Action

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N" 23 • MARDI 23 JUILLET • PRIX MINIMUM I 1 F • Ce journal a été réalisé au Service des Comités d'Action, avec le soutien de PU.N.E.F.. du S.N.E.Sup. et des Comités d'Action Lycéens
ON
FRAPPE
A NOTRE
CAISSE
US SE
VENGENT
Chaque fois que l'agitation qui couve surgit à
nouveau, ACTION est frappé. Après les manifestations
des 13 et 14 juillet, les vendeurs sur le Boul' Mich ont
été systématiquement embarqués pour... vérification
d'identité. Le but : contraindre le journal à une semi-
clandestinité. Le gouvernement frappe au point faible
de tous les journaux révolutionnaires : la caisse. Parce
qu'ACTION ne peut survivre que par les recettes de
la diffusion de masse, le gouvernement sait qu'en
empêchant ou simplement en mettant obstacle à sa
diffusion militante, il peut le condamner à l'asphyxie
financière. Cette méthode, plus sournoise, est aussi
sûre et moins dangereuse que l'interdiction.
Malgré ces mesures vexatoires, le journal avait
retrouvé vendredi et samedi le niveau de diffusion anté-
rieur. Alors le Pouvoir a frappé : la saisie qui est inter-
venue près de quarante-huit heures après la sortie du
journal.
Pourquoi ?
Parce que, face au silence de la presse, ACTION
soulignait le sens de l'action répressive entreprise par
le gouvernement contre les organisations étudiantes ;
l'occasion : la parution dans ACTION d'un commu-
niqué d'une organisation dissoute protestant contre
l'arrestation de plusieurs de ses militants. Mais c'est
surtout ce que représente la continuité d'ACTION que
le Pouvoir veut atteindre. ACTION, qui continue de
paraître, c'est un pont entre le mouvement de mai et la
rentrée que redoute le ministre de l'Intérieur. ACTION
qui continue, cela signifie, pour des milliers de militants
temporairement isolés, que l'action continue. Si
ACTION est visé, c'est qu'il a été le principal moyen
d'expression POLITIQUE publique du mouvement de
mai. La bataille engagée est importante. Il est possible
de faire reculer la répression. En France, des disposi-
tions « légales » peuvent servir de prétexte pour inter-
dire des organisations : aucune ne permet d'interdire un
journal.
C'est la raison pour laquelle ACTION n'est atta-
qué que par la bande. La faiblesse légale de l'action
gouvernementale apparaît clairement dans les mesures
prises : c'est sous couvert de « vérification d'identité »
que des vendeurs ont été interpellés ; c'est sous un
prétexte judiciaire que ACTION a été saisi. Le
pouvoir parie sur l'asphyxie financière ; sur ce terrain
il peut être battu. ACTION n'a pas, comme les organes
de la grande presse, le soutien des grands groupes
capitalistes. Mais il peut bénéficier à plein de son type
particulier de richesse : celle qui est faite de la détermi-
nation politique et du soutien de ses diffuseurs et de
ses lecteurs.
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Le régime, au mois de mai, a tremblé sur ses bases.
Il s'en est fallu de peu qu'il soit abattu. La bourgeoisie
a eu peur pour sa bourse et pour son pouvoir ; placée
devant le plus puissant mouvement de grève jamais
observé dans notre pays, elle s'est trouvée impuissante.
La capitulation des organisations ouvrières a donné au
gaullisme une victoire. Comme toujours, le bourgeois
qui a tremblé pour ses écus, le politicien qui a tremblé
pour son siège ou son portefeuille, cherchent leur
revanche. A la mesure de leur courage, ils attendent
que l'adversaire soit dispersé pour frapper. Les masses
ont baissé la garde : ils frappent.
Mais le pouvoir sait que la victoire électorale n'a
rien résolu. Dans les usines, les ouvriers constatent les
maigres avantages qu'ils ont obtenus. Des dizaines
d'incidents témoignent de leur combativité ; lorsqu'à
nouveau, une perspective de lutte sera ouverte, ils sont
prêts à recommencer le combat. Les travailleurs n'ont
pas eu leur compte ; ils le savent, le patronat le sait, le
gouvernement aussi. Malgré l'occupation par la police
des facultés, malgré la dispersion des vacances, le feu
couve à l'Université.
L'objectif du pouvoir : éviter à tout prix que « ça »
ne recommence. « Ça », c'est-à-dire le mouvement des
masses mettant, comme au mois de mai, le pouvoir de
la bourgeoisie en échec. Pour cela, Couve tend la
carotte de la participation, tandis que Marcellin brandit
le bâton de la répression. Mais le gouvernement n'a
pas les moyens d'une répression massive : la théorie
du complot fomenté par l'étranger s'est effondrée dans
le ridicule. L'enquête menée sur la reconstitution des
organisations dissoutes piétine ; c'est à partir de chefs
d'accusations dérisoires qu'ont été inculpés huit de nos
camarades. Tous les autres ont dû être relâchés.
Faute de pouvoir abattre le « centre » de la Révo-
lution de Mai — parce que ce centre est partout —
le gouvernement s'engage dans une guerre d'usure
La répression gaulliste frappe les militants et essaie
de les intimider. Dans les usines, les travailleurs qui ont
participé le plus activement à la grève font l'objet de
sanctions multiples allant parfois jusqu'au renvoi.
Mais ce genre de revanche n'a jamais porté ses
fruits. Chacun sait que les armes du pouvoir sont
limitées : on peut atteindre des militants. On ne peut
casser la force du mouvement de mai.
la
répression
impuissante
Couve ou Pompidou, c'est la
même chose. Le gouvernement
gaulliste est coincé : il ne peut
se passer de la répression ni la
pousser jusqu'au bout. Les me-
sures policières insidieuses, pri-
ses depuis les élections, se mul-
tiplient. Policières, elles expri-
ment la nature permanente du
régime gaulliste ; Insidieuses,
elles en révèlent la faiblesse.
Quel est le plan du régime ?
Désamorcer le mouvement que
les élections n'ont nullement
abattu : pour cela étouffer sans
bruit son avant-garde. Sous pré-
texte de rechercher un complot
en mai — là où II n'y avait qu'ini-
tiative spontanée — le gouver-
nement prépare sa rentrée de
septembre.
Pour l'Instant, la répression est
limitée. Il est grotesque de pré-
tendre, comme a osé le faire M.
Duverger dans « Le Monde »,
que cela est dû à la bonne vo-
lonté « démocratique » du géné-
ral de Gaulle. De cette bonne
volonté, nous connaissons quel-
que chose : des camarades jeu-
nes travailleurs ou étudiants sont
morts, d'autres sont aveugles ou
mutilés. Ce sont des limites ob-
jectives qui freinent l'extension
de la répression et ce sont les
contradictions dans lesquelles
s'empêtre le pouvoir, qui nous
permettent de riposter.
Première limite : les états-
majors de la répression ont été
et demeurent Incapables de com-
prendre la nature d'un mouve-
ment de masse. Les petits Na-
poléons de I' « anti-guérilla »
hantent les antichambres du
ministère de l'Intérieur. Ils re-
cherchent la mystérieuse direc-
tion d'un complot et ses com-
mandos. Ils ne découvriront que
des étudiants, que des travail-
leurs ; beaucoup d'étudiants,
beaucoup de travailleurs qui
peuvent se remplacer les uns les
autres. Il faut être aussi borné
que M. Baume) et aussi intoxi-
qué que • France-Soir » pour
gober la fable du camp d'entraî-
nement à Cuba. Il n'y a qu'eux
pour confondre les champs de
cannes à sucre et les couloirs
de la Sorbonne. Ce qu'ils ne
peuvent comprendre est préci-
sément ce qui a fait la force du
mouvement de mai : l'initiative
prise librement, à tous les ni-
veaux, par les masses. Et si
« Action » devait disparaître, les
multiples feuilles ronéotées qui
existent déjà sauront prendre le
relais.
Seconde limite : l'intérêt bien
compris du régime gaulliste lui-
même. La coalition au pouvoir
est loin d'être homogène. L'en-
semble de dirigeants gaullistes
savent que, menée à son terme,
la politique de répression les
mettrait à la merci de ceux qui
se chargent de la mettre en œu-
vre : les chefs de l'armée et de
la police.
Dernière limite : la bourgeoi-
sie française n'est pas prête à
payer le prix d'une répression
de type fasciste. Une répression
massive n'irait pas sans une ri-
poste dure : ce qui entraînerait
pour le moins des troubles et,
par conséquent, la fuite des ca-
pitaux. Ce que Couve de Mur-
ville, fidèle gérant du capitalis-
me, essaie d'éviter actuellement.
Il faut ajouter que la bourgeoisie
n'a pas envie de courir le risque
d'une épreuve de force : elle a
mesuré en mai la puissance des
travailleurs et des étudiants. La
classe ouvrière a prouvé sa
combativité : si elle a été jouée,
elle n'a pas été matée.
De plus, l'économie capitaliste
moderne n'est pas seulement
une plante Carnivore ; c'est aussi
une plante fragile. Elle suppose
une circulation de l'information,
dans tous les domaines que la
machine policière ne peut sur-
veiller sans la perturber grave-
ment. Quel que soit le nombre
de flics utilisés par les écoutes
téléphoniques, il est impossible
de contrôler TOUS les circuits
d'un pays. Et chacun peut calcu-
ler le coût, pour l'industrie fran-
çaise, de la « fuite des cer-
veaux » qu'entraînerait une ré-
pression violente.
La répression actuelle addi-
tionne les coups de mains loca-
lisés et le chantage généralisé.
Nous n'y céderons pas.
SNESUP :
DE NOUVEAU SON SOUTIEN
A ACTION
Pour ce numéro d'ACTION,
conformément aux décisions de
son Congrès qui avait adopté
a motion Herzberg-Liot décla-
rant « ... En tout état de cause,
e S.N.E.Sup apportera de nou-
veau son soutien à •< Action » en
cas de mesures de répression à
son égard », le S.N.E.Sup. figure
Darmi les organisations soute-
nant « Action ».
Dans sa conférence de presse
du 22 juillet, présentant les ques-
tions que le S.N.E.Sup pose
au Ministre de l'Education Natio-
nale, B. Herszberg déclarait :
« Le gouvernement imagine-
t-il que l'Université puisse fonc-
tionner « normalement » sans
que les libertés politiques et
syndicales soient rétablies par-
tout et pour tout le monde ?
Avant toute chose, nous voulons
dire que les enseignants du su-
périeur ne céderont pas au cli-
mat d'intimidation instauré par
les C.D.R., c'est-à-dire par les
comités de défense de la Répu-
blique, qu'ils ne toléreront pas
les exactions des forces de
police, comme celles que l'on
a connues le 14 juillet dernier et
encore le 16, au Palais-Royal,
qu'ils entendent que la liberté de
manifestation soit rétablie, qu'il
soit mis fin aux expulsions de
militants de nationalité étrangère
et que ceux qui ont été expulsés
puissent réintégrer le territoire,
que l'on renonce aux inculpa-
tions à ('encontre de militants
des groupements politiques dis-
sous ou autres, que tous les ma-
nifestants ou militants arrêtés
soient libérés. Le S.N.E.Sup.
participera aux actions qui lui
paraîtront les plus appropriées
en vue du rétablissement des
libertés démocratiques. Il défen-
dra la liberté d'expression.
En ce qui concerne l'exercice
des libertés politiques et syndi-
cales dans l'Université même, le
point de vue du S.N.E.Sup. a été
défini dans la motion du congrès
relative à la rentrée : la pré-
sence de forces de police dans
ou autour des locaux universi-
taires est incompatible avec une
utilisation universitaire de ces
locaux ; l'accès des établisse-
ments universitaires doit être
libre ; les polices « parallèles »
ou « universitaires » ne seront
pas tolérées. »
Enfin, rappelons que l'actuel
secrétaire général de S.N.E.Sup.
indiquait au dernier Congrès :
« Si Action est contraint de pa-
raître clandestinement ou semi-
clandestinement, il aura le sou-
tien de notre organisation. »
DERNIERE MINUTE
Lundi 22 juillet, 20 heures :
Les policiers viennent d'interpel-
ler plusieurs responsables du
comité de diffusion d' « Action »,
dont Gérard Louette et Madame
Jallaud. Les contrôles d'identité
n'ont pas réussi à intimider les
militants qui diffusent le journal
sur la voie publique. La police
croit mieux faire en arrêtant les
responsables. Qu'elle sache que
d'autres continuent le combat.
22 h 30. A l'exception de notre
camarade Gérard Louette, les
diffuseurs ont été relâchés. Mais
(es policiers continuent leurs
investigations parmi les Comités
d'Action.
L'UNEF COMMUNIQUE :
Le Gouvernement poursuit ses
mesures de répression ; après
les libertés de réunion et d'asso-
ciation, il s'attaque à la liberté
de la presse : en saisissant le
dernier numéro du journal AC-
TION.
L'U.N.E.F. élève la plus vive
protestation contre ces décisions
arbitraires qui font la preuve,
avec les récentes purges de
l'O.R.T.F., de la volonté mani-
feste du régime gaulliste d'em-
pêcher en France l'existence de
toute information libre et objec-
tive.
22 juillet 1968.
Le Bureau National de l'U.N.E.F.
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