Révoltes

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NUMERO SPECIAL
N 20-22 mai 1968
P ri x : 1 F ( c o m p r e n a n t
le soutien eux blessas
:ie le; F. E. R.'.
Adresse du journal :
E.". I2j - PARIS ,12"
C.C.P. 7.] 77-61 Paris
Local :
5, rue de Chcron-ie, PARIS vil")
ROQ. 69-52
POUR LA CONSTRUCTION DE L'ORGANISATION RÉVOLUTIONNAIRE DE LA JEUNESSE
TOUT EST POSSIBLE !
POUR UNE GREVE GENERALE DE COMBAT
IMPOSONS le COMITE CENTRAL
NATIONAL de GREVE !
ÉDITORIAL
LA GREVE GENERALE
DOIT ETRE
VICTORIEUSE !
CONSTRUISONS
L'ORGANISATION
REVOLUTIONNAIRE
DE LA JEUNESSE
La !£r< l'i- *'<'st répandue aunnie
une traînée de poudre, Les occu-
pations d usines, xi «ni' du lur.it
niveau de combativité de l<i '-lasse
onvnert'. se inulli ',,lient depuis
l'oci-upaiion de Si D-A II. ITIO \
à \ finies.
L<- journal bourgeois <. LE
FIGARO » ne peut pas nier l'évi-
denee : Michel 1'. Uamclct éent :
«IL VA F,!LIA Ql E Qi EL-
01 ES JOL RS A LA M iRLE
POL R SETEM)RE A L'E\SE 17-
RLE DES IM)L STRIES. ALORS
QL^^ 19.56. CE RESILIAT
VETAIT ATTEIM OLE LE
2 JLI\. PLIS DE TROIS
SEMAL\ES APRES L'OC(A PA-
TIO \ DE LA P R E M I E R E
LSI\E: LES ETABLISSE-
ME\TS BREGLET. AL HA-
VRE.»
La ureve actuelle englobe à la
lois les secteurs touchés en 1936
et en 1953. / /; processus de fond
s'amorce an cours clnqiit'l les
travailleurs poseront ilune ma-
nière inéluctable le problème du
pouvoir.
A l'échelle international!-, par-
tout df;ns les pavs capitalistes
avancés, dans I e s p a v .s sous
contrôle de I impérialisme, dans
les pays sous domination de la
bureaucratie, les travailleurs en-
trent en lutte. La fraction la plus
décidée de ces luttes : les jeunes
travailleurs et les étudiants.
Lorsque nous écrivions, eji
novembre 1967, après les magni-
fiques luttes de Quimper, dû-
Mans et de Mulhouse : « TOUT
EST POSSIBLE » ; lorsque les
étudiants descendaient dans la
rue en province et à Paris le
9 novembre 1967 ; lorsque le
26 janvier 1968 à Caen, les tra-
vailleurs et les étudiants défiaient
dans la rue, la police ed De Gaulle,
les révolutionnaires tiraient le
bilan de ces luttes et se prépa-
raient aux gigantesques combats
de classe à venir.
(Suite page 4)
DES MILLIONS DE GRÉVISTES... DES MILLIONS DE GRÉVISTES... DES Ml
TOUT EST POSSIBL
Des usines, des piquets de grève,
des universités montent les mêmes
revendications :
Pas de salaires en dessous de
1.000 F.
A bas le Cinquième Plan !
A bas le Plan Fouchet !
A bas les Ordonnances !
A BAS DE GAULLE !
A Paris et en province, dans un
formidable mouvement, les exploités
se rassemblent et se dressent contre
les exploiteurs ; dans cette bataille,
la jeunesse, sang neuf du mouve-
ment ouvrier, assume ses responsa-
bilités et prend sa place sur le front
de la lutte des classes. Cette jeunesse
qui durant huit jours avait affronté
les C.R.S. de De Gaulle au Quartier
Latin, se trouve aujourd'hui au pre-
mier rang de la lutte contre De Gaulle.
Nul ne s'y trompe, ni les directions
syndicales, ni l'appareil d'Etat : LE
POUVOIR EST EN CAUSE, LE POUVOIR
EST EN JEU.
La classe ouvrière a bouleversé
l'échiquier politique : en quelques
heures le mouvement ouvrier, contre
les grèves tournantes, contre les péti-
tions, a dressé sa force de combat.
Les directions de la C.G.T., de F.O.,
de la C.F.D.T., tentent de canaliser
COMME une traînée de poudre, la grève s'étend d'heure
en heure avec une puissance et une force sans
pareilles. Le combat mené depuis des années par les révo-
lutionnaires s'exprime dans la réalité. Les étudiants, par leur
combat contre de Gaulle, avaient ouvert la brèche : à l'exem-
ple des travailleurs de Sud-Aviation, la classe ouvrière tout
entière s'y est engouffrée. A l'heure où nous écrivons, plu-
sieurs millions de travailleurs et de jeunes occupent les usines.
A l'heure où nous écrivons, le drapeau rouge flotte sur des
centaines d'entreprises. A l'heure où nous écrivons, la grève
générale n'a pas été décrétée par les centrales ouvrières, la
classe ouvrière réunit les conditions de sa mobilisation.
par Charles BERC
le mouvement pour préparer une
solution « négociée ». Séguy, à
"Europe I", condamne les travailleurs
de Sud-Aviation qui séquestrent leur
patron. La C.F.D.T. réclame, dans le
cadre du système capitaliste, un
pouvoir de « contestation » pour les
travailleurs. La direction de F.O.,
fidèle à elle-même, se tait et court
les ministères. A l'heure où nous
écrivons, les directions syndicales et
politiques du mouvement ouvrier sont
ballottées par la puissance de la
grève.
A Sud-Aviation, à la R.A.T.P., à la
Sécurité Sociale, chez Citroën, dans
des dizaines d'entreprises de la ré-
gion parisienne, les jeunes révolu-
tionnaires combattent avec leur
classe pour que l'issue de la bataille
soit victorieuse.
VIVE LA GRÈVE GÉNÉRALE DE
COMBAT !
Déjà dans de nombreuses entre-
prises et localités se constituent des
comités de grève élus, organisant la
bataille. Une nécessité s'impose, une
orientation s'impose : un Comité Cen-
tral de Grève donnant à la classe
ouvrière tout entière une direction à
la mesure de la force du mouvement.
Tout est possible !
Tout est possible si, comme ils l'ont
fait jusqu'à présent, les Jeunes Révo-
lutionnaires, les militants de la Fédé-
ration des Etudiants Révolutionnaires
de l'avant-garde révolutionnaire con-
juguent leurs efforts pour qu'au
travers du combat pour le Comité
Central de Grève, se construise une
organisation de Jeunes Révolution-
naires et un Parti Révolutionnaire, en
mesure de guider le prolétariat jus-
qu'à la victoire finale : la Révolution
Socialiste. Nous vivons une période
riche et fertile ; par milliers, jeunes
et travailleurs viennent à l'organisa-
tion, se posant concrètement le pro-
blème d'une direction révolutionnaire.
La classe ouvrière a connu 1936,
1947, 1953, 1958. Elle sait, elle sent
que les actuelles directions du mou-
vement ouvrier tenteront de saboter
le processus en cours. Les jeunes
révolutionnaires ont pour l'heure des
tâches impérieuses que nul ne réa-
lisera à leur place : combattre par-
tout pour organiser la grève et son
Comité Central ; combattre partout
pour rassembler dans cette bataille
les milliers de travailleurs et de
jeunes qui comprennent la nécessité
d'un Parti de la Révolution Socialiste.
Dans ce sens, la réunion nationale
des 25 et 26 mai, organisée par
l'avant-garde ouvrière et les jeunes
révolutionnaires, prend une significa-
tion particulièrement importante.
Cette assemblée de délégués des Co-
mités de Liaison et de Coordination
pour la réalisation du Front Unique
Ouvrier aura pour tâche de fournir
le cadre organisationnel dont a be-
soin aujourd'hui l'avant-garde qui se
constitue au travers du combat.
La crise de l'impérialisme et de la
bureaucratie stalinienne dégage par
milliers des travailleurs et des jeunes
qui, organisés, deviendront les meil-
leurs combattants pour la Révolution.
Les jeunes révolutionnaires, dans
les usines, les C.E.T., dans les lycées
et les universités, sauront faire de
cette réunion un moment de la cons-
truction de l'Organisation Révolution-
naire de la Jeunesse, un moment
donc de la construction du Parti Ré-
volutionnaire.
TOUT EST POSSIBLE !
Tout est possible, si nous savons
combattre, tout est possible si nous
savons organiser.
Charles BERG.
C O M M
FAUT
I L
T E R IVI
« II n'est pas question de prendre le pouvoir actuellement », proclamait
Maurice Thorez, le 11 juin 1936, à l'assemblée dos communistes de la région
parisienne réunie au gymnase Jean-Jaurès. Certes, ajoutait-il, notre but reste le
pouvoir des Soviets, mais ce n'est pas pour ce soir, ni pour demain matin, car
toutes les conditions ne sont pas réunies, et notamment « nous n'avons pas encore
derrière nous, avec nous, décidée comme nous jusqu'au bout, toute la population
des campagnes. Nous risquerions même en certains cas de nous aliéner quelques
sympathies des couches de la petite bourgeoisie et des paysans de France.
Alors ?... Alors, IL FAUT SAVOIR TERMINER UNE GREVE DES QUE
SATISFACTION A ETE OBTENUE. IL FAUT MEME SAVOIR CONSENTIR
AU COMPROMIS SI TOUTES LES REVENDICATIONS N'ONT PAS ENCORE
ETE ACCEPTEES, MAIS QUE L'ON A OBTENU LA VICTOIRE SUR LES
PLUS ESSENTIELLES DES REVENDICATIONS ». Et Thorez appelle les mili-
* AUX JEUXES REI OLUTIO\\AIRES
* AUX MIUTAXTS DE LA F.E.R.
it: AUX DIFFUSEURS DE «REVOLTES»
(.e deuxième numéro spécial de « Révoltes » eut tiré à 40.000
exemplaires. î\otre intervention dans la formidable bataille de classe
engagée contre l Etat bourgeois nous confronte à des tâches d'une
ampleur sans précédent. Par centaines, par milliers, jeunes travailleurs,
apprentis, lycéens, étudiants, cherchent, dégoûtés qu'ils sont, des
appareils, le chemin de l'organisation révolutionnaire de la jeunesse.
Seuls, les Jeunes Révolutionnaires sont en mesure de le leur offrir.
Pour ce faire, il nous faut ORGANISER avec le plus grand sérieux.
« Révoltes », reflet et organisateur des luttes (nie nous impulsons,
répond à cet objectif. Ue n" 19. tiré à 15.000 exemplaires, est épuisé.
Il reste encore quelques numéros à régler ; nous demandons à tous
nos militants de le faire dans les plus brefs délais.
Par ailleurs, une permanence journal se tient tous les jours de
9 heures du matin à minuit pour encaisser l'argent produit des rentes
de ce numéro spécial.
tants du P.C.F. à la « Lutte sur deux fronts », en fait sur un seul : celui du
« gauchisme », qu'il dénonce chez les métallurgistes qui ne veulent pas signer
l'accord « qui met fin au mouvement actuel », alors que « toutes les revendi-
cations essentielles sont satisfaites ». Il ne saurait être question non plus de
dire que « maintenant les questions revendicatives passent au second plan, et
qu'il s'agit de prendre possession des usines et de placer la production sous
le contrôle direct des ouvriers ».
Au moment où Thorez parle, Juin 36 atteint son point culminant. Par les
accords Matignon, conclus le 7 juin entre représentants de la C.G.T. et de
la C.G.P.F. (le C.N.P.F. de l'époque), les patrons ont cédé en quelques
heures ce qu'ils refusaient âprement depuis des décennies : hausse générale
des salaires de 7 à 15 ':'<, conventions collectives, délégués d'entreprises, cepen-
dant que, selon une procédure accélérée, le parlement votait les 40 heures et
les congés payés. Mais tout cela est loin de mettre fin au mouvement de grève,
qui ne cessera au contraire, de s'étendre du 7 au 12. Le 10, le B.P. du
P.C.F. « nie que les gardes mobiles et l'armée soient hostiles aux travailleurs ».
Le 9, à 20 h 30, 700 délégués des usines en grève, réunis salle Mathurin-Moreau,
ont avancé de nouvelles revendications et décidé de continuer la grève. Cependant,
diverses catégories de travailleurs, ceux du bâtiment, ceux des H.C.R.B. commen-
cent à défiler dans les rues. Et surtout, le 8, dans l'usine d'automobiles Hotchkiss,
convoqués par le comité de grève, se sont réunis les représentants de trente-
trois usines voisines. Ils ont décidé une nouvelle réunion pour le 11 juin, et,
selon : L'Humanité >, du 9 juin, ils « expriment le désir de constituer un comité
central où seront représentés les délégués de toutes les entreprises et le syndicat
des métaux ». Ainsi les travailleurs tentent de dresser, face à l'état bourgeois,
leur propre pouvoir, l'embryon d'un Conseil Ouvrier. Le même jour, de Norvège où
il a été expulsé après son séjour en France, Trotsky écrit : « La révolution
française a commencé »... Aussi bien, le 12 juin, le « géant loyal du capitalisme »,
Léon Blum, chef du gouvernement de Front populaire, où il collabore avec
le Mitterrand de l'époque qui s'appelle Daladier, déclare au parlement : « H est
très vrai qu'on a le sentiment de groupements suspects et étrangers à l'organi-
sation syndicale. Ce que le gouvernement peut et doit dire, c'est qu'il est
parfaitement résolu à assurer l'ordre de la rue ». Et il fait saisir le journal
trotskyste de l'époque.
\LLIONS DE GRÉVISTES... DES MILLIONS DE GRÉVISTES... DES MILLIONS
AVEC LES PIONNIERS DE L'OCCUPATION
La première, le 14 mai au matin,
l'usine Sud-Aviation Bouguenais, à
Nantes, est paralysée. C'est la grève.
Les travailleurs occupent les lieux du
travail. Dans les jours qui suivent,
à l'exemple de Sud-Aviation qui mon.
tre la voie, c'est le formidable défer-
lement de la grève avec occupation
qui secoue le pays.
Une délégation de l'O.C.I. et des
jeunes révolutionnaires (F.E.R. - Ré-
voltes), invitée par les travailleurs,
arrive vers midi le dimanche 19 mai,
à Nantes.
NANTES « LA ROUGE »
Dès les portes de la ville, nous
apercevons une floraison de dra-
peaux rouges : c'est l'usine des Bati-
gnolles en grève occupée. Des ins-
criptions barrent la chaussée : « Nous
tiendrons jusqu'au bout. » Nous pre-
nons la route de l'usine de Sud-
Aviation. A cinq cents mètres des
portes, nous sommes arrêtés par un
premier barrage : une casemate est
construite au milieu de la chaussée.
Des travailleurs, en bleu de travail,
nous arrêtent. Ce premier barrage
franchi, escortés par un responsable,
nous passons des chicanes dressées
par les ouvriers, tout au long de la
route, jusqu'à la porte de l'usine.
Partout, sur tous les murs, à tous les
angles, se dressent des observatoires
où veillent des guetteurs. Les inscrip-
tions « Vive la lutte unie des tra-
vailleurs et des étudiants », couvrent
les murs. C'est dimanche et les gré-
vistes ont organisé pour la fin de
l'après-midi une « fête » avec spec-
tacle. Des milliers de personnes pas-
sent la porte de l'usine, soigneuse-
ment filtrées par le service d'ordre.
Les travailleurs des autres usines
de la région nantaise, les familles, les
femmes, les enfants des grévistes
viennent rendre visite, viennent pren-
dre possession de l'usine.
A la porte de l'usine, les gardiens
sont consignés dans leurs postes. Sur
la gauche, se dressent les bâtiments
administratifs et les bureaux de la
direction. Derrière les rideaux, nous
apercevons Duvauchel, le patron, et
une vingtaine de ses proches colla-
borateurs, gardés à vue.
L'usine est entièrement sonorisée et
des haut-parleurs diffusent, vingt-
quatre heures sur vingt-quatre, les
consignes du Comité de grève qui
vient d'être élu, des sections syndi-
cales de l'entreprise, entrecoupées de
chants révolutionnaires. Un travailleur
en souriant nous déclare : « ...que
l'Internationale empêche le patron de
dormir ».
LA FORCE
DE L'ORGANISATION
Nous pénétrons dans l'enceinte.
Un ruban rouge tendu autour des
ateliers en interdit l'entrée. Plusieurs
hectares d'aires de dégagement où
sont entreposées les voilures des
« Caravelle » sont occupés par la
foule. Sur ce périmètre de dégage-
ment, chaque planche, chaque plaque
de fer, chaque trou, chaque pouce
de terrain est utilisé pour la défense,
pour faire échec à un éventuel coup
de main des mercenaires du capital.
Un travailleur nous raconte que dans
l'usine et dans les entrepôts « inter-
dits au public », chaque machine,
chaque cloison, chaque pièce, est une
barricade. Nous commençons à faire
le tour des vingt-cinq postes de garde.
Sur chacun d'eux, le drapeau rouge
flotte. Chacun d'eux porte un nom
qui a marqué l'histoire de la classe
ouvrière. Le poste 16 s'appelle «Le
Soviet de Bouguenais ». Un dessina-
teur improvisé a peint sur les plan-
ches du poste 7 la carte de France
avec, au centre, le village retranché
de Bouguenais. Le poste 12 s'orne
d'une citation de Léon Trotsky : « La
UNE
GRÈVE
C'est pourquoi, le 11 juin, Maurice Thorez parle. Et, pour le malheur des
ouvriers de ce pays, il sera entendu. La bourgeoisie a fait de larges concessions,
mais elle a sauvé l'essentiel : la propriété capitaliste, l'état bourgeois. Bientôt à
partir de ces bastions, elle passera à la contre-offensive.
Le 16 mars 1937, à Clichy où se tient une réunion fasciste, la police du
front populaire, en dépit du certificat que lui a délivré le B.P. du P.C.F., tire
sur les contre-manifestants ouvriers. Il y a cinq morts. Ingrat, le parlement,
plus « républicain » que jamais, renversera Léon Blum en juin. Cependant la
hausse des prix a repris, et au-delà, les augmentations de salaires. Bientôt les
40 heures ne seront plus qu'un souvenir. Daladier succédera à Blum, et l'homme
qui, le 14 juillet 1935 défilait avec Blum et Thorez le poing levé et prêtait
à cœur joie le « serment du Front populaire », réprimera férocement les travail-
leurs le 30 novembre 1938. La guerre impérialiste peut désormais passer.
En juin 1936, seule l'industrie privée est entrée en lutte et même le capital
est parvenu à tenir en dehors du mouvement un secteur aussi essentiel pour
lui que la banque. Au plus fort du mouvement, il y a eu deux millions de
grévistes.
En mai 1968, la grève, s'étendant à un rythme bien plus rapide, n'épargne
aucune branche de l'économie, de l'industrie privée ou des services publics.
A l'heure où nous écrivons, le 21 mai, il y a huit millions de grévistes et
le mouvement continue de s'étendre. « La fonction publique bascule dans la grève
aujourd'hui même... L'appareil de l'Etat n'est plus que l'ombre de lui-même »
écrit tristement « France-Soir », qui aimerait toutefois faire oublier que les
C.R.S. sont toujours là, et toujours » hostiles •;> aux travailleurs, en dépit des
assurances prodiguées par les Thorez d'hier et d'aujourd'hui. Les paysans, les
étudiants, les jeunes travailleurs, les ouvriers, avec une unanimité et une
puissance jamais atteintes dans l'histoire de ce pays, se dressent contre la
déchéance et la misère dans lesquelles le capital a entrepris de les plonger.
Les Thorez d'aujourd'hui ont beau se mobiliser comme ceux d'hier, procla-
mant qu'il ne s'agit que de grèves revendicatives ; ils ont beau se pressurer
désespérément la cervelle, ils ne savent comment ils parviendront, cette fois
encore, à sauver l'ordre bourgeois. Y parviendront-ils ? Cela dépend de nous.
Denis RABIER.
victoire des travailleurs sera l'œuvre
des travailleurs. » Aux murs des pos-
tes 16, 18, 21 : « Informations ouvriè-
res » et « Révoltes » sont affichés.
Nous sommes invités à boire un
verre au poste 8, La discussion s'en-
gage autour d'une table de carton.
POURQUOI ?
L'équipe de défense nous fait part
de son immense volonté de vaincre,
mais aussi de l'inquiétude devant
l'absence d'une direction de la
grève au niveau central, capable
d'assurer d'ores et déjà, par l'orga-
nisation, la victoire. « Nous tiendrons
trois mois s'il le faut. Nous exigeons
l'abrogation des ordonnances et du
Ve Plan. » Cela revient sans cesse,
et aussi : « Pourquoi nos directions
syndicales n'appellent-elles pas à la
grève générale illimitée ? En tout cas,
les ouvriers de Sud-Aviation tien-
dront. » « Nous tiendrons jusqu'à ce
que nos revendications aient été com-
plètement satisfaites. Nous sommes
allés trop loin pour reculer. Nous
voulons que De Gaulle s'en aille. »
Au poste 16, dressé au milieu des
rosiers du patron, on nous explique
qu'hier soir, samedi, la section syn-
dicale C.G.T. de Sud-Aviation Bou-
guenais et l'assemblée des travail-
leurs ont condamné Georges Séguy
qui les désavouait parce qu'ils gar-
daient à vue leur patron. Ici, ce sont
les travailleurs qui décident.
Nous poursuivons la visite. Nous
saluons une équipe du service d'or-
dre central qui fait sa ronde. Nous
passons ensuite devant le poste de
secours. Dans les wagons à l'arrêt,
transformés en dortoir, quelques tra-
vailleurs dorment. Un jeune cama-
rade de « Révoltes », que nous re-
trouvons là-bas, nous explique le
fonctionnement du ravitaillement. Des
équipes vont dans les campagnes et
les paysans leur fournissent bénévo-
lement légumes, viandes et tonneaux
de muscadet. Par décision du Comité
de grève, élu dans la matinée, et
qui comprend les délégués élus par
atelier, révocables à tout moment,
par les travailleurs, où les sections
syndicales C.G.T., C.F.D.T., F.O. sont
représentées en tant que telles, les
loyers ne seront plus payés jusqu'à
nouvel ordre.
Vers 16 heures, la «fête» com-
mence par des discours des trois
délégués C.G.T., C.F.D.T. et F.O.
L'Internationale est chantée et le
spectacle se produit. Les travailleurs
fêtent leur première victoire. Pour-
tant, rien n'est gagné. Chaque re-
gard, chaque parole expriment la
conscience de l'enjeu de la bataille.
« En effet, comme nous l'explique
Yvon Rocton, délégué syndical F.O.,
nous avons atteint un point de
non-retour, ou bien nous gagnons
tout, ou alors, ce sera l'écrase-
ment, la répression sanglante. Ja-
mais le patron, jamais l'Etat bour-
geois ne pardonneront ce que nous
avons fait à Sud-Aviation. »
Dans toutes les conversations que
nous avons pu avoir avec les tra-
vailleurs, avec leurs femmes, dans
les piquets de grève, dans les postes
de garde, la conscience de cette
alternative est présente. Les travail-
leurs de Sud-Aviation « expriment
par le degré d'organisation qu'ils
donnent à l'occupation de leur usine,
qu'ils ont transformée en une véri-
table forteresse, susceptible de re-
pousser les assauts du capital, la
la conscience de millions de travail-
leurs se dressant contre la dictature
du capital ».
A 19 heures, nous quittons l'usine
persuadés que les travailleurs de
Sud-Aviation veulent la victoire et
qu'ils ne reculeront pas d'un pouce,
car, aujourd'hui, c'est leur peau qu'ils
jouent.
" Selon une légende historique, à la question de
Louis XIV : Mais c'est une révolte ? », un des courti-
sans répondit : « Non, Sire, c'est une Révolution. »
Actuellement, à la question de la bourgeoisie : « C'est
une révolte ? », ses courtisans répondent : « Non, ce
ne sont que des grèves corporatives... » Ce qui s'est
passé, ce ne sont pas des grèves corporatives. Ce ne
sont même pas des grèves. C'est LA GREVE. C'est le
rassemblement au grand jour des opprimés contre les
oppresseurs. C'est le début classique de la révolution.
« Toute l'expérience passée de la classe ouvrière,
son histoire d'exploitation, de malheurs, de luttes, de
défaites, revit sous le choc des événements et s'élève
dans la conscience de chaque prolétaire, même du plus
arriéré, le poussant dans les rangs communs. Toute la
classe est entrée en mouvement. Il est impossible
d'arrêter avec des paroles cette niasse gigantesque. La
lutte doit aboutir, soit à la plus grande des victoires,
soit au plus terrible des écrasements. »
Léon TROTSKY, le 9 juin 1936.
Samedi 25 mai, de 9 heures à 18 heures, salle LANCRY
10, rue de Lancry - PARIS (10e)
Dimanche 26 mai, de 9 heures à 17 heures, salle de la MUTUALITÉ
24, rue Saint-Victor - PARIS (5')
ASSEMBLÉE DES DÉLÉGUÉS DES COMITÉS DE LIAISON
ET DE COORDINATION
pour le Front unique ouvrier
ÉDITORIAL (suite)
Les révolutionnaires savent, com-
me nous l'ont enseigné MARX.
LEM\E et TROTSKY. que le pro-
létariat pour vaincre a besoin de
l'organisation révolutionnaire de
l'avant-garde. Aussi loin, aussi haut
que puisse s'élever SPOX'TA^E-
MEXT le, prolétariat, il ne peut pas
prendre le pouvoir sans le PARI I
RE1OLLTIO\\AIRE.
C'est pour cela que les jeunes révo-
lutionnaires regroupes autour de
RECOLTES, tirant le bilan dej luttes
de Caen, ont lancé l'appel à la cons-
truction de l'O.R.J.. l'appel pour les
3.500 jeunes à la Mutualité les 29 et
30 juin. ,\on pas 3.500, voire 4.500
jeunes, comme on a pu eu rassem-
bler le « Mouvement du 22 mars ».
qui ne seraient que 3.500 on 4.500
individus, mais 3.500 jeunes ayant
combattu pour la manifestation cen-
trale de la jeunesse, 3.500 militants
luttant pour construire l'O-RJ..
3.500 jeunes ayant DIRIGE des lut-
tes, avant organisé les jeunes, 3.500
jeunes, partie intégrante du combat
pour l'organisation de l'avant-garde
ouvrière.
En milieu étudiant, la Fédération
des Etudiants Révolutionnaires est
déjà une réponse partielle à ce com-
bat.
Xotre méthode de construction de
l'O.R.J. n'a pas cliangé. C est à tra-
vers la lutte que se sélectionnent les
militants révolutionnaires : c'est en
organisant les révolutionnaires que
les luttes peuvent aboutir.
Si SUD-ACIATIOX. RE\AILT-
CLEO.\, RE\ALLT-ILIXS.
FIL. \ORD-ACl 1TK>\ ont été oc-
cupées, c'est entre autres, et non pas
d'il ne manière négligeable, parce
qu'à travers les luttes des année*
passées, une avant-garde organisée
s'est sélectionnée, intervenant active-
ment dans la lutte des classes et
devenant un facteur objectif de cette
lutte des classes.
Il en est de même pour la grève
générale. Aussi loin que puisse aller
cette lutte, si elle n'est pas organisée
elle retombera et les acquis obtenus
à travers cette lutte seront remis en
question. POl R CAI\CRE. IL
FUT S'ORGAMSER. POl R S'OR-
G4MSER. RIE\ M PERSO\M.
YEMA\CIPERA LES RECOLl-
TIO\\AIRES D'ACCOMPLIR LA
TACHE Ol'I EST LA LEL'R.
A l'Etat ca])italiste et au Capital,
force sociale concentrée, opposons la
force concentrée des travailleurs à
travers leurs organisations de classe,
les syndicats, les partis ouvriers, les
comités de grève.
Pour la victoire de la grève géné-
rale :
COMITE CENTRAL
\ATIO\AL DE GRECE
Pour la victoire de la classe ou-
vrière, forgeons le
PARTI REÇOIT TIO.\\A1RE
Jeunes travailleurs, lycéens, étu-
dian ts.
E\ Al'AYT
CERS LA CO^STRl ( TIO\
DE L'ORGAMSA TIO.\
RECOLl 77OYV4//?/:
DE LA JEl \ESSE .'
L'intervention des jeunes travailleurs
révolutionnaires
Le Festival de la Jeunesse a été
annulé par Séguy au nom du Bureau
confédéral de la C.G.T. Le programme
annuel des grèves tournantes et des
manifestations pacifiques des directions
syndicales a été balayé comme fétu
de paille. 100.000 jeunes étaient prévus
par la C.G.T. pour le Festival de la
Jeunesse travailleuse ; ce sont des cen-
taines de milliers de jeunes travailleurs
qui se sont lancés à corps perdu dans
une lutte sans merci contre le patronat,
contre le gouvernement. On ne vote plus
pour décider tel ou tel thème ou char
revendicatif ; on vote pour ou contre
la grève illimitée.
Le Festival de la Jeunesse travail-
leuse, organisé par la C.G.T., devait
« discuter » de l'apprentissage ; aujour-
d'hui, c'est par l'intervention des jeunes
révolutionnaires que, dans quarante
C.E.T. de la région parisienne, apprentis
et professeurs ont décidé la grève illi-
mitée, ont mis en place des comités
de grève.
Le Festival devait « discuter » des
salaires, des conditions de travail des
jeunes ; aujourd'hui, les jeunes travail-
leurs, par milliers, sont à la tête des
débrayages et des piquets de grève.
A Cléon-Renault, après l'intervention
de nos camarades des Mureaux pour
appeler au débrayage, se constitue un
groupe de quinze travailleurs.
A Sartrouville, dix jeunes travailleurs
s'organisent à l'échelle locale.
Dans les C.E.T., à Bezons, Malakoff,
Longjumeau, dans le 11e arrondisse-
ment, à Pontoise se forment des grou-
pes de jeunes apprentis révolutionnaires.
A Clermont-Ferrand, cinquante jeunes
travailleurs s'organisent, au dire même
de la presse locale, après avoir assisté
à un meeting de la Fédération des
Etudiants Révolutionnaires.
A Grenoble, après l'intervention des
militants de la F.E.R., de nombreux
groupes d'entreprises sont en voie de
constitution.
Dans les Assurances, les jeunes révo-
lutionnaires sont à la tête des deux
seules commissions jeunes syndicales de-
cette corporation et diffusent une tren-
taine de '- Révoltes » à la sortie de
leur entreprise.
Dans le 13" arrondissement, des grou-
pes de jeunes travailleurs révolution-
naires sont en voie de constitution à
la S.N.E.C.M.A., chez Panhard. aux
P. et T., après l'intervention des Jeu-
nes Révolutionnaires du 13" pour le
débrayage dans ces entreprises.
A Bcauchamps, quinze jeunes ouvriers
ont décidé de rejoindre le combat que
nous menons pour la construction de
l'Organisation Révolutionnaire de la
Jeunesse.
Car c'est de cela qu'il s'agit aujour-
d'hui, dans les gigantesques combats
que livre la classe ouvi 1ère : de lu ('(ins-
truction de l'O.R.J., au travers même
de la lutte pour imposer la formation
de comités de grève par entreprise,
par localité, par région et du Comité
central national (le grève, matériali-
sation dans la lutte du Front L'nique
ouvrier.
Ce combat pour la construction de
l'O.R.J. signifie l'élargissement de la
diffusion de " Révoltes , sa diffusion
régulière dans les entreprises. Il signifie
la constitution de nombreux groupes
nouveaux de jeunes révolutionnaires
dans les usines, les bureaux, les C.E.T.
C'est comme cela qu'il importe de
préparer les journées des 29 et 30 juin,
le rassemblement de 3.500 jeunes com-
battants d'avant-garde à la Mutualité.
Patrick LEU.
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Title
Révoltes
Issue
no.20
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Publication information
no.20