Le Pave

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BARRICADES
Quatre fois déjà, en France, en une
vingtaine de jours, étudiants et travail-
leurs sont descendus dans la rue. Une
méthode de contestation se développe :
le combat de rue et la barricade. Au
départ, ces combattants qui ont parti-
cipé à l'action directe n'avaient mani-
festement aucune expérience. Ils l'ont
apprise dans la pratique pendant ces
jours de crise ouverte et violente qui a
fait tache d'huile à travers la France et
au-delà des frontières.
Les premières barricades — celles du
boulevard Saint-Michel, le lundi 3 mai
— étaient rudimentaires. Il s'agissait de
simples obstacles destinés à ralentir
l'avance des C.R.S., gardes mobiles et
brigades spéciales. Deux points sont à
souligner :
— Compte tenu de l'importance nu-
mérique des manifestants, le nombre de
blessés fut relativement faible et la bar-
ricade s'est avérée un moyen efficace
d'auto-défense ;
— Malgré la portée des fusils lance-
grenades et l'effet asphyxiant des gaz,
le jet de pavés et autres projectiles per-
mettait, momentanément, de tenir en
échec les forces de répression.
Au cours de la Nuit Rouge du 10 au
11 mai, la technique des combattants
s'était déjà améliorée :
a) La première barricade de la rue
Gay-Lussac, par exemple, était consti-
tuée de pavés entassés et de fers ù
béton. Ces matériaux gênaient l'avance
des C.R.S. ou entravaient leur retraite,
les maintenant en grand nombre dans
un espace relativement réduit. A partir
des toits, des fenêtres et des balcons,
des militants et certains habitants du
quartier bombardèrent sans cesse les
C.R.S., permettant ainsi le repli des as-
siégés. Changeant de tactique, les for-
ces de répression tirèrent des grenades
lacrymogènes ou de gaz toxiques contre
les volets et dans les vitres des appar-
tements, blessant ainsi plusieurs parti-
culiers et provoquant des incendies.
b) Dans la mise en œuvre de ce dis-
positif systématique de barricades suc-
cessives, on put noter quelques erreurs :
l'oubli de pratiquer un passage provi-
soire permettant aux combattants des
... Il est évident que le socialisme, de
par sa nature, ne peut être octroyé, ne
peut être établi par ukase. Il a pour
condition préalable une série de mesures
violentes contre la propriété, etc. Ce qui
est négatif, la destruction, on peut le
décréter ; ce qui est positif, la cons-
truction, NON. Terre vierge. Problèmes
par milliers. Seule, l'expérience est ca-
pable de faire les corrections et d'ouvrir
des chemins nouveaux. Seule, une vie
fermentant sans entraves s'engage dans
mille formes nouvelles. Improvise, re-
toit une force créatrice, corrige elle-
même ses faux-pas.
ROSA LUXEMBOURG.
TRACT
N° 1
MAI 1968
Participation
aux frais
0,50 F
minimum
premières lignes de se replier ; ;:ne trop
grande concentration de manifestants,
gênant ainsi le mouvement entre les
barricades. Par contre, l'acheminement
des projectiles vers l'avant n'a jamais
été interrompu.
c) Le potentiel de protection a été dé-
cuplé au cours de la même nuil par la
nature même des barricades et obstacles
(non seulement pavés, planches, grilles,
mais aussi voitures renversées disposées
en chicane) qui se transformèrent en
écran de flammes lorsque les grenades
les atteignirent.
Au début de la nuit du 22 au 23, les
manifestants se contentaient d'allumer
des foyers d'incendie réduits avec des
débris de palissades et les ordures jon-
chant les trottoirs. Il s'agissait essen-
tiellement d'actes spectaculaires plutôt
que de tentatives d'occupation du ter-
rain et de défense. Les policiers y répon-
dirent d'ailleurs en faisant intervenir
autos-pompes et voitures de pompiers.
Remarquons cependant :
— La répartition des manifestants en
petits groupes — jamais supérieurs à la
centaine, donc très mobiles — a provo-
qué une division des forces de police,
tenant celles-ci en haleine pendant toute
la nuit sur la rive gauche ;
— pour pallier le danger de l'utilisa-
tion des bouteilles incendiaires, aux ef-
fets limités, certains manifestants au-
raient préconisé les jerricans de 10 à
20 litres munis de torchonss enflammés
et destinés à être projetés du haut des
immeubles. Ce matériel aurait, paraît-il,
un effet de déflagration considérable
suivi d'incendies. Ils n'ont pas été uti-
lisés.
Plusieurs faits sur le plan politique et
tactique ressortent des événements de la
nuit du 24 au 25 :
— La participation des travailleurs
aux émeutes a été plus élevée que les
jours précédents.
— Pour la première fois, les affronte-
ments se sont produits hors de la rive
gauche et des barricades ont été dres-
sées dans de nouveaux quartiers, provo-
quant ainsi la dispersion des forces de
répression en plusieurs points de Paris
(gare de Lyon, Bastille, Nation, Repu
blique, place de la Bourse — incendie
du « Temple du Capitalisme » — grands
boulevards, Opéra, les Halles, etc.).
— Pour la première fois aussi, l'insur-
rection a éclaté simultanément en pro-
vince (Lyon, Nantes, Strasbourg, Bor-
deaux).
— La police a utilisé une technique
nouvelle: l'attaque par unités de moyen-
ne importance se déplaçant rapidement.
appuyées par des autos-pompes et sur-
tout par des bulldozers. Après une pré-
paration intensive à l'aide de gaz et de
grenades offensives, la charge a été
menée au pas de course, les C.R.S., es-
pérant ainsi balayer les manifestants.
Toutes les méthodes de lutte anti-émeute
ont été systématiquement employées,
les forces de l'ordre s'efforçant à tout
moment de faire éclater les concentra-
tions de manifestants en petits groupes
pour réduire ensuite les poches de résis-
tance avec une grande brutalité (raton-
nades, matraquages de secouristes, etc.).
— Les barricades étaient, cette fois-ci,
nettement plus élaborées. On a utilisé
toutes les grilles disponibles. Il apparaî-
trait que l'abattage de quelques arbres
et le renversement et la destruction de
centaines de voitures particulières pour
consolider les barricades auraient cho-
qué certains défenseurs de l'ordre, de
la propriété privée — ceux-là même que
ne choque pas, au contraire, la bestia-
lité sanguinaire des C.R.S. Des foyers
d'incendie ont souvent détourné l'atten-
tion des forces de police. L'implantation
des barricades s'est également renfor-
cée. Celles qui ont été édifiées en travers
des grandes artères ou sur les ponts
permettaient de fixer les C.R.S. Pendant
ce temps, les petites rues, plus faciles
à défendre, étaient méthodiquement ob-
struées. Les travailleurs et les étudiants
ont ouvert cette fois-ci de véritables
fronts, allant parfois jusqu'à encercler
pratiquement les C.R.S., les obligeant à
acheminer des renforts considérables
pour se dégager. La dispersion des bar-
ricades et leur dispositif ont démontré
leur efficacité et les foyers d'incendie
ont souvent placé les forces de police
dans une position difficile.
On doit cependant remarquer que les
règles de la guérilla urbaine n'ont pas
été appliquées : la tactique des manifes-
tants a toujours gardé un caractère
d'improvisation et défensif, manquant
de coordination. Ils ignoraient, en fait,
la position des différentes barricades et
aucune équipe spécifique ne s'est trou-
vée en charge d'un ensemble de combat-
tants. Il n'y avait pas de groupes de
liaison ; il n'y avait pas de responsables
précis.
Les policiers ont pu pratiquer des
méthodes d'offensive classiques : prépa-
ration par les gaz, assauts, occupation
du terrain. Les véhicules chargés de
l'approvisionnement en munitions pre-
nant position à l'arrière des forces de
police, bien que fort peu protégées, n'ont
jamais été attaqués, permettant ainsi
aux C.R.S. de regarnir leurs musettes
de grenades sans discontinuer.
En somme, la responsabilité de 1' « es-
calade » des tactiques d'auto-défense des
manifestants n'a fait que répondre à
l'accumulation des moyens répressifs
mis en œuvre par l'Etat policier.
THERMIDORIENS
ET VERSAILLAIS
Dans un tract appelant à une manifes-
tation à l'Etoile, le 18 mai, des nationa-
listes anonymes s'expriment en des ter-
mes qui définissent le niveau de leurs
« critères » :
ASSE/.
1. De drapeaux ronges par milliers
— sur les monuments publics
— dans les cortèges, les manifesta-
tions
— dans les amphithéâtres.
2. De l'internationale
— chantée poings lèves par les mani-
festants,
3. Du drapeau français
— profané, déchiré, hrùlc sur les pla-
ces publiques
— transformé en torchons ignobles
— la tombe dit Soldat Inconnu souil-
lée.
4. De l'anarchie qui s'installe
— l'université transformée en cloaque
— le CNRS en révolution culturelle
— les grèves tournantes
— l'Odéon transforme en dépotoir
— les fresques de la Sorbonne recou-
vertes de peinture.
PUIS DE LOIS
Plus d'autorité,
La révolution communiste se prépare
et marque chaque jour des points.
Fouchet, ministre de l'Intérieur, enté-
rine comiquement l'appel de son chef
contre la chienlit. Il vitupère, quant à
lui, non seulement les « anarchistes qui
sont certainement très bien organisés
pour la guerre des rues, la guérilla »
mais aussi « la pègre, chaque jour plus
nombreuses ». Epique : « Je demande à
Paris de vomir cette pègre qui la dés-
honore » et, ajoute-t-il : « il faut que les
étudiants sortent de leur vertige ».
USA
POUVOIR NOIR
Lettre de Rap Brown, écrite en prison
à ses frères et sœurs noirs (22-2-68)
Etre un homme est un combat perma-
nent. On laisse un peu de sa dignité
dans chaque compromis douteux avec
l'autorité d'un pouvoir qu'on conteste.
Aucun esc/ave ne devrait jamais mourir
de sa belle mort. Il y a un point où la
prudence ne tient plus et oit commence
la lâcheté.
Chaque jour passé en prison, je refu-
serai la nourriture cl l'eati.
Ma faim, c'est de libérer mon peuplJ ;
ma soif, de mettre fin à l'oppression.
Je suis un prisonnier politique, incur-
e'éré pour ses convictions : que les
\!O/RS doivent vivre libres. L'attitude du
gouvernement est fidèle a sa nature fiis-
tiste : ceux qu'ils ne peuvent convaincre,
ils doi\ en! les réduire au silence. Ce
gouvernement est devenu l'ennemi de
l'humanité.
La mort ne peut faire dévier notre
marche à la liberté. Pour notre peuple,
la mort a été longtemps la seule issue
a l'esclavage et à l'oppression A nous
d'en ouvrir d'autres. Notre désir Je
vivre doit cesser de l'emporter sur nôtre-
volonté de combattre, car il y va de la
survie de notre race.
Aspirer à la liberté ne suffit pas. Ue
la résistance nous devons passer à l'at-
taque, de la révolte à la révolution. Cha-
que NOIR tué réclame la mort de flics
racistes. Chaque Max Stanford, chaque
Huey Newton réclament dix Détroit.
Chaque Orangeboiirg réclame dix Dien-
Bien-Phu
Frères et sœurs, et \'ous tous qui êtes
opprimés, il faut se préparer mentale-
ment et physiquement, car l'affronte-
ment décisif est encore à venir. Il faut
se battre. En dernière analyse, ce sont
les peuples qui déterminent le cours de
l'histoire, et non les leaders ou les sys-
tèmes. C'est à nous de faire les lois
qui nous gouvernent.
Puissent les morts de 68 annonce!- le
commencement de la fin de ce pays !
Je fais ce que je dois, par amour pour
mon peuple. Ce que je veux, c'est com-
battre ! La résistance ne suffi! plus.
AGRESSION, tel est le mot d'ordre du
jour.
A L'AMERIQUE :
Amérique, s'il faut ma mort pour que
mon peuple organise sa révolte contre
toi, pour que tes prisons se mutinent
contre toi, pour que tes soldats se re-
tournent contre toi, pour que la révolte
de tes enfants, de ton dieu, de tes
pauvres, de ton pays s'organise, pour
que l'humanité organise ta ruine et ton
anéantissement et s'en réjouisse —
alors voici ma vie.
J'appartiens à mon peuple.
Lasinie tushinde nbilashaka.
Nous vaincrons !
A PROPOS
DELAPEGRE
La société capitaliste crée, par la ré-
pression et le chômage, un état de vio-
lence générale. C'est contre cette vio-
lence permanente d'un régime de con-
currence et de pénurie qui s'appuie sur
l'autoritarisme du gouvernement, de
l'entreprise, et de l'Université que les
étudiants et les travailleurs se soulè-
vent.
Les plus grandes victimes de cette
violence sont les centaines de milliers
de chômeurs, et tout particulièrement
les jeunes sans emploi et les travail-
leurs touchés par les reconversions. Or,
ce sont eux, précisément, que le mi-
nistre Fouchet qualifie de « pègre » et
de « blousons noirs ».
Mous dénonçons cette lontative de di-
vision et de dénigrement qui a pour but
d'isoler les manifestants des travailleurs
de toutes catégories qui occupent leurs
usines, leurs bureaux, leurs universités.
Le gouvernement n'ose pas encore ti-
rer sur les ouvriers.
Le gouvernement n'ose pas encore ti-
rer sur les étudiants.
Il cherche, en distinguant fallacieuse-
ment les «bons manifestants» et la
pègre à trouver des prétextes à une
répression fasiciste contre l'ensemble du
mouvement de contestation.
Celte manœuvre, alors que le gouver-
nement a perdu tout contrôle de la si-
tuation, vise à préparer une agression
armée et sanglante, parce que le pou-
voir n'est capable ni de répondre aux
exigences de la grande niasse de tra-
vailleurs, ni de leur imposer son « or-
dre ».
Pour les mêmes raisons, le gouverne-
ment se livre à une série de provoca-
tions policières (telle la transformation
de la gare de Lyon en une souricière
policière lors de la grande manifesta-
tion des ouvriers et des étudiants, le
24 mai) qui, liées à l'entreprise de di-
vision, forment un plan qui voudrait
aboutir a rendre les travailleurs compli-
ces du massacre d'une partie d'entre
eux.
Ouvriers, employés, professeurs, étu-
diants, paysans, nous appartenons tous
à ce que le gouvernement ose appeler
la pègre. Nous occupons les usines, les
bureaux, les universités, la rue-
Nôtre force est irrésistible !
Comité d'Action de l'Enseignement pré-
paratoire à la Recherche (Sciences hu-
maines) ;
Comité d'Action Révolutionnaire du Cen-
tre d'Etudes Sociologiques (C..\.R.S.) ;
Comité d'Action du Laboratoire île So-
ciologie industrielle.
LHOOQ
Les forces de répression étant impuis-
santes à contenir à elles seules l'im-
mense élan révolutionnaire qui se dé-
veloppe, le gouvernement a laissé en-
lenclre qu'il envisageait de faire appel à
l'année. Or les appelés du contingent
sembleraient, d'après le tract que nous
reproduisons ici, prendre une position
contraire :
LA PEGRE EST A
('INTERIEUR
<- Soldats,
Actuellement, le peuple entier se
soulève contre le régime gaulliste
antipoptilaire de chômage et de mi-
sère.
Les étudiants luttent contre les
CRS dans la rue. Les ouvriers oc-
cupent les usines. A la campagne
les paysans pauvres se révoltent
contre l'exode et les accapareurs île-
terres.
Soldats,
Vous êtes des fils du peuple,
Votre place est aux côtés des
ouvriers, des paysans, des étu-
diants.
Le gouvernement veut vous uti-
liser comme force de répression,
comme CRS. Il va vous demander
d'occuper les usines, les endroits
stratégiques : PTT, ORTF, Gares...
Il vous utilise déjà (GRATUITE-
MENT) pour saboter la grève des
transports publics.
Afin île vous isoler du peuple, il
vous consigne clans les casernes.
Soldats,
Vous êtes des fils du peuple. Vo-
tre place est à ses côtés.
Le gouvernement veut vous uti-
liser pour briser la révolte popu-
laire.
Vous devez vous y opposer.
ORGANISEZ-VOUS.
EXIGEZ VOS PERMISSIONS.
Refusez de réprimer le peuple.
Tous ensemble contre ce gouver-
nement de répression et de misère.
VIVE L'UNITE DES SOLDATS
AVEC LES OUVRIERS, LES PAY-
SANS. ET LES ETUDIANTS.
COMITE DES SOLDATS
DE VINCE.M NES. »
LA TRANSGRESSION
Toujours une limite est donnée à la-
quelle s'accorde l'être. Il identifie cette
limite à ce qu'il est. L'horreur le prend
à la pensée que cette limite peut cesser
d'être. Mais nous nous trompons, pre-
nant au sérieux la limite et l'accord que
l'être lui donne. La limite n'est donnée
que pour être excédée. La peur (l'hor-
reur) n'indique pas la décision véritable.
Elle incite au contraire, en contrecoup.
à franchir les limites.
GEORGES BATAILLE.
L'UNIVERSITÉ
BOURGEOISE
Lettre aux recteurs
des universités
européennes
le Recteur
Dans la citerne étroite que vous
... Mais la race des propriétés
s'est éteinte. L'Europe se cristallise,
se momifie lentement sous les ban-
delettes de ses frontières, de .es
usines, de ses tribunaux, de ses
universités. L'Esprit gelé craque en-
tre les cris minéraux qui se resser-
rent sur lui. La faute en est a vos
systèmes moisis, à votre logique île
2 et 2 font 4. La faute en est a
vous. Recteurs, pris au filet des
syllogismes. Vous fabriquez des in-
génieurs, des magistrats, des méde-
cins à qui échappent les vrais mys-
tères du corps, les lois cosmiques
de l'être, de faux savants aveugles
dans l'outre-terre, des philosophes
qui prétendent à reconstruire l'Es-
prit, l.e plus petit acte de création
spontanée est un monde plus com-
plexe et plus révélateur qu'une
q lelconque métaphysique.
Laissez-nous donc, Messieurs,
vous n'êtes que des usurpateurs.
De quel droit prétendez-vous cana-
liser l'intelligence, décerner des
brevets de l'Esprit ?
\'i>us ne savez rien de l'Esprit.
Vous ignorez ses ramifications les
plus cachées et les plus essentiel-
les, ces empreintes fossiles si pro-
ches des sources de nous-mêmes,
'.'es traces que nous parvenons
parfois à relever sur les gisements
les plus obscurs de nos cerveaux.
Au nom même de votre logique,
nous vous disons : La vie pue,
Messieurs. Regardez un instant vos
faces, considérez vos produits. A
travers le crible de vos diplômes,
passe une jeunesse efflanquée, per-
due. Vous êtes la plaie d'un monde,
Messieurs, et c'est tant mieux pour
ce momie, mais qu'il se pense un
peu moins a la tête de l'huma-
nité. »
Antonin Artaud.
La société attache
une grande valeur à
l'homme « normal ».
Elle apprend à l'enfant
à se perdre lui-même,
a devenir absurde et
donc a devenir nor-
mal.
R.D. Laing.
Toute théorie conséquente et sincère
de l'Etat est essentiellement fondée sur
le principe de l'autorité, c'est-à-dire sur
cette idée éminemment théologique, mé-
taphysique, politique, que les masses,
toujours incapables de se gouverner, de-
vront subir en tout temps le joug bien-
faisant d'une sagesse et d'une justice
.lui, d'une manière ou d'une autre, leur
seront imposées d'en haut.
L'Etat a toujours été le patrimoine
d'une classe privilégiée quelconque •.
classe sacerdotale, classe nobiliaire.
classe bourgeoise; classe bureaucratique
a la fin, lorsque, toutes les autres classes
s'étant épuisées, l'Etat tombe ou s'élève,
comme on voudra à la condition de ma-
chine.
BAKOUNINE.
VIVE
LA GREVE SAUVAGE
POSITIONS
L'éclatement et la contestation des
idéologies et des organisations nous
amènent à citer un certain nombre de
tracts et de prises de position publiques
pour tâcher clé préciser l'orientation du
mouvement révolutionnaire spontané à
la pointe duquel sont aujourd'hui les
jeunes ouvriers et les étudiants.
D'un appel du Mouvement du 22 Mars
demandant la formation de Comités
d'Action Révolutionnaire :
Le nouveau type d'expression politique
et de lutte déclenché par le Mouvement
dit 22 Mars a prouvé que le pouvoir se
prend dans la rue.
Suivant la voie tracée par les ouvriers
de Caen, Mulhouse. Le Mans, Redon, de
la Rhodia à Paris, les étudiants, les
lycéens «t les travailleurs qui manifes-
taient contre la répression de l'Etat poli-
cier dans la nuit dit vendredi 10 mai 1968,
ont lutté dans la rue pendant plusieurs
heures contre 10.000 flics. I.a bourgeoisie
ti cherché à mater une forme de contes-
tation et de revendication qui met direc-
tement en cause son pouvoir.
.4 la violence de la bourgeoisie, les
manifestants pleinement soutenus par la
population ont opposé leur détermina-
tion politique : les mercenaires de la
bourgeoisie ont connu les délices des
cocktails Mototov et goûté les tendresses
des pavés devant les barricades. Plu-
sieurs centaines d'entre eux sent restés
sur le carreau. Etudiants et ouvriers ont
appris à se battre. Ils montreront dans
qu'Us n'ont pas oublié cette
e CONSEIL POUR LF.
\1A1NT1EX DES OCCUPATIONS pre-
nait position pour le POUVOIR AUX
CONSEILS OUVRIERS :
En dix jours, non seulement des cen-
taines d'usines ont été occupées par les
ouvriers, et une grève générale sponta-
née a interrompu presque totalement l'ac-
tivité du pav.s. mais encore différents
bâtiments appartenant^ à l'Etat sont oc-
cupés par des comités de fait qui s'en
sont approprié la gestion. En présence
d'une telle situation, qui ne peut en au-
cun cas durer, mais t/ui est devant /'«/-
tentative de s'étendre ou de disparaître
i répression ou négociation liquidatrice),
toutes les vieilles idées sont balayées,
toutes les hypothèses radicales sur Je
retour du mouvement révolutionnaire
prolétarien sont confirmées. Le fait que
tout le mouvement ait réellement été
déclenché, voici cinq mois, par une
demi-douzaine de révolutionnaires du
uroupc des « Enrages » dévoile d'autant
mieu\ combien les conditions objectives
étaient déjà présentes. Dores et déjà
l'exemple français a retenti par-delà les
frontières, et fait resurgir l'internationa-
lisme, indissociable des révolutions de
notre siècle.
I.a lutte fondamentale aujourd'hui est
entre, d'une part, la masse des travail-
leurs — qui n'a pas directement la pa-
role — et, d'autre part, les bureaucraties
politiques et syndicales de gauche (,ui
contrôlent — même si c'est seulement à
partir des 14° a de syndiqués que compte
la population active — les portes des
usines et le droit de traiter au noiu des
occultants. Ces bureaucraties n'étaient
pas des organisations ouvrières déchues
et traîtresses, mais un mécanisme d'in-
tégration à la société capitaliste. Dans
la crise actuelle, elles sont la principale
protection du capitalisme ébranlé.
Le gaullisme peut traiter, essentielle-
ment avec le P.C.-C.G.T. (serait-ce indi-
rectement} sur la démobilisation des ou-
vriers, en échange d'avantages écono-
miques : on réprimerait alors les cou-
rants radicaux. Le pouvoir peut passer
•- à la gauche >, qui fera la même poli-
tique, quoique à partir d'une position
plus affaiblie. On peut aussi tenter la
répression par la force. Enfin, les ou-
vriers peuvent prendre le dessus, en par-
lant pour eux-mêmes, et EU prenant
conscience de revendications qui soient
au niveau du radicalisme des formes de
lutte qu'ils ont déjà mises en pratique.
l'n tel processus conduirait à la forma-
tion de Conseils de travailleurs, déci-
dant démocratiquement à la base, se
fédérant par délégués révocables à tout
instant, et devenant le seul pouvoir déti-
hératif et exécutif sur tout te pays.
En (/uoi le prolongement de la situa-
tion actuelle contient-il une telle perspec-
tive ? Dans quelques jours peut-être,
l'obligation de remettre en marche cer-
tains secteurs de l'économie, sous le
contrôle ouvrier, peut poser les bases de
ce nouveau pouvoir, que tout porte à
déborder les syndicats et partis existants.
H faudra remettre en marche les che-
mins de fer et les imprimeries, pour les
besoins de la lutte ouvrière. Il faudra
que les nouvelles autorités de fait réqui-
sitionnent et distribuent les vivres. Il
faudra peut-être que la monnaie défail-
lante soit remplacée par des bons enga-
geant l'avenir de ces nouvelles autorités.
C'est dans un tel processus pratique que
peut s'imposer la conscience de la volon-
té profonde du prolétariat, la conscience
de classe (mi s'empare de l'histoire, et
qui réalise pour tous les travailleurs la
domination de tous les aspects de leur
propre vie.
Aux tentatives de récupération réfor-
miste des centrales syndicales, le GROU-
PE DU 10 MAI déclare que « TOUT EST
POSSIBLE A LA CLASSE OUVRIERE
EN ACTION » :
Le gouvernement pourrait faire au-
jourd'hui deux concessions en apparence
importantes: nationalisation des grandes
industries et cogestion des entreprises,
c'est-à-dire jusqu'à accepter que quelques
ouvriers supervisent l'exploitation du
prolétariat tout entier, et tant mieux
s'ils sont « démocratiquement » élus
comme le sont les députés du Parlement.
-VGA' .4 CETTE. COGESTION DES EN-
TREPRISES. C'EST LA GESTION EX-
CLUSIVE DES TRAVAILLEURS SUR
TOUTE L'ECONOMIE ET SUR LE POU-
VOIR POLITIQUE QU'IL FAUT EXI-
GER. .VO.V AUX NATIONALISATIONS
OUE LE POUVOIR SERAIT PRET A
CONCEDER SOUS COUVERT DE SO-
CIALISME. Outre le fait que cela ins-
taure un capitalisme d'Etat, cela n'amé-
liore en rien le sort des ouvriers (voir
Renault, etc.).
Pour faire échec «//v manœuvres divi-
sionnistes du Pouvoir, comme de cer-
taines formations de gauche, de nom-
breux COMITES D'ACTION TRAVAIL-
LEURS-ETUDIANTS ont été créés. L'un
d'eu*; déclarait :
TRAVAILLEURS
Les étudiants ont pris l'université et
la dirigent.
Le but des universités était, jusqu'à
maintenant, de former des chefs au ser-
vice des patrons. Nous refusons de deve-
nir désormais les chiens de garde de la
bourgeoisie. Etre esclave des patrons,
c'est odieux : être en plus un C.R.S..
c'est insupportable.
\'os problèmes sont les mêmes que les
vôt res.
f~n nous battant sur des barricades et
en occupant nos lieux île travail, les uni-
versités, nous avons remis en question
les conditions de travail (jui nous étaient
imposées.
A \ante.s. les ouvriers ont dressé des
barricades et se sont lait matraquer
comme nous et la même nuit (10 mai)
la-bas, l'année est intervenue.
-1 Redon à Laval, les ouvriers se ré-
voltent.
Pour abattre ce système qui nous op-
prime tous, il faut que nous LUTTIONS
ensemble.
Des comités d'action Travailleurs-Etu-
diants ont été créés dans ce but.
Ensemble nous luttons, ensemble nous
vaincrons.
De son côté, la JEUNESSE COMMU-
NISTE REVOLUTIONNAIRE s'adres-
sait le 21 mai en ces termes aux travail-
leurs et étudiants :
//, FAUT ALLER JUSQU'AU BOUT !
NOUS OCCUPONS :
• LES FACULTES,
• LES ADMINISTRATIONS,
• LES USINES...
... RESTONS-Y !
— Ne laissons pas les politiciens bour-
geois on social-démocrates, les Mitte-
rand et les Guy Mollet, négocier le re-
tour à l'ordre contre un fauteuil ministé-
riel !
— Ne laissons pas les dirigeants syn-
dicaux négocier la reprise du travail
contre les avantages, peut-être apprécia-
bles, mais qui seront rapidement rognés
par l'inflation et l'intensification des ca-
dences.
Le pouvoir que nous voulons n'est pas
un gouvernement de la gauche succé-
dant au gouvernement de la droite.
Le pouvoir que nous voulons n'a rien
a voir avec les combinaisons parlemen-
taires des politiciens bourgeois et réfor-
mistes !
Le pouvoir que nous voulons doit ins-
tituer la démocratie directe du socia-
lisme, fondée sur l'autorité des Comités
de hase dans les entreprises et les quar-
tiers.
Le pouvoir que nous voulons doit être
l'émanation des Comités de grève et des
Comités d'action des travailleurs et des
étudiants.
ETUDIANTS, TRAVAILLEURS, UNE
CHANCE UNIQUE S'OFFRE A NOUS ;
\E LA LAISSONS PAS PASSER !
Cependant, au fur et à mesure de
l'évolution des événements, le problème
spécifiquement universitaire s'estompe
devant la contestation globale, devant
la volonté irréversible de détruire le
système capitaliste pour promouvoir une
nouvelle société.
Cette volonté était clairement exprimée
pnr le MOUVEMENT DU 22 MARS dans
son appel à l'unification des luttes et
sa convocation aux quatre meetings du
vendredi 24 mai :
Nous occupons les facultés, vous oc-
cupe' les usines. Les uns et les autres,
nous battons-nous pour la même chose ?
// y a 10 " o de fils d'ouvriers dans
l'enseignement supérieur. Est-ce que
nous luttons pour qu'il y en ait davan-
tage, pour une réforme démocratique de
l'université ? Ce serait mieux, mais ce
n'est pas le phts important. Ces fils
d'ouvriers deviendront des étudiants
comme les autres. Qu'un fils d'ouvrier
puisse devenir directeur, ça n'est pas
notre programme. Nous voulons suppri-
mer la séparation entre travailleurs et
ouvriers dirigeants.
!l y (i des étudiants qui, à la sortie
île l'université, ne trouvent pas d'emploi.
Est-ce que nous combattons pour qu'ils
en trouvent ? pour une bonne politique
île l'emploi des diplômés ? Ce serait
mieux, mais ce n'est pas l'essentiel. Ces
diplômés de psychologie ou sociologie
deviendront les sélectionneurs, les psy-
chotechniciens, les orientatettrs qui es-
saieront d'aménager vos conditions de
travail ; les diplômés de mathématiques
deviendront les ingénieurs qui mettront
(ai point des machines plus productives
et plus insupportables pour vous. Pour-
quoi nous, étudiants issus de la bour-
geoisie, critiquons-nous la société capi-
taliste ? Pour un fils d'ouvrier, devenir
étudiant c'est partir de sa classe. Pour
un fils de bourgeois, ça peut être l'occa-
sion de connaître la vraie nature de sa
classe, de s'interroger sur la jonction
sociale à laquelle on le destine, sur l'or-
ganisation de la société, sur la place
que vous v occupez. Nous refusons
d'être des érudits coupés de la réalité
sociale. Nous refusons d'être utilisés au
profit île la classe dirigeante. Nous vou-
lons supprimer la séparation entre Ira
vait d'exécution et travail de réflexion
et d'organisation. Nous voulons cons-
truire une société sans classes, le .-.eus
de votre lutte est le même.
Vous revendiquez le salaire minimum
de 1000 F dans la région parisienne, la
retraite à 60 ans, la semaine de 40 heu-
res payée 48.
Ce sont des revendication justes et
anciennes. Elles paraissent pourtant sans
rapport avec nos objectifs. Mais en fait
vous occupe: les usines, vous prenez les
patrons comme otages, vous faites la
grève sans préavis. Ces formes de luttes
ont été rendues possibles par de longues
actions menées avec persévérance dans
tes entreprises et aussi grâce au récent
combat des étudiants.
Ces luttes sont plus radicales que vos
légitimes revendications parce qu'elles
ne cherchent pas seulement une amélio-
ration du sort des travailleurs dans le
système capitaliste, elles impliquent la
destruction de ce système. Elles sont
politiques au vrai sens du mot : \'ous
ne luttez pas pour que le Premier Minis-
tre soit changé mais pour que le patron
n'ait plus le pouvoir dans l'entreprise ni
dans la société. La forme de votre lutte
nous offre, à nous étudiants, le modèle
de l'activité réellement socialiste : l'ap-
propriation des moyens de production et
du pouvoir de décision par les travail-
leurs.
Votre lutte et notre lutte sont conver-
gentes. Il faut détruire tout ce qui isole
les uns des autres (l'habitude, les jour-
naux, etc.) Il faut faire la jonction
entre les entreprises et les facultés oc-
cupées.
VIVE L'UNIFICATION
DE NOS LUTTES !
A l'action révolutionnaire des travail-
leurs et des étudiants, certains parasites
n'ont pu s'accrocher qu'avec l'opportu-
nisme contre-révolutionnaire congénital
qui est le leur. Voici, par exemple, une
déclaration d'un groupe d'écrivains com-
posite, signée d'un « bureau provisoire »
ayant siégé à la Société des Gens de
Lettres, le 21 mai :
Un certain nombre d'écrivains, esti-
mant que les circonstances actuelles
permettent la constitution d'une asso-
ciation professionnelle vraiment signi-
ficative pour la défense de leurs inté-
rêts, siègent depuis ce matin 11 heures
ii l'Hôtel de Massa.
Ils convient toutes les associations
d'écrivains existantes à les soutenir dans
leur action et proclament leur solidarité
avec les mouvements étudiant et ouvrier.
La défense de leurs intérêts étant
l'unique préoccupation de ces intellec-
tuels, jaloux de leurs privilèges, qui
osent se prétendre d'accord avec les
étudiants révolutionnaires, nous ne pou-
vons que les dénoncer comme nous dé-
nonçons l'industrie culturelle et l'Uni-
versité de classe dont ils sont les servi-
teurs. Un tract du C.A.R. affirmait au
contraire qu'« aujourd'hui plus que ja-
mais, face à la gestapo du Pouvoir, la
révolution se fait dans la rue. L'Etat
(ses structures socio-policières, politico-
culturelles) s'écroulera sons la pression
des travailleurs révolutionnaires : LA
REVOLUTION DOIT ETRE FAITE PAR
TOUS ET NON PAR UN. Saccagez la
culture industrielle, vive la création
collective permanente. »
Cette prise de position radicale n'est
pas restée sans écho. Quelques jours
plus tard, le COMITE D'ACTION'DES
ARTS PLASTIQUES, siégeant à l'Ecole
des Beaux-Arts, dans l'atelier Marbot,
a réclamé le boycott des institutions et
manifestations culturelles, symboles du
pouvoir politique actuel ; a contesté les
structures socio-économiques de distri-
bution de l'art ; a proposé aux galeries,
soit de fermer leurs portes en indiquant
le motif de solidarité avec les étudiants,
soit de se transformer en centres d'op-
position en rapport avec la lutte actuelle
des travailleurs et des étudiants.
D'autre part, le COMITE D'ACTION
DES ARTS PLASTIQUES veut la créa-
tion d'un syndicat unique, l'extension
de la « peinture dans la rue », l'organi-
sation d'expositions dans les entreprises,
le sabotage des ventes aux enchères du
musée Galliera et, pour l'avenir, la sup-
pression des Salons.
*
Rappelons que certains artistes et
écrivains ont su dépasser sur les barri-
cades, au côté des étudiants et des ou
vriers révolutionnaires, leurs problèmes
socio-professionnels. De plus, l'ex-théâtre
de France lut investi par un COM1TL
D'ACTION REVOLUTIONNAIRE qui a
aussitôt soumis à l'assemblée réunie
dans la grande salle, le 16 mai, à 6 heu-
ics, la motion suivante:
Le Comité d'-\ction Révolutionnaire,
les travailleurs, les étudiants et les ar-
tiste.-, qui occupent l'Odéon décident
que l'ex-Tliéàtre de France cesse pour
une durée illimitée d'être un théâtre.
Il devient, à partir du 16 mai :
— un lieu de rencontre entre ouvriers,
étudiants et artistes.
— une permanence révolutionnaire
créatrice.
— un lieu de meetings politiques inin-
terrompus.
Le 17 mai, le C.A.R. faisait connaître,
par un tract, la déclaration suivante :
Le Comité d'Action Révolutionnaire
qui. en liaison avec des militants du
mouvement révolutionnaire étudiant, a
investi l'ex-Théâtre de France et l'c.
transformé en lieu de meeting perma-
nent ouvert à tous, communique qu'il
(i transféré dans la nuit du 16 au 17
mai la responsabilité de l'occupation il-
limitée des lieux à un Comité d'Occu-
pation formé d'acteurs, d'étudiants et
de travailleurs, dont la position politique
est dans la ligne de la sienne. Il est
bien entendu que les buts de l'occupation
restent les mêmes, à savoir :
—• Le sabotage de tout ce qui est
« culturel » : théâtre, art, littérature, etc.
(de droite ou île gauche », gouverne-
mental ou -< d'avant-garde ») et le main
tien de la haute priorité de la lutte
politique sur toutes les autres.
— Le sabotage systématique de l'in-
dustrie culturelle et en particulier de
l'industrie du spectacle, pour laisser
place à une création collective véritable.
— La concentration de toutes les éner-
gies s:tr des objectifs politiques tels que
l'élargissement du mouvement révolu-
tionnaire, la lutte dans la rue contre le
Pouvoir, le renforcement de l'union en-
tre les travailleurs révolutionnaires, les
étudiants révolutionnaires et les artis-
tes révolutionnaires.
— L'extension de l'action directe, par
exemple par l'occupation du plus grand
nombre possible de lieux de travail, de
diffusion ou de décision.
Le CAR considère qu'il a atteint son
but en occupant l'ex-théâtre de France
dès que l'objectif politique a été claire-
ment^ et publiquement atteint. Aujour-
d'hui ce mouvement irréversible doit
s'étendre et se renforcer. En ce qui
concerne les théâtres, la moindre acti-
vité corporative, le. moindre spectacle
organisé intra muros, le moindre relâ-
chement de l'agitation révolutionnaire
serait une trahison de l'élan qui s'est
révélé sur les barricades et qui doit à
tout prix non pas diminuer mais aug-
menter en puissance. Plus un seul billet
ne doit jamais être vendu a l'ex-theâtre
de France dont le statut de terrain vague
doit être maintenu. L'acte théâtral d'oc-
cupation fut en l'occurrence un acte
politique.
— Il a investj un des bastions du
Pouvoir Gaulliste.
— lia révélé la collusion entre un
certain syndicalisme contre-révolution-
naire et le patronat allié aux niatru-
qiieurs.
Le CAR décide de passer a autre chose-
dans d'autres lieux.
Le CAR met en garde le Comité d'oc-
cupation de l'Odéon (« CAR-Oiléon »)
contre le risque d'un envahissement
bureaucratique autoritaire qui rétablirait
des hiérarchies caduques et qui ôterait
à cette organisation son dynamisme ré-
volutionnaire.
Il faut repousser toute tentative de
récupération des lieux par le Pouvoir,
toute reconversion des lieux en théâtre.
Le seul théâtre est de guérilla.
L'Art révolutionnaire se fait dans la
rue.
Réformes ou Révolution ?
Un formidable mouvement de contes-
tation sociale est né. Des revendications
ont été posées par les travailleurs, bous-
culant les dirigeants syndicaux dans
leur attentisme.
Devant l'unanimité et la volonté écla-
tantes des masses, les syndicats et les
partis politiques ont pris le train en
marclu et essayent de coiffer le mouve-
ment social actuel pour le maintenir
dans le cadre étroit et habituel des re-
vendications de salaire, qui, une fois
accordées, sont vite grignotées dans les
jours à venir par la montée des prix,
par !o mauvaise volonté des patrons,
par le jeaii-toutisme ou la bêtise des poli-
ticiens, qu'ils soient au pouvoir ou dans
l'opposition.
En maintenant les gens actuellement
en place, nous savons tous que le même
problème se reposera demain et en pire.
Il ne le faut pas ; il faut prendre cons-
cience de cela et se battre, si besoin est,
pour l'éviter.
D'abord chasser de Gaulle.
Il faut chasser celui qui nous gou
verne, il faut chasser son équipe, il fau1
chasser une opposition formée de mina
blés politiciens qui ont fait avant de
Gaulle la preuve de leur inefficacité de
gouvernants, et pendant, la preuve de
leur inefficacité d'opposants.
IN n'ont plus de preuves à nous don-
ner, c'est fait : ce sont des cons ou des
salauds, ce qui, pour nous qui payons
la casse, est exactement pareil ; qu'ils
fassent le mal parce qu'ils sont bêtes ou
parce qu'ils sont malhonnêtes, c'est sans
différence pour qui le subit.
Il ne faut pas avoir peur du vide de
leur départ. La peur ne rcsoucl rien.
Les réformistes voudraient nous faire
reprendre le travail avec quelques cen-
times supplémentaires et avec, au fond
de nous-mêmes, le sentiment confus de
ne pas avoir abouti et de devoir recom-
mencer plus tard dans de plus mauvai-
ses conditions. Les quelques centimes
accordés ne changeront que peu de
chose au niveau de vie, mais les requins
et les parasites de toute espèce, qui pros-
péreront à nouveai. en paix, se charge-
ront de grignoter ce maigre bénéfice
pour leur plus grand profit personnel.
Pendant de Gaulle, leur opposition de
principe n'aura été que du mauvais
cinéma à l'usage des roules et de leur
clientèle électorale. Là où il fallait une
opposition musclée, dure et efficace, il
n'y a eu qu'une opposition de bouffons.
Chassons les bouffons, ils sont respon-
sables aussi. Vingt ans de preuves, c'est
trop !
La deuxième possi-
bilité : de Gaulle se
maintiendrait au pou-
voir par tous les mo-
yens. Il accordera
toutes les réformes
qu'on lui demandera,
ce n'est pas lui qui
paye. Mais le système
restera le même avec
l'autorité dure et im-
pitoyable d'un vieil-
lard féroce et borné,
car de réformes de son autorité, cela
il n'acceptera jamais.
Dans le système actuel, le président
de la République est tout-puissant, ses
ministres ne sont que des fantoches en-
tre ses mains. Il continuera donc à gou-
verner avec son manque absolu du sens
des réalités, son incompréhension con-
génitale de ce qui est un peuple car il
n'est pas du peuple, ni ouvrier, ni tech-
nicien, ni commerçant, ni paysan, ni
artisan, il n'est rien de tout cela. Pour
lui, il n'y a que des Français, c'est-à-dire
des choses à son service, pas des ci-
toyens — des foules chargées de l'accla-
mer, surtout de lui obéir.
Un peuple, pour de Gaulle, est une
carte que l'on joue à l'échelon mondial,
entre gens bien, dans un jeu terrible-
ment dangereux mais qui l'excite. De la
vie de chacun et de tous les jours, il
s'en fout, il n'a jamais vécu. Du travail
et de ses dillïcullés ou de ses peines il
s'en fout, il n'a jamais travaillé. Il a
toujours commandé, et, de cela, il ne
se fout pas : c'est sa vraie spécialité.
Commander pour diriger, non pas, il
est trop bête, mais exiger c'est beau-
coup plus simple, et cela rentre mieux
ainsi dans la caractéristique la plus
bornée de l'art militaire. Il faut le chas-
ser. Il faut le chasser parc.1 qu'il est
dangereux. Il faut le chasser parce qu'il
est responsable.
De Gaulle a prouvé à maintes reprises
qu'il peut affirmer aujourd'hui avec
force ce qu'il niait hier avec autant de
force. Il a prouvé que sa conduite pou-
vait être celle du politicien le plus retors
et le plus malhonnête, mais il a prouvé
surtout qu'il ne pardonnait jamais les
injures qui lui étaient faites et s'en ven-
gerait durement. Aujourd'hui tout un
peuple le bafoue et le ridiculise et cela
il le fera payer, et cher, à tout ce peuple
qui ne lui inspire que du mépris. Il pein
nous mener au chaos intérieur et à la
guerre civile par le simple jeu de !:i
fausse information, de la propagande,
de la calomnie.
Il faut le chasser, et vite ! Demain il
sera trop tard, tin de Gaulle ne se ren-
voie pas comme un politicien ordinaire,
fidèle à son personnage préfabriqué et
purement théâtral. Il n'imag;ne pas
d'autre sortie que dans une tragédie
grandiose dont il serait le personnage
central et nous les victimes.
Au-delà du réformisme.
Dans l'immédiat, les augmentations
de salaires sont justes, mais ce n'est pas
suffisant. Il faut un salaire supérieur.
mais en plus, une retraite liée et égale
au minimum vital, et tout de suite, quj!
que soit le nombre d'années de cotisa-
tions des vieillards. Et aussi un mini-
mum vital logique et décent, donc plus
élevé qu'actuellement. Et ce n'est pas
tout : des réformes radicales doivent
permettre à tous de travailler.
II ne doit pas y avoir de déchet hu-
main: l'ouvrier de 50 ans est un déchet
dont aucun patron ne veut et que les
syndicats ignorent. Forts de trente an-
nées d'expérience professionnelle, il est
rejeté par la société industrielle. Pour-
quoi ? Parce qu'au cours de ses longues
années de travail, sa rapidité d'exécu-
tion s'est amenuisée, il travaille un peu
moins vite, donc la source de profit qu'il
représente est inférieure à d'autres et il
est moins rentable, alors on le rejette.
Il ne se retrouve pas nécessairement
dans la rue, mais son salaire n'aug-
mentera plus, donc, en réalité son ni-
veau de vie va baisser et il n'aura plus
la possibilité de proposer ailleurs son
travail, même à meilleur prix. Tous
l'ignorent, y compris les syndicats, do-
minés par leurs bonzes et leurs manda-
rins.
Aucun temps demandé ne déviait être
dans l'immédiat supérieur aux 2/3 du
temps maximum atteint par un ouvrier
dans ce même travail, le tiers restant
sera payé à l'ouvrier sur la base du
gain réalisé par lui et ne devrait com-
porter aucun bénéfice pour le patron.
Casser les classes.
Mais il reste encore un autre pro-
blème : on termine sa vie comme ou-
vrier mais on la débute aussi comme
ouvrier, et ce début ne doit pas être
une fin.
Celui qui rentre dans la vie active, en
exécutant les travaux les plus simples,
avec ou sans qualification, est voué à
les exécuter toute sa vie. Peu échappent
à la condition de départ. Une infinité
de barrières ont été dressées, empê-
chant toute promotion sociale réelle.
Il faut qu'elles tombent.
Ouvrier, c'est une profession, mais ça
ne doit pas être une caste de parias
dont tout le monde parle et dont per-
sonne ne sort. Le monde de l'Université
et du Travail doivent être égaux, la
même chance dans la vie, à qualité
égale, doit s'offrir au jeune ouvrier et
à l'étudiant par des chemins différents,
par une formation différente mais con-
vergente, aboutissant à la même valeur
technique dans un emploi donné. Les
intellectuels doivent avoir conscience
qu'en exigeant des diplômes qu'un tra-
vailleur ne peut pas avoir, qu'en créant
des limites d'âge qu'il dépassera avec
certitude, il enfermera le monde du
travail dans un ghetto moral et matériel
dont il ne peut sortir.
II faut briser ces structures bourgeoi-
ses, conservatrices et vétustés. Il ne
faut pas que le monde de l'intelligence
et de la technique forme une caste im-
perméable protégeant par ailleurs par
ses méthodes de recrutement et de for-
mation des imbéciles pédants et préteii
lieux qui le discrédite dans sa totalité
aux yeux des travailleurs.
La hiérarchie sociale
dans une société ne se
justifie que si elle est per-
méable à tous, si elle en
l'est pas, ce n'est plus une
échelle de valeurs ou d'ef-
ficacité technique mais
une féodalité de seigneurs
et de serfs.
Aux ventres trop pleins, opprimant les
ventres trop vides, ne doit pas se sub-
stituer l'oppression des cervelles enflées
sur les autres.
Marché commun ou internationalisme.
Mais il est aussi une inquiétude que
les travailleurs éprouvent. Demain, le
marché commun va ouvrir ses portes
et, tous, nous le redoutons. Nous savons
tous dans les ateliers comment le pa-
tronat le prépare. Nous savons tous, ou-
\riers et techniciens, à quel point notre
industrie est sous-équipée. Nions axons
peur du marché commun.
Nous connaissons déjà les
remèdes que les patrons ap-
porteront à leur sous-équipe-
ment : augmentation des ca-
licnces, vieilles ficelles d'ex-
ploitation de gens bornés.
durs et sans imagination.
Mais il y a un espoir, c'est que le
mouvement actuel au fond duquel bouil-
lonnent nombre d'idées généreuses dont
peu d'entre nous sont au couiant car
le pouvoir, aidé par tous les airivisles
de la politique, et le silence — ou la
mauvaise foi — des bonzes syndicaux,
donc de leurs syndicats, qu'ils contrô-
lent d'une manière dictatoriale, ne laisse
filtrer aucune information qui ne lui
soit favorable et emploie la calomnie
pour discréditer aux yeux clés travail-
leurs tout ce qui n'émane pas du pou-
voir gaulliste ou de ceux qui ont pactisé
avec lui par leur silence, leur lâcheté,
ou qui, plus simplement encore, se sont
vendus à lui.
Cet espoir est celui que
nous avons tous de voir
le cadre précis mais ha-
bituel de nos revendica-
tions être dépassé, remet-
tant en cause la société
dans ses structures, cré-
ant alors un esprit révo-
lutionnaire original, dé-
bordant les nationalismes.
Un esprit révolutionnaire qui balaiera
le marché commun du profit, des flics,
des militaires et de la matraque pour le
remplacer par celui des travailleurs. De
celui-là nous n'avons rien à craindre car
il ne sera pas le marché commun du
profit pour certains, du chômage ou
de la misère pour d'autres, mais ce sera
au contraire la moisson d'un ferment
révolutionnaire généreux.
Un O.S.P. de la Régie Renault.
La société bourgeoise et capitaliste
s'est créé une multitude de « chiens
de garde » : l'information, la culture, le
crédit, etc. Ce sont autant de moyens
d'alinéner la masse des travailleurs.
Deux de ces chiens sont particulière-
ment essentiels à la survie des mono-
poles, ce sont :
— les forces répressives (la police,
l'armée) ;
— les « cadres » qui, pour conserver
leur emploi ,sont obligés d'aider
le capitalisme à accroître sa puis-
sance d'oppression.
Le 22 mars, 150 étudiants de Nanterrc
envahissent le bâtiment administratif de
la faculté. Cette action a trois buts :
faire savoir qu'ils ne toléreraient pas
que leurs camarades des Comités Viet-
nam National, arrêtés la veille sans mo-
tif, restent en prison ; montrer qu'ils
n'entendaient pas jouer après leurs étu-
des le rôle de cadres-valets qui leur était
imposé ; établir de facto la liberté d'ex-
pression politique à l'intérieur de la
l'acuité. A la suite de cet événement la
faculté est fermée.
Après les vacances de Pâques, les étu-
diants de Nanterre continuent, par un
travail de propagande politique dans la
faculté, à contester toutes les formes de
la société capitaliste actuelle. La faculté
est de nouveau fermée à la suite de la
journée anti-impérialiste organisée par
le Mouvement le 2 mai, et sept de nos
camarades sont traduits en conseil dis-
ciplinaire.
Pour protester contre ces mesures ré-
pressives, les étudiants tiennent un mee-
ting le lendemain, à la Sorbonne. Sur
l'ordre du Recteur Roche les flics enva-
hissent la Sorbonne... embarquent les
étudiants et... tout commence.
Le soir même un mouvement popu-
laire et spontané de sympathie avec les
étudiants contre la répression policière
s'est créé : le sang coule au Quartier
Latin. Depuis ce jour un nombre tou-
jours plus important de travailleurs et
d'étudiants comprend que les luttes con-
tre le patronat, contre la répression po-
licière, contre l'université bourgeoise, ne
sont qu'une seule et même lutte.
Le réponse du Capital est dure : nos
blessés se comptent par milliers. Mais
le mouvement s'amplifie aujourd'hui et
dix millions de travailleurs se sont mis
en grève, souvent même à rencontre
des consignes de ceux qui se posent
comme leurs représentants ; ceci est le
début d'une prise de conscience révolu-
tionnaire à la base.
11 n'est pas nécessaire de icvenir en-
core sur les événements du Quartier
Latin, mais on peut répondre à deux
griefs qui nous sont souvent faits. Il
nous est maintenant reproché de cracher
sur le drapeau tricolore, mais pour nous
ce drapeau est le faux symbole au nom
duquel les marchands de canons ont
envoyé des millions de Français à la
boucherie. Il fut normal, en 1789, d'adop-
ter le drapeau tricolore et il semblerait
surprenant qu'à cette époque quiconque
eût pu regretter la banière fleurdely-
sée. Il est aussi normal, aujourd'hui,
d'adopter les drapeaux rouge et noir de
l'internationalisme prolétarien.
11 nous est reproché des dégâts maté-
riels inutiles : qu'on sache bien que-
quand les capitalistes font la guerre, ils
ne se contentent pas de détruire quel-
ques voitures, mais des villes entières,
des provinces, des vies humaines... tan-
dis que les travailleurs et les étudiants
qui participent au soulèvement actuel
ne font que se défendre. D'ailleurs bien
souvent les propriétaires des voitures
étaient à nos côtés sur les barricades
(la voiture de Geismar a brûlé).
La lutte ne fait que commencer. Les
bon/es des syndicats ouvriers et étu-
diants ont accepté de discuter avec le
gouvernement. Où est le résultat? 1936 :
-40 heures, 1968 : 52 heures. De qui se
moque-ton ? La masse des travailleurs
refuse de telles escroqueries, le trade-
unionisme n'étant que l'aménagement
de la société d'exploitation.
Nous refusons le dialogue avec l'Etat
capitaliste, nous sommes là pour le dé-
truire. Les organisations politiques tra-
ditionnelles (partis, syndicats, groupus-
cules) sont des instruments complète-
ment périmés de la lutte des classes,
elles n'ont aucune raison de survivre à
la société à laquelle elles se sont inté-
grées. La parole n'est plus aux bureau-
crates, le pouvoir est dans la rue.
Dans l'immédiat notre tâche est de
préparer la révolution qui s'avance par :
o Un travail d'information et de pro-
pagation de nos idées, en profon-
deur ;
• Une collaboration constante avec
les travailleurs et l'instauration de
l'autogestion des entreprises par
les conseils ouvriers ;
• Le sabotage du référendum crapu-
leux qu'on veut nous imposer ;
• La poursuite de l'obstruction systé-
matique que nous faisons au fonc-
tionnement « normal » des institu-
tions telles que l'enseignement
bourgeois et l'industrie culturelle.
Ou, plus généralement, par toute ac-
tion de subversion susceptible de con-
trer le pouvoir gaulliste et d'empêcher
son remplacement par un néo - capita-
lisme déguisé.
On nous a contraints à la violence .
nous irons jusqu'au bout.
Nous ne prétendons pas déterminer
d'avance ce qui remplacera le vieux
monde. Nous ne copierons aucun mo-
dèle déjà établi, tous ensemble nous
mettrons sur pied une société socialiste
sur des bases radicalement nouvelles,
où tous ceux qui n'étaient que consom-
mateurs participeront à la gestion, où
tous ceux qui n'ont jamais eu la parole
pourront s'exprimer.
Des militants
du Mouvement du 22 Mars.
Le marxisme est à considérer comme
l'expression consciente d'un processus
historique inconscient. Mais le processus
« inconscient » — au sens historico-phi-
losophique, et non psychologique — ne
coïncide avec son expression consciente
qu'en ses plus hauts sommets, lorsque
la masse, par la poussée de svs forces
élémentaires, force les portes de la rou-
tine sociale et donne une expression
victorieuse aux plus profonds besoins
de l'évolution historique. La conscience
théorique la plus élevée que l'on a de
l'époque fusionne, en de tels moments,
avec l'action directe des couches les
plus profondes des masses opprimées les
plus éloignées de toute théorie La fu-
sion créatrice du conscient avec l'in-
conscient est ce que l'on appelle, d'ordi-
naire, l'inspiration. La révolution est un
moment d'inspiration exaltée dans l'his-
toire.
_________ TROTSKY.
Je jouis
ComiK
d'Information Révolutionnaire : J.-L. Brau — P. Loi/eau — J.-J. Lebel — H. Hervé — Jean Franklin — G. Fabiani Ocrant : P. Ravienanr Dépôt légal : T tri 1968.
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