L'Etudiant de France

Thumbnail
NOUVELLE SERIE N° 1
de France
JUIN 1968
SPÉCIAL BAC
RÉDIGÉ PAR :
L'UNEF
ET LES C.A.L.
MENSUEL : 0,50
ËDITORIAL
Tout au long du mois de mai, tra-
vailleurs, étudiants et lycéens ont
mené une lutte qui, par delà la di-
versité de ses objectifs précis et con-
crets, exprimait la même volonté et
le même besoin : prendre en charge
sa vie, pendre en charge son travail
et l'organiser soi-même, hors de
toute contrainte et abattre tout ce
qui pouvait s'opposer à cette œuvre
de libération.
Il est faut de croire que ce mou-
vement de mai a eu pour origine la
« révolte étudiante », l'œuvre de
quelques agitateurs ou révolution-
naires plus ou moins professionnels.
Il serait également faux d'affirmer
que les travailleurs n'ont fait que
participer à un mouvement stricte-
ment revendicatif, sur une base et
dans une optique radicalement dif-
férente de celle des étudiants : le
problème du pouvoir, celui du ré-
gime a été posé par l'action d'en-
semble des travailleurs, manuels et
intellectuels ; ainsi se trouve claire-
ment mise au jour la nature réelle
des événements de mai. Il serait
faux enfin de prétendre que les ly-
céens se sont bornés à imiter leurs
aînés : dès le début, ils ont, avec les
comités d'action lycéens, participé à
part entière à la résistance contre la
répression, montrant par là leur so-
lidarité profonde avec les luttes étu-
diantes, solidarité qui reposait en
fait sur une communauté d'intérêts
et de revendications.
L'unité de mouvement de mai est
donc indiscutable : derrière les re-
vendications des lycéens et des étu-
diants sur les examens, la réforme
de l'enseignement, la liberté des
discussions politiques et syndicales,
derrière les revendications des tra-
vailleurs dans les entreprises quant
aux augmentations de salaires, aux
garanties de l'emploi, à l'avance de
l'âge de la retraite, aux libertés syn-
dicales... il y avait la même volon-
té : être responsable, pouvoir vivre
et s'exprimer, comprendre et donc
critiquer et contester, mais aussi
construire et ceci en prenant en
main tous les éléments du pouvoir
là où ils existent : dans les lycées,
les facultés, les entreprises, les quar-
tiers et municipalités... A cet égard,
ce n'était pas un hasard alors que le
problème du pouvoir, à tous les ni-
veaux se trouva rapidement posé.
Ce n'est pas un hasard non plus si
les formes d'actions utilisées ont été
partout les mêmes : occupation des
lieux de travail, constitution de co-
mités, instauration de débats et de
discussions, participation aux mani-
festations... Malgré les tentatives de
divisions du gouvernement, malgré
les positions de quelques responsa-
bles ouvriers, l'unité se trouvait réa-
lisée et elle a ouvert les perspectives
les plus larges. Une situation irréver-
sible a ainsi été créée. Mais était-elle
imprévisible, inattendue ? N'est-elle
due qu'à l'agitation de quelques sec-
teurs privilégiés ?
Depuis longtemps déjà l'on pou-
vait percevoir les germes du malai-
se ; depuis longtemps déjà nous sou-
lignons que la réalité actuelle uni-
versitaire et ouvrière allait engendrer
des mouvements de grande ampleur.
D ailleurs, les mois précédents
n'avaient-ils pas vu le développe-
ment de l'agitation et des revendica-
tions dans tous les secteurs ? La ren-
trée universitaire s'était faite dans
les conditions désastreuses que l'on
sait et, an moment même où l'UNEF
retrouvait à la base le contact avec
les étudiants et était à nouveau ca-
pable de les mobiliser et de diriger
leurs luttes, dans de nombreux ly-
cées, tant à Paris qu'en province, se
multipliaient les comités d'action ly-
céeni par l'intermédiaire desquels
les lycéens faisaient la preuve de leur
maturité. Presque au même moment,
dans de nombreux secteurs indus-
triels, les travailleurs engageaient
des luttes qui certes étaient locali-
sées mais dont la violence montrait
bien que les problèmes du monde
ouvrier étaient plus que jamais vi-
vement ressentis.
D'ailleurs, les formes mêmes du
mouvement de mai ne furent pas
nouvelles : la répression policière et
donc la violence des manifestations
s'était déjà manifestée à Caen, à
Nantes ; l'occupation des lieux de
travail et des locaux publics avait
déjà marqué la campagne revendica-
tive des étudiants dans les campus
universitaires. Les thèmes mêmes du
mouvement, posant les problèmes
syndicaux et politiques, avaient été
partout avancés les mois derniers
dans les lycées, les facultés, les en-
treprises.
Mais alors, quelle est l'importance
de la période que nous venons de
vivre et de l'action que nous avons
tous menée ? Quel que soit l'avenir
de nos revendications — et il faudra
sans doute se battre beaucoup pour
qu'elles soient satisfaites — une si-
tuation irréversible a été créée. Si-
tuation irréversible parce que nous
avons montré et prouvé deux faits
primordiaux : d'une part que, lors-
qu'on résistait, l'on pouvait faire re-
culer le gouvernement et ceux dont
il exprime les intérêts, — d'autre
part que l'unité, la lutte commune
de tous, étudiants, lycéens, ensei-
gnants, travailleurs... était possible
et que seule elle pouvait permettre,
si elle était soutenue et poursuivie
d'obtenir des victoires fondamenta-
les. Les intérêts des uns et des autres
ne sont pas dissociables ; cela, nous
l'avons toujours su et toujours dit ;
mais cette fois la lutte a été commu-
ne et c'est pourquoi nous avons rem-
porté une importante victoire.
Nous ne pensons pas en effet que
le mouvement de mai est terminé.
Partout les discussions, les débats,
les initiatives se poursuivent. Et le
gouvernement ne va pas pouvoir ré-
soudre les problèmes qui ont été
posés. Il va alors lui falloir continuer
d'appliquer la politique qu'ila tou-
jours préconisée : une crise de
l'enseignement au service «le l'é-
W 0c*«f «CLCWle MMH't W
Lft FTUDMMT6 BffùrfNT if
conomie capitaliste, et donc po-
litique de sélection, de formaton
professionnelle tronquée, désembri-
gadement des étudiants et des ly-
céens (à partir d'une répression ac-
crue) . Voilà ce que sera pour nous
la politique gouvernementale dans
les mois à venir ; les réformes que
promet le pouvoir, ce sont ses réfor-
mes, celles qu'il préconise depuis le
colloque de Caen et qu'il réintrodui-
ra par un biais ou un autre. De
Gaulle a été encore plus net à l'égard
des travailleurs : il ne sera pas pos-
sible de leur donner ce qu'on leur
a promis, si on ne rattrape pas d'un
côté ce qu'on accorde de l'autre.
Après ce qui s'est passé, les travail-
leurs ne pourront pas l'admettre. Et
l'on verra à nouveau la lutte connaî-
tre des rebondissements.
C'est que, en effet, les problèmes
essentiels n'ont pas été résolus. Der-
rière les revendications des étudiants
et des lycéens, il y a la volonté de se
libérer de toute contrainte, de pou-
voir penser, critiquer et proposer, de
devenir autre chose qu'un petit pa-
tron, un cadre au service du patro-
nat et contraint de participer à l'ex-
ploitation des travailleurs ; derrière
les revendications des travailleurs il
y a la volonté pour ceux-ci d'orga-
niser et de diriger eux-mêmes leur
travail, de ne plus être les instru-
ments de quelques uns. Ces problè-
mes, ces aspirations fondamentales,
il faudra bien les satisfaire un jour.
La manifestation de Charletty a clai-
rement montré qu'elles n'étaient
l'apanage de quelques uns ; elle a
montré que dans la lutte pour une
transformation sociale radicale seule
susceptible de résoudre les problè-
mes particuliers, la grande niasse des
étudiants et des travailleurs se re-
connaissait et se trouvait unie, mal-
gré les divergences d'appréciation
sur tel ou tel point.
Alors c'est dans ce sens qu'il faut
continuer. Si le mouvement n'est pas
mort, il faut se préparer à la pour-
suite de la lutte, à son intensifica-
tion. De notre côté, nous mettrons
tout en a-uvre en ce sens. C'est pour-
quoi, les S. 6 et 7 juillet les étudiants
qui sont membres de l'UNEF ou qui
sont prêts à travailler avec l'UNEF,
se rencontrent pour définir la ligne
d'action de l'UNEF, proposer des
axes de luttes, envisager l'instauration
des structures qui permettront de
faire de l'UNEF l'instrument de lut-
te de tous les étudiants progressistes
et révolutionnaires combattant avec
les travailleurs pour une transforma-
tion radicale de la société dans un
sens réellement démocratique, c'est-
à-dire dans l'optique de l'instauration
d'un réel socialisme, le socialisme
des travailleurs où ceux-ci dirigent
la société et où chacun garde son
droit de contrôle et de critique.
C'est pourquoi aussi nous appel-
ions les lycéens à lutter aux côtés et
avec les étudiants et les travailleurs.
C'est en ce sens que nous concevons
ce journal, destiné particulièrement
aux lycéens des classes terminales,
qui vont bientôt entrer en faculté,
afin qu'ils soient informés et prépa-
rés à rejoindre l'organisation de lutte
en milieu étudiant : l'UNEF, et à
poursuivre le combat entrepris dans
les lycées.
AL OLYMPIA
^^ BRUNO COQUATRIX
Représentations tous las soirs à 21 heures
LOCATION :
28. boulevard des Capucines
Métro Opéra-Madeleine
Tous les jours de 11 A 19 heures
par téléphone :
Service spécial Olympia-Service - RIC. 25-49
RADICALISATION
DES LUTTES OUVRIÈRES
Cet article se propose d'essayer de montrer comment, à travers les luttes
du mois de mai, s'est opérée dans le milieu lycéen une radicalisation en
masse. Il faut dire, dès le début que cette radicalisation n'a pas porté sur
l'ensemble du milieu, mais sur une frange conséquente de celui-ci. Il serait
absurde d'espérer que tous ceux qui ont participé aux luttes de ces derniers
temps restent acquis à des positions de critiques radicales de la société après
le reflux. Le milieu lycéen, influencé par ses origines de classe n'est pas
près à passer en bloc sur des positions radicales ; cependant toute une
série de militants ont compris, au travers des différentes phases de la
lutte, le lien étroit qui rattache la critique quotidienne d'une institution
(l'éducation nationale) à la critique du système qui lui a donné naissance.
En fait c'est dans la perception de ce lien que réside l'amorce de la radicali-
sation. Beaucoup de militants lycéens qui ont joué un rôle actif lors de
l'occupation des lycées commencent à comprendre la liaison entre la reven-
dication « corporatiste » intégrable par le système et la remise en cause de
ce système. Là encore la conscience retarde sur l'action, mais ce retard est
en tram de se combler. Toute la ligne politique des C.A.L. s'est unifiée dans
ces événements : le passage de la revendication immédiate à, la contestation
globale s'opère maintenant sur une large échelle. Mais ce passage ne s'est
pas fait grâce à des textes ; ceux-ci sont nécessaires, mais ne doivent avoir
qu'un rôle d'explication et non de démonstration. C'est l'expérience profonde
de la masse des lycéens qui permet à la large minorité de comprendre la
nécessité de la radicalisation. Avant d'être consciente, avant de s'exprimer
par des textes, par des actes, cette radicalisation existait dans le caractère
même des actions entreprises par les lycéens durant la crise de Mai.
Elle s'inscrivait profondément d'ailleurs dans la radicalisation générale
de la lutte pendant cette crise.
Les collectes effectuées pour les grévistes, les réunions dans les lycées
avec les travailleurs correspondaient durant cette période à un rejet caté-
gorique du corporatisme, même si ce rejet n'était pas exprimé consciemment.
A l'avenir il faudra envisager d'autres formes de liaisons avec les jeunes
provenant d'autres milieux sociaux. Car cette recherche de la liaison avec
d'autres secteurs de la jeunesse n'est pas une fuite en avant ; elle corres-
pond à une analyse politique sérieuse : celle qui consiste à dire qu'il n'existe
qu'un aspect lycéen des contradictions générales du système, et que la lutte
des lycéens si elle veut mettre en cause la société doit s'attaquer aux racines
du mal.
Pour notre part, nous pensons qu'une des formes de liaison avec d'autres
secteurs de la jeunesse peut être l'organisation d'assemblée locale de la
jeunesse, se réunissant régulièrement avec des activités politiques suivies.
Le fait que beaucoup de lycées aient fonctionné pendant une période,
sur un mode d'autogestion par les usagers, constitue une des bases objectives
de l'approfondissement de la critique, même si les motivations conscientes
de cette autogestion étaient, de nature réformistes. Mais beaucoup trop des
principes fondamentaux qui réglaient jusqu'alors la vie des lycées ont été
remis en question. La toute puissance de l'administration personnifiée par
l'autorité du proviseur, la discipline imposée par l'appareil surveillant, la
loi absolue de certains professeurs, etc., tout ceci a été remis en cause, non
pas par des écrits mais dans les faits. Il faut remarqur que par delà ces
bouleversements gigantesques dans l'organisation de la vie dans le lycée ce
qui est atteint c'est la finalité du système. La critique de la sélection sociale
largement reprise par l'ensemble des lycéens, débouche sur la remise en
cause de la société de classe pour beaucoup, et cette tendance s'accentuera.
Nous comptons beaucoup, pour nous aider, sur l'orgueil d'un pouvoir, qui
sorti (regaillardi) de la mascarade électorale, s'efforcera de faire disparaître
tous les effets de la crise de Mai.
En fait c'est le pouvoir qui démasquera aux yeux de la masse des lycéens
l'inanité du réformisme corporatiste.
Pour nous, le seul intérêt de la revendication c'est de permettre une
mobilisation massive, radicale dans la forme, qui donne la possibilité de
passer à un stade supérieur de la contestation. Par exemple, si on refuse le
système des heures de colles, on ne se contente pas de le dénoncer, on envahit
les salles de permanences et ont libère les collés, ensuite on explique le
caractère coercitif de l'enseignement répondant au caractère coercitif de
la société de classe.
Passer par la dénonciation spectaculaire d'un « scandale » perceptible
par tous pour arriver à la critique globale puis revenir à la dénonciation,
telle doit être notre ligne de conduite. Plus que le fond, c'est la forme que
prend la dénonciation qui importe. La suppression des heures de colles
ne mets pas en cause la sélection sociale, mais l'investissement des malles
où se déroulent ces punitions prouve qu'on peut lutter efficacement contre
le système.
De plus ceci accentue ses contradictions grâce aux réponses autoritaires
apposées souvent dans un premier temps par les administrations à ce genre
d'action avant qu'elles soient obligées de s'incliner devant la fermeté de la
mobilisation. C'est dans l'interaction continue, entre la contestation secto-
rielle par la dénonciation du scandale et la contestation globale que se situe
notre ligne d'action, et négliger l'un ou l'autre terme amènerait rapidement
d'un côté au corporatisme béat, de l'autre au dégagement de forts noyaux
de militants coupés totalement des masses. C'est par l'applicatio > de cette
ligne politique que s'opère et s'opérera la radicalisation des uilitarlt-i lycéens
et que se dissipera l'illuson réformste. Il faut comprndn de e poi"* de vue
que la période dans laquelle nous sommes correspond d'une mai géné-
rale à une maturation politique, à une réflexion sur ce qui a été iai: et que
ce ne sont pas les résultats des élections qui empêchent ce processus, peut-être
même au contraire.
La rentrée scolaire offre des perspectives de luttes riches en développe-
ments intéressant dans le milieu lycéen. Déjà des programmes de lutte se
construisent dans beaucoup de lycées. (Ce n'est qu'un début...)
A QUOI SERT L'UNEF ?
Le puissant mouvement qui a ébran-
lé le régime et qui est parti de l'Uni-
versité a mis en évidence l'organisation
syndicale étudiante : l'U.N.E.F. Pour-
quoi par sa nature même et par le rôle
qu'elle a à jouer, l'U.N.E.F. s'est-elle
tout naturellement trouvée à la tête du
mouvement étudiant ? Pourquoi d'abord
existe-t-il en France un mouvement
comme l'U.N.E.F. ? Comment a-t-il été
créé ? A quoi sert-il ? Autant de ques-
tions importantes qui doivent se poser
à l'esprit du lycéen qui s'apprête à en-
trer à l'Université et, nous le souhai-
tons, à l'U.N.E.F. Autant de questions
auxquelles nous allons tenter d'appor-
ter une réponse.
L'U.N.E.F. a été créée en 1907 par des
sociétés d'étudiants qui se sont réu-
nies avec le but essentiel de mener des
activités récréatives et sportives pour
jeunes bourgeois en mal de distraction.
Cette activité uniquement folklorique
disparaît après la guerre pour s'orien-
ter vers l'entraide. Sont alors créés :
l'Office du tourisme universitaire, le
Bureau universitaire de statistique, la
Médecine préventive universitaire, des
cités, etc... Mais il n'y a pas de ligne
directrice, il s'agit encore de passer et
de faire passer les quelques années de
la vie universitaire dans les meilleures
conditions possibles. La Deuxième
Guerre mondiale, en lançant bon nombre
d'étudiants dans la résistance, va radi-
caliser l'U.N.E.F. et l'issue en sera la
charte de Grenoble qui affirme la soli-
darité de l'étudiant avec le monde du
travail. A partir de 1950 et jusqu'à main-
tenant vont se dessiner deux conceptions
radicalement différentes du syndica-
lisme qui sont désignées habituellement
en jargon par les termes de « majors »
et « minus ». En effet la longue période
de la guerre d'Algérie va permettre à
un certain nombre d'étudiants de pren-
dre conscience de la nécessaire liaison
entre eux et les syndicats ouvriers ; le
syndicalisme universitaire n'est plus
alors syndicalisme de défense des privi-
lèges d'une caste mais devient une des
composantes d'un mouvement plus large
dont le but est non pas seulement d'amé-
liorer l'Université mais de permettre
qu'elle soit réellement au service des tra-
vailleurs. Ce qui différencie essentielle-
men tmajos et minos, c'est la dimension
donnée aux revendications. Les uns. les
majos, veulent une Université rénovée,
certes, mais sans changement fonda-
mental avec ce qu'elle est actuellement.
Tout au plus permettrait-on aux mêmes
étudiants de poursuivre les mêmes étu-
des sous une forme plus moderne mais
aussi, pourquoi pas, plus efficace. Pour
les minos, la transformation de l'Uni-
versité c'est tout autre chose ; pour eux
cette transformation est liée à une
transformation profonde des structures
mêmes et de l'Université elle-même et
de la Société en général. Pour eux, le
problème universitaire ne peut pas être
traité indépendamment des autres
grands problèmes sociaux et c'est pour-
quoi depuis que les minos dirigent
l'U.N.E.F., des contacts solides, même
s'ils connaissent parfois des périodes un
peu tendues, ont été nouées avec les
syndicats ouvriers et enseignants.
Il est devenu courant de parler des
relations qu'entretiennent l'Université et
l'Economie. Ce qu'il faut comprendre, ce
qui est le fondement même de toute
intervention syndicale à l'Université,
c'est que, à l'Université, se forment
d'une part les futurs cadres techniques
de l'économie et d'autre part les futurs
enseignants. Actuellement, ils sont
formés en fonction d'un certain ty-
pe de Société qui est la Société
capitaliste de consommation. Toute
réforme de l'Université est donc
un problème qui intéresse l'ensemble
des travailleurs puisque c'est en quel-
que sorte le monde du travail de demain
qu'on prépare. Il est donc nécessaire
qu'il existe, en milieu étudiant, une or-
ganisation qui puisse contester l'orien-
tation donnée à l'enseignement ; il est
nécessaire qu'il existe à l'intérieur
même du système universitaire une face
qui agisse dans le même sens que le
mouvement ouvrier à l'extérieur. L'Uni-
versité est la clé de voûte de l'édifice
social et c'est d'ailleurs pourquoi le
Gouvernement essaye d'étouffer, au be-
soin par la force, les contestations qui
s'élèvent de son sein.
Il importe maintenant de définir clai-
rement la nature et le rôle de l'organi-
sation syndicale en milieu étudiant.
Le premier problème qui se pose, et
c'est l'un des plus importants, est ce-
lui de l'ambiguïté du terme « syndi-
cat ». Faut-il le prendre au pied de la
lettre et faire en quelque sorte de
l'U.N.E.F., la C.G.T. étudiante ? C'est-à-
dire défendre les intérêts des étudiants ?
Nous ne le pensons pas. Les étudiants
ne constituent, en effet, pas une classe
sociale, mais une corporation. La limiter
à cette conception du syndicalisme étu-
diant c'est donc faire preuve — en
dernier ressort — du corporatisme le
plus réactionnaire. On aboutit en par-
ticulier à un « syndicalisme » revendi-
catif quantitatif dont les mots d'ordre
se résument à :
— des crédits ;
— des locaux ;
— des maîtres.
Les tenants de cette doctrine se si-
tuent donc définitivement dans le car-
can imposé par la société capitaliste et
ne visent qu'à une amélioration interne
du système.
L'un des arguments les plus souvent
employés pour défendre cette perspec-
tive est la nécessité, invoquée par
l'U.N.E.F., d'être un syndicat de masse,
c'est-à-dire regroupant une importante
majorité des étudiants.
Cela est souhaitable ; cependant, en
faire un « a priori » de l'activité syn-
dicale aboutit dans les faits à se ranger
derrière l'ensemble des étudiants, à se
contenter de centraliser et d'exprimer
leurs besoins les plus immédiats sans
avoir jamais la possibilité d'élever le
niveau de cette intervention. C'est se
condamner à « l'apolitisme », c'est dé-
naturer le syndicalisme étudiant.
La fonction du syndicat étudiant est
triple, ses trois aspects étant liés in-
dissociablement.
L'U.N.E.F. est un lieu de contestation ;
la dénonciation qu'on y opère s'ef-
fectue à tous les niveaux : ainsi dans le
domaine universitaire, il s'agit de mon-
trer comment jouent les critères 'sociaux
en ce qui concerne, par exemple, la
sélection ou la diffusion exclusive de
l'idéologie dominante (c'est-à-dire celle
de la bourgeoisie) visant à une intégra-
tion des étudiants au système afin de
former des cadres au service de la bour-
geoisie. L'Université, corps neutre dans
une société capitaliste, est un mythe,
elle est une Université de classe
Comment obtenir
mmore
parfaite
dont vous avez besoin
Avez-vous remarqué que certains d'entre-noui
semblent tout retenir avec facilité, alors que
d'autres oublient rapidement ce qu'ils ont lu,
ce qu'ils ont vu ou entendu. D'où cela vient-
il ?
Les spécialistes des questions de mémoire
sont formels ; cela vient du fait que les pre-
miers appliquent (consciemment ou non) une
bonne méthode de mémorisation, alors que
les autres ne savent pas comment procéder.
Autrement dit, une bonne mémoire ce n'est
pas une question de don, c'est une question
de méthode. Des milliers d'expériences et
de témoignages le prouvent. En suivant la
méthode que nous préconisons au Centre
d'Etudes, vous obtiendrez des résultats stu-
péfiants. Par exemple, vous pourrez, après
quelques jours d'entraînement facile, retenir
l'ordre des 52 cartes d'un jeu que l'on effeuille
devant vous, ou encore rejouer de mémoire
une partie d'échecs.
Naturellement, le but essentiel de la méthode
n'est pas de réaliser des prouesses de ce
genre, mais de donner une mémoire parfaite
dans la vie courante : c'est ainsi qu'elle
vous permettra de retenir Instantanément le
nom des gens avec lesquels vous entrez en
contact, les courses ou visites que vous
avez à faire (sans agenda), la place où vous
rangez les choses, les chiffres, les tarifs,
etc.
La même méthode donne des résultats peut-
être plus extraordinaires encore lorsqu'il
s'agit de la* mémoire dans les études. En
effet, elle permet d'assimiler, de façon défi-
nitive et dans un temps record, des centaines
de dates de l'histoire, des milliers de no-
tions de géographie ou de sciences, l'ortho-
graphe, les langues étrangères, etc. Tous les
étudiants devraient l'appliquer, et il faudrait
l'enseigner dans les lycées. L'étude devient
alors tellement plus facile.
Si vous voulez avoir plus de détails sur
cette remarquable méthode, vous avez cer-
tainement intérêt à demander le livret gra-
tuit • Comment acquérir une mémoire prodi-
gieuse ». Il vous surfit d'envoyer votre nom
et votre adresse à : Service 45 B, ' Centre
d'Etudes, 1, avenue Mallarmé, PARIS-IF. Il
sera envoyé gratuitement à tous ceux de nos
lecteurs qui ressentent la nécessité d'avoir
une mémoire précise et fidèle. Mais faites-le
tout de suite, car actuellement vous pouvez
profiter d'un avantage exceptionnel. (Pour
les pays hors d'Europe, joindre trois coupons-
réponses.)
J. PETERS.
ANALYSES et DOCUMENTS
(revue bi-mensuelle)
a consacré deux numéros spéciaux au
Mouvement de Mai 1968 :
N° 154 (18 MAI) :
DE LA LUTTE ETUDIANDE
A LA LUTTE OUVRIERE
N° 155 (7 Juin) :
DE L'OCCUPATION DES USINES
A LA CAMPAGNE ELECTORALE
prochain numéro spécial : 1" juillet
Demandez un abonnement exceptionnel
d'essai : 6 N° - 5 F
à envoyer au C.C.P. E.D.I. 18.462-71
29, rue Descartes, PARIS-5
(préciser au verso du virement
le premier numéro de l'abonnement).
Syndicat ou non ?
Préparation
par correspondance
aux D.U.E.L, D.U.E.S.
LICENCES
LETTRES ET SCIENCES
1re année DROIT, C.P.E.M.
Cours complétant heureusement l'enseignement
de Faculté, sous formes -de devoirs progressifs corrigés
par MM. les Maîtres-Assistants et Assistants
des diverses Universités
Corrigés-types Conseils individuels. Révisions avant examens
ou épreuves partielles
Egalement préparation aux I U.T.
(Instituts Universitaires de Technologie)
sous l'égide
COURS ACADEMIQUES DE FRANCE
46, rue de l'Echiquier, PARIS. Tél. : 770 16-95
Ecrire en se recommandas! de Ce journal
OFFRE D'EMPLOI
Etudiants, étudiantes qui voulez profiter va-
cances, temps libre pour améliorer vos ressour-
ces, vendez à des conditions très intéressantes
des objets publicitaires et des cadeaux d'affaires
aux commerçants des secteurs que vous pouvez
démarcher. Par l'entremise d'une très importante
et ancienne manufacture d'objets publicitaires.
Commission versement de 50 % à confirmation
ordre, solde règlement clients. Ecrire journal
qui transmettra.
L'U.N.E.F. est un lieu d'éducation, la
diffusion des thèses précédentes permet
l'élévation du niveau de conscience poli-
tique des étudiants. Ce rôle pédagogique
est capital dans la mesure où •— dans
le cadre universitaire actuel — ce type
de promotion syndicale n'est pas dis-
pensé dans les Facultés, ni dans les
Grandes Ecoles.
Enfin, il est nécessaire de passer à la
concrétisation des analyses développées,
c'est pourquoi l'U.N.E.F. assure l'organi-
sation des luttes étudiantes : la partici-
pation à l'action permet, de plus, de
compléter très efficacement le rôle for-
mateur évoqué plus haut. Ces luttes peu-
vent aussi bien manifester des objectifs
revendicatifs (autre la sélection, par une
véritable formation professionnelle...),
qu'une solidarité internationale ou anti-
impérialiste.
Cette conception, « mino », du syn-
dicat étudiant est défendue par tous
ceux qui veulent faire de l'U.N.E.F. une
organisation progressiste.
On a souvent reproché, surtout lors
du dernier mouvement, aux étudiants de
« faire de la politique », en fait les
gens furent frappés par la dimension de
la contestation qui débouchait sur une
remise en cause de la société capitaliste
en son ensemble. L'U.N.E.F. fait de la
politique, elle ne fait même que cela.
Le syndicat étudiant, et son histoire le
prouve, s'est toujours refusé de poser
les problèmes de l'Université et des
étudiants dans le vase clos des struc-
tures universitaires. Il s'agissait pour
le syndicat étudiant d'étendre le cadre
de sa réflexion et de son intervention.
L'U.N.E.F. se pose donc le problème de
l'étudiant, d'une part quant à son ori-
gine sociale, d'autre part quant à son
devenir professionnel et social. C'est
les problèmes de la démocratisation de
l'enseignement et de la contestation du
type de formation que donne l'enseigne-
ment qui ne vise qu'à former un cadre
plus ou moins apte techniquement, mais
amené à jouer un rôle de maintien de
la hiérarchie sociale à l'intérieur des
entreprises ou des administrations. Nous
avons fait des choix politiques et ceux,
qui refusent de les faire sont de gros-
siers mystificateurs. Il suffit de regar-
der quelle est l'action de l'opposition
t apolitique » à l'intérieur du mouve-
ment. Refusant systématiquement de re-
situer l'Université et d'étudier ses con-
tradictions face à celles du système éco-
nomique, elle se situe délibérément dans
le cadre de l'Université au service de la
bourgeoisie et mène une politique fon-
cièrement réactionnaire. Pour le syndi-
cat, mener une action politique ne veut
pas dire qu'il s'affilie à quelque parti
que ce soit. Seul le syndicalisme étu-
diant, par son caractère démocratique,
est capable d'assumer à l'Université une
politique élaborée en commun, par les
étudiants.
Durant les événement, l'U.N.E.F. a
montré qu'elle seule pouvait diriger les
luttes étudiantes. Bien sûr, la crise a
montré que certaines armatures syndi-
cales étaient dépassées. C'est pourquoi
nous pensons qu'il est nécessaire que
s'installe un large débat sur le syndicat
étudiant. Plus que jamais il est néces-
saire de renforcer l'U.N.E.F. afin que
nous puissions faire échec aux crises
gouvernementales. Quand vous serez
étudiants, adhérez nombreux à l'U.N.E.F.
Votre place y est.
Jean Piersontz.
Tout le monde s'accorde à estimer
que la participation lycéenne aux
événements de mai est un, phénomè-
ne nouveau, et que l'ampleur de
l'engagement des lycéens dépasse ce
que l'on a pu connaître pendant la
guerre d'Algérie. C'est alors que se
pose la question : les Comités d'Ac-
tion lycéens, qui regroupent les ly-
céens depuis le mois de décembre,
devaient-ils ou ne devaient-ils pas
prendre parti dans une' lutte qui a
vite débordé le cadre universitaire,
pour prendre une tournure politique
puisque la question à l'ordre du jour
était (et resfe) celle du pouvoir, du
système capitaliste. En un mot, quel
doit être le rôle des C.A.L. ? La
question se pose avec d'autant plus
d'acuité que depuis l'annonce d'élec-
tions législatives, une grande vague
de réformisme tente (Je s'imposer
partout, dans les lycées, les facs, les
usines, et certains, que l'on avait vus
condamner le mouvement lycéen à
sa création, tentent maintenant de
le reprendre à leur compte, en le
voulant strictement syndical et cor-
poratiste.
Les lycéens, comme les travailleurs,
les étudiants, ont une série de reven-
dications qui leur sont propres : la
réduction des effectifs des classes, la
participation à la vie de l'établisse-
ment, le droit d'action politique à
l'intérieur des lycées, la refonte to-
tale des programmes, la démocrati-
sation de l'enseignement, sont autant
de revendications qu'une organisa-
tion lycéenne doit mettre en avant.
Mais cette organisation ne doit pas
se limiter à une défense pure et sim-
ple des intérêts lycéens sous peine
de sombrer dans un corporatisme qui
n'est pas de mise car lorsque nous
disons clairement que nous refusons
d'être les cadres d'une société d'ex-
ploitation de l'homme par l'homme,
cela implique de placer sans cesse le
problème lycéen dans son réel con-
texte : lorsque nous condamnons le
Plan Fouchet, il ne s'agit pas de se
faire les victimes d'un plan autori-
taire, mais de le dénoncer en tant
qu'instrument de sélection sociale,
émanant directement du Ve Plan,
qui est lui même l'expression du pou-
voir que les monopoles exercent sur
tous les secteurs de la vie française.
Défendre les lycéens c'est avant
tout défendre ceux qui n'ont pas
trouvé leur place à l'Université, par-
ce que leur situation sociale le leur
interdit. Réclamer le droit d'action
politique n'est pas un but en soi, car
l'obtenir c'est avoir le moyen de
condamner avec plus d'ampleur cet-
te Université au service du grand
capital, c'est le moyen de faire par-
ticiper le plus grand nombre à ce qui
n'était avant que le privilège d'une
minorité : la contestation perma-
nente de l'Université, et par là. mê-
me du système dont elle est l'ex-
pression.
Et ceci nous place au cœur du
problème qui nous préoccupe : les
C.A.L. se doivent de développer par-
tout cette contestation de l'Univer-
sité, non pour faire de la contesta-
tion une fin en soi, mais pour dé-
noncer la nature du système social,
économique, politique qui a mist
cette université en place. « Les
C.A.L. organisation politique ? »,
effraient déjà certains qui refusent
de voir que tout problème est poli-
tique, et particulièrement le problè-
me universitaire. Un mouvement ne
se défink pas par l'étiquette que
chacun veut bien lui coller, mais
par le type de mots d'ordre qu'il
avance, par la dynamique des luttes
qu'il anime, et les C.A.L. n'ont jamais
caché que la révolte lycéenne avait
une dynamique anti-capitaliste. Car
une chose doit être claire pour tous :
nous pourrons obtenir des réformes,
des avantages substantiels dans le
cadre du système capitaliste ; nous
ne pourrons jamais y faire que
l'Université soit au service de tous,
et non pas seulement au service des
enfants de la classe dominante. La
démocratisation de l'enseignement
est inconcevable dans le régime ac-
tuel, car cela irait à l'encontre des
données économiques qui régissent
le pays.
Ce préalable posé, nous pouvons
maintenant dire que les C.A.L. n'ont
pas pour vocation de regrouper tous
les lycéens sans exception ; il ne
s'agit pas de jetter des exclusives,
de se transformer en minorités agis-
santes, mais simplement d'admettre
une réalité : tous les lycéens ne sont
pas encore prêts à admettre qu'il
faille dépasser leurs propres problè-
mes pour résoudre ceux de l'Univer-
sité, qu'il importe, en remettant en
cause l'Université, de remettre en
cause la société. Le rôle des C.A.L.
n'est pas d'être représentatifs de la
grande masse des lycéens, mais
d'être capables de la mobiliser dans
Faction. La prise de conscience ne
s'opérera pas quand chacun aura
dans sa poche une carte de membre
des C.A.L. mais quand chacun s'uni-
ra dans l'action ; tel est le rôle des
militants des comités : développer
un large mouvement de contestation
en dehors des appareils politiques et
syndicaux traditionnels, car une des
leçons que nous devons tirer des évé-
nement de mai est qu'aucun parti
ni syndicat n'a répondu aux ques-
tions que posaient les travailleurs et
les étudiants. Etre représentatifs des
étudiants, c'est avoir su les mobiliser
dans l'action, et non par des textes.
Nous disons clairement que la ren-
trée universitaire sera catastrophique
pour les lycéens et les étudiants. En
commun avec les militants étudiants,
nous appelons le plus grand nombre
à se mobiliser pour reprendre le
combat. Le débat aujourd'hui est
réforme ou contestation ; les mili-
tants du C.A.L. ont choisi la contes-
tation et sont persuadés que la suite
des événements leur donnera raison.
L'ÉTUDIANT
DE FRANCE
Rédacteur en chef : Jean-Daniel BENARD
Comité de Rédaction :
UNE.F. : SAUVAGEOT, PIERQUiN, MICHEL,
MASSON, SCHWARTZ.
CAL : WEISSBERG, RICANATI, BUTAUD.
U.N.E.F. : 15, rue Soufflet. DAN 86-01.
C.A.L. : 70, rue de la Tombe-lssoire-15=. 402-76-77
Abonnement annuel : 6 F.
Publicité : MANCASOLA. DAN. 86-01
Imprimerie Moriamé - PARIS
RADICALISAÏlONdesLyïïïSÉIUBIANïES
Au cours du mois de mai, on a assisté
à deux phénomènes : d'une part, une ra-
dicalisation des étudiants, d'autre part,
une cassure du corps enseignant en deux
parties, l'une se joignant aux étudiants,
l'autre, au contraire, les invitant à la
« modération ». Nous allons tenter
d'analyser le processus suivant lequel
ces deux phénomènes se sont produits,
sans chercher à les séparer dans la me-
sure où ils sont en fait liés.
Au départ, les objectifs des manifes-
tants étaient clairs et simples : libéra-
tion de nos camarades, ouverture de la
Sorbonne, évacuation par les forces de
police du Quartier Latin. Or, sur de tels
mots d'ordre, l'ensemble des milieux
universitaires se sentait en droit de ma-
nifester. Ainsi, le corps enseignant est-
il apparu dans sa grande majorité favo-
rable aux manifestants, ne serait-ce que
parce qu'il trouvait injuste la procédure
suivant laquelle on avait condamné quel-
ques étudiants, parce qu'il trouvait inad-
missible la férocité avec laquelle la po-
lice avait fait évacuer la Sorbonne ou
enfin parce qu'il ne pouvait tolérer que
l'on porte atteinte à la « franchise uni-
versitaire » qui veut que les forces dites
de l'ordre ne pénètre pas dans les en-
ceintes des facultés. Cependant, l'atti-
tude de la police a conduit les mani-
festants à donner à leur lutte une forme
révolutionnaire. A partir de ce moment,
il y a eu phénomène dialectique entre
les objectifs et la forme des manifesta-
tions. Les manifestants ont d'abord saisi
la nature réelle du pouvoir, ensuite ils
ont été amenés à se poser la question
du pourquoi une répression si féroce.
Alors, ils ont d'abord saisi que le pro-
blème qu'ils posaient était double :
d'une part une mise en cause de la place
de l'Université dans la Société (essen-
tiellement le rôle du cadre sorti de
l'Université), d'autre part un problème
de pouvoir au sens général. Si ces pro-
blèmes étaient déjà assez clairement
posés par quelques étudiants, ils l'ont
alors été par la majorité des manifes-
tants. Pendant cette période qui nous
conduits jusqu'au 11 mai, la partie du
corps enseignant a bien senti que les
idées des manifestants évoluaient et elle
s'est bien aperçu qu'un problème de
pouvoir était posé. Cependant, elle a pu
croire qu'il s'agissait du pouvoir au sein
de l'Université qui était remis en cause,
ce à quoi elle souscrirait encore s'étant
elle aussi heurtée au dédale adminis-
tratif, à la dilution des responsabilités
dans les structures universitaires... Or,
il s'agissait en fait du pouvoir politique.
Tant que cette ambiguïté n'a pas été
levée, les apparences de solidarité sont
restées.
Sur un autre plan, au fur et à mesure
que la conscience du fait qu'un pro-
blème de pouvoir politique était posé, se
faisait plus nette, les manifestants ont
ressenti le besoin de faire appel à une
couche de la population de plus en plus
large ; ils ont alors rapidement com-
pris que seuls les ouvriers et les paysans
pouvaient être partie prenante de leur
combat. Ceci non plus la partie du corps
enseignant qui ne manifestait pas ne
l'a pas perçu.
Cette apparente unité des milieux
universitaires s'est brisée lorsque les
étudiants ont pu débattre de tous ces
problèmes à la Sorbonne et ailleurs. En
effet, on a assisté à une division en deux
tendances : d'un côté, les « réformistes »
cherchant à mettre en œuvre une ré-
forme de l'Université visant à en faire
un meilleur outil ; de l'autre, les « ré-
volutionnaires » affirmant que les pro-
blèmes des fondements de l'Université
passaient par celui plus général du pou-
voir politique et de la structure sociale.
Les premiers entendaient mettre au
point seuls, c'est-à-dire sans interven-
tion de milieux extra-universitaires, leur
réforme de l'enseignement. Les deuxiè-
mes, au contraire, s'efforçaient de faire
participer au débat les ouvriers et les
paysans. Ils n'oublient pas le besoin
qu'ils ont ressenti de faire appel au
prolétariat au cours des précédentes ma-
nifestations.
Au cours du temps, la première ten-
dance a vu ses rangs se grossir de divers
enseignants et étudiants qui avaient été
balayés par le grand « souffle révolu-
tionnaire » du mouvement.
CRISE LATENTE te les LYCÉES
Pour que le milieu lycéen connaisse,
durant cette dernière crise, un embra-
sement si prompt et si général, il a
fallu, sans doute, que la violente répres-
sion policière sur les étudiants fasse
s'élever une active solidarité, contesta-
trice par définition, et d'autre part
qu'une arme de combat, les C.A.L., ait
été d'ores et déjà forgée dans certains
lycées à partir de décembre 1967. Mais
le facteur essentiel de cette explosion
soudaine et à maints égards spontanée
se trouve être la crise latente depuis
plusieurs années dans les lycées. Par
elle s'explique précisément le succès
dse C.A.L., qui en sont l'expression
vivante.
Potentiellement, par l'éducation qu'il
reçoit dans la vie courante, le lycéen est
politisé : les problèmes politiques s'of-
frent à son esprit comme la partie inté-
grante d'un ensemble historico-culturel
qu'on prétend lui présenter objective-
ment. L'absence de tout dialogue, le mu-
tisme étendu sur toute politique font
vite se changer ses questions en mises
en question. Aveuglé par une « péda-
gogie » faisant de l'élève pure passivité,
élève auquel un professeur nimbé de
ses titres et drapé dans sa toge transmet
un savoir mort, on n'avait jamais songé
que les lycéens puissent remettre en
cause la nature et les méthodes de l'ins-
truction qu'ils recevaient — comme on
reçoit des ordres. Or, un fait nouveau
s'était introduit depuis quelques années :
dans le même temps que se perpétuait
un enseignement cadavérique, les ly-
céens se découvraient conscients et res-
ponsables et brisaient cette image pué-
rile d'eux-mêmes où l'on avait voulu les
enfermer.
D'où le développement dans les lycées,
lors de la guerre d'Algérie et plus ré-
cemment de celle du Vietnam, de mou-
vements « clandestins », parfois tolérés
par force, mais parfois aussi réprimés
PKT des manœuvres d'intimidation et des
sanctions disciplinaires. D'où, sur toute
sorte de plans, des conflits quotidiens
avec l'administration, souvent vus par
les élèves comme l'instrument direct du
pouvoir d'Etat. D'où un immense besoin
d'expression libre et créatrice, dans tous
les domaines. Et le cycle infernal de !a
répression et du paternalisme, tour à
tour employés par les administrations,
ne pouvait rien résoudre, mais, bien au
contraire exacerbait les tensions.
Les contradictions croissantes et de
jour en jour plus marquées dans les
faits entre un système sclérosé et les
aspirations des lycéens à la liberté d'ex-
pression et de création ne pouvaient
qu'aboutir à cette explosion d'espoir.
Aussi le rôle du mouvement étudiant
n'a-t-il été que de catalyseur.
Pour que cette crise ne reste pas
sans lendemain, pour que le mouvement
lycéen, séduit par l'étroit corporatisme
que certains lui tendent dès aujour-
d'hui*, ne se laisse pas intégrer par
ce système qu'il avait tout d'abord radi-
calement refusé, il faut que les lycéens
s'organisent dans des C.A.L. L'examen
de la crise latente antérieure au mou-
vement nous a montré l'existence de
profondes contradictions, négliger de les
résoudre en nous organisant pour faire
triompher nos revendications serait re-
tourner à la même situation et nous
heurter aux mêmes vetos.
cf. P. UNCAL
L'UNIVERSITÉ
POPULAIRE
— But;
— Principe;
— Fonctionnement.
La notion d'Universités populaires re-
couvre aujourd'hui sa véritable vocation.
L'université populaire n'est plus celle
d'hier : paternaliste et se penchant sur
le sort « misérable » des ouvriers. Elle
n'est pas un vernis superficiel, une infor-
mation hâtive et incohérente : « un peu
de peinture en jouant, quelques notes de
musique, une conférence sur le radium,
sur la télégraphie sans fil des rayons X,
un peu de danse, un peu de politique... »
Elle n'a pas pour but la promotion indi-
viduelle d'élites désireuses d'accéder
dans leur profession à des emplois su-
périeurs, mais une promotion collective.
Elle n'a pas non plus pour but un ac-
croissement de la productivité.
L'université populaire s'adresse à ceux
qui, adolescents ou adultes, ont besoin
d'acquérir les armes idéologiques dans ie
domaine culturel, politique et économi-
que. Outre cette nécessité, l'Université
populaire doit :
— Ouvrir l'Université aux travailleurs
et leur permettre de s'y exprimer et de
s'y former avec la participation de syn-
dicalistes ouvriers afin d'y développer
le thème de l'autogestion des entrepri-
ses;
— Permettre la continuation du mou-
vement révolutionnaire et de l'occupa-
tion des facultés;
—Assurer l'information dirigée vers
l'extérieur, sur le mouvement ouvrier —
étudiant et son avenir, favoriser la prise
de conscience par les étudiants des réa-
lités du monde du travail.
Le fonctionnement expérimental de
ces universités populaires pendant l'été
prendra une grande importance car
elles permettront de poursuivre la mo-
bilisation des étudiants et des travail-
leurs.
Malgré les pressions du gouvernement,
malgré le scepticisme des gens « sages »,
malgré les tentatives de déviation du
courant réformiste, les universités po-
pulaires auront lieu à l'intérieur des fa-
cultés ou à l'extérieur.
PROGRAMME DE LUTTES
DANS LES LYCÉES
POUR LA RENTRÉE
En mettant l'Administration devant
le fait accompli, nous avons déjà obtenu
le droit d'expression politique, le droit
de réunion, etc., mais elle va s'efforcer
de reprendre beaucoup de ce qui a été
accordé ; déjà des élèves sont exclus
de certains lycées dès le premier tour
des élections achevé (au lycée Henri-IV,
l'Administration empêche l'occupation
du lycée par le C.A.L. avec l'aide de la
police).
Tout ceci a une signification claire ;
le pouvoir considère que la jeunesse
s'est trop exprimée et que, maintenant,
tout doit retourner à l'ordre petit à
petit, c'est-à-dire à la situation qui a
provoqué l'explosion).
Dès lors nos tâches sont claires pour
la rentrée :
D'une part : DEFENDRE CE QUE
NOUS AVONS IMPOSE.
D'autre part : LUTTER POUR CE
QUE NOUS N'AVONS PAS PU IMPO-
SER.
Les thèmes sur lesquels portera notre
action sont par exemple :
1" Les questions de discipline : sup-
pression des heures de colle (avec libé-
cessaire) ; disparition de l'appareil sur-
ration par les lycéens des collés si né-
veillant.
2" Les questions de l'enseignement :
— Autonome pédagogique (voir ex-
périence d'Henri-IV) ;
— Remise en question de l'examen
sans sa forme actuelle, etc.
3" Les questions de la gestion :
II ne s'agit pas de la gestion finan-
cière et disciplinaire du lycée car ceci
nous livrerait pieds et poings liés à l'Ad-
ministration, nous serions obligés de
cautionner ce que nous critiquons.
Il s'agit de la gestion des services
culturels et politiques (foyers socio
culturels dans le lycée, réunions poli
tiques aux non lycéens, etc...).
Nous lutterons pour la constitution
de comité d'établissement groupant ly-
céens, professeurs, agents du Ivcée pour
régler ces problèmes (élus par tous).
4" Les questions de la liaison avec les
luttes d'autres secteurs de la jeunesse :
enseignement technique, jeunes travail-
leurs.
— Organisation d'Assemblée locale de
la jeunesse ;
— Organisation de cercles d'études
politiques réguliers avec les jeunes tra-
vailleurs et les jeunes de l'enseignement
technique, etc.
Toutes ces tâches demandent que les
CAL s'organisent vite dès la rentrée et
démarrent tambour battant leur campa-
gne.
35, Bd St-Michel, PARIS-5*
La meilleure cuisine
des restaurants SELF SERVICE
tous les jours, sans interruption, de 10 h à 22 h 30
A travers FItalie
Fresques de la Tombe des Lionnes à Tarquinia.
En marche sur les pas des Etrusques
De la Toscane au Latium, en passant par
l'Ombrie, voilà tout un itinéraire pour faire
le point sur les mystérieux souvenirs du
peuple et de la civilisation étrusques : de
Volterra à Orvieto, de Tarquinia à Cerveteri
et Véiès (et à deux pas Florence et Rome).
Pour obtenir gratuitement les itinéraires à travers l'Italie, les listes des campings
et des aubeges de la jeunesse, écrire au : CIREP, 121, rue Championnet, PARIS-18.
L'événement
NUMERO SPECIAL
Les combats de Paris
Premier récit complet
de la révolte étudiante
etouvrière
90 pages textes et photos
Le numéro : 4 F
OFFRE EXCEPTIONNELLE
Abonnement : 5 numéros 10 F (au lieu
de 20 F). Spécimen récent sur demande,
25, bd Saint-Martin, PARIS-3.
NOM :
ADRESSE :
Category
Author
Title
L'Etudiant de France
Issue
no.1
Date
Keywords
Publication information
no.1