Combat

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No 7423 Mardi 28 Mal 1968
COMBAT
de la Résistance à la Révolution
18, RUE DU CROISSANT, PARIS 2e TELEPHONE - CEN. 81-11 (CINQ LIGNES GROUPEES) 50 C.
FRONCE FERMENTE
LE sens profond de ce qui se passe actuellement
en France va bien au-delà des événements, qui
pourtant sont déjà graves en eux-mêmes. Le
malaise politique n'est pas seulement l'effet d'une cri-
se d'autorité, le combat social a d'autres objectifs que
la pure revendication pour de meilleurs conditions de
vie, la révolte étudiante dépasse le cadre de l'Univer-
sité. Le réveil de la France est brutal, après des an-
nées de léthargie. Il s'exprime sous la forme d'une vé-
ritable fermentatfcm, assez mûre pour qu'on puisse
sérieusement envisager aujourd'hui l'hypothèse d'une
révolution.
La semence de cette révolution a germé dans le mi-
lieu étudiant. L'action d'une minorité extrémiste a
servi de révélateur à la niasse. Le mouvement qu'elle
a entraîné a été si soudain et si unanime, quelles que
soient les nuances qu'il a pu revêtir dans les modes
d'expression, que personne ne nie plus aujourd'hui
qu'il était justifié, opportun, nécessaire. Aucune force
conservatrice et même aucun instinct de conservation
n'ont réussi à le briser. La révolte étudiante est abso-
lument admise en tant que telle, elle a affirmé son in-
dépendance, et personne ne songe plus à l'exploiter, ni
à la neutraliser. Sa force motrice lui garantit son ave-
nir. Le meeting de Charlety, hier, a donné la mesure
de la foi révolutionnaire qu'elle contient.
Elle a eu en outre le mérite (et c'est en mé.t.e temps
ce qui l'a sauvée du risque de dilution) d'éveiller par-
mi les jeunes travailleurs à la fois la conscience de
leur condition humaine et civique et de leurs possibi-
lités révolutionnaires. Ce qui était informulé et confus
s'est soudainement exprimé avec éclat, et notamment le
refus d'une étroite soumission à des lois syndicales et
politiques traditionnelles qui contribuent à enfermer le
monde ouvrier dans un ghetto sans espoir.
Il ne faut pas lire en effet dans le désaveu infligé
hier par les travailleurs aux dirigeants des grandes cen-
trales la volonté d'une surenchère à la revendication.
Il faut y lire le rejet d'un système dont le compromis
est la règle essentielle, il faut y lire le désir déterminé
d'un total bouleversement politique.
Habitués à leurs schémas et à leurs classifications,
les Français, et notamment leurs dirigeants politiques
vont sans doute tenter d'opposer des réponses classi-
ques à ce mouvement Ce serait pure perte. Mais d'ail-
leurs, les partis auront-ils le temps de préparer leur
parade ? Déjà l'on voit le P.C., rempli d'inquiétude de-
vant cette vague qui menace de le recouvrir, la FGDS
en plein désarroi et prête à renier la vocation qu'elle
affirmait, et le gaullisme enfin, désemparé et dérisoire,
lui qui revendiquait de comprendre où allait l'Histoi-
re.
Dans ces conditions, il est compréhensible que les
perspectives politiques qui s'offrent à la France appa-
raissent sombres si le regard qu'on porte sur elles est
celui de la prudence. On voit mal comment une com-
binaison de type classique, qu'elle soit de droite, de
gauche ou du centre, pourrait tenir longtemps la barre
contre des courants qui montrent leur force et leur
profondeur. Ce sont ces courants qui, quoiqu'on veuille,
l'emporteront parce qu'ils sont animés par la jeunesse
et par la volonté de rénover. Mais avant de vaincre, ils
doivent se grossir et s'ordonner. Il faut qu'un homme
sage, fût-il un homme du passé, vienne aider à cette
tâche, en assurant en même temps la transition néces-
saire.
Philippe TESSON
Relance de la grève : la base, en refusant les conclusions
de la Table ronde, exprime sa défiance à Pégard du ré-
gime et des syndicats
Une nouvelle négociation gouvernement-syndicats pa-
raît probable. Malgré quelques reprises de travail,
notamment dans l'Est, le mouvement de grève se dur-
cit (pages 2, 3, 4, 5,).
L'ampleur et la ferveur du meeting tenu hier soir à Char-
lety en présence de PMF laissent présager la naissance
d'un mouvement révolutionnaire
Le P.C. avait désavoué la manifestation. La C.F.D.T.
et plusieurs fédérations F.O. s'y sont associées.
M. Geismar, déchargé de ses responsabilités à la tête
du S.N.E.-Sup, compte poursuivre son action révolu-
tionnaire, (pages 10, 11 et 16).
• Malaise à la FGDS avant la rencontre de ce soir avec le PC
• Giscard prépare sa candidature à l'Elysée
Le référendum fixé officiellement au
16 juin • La campagne s'ouvrira le 4,
mais de Gaulle parlera dès le 3, • Le
texte du projet sera publié demain
(pages 6 et 7).
LES VOYOUS NE SONT PAS
DANS LA HUE
par Maurice CLAVEL
H faudra répéter, tant que nous le
pourrons, que cette révolution est
d'abord spirituelle. L'esprit se venge.
fi était temps. L'espoir est là. Etu-
dlants, jeunes ouvriers l'ont en charge.
Us ne demandent pas cent mille
francs par mois, mais à changer la vie,
selon leur formule dont la simplicité
Illumine et bouleverse. Cela Irradie.
;C. 13 ne faut pas en avoir
que du sacré.
n'est mort et la vie d'avant
,Ue déjà impossible. Je vou-.
ontrer ici au bourgeois de
3ÎT que les voyous sont en fa-
èt nôîarflment au pouvoir.
>e aettS choses l'une en effet : le*
Mandons énormes que le gouverne-
ment en coliques a consentis hier à
notre classe ouvrière, où il pouvait les
faire, ou il ne pouvait pas.
S'il pouvait, il a donc, pendant des
années, exploité, aliéné, violé la clas-
se ouvrière, mis en coupe réglée le
fruit de son travail au profit du ca-
pital, et doit être tenu pour ennemi du
peuple.
S'il ne le pouvait pas, il essaye donc
d'échapper à sa faillite en mettant en
faillite la France même, et doit être
tenu pour trqïtrp q la m trie
Tout ce qui pourra se passer, même
le pire, est absous d'avance au regard
de cette honte. Un }çune homme n'a
pas à dialoguer avec ces gens-là.
REFUSER LE PIEGE
Nous sommes en train d'assister au
sauvetage d'un mode archaïque du
pouvoir, au moyen de concessions éco-
nomiques, dans le cadre classique du
système politique établi.
La plus grande secousse révolution-
naire vécue par la France en temps
de paix depuis 1789 doit-elle se con-
clure par un renforcement des ins-
titutions et des hommes contre les-
quels elle s'est produite ?
En les attirant dans le piège du ré-
férendum, de Gaulle va-t-il induire
une fois de plus une majorité de ci-
toyens à l'approuver, sous prétexte de
ne pas désapprouver les réformes qui
lui sont d'ores et déjà arrachées >
Le régime failli te caractérise par
par Jean-François REVEL
l'appropriation politique plus encore
que par l'appropriation économi-
que. En cédant, même contraint et
force, sur le terrain économique, il ne
se met pas en danger dans son prin-
cipe même, et il le sait. Les conquêtes
économiques des travailleurs consti-
tuent une victoire : mais cette victoi-
re se transformera très vite en dérou-
te si rien n'est fait pour mettre un ter-
me à l'appropriation du pouvoir, de
l'information qui en est la traduction,
de la force policière qui en est la
protection
Pendant les quelques jours qui nous
séparent de la date fixée pour le ré-
férendum, a faut faire en sorte que
(suite en page It)
La crise sociale
L'accord gouvernement - syndicats...
« Nous sommes arrivés à
un ensemble de conclusions
positives et dont on peut
dire qu'elle constituent un
accord, a déclaré M. Georges
Pompidou, hier matin, à
7 h 30 en sortant de la salle
du ministère des Affaires So-
ciales ou pendant près de
25 heures se sont déroulées
les négociations entre les
syndicats, les patrons et le
gouvernement.
« Je m'explique sur le mot
accord. Il va de soi que les
organisations syndicales ont
fait des réserves sur un cer-
tain nombre de points et
maintiennent on certain
nombre de revendications
pour leur programme à ve-
nir. De la même manière, les
organisations patronales ont
fait valoir les graves problè-
mes que les décisions prises
posaient aux entreprises
françaises plongées dans la
compétition internationale
et • elles ont, par conséquent,
proposé des demandes qui
tendent à une politique éco-
nomique générale permet-
tant à la compétitivité fran-
çaise de se maintenir.
« Le gouvernement de son
coté ne peut manquer de
souligner les exceptionnels
sacrifices financiers et bud-
gétaires que ces décisions
entraînent et les avantages
sociaux tout à fait exception-
nels aussi qui sont accordés
en une seule fois à tjus les
travailleurs en lutte. C'est
le caractère extraordinaire-
ment sérieux de la crise ac-
tuelle qui seul a permis d'a-
boutir à des conclusions aus-
si importantes »•
Les résultats obtenus
M. Pompidou a alors don-
né les précisions suivantes
sur les résultats obtenus :
SMIG (Salaire Minimum
Interprofessionnel Garanti) :
porte à 3 Frs au 1er juin
1968. (Sa valeur actuelle est
de 2.22 F.
— SALAIRES : Les salaires
réels sont augmentés an 1er
juin 68 de 7 %. Le pourcen-
tage est porté an 1er octo-
bre à 10 %, étant entendu
que tontes les hausses inter-
vennes à compter du 1er
janvier 68 entrent dans ce
total.
— DUREE DU TRAVAIL :
Un texte concernant la ré-
duction de la durée du tra-
vail est accepté.
— AGE DE LA RETRAITE :
Le problème de l'assouplis-
sement de l'Age de la retrai-
te a été posé par plusieurs
syndicats. Le C.N.P.F. en a
accepté l'examen.
— ALLOCATIONS FAMI-
LIALES : Un projet d'amé-
nagement d'allocations fa-
miliales en faveur des famil-
les de 3 enfants au moins et
prévoyant aussi une certain:
réforme des allocations de
salaire unique et de la mère
au foyer, sera examiné par le
gouvernement, un texte se-
ra mis an point à l'occasion
dn prochain budget.
— VIEILLESSE : Le gou-
vernement a accepté d'aug-
menter au 1er octobre pro-
chain l'allocation minimum
versée aux personnes âgées.
— DROIT SYNDICAL . Un
document très important a
été établi qui prévoit une vé-
ritable évolution « pour ne
pas dire une révolution >
dans les rapports Antre em-
ployeurs et salariés.
— DROIT SYNDICAL DANS
LES ENTREPRISES : I*>
gouvernement a déclaré que
les conversations qui doivent
• se poursuivre à ce propos en-
tre les organisations syndi-
cales devraient aboutir à un
projet de loi pour lequel le
gouvernement sous sa res-
ponsabilité prendra une po-
sition favorable à l'exercice
des droits syndicaux dans
les entreprises.
— FISCALITE : Le premier
ministre a ajouté que des
documents concernant no-
tamment la fiscalité, docu-
ments très brefs mais qui
prévoient que la réforme de
l'Imoptt sur le revenu qui
sera déposée en principe à
l'automne par le gouverne-
ment, devra contenir des dis-
positions tendant à alléger
les conditions d'impositions
des revenus salariaux. Ce
projet fera d'ailleurs l'objet
dans sa première phase
d'une discussion au Conseil
Economique et Social.
— EMPLOI : Le C.N.P.F. et
les confédérations syndicales
a précisé M. Pompidou ont
décidé de se réunir avant le
1er octobre pour un vaste
examen de tous les problè-
mes concernant l'emploi. Le
gouvernement s'engage, de
son côté, à participer aux
conversations dans une deu-
xième phase et également à
développer les crédits affec-
tés au service de l'emploi et
à accorder une priorité à la
formation des jeunes.
— CONVENTIONS COL-
LELECTIVES : Un docu-
ment également très impor-
tant concerne la révision des
conventions collectives pour
lesquelles les employeurs se
sont engagés à réunir sans
délai des commissions pari-
taires pour l'examen d'un
certain nombre de questions
concernant ces conventions
collectives et pour lesquel-
les les syndicats étaient de-
mandeurs.
— POUVOIR D'ACHAT :
Au mois de mars 1969 se
tiendra à l'initiative du gou-
vernement une réunion pour
examiner, dans le cadre et
l'évolution économique et
financière générale, l'évolu-
tion du pouvoir d'achat des
salariés au cours de l'année
1968.
— SECURITE SOCIALE :
M. Pompidou a pris l'enga-
gement d'accpeter nn débat
de ratification des ordon-
nances relatives à la sécurité
sociale au cours de la ses-
sion actuelle. Le ticket mo-
dérateur applicable aux dé-
pfenses médicales de visite
et de consultation est rame-
né de trente à vingt-cinq
pour cent
— JOURNEES DE GRE-
VES . Il a été entendu que
les journées d'arrêt de tra-
vail seront, en principe, ré-
cupérées. Une avance de
cinquante pour cent du sa-
laire sera versée aux sala-
riés ayant subi une perte de
salaire. Cette avance sera
remboursée par amputation
sur les heures récupérées.
Dans le cas ou la rémunéra-
tion n'aurait pas été maté-
riellement possible avant le
31 décembre de cette année,
l'avance ou son solde seront
définitivement acquis aux
salariés.
Les engagements
— « J'ai pris, par ailleurs,
a ajouté M. Pompidou l'en-
gagement que les disposi-
tions concernant le SMIG,
les dispositions concernant
les rémunérations, concernant
le droit syndical, concernant
la réduction de la durée du
travail et concernant enfin
une indemnisation pour les
journées de grève auraient
des répercussions dans le
secteur nationalisé et dans
le secteur public. Je rappel-
le à ce propos que les con-
versations du secteur natio-
nalisé se sont engagées hier
et qu'elles doivent se pour-
suivre dès cet après-midi
dans les ministères de tu-
telle.
« En ce qui concerne la
fonction publique, la die us-
sion aura lieu mardi an mi-
nistère de la fonction publi-
que, sous ma propre prési-
dence »•
Et M. Pompidou a con-
clu :
« A travers tous les jour-
nalistes présents c'est à la
France et aux Français que
je m'adresse et que je pense
pour souligner l'importance
des décisions prises, la gra-
vité exceptionnelle de cette
réunion, les avantages so-
ciaux exceptionnels qu'en re-
tirent les travailleurs en lat-
te, quels que soient les in-
convénients ou les difficul-
tés qui ne manqueront pas
de résulter de cette ciîfK,
qui ne manqueront pas éven-
tuellement de résulter pour
nos entreprises de certaines
décisions prises, de même
que pour le budget de l'Etat.
« J'estime que nous avons
atteint un résultat de pre-
mière importance et qui doit
permettre la reprise du tra-
vail dans des conditions aus-
si rapides que le permet la
technique. Je crois d'ailleurs
que les organisations syndi-
cales, qui vont vous donner
leur appréciation, tout en
maintenant, ainsi que je l'ai
dit, certaines de leurs re-
vendications, souligneront le
caractère très fécond de cet-
te négociation.
c Puisse-t-il être fécond
pour les travailleurs. Puis-
se-t-il être fécond pour la
France... »
.et les premières réactions syndicales
• M. Séguy (CGT) :
Une solution partielle
M. Seguy, secrétaire général de
la CGT, a fait la déclaration sui-
vante :
« La délégation CGT, ainsi qu'il
a été dit depuis le début de la
conférence, a proposé de siéger
sans désemparer pour essayer de
dénouer la crise dans l'intérêt des
travailleurs et de leurs familles.
« Des revendications qui se sont
heurtées au refus du gouverne-
ment et du patronat, ont trouvé
une solution sinon totale, du moins
partielle.
« II reste encore beaucoup à
faire, mais tes revendications ont
été retenues pour une grande part
et ce qui a été décidé ne saurait
être négligé.
« Cependant nous ne saurions
donner de réponse sans consulter
les travailleurs. Nous allons leur
expliquer les résultats des discus-
sions. Nous pensons que sur la ba-
se des renseignements et des ap-
préciations que nous leur donne-
rons ils pourront prendre dans les
meilleurs délais leur décision en
conséquence ».
• M. Descamps (CFDT) :
Des avantages
importants
A l'issue dea négociations au
ministère du travail, M. Eugène
Descamps a fait la déclaration sui-
vante :
« La C.P.D.T. a pris une part
active dans l'organisation et Te dé-
veloppement d'un mouvement
d'une ampleur exceptionnelle qui
a apporté des résultats apprécia-
bles.
« En 25 heures de discussion
nous avons obtenu des résultats
que nous réclamions depuis des an-
nées, ce aui est ïa preuve de la
carence du patronat et du gouver-
nement. Les avantages ainsi acquis
sont importants ».
M. Eugène Descamps a souligné
l'intérêt primordial qu'il attachait
aux droits syndicaux, ajoutant :
« Maintenant nous nous retour-
nons vers nos syndicats, nos sec-
tions syndicales et tes travailleurs
pour savoir si nous avons su cor-
rectement tes défendre car si un
accord est Intervenu au plan na-
tional', de nombreux problèmes lo-
caux restent à régler. De la ré-
ponse que noue donneront nos mi-
litante et les travailleurs, dépen-
dra l'accord que nous apporterons
au gouvernement ».
Répondant à une question M.
Descamps a précisé que cette ré-
ponse pourrait demander jusqu'à
48 heures.
• M. Bergeron (F.O.) :
Cela pouvait être fait
avant ...
M. André Bergeron (Force Ou-
vrière) a déclaré après tes négo-
ciations au ministère du travail :
« Nous ne pouvons que consta-
ter un certain nombre d'accords
et de désacords. Tout ce qui vient
d'être fait pouvait l'être avant si
on avait mieux senti la nécessité
d'engager te dialogue sur un cer-
tain nombre de problèmes fonda-
mentaux.
< Nous allons en rendre comp-
te à nos fédérations et à notre
commission executive. Seulement
après ces réunions nous nous pro-
noncerons définitivement ».
• M. Tessier (CFTC) :
Les avantages
remportent
sur les insuffisances
M. Jacques Tessier (CFTC main-
tenue) a déclaré en quittant le
ministère des Affaires sociales :
« Êtes résultats positifs sont ob-
tenus, en l-articulier sur les sa-
laires, qui apportent des satisfac-
tions au triste sort de certains ca-
marades. La réduction du temps
de travail et les perspectives d'a-
baissement de l'âge de la retraite
sont également un avantage sa-
tisfaisant. Cependant un problème
nous a déçu, celui du relèvement
des allocations familiales, problè-
me analogue à celui du Smig. Il
nous faudra atteindre la fin de
l'année ou l'an prochain pour que
les mesures auxquelles nous at-
tachions une grande importance
soient décidées.
« Mais les avantages l'empor-
tent de très loin sur les insuffi-
sances et notre bureau confédéral
décidera cet eprès midi à 17 h de
la reprise ».
• M. Marange (FEN) :
Des promesses
satisfaisantes
d'une refonte
de l'enseignement
M. James Marange (FEN) tout
en annonçant la poursuite de la
grève des enseignants qui a débuté
le 22 mai dernier, a, à l'issue des
négociations, déclaré qu'il appré-
ciait le caractère positif sur le
plan des revendications générales
de la classe ouvrière « qui, hon-
nêtement, a-t-il dit, sont diffici-
lement contestables ».
M, Marange a également dé-
claré « avoir pris acte avec sa-
tisfaction de la volonté affirmée
par l'e gouvernement de mettre en
œuvre une refonte de l'enseigne-
ment avec la participation des pa-
rents d'élèves, des étudiants et des
enseignants, de même que la par-
ticipation à la gestion des univer-
sités par les étudiants et les en-
seignants qui a été promise ».
• M. Malterre (CGC) :
Un bilan relativement
honorable
« Nous avons dr»ssé un bilan
complet des accords et des désac-
cords. Incontestablement nous
sommes parvenus à un certain
nombre de réalisations » a déclaré
M. André Malterre, président de
la C.G.C.
« Notre comité directeur pren-
dra sa décision en fin d'après-mi-
di. TJn des aspects ies plus posi-
tifs est Que nous avons obtenu que
la hiérarchie des salaires soit res-
pectée.
« En ce qui concerne la sécurité
sociale, nous considérons également
que c'est une bonne chose que les
ordonnances soient discutées au
parlement.
« Nous sommes également sa-
tisfaits que les mesures de dépla-
fonnement qui sont fixées actuel-
lement par décret, soient dans
l'avenir du domaine législatif.
« Cette procédure sauvegardera
notre régime de retraite.
« L'ensemble, a conclu M. Mal-
terre, constitue un bilan relative-
ment honorable ».
M. Huvelin (CNPF) : Des charges très lourdes
Le CNPF a abordé cette négo-
ciation avec la conscience aiguë de
la gravité de la situation du pays.
Ce qu'il a recherché essentielle-
ment dans cet accord, c'est la paix
sociale, « a déclaré M. Paul Hu-
velin, président du Conseil natio-
nal du Patronat Français.
« Ceci posé, le CNPF, a-t-il
poursuivi, a accepté dans cette né-
gociation des charges très lour-
des. Je dois dire au'il l'a fait en
pensant aux entreprises a qui cela
va poser des problèmes, mais aus-
si aux salariés qu'il ne s'agit pas
de décevoir. Des mesures écono-
miques importantes devront êtr»
prises : pour la libération de l'é-
conomie, pour les investissements
productifs, pour l'exportation, pour
la création d'emplois, en partici>-
ier pour les jeunes qui nous préoc-
cupent. Ce qui nous préoccupe, a
dit encore M. Huvelin, c'est leur
carrl.ère, leur avenir .... ce que
Je tiens à dire, c'est aue cette con-
frontation a été duré mais vraU
ment elle a été constructive ».
© Le CFPC (Patrons Chrétiens) : Le dialogue doit être
permanent
Le C.FJ>X3. (Centre Chrétien
des patrons et dirigeants d'entre-
prises) publie le communiqué sui-
vant :
« A l'annonce du protocole d'ac-
cord élaboré cette nuit, nous te-
nons à faire connaître notre soli-
darité et notre approbation de
l'action du président Huvelin, qui
à la tête de la délégation du
C.N.P.F. a su donner la priorité à
la paix sociale sur les impératifs
économiques.
« La confrontation, sans précé-
dent depuis de nombreuses armées,
qui vient de se tenir débouchera
évidemment sur la définition
d\«ne nouvelle politique économi-
que mais aussi sur une profonde
transformation des rapports so-
ciaux. Elle a démontré à l'évidence
que le dialogue patronat-syndicats
doit être voulu et organisé de fla-
con permanente. Nous continue-
rons à militer dans cette voie qui
nous semble plus que jamais la
seule permettant d'éviter de ré-
gler dans la hâte des problèmes
laissés sans solution pendant des
années.
« Un second aspect positif noua
semble devoir être trouvé dans
l'extension du pouvoir syndical, car
pour nous " est impossible de par-
venir à une véritable participation
sans le renforcement de la liberté
syndicale. Cette participation ne
peut être obtenue que par une mu.
tation profonde concernant le*
structures mais plus encore les
mentalités et les attitudes »
M. Gingembre : « De nombieuses entreprises
sont condamnées à la ruine »
M. Léon Gingembre, délégué gé-
néral de la confédération des pe-
tites et moyennes entreprises a pu-
blié la déclaration suivante :
« La confédération a déjà dé-
claré que, sous la pression des évé-
nements il fallait s'attendre au pi-
re.
Dans l'état actuel des choses,
tes décisions imposées sont catas-
trophiques et condamnent à la
ruine de nombreuses entreprises,
dans certains secteurs notamment.
Les représentants des P.M.E. ont
essayé de limiter les dégâts, et
obtiennent des compensations et
des garanties pour leur permettre
de continuer leur acti 'ité, sans
préjuger des conséquences finales
des décisions en question. Le pre-
mier ministre a promis de les re-
cevoir à ce sujet incessamment.
Les termes du protocote d'accord
seront soumis ce soir au bureau
de la confédération qui tiendra une
réunion extraordinaire ».
Mardi 28 Mai 1968 COMBAT
L'accuRÎl hostile des travailleurs à l'accord révèle leur
désir d'un chanqement de régime
et une défiance à l'égard des appareils syndicaux
M. Georges Pompidou, qui aime l'histoire, était
satisfait hier matin en sortant du ministère des
Affaires sociales, rue de Grenelle. En réalisant en
moins de trente heures de négociations un protoco-
le d'accord avec les représentants du C.N.P.F. et
des organisations syndicales, il avait presque fait aus-
si bien que Léon Blum qui le 7 juin 36 avait conclu
les « accords Matignon » en 10 heures.
Il est vrai que Léon Wum avait obtenu la signa-
ture des syndicats. Ce qui sera sans doute plus déli-
cat actuellement, du moins si les organisations syn-
dicales veulent bien entendre cette base qui. h>er,
a accueilli à Boulogne-Billancourt MM. Georges Se--
guy et Benoît-Frachon aux cris de « Ne signez pas ».
En dehors même de son contenu, ce protocole
d'accord est à la fois un scandale et une leçon.
Un scandale, que l'on se souvienne des sorà'.des
marchandages sur des décimales auxquelles donnent
lieu depuis des années les dicussions de salaires r;ans
le secteur nationalisé L'an dernier, refusant tout
dialogue, le gouvernement a eu recours aux pleins
pouvoirs, aux ordonnances pour réaliser la politique
sociale que l'on sait et qui a conduit aux événements
que nous vivons.
En janvier, lorsque soumis aux pressions syndi-
cales et gouvernementales, le patronat a signe vn
accord sur l'indemnisation du chômage partiel les
dirigeants du C.N.P.F.. ont proclamé et répété qu'il
leur était impossible de mener d'autres discussions
avec les syndicats
Et voilà qu'en trente heures, on est capable d'ac-
corder ce que l'on a refusé durant des années I Voilà
que soudain patrons et ministres paraissent sêtre
enfin aperçus de ce scandale permanent et lég.'J.
du SMIG à 400 F. par mois !
Avec ses patrons convaincus de leur droit {'.vin
et son gouvernement confiant en sa « légitimité ».
la société française n'est pas encore sortie de la
féodalité. Contrairement aux allemands et aux amé-
ricains, les chefs d'entreprise français n'ont pas su
accepter le fait syndical et les revendications ouvriè-
res comme une dynamique, comme une incitation av.
modernisme et à l'accroissement de la productivité.
Il est vrai qu'aux Etats-Unis même, les vrais pro-
létaires, les noirs, sont obligés de recourir à la vio-
lence. Et c'est là que réside la leçon de ce proto-
cole conclu en trente heures. Le pouvoir et le patro-
nal n'ont cédé que devant la force de vingt millions
de bras croisés. Après des années de discours douce-
reux sur la concertation et avant un référendum
confusionniste sur 'la « participation », les travail-
leurs français ont en quelques jours réappris que
c'est la force qui mène l'histoire Si c'est là rétro-
grader, la responsabilité de ce recul revient à ceux
qui ont refusé le dialogue et non à ceux qui sont
contraints de recourir à la force.
Trop de promesses
Si, comme le déclarait Maurice Thorez en 1936.
« il faut savoir terminer une grève », il faut a'tsst
savoir l'exploiter. Le contenu du protocole conclu
hier rue de Grenelle parait mince, comparé à l'énor-
me mobilisation ouvrière à laquelle il répond.
Certes, il y a des acquis et selon le mot de G^cr-
ges Séguy : « Ce qui a été décidé ne saurait êt;e né-
gligé ». Le taux horaire du SMIG qui passe de 2.Z2F.
à 3 F., l'augmentation des salaires de 10 % en t3(>8.
la reconnaissance du fait syndical dans l'entreprise,
voilà autant de conquêtes qui ne sauraient être mé-
prisées que. par des intel'ectuels bourgeois ignorants
des réalité? ouvrières
Mais outre que nombre des revendications ini-
tiales n'ont pas été satisfaites, ce protocole contient
trop de promesses et pas assez de mesures précises
pour satisfaire la base C'est à la majorité gaulliste
du Parlement qu'est laissé le soin d'amender les or-
donnances sur la Sécurité sociale. Au lieu de '.'inde-
xation, M. Pompidou accorde aux syndicats, pour
défendre et garantit l'accroissement du pouvoir
d'achat des travailleurs, un rendez-vous en janvier.
En somme, sans i^ouloir reprendre en détail les dif-
férents points du protocole que l'on trouvera expo-
sé ci-contre (voir page 2). il apparaît Que l'on remet
souvent la concrétisation des promesses faites, à des
rencontres ultérieures, c'est-à-dire lorsque, la grève
terminée, la combativité et la force de pression des
travailleurs se seront émoussées
« Trop de promesses ! Trop de promesses »,
scandaient hier à Boulogne-Billancourt les ouvriers
Renault qui ont refusé de reprendre le travail, ainsi
Que ceux de Cléon. du Mans. d'Orléans, de la Rhodia-
céta à Lyon, de Berliet Vénissieux, de Citroën à Pa-
ris.... Si l'on se souvient du véritable appel à la 'évo-
lution qu'a lancé hier dans une interview accordée, à
notre journal M Maurice Labi, secrétaire général de
la Fédération F.O de la chimie qui englobe les sec-
teurs de la chimie du verre, de l'espace, de l'atome,
on s'aperçoit que les ouvriers les plus déterminés ap-
partiennent aux branches les plus avancées cl les
plus motrices de l'économie
Que vont faire les syndicats devant cette dé-
termination de la base ? Tout d'abord assez désem-
parés par les réactions qu'ils n'attendaient sans dou-
te pas aussi ardentes, ils se soucie\ actuellement de
ne pas se couper des masses. A « Force-Ouvrière »,
on fait remarquer que le texte publié hier matin est
non un protocole d'accord mais un faisceau d'inten-
tions, un ensemble de conclusions que l'on soumet
maintenant à la bnx/> La C.F.D.T. qui déclare n'avoir
jamais eu l'intention de signer ce protocole « laisse
aux travailleurs et à leurs organisations, le soin d'ap-
précier le contexte des négociations nationales <H des
lieux : entreprises. Industries, administrations où il
convient de porter le point de lutte.... ». Quant à la
C.G.T., elle déclare dans un communiqué refuser de
signer ce texte et met « en garde le gouvernement
et le patrun.it
!,_•., cun.^quenees de l'insuffi-
sance de leurs coru-js-sions ». Et hier ap>\'s-:;n.1'. M.
Séguy a déclaré à Europe .Vo 1 : « Si le' gouverneinent
et ie patronat .... estiment devoir reprendre La dis-
cussion avec nous, nous sommes toujours à leur dis-
positon pour négocier sur dc-s bases nouvd-iies ».
Ces prises de position préfigurent les tactiques
différentes que peuvent utiliser maintenant les iyn-
dicats. Ou bien ils s'efforceront d'obtenir dans les
discussions sectorieles ce qui n'a pas été obtenu au
sommet, et ainsi le niêcontentemnt de la base pourra
s'atténuer. Ou bien de nouvelles discussions s'enga-
geront avec le gouvernement et If patronat
Une « situation révolutionnaire »
Nul doute que le pouvoir et le patronat feraient
alors de nouvelles et substantieles concessions, au
vu de la d<f.ermination ouvrière. De nouvelles yfïves
se sont même déclenchées hier à Lacq. Cadarache.
et chez Philips par exmple. Mais serait-ce encore
temps ?
Dans un mouvement populaire de l'ampleur et
de la profondeur du mouvement actuel, le temps est
une dimension déterminante. Il y a une dynamique
de la temporalité pour ne pas dire de la temporisa-
tion. Si les syndicats reviennent un jour devant la.
base avec un nouveau protocole plus positif, ces
travailleurs qui hier chez Renault scandaient :< gmi-
vernement populaire ». r?s ouvriers de la Rhodiacé-
ta qui eurent tant maille à partir avec les CRS du
pouvoir ne peuvent-ils leur dire : « Tout cela est
est très bien. Mais nous n'en sommes plus là. Nous
voulons maintenant la chute du régime » ? Les réti-
cences gouvernementales et patronales de ce week-
end confirmant les travailleurs dans la méfiance
qu'ils éprouvent de plus en plus à l'égard du régime.
Oui, il y a de bonnes choses dans le proto-
cole d'hier. Certes, il est impossible de concrétiser en
48 heures des concessions réellement en-» *>' •''••"<!.
Mats, M le Premier ministre, si les travailleu-s dans 'es
usines ne vous croient plus sur paroie. c esi au* ce
que vous avez déjà trop promis sans tenir, depuis
cette fameuse et première « année sociale de 1962 ».
La gravité de la situation actuelle vient de ce due
cette crise de confiance n'a pas pu s'exprimer sur
le plan politique et parlementaire. Des tentatives
peuvent être faites pour replacer le débat en c- •
termes et désarmorcer la situation révolutionnaire
qui est en train de se créer : le référendum est une
de ces tentatives, l'éclatement de la majorité au
Parlement pourrait en être une autre, en provoquant
des élections législatives.
Ceux qui pour conserver l'ordre social souh^'tcnt
tourner la page politique, ne peuvent-ils pas. comme
le déclarait M. Georges Pidault dans d'autres cir-
constances en mai 195S. s'apercevoir « que le li-
vre est fermé ».
Georges VALANCE
La grève reste quasi-générale
malgré certaines reprises dans l'Est
Les grévistes ont en général mal
accueilli tes résultats des négocia-
tions du week-end entre les syn-
dicats, le gouvernement et le oa-
tronat.
Contrairement à ce qu'espérait
M. Georges Pompidou, le travail
ne réprendra pas « dans des con-
ditions aussi rapides que le permet
la technique ».
« Ne signez pas ! Ne signez
pas ! » C'est à ces cris que le per-
sonnel de l'usine Renault de Bou-
logne Billancourt a accueili hier
matin te discours de M Georges
Séguy. secrétaire général de la
OOT venu exposer les résultats
obtenus.
Les grévistes des usines Renault
de Cléon. d'Orléans, du Mans ne
reprendront pas non plus le tra-
vail A Citroën - Paris la pour-
suite de la grève a été décidée à
l'unanimité mpuv une voix. Les
ouvriers des usines Berliet à Vénis-
sleuK, de Sud-Aviation à Nantes.
de Rhodiaceta & Lyon-Vaise de la
SNEOMA se sont également oppo-
sés à la reprise -lu travail
Bien plus, un durctssemnet s'est
produit hier à l'EDF où des cou-
pures de courant intermittentes se
sont produites, tandis que de nou-
veltes grèves ont été signalées hier
en particulier à Lacq. Cadarache.
chez Philips et aux Editions Ha-
chette et qu'à Toulouse les com-
mis-boulangers ont cessé le travail.
Bordeaux - Aucune tendance à
la détente. Au contraire l'action
des syndicats tend à renforcer 1e
mouvement en poursuivant leur
lutte Jusque dans les petites entre-
prises employant quelques person-
nes et qui n'avaient pas été tou-
chées.
Châteaux - Trois nouvelles en-
treprises se sont mises en grève
hier matin deux de confection de
chemises, une de matières plasti-
ques.
. .Cleimont-Ferrand - Reprise du
travail dans les banques mais les
usines restent occupées.
Dijon - Reprise du travail par
les éboueurs mais nouveaux dé-
brayages dans de petites entrepri-
ses Les accords ont été accueillis
avec réserve dans les réunions où
ils ont été évoqués.
Marseille - Situation Inchangée.
La grève se poursuit avec la même
rigueur.
Le Havri - Rassemblement de
10.000 travailleurs devant l'Hôtel
de Ville à l'appel de la CGT et de
la CFrrr
Lille - < Quelques reprises cnez les
éboueurs. les enseignants et dans
les banques. Mais dans l'ensem-
ble aucune évolution vers la re-
prise générale du travail.
Limoges - Aucune reprise du
travail dans les entreprises impor-
tantes de la région.
Lyon - Le personnel de Rhodla-
ceta-Vaise a décidé de poursuivra
la grève. De même que celui de
Berliet-Venissieux.
Marseille - Les 6.000 ouvriers d«
Sud-Aviation Marignane ont déci-
dé de poursuivre la grève et « po-
sent 1e problème de la relève dé-
mocratique du pouvoir ».
Des reprises assez importantes se
sont produites en certains endroits
en particulier dans l'Est :
En Moselle la situation est In-
changée aux houillères du bassin
de Lorraine mais le travail a r««-
pris hier matin aux usines chimiques
des charbonnages à Carling qui
groupent 1.800 personnes. Un ac-
cord est Intervenu entre la direc-
tion et les délégations syndicales
sur des problèmes locaux.
Dans le Bas Rhin, le travail »
repris aux émailleries d'Alsace et,
partiellement dans les transports
publics de voyageurs Citroën.
D'autre part, à la suite d'un vo-
te qui s'est déroulé hier matin par-
mi les quelqu^ 1.000 grévistes des
usines Bugatti et Mqlsheim - où
se fabrique notamment le train
d'atterrissage du « Concorde » une
majorité des deux tiers s'est mani-
festée en faveur de la reprise du
travail. L'entreprise devrait norma-
lement rouvrir ses portes ce
matin
Ren seignements
pratiques
Transports terrestre».
<O> Dans Paris 7 lignes des-
servent gratuitement, par des
autocari, l'intérieur de la capi-
tale *p 7 à 20 heures.
(£> Pour la banlieue. 420 ca-
mions militaires sont en place,
de 6 à 9 heures vers Paris, de 16
à *>( heures vers ta banlieue.
(£) Vers la province et fétran-
ger, quarante services de cars par
jour (renspianements à : 527.
52-66. 224.45-44. 2S8. 96-21, 527.
«0-72. »
Transports aériens.
(0) Des avions militaires assu-
rent des services de remplace-
me»t vers la province et l'étran-
ger (renseionements d : 828.94-42,
838. 93-80. 828. 80-05, 532. 79-64).
(0i Air-Jnter assure certaines
liaisons (renseignements à : 587.
81-Si).
(0> De nouvel?** catégorie» de
prioritaires ont été définie* : fe
Corps diplomatique, ta presse, le»
transporteurs de fonds, le* cari,
les dépanneurs et tazfr
Les syndicats devant la
détermination de la base
• La C.G.T. :
Ne pas signer
La C.G.T. communique :
* La commission administrative
a entendu le compte rendu fait
par la délégation de la C.G.T. sur
le contenu du procès-verbal pré-
senté p».r le premier ministre à
l'issue des négociations.
Elle approuve la position de la
délégation QUI a refusé de signer
ce texte et a mis en garde ïe gou-
vernement et le patronat contre
les conséquences de l'insuffisance
de leurs concessions.
• C.F.D.T. :
Aux travailleurs de voir
Le bureau confédéral de la CFDT
réuni le lundi 27 mal, déclare
dans un communiqué qu'elle a exa-
miné les résultats des négociations
qui ont eu Heu les 25, K et 27
mal, et approuve la fermeté de sa
délégation.
« La C.F.D.T. conformément à
sa décision de consulter les tra-
vailleurs, précise la distinction qui
doit exister entre les résultats po-
sitifs et négatifs aut découlent de
la négociation nationale et les re-
vendications d'ordre national, pro-
fessionnel et d'entreprise oui sont
& la base des décisions de grève
dans les entreprises, ces revendi-
cations formant un tout qu'il ap-
partient aux travailleurs de juger.
La C.F.D.T. rappelle, en consé-
quence, qu'elle laisse aux travail-
leurs et à leurs organisations, le
soin d'apprécier le contenu des
négociations nationales et les lieux:
entreprisas. Industries, adminis-
trations . où 11 convient de porter
le point de la lutte pour négocier
les revendications prioritaires qui
restent a satisfaire.
• F.O. :
Pas de reprise du travail
La confédération Force Ouvrière
a publié hier le communiqué sui-
vant : « Les conclusions annoncées
ce matin pour le règlement d'un
certain nombre de problèmes d'in-
térêt général n'ont pas mis fin au
conflit.
La Confédération F.O. demande
en conséquence à ses adhérents de
ne reprendre le travail que sur les
instructions de leurs fédérations.
• C.G.C. :
Poursuivre
les négociations
Le comité directeur de la con-
fédération Générale des Cadres,
réuni hier soir estime totalement
insuffisants les engagements pris
par le premier ministre dans les
domaines de la fiscalité et de I»
sécurité sociale.
« II mandate en conséquence ses
dirigeants pour poursuivre les né-
gociations ».
• C.N.P.F. :
Expliquer l'accord
sans retard
Le Conseil National du Patro-
nat Français communique :
t La délégation patronale vient
de conclure avec tes confédéra-
tions syndicales représentatives
un accord sans précédent par son
ampleur.
g C'est en pleine conscience de
l'extrême gravité d'une crise qui
menaçait la vie de chaque famille
française et risquait de détruire
l'économie du pays, que la délé-
gation patronale a abordé cette
négociation.
« Dans une telle situation, elle
a estimé devoir donner u?»e abso-
lue priorité à la oalx soclate-
K Les Impératifs économique»
demeurent..
La crise sociale
Négociations difficiles
le secteur nationalisé
COUPURES DE COtlHMT A LEDF
dans
• SNCF
« Nous n'avons pratiquement
pas avancé en 1 h 45 de discus-
sion avec M. Chaînant », a dé-
claré M. Argalon, secrétaire gé-
néral adjoint de la Fédération
CGT de la SNCF, en quittant,
lundi matin, le ministère du
Travail, et il a ajouté : « Tout
reste surbordonné aux négocia-
tions qui ont lieu au ministère
des Affaires sociales ».
Le représentant de la CGT a
précisé q w e les discussions
n'étaient pas rompues mais seu-
lement suspendues et qu'elles re-
prendaient en fin draprès-midi,
quels que soient les progrès de la
négociation de la rue de Grenel-
le.
Pour M. Raymond Martin
(CFDT), « on en est aux amuse-
gueules ». M. Martin a réaffirmé
que, pour sa fédération, « il n'y
aura pas de reprise du travail
uniquement après satisfaction de
revendications qualitatives (aug-
mentation de salaires et diminu-
tion du temps de travail) mais
seulement après obtention d'une
démocratisation de la gestion de
la SNCF et extension de la res-
ponsabilité du syndicalisme dans
l'entreprise ».
« Quant à la réintégration de
la C.G.T. dans le Conseil d'admi-
nistration de la S.N.C.F., elle n'est
pas pour nous une mesure suf-
fisante de démocratisation ».
Par ailleurs, la Fédération CGT
des cheminots déclare qu'il ne
semble pas que les pouvoirs pu-
blics soient décidés à accorder
des satisfactions immédiates en
rapport avec l'importance des re-
vendications que justifie la puis-
sance de la grève.
Dans ces conditions, la C.G.T.
appelle tous ses militants à mo-
biliser les cheminots sur les lieux
du travail pour poursuivre la grè-
ve de l'unité ».
• RATP
« Le temps des palabres sans
fin est réVolu », affirment les
syndicats de la R.A.T.P. dans un
communiqué commun publié à
l'issue de la réunion qu'ils ont
eue durant une heure quarante,
lundi nuit, avec M. Jean Cha-
mant, ministre des Transports.
« Aucune réponse précise n'a
été apportée aux revendications
présentées, tant sur le plan gé-
néral que sur celui de la R.A.
T.P. », déclarent les syndicalis-
tes qui « appellent leurs adhé-
rents à poursuivre la lutte enga-
gée ».
SUR LE FRONT DES GRÈVES
• Les boulangeries de Toulouse ont pratiquement toutes fermé
leurs portes dans la matinée de lundi à la suite d'une décision de
grève inimitée prise par le syndicat des ouvriers boulangers.
Les ouvriers boulawgers réclament notamment une augmen-
tation de leur salaire horaire.
0 Les comités de grève de l'aéroport de Paris à Orly et au Bourget
publient le communiqué suivant :
« Le personnel de l'aéroport de Paris sur les terrains d'Orly
et du Bourget a décidé à l'issue des réunions d'information qui
se sont tenues ce matin sur ces terrains, de maintenir le mouve-
ment de grève pour obtenir satisfaction de ses revendications ».
• Le personnel du Centre nucléaire de Cadarache a décidé par
Z336 voix contre 683 de se mettre en grève à partir de lundi après-
midi.
Le comité provisoire d'établissement et de gestion du Centre
d'études nucléaires de Cadarache, précise dans un communiqué
que « après consultation du personnel, qui s'est prononcé à 77 %
pour la grève, le comité provisoire de Cadarache a décrété la grè-
ve illimitée avec occupation des lieux et arrêt des installations »..
D'autre part, malgré un mouvement de reprise du travail, la
grève se poursuit au Centre atomique de Marcoule où les services
de sécurité sont toujours assurés.
Des piquets de grévistes ont pris position sur les routes de
Chusclan et de Codolet.
Ainsi pour accéder maintenant au Centre, il faut accomplir
à pied une distance de deux kilomètres.
Des tracts avaient été distribués dimanche annonçant que
2.000 travailleurs du centre souhaitaient reprendre le travail. Se-
lon les grévistes, ce chiffre ne serait pas supérieur à 200.
0 Les syndicats CGT, CFDT, FO et Unifié de la direction géné-
rale des Impôts publient un communiqué dans lequel ils appellent
solennellement tout le personne de la DGI « au renforcement et à
la poursuite de la grève »,
0 A l'exception de la SNPA (3.000 personnes) où la grève a été
prolongée pour une durée de 48 heures renouvelable, la grève illi-
mitée a été décidée dans les autres entreprises du complexe de
Lacq (Basses Pyrénées). L'ensemble représente quelque 2.500 tra-
vaileurs répartis ehez Pechiney, Aquitaine chimie, Azolacq, Aqui-
taine service, L.E.F. et une dizaine d'entreprises travaillant en
sous-traitance.
Le seul résultat de la discus-
sion a été la dissociation des dé-
penses entraînées par les aug-
mentations de salaires, d'une
part, et par l'amélioration des
conditions de travail.
• EDF
La Féciéralion C.F.D.T. du gaz
et de l'électricité informe « que
des mesures sont prises pour une
intervention sur les réseaux de
distribution d'E.G.F. ».
La Fédération C.F.D.T. précise
que cette décision a été prise à
la suite de la décision de repor-
ter à 17 h 30 les négociations qui
avaient été suspendues hier à
0 1 h 30.
« Nous considérons cette atti-
tude comme inadmissible » ajoute
la Fédération C.F.D.T.
Des coupures de courant ont
pu être constatées dans de nom-
breux quartiers de Paris.
D'autre part la Fédération na-
tionale des cadres supérieurs de
l'électricité de France et du gaz
de France regrette dans un com-
muniqué que les problèmes pro-
pres aux deux établissements
n'aient jamaiis pu trouver de so-
lution satisfaisante, ce qui con-
duit à la situation actuelle.
Elle demande notamment une
collaboration réelle entre la di-
rection générale et. les représen-
tants du personnel pour étudier
et mettre en place les réformes
profondes de structures per-
mettant une décentralisation ef-
fective qui, compte tenu de la
taille des établissements, peut
seule permettre par le dialogue
une information rapide à tous les
niveaux, une gestion saine et hu-
maine.
• Charbonnages
Les conversations entre les dé-
légués syndicaux des mineurs et
la direction des charbonnages se
poursuivent dans une atmosphère
relativement plus détendue que
dans les autres secteurs. Ainsi,
les deux délégations peuvent se
consacrer à des problèmes qui,
pour être les plus caractéristi-
ques de la situation actuelle dans
les charbonnages, n'ent sont pas
n.cins très vastes.
H s'agit essentiellement des
problèmes1 de la production et de
l'emploL La régression inélucta-
ble de la production dans les
houillères pose, en effet, un gra-
ve problème humain et social.
L'année dernière, 8.700 mineurs
quittaient la mine. Il faut four-
nir à ces travailleurs la possibi-
lité de se reconvertir, ce* qui n'est
pas facile. D'autant que les mi-
neurs représentent une catégorie
très particulière de travailleurs
difficiles à recaser dans d'autres
secteurs de l'industrie.
Ce qui favorise sans nul doute
la poursuite de ces discussions,
c'est que les syndicalistes et leurs
interlocuteurs doivent faire front,
depuis de nombreuses années,
aux mêmes types de problèmes
qui. ne pouvant trouver une so-
lution autre que régressive sur le
plan économique, doit être re-
cherchée sur le plan humain.
LE MUNICH DES TRAVAILLEURS
Duperie : le mot prend toute
sa valeur, toute sa force pour ne
pas employer celui beaucoup plus
vigoureux de la langue verte. Les
négociations ne sont et n'ont tou-
jours été qu'une immense duperie
dont la C.G.T. assume en grande
partie la responsabilité par le
pouvoir même qu'elle incarne.
L'énoncé des revendications ob-
tenues est une insulte : « Avan-
tages extraordinaires » dit.. M.
Pompidou, « riésuQtats partielle-
ment satisfaisants », renchérit M.
Séguy — sur ce point nous ne
sommes pas étonnés de les trou-
ver d'accord. Ce qui est déjà si-
gné titre Paris-Jour : belle vic-
toire en vérité.
La base même de renvendications
annoncée avec force par les syn-
dicats n'a même pas été res-
pecté : ni pour le SMIG ni pour
rabaissement des heures de tra-
vail ni pour l'abrogation pure et
simple des ordonnances ni pour
l'avancement de Toge de la re-
traite. C'est vne farce ignoble et
grotesque.
En fait, nous l'avons toujours
dit, le* revendications n'étaient
vue la cOH-c'iOfl d'une contesta-
tion politiqt,, ; -e?t
ce que refusent de reconnaître le
pouvoir, pour des raisons éviden-
tes, et la CGT ainsi gué d'autres
syndicats (seule la CFDT semble
avoir placé le débat là où il s'im-
pose) pour ne pas être dépassés
s.v, l?ur 'uu" i*1.
Quelles S'.r-mi les réactions d.>s
travailleurs devant cette manœu-
vre ? A l'heure où j'écris ces li-
gnes, les informations ne sont que
fragmentaires.
Un indice révélateur : Bou-
logne-Billancourt gronde et con-
tinue la grève. Souhaitons que
dans son ensemble le milieu ou-
vrier poursuive sa lutte. Quant
aux partis politiques de gauche,
il n'y a qu'une seule position va-
lable pour eux : c'est de dénon-
cer la duperie et encourager la
continuation de ce combat qui,
de jour en jour, d'heure en heure
incarne la grande chance des
classes laborieuses, la chance du
socialisme et de la démocratie
pleine et entière.
Soyons sans illusion, cependant,
sur la position qu'on attend
d'eux. Imagine-t-on, en effet, le
P.C. dénonçant te « victoire » de
la C.G.T. ? La lourde machine-
rie communiste est-elle capable
de changer brutalement de cap ?
La direction du parti peut-elle
opérer de façon nette et cons-
tructive la révision qui s'impose ?
A l'intérieur du Parti commu-
niste, à l'intérieur des Syndicats,
c'est l'heure du choix et les dis-
sensions existent. M. André Bar-
jonet le soulignait l'autre jour
dans nos pages. Le processus ré-
volutionnaire est engagé malgré
les partis et les syndicats.
Il l'est par la jeunesse étu-
diante que rejoint, malgré les
difficultés de ceux qui se sont
décrétés à jamais comme les gar-
diens de l'intérêt ouvrier et qui
en deviennent aujourd'hui les
censeurs, la jeunesse ouvrière, il
l'est en ce jour plus que jamais.
Si la classe ouvrière devait main-
tenant trahir l'immense espoir
gué la jeunesse révolutionnaire
met en elle, elle se trahirait
elle-même. La bouffonerie de
Grenelle resterait dans l'histoire
du progrès social comme la date
fatidique du Munich des tra-
vailleurs.
Pierre KYRIA
Les travailleurs et
la leçon de 1936
< II faut savoir consentir au compromis si toutes les revendica-
tions n'ont pas encore été acceptées mais que l'on a obtenu la vic-
toire sur les plus essentielles des revendications ». Ce n'est pas
M. Séguy qui a prononcé ces paroles hier matin devant les ouvriers
de Boulogne-Billancourt, mais Maurice Thorez, le 11 juin 1936 de-
vant une assemblée de militants du Parti Communiste. L'accord
Matignon conclu le 7 juin 1936 entre le gouvernement de Léon
Blum le patronat et la CGT sert souvent ces temps-ci de référence
à la situation actuelle. Comme aujourd'hui le pays était paralysé
par la grève ; un million de grévistes occupaient le lieu de leur tra-
vail pour éviter le lock-out patronal. Comme aujourd'hui, le gou-
vernement avait à agir vite et sous la menace d'un mouvement re-
vendicatif contagieux qui en s'exaspérant pouvait sécréter une si-
tuation révolutionnaire.
Certes la comparaison a ses limites. Le rapport des forces n'était
pas le même Blum n'était pas comme Pompidou depuis six ans au
pouvoir. Son gouvernement n'avait que quelques jours et la France
était installée dans la crise. Tout laissait prévoir la précarité du
pouvoir de Blum, centième président du conseil de la Troisième
République mais premier chef socialiste du gouvernement de la
même République. Il n'y avait pas d'ordre républicain comme on
a longtemps voulu nous faire croire qu'il y avait un ordre gaul-
liste. Différence aussi parce que la position de Blum dans les né-
gociations était plus celle d'un arbitre responsable que celle d'un
intéressé comme M. Pompidou, patron de l'état patron.
Ce qui fait la valeur du rapprochement, c'est que les représen-
tants des travailleurs se sont trouvés, en 1936 devant le même
problème que MM. Séguy, Descamps ou Bergeron aujourd'hui.
Comment les masses réagiraient-elles à rencontre des résultats des
négociations ? De fait il semble que l'accueil à l'accord Matignon
ait été plus favorable qu'au protocole d'hier matin. On se sou-
vient des « conquêtes » de 1936 comme d'une grande explosion de
joie populaire. La crise se serait changée en kermesse. On se sou-
vient des titres des journaux qui criaient victoire : < La victoire
est acquise > disait L'Humanité et le Populaire exultait » « Vic-
toire de la classe ouvrière. Victoire. Victoire. Les patrons ont capi-
tulé. Quels patrons ? Tous ».
Rien de tel hier. Pourtant le discours de Thorez laisse entrevoir
quelques ombres à ce tableau. Aux patrons qui réclamaient que le
travail reprit dès le 8 juin, dès le lendemain de l'accord, les repré-
sentants des travailleurs répondirent unanimement non. De même
qu'aujourd'hui les syndicats n'avaient aucune envie de se discré-
diter auprès des masses ni de se laisser déborder par elles. Négo-
cier c'est se vendre un peu et les syndicats étaient incertains de leur
autorité réelle sur les travailleurs surtout non syndiqués. Ils n'é-
taient pas sûrs qu'ils se contenteraient de s'engager, comme- l'avait
accepté la Commission Administrative de la CGT, sur la voie des
réformes sans révolution de structure.
De fait l'accord Matignon n'a pas produit immédiatement la dé-
tente escomptée. Au contraire. Dans bien des secteurs, la grève
continue et même se déclenche. Dans le Bâtiment par exemple la
grève est générale le 8 juin. Dans les Métaux la situation reste
très tendue. Si on excepte'les fonctionnaires et le secteur public le
travail ne reprend que dans les secteurs bancaire et boursier, grâ-
ce à"un arbitrage d'Auriol. Bien sûr le travail reprit peu à peu à
la suite de règlements amiables entre les parties et à l'arbitrage du
gouvernement. Au début de l'été un certain optimisme était reve-
nu. Certains travailleurs allaient étrenner congés payés. Mais dès
la rentrée la crise reprend 'et ce sont de nouveau les grèves. Le
Front Populaire commence à se lézarder et les vainqueurs de juin
à découvrir qu'ils sont des victimes. On s'aperçoit alors que l'ac-
cord Matignon n'a rien réglé. L'action revendicative persiste, les
grèves prennent un nouveau tour : la déception remplace l'espoir
tenace. Le salaire réel ne pouvait pas augmenter puisque Blum ne
prévoyait aucune action gouvernementale sur les prix. Les patrons
en profitèrent pour reporter les augmentations de salaires et de
charges sociales sur les prix de vente. Cela leur permit même de
rattraper le retard que les prix avaient accusé sur les salaires les
années précédentes.
L'histoire des mois qui suivirent l'accord Matignon est l'histoire
du désamorçage progressif du < danger > ouvrier, de l'affaiblisse-
ment de la puissance ouvrière. Les grands espoirs ouvriers de juin
s'ensevelissent dans la crise économique accentuée ; la Gauche
s'enlise dans la légalité bourgeoise. Quoi d'étonnant qu'aujourd'hui
des ouvriers veuillent maintenir dans sa vigueur la puissance ou-
vrière révolutionnaire et refusent le mirage d'avantages partiels qui
seront vite effacés. L'échec final de juin 36 n'est-ce pas qu'un pro-
tocole comme celui d'hier fût encore possible, alors que Jouhaux
pensait, il y a trente deux ans que < le fonctionnement régulier et
l'élévation de la démocratie > permettrait le progrès de la classe
ouvrière ? Les travailleurs l'ont compris qui. hier, ont déjà dit non
au référendum dont le pouvoir leur donnait la primeur à travers
leurs centrales syndicales. Non à l'illusion ultime du gaullisme. Non
à ses dernières volontés.
Jean-François PEYRET
La chèvre de M. SEGUY
(2ème épisode)
Une], la petite chevrette
sauvageonne de M. Séguy n'est
pas morte dans la nuit du 24
mai, seule dans la montagne,
?ous les crocs du loup
A minuit, sr robe blanche
ruisselait de sang quand le
renfort qu'elle espérait arriva.
Non ce n'était pas M. Séguy
et son fusil, mais sa sœur tout
de noir vêtue, la petite Pègre
qui elle aussi avait fui chaî-
ne et piquet.
A l'aube, UneJ et Pègre
avaient perdu bien des poils,
mais le loup n'en avait pas eu
raison.
Pendant ce temps, il. Sé-
guy négociait la révolte
d'Unef, qui devait être digé-
rée depuis longtemps, la pau-
vrette... Elle aurait dû l'écou-
ter... enfin, il lui restait Pègre
la noiraude, bien cadenassée
celle-là.
C'est, bombant le torse sous
la blouse, que le fermier de Ga-
ronne vint annoncer la bonne
nouvelle, à l'aube du 27 mai,
aux gens du voisinage rameu-
tés pour l'occasion. M a i s
qu'elle fût sa surprise de les
voir tous transformés en chè-
vres et groupés autnnr d'Vnef
et de Pègre.
M. Séguy, à l'heure qu'il est,
court encore dans la monta-
gne le froc en lambeaux et le
c... douloureux, le front orné
d'une magnifique paire de
cornes..., pas de chèvres celles-
là.
Max DEJOUR
Mardi 28 Mal 1968 COMBAT * 5
La propagande reprend pied
à la TV malgré les journalistes
A étudier de prés l'évolution du conflit qui
oppose d'un côté les journalistes grévistes des
Actualités Télévisées et l'Intersyndicale (au
sein de laquelle se trouve le SUT, groupant les
techniciens qui représentent la toute-puissance
en ce qui concerne la diffusion des divers jour-
naux), avec le < pouvoir > dont les émissaires
sont disséminés voire camouflés à différents
échelons, on ne peut conclure que l'analyse de
fond en est alors facilitée. Un bref historique
aidera toutefois à déterminer les forces en pré-
sence.
Un chiffre erroné à propos de la démonstra-
tion de masse du 13 mai (171.000 manifestants)
annoncé par L.-R. Neil et le refus de passage
d'une tribune parlementaire le 23 mai au soir
si elle n'était pas accompagnée de la diffusion
d'un film, clarifièrent les positions. Dès lors,
une Assemblée générale se forma avec création
du < Comité des dix > — à la pointe du mouve-
ment de contestation — et apparut une sous-
eoounission de travail chargée de préparer un
projet de réforme détaillé des structures de la
Maison. Mai, après avoir essuyé un malentendu
au début de la semaine dernière avec l'Inter-
syndicale (qui exigeait, un peu abusivement il
est vrai, < la démission de la direction générale,
du conseil d'administration et des directions de
l'actualité radio et télévisée > ), les journalis-
tes grévistes des A.T. parmi lesquels on peut
mentionner E. de ta Taille, M. Beunat. M. Ho-
norin, J. Abouchar, M. Werther et F. de Clo-
sets, ont décidé samedi dernier de faire front
commun avec l'Intersyndicale. Une revendica-
tion de base unique, la réforme du statut de
l'ORTF, condition sine qua non à toute négocia-
tion, suivit l'opposition de la direction à passer
-une séri_e de réaction enregistrées en vidéo le 24
mai — répercussions directes à l'allocution du
«nef de l'Etat. D'autre part, les moyens H.F.
(direct) mis à la disposition des équipes de re-
portages ce même vendredi pour c couvrir » les
manifestations ne furent pas employés
En revanche, le bulletin de samedi matin —
sous la direction de M. Beunat — marque un
net progrès : présence du son dans les évoca-
tions filmées des heurts avec les forces de l'or-
dre et d'une revue de presse éloquente ; il s'a-
gissait donc là, semble-t-il, d'une épreuve de
force plus que d'une mise en demeure. La jour-
née de samedi fut ainsi le tournant et la cris-
tallisation d'une situation jusque-là incertaine.
A savoir que depuis dimanche les journalistes
grévistes ne paraissent plus avoir le droit d'ac-
cès aux studios de Cognac- Jay (ils s'y refusent
d'eux-mêmes au demeurant) et que leur prati-
que consistant à « godiller > et procéder « coup
par coup » — établir « une voie moyenne » —
devient de fait périmée...
Outre cela, les relations entre l'Intersyndicale
— journalistes en grève et M. E. Biasini sont
occupées, tandis que M. E. Sablier retire avec
une habileté qui confine à l'hypocrisie < ses
billes du jeu > — retrait fort actif qui contre-
dit ses déclarations publiques d'émancipation.
En conséquence, le problème actuel se pose
selon les termes suivants. Le gouvernement, au
cas où le SUT déciderait de supprimer tout
journal (il n'en reste qu'un celui du 20 h.) dis-
posera toujours de Paris-Tour-Effeil pour dif-
fuser un bulletin bidon sans différence de pré-
sentation notable (l'équipement comprend un
Trois démissions
à France-Inter
Trois journalistes tf« jour-
nal parlé de France-lnter.
Mme Lucien Bircaud, et Mit.
Pierre Charpentier et Jean-
Pierre Sicre ont adressé lun-
di matin une lettre de démis-
sion à M. Jacquet Bernard
Dupont, directeur général de
l'Office. Ces journalistes in-
voquent commo motif à leur
démission t ^impossibilité
qu'il y a à exercer à l'actua-
lité radiophoniqiie le métier
de journaliste conformément
aux règles et principes mo-
TUX de la profession «
ampex), les émetteurs de province étant au sur-
plus t protégés > en permanence par l'armée et
ses spécialistes des Transmissions.
L'abcès est donc crevé, le front commun ayant
durci sa position, ce qui n'empêche pas que le
journal de 20 h. soulève de part et d'autre des
interrogations, car le supprimer entraînerait
aux yeux des techniciens un recours probable
de la part du gouvernement au Conseil d'Etat
et l'introduction prévisible des CRS rue Cognac-
Jay : personne ne paraît pour l'instant vouloir
se mettre à tout prix dans l'illégalité Néan-
moins, les annonces de France-Inter précédant
les journaux télévisés semblent continuer (on
se souvient qu'un conseil de rédaction en ac-
tion jusqu'au premier juin dirige ce poste).
Quant au bulletin de lundi soir, il figurait
une véritable émission de propagande ; on no-
tera au passage que le nombre des manifestants
se dirigeant vers le Stade Charléty, de 30.000
selon les radios périphériques, y était réduit à
10-000. L'absence d'un présentateur quelconque
confirmerait à lui seul le vaste mouvement de
solidarité aux A.T. Doit-on en conclure qu'il
s'agit d'une réelle rénovation T
Thierry GARCIN
Agriculture : la disparité
des revenus va s'accentuer
Les représentants des grandes
organisations agricoles ont été re-
çus hier par M. Pompidou qui leur
a donné les grandes orientations
du projet de loi qui sera soumis
à référendum. « Nous n'avons pas
à nous prononcer sur les aspects
politiques d'un projet de loi ca-
dre, déclarait après cet entretien
M. de CaffarelH, président de la
FNSEA. Cependant, l'agriculture
étant directement concernée par
la politique économique et socia-
le, nous avons demandé avant
toute décision que les organisa-
tions professionnelles soient con-
sultées ».
Les milieux agricoles ont d'autre
part suivi avec attention les né-
gociations sociales. « Nous nous
réjouissons, déclarait hier M. J.-P.
Breton, directeur de la FNSEA, qui
participait à ces négociations en
qualité d'observateur, de voir le re-
venu des salariés progresser de
façon non négligeable. Cependant,
le retard actuel du revenu agri-
cole par rapport à celui des au-
tres secteurs va s'amplifier. Des
mesures pour les agriculteurs s'im-
posent donc et les négociations de
Bruxelles doivent en être la pre-
mière étape ».
De leur côté, les Fédérations de
l'Agriculture PO, CFDT et CQT
réclament dans un communiqué
« l'ouverture de toute urgence de
négociations sur le problème géné-
ral des salaires ». Ces négociations
« doivent aboutir à ta suppression
des principales disparités sociales
qui pèsent encore sur les salaires
de l'agriculture ». Les Fédérations
appellent les agriculteurs à renfor-
cer leur action.
Sur le plan des manifestations,
en dehors de celles de Bruxelles
auxquelles participaient des aeri-
culturs français, on note qu'une
centaine de responsables syndi-
caux de la FNSEA du Tarn-et-
Garonne ont occupé làer les lo-
caux du crédit agricole de Mon-
tauban afin « d'assurer la sauve-
garde du caractère mutualiste du
crédit agricole et l'indépendance
des caisses régionales »
LES JOURNALISTES EN GREVE :
IMPOSSIBLE D'INFORMER OBJECTIVEMENT
0 Reprenons les points et prises <|e positions évoqués ci-contre,
les journalistes en grève des Actualités Télévisées « estiment qa'il
leur est impossible d'assurer l'information impartiale et honnête
que la nation a le droit d'exiger de l'ORTF.
« Ils ont pris cette décision après avoir tenté une expérience qui
* clairement démontré par son échec sur un point fondamental
(diffusion des réactions politiques et syndicales après le discours du
président de la République) que, dans les structures actuelles et
avec la direction actuelle de l'office (y compris le directeur de la
télévision, le sous-directeur et le rédacteur en chef de l'actualité
télévisée), ils ne pouvaient garantir collectivement l'impartialité
de l'information de l'actualité télévisée comme ils s'y étaient en-
gagés ».
[Notons d'autre part que le journal de 20 h. est toujours assuré par
des journalistes non grévistes et que, par un effectif de 150 person-
nes, 116 sont désormais du côté de la contestation globale en ce qui
concerne les structures et dirigeants de l'ORTF.]
• L'association général^ des étu-
diants de Bordeaux U.N.E.F., dans
un communiqué, réaffirme sa soli-
darité avec tous les ouvriers pré-
sents aux côtés des étudiants et
déclare qu'elle ne s'aurait en aucun
cas désavouer la résistance des étu-
diante et des ouvriers, c'est-à-dire
répondre à la violence des forces de
police qui ont attaqué ur.e manifes
tation qui s'était jusqu'alors dérou-
lée normalemnet- Dans les jours
prochains, ajoute le communiqué.
l'A.G.E.B - U.N-E.F et tous ses mi-
litante s'emploieront à diffuser et à
expliquer auprès de la population
bordelaise leur position politique
vis-à-vis des troubles de ces der-
niers jours. Enfin, l'A.G.E.B dé-
plore que des individus er, rivil. au
service d'on ne sait qui ou quoi se
sont employés à matraquer des étu-
diants et des passants qui ren rai nt
calmement chey eux- Les CBS ont
dû interveryr pour faire cesser de
tels ai?isp.Omf»nt.<;
Après la n. chienlit », c'est la
x pègre ». Le vocabulaire ne
manque pas au Pouvoir pour
<**signer la partie vivante de
la nation, aujourd'hui dressée
contre lui. Achevant gaillarde-
ment le cycle de l'abiectic.i,
le régime aux abois — car de
toute façon, dans un r"ns,
dans un an, c'est la fin, — ce
régime de «c grandeur », enfin
décorr^osé, ne sait plus qu'in-
jurier en harengère, l'ordure
à la gueule et la grenade au
poing, un peuple Qui le chas-
se.
Voilà bien la justice imma-
nente : l'encombrant anni-
versaire de Mai 58 dont, fau-
te de pouvoir l'escamoter ni
le célé'-er, le Pouvoir ne sa-
vait que faire, l'Histoire s'est
chargée de lui donner un
sens. C'est « l'expiation ». Et
cela est de nature à donner
une joie sauvage à ceux qui,
depuis dix ans, n'ont accepté
que la rage au coiur l'asser-
vissement et l'avilissement de
'-i nation. Dix années durant,
vsant sans vergogne de l'im-
posture, du mensonge et du
méprit, un Pouvoir de fait,
installé par la grâce d'un coup
d'Etat militaire, avait pu im-
poser à une nation soigneuse-
ment abêtie (dont il avait ex-
torqué le consentement par le
chantage et la menace,) la
•louble loi de l'argent souve-
rain et In monarchie mystique
•f't père : le Premier ministre
•l'une société marchande
s'abritait sous l'oripeau gran-
diose d'un vieux -rcntirque
hautain, aujourd'hui pitoyable,
de droit mi-divin, mi-bour-
geois : c'était Guizot coiffé
par Louis XIV ; la Banque et
le Saint-Chrême étaient les
deux principes du règne En
fait, le fric et le, flic, sous le
déguisement de '" majesté.
NOTRE-DAME DE LA PEGRE
Voilù que tout sej ef}un-
dré (a. la France est exem-
plaire », décidément). Voi-
là qu'il ne reste plus que la
façade en ruines d'un régime
çvi n'a jamais été qu/> façade,
théâtre, illusion. Voilà que ce
Pouvoir, — ultime dérision, --
ri' tient plus debout, pour un
petit moment picore, que par
la grâce d'une CGT et d'un
Parti Communiste Français
qui, pour des raisons qui sont
les leurs, — et qui ne sont
guère obscures, — lui ont ac-
cordé, pour la plus grande co-
lère de certains, -font nous
sommes, la chance d'un ult--
me répit Voilà qu'enfin une
fois le masmi» -rraché. le ré-
gime montre, à nu, le visage
gangrené '•( fascism" : il
s'apprête à tirer, — M. Pom-
pidou nous Ça laissé entendre
assez clairement samedi ma-
tin, — et les "égiments préto-
riens (divin Massu, divin 13
Mai !) sont aux portes de Pa-
ris.
Là-devant, vive « la pègre »,
puisque c'est ainsi que Fou-
chet nous appelle, nous autres
professeurs, ouvris" étu-
diants, qui, parait-il, criminels
que noue sommes, jetons pa-
vés, bridons voiture: (ces sa-
cro-saintes voitures, sacré
fjmbole d'une société « heu-
r»"se ». Cette pègre, nous la
sommes et nous voulons l'être.
Nous ajoutais seulement qu'en
fait de pègre et de crime, le
r '-'• de Charonne, de.? ra-
tonnades, de r affaire ften
Barka. °t des CRS à la Sor-
bonne (car ce sent In les
hauts-faits du règn^' ce ré-
":rne est orfèvre. Et rt' ••• --*-
cisons ceci : il est très exact
que les nitts d'émeute, il V a
fti dnns "arts <Z" blue-jean, du
noir, -'M cnevei, long,
' ' de la chaîne de -élo, — la
racaille, quoi, — qui ne songe
en effet qu'à en découdre avec
les flics. Mais nous dirons
seulement à notre Ministre de
la Police qu'il est plus facile
de cracher sur ces « voyous »,
ces « provocateurs », ces « f'é-
ments incontrôlés », que de
donner à ces garçons, c'est-à-
dire à ces chômeur? de 15 à
20 ans, non seulement du tra-
vail, une formation, une cul-
ture, mais une raison d'exis-
ter, de s'intégrer et de trou-
ver une signification à une
société qu'Us haïssent non
sans quelque ~ !~^n, et qui ne
s'est jamais manifestée à eux
que par la contrair'» et Vin-
terdiction, par le képi et la
matraque. J." -olère de ces
narçons elle aussi, * sa ma-
nière, est révolutionnaire ;
sans qu'ils le sachent sans
doute, elle est, elle —*si, po-
litique. Elle n'a F"' la même
fr—-,e que ia nôtre, elle est
plus viscérale, moins élaborée,
mais elle n'a pas moin de
s- s. Cette colère qui est la
leur, nous en sommes solidt*-
res. Nous le sommes i-. * —'S
devons l'être ; faute de quoi
nous ne serons que 'tes bour-
geois dignes de la mascarade
gaullisme laquelle n'"st çï/'""3
figure, plus parfaite que d'au-
tres, de l'ordre bourgeois.
Mais voilà qu'à cette « pè-
gre » que nous somme? tous,
on interdit, presque sous peine
de mort, de se rassembler
dans les rues, sur les places.
Il nous faut donc ruser Mgr.
Marti/ est un gran' archevê-
que de Paris. 77 a proposé
'l'ouvrir les portes de Notre-
Dame les soirs où les ouvriers
et étudiants matraqués, as-
phyxiés, auraient besoin d'un
refuge. Voilà qui est bien, et
qui nous a donné une idée,
que nous suggère- ' l'UNEF.
Le parvis de Notre-Dame
est vaste. Sur ce haut-lieu de
notre civilisation chrétienne
et humaniste, d'où partent au
demeurant toutes les routes
de France, j'imagine assez
bien, renouant avec la grande
tradition médiévale, et à l'ap-
pel de l'UNEF et des Cuites
d'action, une immense foule
rassemblée : un grand con-
cours de peuple, du peuple de
Paris, ( on appelle cela, au-
iourd'hui un « meeting »; de-
vant qui, comme jadis tes ac-
teurs louaient la Passion flu
Christ, des étudiants, des ou-
vriers, des professeurs, expli-
queraient le sens du cyclone
qui a réveillé la nation, et
son possible aboutissement ;
si la grève dure, on pourrait
répéter ce meeting tous les
jours ; on pourrait même con-
vier sur l'estrade quelques in-
terlocuteurs, nu visiteurs, no-
toires • citons, * titre d'exem-
ple, P' -r.> Mendès-France, qui
n'eut que sept mois pour gou-
verne- ' Fran-e, quand d'au-
tres ont eu dix ans ou André
narjonel. qui vient mme on
sait, de quitter la CGT. Ima-
ginons le prestigieux quadri-
latère : sur une lace, la Pré-
fecture 'Je Police, d'où pour-
raient sortir aisément les po-
• -rs en grand attirail : sur
l'autre face, la Seine, où l'on
pourrait, s'ils provoquaient, en
noyer Tuelfiii"" uns (ils ont
dedans, déjà, noyé 'ant de
« ratons ») sur la troisième fa-
ce, l'Hôtel-Dieu, pour les
soins immédiats aux blessés ;
et sur la Qimtrifmp. Notre-Da-
me, refiifjp, aux matraquéa,
Notre-Dame rendue n sa lé-
gende et à sa gloire ; ce se-
rait Notre-Dame de la Pègre .
on devinerait saisis d'une
cvmmune lerveur ~Iv - • Pé-
guy, Genêt.
Ajoutons, pour finir, qu'un
des thème», et une des raisons
" 'fre ce arn~* rassemble-
ment, pourrait être une re-
vendication impérieuse, et ra-
dicale. L'UNEF. en effet, du
haut du saint parvis pourrait
exiger du ~"*>i.volT, puisqu'il
s'apprête à consulter la na-
tion, qu'il consultr aussi la
partie de cette nation à la-
quelle précisément. 11 prétend
s'adresser, puisque c'est elle
qui l'a mené là. c'est-à-dire
la jeunesse des usines et des
universités, autrement dit les
électeurs de moins d^ vingt et
un ans. Le droit de vote à dix
huit ans doit êtr» accordé
immédiatement. C'est là une
exigence nrem^re •• catégo-
rique. Faute de quoi, la con-
sultation gaullisfc ne "ra
qu'une dernière "icroquerie,
une tartufferie bn^'f^ne, une
absurdité et un scandale.
L'UNEF pourrait ^'ailleurs
'^'•re de cette revendication
radicale une -^uvelle arme de
com>>at. Et une arme qu'au-
cun Français ne pourrait lui
reprocher, puisque cette re-
vendication est une exigence
de la logiqv^ de la i-ttice, et
de la morale. Or ces mots-là,
à la différence du mot «r bar-
ricade ». ça ne lait pas rieur ;
ça plait.
Gilles SANDIER
Ancien éli'-vp de l'Ecole
Normale Supérieure.
Professeur agrégé d r
Lettres.
Critique dramatique
La crise politique
M. Fouchet «sait» que des dépôts d'armes ont été constitués
Examinant les manifestations et la colère du peu-
ple, M. Fouchet a décidé d'y voir l'intervention con-
juguée de la pègre et des anarchistes. Les anarchis-
tes cela se comprend, mais la pègre... Imagine-t-on
les proxénètes de Pigalle descendre de leurs hau-
teurs et, après avoir garé leurs vieilles Buicks, cou-
rir sur les barricades pour lancer des pavés sur de
vaeues CRS ? La pègre ne désire pas renverser le
Système puisque c'est lui qui l'enrichit.
Du reste il suffit de se souvenir de l'affaire Ben
Barka pour se convaincre que les gangsters sont du
coté d'un gouvernement qui n'hésite pas parfois à
recourir à leurs services.
L'entreprise de M. Fouchet, quelque dérisoire
qu'elle puisse paraître, est claire : il s'agit de jeter
le discrédit sur la jeunesse de France, il s'agit de fai-
re croire au bourgeois craintif que c est « la lie du
peuple » qui se soulève, il s'agit de masser If. trou-
peau peureux des possédants derrière la bannière de
l'ordre qu'incarné, avec quelle lourde prestance,
M. Fouchet, ce pâtre du désordre, ce ministre déci-
dément de plus en plus sinistre.
Quant aux anarchistes qui sont des gens au fond
fort pacifiques tout indique qu'on va les transfor-
mer en hommes « au couteau entre les dents ». Par-
ce que la police lyonnaise a découvert l'autre nuit
un dépôt d'armes contenant quelques redoutables
canifs et limes à ongle, ansi qu'une bombe garnie
de billes d'acier voici que leur ombre monstrueuse
se profile sur le corps social, M. Max Moulins, pré-
fet de Lyon a immédiatement appelé tous les ci-
toyens à se désolidariser « d'un groupe d'enragés
qui agissent non pour la défense de revendications,
mais seulement pour une subversion criminelle... ».
Eh bien, si c'est être criminel que de vouloir ar-
demment la chute fracassante du régime, je m'en-
rôle immédiatement dans cette armée du crime.
Où sont les officiers recruteurs ?
Empressons-nous de réunir notre paquetage et
de partir.
Persistant à jouer sur le mrme clavier, M. Fou-
chet a lancé hier une mise fi garde à la popula-
tion parisienne :
Des manifestations organisées par l'UNEF sont
prévues aujourd'hui dans diverses villes de France.
Le gouvernement a demandé aux Préfets de les au-
toriser dans des conditions à déterminer par chacun
d'eux.
Cette autorisation est un acte de confiance dans
le sens que l'immense majorité des étudiants et en
particulier les dirigeants de l'IIXEF. ont de leurs
responsabilités.
Le communiqué souligne :
Cependant les services du Ministère de l'Intérieur
savent que des dépôts d'armes ont été constitués
qu'un certain nombre d'extrémistes ont prévu
faire usage de ces armes ce soir au cours des ma
festations ou après leur dispersion afin de rendre :
possible le retour à la paix civile.
Le Gouvernement a pris les mesures néces
pour que florce reste à la loi. II appelle à la
extrême prudence tous ceux pour qui le chemin"
reformes ne passe pas par l'émeute dans la rue.
Que le ministre de l'Intérieur annonce avec
telle certitude que des coups de feu vont être
montre que cette opinion doit être fondée. II en
sûr. Sans doute va-t-il même jusqu'à souhaiter
détonations qui prouveraient la justesse de ses pi
visitons, l'intelligence de son action, la portée et
sérieux de ses paroles.
Couché sur un toit, un homme et un fusil suf]
raient à faire de M. Fouchet une Cassandre h
reuse.
Christian CHARRIERE
Le P. C. déplore l'attitude
de certains hommes
politiques de gauche
qui ne répondent pas à sa proposition de rencontre
immédiate avec la FGDS et les centrales syndicales
pour l'adoption d'un programme d'action.
« Au moment où la classe ou-
vrière engagée dans un mouite-
m*nt de grève d'une puissance.
sans précédent est en passe d'im-
poser des revendications impor-
tantes, au moment où le régime
gaulliste chancelle devant la mon-
tée des forces vives de la nation,
au moment où l'exis. tnce d'un
programme commun permettrait
la victoire des forces ouvrières et
démocratiques, l'on ne comprend
pas que cîes nommée polit *jiie&
de gauche, en déclarant Que la
situation est « révolutionnaire »,
ne répondent pas à la proposi-
tion du parti communiste d'une
rencontre immédiate entre le parti
communiste, la F.G.D.S. et les
centrales syndicales en vu.e de
l'adoption rapide de ce program-
me d'action, ce qui donnerait son
plein sens au mot d'ordre de dis-
solution de l'Assemblée nationale
et de nouvelles élections-
« Une manœuvre de grande en-
vergure se développe dans le dos
ries travailleurs. Un certain nombre
d'hommes politiques et de p&r-
sownalfié? syndicales cautionnent
des mo-uv^memts dont d'un des
objectUs explicites est de, protes-
ter coritre les négociations entre
les syndicats, le patronat et le
pouvoir « considérées comme nul-
les >;. Nous refusons de dissocier la
lutte pour les revendications im-
médiates de. la lutte pour une
démocratie réelle-
Désaveu de la manifestation
de l'U.N.E.F.
« Nous appelons donc à ne pas
participer au mouvement organisé
par l'U.N-E.F aujourd'hui 27 mai.
La lutte pour la démoratie et le
socialisme ne Se limite pas à la
satisfaction des revendications ou-
vrières mais passe nécessairement
par elle. Nous ne permettrons pas
gué la clasee ouvrière soit fnus-
trée et dupée, pas plus Que nous
ne voulons donner à de Gaulle
le chèque en blanc qu'il demande.
Nous ne cautionnerons aucune
manœuvre tendant à substituer au
pouvoir gaailliste un autre gou-
vernement qui ne satisferait pas
les revendications des travailleurs
en les déclarant déliassées, qui
tiendrait tout autant la classe ou-
vrière et son parti à l'écart de la
direction des affaires dm pays et
discréditerait l'idée même d'une
démocratie réelle et du socialisme
en irayant la voie à un régime
dominé par l'anti-communisme et
inféodé à la politique américaine.
Ce serait le retour au passé. Le
parti communiste français dénon-
ce cette entreprise et appelle les
masses populaires à la déjouer. Il
faut ouvrir la voie à la démocra-
tie et au socialisme en s'appuyant
sur le mouvement immense des
travailleurs n grève, en cimentant
l'union des forces de gauche pour
exiger la satisfaction des reven-
MM. Depaquit
et J.P. Vigier exclus du PC
Considérés par le PCF comme
co-organisateur des barricades
MM. Depaquit et Jf. Vigier ont
tté exclus du PC.
dications ouvrières et imposer un
gouvernement populaire et d'union
démocratique.
« Aujourd'hui 27 mai. le parti
communiste appelle les travail-
leurs à renforcer la grève et l'oc-
cupation des lieux du travail, à
consolider leur unité d'action, à
participer aux assemblées organi-
sées; par la C.G.T. dans les en-
treprises et les localités, il faut
tout faire pour unir les travail-
leurs et les étudiants afin de me-
ner le grand mouvement en cours
jusqu'à a victoire »•
LES HOMMAGES
POUSSIFS
Avant hier une délégation
du parti communiste s'en est
allée rendre hommage aux
morts de la Commune.
Debouts, ployants sous les
drapeaux, comme des anciens
combattants à l'ombre d'un
monument aux morts, ih
ont légèrement humecté le
mur des fédérés de leurs lar-
mes de crocodiles.
C'était samedi matin. La
dernière barricade venait de
tomber à Denfert-Rochereau
Pans était encore plein de fu-
reur.
Dans les hôpitaux gé?nis-
saient les blessés. Sous les
marronniers du Père-Lachai-
se, M. Jacques Duclos pointait
vers la muraille des fusillés
l avantageuse bedaine d'un
radioal- socialiste « début de
siècle ». Il y avait dans cette
manifestation quelque chose
de saugrenue, comme un sa-
cristain attablé dans une mai-
son close. Vision absurde de
ces hommes qui tentent de
s annexer l'Histoire, de sou-
rire au passé pour complaire
au présent alors gué ce passé
et ce présent les condamnent
les rejettent et les oublient.
Non, M. Duclos les morts de
la Commune ne vous appar-
tiennent pas et votre garde-
à- vous, bannières déployées,
était sacrilège. Delescluze, Ri-
gault, Varin, Rossel eussent
reçu comme des gifles vos
poussifs hommages. Vous avez
craché sur nos barricades
comme vous eussiez craché
sur les leurs. Et c'est ainsi
contre vous que, confusément,
la Rue s'est soulevée, c'est
contre vous contre vos men-
songes d'apôtre vexé, contre
l'ignominie de vos affabula-
tions qu'à tous coup nous
jouerons et qu'à tout coup
nous gagnerons. Je songe a
Proudhon qui disait :
« Loin de moi, communis-
tes... votre vue me dégoûte,
votre présence m'est une
puanteur ». Mais vous M. Du-
clos vous êtes déjà loin de
nous, vous n'avez rien appris,
rien compris. Si d'aventure on
vous rencontre dans la cam-
pagne on vous enjambera
comme un ruisseau.
Christian CHARRIERE
Deux députés s'inquiètent
du surt des étudiants
M. Jacques DUHAMEL :
Le gouvernement
ne doit pas oublier
les étudiants
« Une négociation s'est terminée
aujourd'hui, un autre dialogue de-
viv.it commencer aujourd'hui. Il
serait grave en effet de négliger
les inquiétudes du monde étudiant.
Ce serait grave car précisément
une manifestaticn doit se dérou-
ler ce soir a déclaré M. Jacques
Duhamel président du groupe FDM
dans un appel dil/usé par Europe 1.
« Les étudiants lâchés par les
uns, décriés par les autres ont
l'impression maintenant d'être
ignorés, peut être même dupés. lia
ont déclenché un élan généreux,
auvent désordonné, parfois débor-
dé et parce qu'ils se sont, aussi
bien que d'autres, organisés, ils
se sentent maintenant écartés ou-
bliés. Je crois que ce ferait une
erreur grave pour l'avnir que de
laisser cette impression pénétrer
la jeunesse, d'autant n,ue leur ac-
tion a désormais vaincu les résis-
tances qui s'opposaient jusqu'alors
à la réforme de l'Université ».
M. Edgard PISANT :
Eviter une faute
impardonnable
« Nul n'a apporté de réponse
aux étudiants », affirme M. Edgard
Pisani, ancien ministre de l'Agri-
culture, dans une déclaration qu'il
a fait parvenir à la presse.
« Le protocole social, assure M.
Pisani, porte sur des décisions de-
puis longtemps nécessaires, mais
qui après avoir été trop longue-
ment retardées par le g o u-
v e r n e m e nt, ont été improvisées.
Elles risquent d'avoir un effet trop
brutal sur notre économie. Le
pays, l'industrie, l'agriculture, les
régions les moins favorisées, les
saaires eux-mêmes risquent de
payer très cher ce retard et ces
improvisations alors que le gouver-
nement ne leur a apporté aucune
réponse dans le domaine des ré-
formes de structures ».
« Mais les étudiants connaissent
le désespoir d'avoir été ignorés par
le gouvernement et trahis par cer-
tains syndicats. Ils sont enfermés
dans leur mouvement. Ils ont ce-
pendant apporté à noire société la
révélation des problèmes Qui sont
les siens. Tout sacrifier à la re-
vendication immédiate et ne rien
retenir de leur apport constitue-
rait une double p< impardonnable,
favt? »
EN BREF
0 < Les événements que nous vivons ont révélé de la manière
la plus claire la nécessité d'opérer les réformes qui. jusqu'à pré-
sent, s'étaient heurtées à des intérêts particuliers ou à des égois-
mes retardataires », écrit dans un communiqué M. Jean de Préau-
mont, député de Paris de l'UD Verne, secrétaire fédéral de l'union
des démocrates.
< II n'y a. actuellement, d'autre terme à l'alternative politique
que le désordre et l'émeute débouchant, dans la meilleure des hy-
pothèses, sur une coalition dominée par le parti communiste.
• «Le groupe de l'union des démocrates pour la Sème République
invite le gouvernement à faire face avec la plus grande fermeté à
toute tentative de subversion et à préserver les droits du peuple
à s'exprimer librement par le suffrage universel à l'occasion du
prochain référendum ».
9 Le siège des Républicains Indépendants à Paris a fait savoir
hier que M. Giscard d'Estaing n'avait reçu aucune invitation à se
rendre à l'Hôtel Matignon.
0 On dément catégoriquement au ministère de l'Economie et des
Finances la nouvelle selon laquelle M. Debré aurait remis sa dé-
mission.
M. Debré a au contraire affirmé que dans les circonstances pré-
sentes la solidarité gouvernementale était < de rigueur ».
£ Hier à midi, à l'Hôtel Matignon, M. Georges Pompidou a reçu
une délégation composée de MM. Blondelle, président de l'Assem-
blée permanente des chambres d'agriculture, Courbot, président des
Chambres de commerce, et Jeudon, président des Chambres de
métiers.
A midi trente, une nouvelle audience : le Premier ministre a
reçu les représentants de la Fédération nationale des syndicats
d'exploitants agricoles, ceux de la confédération nationale de la
mutualité, de la coopération et du crédit agricole et le président
des jeunes agriculteurs.
O Avant le Conseil des Ministres M. Pierre Messmer s'est entre-
irnu au Ministère de l'Intérieur avec M. Christian Fouchet, minis-
tre de l'Intérieur.
M. BIDAULT :
« Le dernier acte
'd'une tragi-comédie »
M. Georges Bidault qui Vit en
exil quelque part en Europe a cont-
muniqué à l'AFP une déclaration
dont voici l'essentiel :
« La mutation dont de Gaulle
proclame la nécessité aura lieu.
Elle doit commencer par son pro-
pre départ.
« La jeunesse se révolte parcjf
qu'elle manque de maîtres à la
hauteur de leur mission parce
qu'elle est laissée sans orienta-
tion, sans débouchés. Livrée à $a
propre angoisse et à des /tatt*.
ries insipides, en attendant ffit
coups.
« Vous voterez « non » au pro-
chain référendum, qui n'est Qu'un
plébiscite de plus en vue à'obtér
nir la confiance dans la nuit, h
est temps que le rideau tombe
sur le dernier acte de la tragt-
comédie dr régime ».
Association de soutien
à P.M.F. pour la mise
en place d'un régime
socialiste et démocratique
A l'appel d'un certain nombre de
juristes i) s'est crée une Associa-
tion de soutien à Pierre Mendès-
France pour la mise en place d'un
régime socialiste et démocratique.
M. David Weill, conseiller de
Paris, informe que cette Associa-
tion compta. 48 heures après l'an-
nonce de sa création déjà plusieurs
centaines de membres de tous les
milieux professionnels. Le comité
directeur de l'Association a tenu
une première réunion de travail.
Une conférence plénière de tra-
vail est prévue pour le Mercredi
29 Mai 1968
Les adhésions sont reçues par :
M. David Weill. conseiller de
Paris 52. rue Etienne Marcel Paris
<2") Té] ' GUT 69-06
La presse soviétique
suit avec retard
Après la « Pravda » qui titrait
hier matin : « Les monopoles se
voient présenter les comptes »,
« les lirestia » faisaient état hier
soir du « succès clés travailleurs
français » ajoutant en sous-titre :
« Les pati-ons ont été contraints
de concéder »
Le journal observe que « l'accord
préparatoire qui a été atteint sa-
tisfait une série de demandes im-
portantes des travailleurs », ajou-
tant que « cependant cette satis-
faction n'est pas complète ».
Officiers Ministériels
Aclj Etudt de Me LE BRETON, No-
taire 23, r. de Bourgogne, à Paris 7è
le lundi 10 Juin 1M8. 15 heures,
D'un fondv dp "onimcn r (](i
TABACS A PARIS (XVII )
54, rue de LEYIS
et 24, rue LEGENDRE
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marrh. on sus dire expts. Cous. pt.
emh. 150.1)00 f chèq. cert. S'adr. pf
vlsit. et pi l^ ••«•ns. Me. LE BRETOll
1NV. 91-81 et 82.
Mardi 28 Mai 1968
COMBAT
La FGDS ne veut pas du pouvoir avec le PC
GISCARD prépare sa candidature à l'Elysée
Après avoir réalisé l'union sur une candidature
unique à l'Elysée lors de l'élection présidentielle,
puis être allés de concert aux élections législatives,
après s'être mis d'accord sur une plate-forme com-
mune qui fit beaucoup parler d'elle, les fédéré? et
les communistes vont-ils accepter ou non de prendrt
le pouvoir ensemble des mains d'une disaine de mil-
lions de grévistes ?
La lettre que vient d'adresser le secrétaire gé-
néral du P. C. à M. F. Mitterrand, visant à mettre
noir sur blanc et dans les délais les plus rapides les
bases d'un programme commun de gouvernement
est en fait une invitation directe à assumer ensem-
ble un pouvoir dont la vacance depuis hier apparaît
désormais être dans les mains des grévistes.
Ces derniers, en effet, considérant comme in-
suffisants les termes du protocole d'accord arrivent,
ouvertement ou non, à mettre en cause, par leur at-
titude et parfois par leurs déclarations le pouvoir
gaulliste établi tel que le représente M. Pompidou à
la table des négociations. La condamnation du pro-
tocole d'accord de l'Hôtel du Chûtelet met le Pre-
mier ministre dans une situation d'autant plus dif-
jici'" que plus personne n'ignore désormais que M.
M •! Debré n'accepterait plus, au-delà du réfé-
rei,-, .-a fixé hier par le Conseil des ministres au
16 juin, d'assumer la responsabilité d'un politique
économique et financière inflationniste. La masse
salariale qui va soudainement déjerler sur le mar-
ché sans une augmentation correspondante de la
production risque en effet de conduire aux gravis
conséquences d'une nouvelle dévaluation opérée
sans la confiance de l'opinion.
Si la présence du gouvernement Pompidou est
un obstacle à la conclusion d'un accord définitif
entre le pouvoir, les syndicats et le patronat, peut-
on imaginer un instant que le président de la Répu-
blique accepterait de prendre le risque de ooir les
grèves durer jusqu'au référendum ? Le coup porté
à la France serait mortel pour son économie consi-
dérée au sein du Marché commun.
C'est ce risque, très visible aux yeux des com-
munistes, que M. Waldeck-Rochet souhaiterait éli-
miner en proposant à M. F. Mitterrand d'assurer la
relève. Mais par quels moyens ?
Or, malgré l'alliance électorale avec les com-
munistes, une partie de la Fédération de la gauche
refuse purement et simplement d'envisager une par-
ticipation au pouvoir avec les communistes, ffheure
de la vérité a donc sonné. Ou bien la Fédération
éclate, ou bien l'alliance avec les communistes ap-
paraît clairement comme une machine de guerre
purement électorale tans aucun espoir de gouverne-
ment commun.
Dans les deux termes de l'alternative c'est aussi
la perspective d'une action commune lors de la
prochaine campagne électorale de l'élection présiden-
tielle qui se trouve gravement mise en cause.
Or, il ne fait guère de doute que le prochain ré-
férendum, quelle que soit son issue préfacera l'élec-
tion présidentielle à venir et de laquelle le général
de Gaulle cette fois sera personnellement absent.
C'est sans doute à une conclusion identique
qu'aboutit le raisonnement des hommes qui ne se
situent pas à gauche sur l'échiquier politique et s'in-
quiètent des lendemains du référendum dans la pers-
pective élyséenne.
Si la situation au sein de la gauche est floue,
elle l'est beaucoup moins au centre et au centre droit
car. les récents événements incitent les réformateurs
du gaullisme qui n'ont pas pu faire prévaloir leur
libéralisme à prendre maintenant leurs responsabili-
tés. Dans son discours sur la motion de censure, M.
Giscard d'Estaing, héritier de l'esprit de nos ins-
titutions a refusé d'ajouter • l'aventure à l'anar-
chie », ce qui ne l'a pas empêché de condamner
la politique et le comportement du Premier minis-
tre.
Au fond, M. Pompidou, depuis son retour d'Af-
ghanistan commence à faire du giscardisme sans Gis
card quand il ouvre le dialogue et recherche les fruits
de la « participation ». L'opinion préférerait-elle voir
Giscard tenter personnellement de mettre en œuvre
ses œuvres, ses propres conceptions ?
Il est difficile de répondre aujourd'hui à • elle
question mais ce n'est certainement pas l'effet du
hasard si, comme Mendès-France de son côté et à
son corps défendant, on voit M. Giscard d'Estaing
de plus en plus sollicité d'affirmer rapidement sa
candidature à la présidence de la République. Les
deux hommes, soit dit en passant, s'estiment mutuel-
lement. Le président de la commission des Finances,
en tant que tel, a l'occasion de rencontrer l'ancien
président du Conseil...
Quoiqu'il en soit, M. Giscard d'Estaing, qui de-
puis la crise est en contact permanent avec M. An-
toine Pinay. va rencontrer ce dernier. Il se propose
également de consulter plusieurs personnalités du
monde financier européen, politique et économique.
n aura des entretiens prochains avec des membres
du Conseil économique et social. Il est resté en con-
tact avec des représentants du syndicalisme uni-
versitaire.
Tout se passe comme si M. Giscard d'Estaing,
fidèle au mandat de ses électeurs, estimait que le
temps était venu d'adopter une attitude claire en
entrant dans la course à l'Elysée. Les événements
actuels ne peuvent en effet que rapprocher la pers-
pective de Félection présidentielle.
Comme hier soir au stade Charléty on a assisté,
semble-t-il à la naissance d'un grand mouvement
révolutionnaire, plus soucieux de modifier la socié-
té que de s"empifrer de pourcentages bourgeois à la
table deM. Pompidou, il n'est pas exclu que M. Gis-
card d'Estaing prenne en main la tête d'un jeune
courant néo-libéral démocrate.
Jean-Claude VAJOU
La campagne pour le réfé-
rendum s'ouvrira le 4 juin
Le général de Gaulle interviendra
à la TV le 3 juin au soir
• LE TEXTE DU PROJET SERA CONNU DEMAIN.
Au Conseil des ministres, convoqué exceptionnellement hier
après-midi à l'Elysée, M. Pompidou, Premier ministre, a rendu
compte des réunions, qui se sont tenues ces derniers Jours avec
les organisations professionnelles et syndicales et qui. au terme
de 28 heures de discussion, ont abouti à la rédaction d'un « projet
de protocole d'accord ».
M. Gorse, ministre de l'Information, a déclaré que le Con-
seil avait approuvé l'ensemble des dispositons contenues dans
ce protocole.
Le ministre a ajouté :
« Le président de la République a marqué qu'il approuvait
la manière dont le Premier ministre avait présidé à ces dis-
cussions et l'esprit dans lequel elles avaient été conduites ».
LE PROJET DE LOI SOUMIS AU REFERENDUM
Vendredi soir le président de la République avait annoncé
son intention de consulter le pays par voie de référendum Hier
après-midi, le texte du projet soumis à référendum qui avait
été mis en forme a été approuvé par le Conseil des Ministres.
Demain, au journal officiel, il sera rendu public.
M. Gorse a annoncé que le référendum aurait lieu le 16
juin prochain. La campagne s'ouvrira officiellement le mardi
4 juin. Le lundi 3 juin, le président de la République explique-
ra, sous la forme d'un dialogue radio-télévisé, les raisons et la
portée du référendum dans la situation où se trouve le pays.
Un décret aprpouvé en Conseil fixe les conditions de la
propagande électorale. Elles sont tsès semblables à celle= qui
avalent été adoptées pour les élections législatives.
Répondant à diverses questions, le ministre de l'Information
a précisé que le projet de loi soumis à référendum donne man-
dat au président de la République, au gouvernement et au par-
lement, dans le cadre de leurs compétences respectives, et avec
le concours de toutes les organisations représentatives, de pren-
dre toutes mesures nécessaires afin d'étendre la participation
des citoyens aux décisions qui les concernent directement.
En ce qui concerne l'organisation de la campagne référen-
daire, le décret précise les conditions dans lesquelles les orga-
nisations politiques pourront Intervenir à l'ORTF. Il fixe la
durée globale des émissions et les conditions de leur réparti-
tion. A l'intérieur de ce cadre, et sous le contrôle du Conseil
constitutionnel, le Conseil d'administration de l'ORTF défini-
ra les modalités de réalisation. Ce système est celui qui avait
été pratiqué pour les dernières élections législatives.
f,A COMMUNICATION
DU MINISTRE DE L'INTERIEUR
M. Pouchet a fait le point de la situation et il a rappelé les
mesures qui avaient été prévues pour assurer l'ordre public.
Evoquant la manifestation organisée hier après-midi, M Gor-
se s'est référé au communiqué du gouvernement donné hier à
13 heures à la télévision.
LES PREMIERES REACTIONS
AU PROTOCOLE D'ACCORD
Répondant à une question sur les premières réactions qui
ont suivi l'annonce du protocole d'accord de la confrontation
entre le gouvernement, le patronat et les syndicats, le ministre
de l'Information a répondu : « Elles ont en effet été évoquées
l'on peut néanmoins espérer que la paix sociale se rétablira ».
Rencontre Mitterrand-Waldeck ce soir
Une rencontre Mitterrand-Wal-
deok-Rochet aura lieu ce soir à
17 heures. Elle a été décidée au
terme d'un échange de lettres.
Hier matin M. Waldeck-Rochet
envoyait cette invitation au pré-
sident de la PODS :
« Monsieur le Président et
cher ami, la tituation ac-
tuelle exige des mesures
urgentes, c'e s t pourquoi
non* vous proposons que
des délégations de nos
deux formations te ren-
contrent, aujourd'hui mê-
me, à l'heure et au lieu de
votre choix. Nous y som-
mes -prêts dès maintenant.
Le Parti Communiste
Français dit non au réfé-
rendum. Il propose d'assu-
rer la relève au pouvoir
nnulliste par un gouverne-
ment populaire et d'union
démocratique avec la par-
ticipation communiste sur
la base d'un programme
minimum commun
Ce programme devrait
comporter en tout premier
lieu la satir'-"-tion des re-
vendications essentielles
pour lesquelles neuf mil-
lions de travailleurs sont
en grève, la création d'une
université ^nderne et dé-
mocratique.
Ces engagements peu-
vent être pris ensemble,
'M.s inir<i'-"''htii. Dès la
conclusion de notre accord,
nous pourrions appeler en-
semble ?cs T»7""Sf>.'; poimfni-
res de France à soutenir
nos propositions.
Je vous prie de croire,
Monsieur le Président et
cher ami. en l'expression de
mes sentiments démocrati-
ques )•
Hier soir M. Mitterrand ré-
pondait en ces termes à M. Wal-
deck-Rochet :
c Monsieur le secrétai-
re général et cher ami,
« Par votre lettre reçue
ce jour, vous voulez bien
me faire connaître qu'en
raison de furgence le Par-
ti Communiste Français
propose à la Fédération de
la gauche démocrate et so-
cialiste une rencontre au-
jourd'hui même plutôt que
demain soir, mardi, com-
me il était prévu.
i Je me permets à cet
égard de vous rappeler
que notre bureau politique
se réunira demain matin
et qu'à 11 h, je préciserai
nos positions devant la
presse.
« Le Parti Communiste
Français, par la lettre que
vous m'adressez, fixe pu-
bliquement tes objectifs.
Il est normal que la Fédé-
ration use de la même fa-
culté. Notre rencontre n'en
sera que plus efficace dans
l'esprit même des accords
que nous avons déjà con-
clus.
» La Fédération de la
gauche démocrate et so-
cialiste n'a cessé de soute-
nir la lutte des travailleurs
en grève, et le mouvement
des étudiants et des ensei-
gnants décidés à fonder
l'Université nouvelle. Elle
souhaite que des proposi-
tions communes puissent
être faites en ces tfomc:-
nes.
« En tout état de cause.
nous ne verrons que des
avantages à avancer de
2l h à 17 h la rencontre
de demain. Ce qui n'exclut
pas, bien au contraire,
Fentretien d'information
mutuelle dont r>nus étions
convenus avant cet échan-
ge de lettres.
Veuillez croire. Monsieur
le secrétaire général et
cher ami, à Fexpres.t'on de
mes sentiments bien cor-
diaux ».
S'f?i* : François Mitter-
rand.
• C'est à 11 heures que M. Mit-
terrand tiendra aujourd'hui sa
conférence de presse à l'Hôtel
Continental.
9 « Dispersez-v>:i ,m.-is le calme
et allez renforcer les piquets d«
grève des usines du Quartier afin
d'éviter toute provocation ». C'est
sur ce mot d'ordre lancé par un
responsable que s'est terminée la
t manifestation d'information »
organisée en fin d'inrès-midi par
la C.O.T. f'ans le ISf-me arron-
dissement.
Quatre à cinq mille personnes
environ réunies place Charles Mi-
chel ont tout d'abord écouté pen-
dant près d'une heure le secré-
taire syndical rendre compte du
« procès verbal de négociation si-
gné hier matin rue de Grene'.ir
mettant l'accent sur les aspects
négatifs de ce orocès-vertal. l'o-
rateur a conclu : « C'est vous
qeur qui déciderez et vous sr
Tout dépend de votre combativité ».
Se formant ensuite en cortège,
les manifestants poussant de<; slo-
gans hostiles au pouvoir se sont
alors rendus sans le moindre inci-
dent devant les usines Citroën
avant de se disperser dans le cal-
me.
Réalisme ou Gauchisme
Comme il était prévisible, la classe ouvriè-
re réveillée n'a pas l'intention de s'endormir
dans les bras du gaullisme et de sa béquille Sé-
guy.
Qui pouvait croire, qui osait proposer aux
travailleurs le « retour à l'ordre », c'est-à-dire
à l'Ordre Bourgeois, avec la consolation de quel-
ques augmentations vite compensées par une
dévaluation 1
Qui pouvait vouloir, qui osait suggérer la
fin de la lutte ouvrière je veux dire son assassi-
nat, pour organiser la mascarade plébiscitaire l
« Le pays est au bord de l'abîme », a déclaré
de Gaulle. Non ! C'est son Régime qui est à
l'agonie. C'est lui qu'il faut abattre, à tout prix.
Et c'est le socialisme qu'il faut instaurer, le so-
cialisme enfin purifié de ses guépéous et de ses
par Jacques-Arnaud PENENT
traîtres, le socialisme des masses, le socialisme
véritable. N'agitez pas la grande peur des bien-
pensants, elle nous réjouit....
N'agitez pas la menace policière, elle ne
peut rien contre la masse unie et résolue l
Le pouvoir est dans la rue. Le pouvoir est
dans les usines II n'en sortira pas. Vous ne le
ferez pas sortir. C'est vous qui sortirez I
Grand corps inadapté de la C.G.T., le sang
neuf des travailleurs c'est insupportable. Pour
n'avoir rien osé, tu subiras tout. Tout, je veux
dire la Révolution. Un syndicat n'est pas un
Temple. Où est le v gauchisme »?
Ah I comme elles sonnent creux, comme elles
sentent la peur, vos menaces....
Nous vaincrons I
TKIBUNES LIBRES
Les
mandarins
et la
chienlit
Quousque tandem Catilina... »
A ce jour la chienlit n'a guère troublé la sérénité des appren-
tis mandarins. L'Ecole Nationale d'Administration (1) n'a pas
démérité- Le couvent de la rue des Saints-Pères est. aux abords
du Quartier Latin, un ilôt de calme et de tranquilité. Dans la
tourmente, la vie continue. Une promotion approche de l'heure
tant espérée de la distribution des prix et attend avec impatience
une prestigieuse assurance-chômage dans la « haute » fonction
publique. La dernière en date, en stage auprès de nos préfets mé-
tropolitain, entame le difficile apprentissage du volapuk des
barricades. D'autres « marques » poursuivent laborieusement une
course d'obstacles- II ne s'agit pas de former mais de classer. Dans
la tourmente on continue à accepter ce jeu, sans rire.
Pourtant l'on parle. Les acrobates du contentieux adminis-
tratif rêvent avec volupté aux méandres jurisprudentiels de l'a-
venir. Un crime majeur a été commis dans le service public : des
grèves sans le préavis de cinq jours. D'autres s'indignent. Com-
ment peut-on oser remettre en cause la cohérence technocratique
du Plan, le cinquième du nom. élaboré avec tant d'amour et de
«ompétence- Le pilotage à vue de l'économie, corrigé par quel-
ques ingénieux gadgets : volant de chômage et autres inventions
clignotantes, programmation en valeur et autres panacées comp-
tables, va-t-il être compromis par quelques groupuscules ?
De politique point, quelle horreur ; certes on se glorifiait du
ministre Peyrefitte, produit perfectionné par la rue des Saints-
Tères, dont on rejette maintenant la responsabilité sur la rue
d'Ulm. On frémit accessoirement de voir le tas d'or aux mains
des grévistes.
On n'approuve guère les brutalités policières. Mais en infor-
mant l'opinion de non sentiment (ce qui est déjà une manière
de petit scandale, un fait sans précédent) on l'assure que si l'on
proteste, c'est évidemment sans méconnaître les nécessités du
maintien de l'ordre.
Bref la chienlit et les groupuscules n'ont pas troublé la sé-
rénité de nos mandarins. Et pourtant maintenant l'on s'interroge.
L'ENA a été violée- Non par le souffle de l'Histoire, mais par un
commando de fascistes, qui prénétra dans ce couvent, trouvant
le moyen commode pour investir Sciences-Pô, cet aller ogo, ce
voisin de jardin, cette pépinière de l'élite de demain. L'ENA n'a
pas été occupée, elle fut traversée ; l'enjeu n'était pas de taille,
on ne s'y arrêta pas.
Et pourtant ils pensent. Détenteurs de la vérité et d'une con-
ception hégélienne de l'Etat, ils ne voient dans les prodigieux
soubresauts des dernières semaines que rogne et dangereux folk-
lore. Tout rentrera dans l'ordre. Peut-être une once de conflit de
générations ; la cuti vire un peu au rouge, qu'importé. La com-
pétition subsiste. On se calfeutre chez soi studieusement en espé-
rant que quelques petits camarades se laisseront prendre aux
mirages de ce drugstore politique d'un nouveau genre, la Sor-
bonne. En fait il n'y a rien de vraiment nouveau. Du courage
pour chaque jour.
Un changement soudain. En haut lieu on crée un Comité de
réflexion sur les problèmes de l'Université. L'on suit. C'est
maintenant le temps de l'action, on accomplit son premier acte
de technocrate réformateur, on institue des Commissions. Il faut
paraître se réformer. II faut se tenir prêt.
Le scandale est là. Une caste de « jeunes messieurs » qui se
croit vouée aux responsabilités et au pouvoir est incapable de
comprendre la vigueur du vent du large : en vérité elle n'a
jamais été sensible qu'aux appels d'air des cabinets ministériels.
A quoi bon s'interroger. L'âge vient, il est vrai, 24, 26, 30 ans.
Comment se sentir remis en cause quand on prétend être né avec
le « sens de l'Etat ». « Service public », « intérêt général »,
valeur, imposture, qu'importé, cela court dans le sang, c'est une
partie de l'être, cela permet d'irriguer les bonnes consciences.
et parfois même les intérêts personnels.
Tous sont des coureurs de fond. On a pâli, on s'est desséché,
à Sciences-Pô, à la Faculté de Droit ou dans l'Administration,
longtemps- Maintenant on subit avec ravissement les rites initia-
tiques du mandarinat. La piste est droite, les obstacles nombreux,
il faut sauter plus haut, plus vite, plus loin. Qu'importent les
accidents de parcours extérieurs. On est impatient de participer
au niveau d'une technocratie que la rue et le pays ont condamné,
mais qui ne le sait pas encore.
Jacques ANARQUE
1. Pour toutes informatons sur cette honorable institution, se
rapporter à < L'Enarchie », de Jacques Mandrin. Editions de la
I Table Ronde de Combat.
« Jusqu'à quand Catilina abuseras-tu de
notre patience ? ». C'est par ces mots que Cicé-
ron oit-irait son réquisitoire contre Catilina.
Depuis 10 ans Catilina a changé de'nom,
mais c'est toujours le même procès, vieux de
plus de 20 siècles. Le même procès contre les
abus de pouvoir, le mensonge, l'hypocrisie, le
chantage, la violence et le sang.
Jusqu'à quand les Français supporteront-il s
un régime venu dans la tourmente en s'appuyant
sur des promesses vite foulées aux pieds, un ré-
gime qui depuis 10 nns ne vit que de menson-
ges, drapé dans le manteau d'un ordre prétende
qui n'est qu'une façade, un moyen de tenir en
laisse le pays, anesthésiant toute conscience po-
litique populaire, un gouvernement sans initia-
tive aucune dont le seul rôle est de porter le
chef de l'Etat sur le pavois au nom d'une gran-
deur de pacotille qui se .traduit par la devise :
* Pour la plus grande gloire du Général »....
Jusqu'à quand la France souffrira-t-elle
le chantage, chantage à la peur, à la guerre ci-
vile alors que seule l'impéritie de son chef est
à la source de toute crise. Et ce chantage, pire
que l'appel du 24 mai que nous venons d'enten-
dre qui consiste à dire aux Français : « Répon-
des oui au plébiscite approuvant ainsi la caren-
ce de mon gouvernement ou bien je me retire
paralysant le pays ». Jusqu'à quand devrons
nous accepter vexations et injures dont la der-
nière est celle, gratuite, que vous avez infligée
à l'Université dans votre discours mon Général.
Deux mots sur les problèmes étudiants et de'tx
mots de mépris..... Les paysans ? Vous n'aiez
même pas condescendu à en parler. La coiipe
n'est-elle pas pleine ? Le miel dont vous teniez
d'enduire se bords ne peut nous faire oublier
la lie que depuis dix ans nous buvons.
Vous avez dit un jour, mon Général. « les
Français sont des veaux >\ mais les veaux se
sont révoltés contre leur bouvier. Il faut souhai-
ter maintenant que l'effroi que vous avez en-
tretenu dans le pays ne rabaisse pas les Fran-
çais au rang de moutons. Rassemblés sous voire
houlette. Matraqua. C'est pourquoi au mois de
juin ils doivent vous dire et ils vous diront --
non —. Vous voulez, pciiait-il « ouvrir plus lar-
gement la route au sang nouveau de la Francs »,
alors, en bonne logique ce « sang nouveau >> qui
est à l'origine de votre contestation doit se pro-
noncer. Je n'étais pas jusqu'à présent pour le
droit de vote à 1S ans mais maintenant que le
seul moyen que vous ayez trouvé pour résoudre
les problèmes est de vous faire plébisciter, je
vous Le demande, appliquez l'idée de Monsieur
Debré, donnez la parole au sang nouveau. Si à
18 ans on est assez grand pour se faire matra-
quer, si à 18 ans on est assez grand pour
jugé pénalemcnt. pour savoir distinguer le bien
et le mal légal, alors on est aussi capable 4t
distinguer le bien et le mal politique, de savoir.
si la « chienlit » c'est le peuple en révolte ou
plutôt un régime et un gouvernement incapables
« de prévoir les maux qui naissent, ce qui n'est
donné qu'aux sages, pour y remédier vite » —
dixit votre maître Machiavel -- et qui suscite
le chaos pour pouvoir parler d'ordre.
Jusques à quand les Français accepteront*
ils d'être représentés au plutôt liés par ISO ott
240 soit-disant députés qui ne sont que des pf~'
très soumis, à part Monsieur Pisani. Bravo. Lt
Monsieur Capitant. à moins que pour ce dernier
il ne s'agisse que d'un jeu avec un « maroquin »
au bout.
Jusques à quand enfin endurerons-nous la
violence? Peut-être pensez-vous comme Afacftia-
vel. mon Général ? Que « les hommes o
plus tôt la mort de leur père, que la perte
leur patrimoine ». mais si « dix Français ça
fit » il ne s'est point trop écoulé de temps
que lés Français aient oublié combien de fu-
sillés, d'empnsonnés, de grévistes matraqués et
j'en passe, a coûté votre accession et votre main'
tien au pouvoir. Quand bien même leur membre
serait si courte, la sauvage et inutile répression
qui a même écœuré nombre de policiers après
le désaveu de leur action par Monsieur Pompi-
dou est là pour le leur rappeler.
Vous demandez à nouveau la confiance
« pour la rénovation ; il vous a fallu 10 ans &HT
vous rendre compte que les choses devaient
changer. Changez de ministres, renvoyez ceux qui
ont eu le tort de prendre les mesures impopulai-
res à votre place, mais comme vous ne changerez
pas de caractère, de manière d'agir, de gouver-
ner, vous ne rénoverez rien.
Vous êtes resté près de 20 jours à vous taire,
livrant la jeunesse à la police, laissant Paris
à l'émeute, attendant que la vile et le pays s'em-
brasent tout entier. Vous êtes resté à vous taire,
à permettre que se multiplient les erreurs, et
quand vous avez parlé, vous n'avez rien dit....
\eron hurlait de rire en voyant Rome en
flammes..... Comprendrez-vous enfin ce qu'il
vous reste à faire ? Entendez-vous les cris çtd
fusent de partout ? Il est. mon Général, deux
sortes d'hommes : Cincinnatus qui sait se reti-
rer et quitter dignement le Capitale ou celui qui
refuse la sac/esse et veut se maintenir envers
et contie tout et tous. Le dernier doit savoir que
quelques marches à peine mènent du Capitale
vers la roche Tarpé'enne...
Jusques à quand mon Général ?...
Patrick VOVAN
LA REVOLUTION SAUVAGE
S'il est quelque chose Qui plon-
ge le.s penseurs de tous bords dans
des abîmes d'expectative, c'e.-t
bien la révolution dont on parle.
Les théoriciens style « cartes en
poche » ne s'y retrouvent plus, les
analystes voient le sujet glisser
entre leurs doigts, et les fascistes,
complètement déroutés, sentent
qu'il y va de leur survie et ra-
mènent le tout à un « commu-
nisme » qui leur permet de l'or-
mer leurs faisceaux.
Il s'agit d'un phénomène nou-
veau, que les historiens à venir
démonteront avec facili'.é. mais où
il faut reconnaître QU« nous man-
quons trop de panneaux indica-
teurs. A propos de la grève géné-
rale de fait qui paralyse la Fran-
cte, on a parlé à l'origine d-e «grè-
ves sauvage.^», c'est-à-dire qui ont
érj^.té spontanément à !» base,
sans mot d'ordre syndical. Ce fut
à leur suite que les syndicats fu-
rent contraints de .s'alisr.er et de
courir en avant pour b'en aitruil-
ler le mouvement dans la voie de
la revendication corporative.
De la même façon, nous pouvons
parler de « Révolution sauvage ».
en ce sens qu'elle a éclaté au
sein d'une mas.'-; inorganisée, les
étudiants, et qu'elle a dès le dé-
but dépassé toute tentative de re-
groupement sous la boulette des
J.C.R, (U.J.C. fm.li et autre Mou-
vement du 22 mars Si l'UNEF a
pu apparaître comme la tête de
file pendant les barricades, elle
le doit à ses structures préexis-
tantes qui lui ont permis de
constituer un efficace service d'or-
dre A partir de l'occupation de
la Sorbonne, l'UNEF ne fut pl'.'.s
qu'un signataire de positions par-
mi d'autres.
« De toute façon, Je ne pense
pas que la Révolution soit possi-
ble, comme ça. du jour au lende-
main. Je crois qu'on ne peut ob-
tenir que des aménagements suc-
cessifs, plus ou moins importants,
mais ces aménaçemenf^ ne pour-
ront être imposés pue par des ac-
tions révolutionnaires ». De qui
sont ces réflexions, qui peuvent
arjparaïtre comme « modérées %> ?
Du seul non-théoricien qui. jus-
qu'à pré.ient. a su fournir de? ex-
plications au mouvement act'te'.:
par Sartre fions le numéro spécial
du « Nouvel Observateur ».
En effet, que l^c b'^'1^ r*ons se
LE VERITABLE REFERENDUM
De Gaulle annonce le référen-
dum. Il propose la participation.
On sait ce que cela sigoifie : le
compromis ; au mieux, la « coges-
tion » du système capitaliste par
l'Etat, le capital et les travailleurs.
En un mot : la capitulation.
Les réformistes qui dirigent les
appareils syndicaux sont déjà en-
gagés dans cfette voie. Ils négo-
cient. Leur salut est à ce prix. Ils
ont choisi l'amélioration du sys-
tème et le rétablissement de l'or-
dre. Certes, on dénonce les PTODO-
sitions du chef de l'Etat. Mais en
même temps, on demande aux
travailleurs en grève de rester
ferme « a la veille des négociations ».
On mobilise en annonçant la dé-
mobilisation.
Mais le mouvement en cours a
déjà débordé et depuis longtemps,
les chemins pacifiques de la né-
gociation. De plus en plus nom-
breux, les ouvriers, les étudiants
les paysans découvrent qu'ils peu-
vent peut être prendre le pouvoir.
Dans les usines occupées, les exi-
gences deviennent jour après jour,
plus radicales. Occupé, ce n'est
pas seulement arrêter la produc-
tion, c'est déjà détruire la propri-
été privée ou étatique des moyens
de production.
Le vrai problème est là : l'issue
révolutionnaire c'est Le Passage De
L'Occupation à l'Autogestion.
Si les ouvriers décident de gé-
rer directement les usines, si les
étudiants décident de gérer les
universités, si partout, le pouvoir
d'occupation devient pouvoir social
et politique, alors le nouveau pou-
pes devient incompatible avec l'ac-
tuel pouvoir d'Etat. Le pouvoir des
conseils a posé ses bases, il peut
prendre la place du pouvoir exis-
tant.
En refusant d'aller jusque là. en
évitant de donner aux luttes ou-
vrièies ce but révolutionnaire : le
pouvoir ouviier, on renonce, tout
simplement, à c-jr.tir.ucr la lutte
engagée. On capi;u>. C'est cela
que signifie la cntique de l'auto-
gestion. La fonction de cette criti-
que est de tromper les masses en
lutte, et de sauver le pouvoir en
place. Le parlement même s'il est
renouvelé, fera le reste.
La capitulation sera bientôt ac-
complie si l'on continue ainsi à ne
pas formuler la véritable alterna-
tive : pouvoir ouvrier ou pouvoir
voir institué dans les lieux occu-du capital. Alors le référendum
sera tôt ou lard possible. On ne
choisira pas. le choix sera déjà ac-
compli. Le système social actuel
sera déjà vainqueur.
Le vrai choix n'est pas celui qui
sera formulé par le référendum.
La véritable alternative est celle-
ci : révolution ou capitulation. La
question ne se posera pas dans les
salle.s de vote : elle e?t déjà po-
sée dan.s les tn'.ncs. dans ies éco-
les, dans la rue.
La vraie ques'inn ne sera pas
inscrite sur les bulletins de vote.
Elle e.st inscrire sur les barricades
et sur les drapeaux noirs et rou-
ges qui flottent sur tous les édi-
fices occupés. La lutte continue...
les pavés ne suffisent plus...
Christian DESCAMPS
Georges LAPASSADE
rassurent; : la Révolution n'est pas
encore là.... Mais elle ne mar<ju«
un temps d'arrêt que pour mieux
repartir.
Le grand enseignement de la
commune, étudiante a été le rôle
majeur tenu par la « spontanéité »
populaire ». Aucun slogan ne fut
imposé du dehors, aucun grou-
puscule ne put prendre la tête.
Cfhn-Benuit parle de « minorité
agissante » qui, sans canaliser
cette spontanéité, lui fait prendre
conscience de la force politique
qu'elle représente, ïud fait se po-
ser la question : « Et, alors ? ».
Ceci explique qu'il soit Etupide
de demander à tout étudiant, que
l'çm rencontre où il veut en Ve-
nir, ce qu'il veut faire de l'Univer-
sité. Si les étudiants commencent
déjà à se structurer en fonction
d'un programme de réforme uni-
versitaire, la solidarité étudiants-
travailïeiirs aura vécue. Or c'est
cela qui est important, pour que,
d'une par, les travailleurs soient
irr.paMer.t,s d'aller plus loin que
de simples revendications accep-
tables pour un Etat bourgeois,
d'autre part pour que les étudiants
abandonnent la notion implicite
qu'ils forment une « classe ». te
clas.-e estudiantine n'étant jamais
qu'une classe d'âge.
Pourquoi parler de Révolution
sauvage ? Parce qu'elle repartir»
toujours de la base inorganisée.
Cette bare qui est une ambiguïté
vivante voici venir le temps des
vacance." et tous, travailleurs et
étudiants allons de nouveau «pen-
ser bourgeois», satisfaits que nous
serons ce nos quarante heures ef-
fecti'e? et de notre Université à
nai're. I! y aura un temps calme
et M. Mitterrand, s'il ect au gou-
y-rnemf.-ni; à ce moment sera con-
tent.
Puis reviendra le temps de la
ron'r.-V. <•< la révolution sauvage
ree^iT'n-.encera. menée par les étu-
r!>.'->tr mi aunon* un peu trop
vite oiV-iiié Qu'ils étaient sur les
hnrricp.rl.is trois mois plus tôt.
Car. r'Kii que l'on puisse faire, la
rer'rée IfîR s°ra une catastrophe.
Fi rnc'inri r.-nartira. sur un trem-
plin consolidé par tes qiT-f)^nte
he'irps et la nouvelle Sorbonne,
enrichie de l'intérieur par la mi-
norité aeissante de te contesta-
tion frlobflo et rermanente.
Dominique METZ
Mardi 28 Mai 196l
COMBAT
9]
CONTESTATION CREATRICE
par le Docteur Georges VERNE
La révolution que la jeunesse étudiante est en
train d'essayer d'accomplir - immédiatement ou à
terme - a déjà réalisé un exploit qui change les don-
nées du problème, telles que nous les connaissions
depuis des dizaines d'années : elle a donné mau-
vaise conscience à ceux qui avaient pris la décision
de la combattre.
L'opinion publique l'a, d'ailleurs, ressenti ainsi.
Mais il serait vain que ce tour de force eût été réa-
lisé, si on devait laisser perdre l'esprit qui l'a per-
mis, si la jeunesse se laissait aller à imaginer que
le Pouvoir a reculé devant sa puissance, alors qu'il
s'est senti contraint, provisoirement peut-être, par
son importance, c.a.d. par sa signification.
D'un seul c»up, la règle du jeu avait changé et il
suffit d'avoir assisté à l'apparition de quelques of-
ficiels dans les « étranges lucarnes », pour com-
prendre à quel point ils étaient désorientés par un
événement dont ils avaient peut-être prévu - quoi-
qu'on en dise - l'apparition, mais certainement pas
qu'il leur proposerait de jouer avec des cartes in-
connues d'eux ...
Inutile de dire que ce même Pouvoir ne manque-
rait pas l'occasion, si quelque bévue la lui offrait,
de reposer le problème dans les ternies qu'il con-
naît. Si, à l'Université, les « consommateurs » de-
vaient l'emporter sur les « révolutionnaires » -
comme on peut imaginer que ce va être le cas - la
bévue serait commise et justifierait la récente dé-
claration d'un personnage important de l'Etat, s»n
Président : « La réforme, oui la chienlit, non ! »...
Ou, en d'autres termes : l'évolution dans le sys-
tème, oui, la récusation du système, non.
Au delà de ses motivations immédiates, ce mou-
vement des jeunes de l'Université parait sous-ten-
du par deux causes magistrales, qui relèvent essen-
tiellement de la dialectique inhérente à la psycho-
logie de l'individu.
- La première en est la révolte contre l'autorité
« d'images parentales » qui ne tiennent plus leur
contrat.
Qu'on le veuille ou non, le XXe siècle a déjà été
marqué par deux révolutions décisives, mais qui
n'ont pas encore été « intégrées », dont la « leçon »
n'est pas encore devenue vivante...
L'une est l'apparition d'une nouvelle physique,
dont les conséquences philosophiques ont entière-
ment reposé le problème de l'existence, en nous
montrant que, à côté de la réalité macroscopique, la
seule que nous connaissions jusque là, existait une
réalité microscopique, dont les lois sont différentes:
il peut donc exister des architectures logiques diffé-
rentes.
Or, la réalité de l'homme participe des deux, elle
en est même, probablement, la synthèse et c'est
pourquoi nous ne sommes pas encore parvenus à en
parler de manière décisive, dans la mesure où nous
lui appliquions la « logique du macroscopique », la
seule que nous connaissions encore ...
La seconde est la révolution psychologique qui,
parallèlement à la rénovation de la physique, a
montré qu'à côté du conscient, que nous cîmnais-
sions, existait aussi une réalité inconsciente, que
nous ne connaissions pas, ou mal et que la vérité
de l'individu exigeait l'ouverture entre eux du dia-
logue, une dialectique de l'inconscient et du cons-
cient.
Or, la grande majorité des « parents » occiden-
taux, c.a.d tout ce qui, à un titre ou un autre, in-
carne aujourd'hui l'autorité, le savoir, les solutions
- l'Etat, l'Eglise, l'Armée, les Syndicats, le Com-
munisme, etc ... - raisonne selon les lois du ma-
croscopique et celles du conscient seul.
Tout le monde, cependant, sait ou sent bien que
le problème ne se pose plus en ces termes, désor-
mais dépassés : il était inévitable que devînt insup-
portable une génération qui, tout en continuant à
se poser comme détentrice des solutions, tout en
continuant à prétendre profiter des bénéfices de la
situation - et d'abord, le droit de maintenir un dé-
calage de dignité entre elle-même et ses suivantes
- n'était plus en mesure de répondre à la question
et ne tenait donc plus son contrat.
La révolte d'aujourd'hui est, d'abord, celle d'une
récusation de la « fonction parentale », incapable
de répondre à la question telle qu'elle est désor-
mais posée ...
- Mais il y a plus ... et qui, cette fois, ne tient
plus à l'évolution des hommes, en général, mais
aux options que le monde d'Occident a été mené
à prendre, au long de son histoire.
Notre civilisation est une civilisation rationnelle,
qui accorde le maximum de crédit et de prestige à
la pensée, c.a.d aux principes, à la loi, au program-
me : nous vivons sous la tyrannie du programme
légal.
Malheureusement - mais c'est là une des réali-
tés fondamentales de la psychologie de l'homme -
toute hypertrophie d'une partie d'elle-même s'ac-
compagne du refoulement, de la dévalorisation de
ce qui lui est contraire. Le « contraire de la pen-
sée » ne peut plus, de la sorte, s'exprimer souverai-
• nement, en son nom et se trouve condamné à me-
ner une existence d'ombre méprisée traquée et in-
terdite de séjour.
Si tout ce qui relève de la spontanéité, de la
disponibilité de l'irrationnalité, se trouve ainsi in-
terdit, de fait sinon de droit, nous nous trouverons
nous-mêmes condamnés à tourner en rond autour de
ce que nous savons déjà et indisponibles à l'inatten-
du : interdits de création.
On imagine aisément que si l'Occident a pris le
pli d'obéir au programme et aux principes et que
les principes soient désormais faux ou, en tout cas,
insuffisants, dans quelle impasse il ne pouvait man-
quer d'aboutir !
Depuis longtemps déjà, s'annonce cette revendi-
cation aux facultés de spontanéité et de disponibi-
lité, cette nécessité d'échapper du corset limité de
règles dépassées. Sans vouloir remettre en cause la
validité d'une attitude qui eût son heure de gloire
- et d'efficacité - vouloir la perpétuer, à l'heure où
elle fait la preuve de ses carences, de son inapti-
tude à « prendre en compte » les problèmes d'au-
jourd'hui, serait démontrer un esprit conservateur
et de maintenance, incompatible avec le devenir
de la vie.
Ce que la révolte étudiante montre - même si
elle échoue, provisoirement, dans son entreprise -
c'est une décision de choisir le projet et de se ren-
dre disponible à l'inattendu. Et je nous souhaite à
tous, lorsque la question est posée de savoir quel
« programme » on peut opposer aux principes déjà
établis, le courage élémentaire d'un « Je ne sais
pas ». prélude à la création de principes à venir.
Telles sont, me semble-t-il, les motivations fon-
damentales d'un geste qui a, un moment, forcé le
respect de celui qui n'a plus osé se dire ouverte-
ment son adversaire, sans aller, évidemment, jus-
qu'à ouvrir l'instruction de son propre et néces-
saire procès ...
Mais que va-t-il, maintenant, advenir du souffle
de cet esprit de novation qui, en dépit des menaces,
a cbjoisi de dépasser la peur de perdre, au profit
de l'espoir de devenir ?
Ils sont, à mon sens, de trois ordres : - et d'abord,
la démission. Si les étudiants choisissent de passer
d'abord leurs examens, quitte à entreprendre en-
suite la révolution, c'est qu'ils veulent se leurrer
et qu'ils ont, en fait, choisi la garantie du déjà-
connu, c.a.d le renoncement à ce qui faisait la si-
gnification de leur action.
- ensuite, une politisation malhabile du mouve-
ment et j'entends par là, non pas une politisation
au sens large, c.a.d un « intéressement de la cité. »
à ce problème magistral, mais l'adoption d'une at-
titude politique déjà répertoriée, ce qui signifie-
rait, à mon sens, la fin du mouvement tel qu'il est
né et pourrait se développer : le retour au réper-
toire des solutions connues qui n'en sont, je le
crains, malheureusement plus.
Il faut bien comprendre que le communisme, ou
le syndicalisme, tels qu'ils se sont stratifiés et struc-
turés au cours de leur histoire, sont des attitudes
bâties sur les mêmes principes et les mêmes op-
tions de base que le gaullisme, par exemple. Le
communisme, comme les syndicats, comme le gaul-
lisme, appartiennent tous au même système, même
si les expressions en sont différentes : il n'est, d'ail-
leurs, que de voir, sur les écrans de la télévision,
le Premier Ministre ou les chefs des grandes Cen-
trales Syndicales, pour ne pas douter que ces gens
sont tous du même monde, celui d'une « règle du
jeu » dépassée et toujours communément accep-
tée...
Adopter, par exemple, la couleur communiste, ou
se soumettre aux mots d'ordre des syndicats, re-
viendrait à replacer le problème dans un cadre dé-
jà connu, qui est celui d'un combat à l'intérieur d'un
système codifié... alors qu'il s'agit de changer de
système et sans savoir encore, avec précision, ce que
sera le nouveau code.
J'entends bien que les ouvriers, en général, puis-
sent être réticents, face à ce « programme » qui
n'en est pas un. Ils sont en droit de se demander
s'il est bien légitime de leur enlever brusquement
les bénéfices du système - et il y en a - au mo-
ment où ils pensaient, après des dizaines d'années
de lutte, y accéder. Et ce. pour une « aventure »
dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle est encore
passablement « informulée »...
Je crois cependant que, dès l'instant que la ques-
tion du changement de système a été sérieusement
posée, on ne peut plus faire comme si elle ne l'avait
pas été et je crois aussi que la majorité des ouvriers
le sait.
Qu'on le veuille ou non, la « lutte du peuple con-
tre la bourgeoisie >. bien qu'encore tentante, est au-
jourd'hui la « politique de papa ». Elle est devenue
la lutte de la novation contre l'orthodoxie, quelque
soit l'orthodoxie et, sur ce point, je pense que le
Parti n'a de leçon à recevoir de personne-
Cette prise de conscience sera peut-être lente :
je la crois inéluctable.
Il est d'ailleurs clair que la solution n'est pas cel-
le, uniquement, d'un changement de régime politi-
que, selon les normes déjà connues : les étudiants
de Varsovie et d'ailleurs ont démontré que l'écono-
mie socialiste n'était pas une réponse à la question
posée...
Il est possible que le mouvement se dégrade en
lutte politique classique - il est probable qu'il le fe-
ra - et devienne ainsi une révolution restreinte, une
révolution au premier degré, voire même un réfor-
misme limité, c.a.d. au mieux, un changement de
bénéficiaires dans un système connu. Pour ceux qui
n'ont encore jamais pleinement participé aux béné-
fices, ce n'est pas un mince résultat, je dois le dire :
mais on pouvait espérer tellement mieux, y compris
ce résultat-là..
Mais alors, il faut convenir que le mouvement
étudiant - s'il existait encore - perdrait tout titre à
cette espèce de reconnaissance de dignité que ses
premières manifestations ont su lui valoir et qu'il
rendrait à l'autorité constituée son droit entier de
lui répliquer par les méthodes qu'elle jugerait bon-
nes, y compris la répression, puisqu'on aurait alors
décidé de violer une roule dont on a reconnu la va-
lidité. 11 ne faudrait plus, désormais, compter que
s;ir « l'humanité » «les forces de répression, ce qui,
à mon sens, relève du souhait pïnux...
Sans doute serait-il plus souhaitable d'affirmer
une récusation fondamentale de la règle et d'insti-
tuer ainsi une révolution centralisée, une révolu-
tion au second degré, à quoi chacun pourrait parti-
ciper et, au premier chef, étudiants et ouvriers, com-
pagnons d'évidence dans une entreprise de rénova-
tion à la base ; mais qui demeurerait ouverte à cha-
cun, comme p.irtisan et comme acteur et ne connaî-
trait plus comme adversaire que les tenants d'une
maintenance, à tout prix, d'une règle qui rnu-Innu
sa faillite...
Non que la maintenance soit un vice en eilc-ivriv
nie : elle l'est aujourd'hui.
Mais si cet espoir de révolution géîiéivlisoe vent
un jour - aujourd'hui ou plus tard - entrer dans Ire
voie de sa réalisation, il est un point sur lequel !a
prise de conscience doit se faire car il conditionne.
je le crains, le succès ou l'échec final de 1 entrer/; .'se.
C'est le troisième point que je voulais aborder
quitte à me voir qualifier de persunnnKste par les
amateurs de classifications.
Contrairement aux habitudes d'Occident, la révo-
lution qui est en train de naître ne se réalise pas au
nom du bien de l'ensemble, mais au nom de la criar-
tivité de la personne, même si ces personnes sent
beaucoup.
Sur ce point, la confusion serait grave, car clip
nous ramènerait, ipso facto, et sans même que nous
le sachions, vers le « système » : le danger n'en est
pas illusoire, tellement" est forte l'emprise de l'ha-
bitude...
La psychologie de l'individu - et celle des masses,
qui « répète » celle de l'individu - est ainsi faite
qu'il peut reconnaître en lui deux pôles contradic-
toires.
L'un est celui d'une appartenance à l'ensemble,
qui l'amène à accorder plus d'importance, de crédit,
de dignité, à accorder le primat au groupe, à la com-
munauté, de préférence au particulier, alors baptisé
égoïsme ou égocentrisme.
L'autre est un pôle de singularité, d'exception, qui
amène l'individu à préférer en lui ce qu'il y recon-
naît d'unique, de personnel, quitte à ne consentir
alors à la communauté qu'une existence dévalorisée
de masse anonyme et stérilisante.
Nous possédons tous ces deux pôles mais, comme
il est difficile de les concilier, nous avons tendance
à réputer l'un juste et l'autre malsain, à choisir l'un
des deux et ignorer ou combattre l'autre.
Les sociétés n'échappent pas à cette loi indivi-
duelle : et c'est ainsi, par exemple, que le monde
d'Occident, au cours de son histoire, a été amené à
faire une option qui est, aujourd'hui, le choix de la
dignité préférable de l'ensemble et la dévalorisation
de la singularité.
Il n'est pas de bon ton. chez nous, de parler de
son intérêt : celui « des autres » doit ou, en tiiut
cas, devrait l'emporter et je n'ai jamais, pour ma
part, entendu ou lu de déclaration politique, par
exemple - et l'on sait qu'elles fleurissent en ces
jours - qui ne fût essentiellement, voire exclusive-
ment fondé sur le « bien commun », sur le privilège
au plus grand nombre par rapport à l'individu.
Ce n'est pas là un jugement de valeur, niais un
constat. Et ce constat en entraîne un autre : c'est
que les « problèmes » de l'Occident, généralement
parlant, concernent cette pnrt de lui-même dont il
veut mal reconnaître la dignité... ce sont des pro-
blèmes de revalorisation de la singularité : car la
santé de la vie suppose le dialogue, à égalité de di-
gnité, de ces apparentes contradictions.
A l'inverse, le monde oriental, très généralement
parlant, a opté pour le pôle de la singularité, au dé-
triment de celui de l'appartenance à l'ensemble. Ce
qui explique que, chez lui, le social soit - était, en
tout cas - lettre morte et qu'il ignore l'économie, qui
est une invention de gens « sociaux ».
A l'évidence, les problèmes de l'Orient sont des
problèmes de revalorisation de l'ensemble et de
naissance à l'économie. Ce sont des problèmes gé-
néraux, d'ailleurs, à ce que l'on appelle le Tiers-
Monde qui. s'il est effectivement « sous-développé »
du point de vue économique et social, est, en re-
vanche, fort en avance sur nous en ce qui concerne
ce que l'on pourrait appeler « les problèmes de
l'âme », c.a.d. tout ce qui est autre que la fabrica-
tion et la rémr'i!;'*n do produits, pour leur consom-
mation.
Ce qui pourrait nous amener à imaginer que le
dialogue avec le Tiers-Monde n'est pas seulement
une manifestation de nos bons sentiments ou la re-
cherche de débouchés nouveaux, mais un échange
réciproque de bons services et de bonnes leçons.
En fait de leçon, d'ailleurs, il serait peut-être bon
de comprendre celle que nous donne la Révolution
Culturelle de Mao-Tsé-Toung. non pour imiter ce
qu'elle fait, mais l'esprit qu'elle démontre en le fai-
sant : car, chez un peuple qui a, fondamentalement,
choisi la singularité, elle introduit la réplique de
l'appartenance à l'ensemble. En ce sens, elle est un
facteur de complétude et, comme le. veut Mao, l'an-
nonce d'un homme nouveau, celui chez qui l'ensem-
ble et la singularité dialogueront à égalité de di-
gnité.
Il va de soi que si, chez nous, nous nous mettions
à imiter les méthodes maoïstes, qui représentent
l'introduction du social et de son instrument d'élec-
tion, l'économie, dans la singularité, nous ne ferions
qu'en rajouter sur notre « système » préféré et nous
enfoncer un peu plus dans notre inauthenticité.
Il serait, sans doute, plus vrai d'imiter l'esprit,
maoïste l'esprit de complétude et de travailler ainsi
à réintroduire la créativité de la singularité, do
l'exception, c.ms un social déjà reconnu et abon-
damment t'-Xp lo >•'.'.
Voilà pourquoi je pense que ce mouvement, qui
vient de naître et va, peut-être - provisoirement -
mourir, qui propose de récuser la systématique de
la règle au Ix'ncfice de In création, qui propose, sans
pour autant l'ignorer, un autre langage que celui de
î*éconr.:iii<jue... est une proclamation de la créativité
de la personne, la « dignité » d'être responsable (le
la création de ses propres solutions, en son nom.
La révolution d'aujourd'hui est une révolution
psychologique : la politique ne saurait être que son
moyen. En méconnaissant cette évidence, elle ne
saurait éviter de trahir le sens de son action, ou-
vrant ainsi la porte, je le crains, à la compromis-
sion ou à la bonne conscience d'une éventuelle ré-
pression. '
10
La crise universitaire
Les Étudiants sont décidés à ne pas céder
La lutte, des étudiants a pris très tôt une signi-
cation politique. Les barricades qui ont été dressées
à Paris et en province ne l'ont pas été -pour la ré-
forme de l'Université, mais contre le pouvoir gaul-
liste et le régime policier sur lequel il s'appuie. Même
la revendication universitaire est profondément po-
litique quand elle dénonce l'Université de classe et
la sélection et quand elle exige les libertés politiques
et syndicales.
Le syndicalisme étudiant est depuis longtemps
politisé en France, sans doute plus que dans les au-
tres pays occidentaux : la guerre d'Algérie a laissé
d'importantes séquelles et depuis lors, l'UNEF cher-
chait le moyan de développer la signification poli-
tique de ses revendications et à en marquer plus i.et-
tement le but.
Les « groupuscules », tout en maintenant un
haut degré de politisation, empêchèrent que l'UNEF
-- même dirigée par des membres du PSU puisse re-
joindre l'opposition politique et parlementaire. De-
puis un mois, celle-ci a montré son existence et les
étudiants n'attendent rien de l'Assemblée nationa-
le. Méprisant les états-maiors de partis trop intégres
dans le système, ils se sont tournés vers les ouvriers
et les syndicats. Là, les premiers contacts ne fyrent
pas à la hauteur de ce qui pouvait être espéré ; le
P.C. et la C.G.T., s'attachèrent à ne pas laisser les
étudiants trop pénétrer dans les usines afin de n'être
pas débordés par des enragés qui manquaient de
respect à leur égard. Et après l'extraordinaire ma-
nifestation du 13 mai, les syndicats semblèrent pren-
dre quelque distance et ne plus s'occuper de ces étu-
diants auxquels ils devaient pourtant leur nouve.lia
vigueur.
C'est ainsi qu'on vit la C.G.T., vendredi dernier,
refuser de s'associer à la manifestation organisée
par l'UNEF et le SNE Sup. à la gare de Lyon, alors
qu'elle montrait sa puissance dans d'autres rues.
D'autre part, le P.C. et la C.F.D.T., ne cachèrent
pas leur dédain (et c'est une litote) envers Daniel
Cohn-Bend.it et l'outrance verbale de ses camarades;
ces deux organisations protégèrent leurs adhérents
des risques d'émeute et laissèrent les étudiants face
aux C.R.S.
Les étudiants cependant furent rejoints par des
milliers de travailleurs et de chômeurs venus spon-
tanément protester contre la répression policière
et manifester leur colère à rencontre d'un régime
hypocrite. En essayant de détourner la lutte vers
des fins purement syndicales pour obtenir de nou-
veaux avantages matériels et sociaux, le P.C. et la
C.G.T.. sauvèrent le gouvernement, que le parlement
n'avait pas su remettre en question et se coupèrent
de la masse des étudiants et des manifestants de
la nuit de vendredi, quitte à créer quelques cas de
conscience chez certains de leurs adhérents.
On pouvait croire que, lâchés par les syndicats
ouvriers, les étudiants allaient rester seuls et ne
pourraient plus donner à leur mouvement les pro-
longements politiques dont ils rêvaient. On pouvait
penser que tout allait rentrer dans l'ordre et que les
étudiants n'auraient plus qu'à retrouver leur cal-
me ou à se faire ramener à la raison par les fonc-
tionnaires « délicats » dont M. Fnuchet lait si bien
usage.
Or l'a/faire rebondit. La masse des travailleurs
semble vouloir plus que l'augmentation des salaires
et ne plus accepter le dialogue avec un régime qu'elle
désapprouve.
La CFDT paraît mécontente devant la trop rapi-
de entente du gouvernement et de la CGT.
Dans une lutte devnue clairement politique, tou-
tes les forces plus disponibles que les ouvriers, ont
pu montrer avec courage leur détermination d'en fi-
nir une fois pour toutes non seulement avec le gou-
vernement actuel mais avec tout le régime gaul-
liste.
La route peut désormais s'ouvrir à un front po-
pulaire si les hommes de gauche sont prêts à prendre
leurs responsabilités. Quoi qu'il en soit et quel que
soit l'avenir, a ne faudra pas oublier que les étu-
diants auront porté au régime un coup qui est peut-
être décisif. Ils auront bien gagné une Université
autonome et un enseignement rénové.
Si le régime actuel devait encore rester au pou-
voir, il ne pourrait en tout cas pas faire une réfor-
me de l'Université en négligeant cette réalité.
Le chantage à la guerre civile et aux dépôts
d'armes montre bien que le gouvernement n'est pas
aveugle et qu'il sait ne pouvoir s'en sortir que par
la ruse et la force.
Le conflit dont on croyait qu'il pourait se cir-
conscrire à nouveau dans le cadre de l'Université
n'est pas près d'être réglé. Gageons que les étudiants
poursuivront leur lutte tant que le régime actuel sera
en place.
Gilles PLAZY
Après le départ de M. GEISMAH
Le SNESup entend se consacrer
aux luttes syndicales
M Alain Geismar, secrétaire ge-
^iéri.9 du. SNE-Sup, a annoncé,
hier matin, au cours d'une confé-
rence de presse, « Qu'au lende-
main d'un congrès qui a approuve
massivement l'action Ou syndicat
depuis le 3 mai, le bureau natuj-
nal du SNE-Sup, a accepté de dé-
charger les camarades Alain Geis-
mar. secrétaire général, et M. Fon-
taine, secrétaire général adjoint,
de leurs fonctions syndicales ».
Le communiqué qui a été dis-
tribué ajfmte : « Leur présence
à la direction du syndicat, simul-
tanément avec leur rôle poitique,
terait un frein au développement
du mouvement, ce que le bureau
national ne sovha'te vas »•
Le départ de MM. Alain Geis-
mar et Michel Fontaine, respec-
tivement secrétaire général et se-
crétaire général adjoint du syndi- que s'exercera
cat national de l'enseignement su- du SNE-Sup.
périeur, n'ouvre pas de crise dans
la direction de l'organisation
syndicale, indique-t-on à ce syn-
dicat, pvisque selon les termes
mêmes du communiqué « Le bu-
reau national dirigera collegiale-
ment l'action du syndicat ».
Le rôle du SNE-Sup, ajoute ce
communiqué « ne peut et ne doit
pas être la direction nn'i tique du
mouvement ».
Le SNE-Sup souligne par là
qu'O entend jouer un rôle essen-
tiellement syndical comme le font
d'une part les grandes centrales
ouvrières et d'autre part, la fé-
dération de l'Education nationa-
le.
M. Alain Geismar s'était signale
par la dureté de ses positions au
cours de la crise universitaire. Il
avait pourtant samedi infléchi sa
ligne d'action « renonçons à la
violence avait-il dit et lançons une
campagne d'information ».
A la suite de ces commu-
niqués, il apparaît claire-
ment que le bureau du SNE-
Sup enteryi concentrer son
action sur la recherche de
réformes universitaires et
se limiter à un rôle syn-
dical.
Par contre M. Alain Geis-
mar, qui se détachait de
plus en plus du bureau na-
tional dans ses prises de po-
sition, ne se contente pas de
conquérir c des positions de
pouvoir dans le système
universitaire » : tandis qu'il
estimait possible, samedi,
l'action politique dans des
cadres syndicaux, il a du
démissionner hier de t
fonctions syndicales et prend
ainsi en queque sorte la di-
rection, politique du mouve-
ment.
B. A.
Les nouvelles orientations du SNE Sup
« C'est dans quatre directions
désormais Faction
1) - L'autonomie
des universités, 2) - l'orientation
sélection dans l'enseignement su-
périeur, les examens et les sta-
tuts de l'enseignement, 3) - le sta-
tut des enseignants dans l'ensei-
gnement supériur, 4) -la politi-
Qite de la science ».
« Par autonomie des universités,
le SNE-Sup. entend principalement
l'autonomie de gestion financière
dans le cadre d'un financement
par les pouvoirs publics, la libre
détermination de la forme et du
contenu de l'enseignement et des
L'interdiction de M. Cohn-Bendit :
UNE MESURE ILLEGALE
L'interdiction faite à l'encon-
tre de M. Cohn-Bendit est illé-
gale. Si elle ne l'est pas au fond,
elle l'est dans la forme. Elle a,
en effet, été prise en vertu de
l'Ordonnance du 2 novembre
1945 relative aux conditions
d'entrée et de séjour des étran-
gers en France. Qui dit, dans son
Article 23 que l'expulsion peut
être prononcée par arrêté du
ministre de l'Intérieur si la pré-
sence de l'étranger sur le terri-
toire français constitue une me-
nace pour l'ordre public ou le
crédit public...
Il est déjà permis de s'inter-
roger sur le mot « présence ».
La loi n'étant pas un texte lit-
téraire, le mot « présence » doit
être pris dans sons sens le plus
fort, c'est à dire, la présence
physique de M. Cohn-Bendit sur
le territoire français, or, lorsque
cette mesure a été prise, M.
Cohn-Bendit était « absent ».
En outre, un ressortissant étran-
ger, titulaire d'un permis de sé-
jour a le droit d'être entendu
C'est ce que dit l'article 25 du
même texte :
L'étranger s'il le demande a
dans les 8 jours de cette notifi-
cation et sauf cas d'urgence ab-
solue par le ministre de l'Inté-
rieur le droit d'être entendu seul
ou assisté d'un conseil par une
commission spéciale siégeant
auprès du Préfet et composée :
du Président du Tribunal Civil
du chef lieu du département du
Chef du Service des Etrangers
à la Préfecture d'un Conseiller
de Préfecture ou à son défaut
d'un fonctionnaire désigné par
le ministre de l'Intérieur.
Il ne semble pas que cette
procédure ait été respecté. II est
vrai que le général de Gaulle
est au dessus des lois et que M.
Fouchet les ignore.
Martin EVEN
méthodes d'analyse des capacités
des étudiants, la mise en place
d'instances de contrôle et le plein
exercice des libertés syndicales et
politiques, ce qui implique -une li-
bre information ».
En ce qui concerne l'orientation
et la sélection dans l'enseignement
supérieur, « le SNE-Sup. agira
contre toutes les mesures d'élimi-
nation, contre la spécialisation ou-
trancière, pour la diversification
des enseignements et la mise en
place des enseignements nouveaux
notamment technologiques, ce qui
fonde la demande de suppression
des grandes écoles.
En ce qui concerne, enfin, la po-
litique de la science, le syndicat
national de l'enseignement supé-
rieur « tentera de révéler les con-
tradictions entre les objectifs scien-
tifiques du régime et ceux d'une
civilisation culturelle au service de
la population et des vays sous-
développés ».
En ce qui concerne l'importance
de la crise universitaire, le SNE-
Sup. estime « que l'Université
joue un rôle décisif dans le déve-
loppement économique et pour la
perpétuation du régime social exis-
tant et que le pouvoir ne peut to-
lérer le développement de luttes
universitaires qui révèlent les con-
tradictions du système éducatif et
du régime dans son ensemble ».
De là provient, selon le SNE-Sup.,
« une répression policière brutale
du mouvement de contestation qui
a révélé les deux faces du régime
gaulliste : réformateur quand cela
lui su/fit et violemment répressif
quand cela lui devient nécessaire ».
• Les Capéciens d'Orsay, sont
Invités à se réunir le jeudi matin
à la Faculté d'Orsay, afin d'élire
des délégués de sections mathé-
matiques et sciences naturelles,
délégués qui les représenteront à
la réunion nationale «les Capes
de toutes académies cmi aura lieu
les 3 et 4 juin à Paris.
MEDECINE : les nouvelles
structures se précisent
Où en sont les réformes médica-
le» ? L'Assemblée générale da 23
Mal en a précisé le schéma «ui-
van(. :
_ Autonomie des C.H.U.
. Suppression du mandarinat.
- Nécessite d'une fonction hos-
pitalière rémunérée pour tous.
- Suppression des concours sons
leurs formes actuelles.
- Reconnaissance d'un Pouvoir
Etudiant et d'an droit de veto
sur les pointe essentiels (élection
da Doyen et de* aecessears : Bud-
get _ (recherche exceptée - : Or-
ganisation des enseignants, cons-
tructions universitaires.
- Solidarité, en particulier arec
les revendications Infirmière».
- Dans les hôpitaux, réunions
d'A.G. faisant ressortir la notion
de trois départements dans cha-
que service : soins, recherche, en-
seignement.
- Dans les jours qui viennent,
élection de collèges qui géreront
les départements Clinique et Re-
cherche. Le département Ensei-
gnement sera formé ultérieure-
ment.
Une motion résumant ces points
est adoptée.
Il reste à préciser le sens de
quelques notions évoquées ici.
Le mandarinat signifie en mé-
decine omnipotence de* chefs de
services hospitaliers. Leur pouvoir
est absolu et leurs décisions ne
peuvent être discutées.
Des professeurs de chaires ont
ces mêmes pouvoirs, mais en ou-
tre, détiennent parfois plusieurs
chaires.
Pour les uns comme pour les
antres, ces postes sont occupés
à vie, ce qui aboutit à un immo-
bilisme qu'il est à peine néces-
saire de détailler. Le tout for-
mant une caste « jouissant d'exor-
bitants privilèges moraux et ma-
tériels ». Les étudiants sont de ce
fait de plus en plus isolés au sein
d'un système rigide où les pro-
grammes sont pléthoriques, tandis
que !a sélection se fait pratique-
ment à tons les échelons par 1-c
examens ou les concours
I« droif ri» veto :
H a éfé reconnu par le dcyen.
Ce droit est défini non pas com-
me nn a priori, mais comme un à
posteriori, après étapes approfon-
dies. Ce dernier point constitue,
avec le principe de collégialité,
l'expression du désir de partici-
pation responsable des étudiants :
c'est-à-dire collaborer à la réfor-
me des structures actuelles de
l'université et de l'Hôpital, tout
en participant à leur gestion.
Conscients du rôle de l'Université
• Le syndicat national des ensei-
gnants de second degré a publié
un communiqué demandant le ren-
forcement et le développement de
la grève dans les lycées et CES :
« La pression des grévistes, dit-il
est plus que jamais nécessaire ».
et du médecin dans la société. Ifc
Twjdraient adapter run et l'antn
à l'évolution des besoins de cette
société.
Va désirent notamment couper
le c cordon ombilical » qui les
lient aux ministères, d'où les
technocrates élaborent et décident
de* réformes, «ans consulter les
parties intéressées.
La collégialité :
L'élection du collège par tout
le service doit être faite à bulle-
tin» secrets. M comprendra par
exemple, deux médecin* élus par
les « patrons », le* agrégé, et les
chef* de clinique, deux étudiants
«us par les Internes, les externes
et les stagiaire*, deux infirmières
et deux représentants du person-
nel ouvrier.
E» cas de conflit, la décision,
appartient a l'ensemble du servi-
ce réuni en assemblée générale.
Un coordinateur du système col.
légial sera rééligible périodique-
ment. entendu que le collège
comprend trois départements :
Clinique, Recherche et Enseigne-
ment.
Si les réunions de ces derniers
n'ont pas apporté de modifications
importantes aux travaux de réfor-
me des structures hospitalo-uni-
versitaires, cela ne signifie pas
pour autant qu« l'on chôme à !»
Faculté de Médecine.
Au service de documentation et
de synthèse créé depuis le 13 mal
des etiKÏbnts, étudient, à fond, lé
fonctionnement et les structures
de la médecine dans les différents
pays de I Ouest comme de l'Est.
Par ailleurs, tons les jours »
17 h. <* réunissent les commls-
6V la Faculté et des CHTT.
ÏÏÎ éW DreP»r*es dans l'a-
.T par de sons-commissions.
Enfin tous les trois Jours. leurs
fravaoT sont présentés à l'assem-
M«e générale des étudiants en
médecine, poor ftrr riAh^ff,,, -*
& Le Bureau coruèUcTal nés
syndicats médicaux annonce dans
un communiqué que « réuni &
Paris d'urgtence, le 26 mai, il
exige la participation de la con-
fédération des syndicats médi-
caux français à toute négociation
portant sur la réforme de Tassa-.
rance maladie à l'occasion de la'
révision des ordonnances.
« La Confédération réaffirme
ses options fondamentales :
1) — Défense de tous les mé-
decins quel que soit leur mode
d'exercice.
2) — Aménagement du régime
.•''ni'cutionnel collectif permettant
à la médecine libérale d'assurer
à tous l'accès à des soins confor-
mes aux données de la science
médicale moderne .
3) — Refus du tiers payant gé-
néralisé et de tout service natio-
nal de santé.
4) — Participation de la pro-
fession médicale à l'élaboration
de la politique sanitaire et socia-
le et association des étudiants
en médecine \ l'enspmhle de ces
travaux ».
Mardi 23 Mai 1968
COMBAT 11
LE POUVOIR ETUDIANT
Nous publions dans ces colonnes une synthèse réali-
sée par une équipe de chercheurs du C.R.I.U. (centre de
regroupement des informations universitaires). Ce travail
a été réalisé sur la base de documents rassemblés dans les
écoles et les facultés, il ne saurait être ni complet, ni ob-
jectif. Il est toutefois le symbole du sérieux avec lequel les
L'acte agressif est venu d'une
folle répression policière. Quelques
jours de sottise gouvernementale
ont suffi pour que s'organise une
nouvelle solidarité étudiante : si-
gne que le malaise était profond
et ia mutation nécessaire.
j^undi 13 mai, après une semai-
ne de manifestations de masse, les
étudiants décident d'occuper les
locaux universitaires. En agissant.
de la sorte, ils se sont eux-mêmes
attribué le pouvoir, antérieurement
détenu par leurs aînés. Désormais
maîtres de la place, aucune admi-
nistration, aucun pouvoir central
ne peut s'opposer à leur action.
Riche et presque grisée par ces
possibilités nouvelles de création
qui lui sont offertes, l'Université
connaît un immense défoulement :
idées neuves, talents, richesses hu-
maines peuvent enfin s'exprimer,
librement. C'est le débordement
des premiers jours. Les étudiants
prennent très vite conscience de !a
nécessité d'organiser ce pouvoir
neuf. Organiser mais sans briser
la spontanéité du mouvement. Par-
tout on combat avec force la bu-
reaucratisation, et i'organe princi-
pal de la révolution est le plus
souvent une Assemblée générale
ouverte à tous, foyer de contesta-
tion et de proposition, lieu unique
du pouvoir.
A partir de ces idées majeures,
plusieurs formules de démocratie
voient le jour. Les unes plus tra-
ditionnalistes prévoient l'élection
de délégués à qui les étudiants con-
fient temporairement leur pouvoir,
tes autres désirant permettre la
participation de tous travailleurs à
la mise en place de petits groupes
d'action, de commissions libres
dont le travail est coordonné p \r
une équipe d'animateurs à tout
moment révocable.
Parallèlement à cette mise en
place de structures souples surgit
le problème de la répartition des
pouvoirs entre enseignants et en-
seignés. C'est la solution paritai-
re qui est généralement retenue
dans les premiers jours : les com-
missions et conseils exécutifs sont
composés pour moitié de professeurs
et pour moitié d'étudiants. Pas-
sés quelques jours, cette solution
est souvent contestée, les étudiants
s'orientent alors vers la suppres-
sion de toute hiérarchie, ensei-
gnants et enseignés n'ayant plus
qu'un seul et même statut : celui
de travailleur intellectuel.
Très tôt, l'Université de Stras-
bourg s'est déclarée autonome.
Son exemple fut rapidement sui-
vi : l'autonomie permet aux uni-
versités d'échapper à la tutelle
stérilisante du pouvoir central.
Mais à la réflexion, les étudiants
et les enseignants perçoivent quels
peuvent être les dangers d'un tel
statut. L'autonomie, si elle n'est
pas accompagnée d'une contesta-
tion permanente, peut devenir fac-
teur de conservatisme.
Comment va-t-on gérer cette li-
berté ? Les mots clés sont coges-
tion, auto-gestion et participation.
Participation, c'est-à-dire recon-
naître que l'étudiant a de fait ou
de droit le pouvoir, donc doit avoir
une part aux responsabilités dans
la gestion des ensembles uinversi-
taires. Le premier problème con-
siste en l'organisation de cette
participation. En effet, doit-on la
parlementariser en déléguant ce
pouvoir à des députés seuls habi-
lités à penser ou à agir, ou bien
permettre à tous et à tous mo-
ments de rester responsables ac-
tifs de l'Université dans laquelle
ils travaillent ; voilà un dilemme
contraignant. L'imagination créa-
REFUSER LE PIEGE
(suite de la 1ère page)
ce référendum soit vidé de la
valeur plébiscitaire que les Gaul-
listes entendent lui donner. H ne
faut pas seulement voter non. il
faut dire non.
Il ne faut pas que l'aspira-
tion à une redistribution radi-
cale de l'autorité politique, à un
déplacement de ses sources, à
une remise à tous de son usage,
so.t détournée de son cours par
le simulacre d'une consultation
sans objet.
Le mouvement de Mai 19K&
n'aura rien été s'il ne se passe
'.n juin 1968 qu'une demi-victoire
gaulliste, ou même si de Gaulle
s'en va tout en laissant derrière
lui l'Etat répressif qu'il a mis
en place. Il faut démolir et re-
construire les assises mêmss de
l'organisation politique. Toute
révolution, dans la situation
française actuelle, passe par la.
La jeunesse, les ouvriers, les
•paysans, les travailleurs intel-
lectuels, les cadres doivent le
comprendre et l'entreprendre,
tous à leur manière.
Les étudiants doivent com-
prendre qu'il n'est pas de révo-
lution sans action réelle sur les
données existantes : nous ne
sommes ni en Chine, ni à Cu-
ba, ni en 1871, ni en 1917. Nous
sommes dans la France cnpiialis
te et autoritaire, au sein d'une
Europe capitaliste et semi-auto-
ritaire, où les leviers démocrati-
ques capables d'amener une ré-
volution sociale sont peu nom-
breux. Nous sommes dans une
société industrielle et l'oublier,
sous prétexte de refuser la * so-
ciété de consommation ». est
une -robinsonnade sans portée :
les sans-culotte n'ont' pas fait
la révolution contre la machine
à vapeur mais contre la morar-
chie Que l'imagination prenne
le pouvoir, d'accord, mais vas
la fantaisie.
Les étudiants doivent donc, et
ils ont deux semaines pour le
taire, agir sur ce qui existe, avec
ce qui existe Le but est de con-
traindre la société politique
française à une révision radica-
le, qui aboutisse à rendre vrai-
ment la parole au peuple, et non
le micro à de Gaulle.
Quant aux travailleurs ma-
nuels et intellectuels, aux sala-
riés à cols blancs et aux paysans,
ils savent qu'aucune des victoi-
res qu'ils viennent d'obtenir
n'aurait été possible sans la ré-
volte des jeunes. Qu'ils sachent
qu'aucune ne sera durable s'ils
lâchent les étudiants. Sur le plan
le fa morale révolutionnaire, il
serait injuste et honteux qu'ils
favorisent, fût-ce par leur in-
différence et en prenant leurs
distances, la répression impito-
yable dont Pompidou a déjà pro-
clamé l'imminence et commen-
cé l'exécution. Le relèvement des
salaires risquerait fort alors de
prendre un goût de sang et la
classe ouvrière abandonnerait
dans cette trahison sa riiarité
historique.
Puissent les travailleurs des
villes et des campagnes, des bu-
reaux et des usines, ne pas si-
gner leur abdication politique
en échange d'avantages sociaux
provisoires. Les jeunes travail-
leurs ont ici un rôle capital à
jouer, ils doivent soutenir les
jeunes étudiants pour faire com-
prendre au peuple tout entier
qu'effrayer un maître pour If
laisser ensuite en place avec
tous ses pouvoirs revient à ou-
vrir la porte à la dictature. Lus
ïrarailleurs ne peuvent consentir
par leur défection à un compro-
mis dont ils seraient à brère
échéance les prirtfipalei victi-
mes. Les concessions qu'ils oui
obtenues, de toute manjère ils
y avaient droit. Le pouvoir ne <.•?;
leur a pas accordées parce q;i'ii
l'a bien voulu, mais pour sauver
sa peau
Nous avons 15 jours pour sau-
ver la nôtre, faute de quoi nous
serons tous, à nouveau, pris
dans la souricière du po>-"i oir
personnel La priorité zbso'ue
reste "abolition de l'imposture.
la démission du gouvernement
et du Général de Gaulle, la re-
rniKp '"conditionnelle de l'OKTF
aux citoyens, la fixation df nou-
velles élections. Tout aura *.té
fait en vain si cela n'est DUS
obtenu.
J.-F. REVEL
étudiants abordent les problèmes qui les concernent. Si
la foire aux idées de la Sorbonne peut apparaître, aux yeux
de certains, comme un- défoulement collectif, ce n'est
qu'apparence. Il s'agit- en fait, du bouillon de culture où
une nouvelle école de pensée est en train de naître.
trice des étudiants y repond en
ce moment même par des soiutons
neuves. Enfin pour que ne s'arrête
pas le mouvement de contestation,
nombreux sont ceux qui prévoient
ia mise en place de cornues de
contestation.
« Toi, mon camarade, toi que
j'ignorais derrière les turbulences,
toi jugulé, apeuré, asphyxié, viens :
« Parle Nous ». L'invitation est
lancée, des commissions se lor-
ment spontanément, des tonnes
de contestation et de dialogue
s'installent. Des travaux de ces
groupes et des ces assemblées, u
est difficile d'avoir dès aujourd'hui
une vue d'ensemble correcte , il
est néanmoins possible, avec tou-
tes les réserves qui s'imposent, d'é-
numérer quels ont été jusqu'à
maintenant les principaux thèmes
de la réflexion étudiante.
Première préoccupation : sortir
des ghettos universitaires ; il faut
que l'Université prenne l'air, qu'el-
le se dépoussière, qu'elle ouvre ses
portes et ses soupirails. Il faut
que les étudiants puissent - enfin
- prendre contact avec des travail-
leurs, confronter avec eux idées
et idéaux. Permettre à tout citoyen
d'entrer dans "Université et à l'é-
tudiant de découvrir le monde du
travail... Première revendication
étudiante. Certains proposent l'U-
niversité populaire, foyer de con-
testation, de discussion, et de for-
mation où syndicalistes, intellec-
tuels, chercheurs, pourraient
échanger, s'informer, se concerter
pour l'action. D'autres proposent
la suppression de l'Université 'om-
me lieu privilégié de culture et de
créatioi. ; ils voudraient s'achemi-
ner vers un type de société en état
d'éducation permanente, où tout
praticien serait à '.a fois étudiant
ft r.-herche-jf
QaoïquiJ en soit ae CL- qu, pré-
cède, les étudiants sont unanimes
sur ce point : « La culture ne doit
plus être gardée à vue dans des
ghettos int 3llectuels ». Ouvrir l'Uni-
versité sur la société ; mait sur
quelle société ? La société de con-
sommation néo-capitaliste refusée
par le monde étudiant ? Telle est
la question qui se pose actuelle-
ment à lui : faire de l'Université
un facteur de transformation de la
société ou transformer la société
pour tranformer l'Université ?
Autre thème majeur de ré-
flexion : travailler à un statut
nouveau de l'enseignant. L'ensei-
gnant deviendrait un expert sans
pouvoir spécial au service de com-
munautés de travail ; en ce cas
de nombreux étudiants pourraient
jouer ce rôle pour leurs camara-
des plus jeunes. L'enseignant ne
serait plus recruté au vu de ses
diplômes mais en fonction des be-
soins des étudiants, ce qui permet-
trait à l'Université de devenir un
lieu de "encontre de chercheurs et
de praticiens venus de tous les ho-
rizons. Le statut de l'enseignant
serait donc le même que celui de
l'étudiant : chercheur parmi les
-hercheurs, praticien parmi les
praticiens, travailleur parmi les
travailleurs.
Les étudiants dans leur grande
majorité énoncent ia nullité pé-
dagogique de l'Université. Fondée
sur le stockage passif de connais-
sance, sur la répression, sur !a
compétition et sur un conîormis-
me étroit, la pédagogie de l'Uni-
versité forme des êtres somnolents
incapables de s'exprimer, de tra-
vailler en groupe, de décider, de
créer. L'expérience concrète lut
sur ce point rès révélatrice. Après
le treize Mai, lorsque les étudiants
commencèrent à vouloir organiser
leur révolution, ils découvrirent
qu'ils ne savaient ni travailler en
groupe, ni s'exprimer en public, ni
animer correctement un débat
L'absence de toute formation hu-
maine à l'école et à l'Université
explique pour une grande part les
difficultés éprouvées par les étu-
diants durant ces dernières semai-
nes.
Les multiples propositions qui se
font jour dans les commissions de
travail tendent à la définition
d'une nouvelle pédagagie. Considé-
ré comme participant à sa propre
formation dès le début de ses étu-
des, l'enfant devrait être en me-
sure d'évaluer lui-même la pro-
gression de son travail. Ce serait
aussi une pédagogie de groupe qui
permettrait à l'étudiant de décou-
vrir et de situer le sens de son
action et de sa tâche dans l'ac-
tion collective et de s'initier aux
richesses du travail en équipe.
Dans le cadre de cette formation
à l'action, le cours magistral di-
rectif et abrutissant n'aurait plus
aucun sens. Il pourrait être rem-
placé suggèrent certaines commis-
sions, par des ouvrages de base,
des schémas de travail et des com-
munications de recherche. Il s'a-
git bien d'une attitude nouvelle de
l'étudiant /is-à-vis de son travail :
attitude créative, attitude de re-
cherche. Le travail des étudiants
doit être créateur. Parallèlement
à cette création, l'enseignement
devrait viser à l'acquisition de mé-
thodes de travail et de commu-
nications inter-personnelles : dy-
namique de groupe, expression ora-
!e, etc... Enfin il faut lier intime-
ment, souligne-t-on souvent, étu-
des et pratiques qui ne sont en
fait que deux aspects de l'action :
multiplier les stages, les études de
cas, les contacts avec les hommes
du métier.
Toute pédagogie - toute politi-
que - doit être fondée sur une
connaissance approfondie de l'hom-
me, souligne souvent la conclu-
sion des rapports de commissions.
La réflexion étudiante .-t une ré-
flexion sur la formation des nouâ-
mes donc sur la société des hom-
mes. Les étudiants et les travail-
leurs qui les ont rejoints font ce
que leur aînés rêvaient de faire
sans jamais parvenir à mettre
leurs paroles en accord avec leurs
actes : mettre en place un nou-
veau type de société élaborée, discu-
tée et acceptée par tous. C'est la
société constituante
La chienlit c'est lui
Le second Fouchet de l'Histoire
de la Police Française a proclame
qu'aux étudiants de la Manifes-
tation du 24 mai, de la Gare de
Lyon à la Bastille, s'était ajoutée
« la pègre ». La plupart des postes
de radio et l'ensemble de la pres-
se, ont fait chorus en affirmant
que la manif des étudiants de
l'UNEF du Mouvement du 22 mars
et de SNEP-Sup comprenait aussi
« d'autres personnes ». Pourquoi
ne pas, nommer ces autres per-
sonnes ou du moins les profes-
sions qu'ils représentaient ? Pour-
quoi ne pas dire qu'aux étudiants
Vêtaient jointes de nombreuses dé-
légations de jeunes ouvriers ce qui
démontrait d'une façon éclatante
la solidarité de la jeunesse de
toutes classes sociales ? Et pour-
quoi ne pas préciser nue cette
manifestation avait été sponrnné-
nient celle des intellectuels de tou_
tes catégories : professeur?, écri-
vains, poètes, reintres. ="ulnteurs,
architectes, cinéastes, directeurs de
galeries d'art, critiques d'art, qui
tenaient à s'associer à la léei'ime
révolte des étudiants Ces « autres
personnes » étaient groupées défi-
lant en ordre, comme fous les au-
tres manifestations : membres du
Syndicat des Architectes de la
Seine, membres du GIAP (Groupe
International d'Architertnre Pros-
oectivet, membres de l'Union des
Arts Plastiques, membres du Syn-
dicat des Critiques d'Art avec
*ur Président et leur Secrétaire
général, membres de la Société des
Gens de Lettres et de la nouvelle
Union des Ecrivains, membres du
Syndicat des galeries d'Art, etc.
Les radios et la presse ont par-
lé d'un « silence religieux » pen-
dant tout le temps du discours
du général président. Ce qui est
absolument faux. Cinquante mille
personnes clamaient alors des slo-
sans pourtant très audibles : « Son
discours, on s'en fout », « De
Gaulle Interdit de Séjour ». «Nous
sommes tous des Juifs allemands».
« De Gaulle assassin », « Nous
sommes tous étrangers » Et le
pins beau moment a été lorsque
cette immense foule a aeité des
milliers die mouchoirs en cha.n-
tant : « Adieu, de Gaulle, adieu
de Gaulle adieu ». Le discours de
pépé n'intéressait en fait person-
ne et 50.000 étudiants, ouvriers,
intellectuels se trouvaient réunis
dans la rue pour le proclamer
La seule réponse du pouvoir a été
de faire cerner cette foule paci-
fique par ses CRS. Cette provo-
cation pouvernem.entale certaine-
ment délibérée afin de justifier
de futures répressions esk ïa pre-
mière responsable de la nuit d'é-
meutes qui a suivi.
Michel RAGON
Président du Syndicat
des Critiques d'Art.
Malgré son réveil
opportuniste
LE « SYSTEME »
DES G/ILEHIES
EST A ABOLIR
par François PLUCHART
Pour fi~-rrAi'Me qu'elle ait /)(*
être, la manœuvre df récupéra-
tion amorcée par les galeries d'art
est écœurante. I.c loup déguise en
agneau . l'c.rpinitcur exploité sont
des thèmes à suc<'ès depuis les
fabliau? du Mov("i-.Aff T.rs gale-
ries d'art ne pouvaient mieux
'aire Que df Ivi ^r-"-"- une nou-
rriie actualité
II tout rappeler les faits : quel-
ques participants aux débats dtl
Comité d'Action d'Art plastique
siégeant en permanence dans l'tx-
Ecole des Beaux-Arts ont. ûans
le cadre d'un vaste programme de
transir*'-*""""''' clef circuits de dif-
fusion. décide de boycotter les ga-
leries d'art, le Comité restant lui-
même hostile " '""->e motion en
^e sens-
Victimes de la Sainte Frousse,
les directeurs d'un certain nombre
df galeries se sont réunis en comité
pour ::• coucher du texte suivant :
•< les di.-ccteurs rie galerie.- d'art
contemporain soussignés réaffir-
ment leur solidarité oléine et en-
tière avec les avtist.es dnnt le pro-
pos a toujours été la contestation
au -noven" de ';< tien ft affir-
mant. de ce fait, leur solidarité
=>vec la lutte de la je'- ,'sse étu-
diante et ouvrière ils décident de
poumiiv-p leur activité et d'inten-
sifier leur dialogue avec les artis-
tes et !e= rtudiants -'"f différentes
disciplines de création et d'ensei-
rnemer/ et. d'une manière géné-
rale de tous r.--"- nue l'art con-
cerne Us s'encagent à faciliter
la tâche de t/nis PS artistef avec
lesquels ils sont en contact pour
réal'iser de? affiche? de solidarité
et à diffuser "f-s affiches au pro-
fit exclusif de ceffe lutte ». Slli-
>'rnt les signature* ri" Lucien Du-
rand, Fccrhetti. Lara Vincy,
Fo-.irnier. Gcrrais. MaegM. Ca-
mille Renault d'Hn'iuim. Claude
Bernard. Mnfhins f°i<- alprie de
France. Denise. Bre^av. J.H- Per-
nn. Sj/lric Onn^'Y Ariel. Jeanne
Rucher. Bcno d'înrflli. Benezit,
Schoeller Vercnm"r. La Hune. La
Demeure, le Draaon. Arnaud et
''Agence fli- l'Art nour la Monu-
mental On rrmnrniiprn qu'il man-
que. la signature de la majorité
'les galeries ai/nrtt participé le plus
ict.ircment. ces. flarni-ères années,
7 la d'rulnntin-n de la création :
Denise René. Alexandre. lolas,
Somabend. Caiifle f; ----- *on. Iris
Clert et Yvon Lambert Ce der-
nier a résume d'une certaine ma-
nière le refus de ses confrères en
nous déclarant ' •< JV refusé de
oartici^" à tout mouvement op-
portuniste J'ai rvv-fôTô mettre la
main à la Date rUrectemerY avec
'es "tudinnts DP s'.ircroit. le pro-
blème ri<>s ealerk": ar -ïr biert
•WPV'T 'orsqu'on m-»nd conscience
nue cl -s trava l'eurs Sf battent!
":our <->ht,'T'r i;n --'iin- -'p r,00 F
Dès' rnainf"nc'i- <- problème de
'a galerie d'art est moralement et
théoriquement il>'passé Signer un
'e.rte comme celui dont il est tait
mention ci-defsuf ni •pouvait re-
•erer Que de dfui attitudes : celle
fie la morale personnelle et celle
r;ui consiste à se mettre dans le
mouremcnt- Les deux attitudes
sont également contraire à la re-
i-olutidn qu" nous sommes en train
de vii-re. Il s'agit aujourd'hui de
fondre son action dans un plan
de réforme complet fie nos struc-
tures culturelles
Dunstnin système en mutation
Domine le nôtre, le. circuit arti-
sanal des galeries est périmé. L'art
•'rolue aujourd'hui sous une /orme
technologique qui le. rend antino-
rnyque à celle' de la galerie- Dès
maintenant, les galeries ne pelè-
rent se justifier que fV la caratt-
ce du Ministère des 4 ftaires cul-
turelles et des grandes entrepri-
ses privées ou nationalisées.
Elles assument un rôle relai
i^ntre les galeries-sanctuaires hé-
ritées du XIX siècle et les Struc-
tures démocratiques de demain.
4uss; le boycott reste-tril dénsOlTe
tant que de nouveaux circuits
n'auront pas remplacé les circuits
artisanaux. C'est à la cinquième
République que nous entendons
demander des comptes- Nous at-
tendons d'elle qu'elle reconnaisse
publiquement son incurie ou quel-
le cède la place.
12
LES PROMENADES DUN RÊVEUR ÉVEILLÉ
Les Normaliens : « Princes du Sang >
ou « Eveilleurs de Conscience > ?
Brutalement — et intellectuellement — la crise
actuelle peut se résumer ainsi : Pompidou contre
Sartre. Autrement dit : un normalien qui a sage-
ment profité de la soupe en se gardant bien de cra-
cher dedans contre un normalien qui. lui, ne peut
arriver à avaler son potage qu'à la condition d'y je-
ter régulièrement des jets de salive. En somme, ce
qui sépare les deux hommes, c'est une conception
différente de la cuisine et notamment des épices.
Ce qui les lie, en revanche, c'est une certaine for-
me d'habilité en trois parties (introduction, déve-
loppement, conclusion) qui peut, selon les circons-
tances, venir à bout de tout : émeutes, grèves, ré-
voltes contre les « maîtres à penser », barricades,
crises de conscience. Bref, nos deux compères ont
une attitude particulière à la répression des révo-
lutions. Seules, leurs méthodes d'actions sont diffé-
rentes. Le premier se sert des émeutes pour asseoir
les grosses fesses de l'Etat sur le fauteuil moelleux
de la démocratie bourgeoise, le second les « cha-
peaute », avec toute la science d'un vieux routier.
Comme on dit, il les « patronne ». Pour nous résu-
mer le premier est un champion de l'Etat, patron,
le second un acrobate de la conscience-patron. Dans
l'un et Vautre cas. Us ont parti lié avec le patronat.
Cette propension particulière à devenir des «maî-
tres» vient sans doute de leur éducation commune
au sein du même sérail. D'ailleurs, c'est Pompidou
qui dans la préface d'un livre consacré à V « Ecole »
par un autre maffiosi, Alain Peyrefitte écrit, en
toute simplicité que « l'on naît normalien comme
on naît prince du Sang ;>. Pour cette « naissance »,
le chef de l'Etat pétri par la grande tradition des
élites intellectuelles du 19éme siècle a, on le sait, les
plus grandes tendresses. Cherchant un colabora-
teur après la Libération, il avait demandé qu'on lui
trouve « un normalien qui sache écrire .... » et en-
core aujourd'hui, on peut penser que Pompidou ne
sauvera sa tête qu'en raison même de sa « nais-
sance ». Si l'on se rappelle, par ailleurs, que le se-
crétaire général de l'U.D.-Vème est lui aussi • bien
né », on peut être assuré que l' « Ecole » a encore
de beaux jours devant elle.
Il était donc tout à fait naturel que mes pas
m'aient porté hier (1) vers cette usine qui peut four-
nir -- à la commande — de la bonne conscience
(Pompidou) ou de la mauvaise conscience (Sartre)
et qui. à cet égard me paraît essentielle à la bonne
santé d'une société civilisée.
Mandarinat ?
A « Normale », on est toujours entré comme dans
un moulin. A fortiori par les temps qui courent.
Dans le hall qu'ont parcouru les petits maffiosi (je
cite en vrac Péguy, Herriot, Bergson, Baudrillart,
Brasillach, Jules Romains, Giraudoux, François-
Poncet, Léon Blum, Soustelle, et... Billères) dans le
hall donc, un normalien met des tracts dans cha-
que casier. Il milite à l'Union des étudiants commu-
nistes.
Je lui dis qu'il doit être rassurant d'apparte-
nir à deux clans aussi prestigieux que ceux-là.
« l'Ecole » et le P.C. Il s'en défend, mais admet qu'en
ce qui concerne la rue d'Ulm, le prestige reste. Com-
me une seconde peau. Comme une odeur particuliè-
re dont aucun odo-rono ne peut venir à bout.
— Il n'y a pas que de Gaulle qui cherche des
normaliens dit un autre « intégré ». Tous les parfis
politiques en demandent....
Je coupe :
— C'est bien ce que je dis, quand vous sortez
de Normale, vous êtes étiqueté. Vous ne pouvez pas
échapper à ce label de qualité. On demande un nor-
malien, comme de préférence du saucisson Olida ou
des pâtes Lustucru. L'un, par définition, est intel-
ligent, comme les autres savoureux, moelleux, faci-
les à digérer.
-- Dans la société future, concède le normalien
communiste, il est certain que « Normale » doit
disparaître. « L'Ecole » n'est déjà plus ce qu'elle
était il y a encore deux ans.
-- II y reste encore tout de même des dynas-
ties dit l'autre. S'il n'y a que 7 % de fils d'ouvriers
dans l'ensemble des facultés, ce pourcentage est ré-
duit ici à2%. Beaucoup de normaliens sont fil» de
professeurs de facultés. C'est par ce canal que la tra-
dition du mandarinat se perpétue.
Je demande :
-- Que pensez-vous de ce qui se passe à la Sor-
bonne et à l'Odéon ? Vous qui avez été nourri par
l'humanisme traditionnel, n'est-ce pas un peu trau-
matisant ?
— Certainement pas. Certes, il y a là une gran-
de confusion dans les idées mais grâce à ces réunions,
des étudiants ont accédé à la conscience politique.
-- Mais il semble que ce soit en dehors et même
contre les partis traditionnels.
— Cela s'explique dit le normalien communiste,
les jeunes ont toujours ")écu dans une atmosphère
qui tend à discréditer les partis. Toutefois, je vois
mal comment on peut faire une Révolution socia-
liste sans la participation du parti communiste.
Révolution ?
Depuis quelques minutes, un autre normalien
écoute : il m'entraîne dans sa « Thurne » deux
par Jean-Claude KERBOURC'H
bureaux, une bibliothèque, un lit de fer monastique.
Au mur : des « posters ». Cela va de Guévara à
Pierre Perret et Françoise Hardy via « la Chinoise »
de Godard. Il a aussi quelques premières pages d'heb-
domadaires qui annoncent : « La vérité sur la fri-
gidité ». « Les strip-teaseuses et les hommes ». Au
milieu de tout ce bric-à-brac gui va de la guérilla
castriste au sexe en passant par le music-hall émer-
ge une belle affiche de la Révolution soviétique. Un
moujik barbu et inspiré s'écrie : «. Tous à l'élection
des Soviets l ».
Les « posters » : le signe même de la société de
consommation : je connais au moins deux salons
bourgeois du 16è où les reproductions de Fragonard
et de Bernard Buffet ont djsparu au profit de ces
affiches « dans te ve | ». Le Jils de \i famille y a
épingle le portrait romantique de Guévara avec son
béret de « Commandante » et son énorme cigare.
Chez un autre, le « Che » se trouve collé dans les
toilettes où je suppose qu'il doit nourrir les médita-
tions prolongées. Je rêve devant ce mur qu'il sera
plus difficile d'abattre que l'Assemblée nationale.
Mais le normalien interrompt cette rêverie suov-;rsi-
ve.
— Ne voyez surtout vas de signification politique
dans cette affichage. Nous nous asseyons. Sur le bu-
reau, la douille en carton de l'une des grenades his-
toriques des « barricade* ».
-- C'est ce genre de grenade^ qui contenait du
gaz de combat analogue à ceux qui sont employés au
Vietnam dit le normalien.
Nous évoquons quelques souvenirs « d'anciens
combattants ». Puis je dis :
— Vous devriez aller me chercher quelques au-
tres élèves de l' « Ecole ».
— Vous voulez des « Chinois » ?
— Pourquoi pas ? Je ne sujs pjis • raciste ».
Le normalien part à la chasse aux « Chinois ».
// revient avec un garçon et une fille. Le garçon,
chevelu, barbu, le sourire et les yeux tendres, a eu
récemment les honneurs de « Minute ». Sows sa pho-
to, cette légende : « Le prophète au Drapeau Rouge ».
Kt pourtant, il n'est pas « Chinois ». Pas vlus que
la fille n'est « Chinoise »
Je demande :
— Alors, et ces « Chinois » t
' Le « cftassewr » répond :
— J'en ai trouvé un, mais il ne veut pas venir.
n dit qu'il ne se considère pas comme un normalien.
J éclate :
— Alors, pourquoi est-il à « Normale » ? et ces
professeurs de faculté qui démissionnent. Pourquoi,
bon sang de bonsoir, sont-ils professeurs de facul-
té ? Leurs prises de conscience datent-elles donc seu-
lement d'aujourd'hui ? Pour un bon mangeur de
soupe, il n'est pas tellement dangereux de se priver
de repas de temps à temps. Au contraire, ce genre
de régime entretient la forme.
Les normaliens ne répondent pas. Le peuvent-
ils ? Ils sentent, bien sûr, qu'il y a là, pour parler
comme les marxistes une contradic-
tion interne. Et que ce n'est pas au cours d'une dis-
cussion que l'on peut résoudre ce genre de proolè-
mes. Ce sera sans doute là, l'œuvre d'une autre ré-
volution
La fille est « sévrienne ». Elle dit que l'Ecole
normale de jeunes filles ressemble à l'Institution de
Madame de Maintenon. Ce que l'on y forme surtout,
précise-t-elle, ce sont let futures épouses des ha'its
fonctionnaires. A cet égard, « Sèures » reste un tem-
ple de la culture de Salon.
Je me tourne vers les garçons.
-- Et ici ? C'est aussi un bastion de la culture
bourgeoise ?
— Non, répond vivement l'un des normaliens.
Au contraire. La plupart d'entre nous ne cessent de
remettre en cause la société où nous vivons.
J'attaque :
-- Mais le fait d'ê\-e normalien n'est-il pas dé-
jà une façon d'accepter les régies mêmes de cette
société qui entend faire de vous ses « élites » ?
-- Dans un certain sens, c'est vrai. L'essentiel,
pour beaucoup, est de passer le concours. Après, on
est normalien pour la vie.
--Ça permet d'avoir une belle carte de visite :
Je dis :
« Ancien élevé de l'Ecole normale supérieure ». C'est
le blason d'une féodalité intellectuelle.
-- Exact, dit le barbu. Pompidou compare l'en-
trée à Normale à l'adoubement du Chevalier.
Je dis :
— Et comme dans toutes les sociétés féodales,
cet adoubement vous ouvre toutes les portes. Celles
des cabinets ministériels et celles de la Révolution.
Au choix.
-- 11 est en tout cas plus risqué de préférer la
révolution aux cabinets •ministériels dit l'autre. Re-
mettre en question une culture à laquelle nous par-
ticipons c'est très difficile.
Nous bavardons : Civilisation. Culture. Nouvel-
les structures. Je m'aperçois à quel point il s'agit
de la génération : « De Gaulle, connais pas ». Mais
aussi : « Guerre d'Algérie, connais pas » (« J'avais
13 ans quand elle s'est terminée dit la fille ») Ft
« Mollet et Mitterrand, connais pas ».
Devant les grilles des usines Renault, à Boulo-
gne-Billancourt, un étudiant allemand disait l'autre.
soir avec candeur que « jamais les policiers alle-
mands n'avaient été aussi cruels que les policiers
français ». Hitler ? Inconnu au bataillon !
Mais, puisque le passé n'a plus de sejis pour eux que
pensent donc nos normaliens de ce qui se passe aujour
d'hui ? Que pensent-ils des discussions intermina-
bles de la Sorbonne ? Attendent-ils Godot. eux aus-
si ?
-- Les discussions y sont en définitive trop for-
melles, trop sèches, dit l'un d'eux. Cela ressemble
plus à une crise d'adolescence qu'à une révolte vé-
ritablement créatrice.
-- On affiche dit un autre « l'imagination a pris
le pouvoir ». Mais on en est Zoin. Peut-être, le plus
grand bénéfice de tout cela sera-t-il d'avoir ouvert
les yeux de certains étudiants sur le monde ouvrier.
-- Cela nous a fait prendre conscience égale-
ment, dit le premier, que sous l'influence du mouve-
ment étudiant, c'est la base qui a bougé la premiè-
re. La C.G.T. n'a fait que reprendre à son compte
une action qui risquait de se faire sans elle.
Je dis •'
-- Vous êtes hostiles aux syndicats et à la
F.G.D.S. ?
-- La F.G.D.S. est enfermée dans une bureau-
cratie étouffante.
— Vous voulez démystifier la gauche ?
-- C'est notre rôle d'intellectuels. Nous espérons
y réussir. Et notre action doit normalement débou-
cher sur une forme de régime totalement nouvelle.
Le barbu vient de mettre son transistor en mar-
che. On entend, un à un, le nom de chaque député,
c'est le moment du vote.
— C'est complètement caduque, ce qu'ils ont ra-
conté, dit le barbu.
-- C'est une assemblée fantôme dit l'autre.
Je dis '
— Afais ne pensez vous pas que votre mouve-
ment est utopique ?
— L'Utopie est notre faiblesse. Mais elle est
aussi notre force répondent les deux normalien*
auxquels « la Sévrienne » fait écho. Nous savons
bien que si nous devenons professeurs d'Université,
nous ferons le jeu de la société bourgeoise. Il n'y
donc que deux solutions pour nous •' devenir hippies
ou faire la révolution. Notre rôle à cet égard, est
de démystifier un certain nombre de croyances, et
notamment celles qui consistent à accorder trop
d'importance au fait de savoir bien parler. Les ou-
vriers nous reprochent de ne pas employer le même
langage qu'eux. Il convient de faire table rase de
ce mythe du verbe.
Un crédit d'intelligence
Un autre normalien vient de rentrer. Fines lu-
nettes. Aspect « bûcheur ». Déjà « cher professeur ».
Je lui dis qu'il y a deux groupes d'hommes en Fran-
ce à qui l'on accorde, à priori, un crédit illimité d'in-
telligence. Ce sont les normaliens et les jésuites.
Il répond :
--Je crois que ce que vous dites est beaucoup
trop gentil pour les normaliens. N'étant pas jésuite,
je préfère laisser à l'un d'entre eux le soin de ré-
pondre. Sur ces mots, le « cher professeur » s'en
va. Peut-être sait-on jamais ? est-il parti à la re-
cherche d'un jésuite ?
Mais il me faut abandonner l'espoir de voir un
ancien « Thala » (1) devenu « Jèse » entrer dans
cette thurne. La radio annonce que des étudiants
manifestent sur le boulevard Saint-Michel.
— J'y vais, lance le barbu, en saisissant son dra-
peau rouge.
-- Nous sortons dans la cour de « l'Ecole ». Nous
apprenons que les manifestants sont à Montparnas-
se. Le barbu renonce à l'expédition. Il n'a pas tort.
A Montparnasse, j'apprends que les étudiants (fu-
rieux de l'interdiction qui frappe Cohn-Bendil) se-
raient à Saint-Germain.
Tant pis ! le froid et la pluie viennent à bout
des meilleures résolutions. (Voire des meilleures ré-
volutions). Il arrive aux journalistes comme aux hé-
ros, d'être fatigués. Je m'installe au « Rond-Point »,
ce café restaurant, où une jeune fille, voici deux
semaines, était aveuglée par une grenade lacry-
mogène. L'atmosphère, cette fois, est meilleure. Un
groupe d'Espagnols chante un flamenco. A côté de
moi, deux étudiants Nigériens, conspuent violemment
« le régime ».
Je leur demande :
— Chez vous, cela va donc aussi mal qu'ici ?
Ils me répondent que le régime dont ils par-
lent n'est pas le leur mais Iç nôtre celui des Fran-
çais.
Nous discutons. Je leur dis que si j'avais tenu
les mêmes propos en Afrique, je ne serai pas là à
bavarder calmement avec eux. Ils m'accordent que
les nationalismes africains sont particulièrement
ombrageux mais qu'il faut tenir compte de « l'inter-
nationale étudiante ».
Au moment de quitter le « Rond-Point » le gar-
çon me rattrape. Il me dit :
-- Les Africains, Monsieur, se sont comme les
Espagnols qui viennent ici. Quand ils me disent qu'ils
ont envie d'éliminer de Gaulle, je leur réponds qu'ils
auraient mieux faits de commencer par Franco.
Je marche dans la pluie fine. A la Rotonde, on
ferme, bien avant l'heure habituelle
-- II n'y a plus personne à cause de toutes ces
manifestations dit le garçon effrayé de voir s'en-
voler ses pourboires.
J'ai tout juste le temvs d'avaler un cognac. J'ai
besoin de réconfort. Je viens de m'apercevoir que
je suis un nationaliste et que j'nrvnnrtipnt rlnrtc. moi
aussi, à l'univers des salauds
(1) A l'ENS, on appelle « Xhalas » ceux qui vont
à la (thala) messe.
Mardi 28 Mai 196S
COMBAT
REUNIS DE NOUVEAU CET APRES-MIDI A SURESNES
Les états-généraux du cinéma deviennent le seul
interlucuteur valable face au pouvoir
J'avais évoqué <lar| mon article d'hier l'impossi-
bilité de publier les résultats de l'Assemblée géné-
rale de Suresnes. qui a siégé jusqu'à sept heures du
matin : dix neuf projets de refonte du cinéma ont
été présentés aux participants des Etats généraux qui
ont procédé à l'aube au scrutin universel :
Q«. iifc projets viennent en tête, et les deux pre-
miers formeront la base de discussion d'une plate
forme dont la synthèse sera l'œuvre d'une nouvelle
assemblée plénière qui s'ouvre cet après-midi. Fait
sans précédent dans l'histoire de la profession : la
présenee effective de 1563 membres, réunis par la
volonté de renverser les structures actuelles, avant
toute reprise du travail dans les studios et labora-
toires de cinéma.
Seule note discordante : l'absence d'une collabo-
ration avec la Fédération des exploitants, qui con-
tinue de faire cavalier seul en maintenant les salles
ouvertes ; des augmentations substantielles accordées
aux projectionnistes, ont jugulé la grève mais cette
apparence d'activité ne trompe personne. Exploi-
tants, producteurs et distributeurs français ne pour-
ront agir sans l'ensemble d'une profession décidée
à aller jusqu'au bout. Or tout l'avenir des films
français et étrangers lié au travail d'une équipe
professionnelle nationale est maintenant onirc les
mains des Etats-généraux.
Chaque jour qui passe démontre que malgré cer-
taines naïvetés, malgré le désordre ou l'incohérence,
les groupes d'études ont fourni un travail sérieux.
Il en résultera une charte commune, dont la doctri-
ne et les principes seront défendus avec autant
d'âpreté que les revendications syndicales.
Synthèse de plusieurs projets
Cet après-midi après une nouvelle lecimu des
projets 16 et 13 on passera au travail de synthèse.
Lors du vote, 1.092 suffrages se sont exprimés sur
les 1.563 participants : ce fort courant d'abstention
s'explique par les réticences de la profession à l'é-
gard d'un retour possible des intérêts privés. En ef-
fet, la salle a réagi avec une certaine prudence à
l'égard de la procédure, craignant que les « grou-
puscules » qui se trouvent derrière chaque rappor-
teur, ne soient les « dictateurs » de dwnain. Autre-
ment dit, on voyait dans le projet numéro 16, dé-
fendu par Louis Malle une incarnation de la doc-
trine des « cahiers du cinéma », de même qu'on re-
doutait à cause d'une phrase malheureuse pronon-
cée par Michel Cournot que le projet numéro 19
s'illustre la politique de Claude Lelouch. D"a>r,res
ont assimilé le projet numéro 13 avec la position -les
syndicats. Les 1.092 suffrages exprimés se sont ré-
partis de la manière suivante : 429 voix au rapport
de Louis Malle, 325 voix au rapport de Lhomme
(N. 13), 129 voix au projet défendu par Cournot et
120 voix pour celui de Thierry Deiwle.s (éman:»iion
des jeunesses révolutionnaires),
II est certain que le débat permettra d'aboutir à
une plate-forme passionnante, qui prendra IP meil-
leur de ces projets.
Quoiqu'il en soit, on considère comme adoptée
« ipso facto » la procédure de représentativité «-hoi-
sie par le rapport Louis Malle.
Voici le texte qui sera soumis aux voix :
< Les Etats Généraux du Cinéma sont constitués
par tous les professionnels de l'audio-visuel, par les
élèves issus de l'enseignement audio-visuel et, d'une
façon générale, par tous ceux que le cinéma con-
cerne.
Les Etats Généraux élisent le Conseil permanent,
composé de soixante membres. Le Conseil sera re-
nouvelé chaque année, étant entendu que ses mem-
bres ne seront pas rééligibles pour la session sui-
vante.
Le Conseil aura pour tâche :
1. De représenter les Etats Généraux auprès des
pouvoirs publics.
2. De choisir le ou les responsables de l'unité de
production étant entendu que chacune de ces unités
doit trouver son originalité propre, tant sur le plan
de ses strnctmres de fonctionnement que sur ve'ui
de son orientation culturelle.
Il est acquis que des figures marquantes d>> la
profession accepteront de participer à ces unités de
production.
3. De préparer l'Assemblée générale ordinair." an-
nuelle des Etats Généraux.
4. De convoquer à tout moment, si le besoin s'en
présente, une Assemblée générale extraordinaire.
Tous les deux ans, les responsables de toute* !es
unités de production seront reconduits ou rempla-
cés par le conseil permanent des Etats Généraux.
Le procès du « système »
Avant d'aborder la description des nouvelles struc-
tures proposées, il convient de publier ici « l'ana-
lyse spectrale » de notre cinéma actuel, asphyxié
par le capitalisme, ainsi qu'il ressort de la préface
do rapport défendu par Louis Malle.
Voie! les points essentiels de cette critique du
système :
1. Au niveau de la fabrication, le choix des su-
jets, la décision finale concernant le contenu,, 1«
genre et 1« budget des films appartiennent à «n vê-
tit nombre de puissances qui se prolongent et se
retrouvent à tous les autres niveaux. Dans une ab-
sence totale de planification, les films naissent se-
lon des critères qui ne tiennent presque jamais com-
pte de leur valeur profonde, mais seulement des
profits éventuels.
2. La distribution des films, qui théoriquement,
devrait se borner au rôle de messagerie, a été dé-
tournée de sa fonction originelle pour assumer une
fonction de décision et le rôle d'une banque. Les
contradictions, l'esprit de routine, l'absence de plan
et de réflexion, les raisonnements à court terme en-
traînant un fonctionnemet qui, même sur le plan
du système capitaliste, est défectueux.
La pratique de taux abusifs de distribution, qui
retiennent une part considérable des recettes exer-
ce un chantage sur la production qui doit s'aligner
sur les normes ainsi imposées.
Enfin, sur le plan national, la distribution dans
les conditions actuelles aboutit à une démission : la
porte est ouverte aux monopoles étrangers.
Le système de distribution se trouve dans un état
de telle carence qu'il a abandonné le pouvoir de
choisir les programmes, les salles et les dates de
sortie des films : un nombre très restreint de pro-
grammateurs tout puissants organisent arbitraire-
ment l'accès des films aux spectateurs.
Les programmateurs, simples démarcheurs à l'o-
rigine, ont conquis un pouvoir grandissant dans le
cinéma français. Ils exercent maintenant une dic-
tature sur les exploitants, dictature symétrique de
leur influence sur les distributeurs et, par voie de
conséquence, sur les producteurs.
3. F,n bas de la chaîne, l'activité des exploitants
est également marquée par l'esprit de routine. Aucun
par Henry CHAPIEK
compte n'est tenu ni de l'évolution du public et de
ses besoins artistiques et culturels, ni de la trans-
formation profonde, sur le plan même du capita-
lisme, des méthodes de vente. Dans tous les domai-
nes du commerce moderne, le vendeur est à la re-
cherche de l'acheteur ; les exploitants « l'atten-
dent ».
Demain, nous publierons des extraits des passa-
ges les plus importants qui constitueront les points
de non retour de la plate-forme envisagée.
Je tiens à dire que l'importance de ces Etats-Gé-
néraux du cinéma est capitale dans le mouvement
de contestation profonde qui s'est amorcé à la Sor-
bonne et à Nanterre, dès les premiers jours de la
révolution culturelle.
En effet, le cinéma français s'est jeté en avant
dans son ensemble, proclamant sa solidarité et son
identité d'aspiration avec le mouvement étudiant.
C'est le premier exemple d'une profession qui, a
cheval sur l'art bourgeois et l'industrie, veut enfin
proclamer son droit à la liberté d'expression et au
travail selon des normes révolutionnaires.
L'UNEF l'a saisi, en lançant hier matin un appel
aux Etats-Généraux du cinéma : « La participation
nombreuse des travailleurs du cinéma à la manifes-
tation de vendredi contribue à donner à celle-ei son
véritable caractère : la lutte pour une transforma-
tion radicale du système. C'est dans cette perspec-
tive que l'UNEF vous appelle à manifester nom-
breux lundi prochain ».
On comprend désormais dans quel esprit l'assem-
blée générale abordera cet après-midi son débat qui
promet de se prolonger jusqu'à l'aube.
H. CH.
THEATRES LYRIQUES NATIONAUX
Une formule de co-gestion à l'étude
Une motion déposée a l'Elysée
et aux Affaires Culturelles et si-
gnée par les artistes permanents
et plusieurs artistes en représen-
ration, pose le problème de la
réorganisation de l'Opéra et de
l'Opéra-Comique. Autant dire
d'emblée, que tout un chacun est
partisan, réclame cette réorganisa-
tion.
Devant le silence prolongé du mi-
nistère quant à ses intentions -
silence dont nous avons déjà sou-
ligné ici le caractère déplacé - et,
aussi, devant le flot de projets plus
ou moins surprenants dans le cas
d'une administration Vilar, la mo-
tion demande en premier lieu des
éclaircissements. Les projets Vilar
proprement dits ne sont pas men-
tionnés mais il est d'ores et déjà
certain que si une modernisation
seénique est unanimement approu-
vée, en revanche tout projet ten-
dant à modifier la salle elle-mê-
me se heua-tenait vraisemblable-
ment dans sa réalisation à l'hos-
tilité générale.
A la veille du départ de M. Geor-
ges Auric. les artistes demandent
instamment l'a nomination d'un
administrateur compétent. Des
Personnalités compétentes sont
également demandées pour la di-
rection de l'Opéra, de la musique
de la danse, de la scène, en un
mot de toutes les disciplines qui
président à la vie artistique des
deux scènes Irriniiee nationales.
Les revendications portent éga-
lement sur une réunion effective
de l'Opéra et de l'Opéra-Comique,
la formule actuelle étantrartificiel-
le et nuisible à la salle Pavart ;
sur la reconstitution du répertoire
et son élargissement: sur la réci-
procité des échanges à l'étranger.
Enfin, la création d'un comité de
co-gestion, selon des modalités ac-
tuellement à l'étude, est réclamée.
Il va sans dire aue les artistes
se.déclarent solidaires des revendi-
cations présentées par les autres
catégories du personnel de la
réunion des Théâtres Lyriques Na-
tionaux et, en particulier, de cel-
les de catégories particulièrement
défavorisées comme, par exemple,
les habilleuses oui touchent un sa-
laire dérisoire.
L'ensemble de ces revendica-
tions est à la base du mot d'ordre
de grève illimitée qui paralv?.e de-
puis dix jours l'Opéra et l'Opéra-
Comique. En fait. la grève a été
décidée le 18 mai par une minorité:
trois catégories sur les dix repré-
sentant l'ensemble des personnels
de la RT.L.N Ce fait accompli
allait au cours d'autres réunions
provoquer des votes hostiles à la
grève mais la solidarité devait fi-
nir par remporter La crise êtau
on le sait, latente et de nouvel-
les phases aiguës étaient à prévoir,
le ministère des Finances refusant
toujours de tenir les promesses des
Affaires Culturelles. Une maladres-
se parmi tant d'autres.
Les syndicats ont donc mis les
circonstances à profit, et c'est lo-
gique, pour obtenir satisfaction
dans l'immédiat A plus long ter-
me, et dans la perspective d'une
réorganisation de ï'Opéra et de
l'Opéra-Comique leur position est
plus difficile Dans une certaine
mesure, en effet, leur responsabi-
lité est engaeée dans la décadence
des deux scènes lyriques et un
« mea culpa » devient indispen-
sable C'est ainsi que les condi-
tions de travail actuellement fac-
teurs de paralysie, devront être
revisées en vu de l'essor des théâ-
tres et pour le profit de tous. En-
fin, au niveau de la scène, il fau-
dra bel et bien reconnaître, quoi-
qu'il en coûte sur le plan humain.
aue l'exercice des droits syndicaux
et les exigences artistiques ne sont
pas toujours compatibles.
Marcel CLAVERTE
Les techniciens
de cinéma (CGT)
solidaires de l'UNEF
Le Conseil syndical du syn-
dicat des techniciens de la
production cinématoijrapnit;"-
C.G.T. « exprime, dans • -r
communiqué, -a solidarité to-
tcle à l'U.N.E.F. et à toutes
les organisation- syndicale/s
gui le soutienitcr *ans la
lutte qu'elle mène contre le
pouvoir. Il demande à toutes
tes organisations syndicales et
à tous les Partis politiques de
prendre position contre la ré-
pression des étudiants et que
ceux-ei soient soutenus massi-
vement dans leur lutte ac-
tuelle ».
• Le concert J. LangUis qui de-
vait avoir lieu ce soir à Saint-
Merry est reporté è une date ul-
térieure.
SAINT-GENET, L'ENRAGE
Jean Genêt, a perdu l'auréole de Sartre. Il trame derrière
lui l'odeur des barricades. Il parle des pillages à venir. Je deman-
de à Genêt d'être notre Courbet. La colonne Vendôme, à lui tout
seul, semble un peu lourde.
— Mais, à côté, il y a plein de vitrines, de belles vitrines de
bijoutiers, fait-il rêveur.
Il enchaîne d'une curieuse voix :
— Ils sont passés à Saint-Germain... Ils ont épargné Lipp..,*
c'est pourtant une institution..... Pompidou y frôle même Mitter-
rand...
Un jeune terroriste chante, tel Néron, les flammes gui ré-
jouissent la Ville.
— Les platanes sont heureux, lance Genêt. Après tout, ils
préfèrent devenir barricades que cercueil ou stradivarius.
Pourtant le matin a goût de cendre, de carcasses, de bran-
ches, de Mort. (Senêt trouve dérisoire l'ocmnalinn de l'Hôtel de
Massa, le temple des « qendelcttre* ». A quoi bon occuper un
Cimetière ? A moins de remplacer les vieux morts par clé if.unes
morts. Le jeune terroriste prophétise les cercueils ouverts sur le
parvis des cathédrales, et peut-être sur les marches de la Sor-
bonne.
Alors Genêt rit, inquiétant.
— Déterrer Barrés.... On le mettrait.... On le verrait le poing
vengeur, le menton en avant... Un squelette... Le squelette Barris I
Le rire assassin de Genêt dans le calme indifférence du « BoJ-
zar »..... Un sacrilège I
3. A.P.
LA CRISE EN PROVINCE
LE REVEIL DE BORDEAUX
« Bordeaux s rst tristement
Signalée à l'aUe.ition publique
dans la nuit de samedi à diman-
che- Une manitestation d étu-
diants, tardive en soi. mais as-
surément sans intentions, mal-
veillantes, a été dénaturée au
cours de son déroulement pur
des individus n'ayant rien à
faire avec l'université ni même
avec Bordeaux..-» vient de dé-
clarer M. Chaban-Delmas. mai-
re de Bordeaux au journal
« Sud-Ouest »•
Que sa ville ait été le théâ-
tre de puissantes manifesta-
tions a luie valeur de symbole.
Les manifestants s'en sont pris
autant au député « croupion »
qu'au maire d'une ville bour-
geoise. Quant aux individus
louches dont parle M. Chaban-
Delmas, il suffit de rappeler
qu'à l'époque des législatives il
était bien content de les avoir
dans son service d'ordre. A l'é-
poque il les payait fort cher.
Grenades au chlore puis of-
fensives réveillèrent les Borde-
lais qui découvrirent avec cu-
riosité les barricades. Si les
heurts furent moins violents
qu'à Paris, il faut signaler un
fait odieux. Prenant à revers
une barricade, une colonne
d'<z estafettes » de gardes mobi-
les, fonça à vive allure sur la
foule qui occupait la rue. La
bousculade fut telle qu'on igno-
re le nombre de blessés.
Deux jours plutôt, le grand
théâtre, temple de la bourgeoi-
sie bordelaise avait été occupé
par 500 étudiants, en plein mois
de mai, mois du Festival. M.
Gabriel DELAUNAY. le préfet.
accourut, pâle et défaU sans sa
casquette, moins endormi que
d'habitude-
— Ct-lui qui vous parle a été
étudiant. Il a passé son bac à
2t ans parce-qu'il avait com-
mencé sa vie comme domesti-
que en travaillant-., dev.iit.-il
déclarer.
Un «Traître à ta classe» fusa
de la loge municipale tendue
pour la circonstance de dra-
peaux rouges.
Poing brandi entonnant l'In-
ternationale les manifestants
sortirent alors entre deux haies
de policiers riant de l'ébahis-
senient des premiers specta-
teurs, en smokings et robes lon-
gues, venus écouter ce soir là
l'orchestre de Varsovie.
Depuis le Festival de Mai a
été annulé.
Tout avait commencé à Bor-
deaux dans la nuit du vendredi
17 mai par l'occupation de la
Faculté de Lettres- du campus
universitaire de Talence.
L'administration a en quel-
que sorte changé de main ,et les
étudiants assurent les diffé-
rents services de « l'université
critique ».
Les professeurs sont dabord
venus en visiteurs. Etonnés,
puis effrayés- Leur doyen n'oc-
cupait plus son bureau. A Ir
place, lin magnifique barbu
de 24 ans : le nouveau.
Partout l'atmosphère de tra-
vail, avec commissions comme
à Censier ou Nanterre.
Réunis en Assemblée, les pro-
fesseurs essaient de compren-
dre ce qui s'est passé. L'un deux,
confie à un étudiants.
— Mais mon petit, si vous
aviez des problèmes, il fallait
m'en parler plus tôt-..
D'autres comme Escarpit, de-
venu « Fs-carj)iie » sont con-
traints de se justiùor.
— Auto-critique ! crient les
uns.
— Non, il est mort répondent
lo^ antres.
DopuK un an. un jeune niaitre-
as-Msu-tnt de sociologie, M Abri-
b.i' jontestait les relations pé-
tia^oi.'.iQues traditionnelles. Dis-
ciple du psychiatre américain
Kogers Uin amphithéâtre de la
faculté a été baptise Ilogers) et
partisan des «méthodes non-di-
rectives», il avait jusque là le
corps enseignant contre lui.
M i;s à Bordeaux comme à
Pans, la remise en question des
relations pédagogiques, au dé-
part, débouche sur une réflexion
politique
Des professeurs angoissés
n'osent plus parler à leurs étu-
diants de Ire année qu'ils consi-
dèrent comme des fous.
— « C'est pas la Révolution,
au moins ? demande l'un d'eux
à un candidat agrégatif.
François CAZENAVE
RÉVEILLEZ LA BILE
DE VOTRE FOIE-
Sans calomel — et vous sauterez
du lit le matin, "gonflé à bloc".
[I faut que le foie verte chaque jour on
litre de bile dans l'intestin. SI cette bile
irrive mal, vos aliments ne se digèrent
pas. ils se putréfient. Des fax TOUS gon-
flent, vous êtes constipé. Votre organisme
s'empoisonne et vous êtes «mer. abattu
Vous voyez tout en noir 1
Les PETITES PILULES CARTERS
pour le FOIE ont le pouvoir d'assurer le
libre afflux do bile qui TOUS remettra
d'aplomb. Végétale», douce», étonnantes
pour faire couler la bile. Exigez le» Petites
Pilule* Carter» pour le Foie. Toutes
Pharmacies . 1 10 P. ~* V. la P. !«»«
LYON : vigilance
Les obsèques du commi.ssaire
Rei.é Lacroix, lue A Lyon dan.s la
nuit, du 2-4 au 25 mai se dérou!e-
ron1. 'uuounJ'li'u mardi à partir de
14 h 30 Dans la matinée cl'n.er,
cie> tracts avaient été lancés d'un
avion sur Ly-jn. qui portaient le
texte suivant :
« Pour marquer votre désappro-
bation de la violence et votre vo-
lonté d'apaisement, assistez mas-
sivement aux obsèques du commis-
saire Lacroix ».
Dans la même matinée. M Max
Moulins, préfet du Rhône et de
la région Rhône-Alpes, avait dé-
claré : « Cette nuit, une perquisi-
tion ef'ectuée par la police, a
amené la découverte d'un stock
d'engins meurtriers fabriqués dans
ia rvnr en -4 au -5 mai. te'.s que
cochtaii.-; Molot.jv. rximlje.i pannes
de billes d'acier et explosifs Ji-
vers. Djutre- fu-pôt.s de même na-
ture peuver1" exister, et la police
s'eiï:n'oie a K-^ a.'celer »
M. Max Moulins a poursuivi en
condamnant les manifestât;.ms de
ni- organisées par une minorité
d';< enragés » et en rappelant que
les organisations syndicales ouvriè-
res et étudiantes se sont, de leur
côté, refusées à de telles manifes-
tations et que certaines ont ap-
pelé leurs ad'wrents à la vigilan-
ce. En ce qui concerne les mani-
festations du lundi 27 mai. l'UNEF
de Lyon a. dans tin communiqué,
demandé à ses adhérents de ne
pas y participer
Des provocateurs
à Marseille ?
Sous le litre» Prépare-t-on une
•provocation à Marseille et Aix ? ».
La Marse'llaise publie, dans son
numéro de lundi, la mise en gar-
de suivante :
« Nous avons appris qu'une cin-
quantaine de voitures sont des-
cendues de Paris pour amener
dans notre région des commandos
ayant opéré ces jours derniers no-
tamment à Paris et Lyon.
<s Leur présence aujourd'hui a
Marseille et Aix. conjointement a
celle d'importantes forces de police
concentrées ces dernières heures
dans notre région pourrait abou-
tir à des provocations, notamment
à l'occasion des manifestations
organisées par certains groupes
d'étudiants, faisant ainsi le ieu du
pouvoir ».
Une permanence UD-Ve
incendiée à Caen
Des étudiants ont mis le feu
hier matin au local de l'Union dé-
mocratique pour la Véme Répu-
blique à Caen. L'incendie a pu être
rapidement circonscrit.
C'est à l'issue d'un meeting réu-
nissant ouvriers de la radio-tech-
nique et étudiants, que trois cents
de ces derniers appartenant aux
jeunes communistes révolution-
naires, déambulèrent à travers les
rues de la ville, drapeau rouge en
tête et chantant l'Internationale.
Arrivés devant les locaux de l'U.L».
Vème. ils enfoncèrent la porte et
mirent le feu à une pile de jour-
naux ainsi qu'à une table et une
chaise.
Les pompiers se sont rendus
maîtres du sinistre tandis que (es
manifestants se dispersaient
Le Comité d'action des foot-
balleurs a quitté hier matin le
siège de la fédération française
de football.
L'annonce en a été faite dans
un communiqué qui déclare :
c Aux premiers heures de la
matinée le Comité d'action des
footballeurs a décidé d'évacuer
le siège de la F.F.F. occupé de-
puis le ZZ mai. Il estime en
effet que le premier objectif
recherché a été atteint : mon-
trer aux sportifs que l'autorité
des dirigeants actuels de la
F.F.F. est illusoire et ne suscite
aucune réaction de sympathie
de la part des footballeurs
En- revanche malgré l« dif-
ficultés de liaison Hes milliers
d'adhésions et de témoignages
de solidarité ont afflué au Co-
mité d'action émanant d'indi-
vidualités mais aussi d'associa-
tions nationales comme l'UNFP
et l'ANAF.
Le Comité d'action présidé
par Just Fontaine se propose
de procéder dès que. les commu-
nications le permettront à !a
consultation des 600.000 footbal-
leurs annoncée dans son pro-
gramme.
Le Comité d'action des foot-
balleurs fait d'antre part remar-
quer :
1 — Le siège de la F.F.F. 60 bis
avenue d'Iena, est la propriété
des footballeurs affiliés à cette
association régie par la loi de
1901. La présence des footbal-
leurs, dans un immeuble payé
par leurs cotisations, pendant
une durée de six jours, était
donc parfaitement légale.
2 — En revanche, les dirigeants
de la fédération ont couveit en-
tre autre illégalité, celle «lu faux
contrat des joueurs profession-
nels. (Illégalité reconnue il y a
an an devant l'assemblée gé-
nérale du groupement (filiale
L'UNFP en tête, les mouvements
en faveur du < comité d action
des footballeurs > se développent
de la fédération) par Mr. Sadoul,
président de cet organis.nc.
Jeudi prochain, une page de
« Combat » sera consacrée à
ce mouvement. Le Comité d'ac-
tion se développera et exposera
ses griefs contre les actuels di-
rigeants de la F.F.F. Ses buts :
donner d'autres structures à la
nouvelle fédération et rendre
ainsi le « football aux footbal-
leurs ».
JIM RYUN : Saison
compromise
Jim Ryun. détenteur des re-
cords du monde du mile (3'51"1)
et du 1500 mètres (3'33"1), atteint
de mononucléose, devra, sur les
ordres de son médecin, suspendre
son entraînement pour au moins
deux semaines.
Il est à craindre que Ryun ne
puisse participer aux réunions de
qualification pour les épreuves de
sélection pour les Jeux Olympiques
de Mexico
Les autorités de l'Université du
Kansas ont fait savoir qu'au cas
ou Ryun serait dans l'incapclté
de S'entraîner en temps voulu
pour les réunions de sélection, une
dispense spéciale serait demandée.
Sélection hollandaise
pour le Tour de France
Voici la composition de l'équipe
de Hollande pour le tour de Fran-
ce cycliste : Huub Zilverberg, Jos
Van Der Vleuten, Léo Duyndam.
Jan Jansen, Rini Wagtmans, Har-
rie Steevens, Eddy Beugels, Wirn
Schepers. Gérard Vianen et Arie
Den Hartog
La participation de Léo Duyn-
dam n'est pas encore certaine. Au
cas où ce- dernier ne serait pas
guéri à temps d'une blessure au
tendon d'Achille, il serait remplacé
par Harm Ottenbros. Les deux au-
tres remplaçants sont Henk Nij-
dam et Jan Von Der Horst
A signaler que Cees Hasst. en-
gagé dans le tour d'Italie, n'était
pas candidat à une sélection oour
le tour de Franc*.
HULME qualifié
pour les 500 miles
d'Indianapolis
En dépit de l'éclatement du mo-
teur de son « Eagle Ford » lors
des essais sur le circuit d'Indiana-
polis. le pilote néo-zélandais De-
nis Hulme a réussi néanmoins à
se qualifier.
Une équipe de mécaniciens a
réussi à monter un nouveau mo-
teur en moins de cinq heures, lui
permettant ainsi de repartir et de
s'assurer la première place de la
septième ligne, avec une moyen-
ne de 264.236 krn-h. Hulme a en-
suite pris l'avion pour se rendre
à Monaco, où il participera au
Grand Prix de formule « Un ».
• Les remplaçr -la seront autori-
sés dans le prochain championnat
du monde de football, d'après M.
Harry Cavar vice-président de la
FIFA.
M Cavan . déclaré que le gar-
die:. de buts pourra être remplacé
à n'importe quel momen d'une
partie, et un autre joueur jusqu'à
la mi-temps.
GIRO : TOSELLO VAINQUEUR
A PLAISANCE
Nouvelle étape calme hier
au Tour d'Italie. Les favoris
pensaient déjà. A l'étape assez
difficile d'aujourd'hui.
Parcours hautement sélectifs
des Dolomites dont ils abor-
deront les contreforts dés
mercredi Ainsi. d'Alexandrie
à Plaisance les grands ont ob-
servé une trêve, laissant le
soin à leurs équipiers d'ani-
mer la course.
L'étape fut remportée au
sprint par le jeune Gurrino
Tosello devant Aaria.no Du-
rante Tous deux étant victi-
mes d'une chute aussitôt après
aivir franchi la ligne. Le
plus sérieusement touché est
le vainqueur qui, se plaignant
de violentes douleurs A l'épau-
le droite, pourrait être con-
traint à l'abandon.
Aucun changement uu
classement général.
Aujourd'hui. Sème étape
San Giorgi o-Piacentino —
Brescia (225 kms) compor-
tant l'ascensiof des cols de
Slèvino (962 km) et de la
Maddalena (875 m) ce dernier
situé à moins de 10 km de
l'arrivée.
Classement général.
I Dar--"i (rt.) 30 h 50"
2. Merckx (Bel.) a V 55"
3 Zilioti (It.) à 2'
4 Motta (rt.) à 4' 09"
5. Gimondi (It.) à 4" 22"
6. Jimenp- ' Ssp ) et Letort
(Fr.) à 4' 13"
8. Gabrica (Esp.) Balmanion
(It.) et Vêlez (Esp.) à 4' 15"
II Auront rrt). Etc..
Au sprint...
• Voici quelques résultats du
Tournoi préolympique de basket-
bail qui se dispute actuellement A
Sofia :
• Dimanche, la France avait rem-
porté son premier match (grou-
pe A) en dominant la Grande-
Bretagne par "8 à 50.
— Hier, dans le même groupe, 1»
Suède a battu la Hollande par 79
à 77, après prolongation Dans le
groupe B, l'Autriche a battu la
Grèce par 78 à 74 et la Yougosla-
vie a dominé l'Allemagne fédérale
par 104 à 55.
• Voici la composition de l'équipe
de football d' Manchester United,
qui rencontrer Benfica de Lisbon-
ne mercredi à Wembley. en finale
de la coupe d'Europe des clubs :
Stepney. Brennan. Dunne, Crerand,
Foukes. Stiles. Best. Kidd, Charl-
ton. Adler. Aston.
Gardien de but réservé : Rim-
mer.
• Sauf imprévu, le poids lourd
ouest-allemand Karl Mildenberger
mettra son titre de chanpion
d'Europe en jeu le 24 septembre
à Londres devant son challenger.
le Britannique Henry Cooper. Cet-
te date a été fixée par l'Union
européenne de Boxe (EBU) à I»
demande des deu-. adversaires
D'autre part, la Fédération ouest-
allemande de boxe, a l'intention
de proposer l'ancien champion
d'Europe des super-légers. WiWy
Quatuor comme challenger à l'Ita-
lien Brune Arcari. tenant du ti-
tre.
• Au terme d'un très dur combat,
l'Italien Sandro Mazzinghi a ravi
le titre de champion du monde des
moyens-juniors au Coréen Klra
Ki Soo. qu'il a battu aux points
en 15 rounds
• Chargé par le comité national
de former l'équipe suisse pour le
tour de l'Avenir, l'entraîneur na-
tional Oscar ^lattner a annoncé
à l'issue oa Grand Prix Suisse de
la route, la composition de la for-
mation helvétique pour la grande
épreu"e française. Celle-ci aura la
composition suivante :
Daniel Biolley (Fribourg), Jean-
Pierre Grivel (Genève), Xavier
Kurmann (Emmenbruecke), Vic-
tor Oeschger (Poberhofen), Félix
Rennhard (Gippingen), Kurt Rute
(Brugg), Erich Spahn (DachsenJ
et Erwin Tahlmann (Menznau).
Remplaçant : Walter Burkl (Sion).
Politique étrangère
Mardi 28 Mai 1968 COMBAT
15
points de mire
USA : élections «primaires»
de l'Oregon
A la veille de la confrontation décisive que
constituent les élections primaires de l'Oregon,
•Tant-dernier scrutin important précédant les Con-
ventions démocrate et républicaine du mois d'août,
tons les candidats en lice ont redoublé d'efforts. Chez
les républicains, Richard Nixon s'est montré très mo-
déré, beaucoup plus que son concurrent de droite,
le gouverneur de Californie, Ronald Reagan, Inscrit
lui aussi comme candidat républicain en Oregon et
dans son propre Etat, qui préconisait quelques heu-
res plus toôt dans une Interview diffusée sur une
chaîne nationale de télévision l'invasion du Nord-
Vietnam par les troupes Sud-Vietnamiennes, avec
Palde de la « logistique » américaine.
Du côté démocrate, Robert Kennedy a coiffé di-
manche la « yarmulke », le petit calot que portent
les Juifs pieux, afin d'expliquer aux fidèles d'une
synagogue de Portland que les Etats-Unis ne pou-
vaient abandonner Israë. UlcCarthy a continué à
se défendre avec indignation des rumeurs de collu-
sion avec le vice-président Hubert Humphrey, ré-
pandues contre lui, a reproché à Robert Kennedy
de se dérober à une confrontation directe, qu'il lui
offre en vain depuis des semaines. Quant à Hum-
phrey, c'est par téléphone que ses partisans recrutés
surtout dans les milieux syndicaux, font campagne
en sa faveur.
La Croix Rouge et la
situation au Biafra
Le Comité international de la Croix Rouge (CICR)
vient de recevoir de sa délégation au Biafra un ap-
pel radio « dramatique > concernant le sort de la
population civile à la suite de la prise de Port-Har-
court par les troupes fédérales nigérianes.
Selon cet appel radio, des milliers de vieillards,
de femmes et d'enfants affamés et au seuil de l'épui-
sement se déplacent vers le centre du Biafra pour
fuir les zones de combats. Le nombre des réfugiés
est estimé à 600.000 personnes qui, terrifiées par les
effets de la guerre et refusant de regagner leurs vil-
lages où elles craignent pour leur vie, sont entas-
sées dans des centaines de camps et d'écoles. De
nombreuses personnes, précisent encore les délé-
gués du CICR au Biafra, meurent le long des rou-
tes.
Dans un message adressé à toutes les sociétés na-
tionales de la Croix Rouge du monde, le CICR es-
time que pour sauver cette masse humaine, ri fau-
drait envoyer dès maintenant un minimum de 200
tonnes de vivres par jour. Pour permettre l'achemi-
nement de vivres et de médicaments < destinés à la
seule population civile >, le CICR a également
adressé aux négociateurs nigérians et biafrais réu-
nis à Kampala « un pressant appel » pour que le
blocus exercé à rencontre du Biafra soit provisoi-
rement levé.
< Le temps presse, souligne-t-on au siège de l'ins-
titution genevoise, et la Croix Rouge ne peut pas
rester indifférente devant tant de misères humai-
M. Dubcek et le rôle du Parti
< Le maintien du rôle dirigeant que le parti com-
muniste a acquis de bon .droit et auquel il aspire
toujours, est la condition indispensable du dévelop-
pement socialiste de cette société >, tel est le pre-
mier point de l'important article de M. Alexander
Dubcek publié hier matin par le « Rude Pravo » et
dans lequel le chef du parti, deux jours avant la
réunion du nouveau plénum, résume à l'adresse des
militants son < Credo > à la fois conservateur et ré-
formiste.
< Les communistes, poursuit M. Dubeck, ne sau-
raient se considérer comme les administrateurs uni-
versels de la société. Ils souhaitent inspirer son évo-
lution socialiste dans le sens du progrès, ils veu-
lent être les serviteurs les plus dévoués de la so-
ciété, des intérêts des ouvriers, agricultures, intel-
lectuels du pays, critiques implacables de tout ce
qui est dépassé, vieilli, mauvais >.
« Nous n'avons aucune raison, ni le droit de cou-
vrir par l'autorité du parti les illégalités qui ont été
commises dans le passé >, écrit encore M. Dubcek.
qui conclut :
< Si le nouveau modèle politique, que nous som-
mes en train de préparer, sera plus élevé et plus
parfait r;\ie n'importe quelle forme historique de la
démorrrîic, c'est que les producteurs eux-mêmes —
ouvriers, cultivateurs, intellectuels auront un espa-
ce, des possibilités plus grandes pour une participa-
tion immédiate à l'administration de la société et à
la gestion de la production >.
MANIFESTATION PAYSANNE
A BRUXELLES
Dès 14 heures hier après-midi, près de 4.000
paysans des six pays de la communauté euro-
péenne ont participé pour la première fois à
une manifestation commune contre la baisse du
prix de lait, à laquelle s'oppose le * COPA » (Co-
mité des Organisations Professionnelles Agri-
coles).
Dans une salle proche du Conseil des mi-
nistres des Six où une session agricole s'est ou-
verte hier soir pour aboutir à une solution sur
le Marché commun du lait, dans une atmosphère
surchauffée, enfumée, coupée d'éclatements de
•pétards, chacune des phrases prononcées dans
leur langue d'origine par les responsables natio-
naux était ponctuée d'applaudissements et de
hurlements. Des fourches, des drapeaux héris-
saient l'assistance. Des pancartes aussi procla-
maient : « Saint Mansholt patron des marga-
riniers ». « Edgar il y a assez de chômeurs en
France », «""Te lait à 40 centimes, l'eau minérale
à 90 centimes ».
C'est aux cris de « Mansholt démission »
gué s'est ouverte la réunion. Trop petite, la sal-
le n'avait pu accueillir tous les manifestants
dont le nombre dépassait largement les prévi-
sions des organisateurs.
M. Delau, vice-président du COPA, devait
pour sa part déclarer : « Aujourd'hui c'est la
première manifestation de l'entente européenne
qui passe au-dessus des divisons nationales pour
assurer l'unanimité de la paysannerie de la com-
munauté. Quelque chose bouge dans le monde
paysan de l'Europe On ne fera pas une politi-
que d'expansion économique sur le dos de l'agri-
culture ».
Dans l'après-midi les manifestants paysans
ont débordé, le barrage des gendarmes et de la
police et montent, par des rues détournées vers
le palais des congrès où devait s'ouvrir à !8h30
(GMT) le Conseil des ministres de l'agriculture
des Six.
A 16 h. 00 GMT de jeunes tenu/en, i-:ia:ent
des œufs sur les forces de l'ordre tandis que
d'autres dans des endroits plus calmes distri-
buaient du beurre et du fromage. Tandis Qu'à
Bruxelles les ministres de l'Agriculture ouvraient
leur session, les ministres des Finances com-
mençaient à Luxembourg une réunion de deux
jours où doivent être examinées l'évolution de la
situation monétaire internationale et la coor-
dination des politiques monétaires entre pays
membres de la communauté, avec, comme toile
de fond, un plan d'action élaboré il y a plu-
sieurs mois déjà par M. Pierre Werner Or. il
semble, et justement à cause des nombreuses
absences, que les débats sur ces problèmes res-
teront purement académiques. (MM Der>T<* Co-
lombo, et Schiller se sont excii$é?>
VIETNAM : LES
POURPARLERS
TOURNENT
EN ROND
La cinquième séance plénière des
conversations officielles américa-
no-nord vietnamiennes a battu le
record de durée hier matin avec
4 h 10 minutes de séance. Cela ne
signifie pas pour autant que les
choses aient avancé.
La séance a été consacré à deux
longs exposés de MM. Xuan Thuy
et Harriman, qui ont une nouvelle
fois exposé leur position, le pre-
mier soulignant qu'il n'est pas
possible d'aller plus loin tant que
les Etats-Unis ne mettent pas fin
à leurs bombardements, le second
insistant pour que les Nord-Viet-
namiens retirent leurs troupes de
la zone démilitarisée.
Dans son discours, long de 15
pages, M. Xuan Thuy tout d'abord
constate que les conversations,
commencées depuis deux semai-
nes », « n'ont abouti à aucun ré-
sultat .... parce que la partie amé-
ricaine a refusé d'entrer dans le
sujet principal des conversations
.... parce qu'elle a soulevé aux fins
de discussion des problèmes qui
n'entrent pas dans le but de ces
conversations .... parce que, en ou-
tre, elle a déformé la vérité, chan-
gé le bien en mal, ce qui a empê-
ché le progrès de ces conversatior
M. Xuan Thuy a d'autre part
réaffirmé que ce sont les Etats-
Unis et eux seuls qui ont saboté
les accords de Genève de 1954 sur
le Vietnam, tout autant que le
statut de la zone démilitarisée.
Le chef de la délégation nord-
vietnamienne a conclu :
« J'attends de vous messieurs,
la réponse à cette question :
quand les Etats Unis cesseront-
ils inconditionnellement leurs
bombardements et tous autres ac-
tes de guerre sur fensemble du
territoire de la RDV, pour per-
mettre aux discussions de porter
ensuite sur d'autres problèmes in-
téressant les deux parties ? »-
M. Harriman n'a pas répondu
à cette question. Il s'est contenté
de lancer un nouvel appel « au
rétablissement rapide dans ses
fonctions originelles de la zone
démilitarisée qui sépare les deux
Vietnam, conformément aux ac-
cords de 1954 »
« Je vous propose, a déclaré M.
Harriman, que nous demandions
de concert à ïa commission de con-
trôle, de mettre sur pied sans dé-
lai un dispositif de surveillance
qui garantisse le respect de la zo-
ne démilitarisée Ceci devrait être
réalisé d'une manière parfaitement
efficace, et non pas en nous con-
tentant de l'appareil symbolique
qui existait avant 1966 ».
Cette proposition a ajouté l'am-
bassadeur Harriman. ne signifie
pas « que nous nous proposions
d'abandonner ou de modifier no-
tre autre suggestion présentée le
13 mai dernier, relative à ïa mi-
se sur pied d'un dispositif de sur-
veillance et d'inspection qui com-
prendrait des pays asiatiques ».
L'URSS A LA
CONQUETE DE LA LUNE
par Georges ANDERSEN
Une série d'expériences de lan-
cement de fusées soviétiques com-
mencée en plein Océan Pacifique
inaugure on chapitre nouveau, dé-
cisif dans l'histoire de la décou-
verte et de la conquête des planè-
tes. EHe constitue la démonstra-
tion Irréfutable que les savants
russes ont à leur tour opté pour
la récupération des engins spa-
tiaux en mer au lieu de continuer
à faire revenir leurs engins su>
le sol de l'Union.
Quelques techniciens rivaux ont
attribué cette modification à la
catastrophe qui a conté la vie au
commandant Komarov. En réali-
té, U s'agit des derniers prépara-
tifs de l'expédition soviétique vers
la Lune, qui devrait aboutir à
l'alunissage d'une équipe de cos-
monautes spécialement formée.
Les experts de la N.A.S.A. recon
naissent eux-mêmes, non sans
amertume, que si les Etats-Unis
sont parvenus il y a deux ans à
rattraper leur retard sur l'URSS
ils sont dès à présent dépassés
par les Soviétiques, Ceux-ci son*
sur le point de planter leur dra-
peau sur la Lune. Il ne s'agit pas
d'une Infériorité technique améri-
caine : l'équipement des savants
des Etats-Unis pour affronter cer-
tains imprévus est plus perfec-
tionné que celui des cosmonaute*
soviétlones. An surplus. les Améri-
cains ont déjà placé 500 satellites
inter-planétaires sur orbit* contre
250 soviétiques : ils ont réussi 12
explorations de la Lune alors «nie
les Soviétiones n'en ont réalisé one
8. De plus, les « fits tiids » de la
NASA ont totalisé 2000 heure, de
vol contre B50 pour les as soviéti-
ques. Les ralentissement d* la
course c-ontre la montre des Amé-
ricains vers la Lnne doit être at-
'rihuee à rïes motifs financiers. M
Tnhnenn. animateur cJe la NASA.
a effectué des coupes sombres
flanc in hudeot de l'Institution et a
••Miiit ses crédits à 4.3 milliards ri>
dollars. 1«> niveau le plUç bas de-
OTiis 1WS3. Pela, an moment même
on b> TV Mnllcr. une des m»ll-
<euivs têtes de la NASA, réclamait
20 milliards de dollars, indispen-
sables pour que l'Amérique puisse
tenir les promesse* faites par ses
leaders, ce professeur Miller a
fait allusion au discours du pré-
sident Kennedy qui avait fixé com-
me date limite pour la prise de
possession de la Lune par les USA
le 31 décembre 1969.
Ce sont les complications déter-
minées par la guerre au Vietnam
qui ont obligé la Maison Blanche
à restreindre les crédits alloués à
la NASA alors que dans l'esprit
d'un groupe de parlementaires
américains les milliards consacrés
à la conquête de l'espace et des
planètes aurait constitué un pla-
cement beaucoup plus ren'aWe que
ce qui a été dépensé au Vietnam...
Il est significatif que l'URSS
tout en faisant des sacrifice* bud-
eétaires se chiffrant par milliards
nour soutenir la cause du prési-
dent FTo Phi Minh et de la RDVN
ait trouvé les moyens de doubler
le buderet de son exploration sna-
fîale et planétaire.
Les avions et satellites rt'obser-
'•ition du Pentaeone ont déjà si-
gnalé la présence d'une énorme
tour de lancement destinée sans
Joute au cataniiltarp de la grande
f'isee lunaire soviétimie Contrai-
-oment aux nro'ets initiaux oY M.
W«T"er von Br»nn et nV son état-
major, contrairement é-o'ement
lux plans sn^létlones. I» VASA de-
vra mettre fin à ««n effort <snatial
3or£s nn oremier d^arn'tement sur
la Lune. <5ont aionrné* « sine Hi» »
nnn feulement IK mission sur Ve-
nus, le nroiet « Vovarer • imnli-
"nant un» première evn£^>iHon et
l'installation o"nn lah/vratoîr» sur
Mars msis encore le nroiet «Ner-
•'!»» obstiné à l'oTnlni-»»!'"' •'"•= nla-
nplp. nlns Wol«m#»« H» Devront
également renoncer * tonte ac-
tion de colonisation *f li Lune.
Par conséniiTt. !'TTWS<a cera la
nremlère rrande nirl««1»»»''<" * Con-
onérir la Lune. et sa victoire ne
manonera nas d'avoir •*»« eonse-
iftK.nr.ps
• KOWEÏT .— Le gouvernement de Koweït vient de passer une
commande de chars d'assaut, pour une valeur de 6 à 7 millions de
livres à la firme britannique Vickers, annonce cette dernière.
% JORDANIE .— Une commission préparatoire s'est réunie hier
à Amman pour désigner les cent membres de la nouvelle Assem-
blée Nationale palestinienne.
% ISRAËL .— Deux soldats israéliens ont été blessés dimanche
soir dans l'explosion d'une mine sur le passage d'une voiture mi-
litaire. L'incident s'est produit près de Abu Tzutz, dans la vallée du
Jourdain et est dû à des infiltrateurs arabes, selon un porte parole
militaire israélien.
0 TCHECOSLOVAQUIE .— Une fosse commune dans laquelle se
trouvaient inhumés les restes de 24 personnes exécutées et inciné-
rées entre 1950 et 151 a été mise au jour à Brno (Tchécoslova-
quie Centrale) rapporte « Prace > organe des svndicnts
• SENEGAL .— Les étudiants sénégalais de l'Université de Da-
kar, groupés au sein de l'union démocratique des étudiants sénéga-
lais ont déclenché hier matin, comme prévu, une grève illimitée des
cours et le boycottage des examens.
COMBAT
Algérie 45 din. — Tunisie 60 mil. — Maroc 0.60 dir. — Belgique-Lu xemboiirgSF belges — Espagne 1 ptas — Italie 100 L — Suisse 0,40
Le mouvement étudiant a montré sa force
50.000 étudiants et ouvriers se sont réunis dans le calme au stade Charléty
Nombreuses manifestations en province
L'U N.E.F. avait appelé à une manifestation de masse hier
soir devant mener les étudiants et les travailleurs des
Gob'elins à Charléty. Des mots d'ofdre de calme avaient
été diffusés ; entre' autres, le mot d'ordre de dispersion à
la fin du meeting qui devait avoir lieu à Charléty à l'issue
du défilé S'étaient associées à ce meeting, les organisa-
tions suivantes : La Fédération de l'Education Nationale,
la CF.DT certaines Fédérations F.O., les comités d'Ac-
tionl Lycéens, le club des Jacobins, le C.E.D.E.P. (club so-
cialiste de la F.G.D.S.)... Le mouvement du 22 mars, quoi-
qu'y participant, n'appelait pas ses adhérents à y parti-
ciper.
• 17h.30 : A l'appel de l'UNEF un
cortège qui groupe plus de dix mil-
le personnes et qui s est forme au
carrefour des Gobelins et du Bou-
levard de Port Royal, s'est mis en
mouvement à 17 h. 30 vers le sta-
de Charléty. Dans ce cortège que
grossissent sans cesse les grou-
pes de jeunes gens qui convergent
de différents côtes se trouvent plu-
sieurs personnalités politiques no-
tamment Pierre Mendès-France
Michel Rocard, secrétaire général
du PSU., Claude Bourdet. Plu-
sieurs sections C.F.D.T. sont égaie -
metxt dans le cortège avec leurs
banderoles.
• 19 h 15 : II était plus de 19 heu-
res lorsque le premier orateur Jac-
ques Sauvageot, au nom de VU NEF,
pouvait enfin prendre la r:-T>le du
balcon du club House du stade
Charlêty.
Une lutte commune
FJI effet, durant quarante cinq
minutes, le cortège par vagues suc-
cessives avait pénétré lentement
dans le stade dé.ià envahi par des
milliers de Jeunes gens venus indi-
viduellement ou par petits grou-
pes. Les tribunes et la pelouse
étaient alors submergées. Ce sont
d'après les habitués de ce genre
de manifestations, plus de 35 000
personnes qui se trouvent groupées
à présent dans le stade.
• « Ce n'est pas que nous soyions
contre la violence car elle consti-
tue parfois une arme », a déclaré
notamment au cours de son allo-
cution Jacques Sauvageot, vice -
président de l'U.N.E.F. « Mais, a-
t-il ajouté, nous ne croyons pas
qu'aujour'dhui elle était effic<vce.
La manifestation de ce soir est par-
ticulièrement importante par la
forte proportion de travailleurs qui
y participent surtout quand nous
sommes l'objet d'atteintes de la part
d'un gouvernement, qui d'ailleurs,
il faut tten le dire, trouve des al-
liés. Nous devons maintenant dé-
finir une stratégie et trouver une
ligne politique ».
• De son côté, le représentant de
la C.F.D.T., a déclaré : « Notre
camarade Jeanson a réaffirmé ce
matin à Billancourt que notre lut-
te et votre lutte sont communes.
Notre lutte et la vôtre se rejoi-
gnent parce qu'il s'agit de mettre
en cause la gestion des entreprises
comme celle des universités. Dans
les jours qui viennent, nous devrons
nous retrouver pour décider ensem-
ble par quels moyens la démocra-
tie deviendra effective dans ce
pays ».
Devait ensuite prendre la parole
M. Labi, représentant de Force Ou-
vrière : « Ce que nous voulons c'est
une augmentation des salaires et
7 manifestants inculpés
et remis en liberté provisoire
Les sept manifestants de la nuit
de vendredi à samedi qui font
l'objet de poursuites judiciaires.
ont été places hier après-midi en
liberté provisoire après avoir été
Inculpés par les juges d'instruc-
tion devant lesquels ils ont com-
paru.
Claude Rivert. électricien 24 ans,
Gilbert Marmet. étudiant en Droit,
21 ans J. Marmet Tôlier de 18 ans,
Gilles B... maçon de 17 ans 1-2.
demeurant tous les quatre à So-
lers (S. et M.), ont été conduits
devant le juge Diemer qui les a
inculpés de transports d'armes, car
ils ont été interpellés le 25 mai à
2 h.30 à bord de la 2 CV con-
duite par Rivert et dans laquelle
les policiers ont trouvé outre 4
casques, des cables électriques, des
morceaux de plomb et de métal,
une grenade lacrymogène et deux
lance-pierres. Ils ont afirrné qu'ils
avaient trouvé tous ces objets sur
les lieux de la manifestation et
qu'ils les ramenaient comme tro-
phées pour les montrer aux cama-
rades de Solers. Gilles Melet, em-
ployé aux Halles, âgé de 19 ans,
arrêté le 25 mai à 1 h.30 place
Maurice Quantin, a été inculpé de
port d'armes par le juge Jouffrault
car, coiffé d'un casque, il a été
trouvé porteur d'une fronde de 9
boulons et d'un marteau de maçon.
MOTS CROISÉS
PROBLEME N° 251
VI Vfl VU K X
HORIZONTALEMENT
1 Et qu'en sort-il souvent ? du
vent ! - 2 II vit de croûtes. On
en poudre un petit derrière. - 3
Ses nœuds sont doux. Il va ventre
à terre. - 4 Conjonction. Arrêté,
peut-être acquitté. - 5 Grande
scène qu'a peinte Léonard de
Vinci. Les gros sont les plus at-
tendus. - 6 Une saucée le fait cou-
rir. Ça permet d'arriver plus vite.
- 7 Rien ne pousse dans ses
champs. Il a gagné son siège -
8. Un homme sans précédjnt. Pré-
fixe. - 9 Peuvent devenir fous
quand ils sont déchaînés. Couche
sur le carreau. - 10 Médée l'a ra-
jeuni. Il y en eut deux qui fu-
rent généraux à Blois.
VERTICALEMENT
1 Sans détour. Cuisant. - II Ortie
blanche. Compagnons de Jeux. -
III Dans les pommes. Un singu-
lier bonhomme. - IV A la tête du
chapitre. D'accord ! - V Qui ne
fait pas un pli. Pincé. - VI Elle
s'emplit à l'office. - VIII Va-et
vient continuel. Ljtupéfait quand
on le double. - IX On la prend
pour monter. On l'envoie au cas-
se-pipes. - X Non préparé. Elles
sont plus longues l'hiver.
SOLUTION DU Na 251
Horlzontalement. - 1 Flatulence. -
2 Rapin. Talc - 3 Amitié. Ver. -
4 Ni. Réglé. - 5 Cène. Lots. -
6 Ru. Piston. - 7 Mars. Elu. -
8 Premier. Di. - 9 Rires. Abat -
10 Eson. Etats.
Verticalement. - I Franc. Apre. -
11 Lamier. Ris. - ni Api. Numéro.
- IV Titre. Amen. - V Unie Pris
- VI Eglise. - VII Et. Los. Rat. -
VIII Navette. BA. - IX Clé. Sol-
dat. - X Ecru. Nuits.
(SOLUTION DU N° 250
Horizontalement. - 1 Flatulence. -
- 2 Evité. Amie. - 3 Pal. Damier.
- 4 As. Dates. - 5 Site. Réélu.
- 6 Ouste. Ra. - 7 Inter. Demi.
- 8 Erine. PV. - 9 Elut Enter.
- 10 Sûr. Attise.
Verticalement. - I Repas. Iles.
- II Evasion. Lu. - III Cil. Tuteur
- IV Et. Désert. - V Léda. Tri.
- VI Atre. Net. - VII Ramée.
Dent. - Vin Misère. Ti. - IX Aïe.
Lampes. - x Perdu. Ivre.
la garantie qu'elle ne sera pas le-
niée par une augmentation des
prix.... mais surtout nous voulons
conquérir la démocratie sociale fct
économique ».
• Un « militant de base » du
momcment du 22 mars s'adresse
à son tour à l'assistance : « Les
divisions que l'on essaie de créer
entre les travailleurs en lutte,
et les étudiants n'étaient pas per-
ceptÀbtes derrière les barriades
[parce qu'il r.fe- avait que des.
geiir en lutte.
Aujourd'hui il s'agit de s'organi-
ser et de faire e nsorte que les
milliers de personnes qui sont ici
n'aillent pas se coucher en ren-
tranf chez elles mais s'organisent
dar.- leur quartier, à la base. Il
est nécessaire d'organiser des co-
mités de lutte dans chaque quar-
tier pour soutenir la lutte des
travailleurs... »
• Chaleureusement applaudi. M
Barjonet, démissionnaire dé la
C.G.T. a rapproché eryrnite à la
direction confédérale de la C G.T
et plus particulièrement à son se-
crétaire général. M. Séguy. de n'a-
voir pas voulu voir le caractère
« Ce qua veulent les travail-
leurs, c'est désormais le pouvoir
ouvrier dar.ï les usines, de même
que les étudiants veulent le pou-
voir étudiant dans les universités.
La révolution exige un foisonne-
ment d'idées mais il faut s'organi-
ser pour abattre le régime actuel
et marcher vers la révolution so-
cialiste ».
Après M. Barjonet. c'est un re-
présentant de la Fédération de
l'Education nationale qui s'est
adressé à la foule. Il a souligné
qu'il importe de continuer le com-
bat afin d'établir une « authenti-
que démocratie socialiste en te-
nant compte certes des intérêts im-
médiats, mais sans abandonner les
perspectives générales ».
• Puis ce devait être au tour d'A-
lain Geismar, ex-secrétaire du
SNE-Sup.. qui expliqua les raisons
pour lesquelles i' avait démission-
né de ce poste dans la matinée :
afin d'éviter « toute ambiguïté et
d'élargir son action >>
« Le mouvement révolutionnaire
est en marche de façon irrésisti-
ble, s'est-il écrié. Il ne faut pas se
La manifestation autorisée
A propos de la manifestation organisée hier •par l'UNEF,
la préfecture de police a fait savoir « qu'à la suite de conver-
sations avec les dirigeants de cet organisme, ceux-ci ont pu
donner toutes assurances sur les conditions dans lesquelles se
déroulerait le cortège, de la place des Gobelins au stade Char-
iely. ainsi que sur la dislocation effective des participants à
l'issue du meeting.
« Etant donné ces engagements, cette manifestation a été
autorisée ».
Rappelons que le Bureau de l'UNEF affirme n'avoir pas
solicité cette autorisation.
9 ATMOSPHERE TENDUE A LYON
Lundi soir, une atmosphère de crainte a régné sur la ville
de Lyon. Dès 17 heures, les commerçants du centre ont baissé
leurs rideaux
La mise en garde du préfet du Rhône, diffusée hier matin
précédée ou suivie de nombreuses autres émanant d'organisa-
tions politiques et syndicales, ouvrières et estudiantine? ont
rassuré dans une certaine mesure la population.
Les services de police de Lyon ont procédé à une centaine
d interpellations au cours de la journée d'hier. Une grande
partie des jeunes gens interpellés ont été relâchés après con-
trôle d idendite et un bref interrogatoire. Les procédures ont été
établies a l encontre de plusieurs d'entre eux trouvés porteurs
d objets divers.
Par ailleurs, deux manifestants de vendredi sont mainte
nus sous mandat II semblerait que ce soit on rapport avec
l'enquête sur le rleces du commissaire Lacroix.
révolutionnaire du mouvement en
cours : « Pour moi. un mouvement
révolutionnaire, cela r,? veut pas
dire seulement une situation où il
y a de l'agitation et des millions
de travailleurs en grève, mais une
situaiton où l'on veut faire la ré-
volution.... ceux qui n'ont pas
voulu voir le caractère révolution-
naire de la situation actuelle por-
tent une responsablité historique
très lourde, à laquelle je n'ai pas
vouu m'associer..
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lin ter aux revendications maté-
rielles. On ne négocie pa savec le
patronat mais on le combat »
it il a continué : « NOUS devons
poursuivre notre action. Notre but
nest pas un changement de gou-
vernement ni des négociations avec
ce gouverement. Le devoir d'un ré-
volutionnaire est de faire la r*vo-
lution... ».
M. P. Mendés-France présent au
meeting et réclamé à cor et à cris
par 1 assistance refusa de prendre
la parole « nous sommes ici à une
réunion syndicale, et ce n'«t ms
a moi de parler... »
La dispersion
• 2l h. Le meeting est termine.
Conformément aux mots d'ordre
de dispersion, les participants
s en vont par petits groupes cha-
cun sela sa direction. Ainsi les
responsables étudiants ont parve-
nu à montrer simultanément leur
force, leur fol révolutionnaire et
l emprise qu'ils avalent sur leurs
troupes.
• Marseille : le pouvoir et dans
la rue.
A MarscilU.-. ce sont 3.UUO étu-
diants environ qui ont participé
à la manifestation organisée par
l'UNEF dan? l'apr^s mi*i d'hier.
« Ce n'est pas Pompidou qui a
le pouvoir, avait déclaré l'un des
responsables peu avant le départ
du défilé, c'est nous qui sommes
les maîtres de la rue et nous le
prouverons Pn bloquant le carre-
four Garlbaldl-Canfh^re pen-
dant une demi-heure ».
Le dossier de la répression
LE «SAMG-
FHOID » DU
SERVICE
lllllllllti:
Depuis trois semaines, le dossier
de la répression policière s'éparssiU
Les témoignages affluent, tellement
accablants qu'on hésite parfois &
les croire. Dans le cas pcésent. les
garanties morales représentées par
les signatures de sept personnalités
incontestées lèvent évidemment
toutes nos préventions.
Au demeurant, ce qu* nous
avons pu constater nous-mêmes
nous incitait par avance à te-
nir pour vraisemblables les faits
rapportés ci-dessous
J'étais arrêtée par des C.R.b. le
vendredi 24 mai a minuit. J'étais
à bord d'une voiture croix bleue-
J'aidais une infirmière à évaluer
des blessés dans les hôpitaux.
J'étais donc infirmière bénévole.
Nous avons été amenés au posta
de police de la rue de Grenelle.
Là on noug a mis dan.s une cage
grillagée. Nous avons attendu OTI-
tre heures. De temps en temps les
C.R.S. apportaient tie.^ blessés, qu ils
rouaient de coups. Puis un car
nouis a emmenés à Beaujon Le
gendarme qui était dans le car
nous conseilla de descendre vite
une fois arrivés et de irettre les
mains sur la tête.
J'attends debout sous la pluie.
De temps en temps des cars de
CRS déversent hommes et fem-
mes matraqués gazés, ay.ant des
blessures très graves à la tête, des
bras casses, etc.. les Chinois ou
Vietnamiens et les Noirs sont par-
ticulièrement traités avec uns
grande violence. Puis on nous fait
passer dans des salles une à une.
un à un. Un CRS m'interpelle :
« Bouclette, viens ici qv.e ]e te
rase ». Matraquage, Un gradé in-
tervient, mais la jeune fille qui
est avant moi a les cheveux cou-
pés dans tous les sens. Puis je
suis parquée dans une cellule da
2.50 m sur 6. -: au bout de cinq
heures, nous sommes quatre vingt.
Nous pouvons seulement nous
tenir debout ; depuis la grille, je
peux voir la cour : un jeune hom-
me passe a moitié nu, il a les
jambes lacérées de coups de ma-
traque, il saigne, il se tient Le bas
ventre, il urine partout. Un po-
ficier se vante de ce qui lui est
arrivé. ^ J'apprends par une jeune
femme qui était avec lui que les
CRS l'ont matraqué jusqu'à l'éva-
nouissement puis qu'ils l'ont dé-
shabillé en lui malraquant le sexa
jusqu'à oe que ies chairs éclatent.
Des jeunes filles arrivent, parmi
elles une jeune lycéenne de 16 ans
nous raconte qu'elle s'est faite ar-
rêter a Saint-Michel par des CRS
ils l'ont conduite dans leur car, et
là, à 4 ils l'ont violée : elle me
dit qu'elle s'est laissée l'aire sinon,
ils l'auraient matraquée et tondue.
Ses vètarr.tvts sont déchires, elle
est tuméfiée.
De nouveau de^ arrivages, lous
sont matraqués violemment à leur
arrivée, beaucoup ont de graves
bKssures à la tête saignent et
boitent.
D'autres jeunes filles arrivent,
elles sont tuméfiées, elles sont
restées enfermées quatre heures
dans des cars, le* CRS jetant à
l'intérieur des cars des grenades
lacrymogènes pour les asphyxier.
Dans la cellule, une femme en-
ceinte a été matraquée. Au bout
de vingt cinq heures nous avons
des crises de nerfs, je fais partie
de celles-là.
On nous libère ei on nous ma-
traque à la sortie. Dans le champ
barbelé, il y a encore de nombreux
arrêtés qui sont là depuis vingt
cinq heures. Je ne sais pas quand
ceux-là vont sortir.
Nous, soussignés, certifion.- con-
naître la personne qui vient de
signer ce document, et déclarorœ
qu'il s'agit d'une personne dont
l'honorabilité, le sang froid et la
respectabilité sont au-delà de tou-
te mise en question
Pierre Kast, Jean Daniel Pollet.
Claude Chabrol, Jacques Baratier.
Paul Paviot, Jacques Donlol-Val-
croae, Jacques Rozier, Robert Bn-<
rloo et Louis Malle.
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Title
Combat
Issue
no.7423
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Publication information
no.7423