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N° .14 • JEUDI 20 JUIN • PRIX MINIMUM > 050 F • Ce Journal • M rMto* M Swvto* ém Comttte (TAoMon. MM te «Nittan (te rUNEF. du aNE0np « *w Comité. rfAetton Lycéena
RÉVOLUTION
EN
EUROPE
Ça y est ! Ce Marché commun au nom duquel les
travailleurs devaient reprendre le travail ne sera pas
complètement mis en route le 1er juillet. Les capitalistes
des autres pays du Marché commun craignent la conta-
gion française. Déjà en matière agricole, les échéances
sont reportées à 1970. Le Marché commun n'est pas
à toute épreuve.
Par ailleurs, la crise monétaire internationale s'ag-
grave, il reste maintenant une seule monnaie forte, le
franc suisse, refuge de l'internationale des rentiers.
Pour la première fois depuis la fin de la deuxième
guerre mondiale, les difficultés de certains pays capi-
talistes développés cessent de profiter aux autres. Il
serait faux d'attribuer ce résultat au mouvement social
qui a eu lieu en France, quelle qu'ait été son ampleur.
Ce qui est important, c'est que le mouvement ait eu lieu
en même temps que les Etats-Unis sont mis en échec
au Vietnam et que le système monétaire international
se trouve en état de faiblesse.
A l'intérieur même de ses retranchements, le capi-
talisme voit se lever de nouvelles forces révolution-
naires, celles de l'Université. Aux luttes anti-impéria-
listes répondent les actions révolutionnaires de masse
dans les métropoles.
La bourgeoisie n'a pas compris que, quelles que
soient ici ou là leurs incertitudes ou leurs faiblesses,
les mouvements étudiants qui, partout en Europe,
contestent l'édifice bourgeois, n'ont pas pour motif
essentiel l'insatisfaction que notre génération peut
ressentir devant les rapports entre maîtres et élèves.
En ce sens, il n'y a pas de crise universitaire, il n'y a
que des aspects universitaires de la situation du capi-
talisme. A Rome, à Berlin, à Paris, les universités sont
diverses. Ce qui est commun, c'est que par-delà les
traditions nationales, elles réfractent les difficultés
d'évolution du capitalisme. De plus, parce qu'elles
doivent former des gens qui, d'une manière ou d'une
autre, doivent avoir dans leur futur métier une certaine
autonomie, les universités ne sont, en général, jamais
le lieu d'une répression aussi grande que celle qui peut
s'exercer dans les usines. Ce qu'il y a justement d'ex-
ceptionnel dans la situation actuelle en France, c'est
que \a bourgeoisie a dû envoyer \es C.R.S. contre ses
fils.
Partout, les mouvements universitaires ont tenté,
pas seulement par romantisme, de nouer une alliance
avec les travailleurs : à Renault-Flins répond la Fiat
de Turin. Dresser contre cela le rempart du nationa-
lisme, c'est ajouter une contradiction au capitalisme.
Celle qui consiste à faire appel à ses composants
rétrogrades pour défendre le néocapitalisme.
Du métallurgiste de Nantes à l'étudiant de Berlin
se noue aujourd'hui une nouvelle internationale. Celle
qui répond à l'appel de Guevara en voulant créer un,
deux, trois Paris. Cette internationale n'a pas de nu-
méro, elle n'en est que plus réelle. Sans appareil et
sans bureaucrate, cette solidarité se forge. Les fron-
tières, on s'en fout.
Et s'il faut mêler aux plis du drapeau rouge, ceux
d'un autre drapeau, nous préférons, quelles que soient
les discussions qu'il suscite entre nous, le drapeau noir.
V
100.000 VOiX
pour
une majorité
Les Instituts de sondage vien-
nent de rendre leur verdict :
un léger gain de l'U.N.R., un
léger gain du P.S.U., stabilité
du P.C. Tous les indices sont
concordants, et 80 % des en-
quêtes se prononcent : taux très
inhabituel qui montre que la plu-
part des électeurs ont fait leur
choix. 4 ou 5 % des électeurs
hésitent encore puisqu'il y a,
dans les cas les plus favorables,
15 % d'abstentionnistes. La ré-
partition en pourcentage des
voix sera la même qu'en 1967,
répartition elle-même très pro-
che de celle de 1962. Les élec-
tions de dimanche prochain se
dérouleront comme si les grèves
de mai n'avaient pas eu lieu. La
débandade des vieux appareils
politiques devant le mouvement
des masses n'aura aucune con-
séquence sur l'équilibre électo-
ral. Cela n'est pas étonnant :
sur ce terrain, les partis discré-
dités sont à l'aise. C'est leur
terrain et ils joueront comme à
leur habitude leur rôle de collec-
teur de voix. La grève n'a pas
eu lieu ; tel sera le slogan des
élections. Une répartition pres-
que égale des suffrages ; on
prend les mêmes et on recom-
mence.
On prend les mêmes ? Voire ?
Avec la même répartition des
suffrages, ou presque les élec-
tions de 1962 ont donné près
de 40 sièges de plus pour les
gaullistes que les élections de
1967. La raison : le scrutin est
un scrutin majoritaire. Dans une
circonscription un déplacement
de quelques voix, une centaine,
peut faire basculer un siège.
Dans toute élection, il y a des
circonscriptions sûres : on peut
en prévoir dès maintenant le
résultat. Pompidou à Saint-Flour,
Mollet à Arras, Fréville (P.D.M.)
à Rennes, Waldeck Rochet à
Aubervilliers seront sauf acci-
dent réélus. Le rapport des for-
ces, dans la plupart des cas, est
fixé d'avance et (es heureuses
surprises dans quelques en-
droits sont compensées par de
graves déboires ailleurs.
Font la décision, les circons-
criptions où le siège se joue à
quelques dizaines ou à quel-
ques centaines de voix. 52 dé-
putés en 1967 ont obtenu leur
siège par une majorité de moins
de mille voix. Cela veut dire que
le déplacement d'une centaine
de milliers de vote — la pro-
messe d'une piscine, d'un lavoir
municipal ou d'une pissotière —
peut changer le visage du par-
lement.
Or ces quelques voix, qui ont
permis souvent à la gauche de
l'emporter en 1967, ont une ori-
gine très douteuse. Souvent,
c'est l'abstention des électeurs
centristes et d'extrême droite
ou le report de certains d'entre
eux sur le candidat de gauche
qui a fait la décision. Dans le
13e arrondissement, S. Bouche-
ny (P.C.) fait le plein des voix
de la gauche : 2 000 voix de
droite au candidat gaulliste.
Dans le 18e arrondissement C.
Estier l'emporte de 200 voix,
a gagné entre les deux tours
2 000 voix par rapport au total
des voix de gauche. Ce sont
celles qui manquent au ministre-
barbouze Sanguinetti. Dans l'Es-
sonne P. Juquin (P.C.) l'emporte
avec 6 000 voix d'avance. Une
moitié des électeurs centristes
seulement se sont reportés sur
le candidat gaulliste. Un quart
s'est abstenu ; le dernier quart
a voté communiste. On pourrait
multiplier les exemples de ce
genre. Le « succès » de la gau-
che en 1967, obtenu dans des
conditions pareilles est très fra-
gile.
On peut faire confiance au
parti de la trouille pour se trou-
ver uni en 1968. Salan est libéré
et le front uni de la réaction
fera trébucher bien des élus de
la gauche. Il faudrait se faire
bien des illusions pour croire
que des voix vont manquer au
parti de l'ordre. C'est peut-être
une trentaine de sièges qui se
ront ainsi récupérés par le gaul-
lisme. Beau résultat pour ceux
qui ont contraint le pouvoir à
faire des élections. Au jeu de dé
électoral, la gauche part per-
dante.
POURQUOI LES ÉLECTIONS /3
LES SANS TRAVAIL
NE VOTENT PAS
Au 1" mai 1968, les statisti-
ques officielles indiquaient que
244 600 demandes d'emploi
n'étaient pas satisfaites, soit
4 400 de plus que le mois pré-
cédent et 60400 de plus que
'année précédente à la même
date. Dans le même temps, les
offres d'emploi non satisfaites
étaient de 35500 au 1er mai 1968
soit 2 700 de plus qu'au 1er avril
1968 et 1 400 de plus que le
1er mai 1967. Ces chiffres reflè-
tent bien la tendance à l'ac-
croissement du chômage mais
aucun observateur sérieux ne
considère qu'ils traduisent l'am-
pleur du phénomène. Ils sont
en effet calculés d'après les
données fournies par les offices
du travail qui ne contrôlent pas
le dixième des mouvements de
la main-d'œuvre. Le gouverne-
ment lui-même leur applique un
coefficient 1,9, ce qui donnerait
environ 465 000 chômeurs au
1er mai 1968.
Mais c'est sûrement en-des-
sous de la réalité parce que ce
coefficient a été adopté à l'is-
sue du recensement de 1962.
Lors de ce recensement, on
avait dénombré 208 080 « cher-
cheurs d'emploi » alors qu'à la
même époque les offices
n'avaient que 110000 demandes
d'emploi. Or les statistiques de
l'I.N.S.E.E. montrent que ce
coefficient est loin d'être cons-
tant. Dans ces conditions, il
n'est pas exagéré de dire que
la France a actuellement plus de
500000 chômeurs, ce qui est le
chiffre le plus élevé que le pays
ait connu depuis la fin de la
guerre.
S'il est difficile de faire des
comparaisons précises avec
d'autres pays, la première leçon
à tirer de cet état de fait, c'est
que la France est bien entrée
dans le cadre des sociétés capi-
talistes développées, des socié-
tés qui connaissent un chômage
constant.
Organisées par un gouverne-
ment bourgeois, les élections
ne peuvent, et pour cause,
avoir pour résultat une remise
en cause du système économi-
que avec, dans ce cas précis, la
revendication du plein emploi.
Ce qui est en jeu dans les élec-
tions à propos de cette question
du chômage, c'est au maximum
de faire qu'il y ait un peu plus
ou un peu moins de chômage.
En aucun cas, les élections
ne pourraient avoir comme ré-
sultat la suppression du chô-
mage. Cela signifierait en effet
que chacun a du travail et donc
qu'il n'y aurait plus de marché
du travail puisque personne
n'en demanderait... Ce serait le
vrai socialisme !
Au lieu de poser ce problème
du plein emploi, les économis-
tes bourgeois posent celui du
développement économique. Ce
faisant, ces économistes énon-
cent une évidence : la crois-
sance démographique implique
UNE CENTAINE
D'ECRIVAINS
ET D'ARTISTES
Une centaine d'écrivains, cinéastes
et artistes ont publié la protestation sui-
vante :
• Par le pouvoir de refus qu'il détient
et par un mouvement incessant de
lutte en rapport d'étroite solidarité avec
l'ensemble des travailleurs, le soulève-
ment des étudiants a frappé d'une fa-
çon décisive le système d'exploitation
et d'oppression qui régit le pays. Par
ce même mouvement, il a contribué,
d'une façon décisive, à nous retirer
de la mort politique, allant jusqu'à
ébranler les appareils des formations
et des partis traditionnels.
> Tout doit donc être fait pour pré-
server le sena de ce soulèvement,
l'originalité de l'action qui s'y désigne,
li liberté nouvelle qu'il a d'ores et
déjà conquise pour tous. Aucune orga-
nisation ne saurait aujourd'hui prétendre
représenter seule l'exigence révolution-
naire.
• C'est pourquoi, au moment où le
pouvoir gouvernemental, par des me-
sures au reste sans justification légale,
fondées sur des arguments diffama-
toires et telles qu'elles pourraient aussi
bien frapper d'interdit toute formation
d'opposition, cherche à rendre plus dif-
ficile le combat d«a étudiante et de»
une croissance économique. Ce
qui est moins évident et ce que
les chômeurs voudraient bien
qu'on leur explique, c'est pour-
quoi, alors que depuis plusieurs
mois le chômage continuait
d'augmenter, les statistiques
officielles indiquaient qu'au
cours des six derniers mois, la
croissance de la production
industrielle a été de 9 à 10 %•
Le raisonnement des économis-
tes bourgeois se trouve ainsi
singulièrement mis en défaut.
Il n'est rationnel qu'en appa-
rence, il refuse de poser des
hypothèses qui mettraient en
cause le système. C'est un rai-
sonnement intégré, « unidimen-
sionnel ». Ce que la consulta-
tion électorale propose, c'est de
jouer à pile ou face, pas de
changer de jeu.
Les programmes électoraux,
du P.C.F. jusqu'à « Technique
et Démocratie », masquent mal
ces réalités. Alors que le rap-
port des forces était le plus en
faveur des travailleurs, les pro-
positions des centrales syndi-
cales ont visé à augmenter les
allocations chômage mais pas à
indiquer des mesures propres à
le supprimer. En particulier, la
lutte pour le plein emploi ne se
réduit pas à la lutte pour la
sécurité de l'emploi. Cette lutte
implique une critique serrée,
dans l'analyse et dans l'action,
de la manière dont est répartie
la force de travail dans cette-
société.
Les travailleurs doivent pou-
voir changer d'emploi quand ils
en ont envie et non être liés à
leur tâche comme un chien à sa
niche.
L'absence de lutte pour le
plein emploi se traduit surtout
chez les jeunes. L'Union Natio-
nale des Associations Familiales
(U.N.A.F.), organisation qui n'a
rien de révolutionnaire, estime
que 250 000 chômeurs ont entre
quatorze et vingt et un ans —
c'est-à-dire qu'un jeune sur dix
entre quatorze et vingt et un
ans ne trouve pas de travail.
Comme une bonne partie n'a
jamais travaillé, une très faible
proportion touche des indemni-
tés de chômage. Il faut être ins-
crit depuis six mois dans un
bureau de main-d'œuvre pour
y avoir droit. Ces jeunes chô-
meurs ont compris que le systè-
me actuel ne leur offrait rien de
bon, c'est pourquoi parmi les
premiers ils ont rejoint le mou-
vement.
Le véritable problème n'est
pas qu'ils soient sans travail,
c'est qu'ils n'ont pas les moyens
de pouvoir avoir une formation
culturelle suffisante. Les élec-
tions leur feront ni chaud, ni
froid. Ils resteront chômeurs
après comme avant. Ces 250000
jeunes chômeurs inquiètent le
gouvernement qui voudrait bien
qu'ils ne prennent pas cet été le
chemin des universités popu-
laires.
enseignants, les signataires de ce texte
déclarent que toute poursuite engagée
contre les membres des organisations
visées par le décret de dissolution de-
vrait être également engagée contre eux
qui se tiennent pour responsables des
« agissements » incriminés. Ils soutien-
dront par tous les moyens en leur
pouvoir les personnes poursuivies. »
LE MOUVEMENT
DE MAI
A BERLIN
Les étudiants de Berlin organisent la
semaine prochaine une semaine sur les
événements de mai-juin. Manifestations
dans la rue, séminaires, forums, propa-
gande auprès de la population, telles
seront les diverses formes de cette
rétrospective politique.
Cette semaine ne se réduira pas un
débat académique. A l'avant-garde du
mouvement révolutionnaire d'Allemagne
de l'Ouest, les étudiants berlinois mènent
depuis trois ans une contestation systé-
matique et ont contribué à mettre en
crise le gouvernement du Land de Ber-
lin-Ouest. En outre, depuis bientôt un
an, les étudiants de Berlin ont mis sur
pied une université critique avec la par-
ticipation d'employés et d'ouvriers, mili-
tants syndicaux. La discussion sur les
universités poputairea pourra atr» ainsi
traa Importante.
PROPOSITIONS
POUR
LES UNIVERSITÉS D'ÉTÉ
12
La question de la démocratie
directe devra aussi être abordée
à l'Université d'été : de ce pro-
blème de contrôle syndical et
politique de la base sur les di-
rections, les comités d'entre-
prise de plusieurs usines sont
venus discuter spontanément
avec les représentants du SNE-
Sup.
Ainsi, les universités d'été se
feront en partant des revendi-
cations fondamentales des tra-
vailleurs — et non a priori, dans
l'abstrait. On a vu comment
l'on aborde la question d'un mo-
dèle de civilisation, liée à une
stratégie de lutte pour le ren-
versement de la bourgeoisie.
OBJECTIF A COURT TERME
Les universités d'été se feront
et elles doivent se faire très vite
pour les raisons suivantes :
— Les travailleurs viennent
de reprendre le travail mais ils
sont encore très fortement mo-
bilisés sur tous ces problèmes
et il est possible de les asso-
cier très rapidement aux univer-
sités d'été.
— En outre les universités
d'été sont, dans nos mains, une
arme politique pour répliquer à
la tentative gouvernementale de
remise en état de l'université
réactionnaire. Toutes les struc-
tures, toutes les méthodes nou-
velles qui seront expérimentées
constitueront la meilleure répli-
que aux tentatives du gouver-
nement.
— C'est enfin la meilleure fa-
çon de montrer que le Mouve-
ment est vivace et capable de
réaliser ce qu'il dit. C'est le
seul moyen mobilisateur, la
seule façon d'empêcher I' « in-
vestissement » des facultés par
les forces de « l'ordre », la seule
possibilité de donner des objec-
tifs politiques aux militants qui
se rendent compte que l'affron-
tement physique est \mposs\b\e,
qu'on ne peut, pour le moment
du moins, reprendre la Sor-
bonne.
OU SERONT-ELLES?
Les universités d'été ne pour-
ront se faire partout : il faudra
choisir.
Choisir d'autres facultés : s'il
est vrai que la Sorbonne est
un symbole, les symboles on
s'en moque.
Choisir des sites : Paris, en
août, se vide et il n'y a aucune
raison de vouloir retenir les
travailleurs à Paris. Des univer-
sités d'été peuvent aussi s'ins-
taller à Montpellier ou à Aix.
AVEC QUI TRAVAILLER?
Les universités d'été devront
être largement interdisciplinai-
res : il faut qu'y participent des
gens du Droit, des Sciences
Economiques, des Sciences
exactes, des médecins, des so-
ciologues, etc. Que tous tra-
vaillent ensemble sur les thèmes
que nous avons évoqués.
Quant à l'organisation des uni-
versités d'été c'est la tâche im-
médiate des comités d'action
étudiants-ouvriers. C'est un pro-
blème auquel doivent s'attacher
les syndicats qui tel le S.N.E-
Sup., ont des contacts avec les
comités de grève élus. Sur le
plan local, la bataille politique
sera une bataille de contesta-
tion pour obtenir les moyens
matériels nécessaires à l'univer-
sité d'été : hébergement (il peut
se faire dans les cités univer-
sitaires), nourriture (maintien des
subventions aux restaurants uni-
versitaires ouverts à tous). Il
faut que le budget soit prélevé
sur les crédits de fonctionne-
ment des universités. Il est
d'autre part logique que les tra-
vaux qui sortiront de ces ren-
contres soient publiés. Ceci
pose le problème d'une édition
universitaire et populaire auto-
gérée sur fonds d'Etat.
Instituer une université d'été
permanente, c'est poser en
termes vécus la question d'un
modèle de civilisation qui s'op-
pose à la civilisation bourgeoise
et lutte pour la renverser ; c'est
restituer au mouvement son vrai
visage, qui est bien au-delà des
barricades.
IL- FAIT HUIT
IL PMT
LA COMMUNE
DU LYCÉE
HENRI IV
Depuis lundi soir les élèves j
du lycée Henry-IV mènent une
bataille importante : la bataille
pour le pouvoir effectif des
élèves, la liberté politique dans
les établissements secondaires
et l'instauration d'un « Lycée
critique » permanent.
Pendant toute la durée de la
grève générale, les lycéens ont
occupé leur lycée 24 h. sur 24.
Il y a 10 jours, ils avaient re-
noncé à l'occuper la nuit. La
prise de la Sorbonne par les
forces de police, les positions
dilatoires des syndicats ensei-
gnants, le refus du ministère à
prendre en considération leurs
revendications (1), leur ont fait
comprendre que les succès
qu'ils avaient obtenus de fait
dans l'action, pouvaient être re-
mis en cause en-deçà même des
revendications non obtenues.
Ils décidaient, à une très forte
majorité, de réoccuper leur lycée
jour et nuit et de mettre l'admi-
nistration au pied du mur.
AUTOGESTION :
CONTROLE POLITIQUE
Pour eux, l'autogestion de
l'enseignement, qu'ils expéri-
mentaient depuis 1 mois avec
certains de leurs professeurs,
avait pour répondant nécessaire
la participation de délégués des
élèves aux conseils de classe.
Cette revendication, qui est celle
des C.A.L., a rencontré l'appro-
LYCÉES :
LA DROLE
DE REPRISE
La grève continue dans certains ly-
cées de Paris, dont Balzac et Rodin.
La fermeture de la Sorbonne a entraîné
de nouvelles grèves à Paul-Valéry, Tur-
got et Châtenay-Malabry. Henri IV est
à nouveau en grève et occupé de nuit.
Ailleurs, les cours ont-ils repris « nor-
malement » ? Dans les petites classes,
oui. Mais dans les grandes ? A titre
d'exemple, voici ce qui se passe dans
trois lycées où, à en croire la bonne
presse, l'année scolaire se terminerait
dans les règles.
TURGOT
Seules les classes terminales ont re-
pris. La reprise dans les autres grandes
classes se traduit surtout par des sémi-
naires et des commissions de réforme
de l'enseignement qui continuent à sié-
ger.
Les profs sont présents. Mais la plu-
part engagent des discussions au lieu
de faire la classe traditionnelle. 50 %
d'entre eux ont apporté un soutien effec-
A PROPOS
DES ASSISES
La presse a annoncé la créa-
tion de l'U.N.C.A.L (Union Na-
tionale des C.A.L.) en même
temps que l'on parlait de scis-
sion... Nous publions ici une
mise au point du Bureau Natio-
nal des C.A.L.
Nous refusons de nous arrêter aux
problèmes de procédure qui ont marqué
le déroulement de ces assises. Une
chose est certaine, c'est que l'Assem-
blée n'était en aucun cas représenta-
tive des opinions de tous les lycéens
de France.
De plus, il s'est avéré rapidement que
les militants de la Jeunesse Communiste
étaient venus en force pour imposer
leur ligne. Or, les C.A.L. n'existent pas
depuis trois semaines, ils existent depuis
sept mois et on peut se demander pour-
quoi les camarades de la J. C. n'y ont
pas participé dès le début, lis ont pris
le train en marche, non pour le conduire,
mais pour le faire dévier. Car les
C.A.L. s'étaient constitués sur une ligne
politique globalement définie : contes-
tation du système de l'enseignement et
par là même de la société capitaliste.
NON AU CORPORATISME
INous demandons alors pourquoi des
camarades qui étaient fondamentalement
bation de nombreux enseignants,
et même de proviseurs pari-
siens, tandis qu'elle était offi-
ciellement rejetée par le recto-
rat de Paris, il y a quelques
jours. Notification était donnée
que le Conseil de classe pou-
vait, dans certains cas recevoir
(en même temps qu'un représen-
tant des parents d'élèves !),
un délégué des élèves pour en-
tendre ses desiderata, un point
c'est tout. Le fait que mardi,
jour où se tenait le Conseil de
classe de terminale 1, le pro-
viseur ait décidé d'appliquer à
la lettre les directives du rec-
torat, déclencha la colère des
lycéens. Leur demandant de
quitter le Conseil de Terminale 1,
les délégués refusèrent, puis de-
vant le départ des délégués ac-
compagnés de professeurs, le
proviseur s'enferma avec quel-
ques collègues. A l'annonce de
ces faits, aussitôt, les lycéens
au nombre de 200 occupèrent
les escaliers et les couloirs qui
mènent au bureau du proviseur
et demandèrent qu'une déléga-
tion soit reçue. Refus du provi-
seur. L'assaut de son bureau
est alors envisagé. La suspen-
sion du Conseil de classe (déjà
singulièrement restreint) fait
rapporter ce projet. Les élèves
restent rassemblés en réunions
tandis que les préparationnaires
à l'école militaire de Saint-Cyr,
les « cyrars », commencent à se
regrouper et décident d'en finir
avec « toutes ces histoires d'oc-
cupation ».
Le mercredi matin pendant
que les lycéens discutent, les
responsables des groupes de
travail pédagogiques essayent
de dresser un premier bilan du
travail fourni pendant l'occupa-
tion.
Dans l'après-midi, dès 15 h.,
tif aux élèves pendant la grève. Un
seul, Pierre Boutang, prof de philo,
ancien directeur d' « Action Française »,
a tenté, en vain, de constituer un C.D.R.
ou un C.A.C. Ce maurrassien, que les
élèves considèrent comme leur principal
adversaire, a fait ses cours pendant
toute la durée de la grève devant...
10 élèves !
Suite à l'interdiction des organisations
révolutionnaires étudiantes, Turgot s'est
••émis en grève pendant 48 heures. Une
voiture de police, avec émetteur, sta-
tionnait alors en permanence devant le
lycée. Mais elle n'est jamais intervenue.
Cependant les autorités ont cru plus
prudent de déplacer les panneaux élec-
toraux qui se trouvaient devant le lycée,
et de ne pas transformer Turgot en
bureau de vote, comme il le fut jadis
en période électorale.
L'administration du lycée est « à
plat ventre devant nous • affirment les
lycéens. Ils ont obtenu en effet :
— la représentation des élèves des
grandes classes au sein des conseils
de classe ;
— le droit à l'action politique dans le
lycée ;
— de très nombreuses salles pour leur
usage personnel.
Ils négocient en ce moment la recon-
naissance officielle du C.A.L.
Une trentaine d'élèves resteront, selon
eux, à Paris cet été. Ils voudraient parti-
ciper à une université ou un lycée d'été
opposés à cette ligne ont cru bon de
devoir entrer dans les C.A.L. Car,
soyons clairs, derrière la constitution
de l'Union nationale des C.A.L. animée
par la J.C. se cache un problème poli-
tique fondamental. La J.C. entend faire
des C.A.L. une organisation syndicale
corporatiste représentative de l'en-
semble des lycéens, traitant, si besoin
est, avec les éléments • apolitiques » et
parfois même gaullistes. Il est évident
qu'une telle organisation ne peut pré-
tendre mener des combats radicaux et
se borner à la revendication par les
seules formes d'action « autorisées ».
Le milieu lycéen, pris dans son en-
semble, n'est pas prêt à une remise
en cause globale de la société, c'est
pourquoi nous pensons que les C.A.L.
ne peuvent être représentatifs de tous
les lycéens. Par contre, les militants ly-
céens conscients regroupés dans les
C.A.L. peuvent, par leur action, mettre
à nu les contradictions du système aux
yeux de tous et gagner ainsi de larges
masses parmi les lycéens.
METTRE EN CAUSE
LE SYSTEME
i
i Pour nous, c'est tout le système qui
', est en cause et ce n'est que par des
actions radicales que l'on peut le dé-
noncer. Ce que nous avons obtenu,
nous ne l'avons pas demandé, nous
l'avons pris. Placée devant une situation
de fait, l'administration n'a pu qu'ava-
liser ce qui existait.
Cependant, tout n'est pas joué ; d'une
part, nous avons des exigences qui
n'ont pas été partout satisfaites (pré-
sence de lycéens au Conseil de classe,
questions de la discipline, etc.) ; d'autre
part, nous pensons que l'administration
va essayer de reprendre petit à petit
une assemblée générale des ly-
céens se tient dans un réfec-
toire. L'Assemblée est hou-
leuse. L'impression dominante
est qu'il faut crever l'abcès : il
faut faire céder le proviseur et
l'administration non seulement
sur les conseils de classe mais
aussi sur les autres revendica-
tions qui sont celles des C.A.L.
L'occupation des locaux admi-
nistratifs, jusqu'à la porte du
bureau du proviseur est déci-
dée. Ce dernier sera bien obligé
de discuter...
LES MERCENAIRES
DU PROVISEUR
Mais entre-temps les « cy-
rards » se sont transformés en
mercenaires du proviseur. Ar-
més de matraques, ils occupent
le premier étage de l'aile où
sont installés les locaux admi-
nistratifs. Les lycéens s'assurent
contre toute attaque, occupent
le parloir et le standard télé-
phonique. L'épreuve de force
est engagée, des élèves des ly-
cées Louis-le-Grand et Turgot
viennent appuyer leurs cama-
rades. Tous savent cependant
que si la bagarre commence, les
forces de police interviendront
avec joie à la demande du pro-
viseur. Mais celui-ci est obligé
de faire un pas : à 18 heures,
par l'intermédiaire d'un profes-
seur, il est annoncé que le pro-
viseur recevra dans une heure
une délégation des élèves. L'at-
tente se poursuit. Dans le par-
loir on joue aux cartes, on dis-
cute de la situation. Dans la
cour, des petits débats s'ouvrent
entre professeurs et lycéens.
Les enseignants qui sont pré-
sents sont, dans leur majorité,
favorables aux revendications
des élèves. A 19 heures, la dé-
légation est reçue. Une demi-
heure plus tard, les délégués
reviennent dans la cour et re-
latent devant 300 de leurs cama-
rades, les résultats de l'entre-
vue : c'est un « niet » du pro-
viseur. Mis à part, la concession
d'une salle pour les élèves
(qu'ils ont déjà obtenue dans les
faits durant l'occupation), l'ad-
ministration oppose un refus à
toutes les demandes des ly-
céens. Le proviseur s'est re-
tranché derrière les positions du
ministère : il ne peut accepter
de représentation au Conseil
Intérieur, sans décret du recto-
rat. Même chose pour les Con-
seils de classe.
Le délégué présente alors les
2 possibilités : ou affronter phy-
siquement les mercenaires du
proviseur, ou y renoncer tout en
poursuivant l'occupation du ly-
cée. Après discussion et vote,
la première solution est finale-
ment rejetée : les combats n'ap-
porteraient pas grand-chose,
tout juste, un « pavé » sensa-
tionnel pour Lazareff. Laisser
les « cyrards » protéger la di-
rection c'est révéler sa vraie
fonction. L'assemblée discute
alors des modalités de l'occu-
pation nocturne, des liaisons à
établir avec les autres lycées et
en particulier ceux qui poursui-
vent ou ont repris la grève. A
Henry - IV, la commune des
élèves n'est pas prête à plier.
et sont prêts, pour ce faire, à « devenir
prolos > (un de mes interlocuteurs se
fera débardeur) au cas où leur famille
leur couperait les vivres.
MICHELE! (Vanves)
— A Michelet, on n'a pas arrêté la
grève, on lui a seulement mis des points
de suspension.
— Les cours n'ont repris que pour
expérimenter les nouvelles méthodes
que nous avons élaborées pendant la
grève. Le matin, on discute dans le
cadre des « classes », l'après-midi, on
discute dans le cadre des commissions,
ou on participe aux activités culturelles.
Quand un prof refuse de faire un cours
nouveau style, on le boycotte, c'est tout.
— Qu'en pense le proviseur ?
— Le proviseur laisse faire, mais il
ne signe aucun papier. A mon avis, il
est noyé.
— Il a peur de se faire taper sur les
doigts plus tard.
— Et qu'en disent les profs ?
— Sur 130 profs, une centaine était
avec nous pendant toute la durée de la
grève. La plupart le sont toujours. Avec
certains d'entre eux, nous avons des
rapports absolument sans précédent :
on les tutoie, ils nous tutoient, on va
manger chez eux, ils viennent manger
chez nous... »
Michelet a pourtant eu à souffrir d'un
petit groupe de profs, bien organisé
parait-il, et soutenus par quelques pa-
rents d'élèves et vingt membres du Co-
tout ce qu'elle a concédé.
Sur ce plan, nous pensons que les
C.A.L. ne doivent pas sombrer dans le
corporatisme, c'est pourquoi nous déve-
lopperons les contacts et les actions
communes avec les élèves de l'ensei-
gnement technique (C.A.E.T.) et les jeu-
nes travailleurs.
En conclusion, il semble évident que
ce n'est pas au travers d'attaques polé-
miques dans les colonnes des journaux
et sur les ondes que l'ensemble des
lycéens acquerra une conscience claire
des problèmes posés, c'est uniquement
par l'action.
(1) Les revendications des Comités
d'action lycéens comportent quatre
points principaux : • 1. Représentation
des élèves aux Conseils de classe sans
présence de l'administration. • 2. Re-
connaissance des C.A.L. par l'adminis-
tration. • 3. Libertés politiques à l'inté-
rieur des lycées (tracts, affiches, dé-
bats). * 4. Participation des élèves à la
vie du lycée : représentation au Conseil
intérieur, etc.
mité d'Action Civique de Vanves. A
plusieurs reprises, pendant la grève, ces
commandos ont forcé l'entrée du lycée
pour « faire entendre raison » aux ly-
céens et pour reprendre les cours.
Mais ces éléments d'extrême-droite
ont été rapidement maîtrisés par les
occupants du lycée. Ceux-ci ont cepen-
dant fait des concessions à la reprise :
le 4 juin, le lycée a été partagé en deux,
comme à Henri IV. Six profs et vingt-six
élèves (surtout des petits') seulement
se sont présentés le premier jour, pour
faire des cours normaux. De l'autre
côté du lycée, cinquante profs et deux
cents ou trois cents élèves (du 2- cycle)
tenaient les cours « nouveaux ».
Depuis, la proportion de cours « nor-
maux » a augmenté dans les petites
classes. Des • colles » destinées à pré-
parer les candidats au bac, sont admi-
nistrées par des profs ex-grévistes.
Une remarquable organisation a vu le
jour pendant la grève. Elle dure encore.
Les élèves ont créé un journal, fait la
cuisine et nettoyé les locaux avec tant
de vigueur qu'un prof s'est étonné de
ne plus voir le sol jonché de noyaux
de cerises et de petits suisses, comme
c'était le cas avant la grève !
Aux gardes de nuit participaient non
seulement dix élèves et deux profs, mais
aussi des parents d'élèves qui faisaient
la ronde, en voiture, autour du lycée,
en prévision d'éventuelles attaques des
mouvements de droite.
Dans cette perspective, les C.A.L.
engageront dès maintenant toutes leurs
forces dans le combat. Dès aujourd'hui
des lycées entiers se mobilisent contre
l'occupation de la Sorbonne par la po-
lice et les mesures répressives à l'en-
contre des camarades français et étran-
gers.
Au-delà, les militants lycéens prépa-
rent déjà l'action pour cet été et pour
la rentrée.
Nous développerons précisément ces
points très prochainement.
Bureau national des C.A.L.
ICI, chez Citroën, on attente
délibérément, et par principe
à la dignité humaine. On sup-
prime la liberté, pas seulement
syndicale ou politique, mais la
liberté tout court. Ces attentats
multiples sont partie intégrante
d'une théorie élaborée au grand
jour et envoyée poliment à
l'Académie des Sciences mo-
rales et politiques, par M. Ber-
cot, président-directeur général
de chez Citroën. La revue Entre-
prise ouvre largement ses co-
lonnes aux anayses cyniques
de M. Bercot qui exprime une
idée majeure quant à la discus-
sion des salaires par les tra-
vaileurs :
D'un point de vue économi-
que général, le salaire corres-
pond à une fraction de la masse
des biens produits... Ainsi donc,
quoi qu'on fasse, quelle que soit
la règle de distribution des re-
venus, cette part est fixée par
le travail productif des hommes
formant cette collectivité... Il
oscille entre le minimum qui se-
rait arithmétiquement possible à
calculer, correspondant à un
compromis entre le résultat
d'une évaluation fondée sur la
loi de l'offre et de la demande,
entre les nécessités vitales, les
discussions menées par les or-
ganismes représentant les inté-
rêts salariés, et d'autre part en-
tre le maximum qui fait qu'au-
delà d'un certain prix le produit
fabriqué n'est plus vendable à
l'intérieur de ce cadre ; la hié-
rarchie des valeurs person-
nelles commande, seule, de faire
des différences entre les sala-
riés individuels, mais elle le
commande d'une manière impé-
rative qui ne prête à aucune dis-
cussion.
Certains théoriciens politiques
ont exprimé la possibilité de ré-
partir ce profit, ou une partie de
ce profit, entre les salariés, il
est bien évident que l'existence
virtuelle inévitable de la perte
en contrepartie fait apparaître
une telle répartition sans fon-
dement réel.
Ni le personnel de l'entre-
prise, ni ses fournisseurs, n'ont
un droit quelconque à participer
à la vie de ce profit ; ils n'ont
de vocation ni à débattre, ni à
en percevoir une part.
L'homme qui reçoit son sa-
laire a, du point de vue de son
emploi, un intérêt dans le suc-
cès de l'entreprise pour laquelle
il travaille. Mais il ne peut rien
sur sa destinée du moment où
il a terminé la tâche qui lui était
assignée et pour laquelle ce
salaire est dû.
Qu'on le souhaite ou non, il
n'y a aucun rapport entre le
salaire et le profit et il ne peut
y en avoir aucun.
Dans le domaine du travail,
les discussions et le marchan-
dage ne peuvent venir à bout
du problème posé. On ne peut
non plus s'en remettre à une
épreuve de force pour dégager
une solution.
Mais, M. Bercot est tellement
persuadé de la justesse de sa
pensée qu'il espère encore
après un mois de grève que
les travaileurs se rangeront à
son avis, et abandonneront
cette prétention ridicule : dis-
cuter de leurs salaires.
Mis en face d'une telle incom-
préhension de la part de classe
ioborieuse. M. Bercot a trouvé
les responsables majeurs : les
syndicat dont le rôle nuisible ne
sera jamais assez dénoncé.
Ce qui était une obligation
matérielle est en train de deve-
nir l'objet d'une discussion, d'un
marchandage. Les conventions
collectives en sont une image.
Ceux qui ne voulaient pas que
le travail fût une marchandise
lui ont donné cette valeur et
l'ont assortie d'une pression
politique.
Elles sont nuisibles parce
que :
, • D'une part, elles parlent '
| de choses qu'elles ne connais-
sent pas.
j
II apparaît qu'on ne peut trai-
ter complètement la question du
profit sans l'avoir vécu, sans l
l'avoir manié, sans avoir souffert
de sa loi, sans en avoir tiré aussi
le bénéfice moral et matériel.
i
La théorie ne suffit pas parce 1
I qu'elle se refuse à suivre le pro-
fit dans les mouvements com-
plexes de la vie, parce qu'elle
prétend l'analyser en un certain
nombre de faits cristallisés, com-
me s'il pouvait être saisi en un
1 état statique permettant l'obser-
vation.
• D'autre part, leur action
partisane aurait vite fait d'en
faire un groupe de pression in-
compatible avec la recherche du
bien commun.
Dans la mesure où certaines
théories modernes voudraient
faire intervenir les groupes de
salariés dans la vie de la notion
de profit, il serait aisé d'y dé-
couvrir alors les fameux groupes
de pression d'intérêts privés
dont le langage politique a fait
Nous sommes redevables pour cet article à la
la brochure réalisée en avril 1966 par la Fédération
générale de la Métallurgie C.F.D.T. « Livre noir du Trust
Citroën » à partir des réflexions des militants de l'inter-
Citroën C.F.D.T.
Citroën :
le Uvre noir
d'un
patron de combat
ATTENTION !
PERMANENCE
DIFFUSION
ACTION
transférée
à la Halle aux Vins
| actuelle de « ses travailleurs
• maison » est dirigée par des
| groupes de pression dont le
j salaire par tête se situe aux
alentours de 650 à 800 F par
mois, et au nom des intérêts pri-
vés innommables.
i
j C'est dans de telles circons-
tances, quand les intérêts « pri-
vés » des travailleurs veulent
primer sur les intérêts com-
| l'abri de la naissance des mo-
! nopoles.
Malheur à l'Etat qui parle de
I planification.
i En économie dirigée, c'est
! l'Etat qui détient la libre dispo-
| sition de l'économie. Et pour-
! tant, la somme des besoins des
hommes correspond mieux à
leur satisfaction que l'arbitraire
de l'Etat qui les interprète tou-
tion de toutes les intelligensias
paresseuses.
Tous les travailleurs de chez
Citroën s'accordent unanime-
ment pour reconnaître à la Di-
rection Bercot la palme de la
paresse lorsqu'il s'agit de « pro-
ducteurs rendus en esclavage ».
D'ailleurs, M. Bercot ne se fait
pas une très haute opinion de
l'homme au travail.
Les plus précieux, les plus
élevés, les plus spontanés des
instincts, l'œuvre intellectuelle
elle-même, passent par la porte
de la propriété personnelle. Et
c'est seulement la dureté de
cette loi que l'homme cherche
à éluder par des travers philo-
sophiques et intellectuels qui,
jusqu'à présent, n'ont donné que
des fruits amers et peu nour-
rissants.
Le profit est la base d'une
part importante des actions hu-
maines. Il existe, il vit, il est le
levain de notre vie quotidienne.
Il est bien certain que l'hom-
me est habité par la paresse
et que le travail présente un
effort et constitue pour l'homme
une obligation de faire.
un abus notoire, mais dans un |
autre sens. '
Dans une économie de servi-
ces, l'Etat aurait la position do-
minante et décisive et les asso-
ciations de salariés, exerçant
leur puissance, sur l'Etat et sur
la nation, imposeraient, pour leur
satisfaction, les normes qui lui
conviennent.
M. Bercot prête beaucoup
aux autres, et quand il parle de
groupes de pression, d'intérêts
privés, nul ne songerait à lui j
reprocher de ne pas savoir de j
quoi il parle. j
Très certainement, la grève
muns du patronat que M. Ber-
cot trouve un rôle à l'Etat :
protéger le libéralisme écono-
mique. La protection de l'Etat
s'exerçant à travers le bras
séculier des gendarmes mobiles
et C.R.S.
Le ressort sûr, malgré sa
complexité, qui règle la vie du
profit et qui fait de lui un ins-
trument d'exécution sans défaut,
est la concurrence. Il faut bien
entendu que cette concurrence
soit parfaite. Elle exige de l'Etat
les instruments réglementaires
qui protègent la liberté de l'in-
dustrie et du commerce et les
mettent systématiquement à
jours à travers des données po-
litiques.
A travers la technocratie, sans
laquelle le dirigisme ne se con-
çoit point dans les données pré-
sentes, les hommes retournent
petit à petit vers un état de cho-
ses comparable à celui qu'avait
créé l'organisation des corpora-
tions romaines... jusqu'au jour
où les obligations de faire
ayant remplacé l'initiative per-
sonnelle, l'empire perdit sa for-
ce interne et les barbares pu-
rent entrer au cœur de Rome
pour y porter sa ruine.
Mettre les producteurs en
esclavage a toujours été l'ambi-
L'homme ne se dévoue pas
par esprit de sacrifice, non plus
que par plaisir, ni même en ser-
vice commandé... L'homme cher-
che à s'exonérer du risque et
à s'exonérer de la peine. Si le
profit disparaissait des rouages
économiques, comment pour-
rait-on vivre sans sanction ?
Il est bien vrai, au dire des
travailleurs, que chez Citroën,
on peut vivre puisque les sanc-
tions pleuvent. On ne compte
même plus les ouvriers mis à
pied, renvoyés, pour avoir dif-
fusé la presse syndicale, ou
simplement parfois parce qu'ils
étaient syndiqués. Et qui oublie-
l rait les multiples pressions
exercées par la direction sur
les étrangers (Espagnols, Por-
tugais, Musulmans) qui repré-
sentent 40 à 60 % du person-
nel.
Mais, pour M. Bercot, le pro-
fit règle tout, aussi le profit
devient-il la valeur suprême,
celle qui permet enfin de résou-
dre tous les problèmes qui se
posent au monde du travail.
Le profit suggère à l'entrepre-
neur la décision économigue
conforme aux besoins des dé-
sirs de tous. L'équilibre assuré
par la loi des grands nombres
fait qu'à tous les échelons, l'ac-
tivité s'organise suivant la libre
décision de chacun.
Il règle le problème de la dé-
mocratie économique grâce au
libre choix du consommateur
dans une économie.
Il est quelquefois question de
démocratie économique. C'est
là que réside la vraie démo-
cratie économique pour garder
ce vocabulaire et le droit au vote
secret.
Et celui de la sécurité de
l'emploi ?
La vraie sécurité de l'emploi
est dans le plébiscite favorable
du consommateur qui arbitre le
profit.
M. Bercot conclut :
Au-delà de l'application de la
règle stricte du profit on peut
légitimement penser que son
existence même a créé un véri-
table monde particulier.
Une société dont les activités
économiques sont régies par la
loi du profit est marquée d'un
caractère « sui generis » qui
imprègne la vie tout entière
de la collectivité, soit par la
vertu de l'exemple, soit par le
rythme de vie qu'il impose à la
partie la plus importante de la
nation, soit par des habitudes
de vie qu'il apporte au sein des
familles, soit par les modes de
pensée qu'il inculque même aux
nommes qui ne dépendent pas
de lui. Il est un climat qui in-
fluence les actions de tous les
hommes qui le respirent... Le
profit est toujours un élément
de vigueur et de production. Il
ne permet pas à l'homme de
s'habituer à l'indulgence et à la
mollesse.
Et la vie entière de la nation
est menée par ce rythme, sans
trêve, qui ne cède à aucune
tentation de relâchement.
Ainsi l'esprit est-il conduit au
cœur d'un des problèmes graves
de la société humaine d'aujour-
d'hui : le problème du comman-
dement des hommes, de l'obli-
gation de travailler, de la rému-
nération du travail, de la liberté
de faire, peut-être même de la
liberté tout court.
Il ne nous semble pas que les
sociétés humaines aient encore
réussi à donner de réponses
valables à ces questions en
dehors de la loi du profit.
Ainsi, M. Bercot veut réhabi-
liter la notion de profit, il sem-
blait pourtant qu'elle n'avait
subi aucun affaissement, au
moins du côté des patrons Ci-
troën. Cependant, les ouvriers
en grève depuis un mois ont
manifestement très bien com-
pris dans quel sens il fallait
réhabiliter le profit. Maintenant,
il est prouvé que M. Bercot n'a
réussi à convaincre aucun des
travailleurs de sa « boîte », ils
sont en train de le lui montrer,
et peut-être que, n'ayant pas
réussi à les intimider grâce à
ses géniales théories, il jouirait
de faire diffuser par quelques
compagnies de gendarmes mo-
biles ou C.R.S.
ACTION
CONTINUE
Contrairement à certaines in-
formations diffusées par la radio,
Action n'est pas interdit à la
vente publique. Nous rappelons
à nos diffuseurs que la vente
par colportage occasionnel est
autorisée et ne nécessite pas
de carte délivrée par la préfec-
ture de police.
Le directeur de la publication :
Jean-Pierre VICIER
Travail exécuté par des ouvriers syndiqués
Grandes Imprimeries « Paris Centre »
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