
classe tant au niveau national
qu'au niveau international ; qu'a
condition rie se référer cons-
tamment au problème qui est
aujourd'hui celui de l'Humanité
tout entière . la lutte contre le
- sous-développement . et < on-
i trfi l'Impérialisme qui en est la
! cause fondamentale
Désormais, l'I E.D ES a pour
vocation de contribuer a la lutte
des pays exploites pour accé-
der a l'indépendance politique
et économique Cette lutte
passe par l'étude et la dénon-
ciation rie l'Impérialisme mon-
dial sous tous ses aspects. (...)
Les étudiants et enseignants
' déterminent-le maintien et l'ag-
gravation de la situation -de
sous-développement sont de na-
ture essentiellement politique.
Certes, les efforts du - Tiers
Monde » se heurtent à des dif-
- ficultés naturelles, historiques,
sociales, mais ces obstacles se-
raient depuis longtemps en
: grande partie surmontés si le
, facteur fondamental du * sous-
développement », l'impérialisme
et ses différentes formes, avait
été supprime. La situation de
• sous développement » est fon-
damentalement caractérisée par
'• la relation exploiteurs-exploités :
les premiers disposant de pou-
i vous exorbitants pour détour-
ner a leur profit la majeure par-
tie rie ce que produisent les
seconds, tant sur le pian maté-
riel que culturel
La réussite de toute stratégie
! de développement est subor-
donnée à la transformation po-
': htique radicale des structures
: économiques et sociales, tant
sur le plan mondial que dans
! le cadre de chaaue pays. Aussi
j les chercheurs de toutes d'sc»-
| pllnes qui étudient le « sous-
développement » tant a i echetlg
du » Tiers Moo.de • que dans
des cadres régionaux plus res-
'tremts. les experts qui œuvrent
• en pays « sous développes »,
peuvent être repartis en deux
grandes catégories-, :
-•— Les uns refusent d admet-
tre la nature politique du * sous-
développement « sous tous
ses aspects, et proposent des
solutions démographiques et
technocratiques, qui ne sont que
duperies ,
— Les autres admettent cettc?
nature politique des problème
du • Tiers Monde <• et envisa-
gent le jeu des autres facteurs
(naturels, techniques, démon1'3
phiques. culturels, etc.) en fonc-
tion des données politique---,
Les étudiants et enseignants d^
l'Institut estiment devoir se ran-
ger dans cette catégorie.
PEDAGOGIE AUTORITAIRE
ET IDEOLOGIE CAPITALISTE
L'importance C)R la réflexion
sur les problèmes politiques
dans toute étude scientifiaue
des réalités des pays « sous.-
developpes •- devrait normale-
ment se traduite non seulement
au niveau des matière? ensei-
gnées mais aussi dans les rap-
ports entre enseignants et en-
seignes. En effet, l'appréciation
des faits politiques est com-
plexe et leur expose ne peut,
en aucun cas, être dogmatique,
mais il doit être un échange
d'idées et d expériences
C'est pourquoi, dans les
organismes de recherches et
d etude-s tournes vers les pro-
blèmes du •* sous-développe-
ment », les étudiants venus des
pays du * Tiers Monde •• et qui
\- retourneront pour y agir, doi-
vent'tenir une place importante.
Qe sont en effet eux" qui sont
susceptibles d'apporter, rjt ce,
des le début de leurs études
Unç contribution indispensable
dang les discussions pt rie-s
çxsmpies concrets sur lesquels
doit obligatoirement s'appuyer
l'enseignement théorique,
. FONCTIONS
ET ORGANISATION
DU NOUVEL INSTITUT
L'Institut a pour rôle .-
— L'étude scientifique, dif-
férentielle du * Tiers Monde »
et de toutes questions concer-
nant le - sous développement »,
mené -par des chercheurs, ensei-
gnants "et étudiants, de, "forma-
tion et d origine diverses, aver-
tis de la spécificité historique
et présente du * sous-rievslop-
pçrnent », L'ensemble de ces
recherches à tous les niveaux
doit associer la formation tech-
nique et pédagogique a la dé-
couverte de connaissances nou-
velles dans le cadre d'équipes
phîri-disciplmaires.
•—• La formation d^s cadres
pour le '• développement » ins-
truits de l'ensemble des pro-
blèmes politiques, économiques,
sociaux et techniques, dont la
solution globale est inséparable.
de la mise en toute de tout
processus de développement,
Dans le cadre de /'un/vers/fp,
I institut est ouvert aux travail-
leurs français ou étrangers ne
possédant pas le statut d'étu-
diant.
— L'information en hante'et
dans les pays concernes, a tous
les niveaux, sur toutes les ques-
; tiens relatives au « Tiers
j Monde ».
A cette fin, l'institut recourt a
toutes les méthodes d'analyse
et de recherche utiles a la réa-
lisation des objectifs précédem-
ment définis, a la condition
qu'aucune d'elles ne puisse ser-
vir au camouflage d'une idéolo-
gie.
A cet égard, // s un pose,
parmi les thèmes d'étude, la
dénonciation du colonialisme; et
du néocolonialisme sous toutes
ses formes et l'analyse do tous
les procèdes nouveaux d'asser-
vissement économique, psycho-
logique et culturel des pays
« sous -développe^ ., qui ont
accède depuis plus ou moins
longtemps à l'indépendance po-
litique (au sens juridique du
terme)
La mission de l'I E D E.5.,
telle qu'elle résulte du présent
expose de? principes, implique
la reconnaissance intangible de
son autonomie doctrinale et
pédagogique, indépendamment
de toute conjoncture politique
nationale et quelle que soit la
forme de son statut financier.
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no.13
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no.13