Action

Thumbnail
N° 15 • VENDREDI 21 JUIN • PRIX MINIMUM : 0,50 F • Ce |ournal a été réalisé au Service des Comités d'Action, avec le soutien de l'UNEF, du SNESup et des Comités d'Action Lycéens.
LE DIMANCHE
DES
DUPES
La crise révolutionnaire de mai 1968 a secoué le
pays. Au terme de 3 semaines de grève générale, la
gauche demande des élections et elle les obtient.
Sondages au pas sondages, l'analyse politique que
chacun peut faire, fait prévoir le maintien du parti gaul-
liste. Et pourtant tous nous sommes persuadés que le
mois de mai 1968 est le départ d'une lutte décisive. De
nombreux travailleurs en sont tellement persuadés
qu'ils sont encore en lutte. Citroën entre dans sa cin-
quième semaine de grève. Les étudiants, les lycéens
ouvrent le front de l'université critique au service des
travailleurs.
Jamais, la campagne électorale n'a été aussi
ennuyeuse et morne. Les seules personnes a en avoir
parlé, ce sont les candidats, loin de la foule, par l'inter-
médiaire des ondes. Même « Le Monde » du 21 juin
n'accorde pas un titre à la une aux élections.
Il reste que le pouvoir a de grandes chances de
gagner, et les partis, de rester sur leurs positions. Cette
contradiction n'est cependant pas un accident. A une
situation exceptionnelle qui donnait enfin l'initiative aux
masses, les forces politiques ont répondu par des me-
sures traditionnelles qui prolongent un parlementarisme
impuissant et maintiennent la classe dominante dans
son contrôle de « la politique ».
La seule résonance du mouvement de mai-juin sur
la campagne électorale c'est l'anticommunisme viscéral
des Pompidou et des Poujade qui, en fait, ne vise pas
tant le P.C.F., que la révolte des travailleurs et des étu-
diants. Mais justement les gaullistes se gardent de le
préciser. C'est cela encore, la logique des élections.
Le parti communiste apparaît comme jouant son
rôle, alors même qu'il favorise l'escamotage du mou-
vement des masses dans le système précontraint des
élections qui furent de tout temps organisés au profit
du pouvoir en place. Car si, par hasard, les « forces de
gauche » obtenaient la majorité le 30 juin, qui ne voit
pas que les travailleurs auraient échangé leur pouvoir
de pression, acquis dans la lutte, contre un dérisoire
bulletin de « préférence » ? Les élections n'expriment
pas leur volonté, telle qu'ils l'ont manifestée. Seule la
bourgeoisie vote : elle vote l'union sacrée contre tous
les fauteurs de troubles.
Le véritable après se situe en dehors et au-delà
des élections. Nous pouvons voter contre la réaction.
L'essentiel est ailleurs. Il est dans ce renforcement
de la lutte des travailleurs pour garantir les reven-
dications partielles qu'ils ont obtenues et arracher
celles qu'ils n'ont pas obtenues. Il est dans l'organi-
sation de tous les révolutionnaires qui furent à la pointe
du combat durant ces deux mois. Il est dans la poursuite
de la lutte commune ouvriers-étudiants.
Cette lutte ne passe pas par le chemin des urnes.
Permanence diffusion
ACTION
Halle aux Vins
Battre
l'Université
blanche
On le croyait disparu dans les
décombres de l'Université bour-
geoise ; on croyait qu'après la
faillite du système d'enseigne-
ment dont il s'était fait le Hé-
rault, il aurait la pudeur de se
taire. On croyait la société qu'il
préside définitivement dissoute,
non par un décret ministériel,
mais par le ridicule des positions
qu'elle défend depuis vingt ans.
Certes il s'est tu ; tant que la
Sorbonne a été occupée par les
étudiants, il n'a pas ouvert le
bec. Maintenant que les flics
l'ont reprise, ce « défenseur »
de l'honneur universitaire se
sent protégé : M. Guy Bayet,
président de la société des agré-
gés, parle, parle tout le temps.
On n'entend plus que lui.
LES POUBELLES
DE L'UNIVERSITE
M. Guy Bayet et la caste qu'il
représente ont été balayés par
le mouvement révolutionnaire de
mai. Ils sont déjà dans les pou-
belles de l'histoire. Mais, les dé-
tritus sont toujours utiles pour
un gouvernement réactionnaire.
M. Pompidou, qui a peut-être
déjà sa carte de la société des
agrégés et qui deviendra sans
doute, l'an prochain, membre
bienfaiteur a besoin des flics à
l'Université. Qu'importé s'il
s'agit des débris vermoulus de
l'édifice ancien : l'agrégé n'a
pas d'odeur. A la suite de l'oc-
cupation de la Sorbonne par la
police, le S.N.E.-Sup. demande
à ses adhérents de refuser de
présider les jurys du baccalau-
réat. Il faut à Pompidou des bri-
seurs de grève. M. Guy Bayet
se précipite : aurait-il peur que
quelqu'un le dépasse en salo-
perie ? Moi, M'sieur ! Moi
M'sieur, dit-il, comme le font les
lèche-culs dans les écoles pri-
maires.
POINT DE CONCOURS,
POINT D'AGREGES
Mercredi, M. Guy Bayet, ac-
compagné de quelques-uns de
ses accolytes du Bureau de la
Société des Agrégés est allé
rendre ses devoirs au nouveau
ministre de l'Education Natio-
nale. Ce qu'il a dit au ministre :
il ne faut surtout pas faire trop
de bacheliers — sinon cela dé-
valuerait les diplômes et que de-
viendraient les agrégés —. Il
faut coller 40 % des candidats :
de préférence ceux qui portent
sur le visage les marques des
matraques gaullistes, pense sans
doute M. Bayet.
Il faut maintenir les concours,
soi-disant parce qu'ils sont dé-
mocratiques, en fait parce que
point de concours, point d'agré-
gés. M. Bayet veut être consulté
sur les réformes scolaires et
universitaires. On se doute dans
quel sens pèsera son avis.
DES C.D.R.
DANS LES FACULTES
La réapparition de M. Guy
Bayet n'est pas en soi d'un
grand intérêt ; la faible audience
des thèmes qu'il développe le
rend bien inoffensif. Mais cette
résurgence est le signe d'un
phénomène plus profond : la
remontée des forces réaction-
naires dans le corps enseignant
et leur organisation. Le chef
d'orchestre de cette opération
est Raymond Aron qui, après
s'être fait dans les années 50 le
chantre de la guerre froide, es-
saie aujourd'hui de rallier ses
troupes quelque peu dispersées
par la toun\ente. Après avoir
dénoncé le « terrorisme » des
étudiants dans le Figaro, il ap-
pelle les réactionnaires de tout
poil à s'organiser. « Ecrivez-
moi », dit-il (1). Ce qu'il veut
constituer, c'est des C.D.R. dans
toutes les facultés.
Si des étudiants se font en-
core des illusions sur la possi-
bilité d'un réformisme à l'Uni-
versité, les forces réactionnaires
se chargeront de les dissiper.
Il n'est qu'un moyen d'abattre
l'Université blanche de M. Ray-
mond Aron : l'Université rouge
d'été.
(1) Après avoir donné son adresse
M. R. Aron a préféré la boite postale du
Figaro : c'est plus prudent, mais c'est
plus clair.
LES ÉLECTIONS 14
LES PAYSANS
ENTRE CHIEN ET LOUP
En France, la paysannerie a
constitué depuis le XIXe siècle
la base de masse du parti de
l'ordre. D'abord mobilisée aux
côtés de la réaction royaliste,
la paysannerie sera le pilier du
Second Empire, pour devenir
sous la Troisième République
le fondement du parlementa-
risme bourgeois. Ce sont les
paysans-soldats mobilisés par
Thiers qui écrasent la commune.
A part quelques bastions de
paysannerie rouge, la masse ru-
rale vote blanc.
ENTREE
DANS LA REVOLUTION
Depuis une quinzaine d'an-
nées, cette situation a profondé-
ment évolué ; les modifications
des techniques agricoles,
l'exode rural, la montée d'une
nouvelle génération ont entraîné
la naissance d'une gauche pay-
sanne qui, à travers une série
d'expériences, s'est réalisée. Au
cours de la grève, dans de nom-
breuses localités, les paysans
ont apporté leur soutien politi-
que et matériel aux ouvriers.
Dans de nombreuses usines, ils
ont fourni aux grévistes un ra-
vitaillement gratuit.
A Nantes, étudiants, ouvriers
et paysans ont manifesté côte
à côte. Les délégués paysans
avaient demandé aux autres par-
ticipants de ne pas multiplier les
drapeaux rouges et les mots
d'ordre révolutionnaires : « Ils ne
font pas bon ménage avec les
paysans ». L'étonnement fut gé-
néral lorsque l'on vit que le
tracteur de tête du cortège pay-
san portait un drapeau et une
banderole demandant l'abolition
de la société capitaliste.
Si les paysans de la Loire-
Atlantique se sont engagés dans
la voie révolutionnaire, si en
France des centaines de milliers
de ruraux s'apprêtent à le faire,
c'est qu'ils ont pu expérimenter
que les voies que leur offre le
capitalisme sont sans issue.
Le mouvement paysan a essayé
à la fois la solution de la pro-
tection et la solution du réfor-
misme ; dans les deux cas, les
paysans en ont été les victimes.
Aujourd'hui, ils refusent cette
alternative. Des deux politiques
entre lesquelles on leur propose
de trancher par l'élection ne les
intéressent pas.
SORTIR DE L'ALTERNATIVE
La politique de protection de
l'agriculture, de défense de l'ex-
ploitation familiale que propose
le P.C.F., les paysans en con-
naissent l'impossibilité. Elle se
traduit essentiellement par une
politique de hausse des prix
agricoles. Or, les paysans sa-
vent que, quelques francs de
plus par quintal de blé, c'est
insuffisant pour assurer le mi-
nimum vital aux centaines de
milliers de petites exploitations.
C'est en revanche des millions
de profits supplémentaires pour
les gros agrariens. Mais, ils sa-
vent surtout ce que représente
l'exploitation familiale : pour un
revenu dérisoire, c'est l'asser-
vissement du paysan à sa par-
celle, c'est un mode de vie in-
acceptable pour la jeunesse ru-
rale.
L'alternative bougeoise à cette
politique, c'est le réformisme,
miroir aux alouettes avec lequel
M. Pisani s'est efforcé de pren-
dre les paysans au piège du
gaullisme. Rapidement, ceux-ci
ont vu les conséquences de
cette politique : développement
massif de la grande agriculture
capitaliste, asservissement des
producteurs aux industries qui
fournissent ou qui utilisent les
produits de l'agriculture, toute-
puissance des circuits capita-
listes de distribution. Ceux qui
ont répondu à l'appel à l'équi-
pement des sirènes capitalistes
se sont trouvés lourdement en-
dettés. Le système qui s'installe
aujourd'hui intègre l'agriculteur
dans un circuit totalement do-
miné par le capital. Lorsque,
par exemple, une usine d'ali-
ments pour bétail s'installe dans
une région, elle se lie par con-
trat des agriculteurs. Les pa-
trons se font un plaisir de prê-
ter aux paysans l'argent néces-
saire à l'équipement, à condi-
tion qu'ils soient les fournis-
seurs exclusifs d'aliments, ainsi
que les acheteurs du produit
fini.
L'agriculteur est alors à la
merci du trust. Il a effectué la
plus grande part de l'investisse-
ment ; il subit tous les risques,
il ne récolte aucun profit. C'est
un véritable processus de pro-
létarisation de la paysannerie
qui est ainsi enclenchée. Même
lorsque des formes plus vala-
bles d'organisation agricole ont
été établies — coopératives de
production, de commercialisa-
tion, etc. — elles sont vite dé-
voyées par la dynamique même
du marché capitaliste. Elles sont
placées devant le dilemme •. pé-
rir ou fonctionner en fait comme
des entreprises capitalistes.
ABATTRE LE CAPITALISME
C'est à travers la prise de
conscience de ces échecs que
la masse paysanne s'oriente au-
jourd'hui vers la voie révolution-
naire.
Les paysans posent le pro-
blème de leur place dans la
société industrielle. Ils récla-
ment, comme les étudiants,
comme les ouvriers, la prise en
main par eux-mêmes de leurs
conditions de vie et de travail.
Ils s'interrogent sur les fins de
la production agricole dans un
monde qui en 1980 sera en état
de famine permanente.
Ce faisant, ils se heurtent
aux obstacles que dresse le ca-
pitalisme. Le droit de propriété
qui empêche le paysan de dis-
poser de son instrument de tra-
vail : pour l'acquérir, aujour-
d'hui, le paysan doit s'endetter
pour 20 ou 30 ans. Les loi? du
marché capitaliste, qui orientent
de façon aberrante la produc-
tion, qui, par l'effondrement des
cours, transforme I 'abondance
en misère pour les producteurs.
La solution des problèmes pay-
sans n'est pas dans l'urne.
TV SCOLAIRE :
BONNE NUIT
LES PETITS
L'O.R T.F. est en grève. Chacun le sait.
La presse acquise au pouvoir gaulliste
elle-même ne peut le cacher. Mais ce
que l'or» sait moins, ce que l'on écrit
moins encore, c'est que la Radio-Télé-
vision Scolaire est également en grève.
Depuis le 17 mai, le personnel de la
Radio-Télévision Scolaire (enseignants,
techniciens, administratifs et ouvriers)
occupe ses locaux et aujourd'hui la
grève se poursuit.
QU'ETAIT LA RADIO-TELEVISION
SCOLAIRE lUSQU'A PRESENT ?
La R.T.S. était l'un des cinq départe-
ments de l'Institut Pédagogique national.
Ce département comprenait environ 265
employés permanents dont des ensei-
gnants détachés, des techniciens de la
profession cinématographique, des ou-
vriers, des personnels administratifs, des
documentalistes, des chercheurs.
Outre les personnels permanents, la
R.T.S. utilisait occasionnellement les ser-
vices d'environ 200 personnes (ensei-
gnants, techniciens, chercheurs, etc.).
Quel était le volume de sa production ?
17 heures 30 minutes d'émissions de
télévision chaque semaine, destinées au
premier degré, au second degré, à la
promotion sociale, à la formation des
enseignants.
20 heures de radio par semaine desti-
nées notamment au premier degré et au
premier cycle.
POURQUOI CETTE GREVE ?
Jusqu'ici, seules les autorités gouver-
nementales, commission interministé-
rielle, commission ministérielle des pro-
grammes de l'Education nationale, et
inspection générale, étaient habilitées à
décider de la politique générale de la
Radio-Télévision Scolaire. Il ne restait
aux enseignants et aux techniciens qu'à
appliquer ces directives (pallier le man-
que de professeurs ou affirmer les bien-
faits du Ve Plan) ou à faire preuve d'as-
tuce pour essayer de les déjouer. De
plus, le contrôle financier a priori, la
bureaucratie de l'établissement public
qu'est l'Institut pédagogique national
dont la R.T.S. n'était qu'un département,
imposaient aux travailleurs chargés de la
réalisation pratique de ces émissions
des cabrioles administratives sans les-
quelles aucun projet n'aurait pu être
mené à son terme.
Ils en ont eu assez.
La contestation est générale.
Dès le 17 mai, l'ensemble du person-
nel se constitue en assemblée générale
souveraine. Elle prend en main la gestion
de l'établissement. Les anciens chefs
de service deviennent des rouages fonc-
tionnels qui peuvent être consultés à
titre d'experts.
Une commission générale composée
de neuf membres élus et renouvelable
par tiers tous les neuf jours est respon-
sable du fonctionnement de la maison.
Toute décision executive est soumise
pour adoption à l'assemblée générale.
Six commissions qui sont ouvertes à
tous (membres du personnel, étudiants,
travailleurs et enseignants) et élisant un
comité, travaillent quotidiennement sur :
— les revendications immédiates sur
la formation professionnelle (com-
mission des revendications) ;
— l'élaboration collective des déci-
sions, l'indépendance technique et
l'autonomie de gestion (commission
de gestion) ;
— la création dans le cadre de l'édu-
cation nationale d'un établissement
public regroupant tous les services
actuellement dispersés, ayant la
charge d'élaborer, d'expérimenter
et de produire tous les documents
audio-visuels destinés à l'éduca-
tion (films, émissions de TV et de
radio, documents photographiques,
etc.) ; la participation de la R.T.S.
à la planification générale des
moyens d'éducation auprès de
toutes les instances concernées
sur le plan national, régional et
local (commission des institutions) ;
— la définition des objectifs, du con-
tenu et de la forme d'intervention
de la R.T.S. avec la participation
des lycéens, étudiants, enseignants
et éducateurs (commission des
programmes et des relations ex-
térieures) ;
— l'organisation de la vie quotidienne
dans la maison : intendance, vigi-
lance, transports, entraide (com-
mission d'occupation).
Les deux tiers du personnel environ
participent à ce travail, jours ouvrables
et jours fériés. D'ores et déjà des pro-
jets de recherche et d'émission sont
nés de ce travail collectif. Des projec-
tions d'anciennes émissions sont orga-
nisées ; la contestation porte sans ex-
ception sur tous les produits réalisés
jusqu'à ce jour par la Radio Télévision
Scolaire.
Le combat quotidien que mène le per-
sonnel de la R.T.S. doit lui permettre de
conserver l'acquis de cette expérience
Sa plate-forme revendicative a été pré-
sentée au ministère dès le 28 mai
Aucune véritable négociation n'a encore
été entamée. Une délégation élue par
l'Assemblée générale a été reçue deux
fois au ministère, qui s'est contenté
d'examiner les dossiers et d'en « appré-
cier le contenu •.
L'occupation des locaux dure mainte-
nant depuis trente-cinq jours.
Renault-Hins :
leçons d'un débrayage
Mercredi 15 h 30. Les ouvriers
de Flins apprennent par leurs
responsables syndicaux que la
direction ne renouvelle pas les
contrats de travail d'au moins
deux travailleurs étrangers qui
avaient été actifs pendant la
grève. Cette fois c'est clair, la
direction organise sa répression
maintenant que le travail a re-
pris. Depuis le matin les ca-
dences avaient augmenté de
sept voitures à l'heure pour
chacune des deux chaînes. A
l'atelier de peinture le quart
d'heure de pose toutes les deux
heures pour respirer de l'air
frais a été réduit d'un tiers jeu-
di. En une demi-heure, dans
tous les ateliers la même réac-
tion s'exprime : « Non au licen-
ciement de nos camarades
étrangers, la direction n'a pas
tenu ses promesses. »
En effet c'est bien de li-
cenciements qu'il s'agit puisque
par ailleurs l'usine embauche de
nouveaux travailleurs. On dé-
cide de tenir un meeting mais
il semble que les délégués C.
G.T., en recommandant dans cer-
tains ateliers de rester auprès
des machines, cherchent à frei-
ner doucement le mouvement
de protestation. Ceci explique
que vers 17 h. c'est seulement
la moitié du personnel qui par-
ticipe au meeting alors que le
débrayage est général. Au mee-
ting le responsable C.F.D.T. de-
mande d'attendre pour consul-
ter la direction sur la réembau-
che des licenciés ; en cas de
refus la C.F.D.T. propose une
grève illimitée avec occupation
des locaux. La C.G.T. refuse
cette ligne d'action, pour elle il
ne doit y avoir ni occupation
des locaux, ni piquet de grève.
Elle propose de tenir un autre
meeting jeudi matin à 7 h 30,
heure de début du travail pour
le service normal. Un vote à
main levée a lieu qui montre la
combativité des travailleurs •.
tous les travailleurs sont pour
l'occupation des locaux dès
cette nuit sauf deux parmi les-
quels le délégué C.G.T.
Mais le meeting a trop duré,
c'est l'heure de départ des cars
et finalement les travailleurs
rentreront chez eux sans avoir
décidé des modalités de leur ac-
tion. Dans les groupes qui s'en
vont, les adhérents du P.C.F.
déconseillent la participation aux
piquets de grève. Finalement
environ 200 travailleurs décident
d'assurer les piquets et s'ins-
tallent pour la nuit.
Jeudi à deux heures du matin
la direction qui s'est bien rendu
compte de la faiblesse des réac-
tions de la C.G.T. monte une
provocation contre les piquets
de grève. L'ensemble de la
maîtrise casquée et armée de
barres de fer, dirigée par le di-
recteur Guiriec entre dans l'usi-
ne et cherche le combat. Les
grévistes ne tombent pas dans
le panneau et installent un seul
piquet pour le reste de la nuit,
à l'entrée de l'usine.
Cinq heures du matin. Tout
va se jouer en deux temps : les
ouvriers prennent le travail à
5 h 30 et à 7 h 30 (sept mille
ont ce deuxième horaire). 5 h 08
le gardien-chef ouvre les grilles
d'entrée, le piquet de grève les
referme. 5 h 15. Les premiers
arrivants rejoignent le piquet de
grève renforcé par ceux qui
dormaient dans leurs voitures
garées devant l'usine. A ceux
qui arrivent on distribue un
tract des syndicalistes proléta-
riens C.G.T. de Renault-Flins :
« Ne nous laissons pas encore
une fois berner par la direction,
réoccupons en masse notre
usine jusqu'à l'obtention de
toutes nos revendications. »
Peu de travailleurs entrent
mais à 5 h 30 les cadres arri-
vent et tentent de provoquer
une nouvelle bagarre. La ma-
noeuvre d'intimidation réussit
partiellement : d'autres travail-
leurs entrent dans l'usine. Sans
ligne d'action tous sont dans
l'incertitude. Voici justement le
délégué C.G.T. qui arrive et se
met à distribuer un très long
tract « Oui à \a lutte revendi-
cative, non à l'aventure » qui
attaque d'un bout à l'autre la
C.F.D.T. et le mot d'ordre de
grève illimitée... et ne propose
aucune action concrète. On n'y
parle même pas de meeting. Les
travailleurs sont démoralisés
par l'attaque conjointe de la C.
G.T. et de la direction. Les
cadres lisent le tract C.G.T. avec
un plaisir évident. Le tract de la
C.F.D.T. n'est pas là. Il n'arri-
vera que pour 7 h 30 car il
rapporte les événements de la
nuit, mais lui non plus ne donne
pas de consignes précises. Il
faudra attendre la fin de l'entrée
pour savoir que les discussions
entre centrales se sont soldées
par un échec. Comme dira alors
Rousselin, le délégué C.F.D.T. :
« Devant la trahison d'un syndi-
cat qui se réclame de la classe
ouvrière nous disons qu'il n'est
pas possible actuellement de
continuer la lutte. »
Sous la pluie battante les tra-
vailleurs ont donc repris le tra-
vail hier matin à Flins. Une fois
de plus la C.G.T. a joué le syn-
dicat de l'ordre, les quolibets ne
manquaient pas à l'adresse du
délégué : « Va voir Seguy »,
etc.
Que conclure de cette expé-
rience ?
D'abord que les 42 % des
ouvriers qui ont voté contre la
reprise du travail au début de la
semaine ne sont pas une force
prête à s'évanouir. Le débrayage
a été imposé par la base aux
directions syndicales. Ceci dit,
cette force n'est pas encore
assez organisée matériellement
(par exemple : il n'y avait pas
de porte-voix pour haranguer
les travailleurs à l'entrée de
l'usine) et politiquement (l'es-
sentiel à Flins, n'était pas de
mettre l'accent sur la provoca-
tion patronale mais sur la force
que représentait le débrayage).
La provocation patronale est
apparue comme un signe de
force de la direction, ce qui a
fait basculer les hésitants vers
la reprise. Néanmoins ce dé-
brayage en maintenant la pres-
sion revendicative a découragé
la direction de procéder à d'au-
tres licenciements — on pariait
d'une trentaine — Enfin il a été
l'occasion de faire combattre
ensemble les militants C.F.D.T.
et les « syndicalistes proléta-
riens », ainsi a été mis en re-
lief le rôle primordial de l'action
plurisyndicale à la base.
O.R.T.F. :
L'INTERSYNDICALE
DECOUVRE SA BASE
Cédant à des pressions, se livrant à
des manœuvres, renonçant à l'unanimité,
l'Intersyndicale a proposé au personnel
une motion pour la reprise du travail
lundi prochain. Le motif avancé était que
la grève n'aboutissait pas et qu'il fallait
recourir à d'autres formes d'action, les-
quelles n'étaient pas du tout précisées.
Les délégués des journalistes et des
réalisateurs n'avaient pas voté cette mo-
tion. De plus, certains délégués, les
plus radicaux, étaient absents.
Réunie en assemblées générales par
catégories et par centres, la base a
réservé à cette motion le seul accueil
possible. Les délégués qui la présen-
taient ont tout simplement été hués.
La weille, toutes les personnes qui tra-
vaillent à l'O.R.T.F. avaient reçu une
lettre du directeur général, de Bresson.
Celui-ci exaltait les victoires prétendu-
ment déjà acquises et lançait un appel
au travail dans la fraternité et la com-
préhension. Ce style pétainiste a bien
fait rire. Les assemblées générales ont
évidemment imposé la continuation de
la grève. Celle de Strasbourg, notam-
ment, propose non seulement de durcir
la grève, mais d'en venir à des mani-
festations plus radicales.
Tout démontre la justesse de ce mou-
vement. A Périgueux, où se présente
le ministre Guena, les meetings de
l'O.R.T.F. ont rempli trois salles de
1 500 personnes chacune. Combien de
personnes Guena rassemble-t-il dans ses
réunions électorales ?
A l'assemblée générale du Palais de
l'O.R.T.F., il y avait 1 600 personnes
et 4 000 dans l'ensemble des centres
de Paris. Ceta ne s'était jamais vu. La
grève de l'O.R.T.F. n'est plus tenue
en main bureaucratiquement par l'Inter-
syndicale. La base prend en main son
propre mouvement.
THOMSON :
ON NE VOTE PAS
La Thomson est toujours en grève.
Le patronat propose une augmentation
de 4 % au V'1' juin. Le syndicat se
prononce pour une non-hiérarchisation
des augmentations de salaires : 100 F
pour tout le monde. Le patronat refuse,
et les négociations sont au point mort.
La direction proposa mardi un vote sur
un texte de son crû ne reflétant pas
les discussions avec les syndicats. 70 %
des grévistes dans les différentes usines
(Gennevilliers, Sartrouville, Villacoublay,
Bagneux, Thonon-Les-Bains, Paris) ont
refusé de prendre part au vote. Dans
les 30 % restants, une partie a voté
la poursuite de la grève.
Par ailleurs, il faut remarquer que si
les cadres —• dont un certain nombre
sont en grève — ont été intégralement
payés pour mai, les ouvriers n'ont rien
LYCÉENS :
GRÈVE
PLEIN TEMPS
Les lycéens d'Henry-IV n'ont
qu'un regret, c'est de n'avoir
pas vidé, dès avant-hier, leurs
adversaires, ou tout au moins
d'occuper autant de locaux que
ces derniers. Il faut dire que les
lycéens d'Henry-IV ont vrai-
ment beaucoup d'ennemis. Di-
manche, un bureau de vote sera
installé dans le lycée. La police
sera là pour surveiller les opé-
rations. Elle pourrait y rester.
Encore une manœuvre à la-
quelle il faudra prendre garde.
Les lycéens d'Henry-IV ont de
toutes façons beaucoup de
moyens de résister. A les atta-
des élèves au Conseil intérieur
et aux conseils de classe ; va-
leur décisive du livret scolaire,
établi par le conseil de classe,
pour le bac.
De fait un comité professeurs-
élèves tient lieu de Conseil in-
térieur. Officiellement les pro-
fesseurs ne sont plus en grève,
mais, solidaires des élèves, ils
participent en militants aux di-
verses commissions. Ces com-
missions sont d'ailleurs appelées
à constituer la forme môme de
l'enseignement. A Rodin, il sera
impossible de revenir au cours
ou aux travaux pratiques. Les
élèves élaborent avec les pro-
fesseurs leur propre formation.
Ainsi cinq nouvelles commis-
sions vont démarrer la semaine
prochaine. En voici les thèmes :
— Etude des divers courants
engagés dans le mouvement
de mai ;
— Analyse de l'action du mou-
vement de mai ;
//*&
'(\\
ZT TA n
SOE.VR. '
eue AUSS/
P^ \.HoM vi'eux^
quer plus longtemps, l'adminis-
tration risque fort de rendre im-
possible le bac-Pompidou. Bien
sûr les prévisions de répression
sont assez pessimistes. Répres-
sions administrative et policière
indissolublement liées puisqu'il
fut un temps où le censeur ne
cachait pas sa sympathie pour
l'O.A.S. Par ailleurs, on sait qu'il
existe à la Préfecture de Police
un mandat d'arrêt contre un ly-
céen d'Henry-IV. Il n'est pas en-
core parvenu à son destinataire,
mais il reste une menace. A
cette répression probable, les
lycéens ont prévu d'opposer
l'arme décisive : la grève géné-
rale à la rentrée.
LYCEE MIXTE RODIN
La grève des élèves conti-
nue, grève active puisqu'ici il
s'agit d'expérimenter les résul-
tats d'une victoire. A Rodin,
toutes les revendications consi-
dérées comme irrecevables par
l'administration d'Henry-IV, sont
satisfaites : liberté de propa-
gande politique ; représentation
touché. Les grévistes ont reçu un peu
d'aide financière, tant des secteurs éga-
lement en grève (O.R.T.F.) que d'autres
ayant repris le travail (Dassault). La
lutte continue !
LES COMITÉS D'ACTION
ORGANISENT
V* - EPEE-DE-BOIS
Le Comité d'Action de l'Epée de Bois,
rue de l'Epée-de-Bois, vous propose
d'assister tous les soirs à 20 h 30 à une
audition ouverte de l'émission télévisée :
La campagne électorale, et à participer
au débat qui suivra à 21 h.
L'audition est précédée, à 19 h 30,
d'un spectacle improvisé, chants et
sketches interprétés par des comédiens,
des étudiants et tous ceux qui désirent
y participer
Vl« - SAINT-SEVERIN
Les Comités d'Action Saint-Séverin
— Incidence de la grève sur le
fonctionnement de l'écono-
mie capitaliste ;
— Comment le mouvement va
recommencer à la rentrée ;
— Rôle des militants et moda-
lités de leur organisation.
Ces commissions sont propo-
sées par le C.A.L. du lycée Ro-
din. Ce C.A.L. fait partie de l'U.
N.C.A.L. qui, on le sait, est con-
trôlée par la Jeunesse commu-
niste, '/lais il s'agit là d'un con-
trôle tout à fait illusoire bien
que résultant de manœuvres. A
la conférence nationale c'est un
J.C. non délégué qui a voté pour
le C.A.L. de Rodin. A Rodin
même la J.C. a fait voter une
motion de rattachement à l'U.N.
C.A.L. en recrutant tous les apo-
litiques du lycée. Le scrutin a
donné 65 voix pour l'U.N.C.A.L.
et 56 voix pour le C.A.L. authen-
tique. Ces manœuvres n'ont
servi à rien. Le C.A.L. de Rodin
continue sur sa ligne d'action et
d'unité. Ici les mesures de dis-
solution décrétées à ('encontre
des organisations révolution-
naires n'ont aucun effet.
et Maubert appellent la population du
quartier à un meeting sur les élections
vendredi à 20 h 30, 28, rue Serpente
(M° Odéon et Saint-Michel).
XIII* ARRONDISSEMENT
Vendredi soir, à 20 h 30, le Comité
d'Action du XIIIe organise au Centre
Hospitalier Universitaire (C.H.U.), 105,
boulevard de l'Hôpital, un débat sur
la situation politique, ouvert aux habi-
tants du quartier.
XIV» - PLAISANCE
Tous les soirs, au carrefour des rues
Raymond-Losserand et Plaisance (métro
Plaisance), le Comité d'Action anime
des discussions ouvertes à tous.
te directeur de la publication
Jean-Pierre VICIER
Travail exécuté par det ouvriers syndiqué*
Grandes Imprimeries • Paris Centre •
142, rue Montmartre
Paris (2->
Dépersonnaliser le travailleur,
'tel est le premier impératif.
Cette dépersonnalisation, la di-
rection va l'obtenir dès l'embau-
che « où chacun est soumis à
un interrogatoire extra-profes-
sionnel, une enquête est effec-
tuée chez les voisins et les
anciens employeurs afin de con-
naître la personnalité du can-
didat, ses opinions, son engage-
ment éventuel sur le plan social,
civique ou politique ».
D'emblée, on le devine,
certains candidats seront élimi-
nés. La direction semble penser
que des travailleurs non-syndi-
qués ou non-engagés politique-
ment se plieront plus facilement
au règlement intérieur draconien.
Règlement que le nouvel em-
bauché doit signer.
Maintenant, c'est à l'intérieur
de l'usine que le travailleur sera
à la merci de « l'organisation
Citroën ». Cette organisation re-
pose, bien entendu, sur une
police intérieure, parallèle à la
hiérarchie officielle, et disposant,
comme les S.S. du temps de Hi-
tler, d'un pouvoir souverain et
reconnu. Cette police peut con-
trôler en permanence, et le fait
effectivement, les travailleurs.
Elle organise des fouilles fréquen- |
tes à la sortie, elle exerce une
surveillance constante pour
« maintenir la peur du gardien ».
Mais cela ne serait pas suffisant
si on ne réservait pas une place
à part, une place de choix au
« mouchardage ». La délation à
l'intérieur des usines Citroën est
une institution, affaire encoura-
gée et payée par la direction.
Le climat de méfiance que
cette pratique installe entre les
travailleurs, à l'intérieur de
l'usine, est encore renforcé par
le système d'espionnage mis en
place dans les quartiers, les im-
meubles où vivent de grosses
concentrations d'ouvriers Ci-
troën. C'est le cas pour Rennes
notamment. Cette immixion dans
la vie privée des travailleurs per-
met aux agents de secteur de se
livrer à des réflexions comme
celles-ci :
« On sait que tu reçois chez
toi Untel ; il n'est pas bon de
le fréquenter. On sait que vous
faites partie de telle association
de locataires... Pourquoi un agent
de maîtrise comme vous s'oc-
cupe-f-i'f de cela ? »
L'organisation du travail chez
Citroën est, elle aussi liée au
souci d'individualiser le travail-
leur, de l'isoler des autres.
Le système de la parcellisation
poussée des tâches des chrono-
métrages fréquents, de pressions
courantes pour produire dans
n'importe quelles conditions, tout
cela sert un but : isoler le tra-
vailleur.
La direction oppose un refus
catégorique à toute proposition
d'organisation collective du tra-
vail.
La direction Citroën trouvant
certaines difficultés pour garder
son personnel, a mis au point un
certain nombre de méthodes de
séduction, dérisoires lorsque l'on
sait dans quel contexte policier
elles s'inscrivent.
« Dès le début, les membres
du service du personnel et la
majeure partie de la maîtrise
vantent et étalent les « nom-
breux avantages » qu'offre la
maison : sociaux, salaires, stabi-
lité d'emploi. Puis c'est la prime
de présence payée chaque tri-
mestre à ceux qui font partie du
personnel le jour du paiement,
la possibilité d'avoir rapidement
une voiture avec réduction, les
cours de perfectionnement
« Les bureaux des agents de
secteur (service du personnel)
sont largement ouverts aux ou-
vriers : pour leur donner toutes
explications (législation, salai-
res), pour arbitrer les conflits
qui peuvent surgir entre l'ou-
vrier et la maîtrise, pour convain-
cre l'ouvrier « intéressant » qui
veut quitter l'usine, que ses
chances de promotion sont loin
d'être stoppées, etc.
« Le service médical, avec in-
firmerie et médecins, donne con-
sultations et soins dans l'usine
(les arrêts de travail donnés par
ces médecins sont rares. On
minimise les accidents du travail
afin qu'il n'y ait pas de décla-
rations).
« Ce système de « relations »
dites humaines est encore plus
poussé avec les travailleurs émi-
grés (Espagnols, Portugais, Nord-
Africains, Noirs Africains). Il
existe des interprètes arabes,
espagnols, portugais, dans les
services du personnel pour s'oc-
cuper et contrôler ce personnel. »
Les moyens de pression sont
très importants pour le personnel
émigré qui, rappelons-le, repré- !
sente plus de la moitié du per- !
sonnel ouvrier.
C'est :
— le contrat de travail (6 mois
en général) qui n'est pas re-
nouvelé si l'ouvrier « ne fait
pas l'affaire » ;
— la carte de travail et toutes
les formalités qui sont faites
par l'usine. Lorsqu'ils arrivent
en France, le service du per-
sonnel leur prend leur passe-
port pour leur faire obtenir
leur carte de travail, l'ouvrier
reste 15 jours sans papiers,
ce qui permet à Citroën
d'être prévenu par la police
de l'agissement de ces ou-
vriers en dehors de l'usine.
— le logement qui est assuré
par Citroën dans des centres
d'hébergement où le « con-
trôle » continue après les
heures de travail ; l'ouvrier
qui perd son emploi se re-
Citroën
société policière
pour l'asservissement
des travailleurs
trouve à la rue le jour-même.
— le « baratin » prouvant que
sans Citroën ils seraient con-
damnés à rester sans travail,
qu'ils doivent tout à Citroën
(travail, salaire élevé, etc.).
— la menace de les renvoyer à
la frontière espagnole s'ils
font de la politique (interdic-
tion d'être syndiqué) ou s'ils
refusent de faire certains
travaux (ils sont considérés
comme agitateurs).
— menaces pour les empêcher
d'aller voter aux élections de
délégués (cela ne les regarde
pas ; ce n'est pas pour eux,
mais pour les Français).
Mais la direction s'attache
d'abord à abattre et à anéantir
les syndicats, car ils travaillent
contre le bon fonctionnement de
l'usine. Les syndicats ne sont pas
contrôlés par la direction. Ils re-
çoivent leurs ordres de l'exté-
rieur, leur rôle principal est
d'exciter les travailleurs, de faire
des grèves pour gêner la produc-
tion, leur but final étant de faire
s'écrouler l'entreprise. M. Bercot
affirme que les syndicalistes sont
des « irresponsables ».
Donc, le premier impératif de
la direction sera la neutralisation
des syndicalistes. Le repérage des
MENEURS est un soin constant
du service du personnel et de la
maîtrise. Toutes les méthodes
exposées plus haut vont servir
à ce repérage. Un exemple entre
autres :
« Un jeune ouvrier de l'entre-
tien n'ayant pas peur de dire ce
qu'il pense est repéré. Le contre-
maître le prévient que l'on
connaît ses activités. Absent plus
d'un an pour maladie, il ne sera
pas réembauché alors qu'il man-
que d'ouvriers de sa qualifica-
tion. »
Le fait d'être découvert com-
me adhérent déclenche aussitôt
des représailles : changement de
poste, d'atelier, mutation dans un
une autre usine. S'il est syndiqué,
c'est qu'il a subi de « mauvaises
influences » ou des pressions. En
le changeant d'usine, une cou-
pure « bénéfique » avec son en-
tourage lui sera profitable. L'ou-
vrier isolé perd contact avec
l'organisation et ne se laissera
pas reprendre une deuxième fois.
Le but recherché a été atteint. !
La chasse aux militants et aux
délégués est systématique quelles I
que soient leur qualification et
leur organisation syndicale. Ce
principe étant admis, la direction
Citroën organise scientifique-
ment le sabotage des élections j
professionnelles. i
Les institutions, délégués du ;
personnel, comités d'entreprise,
n'ont de valeur que lorsque le
syndicat y joue son rôle d'anima- i
teur. Citroën le sait et tout est j
fait pour saboter la mise en place |
de ces institutions.
A Citroën-Rennes (8 000 sala-
riés), il n'y a jamais eu de comité •
et il a fallu attendre 1965 pour
obtenir des élections de délégués
du personnel.
A Citroën-Paris, il n'y a ja-
mais eu pendant 10 ans le quo-
rum.
A Citroën-Rennes, au deuxiè- j
me tour, 13 votants sur 695 ins-
crits.
Dès qu'un travailleur risque
d'être candidat, la direction se
sert de sa panoplie complète de I
répression : sanctions, incita- |
fions, licenciement. A Rennes, j
deux militants sont licenciés !
avant le dépôt des listes car ils j
s'étaient « dévoilés » un peu trop !
tôt.
Mais il faut aussi empêcher i
les travailleurs de voter. Pour
cette situation, des techniques
précises et des moyens de près- '
sion ont été mis en place :
— mauvaises informations quant |
à la place des bureaux de \
vote, désorganisation cons- i
ciente des scrutins.
— la maîtrise n'a pas le droit
d'informer les travailleurs des i,
dates et lieux de scrutin. La
direction prétend que la maî-
trise doit rester neutre. '
— le scrutin a systématique-
ment lieu après les heures de
travail (à Rennes, certains ont
dû voter à 1 heure du ma-
tin).
— de plus, la direction s'est in-
géniée à présenter le simple
fait de voter comme un acte !
d'hostilité déclarée envers la >
direction.
Voter, accomplir ce devoir élé-
mentaire, représente un véritable
acte de courage pour un travail-
leur de Citroën.
« A notre connaissance, au-
cune autre entreprise importante
n'arrive à un tel résultat : 35
à 38 % de votants ouvriers et
22 à 25 % de votants mensuels
aux usines de Paris et 1,8 % de
votants mensuels à Rennes. Y
a-t-il des gens sensés pour croire
qu'il s'agit là d'une situation
normale ? »
• Une fois élu. une action
précise s'engage à l'encontre du
délégué du personnel.
La direction s'est aperçue que
le délégué est un facteur de syn-
dicalisation. C'est toujours au-
tour du délégué :
— que l'action directe existe;
— qu'il existe des noyaux de
syndiqués ;
— que I e s revendications
d'atelier s'expriment.
C'est pour cette raison que la
direction va isoler le délégué
par rapport aux travailleurs.
— en lui donnant un poste
de travail d'où il ne se déplacera
pas et où il pourra être particu-
lièrement bien surveillé afin de
rendre toute visite impossible (si
quelqu'un vient voir le délégué,
la maîtrise intervient immédiate-
ment et s'oppose à ce contact).
— en le faisant surveiller par
deux, trois et parfois quatre per-
sonnes du service du personnel,
lors de ses déplacements dans
les ateliers, sans compter que
toute la maîtrise est prévenue
de son passage, ceci afin de con-
trôler : avec qui le délégué parle,
l'endroit précis où il se rend et
surtout exercer une pression psy-
chologique sur les travailleurs. Il
ne peut y avoir de contact libre
et de discussion avec les travail-
leurs dans de telles conditions.
D'autre part, la Direction va
tout faire pour laisser apparaître
aux yeux des travailleurs que le
délégué ne sert à rien :
— en n'acceptant jamais que
le délégué intervienne au mo-
ment précis où un travailleur a
besoin d être défendu (sanction
disciplinaire, mutation, licencie-
ment) ;
— en ne donnant jamais suite
à une intervention du délégué,
mettant en cause l'autorité de la
direction, particulièrement pour
tout ce qui touche la discipline ;
— en ne donnant jamais de
réponse positive aux revendica-
tions générales ;
— en minimisant les revendi-
cations d'atelier, quitte à donner
satisfaction aux revendications
à portée limitée (vestiaire, w.-c.,
etc.) ;
— en empêchant l'utilisation
syndicale de ces satisfactions par
des réponses volontairement mal
interprétées ;
— en limitant au maximum
l'infoi mation des délégués dans
l'usine ;
' — en échangeant de service
les ouvriers qui sympathisent
avec le délégué.
• La Direction porte atteinte
à la personne et au moral du dé-
légué.
— pour le décourager et sus-
citer sa démission ou son départ
(en six mois, 15 départs ou dé-
missions à Rennes) ;
— pour décourager les futurs
, candidats et les militants ;
— pour entretenir une
« crainte salutaire » chez les tra-
vailleurs qui l'entourent.
Les conditions pénibles dans
lesquelles il doit exercer son
mandat sont aggravées :
— par de multiples tracasse-
ries administratives qui en feront
un prisonnier ;
— par des sanctions arbi-
traires : mise à pied pour des
raisons futiles provoquant des
pertes de salaire, d'où des dif-
ficultés familiales ;
— par des discriminations
dans le travail, sur le salaire (pas
d'augmentation individuelle) ;
— par l'arrêt de la promotion
individuelle du délégué ;
— par les pressions sur la fa-
mille du délégué, travaillant éga-
lement à Citroën.
• Enfin, il s'agit d'isoler le
délégué de son organisation syn-
dicale :
— en empêchant qu'il se ren-
de au syndicat sur ses 15 heures
de délégué ;
— en lui expliquant qu'une
fois élu, il perd son étiquette
syndicale ;
— en déconnectant son rôle
de délégué de l'action syndicale;
— en l'empêchant de faire un
travail de militant dans l'usine ;
— pas de distributions de
tracts et journaux ;
— pas de vente de brochures
ni journaux ;
— interdiction de collecter
les adhérents (les quêtes sont
interdites) ;
— interdiction de discuter
(interrogatoire des ouvriers qui
ont parlé au délégué).
• C'est tout cela, la politique
« sociale » de Citroën. N'est-
elle pas une application magis-
trale des principes, et de la doc-
trine de M. Bercot ?
• Qu'ifs soient d'accord ou
non avec nos conceptions syndi-
cales, y a-t-il beaucoup de gens
dans ce pays qui sachant, main-
tenant ce qui se passe à Citroën,
pensent que cette survivance du
nazisme puisse avoir libre cours
chez nous ?
• Une telle volonté et tech-
nique d'asservissement de l'hom-
me a-t-elle droit d'exister ?
La grève des ouvriers de Ci-
troën empêche que ce scandale
se poursuive.
; .«-T^r'^.maR!
Les amoureux, hélas ! ne sont pas seuls au monde.
L
ILtaaat, . „, _i.iV£j^ i..,
Category
Author
Title
Action
Issue
no.15
Date
Keywords
Publication information
no.15