Jeune Revolution

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JEUNE REVOLUTION
1- ^ MENSUEL DE LA JEUNESSE OUVRIÈRE ET ÉTUDIANTE ^
PRIX : \ FRANC
N
26 JUIN 1968
10 millions de grévistes, 5 semaines de grève...
POLROUOI
« La jeunesse est la flamme de la révolution prolétarienne » — Karl LIEBKNECHT
UN DEVOIR, UNE NECESSITE :
Défendre les liberté
démocratiques!
roviouo
JEUNE IEIIOL
par Charles BERG
•*-*A grève générale n'est plus.
La Sorbonne libérée par une
formidable et pacifique manifes-
tation d'un million de travail-
leurs, le 13 mai, a été reprise
par les C.R.S.
Sud-Aviation, Renault, Ci-
troën, sont à nouveau au tra-
vail.
Le général de Gaulle siège
toujours à l'Elysée.
Une majorité gaulliste se dé-
gagera nécessaisement des élec-
tions en cours.
L'ordre règne.
La classe ouvrière pleure ses
deux morts de Sochaux.
L'ordre règne : un jeune ly-
céen, Gilles Taupin est mort.
L'ordre règne : le Conseil des
ministres a dissous onze orga-
nisations ouvrières et de jeu-
nesse, interdit toute manifesta-
tion. Des militants sont arrêtés,
167 étrangers sont expulsés.
Waldeck-Rochet, parodiant M.
Thiers, déclarait récemment :
« NOUS SOMMES LE PARTI DE
L'ORDRE ET DE LA SAGES-
SE. »
L'ordre règne à un point tel
que les Salan (ceux qui, hier,
étaient condamnés à mort pour
assassinats et vols), Lacheroy,
Sergent et Bidault circulent en
toute liberté ; à Orléans, un
commando d'extrême-droite or-
ganise une ratonnade contre les
étudiants, à Caen le président
de l'UNEF est agressé dans la
rue, à La Rochelle les nervis de
l'UDR collent leurs affiches i
coups de fusils. Et pourtant...
Il y a quelques jours encore,
clans toutes les villes de France,
par centaines de milliers, tra-
vailleurs, enseignants, étudiants,
jeunes, manifestaient dans l'u-
nité derrière le drapeau rouge,
au chant de « l'Internationale »,
à l'appel de leurs organisations,
pour la satisfaction complète
de leurs revendications, POUR
CHANGER LA VIE.
Oui, comme titrait « Révol-
tes », journal d'une organisation
aujourd'hui interdite : « Tout
est possible. »
Tout était possible. Tout ?
— L'abrogation des ordonnan-
ces sur la Sécurité Sociale.
— L'abrogation des Ve Plan
et Plan Fouchet.
Tout?
— Les 1.000 francs par mois
réclamés par les travailleurs de
chez Renault.
— L'échelle mobile des salai-
res.
Tout ?
— Oui, tout, et le Socialisme
devenait réalité.
« Tout était possible », mais
les directions du P.C.F. et de
la C.G.T. ont, une fois encore,
trahi la classe ouvrière et sa
jeunesse.
Partis à l'appel de Sud-Avia-
tion à dix millions dans la grè-
ve, sans qu'à aucun moment les
centrales ouvrières ne donnent
l'ordre de grève générale, les
travailleurs, corporation par cor-
poration, secteur par secteur,
usine par usine, sont rentrés
contraints, alors qu'il fallait,
pour faire céder le patronat et
son Etat, MAINTENIR l'UNITE
DES DIX MILLIONS DE GRE-
VISTES.
La responsabilité en revient
entièrement aux Waldeck-Ro-
chet, Séguy, Bergeron, Des-
camps et Marangé. Bien sou-
vent, les travailleurs, les ensei-
gnants, les jeunes, le leur ont
fait entendre, la rage au coeur.
Unis dans la grève générale,
ouvriers et étudiants, comme ie
13 mai, pouvaient sans aucune
violence tout obtenir.
Cela dit, plus que jamais il
faut avoir les idées claires : la
classe ouvrière n'est pas ien-
trée battue; des avantages réels
ont été obtenus, niais surtout
le prolétariat a mesuré sa force
en se déployant dans l'action.
Rien n'est réglé : la bourgeoi-
sie doit, pour rattraper son re-
tard, imposer en quelques mois
plus d'un million de chômeur ;
la bourgeoisie, pour faire face
à la concurrence internationale,
doit, et va, par l'inflation et la
hausse des prix, reprendre à la
classe ouvrière tout ce qu'elle a
arraché...
Rien n'est réglé.
La classe ouvrière n'accepieia
pas le chômage et la misère.
La jeunesse ouvrière étudian-
te n'acceptera pas le plan Fou-
chet et la répression.
Tout commence. Le front se
reconstitue. La bourgeoisie se
rassemble, s'organise, se pré-
pare. La classe ouvrière, sa jeu-
nesse doivent en faire de nié -
me. Nul ne peut dire quand,
mais une chose est certaine,
des affrontements de classe
d'une ampleur formidable .se
préparent.
« Le processus de la répres-
sion engagé, nul ne sait quand
il s'arrêtera... » déclarait sur
un poste périphérique Guy Mol-
let. La répression frappe au-
jourd'hui des organisations dont
un certain nombre ouvraient
concrètement les voies et les
moyens de la réalisation du
front unique ouvrier, d'un gou-
vernement des travailleurs,
émanation d'un comité central
national de grève.
La dissolution de ces onze or-
ganisations fait peser sur l'en-
semble du mouvement ouvrier
et démocratique la menace
d'une répression généralisée.
Aujourd'hui, le gouvernement
frappe des organisations Sa-
vant-garde ; demain, c'est au
Parti communiste français qu'il
s'en prendra.
Waldeck-Rochet le sait mieux
que quiconque.
Mais la bureaucratie stali-
nienne, comme hier en Allema-
gne ou en Grèce, est prête -i
sacrifier ses organisations et ses
militants si le maintien de "or-
dre bourgeois l'exige.
La défense des libertés démo-
cratique pose en fait le pro-
blème de l'unité nécessaire à
la classe ouvrière pour résister
à l'exploitation capitaliste.
La défense des libertés d'ex-
pression et d'organisation passe
aujourd'hui par la bataille au
sein des syndicats ouvriers et
enseignants, afin que ces der-
niers, comme l'a proposé 1T-
NEF, organise une riposte de
masse en réponse à la dissolu-
tion des onze organisations.
LES LIBERTES NE SE MAR-
CHANDENT PAS ; ELLES SE
DEFENDENT !
Au travers de ces formidables
événements, par centaines de
milliers, jeunes travailleurs,
apprentis, étudients, lycéens,
sont entrés dans la lutte, ont
fait l'expérience des directions
traîtres du P.C.F. et de la
S.F.I.O.
Plus que jamais, se trouve
posé le problème de la construc-
tion d'une organisation ras-
semblant sur le terrain de la
jeunesse, lycéens, étudiants, ap-
prentis, jeunes travailleurs, lut-
tant réellement pour le socia-
lisme.
Plus que jamais la construc-
tion d'une telle organisation
combattant au côté d'un parti
révolutionnaire est à l'ordre du
jour.
« La crise de l'humanité, c'ejt
la crise de sa direction révolu-
tionnaire », Léon Trotsky.
Jeune Révolution, dès son pre-
mier numéro s'assigne pour ob-
jectif d'être un instrument au
compte du rassemblement d'une
telle organisation. Il s'agit de
confronter les expériences réa-
lisées par des milliers d'entre
nous durant la grève générale
dans les usines et dans les fa-
cultés.
Il s'agit de tirer la leçon de
cette trahison ; il s'agit de com-
prendre pour agir.
Lutter pour la défense des li-
tertés démocratiques en impo-
sant le front unique ouvrier,
préparer les combats de ue-
main, leurs victoires, éduquer
les milliers de jeunes ouvriers
et étudiants qui se sont déga-
gés des événements du mois de
mai, telles sont le tâches que
nous nous assignons à Jeune
Révolution.
On peut dissoudre les orga-
nisations, on ne peut dissoudre
les idées du marxisme révolu-
tionnaire. La lutte continue.
LE POINT DE VUE DE SIMON
IQÛQ
-^ "•••—i »••—
3DLJD
PATRONAT
NGENT
//
APRES LA GRÈVE... pur Paul THIERRY
Partout, dans les manifestations,
les combats de rue, dans les usines,
dans les comités de grève, les jeu-
nes ont été à la pointe de la lutte,
les meilleurs combattants, les pre-
miers dans la bataille, les plus ré-
solus à aller jusqu'au bout.
UNE RAGE LEGITIME
Maintenant, ils sont en proie, i-lus
encore que tous les autres travail-
leurs, à un sentiment de rage, de
frustration. Ils savent que tout était
possible, et que l'essentiel n'a pis
été obtenu. Ils savent qu'il était pos-
sible de réaliser les revendications
fondamentales de la grève gêné
raie : — abrogation des ordonnan-
ces ; échelle mobile des salaires
garantie par le contrôle syndical sur
les rpix ; retour immédiat aux qua-
rante heures — et que les dirigeants
des centrales syndicales et des partis
ouvriers ont trahi le mouvement de
dix millions de grévistes pour s?
vautrer de nouveau dans le puant
marécage parlementaire. Ils savent
que le patronat et son Etat n'ont
pas perdu un instant pour pasoer
à la contre-offensive début d'une
hausse générale des prix pour an
nuler les augmentations de salaires;
atteinte aux libertés démocratiques:
expulsion massive de travailleurs et
d'intellectuels étrangers, dissolu
rion des organisations révolution-
naires qui affirmaient que « tout
était possible », et voulaient que
les dix millions de grévistes s'unis-
sent en fédérant les comités de
grève à tous les niveaux pour aller
lusqu'à la victoire avec le comité
national de grève ; licenciements de
travailleurs choisis parmi les meil-
leurs combattants, etc. Ils savent
que ce n'est là qu'un commence
ment, si les travailleurs ne réagis-
sent pas à temps. Ils savent que
l'organe patronal « L'Usine Nou-
velle » annonçait dès le 31 mai qu'il
faudrait : « 1 million de chômeurs
d'ici quelques mois » et « une po-
litique d'assainissement infiniment
plus brutale que celle mise en œu-
vre en 1963 et peut-être même en
195S » pour « guérir le traumatisme
subi par l'économie du pays ».
Lisez : par les profits des capita
listes. Ils savent que ce sont les
jeunes, qui seront les premiers li-
cenciés, si même ils parviennent à
trouver du travail. Ils savent, en un
mot, que, plus que jamais, la déqua-
lification, la déchéance, un pour-
rissement sans espoir sont les seu-
les perspectives que leur offre :otto
société capitaliste contre laquelle ils
se sont dressés avec tant de cou-
rage, tant de combativité, tant de
résolution et que, seule, la trahisou
des dirigeants des organisations ou-
vrières traditionnelles a empêche les
dix millions de grévistes de rempor-
ter la victoire totale qu'ils étaient
en droit d'escompter.
COMMENT ILS ONT TRAHI
II ne suffit pas de serrer les
poings de rage — rage pourtant
légitime. Il faut comprendre ; com-
prendre ce qui s'est passé pour se
préparer à ce qui va se passer.
Comprendre comment, pourquoi,
nous avons été frustrés de la vic-
toire qui était à portée de nos
mains, pour préparer les conditions
où rien n'empêchera plus la vic-
toire totale des masses travailleu-
ses et exploitées.
Dans la trahison du mouvement,
le rôle principale revient naturelle-
ment aux dirigeants du P.C.F. si
de la C.G.T. Non, certes, que la po-
litique des réformistes, des diri-
geants de la C.G.T.-P.O. ou de la
F.E.N. ait été meilleure — les mil-
liers de syndicalistes enseignants,
en majorité des jeunes, qui ont
dû occuper les locaux de leur syn-
dicat pour tenter, vainement d'ail-
leurs, d'obtenir de leurs dirigeants
qu'ils s'expliquent, peuvent en té-
moigner (1). Mais la place qu'oc-
cupent, dans la classe ouvrière de
ce pays, le P.C.F. et la C.G.T., le
rôle des militants du P.C.F. dans ie
mouvement ouvrier, tout cela fait
que la politique suivie par leurs diri-
geants — contre la volonté de la
majorité des militants et des cadres
de leurs propres organisations — a
été l'élément essentiel dans l'esca-
motage de la victoire que les dix
millionus de grévistes étaient en
droit d'attendre. Quant à la C.F.
D.T., même si cette organisation
compte, sans aucun doute, dans ses
rangs, des militants ouvriers vala-
bles, qui y sont souvent entrés par
écœurement de la politique des di-
rigeants staliniens de la C.G.T., son
verbiage de gauche, là où cela n'a
ni conséquence ni portée réelle, ne
peut rien changer à la politique Je
cette organisation, qui s'est faite le
champion de la section syndicale
d'entreprise, destinée à intégrer
l'ouvrier à « son » usine, et à ato-
miser ainsi, entreprise par antre
prise, la classe ouvrière, comme des
formules de cogestion et de partici
pation aux bénéfices, qui ne pour-
suivent pas d'autre but.
Non contents de poursuivre de
leurs attaques incessantes les mili-
tants révolutionnaires, jeunes, étu-
diants, ouvriers ; non contents Je
s'opposer, par tous les moyens jii
leur pouvoir, à la fédération des
comités de grève et à la constitu-
tion d'un comité national de grève
de nature à donner au mouvement
une direction de combat ; non îon
tents d'appeler continuellement a Is.
répression contre les révolutionnai-
res, et de se réjouir ouvertement
quand cette répression est devenue
une réalité, les dirigeants staliniens
ont abandonné ce qu'ils définis
saient eux-mêmes comme les reven-
dications essentielles des travail
leurs.
Prenons comme exemple celui de
la lutte pour l'abrogation des ordon-
nances tendant au démantèlemenc
de la Sécurité Sociale, et celui de
l'échelle mobile des salaires.
L'ABROGATION
DES ORDONNANCES
ET L'ECHELLE MOBILE
DES SALAIRES
Le 21 mai, le B.P. du P.C.F. dé-
clarait que « les conditions étaient
créées pour la satisfaction des re-
vendications essentielles des tra-
vailleurs... » et que, parmi ces i'e-
vendications, il citait en premier
lieu l'« abrogation des ordonnances
d'août sur la Sécurité Sociale. »
Le 21 mai i« L'Humanité » du 22
mai), tandis que Georges Séguy ten
tait une fois de plus de se justifier,
à l'égard des militants de la C.G.T.
eux-mêmes, du refus de celle ci de
prendre ses responsabilités et dé
donner l'ordre de grève générale,
René Andrieu écrivait : « ... Le pou-
voir gaulliste a reçu un coup dont
il se relèvera difficilement » — sans
notre aide, aurait-il dû ajouter. Le
même jour, Séguy affirmait de nou-
veau : « La première chose à jure
est l'abrogation des ordonnances
anti-sociales ». Le 23 mai, le B.P.
du P.C.F. replaçait « l'abrogation
des ordonnances d'août sur la Sé-
curité Sociale » en tête des re
vendications.
Le 27 mai, Séguy et Frachon, pré-
sentant aux ouvriers de chez Re-
nault-Billancourt les résultats des
accords de Grenelle, se font huer.
Toute la classe ouvrière française
crie à ses dirigeants : « NE SI-
GNEZ PAS ! » Le même joui, a
16 heures, la C.A. de la C.G.T. com-
munique : « Si des résultats appi é-
ciables ont été obtenus en matière
de salaire minimum, de droit syn-
dical, de conventions collectives,
qui expriment la vulnérabilité du
pouvoir, il reste que le gouve~ne-
ment et le C.N.P.F. n'ont pas ac-
cepté de prendre en considération
des revendications essentielles pré-
senuées par la C.G.T. et parlicu
lièrement :
— une augmentation générale des
salaires plus substantielle :
— l'échelle mobile ;
— desmesures plus immédiates de
réduction de la durée du travail;
— l'abaissement de l'âge de la
retraite ;
— l'abrogation des ordonnances
antisociales. »
Ce sont les jours où, comme l'écri-
ra François Mauriac, « les insti-
tutions ont vacillé. Nous avons trem-
blé pour elles. L'Etat a été offensé
et humilié ».
Le mercredi 29 mai, « L'Huma-
nité » titre : « L'exigence des tra-
vailleurs : gouvernement populaire
et d'union démocratique à partici-
pation communiste ! » Le même
jour, de Gaulle « disparaît » pen-
dant quelques heures. Le même jour,
à l'appel de la C.G.T., 800.000 tra-
vailleurs, jeunes, étudiants, manifes-
tent à Paris de la Bastille à Saint-
Lazare. Saint-Lazare n'est guère
qu'à un quart d'heure à pied de
l'Elysée. Mais le service d'ordre sta-
linien veille...
Le jeudi 30, « L'Humanité » titre
de nouveau : « Gouvernement po-
pulaire ». Le même jour, de Gaulle
parle : « Je ne m'en irai pas ». Dès
le lendemain, cependant que, de la
masse des jeunes, s'élève sponta-
nément le cri : « Elections, t~ahi-
son ! », le B.P. du P.C.F. appelle
les travailleurs « à aller aux élec-
tions ».
Dès lors, l'échelle mobile et l'abro-
gation des ordonnances ne font plus
partie, pour la direction du P.C.F.
et de la C.G.T., des « revendications
essentielles » des travailleurs en
lutte. Le 31 mai à 11 h 30, la C.G.T.
déclare « qu'elle n'entend gêner en
rien le déroulement de la consul-
tation électorale ». Et, dans la Con-
férence de presse qu'il tient le mê-
me matin, à la question :
« Faites-vous de l'abrogation ues
ordonnances sur la Sécurité Sociale
un préalable à la reprise du tra-
vail ? »
Séguy répond :
« C'est un objectif essentiel de no-
tre action. Le gouvernement nous
a dit que cette question relevait ie
la compétence de l'Assemblée na-
tionale. Du fait qu'elle est à pré-
sent dissoute, il appartient donc au
corps é'ectoral de la trancher. »
De l'échelle mobile, il n'est mt-me
plus question !
Le débat sur les « voies parle-
mentaires vers le socialisme » a pu.-;
ainsi une signification claire et con-
crète : l'enlisement dans le marc-
cage électoral et parlementaire si-
gnifie la trahison sans phrases,
l'abandon pur et simple des reven-
dications des travailleurs et des
jeunes, dans la mesure même où
celles-ci pourraient devenir incom-
patibles avec l'ordre capitaliste.
POURQUOI ILS ONT TRAHI
La capitulation de la direction sta-
linienne devant de Gaulle n'est pas
plus un hasard que le résultat d'uue
« erreurs ; il y a longtemps que les
qu'il ne s'agissait en aucun cas
d'un gouvernement prolétarien issu
de la grève générale, mais bien d'un
gouvernement de collaboration des
partis ouvriers et du bourgeois Mit-
terrand, d'un gouvernement cons-
titué dans le cadre du Parlement
bourgeois, d'un gouvernement voué
à la défense de l'ordre bourgeois.
Le parti « de l'ordre et de la sa-
gesse » comme il s'intitule lui-
même, a fait tout ce qu'il fallait
pour que l'on ne puisse avoir \e.
moindre doute à ce sujet. D'ailleurs,
dès le 28 mai, le jour même où
Mitterrand, déplorant qu' « en
France, depuis le 3 mai, il n'y a
plus d'Etat », proposait la forma-
tion d'un « gouvernement provisoire
terrand d'assurer en France le salut
de l'ordre bourgeois. Dans cette
de gestion », la C.G.T. n'avait-elle
pas mis sous le boisseau l'abroga
tion des ordonnances et l'échelle
mobile ? Dans l'hypothèse du départ
de de Gaulle, il appartenait à Mit-
voie, il pouvait compter sur l'appui
de la direction stalinienne, qui
s'empressait de faire disparaître des
revendications, vitales pour les tra-
vailleurs, mais éventuellement gê-
nantes pour le « gouvernement pro-
visoire de gestion ».
Mais c'est le secret de Polichi-
nelle que de Gaulle, le 29 mai, pen-
dant sa « disparition ». n'est pas
tant allé consulter ses généraux
qu'obtenir de Moscou la certitude
que le gouvernement de l'U.R.S.S.
continuait à tenir pour indispensa-
ble son maintien au pouvoir com-
me facteur essentiel de « l'ordre »
Et maintenant ?
marxistes, avec Léon Trotsky, ont
analysé les racines sociales de l'at-
titude de l'appareil stalinien ; dans
le cadre de cet article, nous .ae
pouvons que rappeler brièvement
leurs conclusions.
L'Etat ouvrier issu de la Révolu-
tion d'Octobre a dégénéré par suite
de son isolement dû au retard de
la révolution mondiale. Une caste
bureaucratique privilégiée, formée
des cadres du parti, de l'Etat et de
l'économie, y a usurpé le pouvoir
sous la direction d Staline et, l'ac-
croissement de ses privilèges, y a
insauré une dictature policière con-
tre les ouvriers et les paysans. Elle
redoute plus que tout de nouvelles
victoires de la révolution proléta-
rienne, car l'instauration d'une dé-
mocratie socialiste des conseils ou-
vriers, en France pa exemple, don-
nerait aux ouvriers russes le signal
de la lutte finale pour abattre la
bureaucratie. Celle-ci cherche donc
à maintenir partout l'ordre existant.
Tel est le véritable contenu de la
politique de « coexistence pacifi-
que », qui signifie que les travail-
leurs doivent se garder d'abattre ie
capitalisme là où il subsiste.
En même temps que dans l'Etat
soviétique, la bureaucratie a
usurpé le pouvoir dans l'In-
ternationale communiste. Du Parti
communiste mondial créé par Lé-
nine et Trotsky pour diriger la ré-
volution mondiale, elle a fait l'ins-
trument de sa politique de défense
de l'ordre bourgeois. Tel est, en
deux mots, le secret de la politique
des dirigeants staliniens.
GOUVERNEMENT POPULAIRE
OU GOUVERNEMENT OUVRIER?
Au moment même où, selon l'ex-
pression de Mauriac, « l'Etat vacil-
lait », (entre le 28 et le 30 mai), la
direction stalinienne exigeait un
« gouvernement populaire et d'union
démocratique » ; elle précisait en
même temps, en toute occasion,
européen. Et la direction stalinienne
française, nous l'avons vu, s'est
aussitôt alignée.
Aussi bien, si les groupes pro-
chinois mettent eux aussi en avant
le mot d'ordre du « gouvernement
populaire », cela montre suffisam-
ment qu'ils n'ont pas rompu le cor-
don ombilical qui les rattache a
Staline et au stalinisme ; et qu'ils
sont, par conséquent, incapables de
promouvoir une politique conforme
aux intérêts de la classe ouvrière.
LA QUESTION DU POUVOIR
« En vérité », écrit M. François
Mauriac, « je me sens tout entier
et passionnément du côté de l'Etat ».
Le riche bourgeois qu'est F. Mau-
riac, a fait preuve, au cours de sa
trop longue vie, d'une conscience
de classe qui ne s'est pas démen-
tie un seul jour ; ce n'est pas lui
qui entretiendra la moindre confu-
sion sur la question du pouvoir et
sa signification.
Une ample confusion a pourtant
été répandue dans ce domaine, sur-
tout dans le mouvement étudiant,
et particulièrement orchestré par le
P.S.U. « Pouvoir étudiant, pouvoir
paysan, pouvoir ouvrier, pouvoir du
peuple... » Quand la police a réoc-
cupé la Sorbonne, ou les centraux
télégraphiques, on a pu prendre la
mesure véritable du prétendu « pou-
voir étudiant » limité aux Univer-
sités, du prétendu « pouvoir ou-
vrier » limité aux entreprises.
C'est J.P. Proudhon qui, le pre-
mier, contre Marx, a défendu l'idée
de l'indifférence des travailleurs à
l'égard du pouvoir d'Etat. Selon lui,
les travailleurs pouvaient obtenir sa-
tisfaction et même réaliser une so-
ciété nouvelle dans le cadre de l'ate-
lier ou de l'entreprise pris à part.
Les marxistes, au contraire, pensent
avec Engels que « l'Etat, ce sont ries
bandes armées pour la défense de
la propriété privée ». Si M. Mau-
riac est passionnément du côté de
ces « bandes armées ». c'est qu'elles
veillent devant le coffre-fort qui
constitue la seule raison de vivre
de cet adorateur très catholique du
veau d'or. M. Mauriac, lui, sait ce
que c'est que le pouvoir d'Etat.
Pour les marxistes, l'essence du
pouvoir n'est pas dans les entrepri-
ses, mais dans l'appareil d'Etat. Et,
le 12 avril 1871, pendant la Com-
mune de Paris, Marx écrivait à
Kugelmann :
« ... La révolution en France doit
avant tout tenter, non de faire pas-
ser la machine bureaucratique et
militaire en d'autres mains — c'est
ce qui s'est produit jusqu'à main-
tenant — mais de la briser. Là, pré-
cisément, est la condition préalable
de toute révolution vraiment popu-
laire sur le continent. C'est aussi ce
que tentent nos héroïques cama-
rades de parti à Paris. »
La grève générale de mai-juin 1968
a, une fois de plus, vérifié cette
thèse de Marx, aussi bien contre
les staliniens, partisans des « voies
parlementaires » et de la « démo-
cratie véritable » que contre les
petits-bourgeois du P.S.U. avec leurs
conceptions kaléidoscopiques des
« pouvoirs » démultipliés. « D'une
façon générale », écrivait Lénine
en 1917, à la veille de la révolution
d'Octobre, « on peut dire que la
tendance à éluder la question de
l'attitude de la révolution proléta-
rienne à l'égard de l'Etat, ten-
dance avantageuse à l'opportunisme
qu'elle alimentait, a conduit à la
déformation du marxisme et à so?7
total avilissement. »
RECONQUERIR LES SYNDICATS
Avant de terminer ces trop brèves
notes sur quelques leçons de la
grève générale, il nous faut au moin.s
encore en souligner une.
En dépit de la politique des di-
rections syndicales, c'est dans les
syndicats que les travailleurs se
sont rassemblés pour combattre. Il
ne peut en être autrement tant qu'î
les travailleurs n'auront pas cons-
truit de nouveaux organes de lutte,
supérieurs aux syndicats. Même la
constitution d'un comité central
national de grève, émanation des
comités de grève élus à l'échelle
locale et départementale, n'aurait
pas pour cela relégué les syndi-
cats au musée de l'histoire, bien au
contraire.
C'est pourquoi le mouvement de
dégoût qui pousse aujourd'hui de
nombreux travailleurs, particulière-
ment des jeunes, à déchirer leur
carte syndicale, s'il est Compréhen-
sible sur le plan sentimental, n'en
doit pas moins résolument être
combattu sur le plan de l'efficacité.
Car, demain, quand les travailleurs
reprendront le combat, ils pasesront
inévitablement de nouveau, dans la
première phase de la lutte, par les
organisations syndicales.
Les organisations syndicales ont
été édifiées par les travailleurs au
cours de dizaines et de dizaines
d'années de combat, au prix de sa-
crifices sans nombre. Il ne peut
être question da'bandonner ces for-
teresses prolétariennes aux bureau-
crates qui en usurpent la direction.
C'est pourquoi les révolutionnaires
mènent la lutte pour que les travail-
leurs reconquièrent la direction de
leurs organisations syndicales. Il
faut concevoir la cotisation syndi-
cale comme le prix que l'on paie
aux bureaucrates puor mener contre
eux le combat sur leur propre ter-
rain. Ceux qui, au contraire, tour-
neraient le dos aux syndicats, ceux
qui voudraient construire des jolis
« syndicats rouges » en dehors du
mouvement des masses, ne feraient
que s'enfoncer dans une impasse
sans espoir, comme en témoignent
d'innombrables exemples. Rappe-
lons seulement qu'à l'issue de la
grève Renault de 1947 et sur l'ini-
tiative de camarades de « Voix Ou-
vrière », au lieu d'entreprendre la
construction d'une opposition dans
la C.G.T., une partie des travail-
leurs indignés de la politique de
la direction stalinienne constitua un
« Syndicat démocratique Renault »,
qui compta jusqu'à un millier de
membres à sa fondation pour dis-
paraître sans laisser de traces dans
l'espace d'un an.
Paul THIERRY.
Cl) A la suite de ce mouvement
se sont constitués des « Comités
de défense de la F.E.N. ». Se ren-
seigner auprès de Gérard ILTIS,
cité Trivaux la Garenne, Bât. R 19.
appt 2.659, 92-Clamart.
Imp. « E.P. » 232, rue de Charenton.
Paris-12-
MOUVEMENT OUVRIER ET MOUVEMENT ETUDIANT
La formidable grève générale qui,
en quelques jours, a dressé contre
la bourgeoisie et son Etat, 10 mil-
lions de travailleurs, d'employés,
d'enseignants, d'étudiants, et ce,
pendant plus de 3 semaines, a mis
à l'ordre du jour, de la manière la
plus bruhntc tous les problèmes
théoriques et organisationnels du
mouvement ouvrier.
La lutte des classes est une réa-
lité implacable qui met à l'épreuve
toutes les théories et les analyses.
Trahie par ses directions, la classe
ouvrière, rentrée dans les usines
et les bureaux, est en train d'assi-
miler les leçons de cette grève qui
a ouvert dans l'histoire de la lutte
des c'asses en France une nouvelle
période en vue de laquelle les mi-
litants révolutionnaires doivent tirer
lucidement et impitoyablement tou-
tes les leçons théoriques des com-
bats passés. C'est aussi dans cette
période, au moment où se déroulent
les élections par lesquelles les di-
rections stalinienne et réformiste
de la classe ouvrière ont étranglé
la grève générale, au moment où
l'Etat bourgeois engage contre la
classe ouvrière et la jeunesse un pro-
cessus de répression contre le droit
d'association, contre les manifesta-
tions, que l'U.N.E.F. doit tenir son
Congrès annuel. Engagés les premiers
dans l'affrontement contre l'Etat
bourgeois, les étudiants sont en-
core en grève et continuent à occu-
per leurs facultés, en dehors de la
Sorbonne qui leur a été arrachée
par es C.R.S. de de Gaulle. Quel est
l'avenir du mouvement étudiant qui
s'est développé au sein de la grève
générale et qui continue seul ? C'est
à cette question que les militants de
l'U.N.E.F. seront confrontés,
quel est l'avenir de l'U.N.E.F. ? Une
réponse ne peut être donnée à ce?
deux questions qu'en tirant le bilan
du rôle des étudiants dans la grève
générale et en en dégageant les con-
clusions théoriques.
Avant la grève générale, de mai
a juin 1968, le 31 mars 1968, 140
militants se réunissaient, représen-
tant; d'A.G.E. de Paris et de pro-
vince pour affirmer : l'U.N.E.F. doit
vivre, l'U.N.E.F. vivra, contre tous
ceux qui cherchaient à lui porter des
coups mortels, que ce soit le gou-
vernement, les représentants en mi-
lieu étudiant de l'appareil stalinien,
ou des courants qu1, à l'intérieur mê-
me de l'U.N.E.F. prônaient sa dis-
solution au nom de « formes nou-
velles », « mieux adaptées au mou-
vement réel », bref, plus modernes...
Il y a 60 ans, Lénine avait déjà réglé
leur compte aux « Modernistes »,
en expliquant que leurs nouvelles
théories n'étaient encore une fois
que les arguments les plus éculés
employés par les agents de la bour-
geoisie pour tromper les travailleurs.
La remarque est toujours vraie : ceux
qui, au nom des formes « nouvelles,
profondément originales », nient la
nécessité de l'organisation, repren-
nent encore contre le marxisme, les
arguments les plus éculés.
Le 31 mars, 140 militants affir-
maient que, quels que scient les ef-
forts de certains courants pour li-
quider l'U.N.E.F., celle-ci vivait dans
la conscience des étudiants comme
l'acquis politique fondamental des
combats engagés en commun avec
les travailleurs contre l'exploitation
et la guerre. Le déroulement des
événement qui ont secoué le mi-
lieu étudiant et on dressé plusieurs
dizaines de milliers d'étudiants con-
tre l'Etat cnt reconnu dans l'U.N.E.F.
dans se mots d'ordre, le cadre or-
ganisé de leur lutte. Parce que
l'U.N.E.F. a su mener pendant une
semaine une juste politique de
Front unique, il est vrai sous l'im-
pulsion des militants révolutionnai-
res, le 13 mai a vu s'exprimer, dans
la rue, la solidarité de combat des
étudiants et des travailleurs. Quel
que soit , et on y reviendra, la fa-
çon dont il convient d'apprécier !a
ligne de son Bureau national, le
fait que l'U.N.E.F. ait su regrou-
per les étudiants dans ce combat
est un acquis très important de :a
grève. Maintenant, tous les cou-
rants cherchent à faire prendre en
charge par l'U.N.E.F. leurs analy-
ses et leur ligne politique. L'en-
jeu du Congrès que l'U.N.E.F. doit
tenir, va être : qu'est-ce que doit
être !e syndicalisme étudiant? Est-
ce que l'U.N.E.F. doit organiser une
Université d'été, qui au hasard des
stations balnéaires, va proposer des
activités culturelles n'ayant plus
rien à voir avec le combat politi-
que centre l'Etat bourgeois ? Es*-ce
que l'U.N.E.F. doit organiser une
Université populaire, ilôt prétendu
de socialisme dans un monde gou-
verné par l'exploitation du travail
et la répression ou une Université
critique, où, sous couvert de con-
testation, les esprits forts se font
l'écho des angoisses de la petite
bourgeoisie intellectuelle sur son
avenir et sa culture ? Est-ce que
l'U.N.E.F. doit mettre sur pied des
commissions paritaires qui, avec les
enseignants et l'administration, dis-
cuteront de la meilleure manière
d'appliquer les plans du pouvoir,
félicités en cela par Ortoli ? Où est-
ce que l'U.N.E.F. doit, selon les
termes mêmes de sa charte, re-
grouper les étudiants pour lutter,
aux côtés des travailleurs, contre
la politique de misère contenue
dant le V-' Plan et la Réforme Fou-
chet.
Pour les marxistes, le milieu
étudiant ne peut s'ériger comme
force indépendante et obtenir, sur
son seul terrain la satisfaction de
't: producteurs ne seront pas dé-
ocssedes du produit de leur travail,
et pour cela lutter avec acharne-
ment contre toutes les illusions que
la bourgeoisie sème chez les etu-
dependance des intellectuels. C'est
pourquoi les étudiants ne peuvent
s'organiser sur des revendications
spécifiquement étudiantes, ne met-
tant pas en jeu le rapport des forces
dans la société, sous peine, et c'est
le bilan de plusieurs années ce
« stratégie universitaire » d'aména-
ger en fait des plans mis en place
par la bourgeoisie pour assurer ses
profits.
ROLE ET PLACE DE L'U.N.E.F.
Se^on que l'U.N.E.F. se définira,
au niveau de sa plate-forme et de
ses mots d'ordre, par rapport aux
intérêts généraux du prolétariat ou
par rapport aux illusions semées par
h bourgeoisie, elle sera l'organisa-
tion de combat des étudiants con-
tre le capitalisme, ou une organisa-
sion corporatiste, qui, dans le cadre
de l'application de la réforme Fou-
chet représentera les intérêts de
l'élite, des fils de la bourgeoisie
Bien sûr, tous les militants, de
quelque courant qu'ils se revendi-
quent, affirment leur conviction
que la classe ouvrière est la seule
classe révolutionnaire. Mais la lutte
des classes a cela d'implacable
qu'elle se soucie non des intentions
rr.ais de la réalité de la politique
menée. Bien sur, tous les étudiants,
fous les enseignants qui ont tra-
vaillé dans les commissions pour
reformer l'Université, pour trans-
former le contenu de l'Enseignement
et les méthodes pédagogiques étaient
Et maintenant ?
ses aspirations a la culture, à une
vie digne, au travail, aux libertés
démocratiques. Ceux qui, parce que
les étudiants sont une couche op-
primée par le capital voient dans
cette oppression une raison néces-
saire et suffisante pour qu'ils soient,
en tant que milieu, une force révo-
lutionnaire oublient ce que les pe-
tits bourgeois empinstes oublient
toujours, que le rôle révolutionnaire
du prolétariat ne vient pas de con-
sidérations idéologiques ou morales
mais de sa place dans la production.
Les étudiants, quant à eux, op-
primés par le capital, réduits, com-
me les autres secteurs de la petite
bourgeoisie à la déchéance et au
désespoir par la crise du capita-
lisme sont liés d'autre part à la
bourgeoisie par de multiples liens
sociaux et idéologiques et ils res-
tent un enjeu entre les deux clas-
ses fondamentales de cette société.
Les militants révolutionnaires doi-
vent pour leur part expliquer cons-
tamment aux étudiants que seul !e
prolétariat en prenant le pouvoir
pourra assurer le droit à la culture
et au travail dans une société où
animés des meilleures intentions : 'I
n'en reste pas mois que faute de re-
connaître la nécessité de ce préala-
ble : :a destruction par le prolétariat
de l'appareil d'Etat bourgeois, ils sont
réduits a essayer avec les éléments
mêmes des institutions mises en
place par la bourgeoisie de construire
une université fictive qui n'est pas
différente de celle qu'ils veulent dé-
truire.
Mais, entend-on dire par beau-
coups de militants, nous voulons me-
ner notre combat aux côtés des tra-
vailleurs, c'est la classe ouvrière qui
ne veut pas, ou du moins ces direc-
tions. Il est parfaitement juste de
dire que les directions réformistes et
staliniennes qui contrôlent la classe
ouvrière.
STALINISME...
Le P.C.F. accepte les intellec-
tuels et les étudiants, à condi-
tion qu'ils acceptent sa politi-
que, c'est-à-dire qu'ils gardent tou-
tes les illusions de la bourgeoisie.
Il calomnie, il frappe, il se fait le
complice par le silence de la répres-
sion engagée par l'Etat contre les
organisations révolutionnaires lors-
que la mobilisation des étudiants
oose consciemment le problème du
pouvoir et du contrôle par les tra-
vailleurs.
Cependant des marxistes ne peu-
vent pas econfondre la classe ou-
vrière te ies directions qui la contrô-
lent à l'heure actuelle et qui s'ap-
puient, pour les Staliniens, sur un
formidable appareil à l'échelle in-
ternationale. S'ils démasquent et
combattent inlassablement la politi-
que de .'appareil stalinien, ce n'est
pas pour devenir la proie des illu-
sions petites bourgeoises sur la spon-
tanéité, l'inutilité de l'organisation,
l'action de type commando, mais au
contraire pour œuvrer au regroupe-
ment de l'avant garde ouvrière in-
dépendamment des appareils sur des
mots d'ordre et un programme re-
vO:utionnaire, pour regrouper autour
d'eux dans les organisations que la
classe ouvrière s'est forgée dans sa
lutte noctre le Capital les ouvriers
qui refusent la politique de collabo-
ration, les étudiants pour qui jonc-
tion avec la classe ouvrière ne veut
pas dire soumission à la politique
contre-révolutionnaire de la bureau-
cratie.
Les événements de mai-juin 1968
l'ont bien montré : la lutte engagée
par les étudiants contre la Réforme
Fouchet, contre l'Etat policier est
fondamentalement la même que celle
que les travailleurs mènent contre
l'exploitation, contre les attaques
aux positions conquises. Mais l'unité
aux positions conquises
Mais l'unité dans le combat ne se
fait pas au niveau du sentiment ou
des intentions, elle se réalise dans un
cadre organisé.
Et ce cadre organisé ne peut être
que l'existence en milieu étudiant
d'une organisation se battant résolu-
ment sur le terrain de la lutte des
classes, et regroupant dans le cadre
de la démocratie ouvrière les diffé-
rentes tendances du milieu étudiant.
Confrontés au problème de la trahi-
son des directions stalinienne et ré-
formiste, de nombreux courants en
milieu étudiants, ont cherché toute
une série de substitut à l'intersyn-
dicalijme et... petite bourgeoisie.
Que ce soit une conception de
la .utte armée qui voit dans les
barricades et les actions de com-
mando un moyen de faire descen-
dre les ouvriers dans la rue, que ce
soit les comités d'action qui ten-
tent de réaliser la jonction avec les
ouvriers en dehors de la classe or-
ganisée que ce soit dans ses syn-
dicats, ou dans un parti sur un pro-
gramme révolutionnaire, ou dans des
organes de double pouvoir ou que ce
soit les étudiants qui vont aux por-
tes des usines dialoguer avec les ou-
vriers ou leur apporter des poulets,
toutes ces tentatives révèlent la mê-
me chose : l'incapacité d'impulser
une politique de Front unique, c'est-
à-dire capable d'imposer, par la mo-
bilisation de la classe ouvrière sur des
mots d'ordre de classe, aux direc-
tions de rompre avec la bourgeoisie.
Ces courants qui théorisent l'isole-
ment du milieu étudiant aboutissent
à une conclusion : la classe ouvrière
n'est plus une classe révolutionnaire.
Monde, aux étudiants le sein de
et il ^aut confier aux noirs, au Tiers-
l'émanciper, ce qui permet de laisser
aux staliniens le contrôle de la classe
ouvrière.
Si l'U.N.E.F. acceptait, comme
certains lui proposent, de disparaî-
tre en tant qu'organisation syndi-
cale défendant les étudiants com-
me partie intégrante de toute la jeu-
nesse contre la politique de misère
et de déqualification, afin de deve-
nir soit un pouvoir de contestation
se limitant à l'Université, soit la
direction fédérant les comités d'ac-
tion, soit le substitut d'une organi-
sation politique sur un programme
« étudiant » et pour un « pouvoir
étudiant », elle participerait ainsi à
l'isolement du milieu étudiant, se
divisant les tâches avec la directior
stalinienne pour faire obstacle au
F U Quels que soient les résultats
des travaux des commissions univer-
sitaires, les étudiants n'ont rien ga-
gné... même s'ils ont déc are les uni-
versités autonomes, l'enseignement
prolétarien, l'université populaire, le
pouvoir étudiant, les plans du pou-
voir n'ont pas cl.ange et celui-ci
s'est donné avec la capitulation des
dirigeants de la classe ouvrière et 'a
répression qu'il a engagée les moyens
de les appliquer. Contre la répres-
sion: le Front unique ouvrier. Un ar-
ticle de organe gaulliste: « La Na-
tion » était là dessus très clair qui
disait en substance: « ce n'est pas
parce qu'elle est un syndicat que
l'U.N.E.F. doit se croire à l'abri de
la répression : si elle continue à mo-
biliser les étudiants contre le pou-
voir, elle devra en assumer tcut2s les
conséquences. »
La première tâche des étudiant--
qui veulent combattre contre la poli-
tique du pouvoir est de défendrE
l'organisation syndicale aussi bier
contre la repression et celle qu
frappe ses militants, que contre tou-
tes les tentatives d'intégration que
veulent imposer les courants réac-
tionnaires du milieu étudiant. Les
militants révolutionnaires combattent
pour la défense de l'U.N.E.F. parer-
qu'elle représente un acquis et une
position démocratique du prolétariat
dans la petite bourgeoisie, et ce tant
que l'U.N.E.F. ne change pas de na-
ture pour devenir l'agent du pouvoir
en milieu étudiant. Lorsque les mi-
:itants révolutionnaires expliquaient
que c'est à partir de la défense des
acquis, des positions conquises qu'est
posé le problème du pouvoir, et non
à partir de modèles ou de considéra-
tions idéologiques, nombreux étaient
ceux qui parlaient d'anachronisme,
de poujadisme. Encore une fois la
grève générale a montré que c'étai-
effectivement pour défendre, y com-
pris les acquis démocratiques q^,c
sont le;, ibertes d'expression et d-_
reunion, la lutte contre la répressicr
policiere, que le prolétariat s'étai'
dresse et avait posé dans les usine-
et dans la rue le problème du ren-
versement du capitalisme. Ce qui e-'
en jeu pour la bourgeoisie, après '.i
grève générale qui l'a ébranlée a.,
plus profond d'elle même, c'est de
tenter de briser définitivement tout-;
résistance à ses plans. La bourgeoi-
sie a réussi, à la faveur du recul qui
a saisi le milieu étudiant et qui a vu
fleurir les thèses les plus integraticn-
mstes et avec la complicité des sta'>-
niens, à enfermer les étudiants dar*
leurs ghettos. Elle n'a pas pu empê-
cher que dans la grève générale,
s'éduque et se trempe l'avant-gardc
combattante du milieu étudiant.
C'est cette avant-garde qui doit
impulser des comités de défense dt.
I U.N.E.F . centre l'intégration ou '<::
destruction de l'organisation étu-
diante, contre les courants qui veu-
lent transformer l'U.N.E.F. soit « er
parti étudiant ,>, soit en syndica'
corporatiste.. Les Comités de Defensi
de i'U.N.E.F. doivent regrouper tou
les étudiants peur qui l'U.N.E.F. dc-i'
être le cadre de mobilisation df
étudiants contre l'Etat bourgeois ave-
lé prolétariat.
Nicole Bullier.
JEUNE REVOLUTION
Directeur de Publication
Charles BERG
Toute correspondance :
C. Berg : 131, boulevard
Victor-Hugo, Clichy-92.
LE PROCHAIN NUMERO
DE « J.R. » PARAITRA
SUR 16 PAGES
LE 15 SEPTEMBRE 1968
Passez vos commandes
DEFENDONS LES LIBERTES DEMOCRATIQUES
Une répression qui revêt les for-
mes les plus diverses cherche à
briser en ce moment le vaste mou-
vement qui a soulevé le monde étu-
diant et le monde ouvrier.
Onze organisations ou associations
d'extrême gaucne soht dissoutes, par
décret, en application d'une loi de
1936. Des militants ou de simples
citoyens sont arrêtés, livrés à la po-
lice politique et risquent des pour-
suites devant la Cour de Sûreté de
l'Etat. De très nombreux ressor-
tissants étrangers sont expulsés de
France, sans qu'aucune voie de re-
cours .aucun moyen de défense leur
soint rcomïus. Ds sanctions pour
faits de grève frappent déjà des tra-
vailleurs et des fonctionnaires pu-
blics. Des violences physiques sont
exercées contre des militants dif-
fusant leurs tracts et leurs publica-
tion.
Une telle répression doit rencon-
trer, dès maintenant, l'opposition
résolue du plus grand nombre, faute
de quoi elle ne pourrait que se dé-
velopper.
C'est pourquoi les soussignés ont
pris l'initiative de constituer un
Comité pour la liberté et contre la
répression, dont les objectifs seront
les suivants :
— Abrogation du décret de disso-
lution.
— Cessation de toute poursuite
consécutive aux manifestations ou-
vrières et étudiantes de mai 1968.
— Retrait des arrêtés d'expulsion
pris contre des ressortissants étran-
gers.
— Lutte contre toute sanction
pour faits de grève.
— Solidarité active avec toutes les
victimes de la répression.
Les signataires appellent tous ceux
qui sont d'accord avec un tel pro-
gramme à se joindre à eux en si-
gnant ce texte. Ils entendent aussi
inviter les organisations syndicales
et les partis politiques à s'associer
à eux.
Face à la répression, face à la ten-
tative du gouvernement pour met-
tre, par elle et par d'autres moyens,
le peuple français en condition, les
soussignés estiment de la plus gran-
de urgence de faire connaître au
pouvoir gaulliste, sous les formes
les plus diverses, la réprobation d'in-
nombrables citoyens.
Envoyez votre adhésion à Laurent
Schwartz, 37, rue Pierre-Nicole, Pa
Tis-5".
Kasller, Laurent Schwartz, Robert
Godemont, Michel Leiris, Jean-Paul
Sartre, Jacques Monod. Edouard Pi-
gnon, Alain Resnais, Pierre Vida!
Noquet, Simone de Bauvoir, Mar
guérite Duras.
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