Servir le peuple

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servir le
Journal des Groupes de Travail Communistes et de l'Union des Jeunesses
Communistes (Marxiste-Léniniste) Bimensuel - 1 Franc - 1er Mai 68 - N°2O
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BIEN-ETRE
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LIBERTE
CONTRE LES BRADEURS !
POUR LA LUTTE DES CLASSES !
II n'y a qu'un seul syndicat dans lequel des millions de travailleurs peuvent se rassembler
pour mener la lutte de classe. C'est la C.G.T.
Un seul syndicat proclame dans sa doctrine sa volonté de lutter pour {'ABOLITION DU
SALARIAT ET DU PATRONAT, pour ('ABOLITION du régime capitaliste. C'est la C.G.T.
La bourgeoisie met tout en œuvre depuis des dizaines d'années pour saboter la C.G.T. uni-
que de lutte de classe.
Depuis des dizaines d'années, les opportunistes et tes jaunes travaillent à renverser la direc-
tion prolétarienne à la tête de la C.G.T.
Trois fois la bourgeoisie a réussi à diviser la C.G.T., à briser l'unité des ouvriers.
A chaque fois, les militants, fidèles aux principes de îa lutte de classe, ont arraché le syndicat
des mains des briseurs de grève.
Aujourd'hui, les briseurs de grève, les porte-serviette, les bureaucrates coupés des masses
ont, une nouvelle fois, réussi à s'emparer de la direction de la C.G.T.
Partout, les mouvements de masse sont découragés et sabotés. Dans les bureaux, les états-
majors réformistes passent accord sur accord. Et, dans les usines, au nom de l'unité, on viole l'unité
de combat des ouvriers contre les patrons.
Les capitu9ards et les briseurs de grève essaient d'imposer leur loi.
Une fois encore, les militants syndicalistes prolétariens engagent la lutte contre les bradeurs.
ILS VAINCRONT !
1er MAI : LA LEÇON DE 10 ANNÉES D'OPPRESSION
A BAS LE GOUVERNEMENT GAULLISTE ANTIPOPULAIRE !
L'expérience de 10 années de gouvernement
gaulliste ont permis aux masses populaires de
notre pays de rejeter les illusions semées par les
agents du pouvoir sur la nature du régime. La
réalité est plus forte que la démagogie. Le gaul-
lisme a voulu se présenter comme le rassem-
bleur des énergies nationales, mais sous les
mots creux les masses reconnaissent dans le
pouvoir actuel un comité élu par les représen-
tants des organisations patronales, le comman-
dant en chef des trusts du pays. Les monopoles
privés ou d'Etat ont été systématiquement en-
couragés : les maîtres de forge ont été large-
ment subventionnés pour que s'accroisse leur
puissance, c'est-à-dire leur superprofits au prix
de licenciements massifs d'ouvriers et de « ra-
tionalisation » de l'exploitation. Le gouvernement
a donné toute possibilité aux gros groupes du
pétrole pour piller les richesses des pays
anciennement colonisés. Le IV et le Ve Plan
ont adopté comme cri de guerre : Concentra-
tion ! Et pour que les gros accumulent les béné-
fices fabuleux, il a fallu écraser les petits, le
peuple. C'est ce que voient et sentent des mil-
lions de travailleurs. Ce qui a rendu possible
cette attaque puissante, prolongée, du grand
capital contre le peuple, c'est principalement
le coup de force réalisé par le régime contre
le mouvement ouvrier. La politique opportuniste
menée par les dirigeants du Parti Communiste,
les compromissions avec les dirigeants réac-
tionnaires et procolonialistes de la S.F.I.O. pen-
dant la guerre qui opposait le peuple algérien
et l'impérialisme français ont préparé le coup
de force gaulliste. Les opportunistes et les
socialistes responsables des agressions et des
crimes commis au nom de la France colonia-
liste ont permis au gaullisme de tromper de
larges couches ouvrières et populaires et sous
la bannière du grand capital de dévoyer la
lutte du peuple. Dix années de gouvernement
gaulliste : dix années pour remonter le courant,
pour lutter pied à pied contre cette offensive du
grand capital : pour la défense des conditions
de vie des masses contre la stabilisation capita-
liste, pour la défense des conquêtes ouvrières
menacées, pour les libertés démocratiques des
masses dans leur lutte contre les exploiteurs
soutenus, partout, à tout moment, par le pouvoir.
Tant que les masses sont divisées, découra-
gées, le pouvoir du grand capital est fort. Le
coup de force permanent du gouvernement
gaulliste, c'est de tout faire pour maintenir les
masses populaires dans cet état de division et
de passivité. Pendant ces dix années, tout a
été mis en œuvre pour ôter toute liberté d'action
aux masses. Pour assurer la liberté de faire des
superprofits aux monopoles, le pouvoir n'a pas
cessé de lancer des offensives politiques contre
le mouvement des masses populaires. Le pou-
voir qui allait se targuer d'avoir fait la paix
en Algérie, face à la montée du mouvement des
masses pour la fin de la guerre criminelle s'est
démasqué comme un gouvernement d'assas-
sins : Charonne. Quand la guerre a cessé et
que le temps était venu pour les monopoles
français de faire vite, de rattraper le retard
pris par rapport aux concurrents qui n'avaient
pas jeté des milliards dans les guerres colo-
niales, le gouvernement a tout fait pour les
libérer de toute inquiétude : l'U.N.R. tente de
noyauter les syndicats ouvriers, la terreur dans
les usines est largement encouragée : Citroën
le fasciste attaque sans arrêt les représentants
ouvriers ; justice et gouvernement gaulliste
laissent faire. Les services policiers de Peugeot
vont bon train dans ce régime démocratique.
Dassault, l'avionneur U.N.R., affiche une arro-
gance que seuls commandes et soutien de
l'Etat expliquent. Contre les mineurs engagés
dans une puissante grève nationale illimitée, on
essaie la réquisition, on fabrique des lois anti-
grèves, on rend obligatoire le préavis. Le pou-
voir que détiennent les monopoles c'est essen-
tiellement cette dictature renforcée dans l'usine.
Ce n'est pas le pouvoir démesuré d'une per-
sonne, mais l'arbitraire et le despotisme des
capitalistes devenus la règle suprême. Ce pou-
voir c'est essentiellement la possibilité multi-
pliée de réprimer le mouvement des masses.
On n'hésite pas à subventionner grassement
les confédérations syndicales de collaboration
de classes et on place les dirigeants réformistes
dans les conseils économiques et sociaux ; les
représentants des monopoles pourront ainsi les
avoir sous la main. Les organisations profes-
sionnelles agricoles dont le métier est de défen-
dre les intérêts des capitalistes à la campagne
et de duper les masses de paysans travailleurs
sont bien tenues et financées par le Ministère ;
ce qui rend aux C.R.S. la tâche plus facile pour
réprimer les mouvements des paysans de plus
en plus appauvris et ruinés par le régime. Cela,
les travailleurs des villes et des campagnes le
sentent de mieux en mieux. Pour eux c'est la
preuve pratique du caractère antidémocratique
du régime :
A BAS LE GOUVERNEMENT ANTIDEMOCRATIQUE !
Dans ce climat politique, le gouvernement
gaulliste impulse la stabilisation capitaliste, l'at-
taque contre le pouvoir d'achat des masses,
l'intensification des inégalités de classe devant
l'impôt, l'offensive contre les conquêtes ouvriè-
res, la Sécurité Sociale. Le gouvernement gaul-
liste, c'est le Ve Plan. Le Plan de la misère et
du chômage, le plan de développement des
monopoles.
Le Plan, dans le sillage des vagues de stabi-
lisation capitaliste, prépare la montée du chô-
mage. C'est la grande conquête du gaullisme :
le million de sans-travail, permettra au gré du
capital, de peser durablement sur les salaires,
de contenir la volonté de combat de ia classe
ouvrière.
Les primes données aux monopoles, à la
modernisation capitaliste en grand, c'était en
même temps la décision d'élargir la masse des
chômeurs. C'est là une décision du V Plan. La
volonté de décourager des centaines de milliers
de femmes de rechercher du travail, les cam-
pagnes contre le travail féminin, c'était un autre
moyen de peser sur le marché du travail, de
renforcer la police des salaires. Et pour les
femmes qui travaillent dans cette situation,
c'était le moyen de ne leur offrir que des salai-
res de misère : 3 millions de femmes ont un
salaire inférieur à 600 F. Cela, c'est aussi la
logique du Ve Plan. Et les 700.000 jeunes de
18 à 24 ans « non scolarisés et inactifs », la
discrimination sur les salaires des jeunes, la
déqualification, ce sont aussi les conséquences
du V Plan. La formation professionnelle déri-
soire et le renforcement du caractère de classe
de l'Université, c'est le fruit de la législation
gaulliste, du V" Plan.
Le V Plan, c'est aujourd'hui plus d'un million
de sans-travail : ouvriers licenciés, femmes,
jeunes. Et tous ceux qui viennent de la campa-
gne, chassés de leurs terres. Car le Plan gaul-
liste, c'est aussi la destruction de centaines de
milliers d'exploitations de paysans travailleurs.
L'exode des paysans a dépassé les prévisions
du Plan. Mais ce qui était prévu parce qu'orga-
nisé par le gouvernement gaulliste c'était la
ruine de tout ce qui n'était pas capitaliste dans
les campagnes. Tout n'est pas fait, mais le
gouvernement ne perd pas de temps et la vo-
lonté de ruiner la masse des petits producteurs,
des ouvriers paysans, des paysans pauvres est
affirmée : les petites étables ne sont pas renta-
bles, dit le gouvernement, et provoquent la sur-
production du lait. Parce que pour le gouverne-
ment gaulliste ce n'est pas la grosse production
capitaliste qui est à l'origine de la crise. Le
V" Plan dans les campagnes c'est comme dans
les villes l'accumulation des richesses d'une
part et l'accroissement de la misère de l'autre.
Le gouvernement favorise la petite poignée
d'accapareurs et sacrifie la grande majorité.
Gouvernement et grand capital sont satisfaits :
ouvriers chassés par la « modernisation », fem-
mes, jeunes, anciens paysans, vont former l'ar-
mée des chômeurs. Pour les millions de travail-
leurs dans les usines, le patronat réserve l'in-
tensification des cadences, l'attaque contre le
salaire par les réductions d'horaire et le chan-
tage au chômage. Le gouvernement gaulliste
réalise le tour de force d'imposer la plus forte
durée de travail d'Europe et de réduire dans de
très larges secteurs les horaires pour diminuer
les salaires.
Aucune des manœuvres démagogiques de
style pétainiste, aucun plan d'association du
capital et du travail ne pourra masquer la réa-
lité : le V Plan gaulliste c'est pour le peuple :
chômage et misère.
Aucun rideau de fumée ne peut dissimuler
que ce gouvernement antipopulaire prolonge
son oppression sur des peuples et des travail-
leurs de pays que les monopoles français pillent.
La misère des travailleurs étrangers importés en
France grâce au réseau de solidarité du grand
capital cosmopolite, c'est le complément de
l'exploitation capitaliste des travailleurs français.
Eux aussi servent les desseins du grand capital
français : c'est la réserve idéale de chômeurs,
l'occasion de susciter la concurrence entre pro-
létaires, le racisme. Le référendum dans la ter-
reur fasciste en Somali, l'intervention des paras
au Gabon, la répression des patriotes guade-
loupéens. c'est cela aussi !e régime de la bour-
geoisie des monopoles.
A BAS LE GOUVERNEMENT GAULLISTE ANTIPOPULAIRE'!
A BAS LE POUVOIR CRIMINEL
DE LA BOURGEOISIE DES MONOPOLES!
C'est la leçon de 10 années d'oppression.
Ce qui a permis l'instauration de ce régime,
c'est la division des forces ouvrières, des forces
de tout le peuple travailleur. Ce qui permettra
le renversement du régime du grand capital,
c'est l'union des travailleurs, l'union du peuple
dans la lutte de classe contre ses exploiteurs.
L'essor du mouvement des masses, la volonté
de lutte que reflètent cette année les grèves à
la Rhodia de Lyon, à Caen, chez Dassault, à
Redon, partout où l'unité est conquise dans les
usines, c'est la grande peur pour le gouverne-
ment du grand capital. C'est l'espoir pour les
masses populaires.
VIVE LA LUTTE DU PEUPLE CONTRE LES EXPLOITEURS!
RENAULT
BILLANCOURT
LES DIRIGEANTS DE LA C. G. T.
DÉVOIENT LES LUTTES DES OUVRIERS
*.JJ
)2 • 'a C-G-T. organisait l'action des ouvriers sur des positions de classe
Les luttes révolutionnaires menées
par les ouvriers de Renault ont long-
temps été données en exemple à la
classe ouvrière française.
Aujourd'hui aussi, Renault est un
exemple : celui de la capitulation de
la direction de la C.G.T. devant les
luttes revendicatives à mener.
Un cas pami d'autres : la C.G.T.
fait débrayer les ouvriers du dépar-
tement 12 pendant deux heures et
demie, un samedi en fin de journée.
Les revendications sont : la non-ré-
cupération des heures perdues par le
patron (pannes de machine), contre les
cadences de plus en plus accélérées et
pour une augmentation des salaires.
80 % des ouvriers ont suivi le mouve-
ment. Les dirigeants C.G.T. qualifient
cette action de « grande victoire » et
se gargarisent sur l'ampleur des luttes
qu'ils mènent à Renault.
Que signifie ce « succès » ?
Premièrement, le samedi est la jour-
née la plus longue de la semaine
(10 h.) : Rien d'étonnant à ce que de
nombreux ouvriers en aient profité
pour sortir plus tôt. Ensuite, lorsqu'on
débraye en fin de journée, on est sûr
de ne trouver personne à la direction
du département ou à la direction gé-
nérale : les patrons ne sont plus là
et les adjoints se dénient ! Lorsqu'on
se revoit le lendemain (ou le surlen-
demain si c'est samedi), on discute des
gars qui ont fait la grève, mais on
oublie de demander si les revendica-
tions ont été satisfaites.
Comment peut-on croire de cette
façon, faire céder le patron ? En fait,
aucun ouvrier n'est dupe : chaque
ouvrier est conscient que cette tactique
conduit à épuiser la combativité des
ouvriers, à essouffler leurs luttes par
des débrayages inefficaces. Ceux-ci,
loin d'éduquer la conscience des ou-
vriers et de développer leur résolution,
les découragent au contraire et font
qu'ils pensent à tout autre chose qu'à
lutter : « l'esprit gréviste n'y est pas »
regrettait un ouvrier.
Les débrayages à Renault sont tous
du même genre : Une routine, un
nombre d'heures à ajouter au dé-
compte trimestriel pour bien montrer
qu'on organise des luttes, mais aussi
pour ne pas dépasser les neuf heures
dans le trimestre au-delà desquelles
20 % de la prime sont supprimés.
La manœuvre est subtile : lorsque
l'occasion se présente d'engager une
lutte plus longue, la C.G.T. brandit
la menace : « Attention les gars, vous
allez dépasser les neuf heures, atten-
dons le trimestre suivant » !
L'épuisement des « heures per-
mises » par des débrayages inefficaces
(1 à 2 heures, en fin de la journée
ou le samedi) réduit la possibilité de
mener des luttes de longue haleine.
Cependant, le mécontentement
gronde ; les ouvriers en ont assez de
se voir condamnés à l'impuissance
face aux plans d'attaque concertés
du patron : il compte, d'ici la fin de
l'année faire passer la production de
1.300 à 1.800 voitures par jour, soit
une augmentation de plus du tiers et
par conséquent, une accélération ac-
crue des cadences. Pour imposer ces
nouvelles cadences, le patron multiplie
déjà les menaces d'intimidation. Mais
les « pistoletteurs » du 74 montrent
l'exemple d'une riposte résolue et
victorieuse. La direction voulait ra-
mener le temps de repos de 1/2
heure toutes les heures et demie à
1/2 heure toutes les 2 heures. Contre
cette menace précise, les pistoletteurs
ont spontanément déclenché un mou-
vement immédiat et unanime : l'équi-
pe du matin a débrayé 4 h. et l'équipe
du soir 6 h.
Ce secteur, situé en fin de chaîne,
est déterminant : l'action des pisto-
letteurs a suffi pour arrêter toute la
chaîne et la production des voitures.
Effrayé par la perte des 10 h. de
production pour la Régie, le patron
a eu beau menacer les ouvriers de
lock-out, les ouvriers, unis, n'ont pas
cédé à ce chantage et ont finalement
obtenu satisfaction de leur revendica-
tion.
L'action des pistoletteurs du 74
montre que les ouvriers de Renault ne
désarment pas et sont prêts à engager
des luttes résolues et de longue ha-
leine pour peu qu'elles soient payantes.
Pourquoi attaquons-nous la direc-
tion de la C.G.T. ?
Nous connaissons la nature des
autres syndicats (C.F.D.T., F.O...),
nous n'attendons rien d'eux. Mais la
C.G.T. a été et est encore la seule
organisation qui défende véritablement
les intérêts des travailleurs : ce n'est
pas cette C.G.T. là que nous atta-
quons, mais ses dirigeants actuels, ses
pontes qui bradent le passé glorieux
de lutte des classes et qui la trans-
forment en organisme de collaboration
de classes. C'est parce que la C.G.T.
est le seul syndicat révolutionnaire
que les travailleurs ont le devoir d'être
exigeants envers elle.
Que les ouvriers de Renault ren-
forcent les syndicats C.G.T. de lutte
de classe !
Sommaire de " servir le peuple " n° 20 " VIVE LA C. G. T.
PREMIER MAI :
Vive la C.G.T.........................
La leçon de dix années d'oppression
<< A bas le gouvernement gaulliste anti-
populaire »! .........................
Unité et action « Halte au chômage ! » ..
OUVRÎERS ET PAYSANS
EN LUTTE :
RENAULT-BILLANCOURT : les dirigeants
C.G.T. dévoient les luttes des ouvriers . .
ALÈS : Barrazza, bureaucrate de la C.G.T.
brise une grève ......................
HONFLEUR : << A bas les briseurs de
grève ! » ............................
REDON : A Redon, maintenant ce n'est
plus pareil ! ..........................
MOUVEMENT
DE LA JEUNESSE :
Les étudiants progressistes soutiennent
la lutte des ouvriers à Creil-Montataire .
LA LUTTE
ENTRE LES DEUX LIGNES
DANS LA C.G.T. :
Une étincelle peut mettre le feu à
toute la plaine.......................
2
32
4- 5
6- 7
8- 9
La confédération sur la défensive......
Assez de congrès bidon ! ............
(le congrès C.G.T. de l'alimentation)
L'expérience passée des communistes
français dans la lutte contre les bureau-
crates syndicaux .....................
(extraits de textes de Frachon - 1949) et
d'un rapport du B.P. du P.C.F. de 1953)
SYNDICALISME
PROLÉTARIEN :
Le travail d'un syndicaliste prolétarien
dans la C.G.T. : leçons d'expériences .
Commissions paritaires : capitulation des
patrons ou des syndicalistes ? .........
La question des contrats collectifs......
(textes de la C.G.T.U. et de l'I.S.R.)
12
20-21
22-23
LES RÉVISIONNISTES
10-11 ET LE MOUVEMENT
DES MASSES :
A QUI SERT
L'ANTICOMMUNISME
12-13 DE MONSIEUR DESCAMPS ?
15
16-17
18
24-25
19
LES CONTREMAITRES
ET LA C.G.T. :
FEU SUR LES MAFFIAS
SYNDICALES ! :
Des ouvriers surexploités... par la C.G.T. !
DANS LA CHINE ROUGE :
Les ouvriers sont maîtres des usines ..
L'IMPÉRIALISME AMÉRICAIN
AUX ABOIS :
Déclaration du camarade Mao Tsé-toung
pour soutenir la lutte des afro-américains
contre la violence ....................
Entretien avec James Forman, responsa-
ble dirigeant du S.N.C.C. et du parti des
« Panthères noires » ..................
Vietnam : un peuple vainqueur !........
14
31
26-27
28
28
29
STALINE,
GRAND RÉVOLUTIONNAIRE
PROLÉTARIEN :
Sous la direction de Staline, le peuple
d'Union Soviétique compte sur ses pro-
pres forces .......................... 9-30
Directeur da la puolication : Jean ESTERLE - S.l T.-NANCY Dépôt légal 2° trimestre 1968 - Distribué par les NMPP
ALÈS
BARRAZZA, BUREAUCRATE
Des éléments nouveaux nous permettent
de retracer le développement de la lutte
des céramistes d'Alès.
Samedi 23 Mars, une grève éclate à l'Atelier de
Coulage de la C.E.C. à Aies.
De fait la colère est générale et la révolte gronde
depuis plus de 15 jours dans toute l'usine contre les
salaires de misère, les journées de travail allant
jusqu'à 12 h. dans des conditions pénibles et insa-
lubres (chaleur de 50° dans des ateliers, sans aucune
aération). Les ouvriers font des heures supplémen-
taires à gogo pour arriver à des salaires décents alors
que le patron les fait tous chômer partiellement 1 jour
par semaine. Beaucoup sont obligés de travailler à
côté pour augmenter leurs salaires de famine.
Que fait la C.G.T. pour
remédier à cet état
de choses ?
Elle organise la grève tournante, atelier par atelier
« pour mieux faire céder le patron ». Nous allons
voir de quelle manière. Elle commence par arrêter,
après 24 h., la grève de l'Atelier Expédition « devant
la dureté du patron ».
Puis PEmaillage, obtenant après 48 h. de grève,
15 centimes d'augmentation sur les 30 demandés,
reprend le travail sous la pression des délégués alors
que tous les émailleurs étaient déterminés à continuer
jusqu'à l'obtention des 30 centimes.
Le Contrôle fait ensuite une grève de 48 h. : même
« dureté » patronale, même trahison de la C.G.T.
que pour l'expédition.
Les ouvriers sentent que là n'est pas la juste voie
et qu'il faut s'unir face au patron.
Les émailleurs après leur demi-succès tirent les
leçons au sujet de « l'efficacité » de cette soi-disant
grève tournante. Ils savent qu'ils sont avec le Coulage
les 2 plaques tournantes de l'usine, les 2 points
faibles du patron. « Au moins s'unir entre nous,
Coulage et Emaillage, si tous ce n'est pas possible ».
Ils veulent reprendre la grève aux côtés du Coulage.
La hantise de cette lutte fera employer à la C.G.T.
tous les moyens pour les monter les uns contre les
autres et appliquer à son compte la tactique patro-
nale : « division pour régner ».
Les délégués feront démarrer la grève du Coulage
sans entente préalable avec les émailleurs. Ces der-
niers leur avaient signalé qu'ils ne pourraient re-
démarrer avant 1 mois, le temps de se remettre
financièrement de leur première grève. Mais les délé-
gués passent outre cet avis, le présentant au contraire
comme jalousie des émailleurs qui ne veulent pas que
les couleurs obtiennent quelque chose. De plus, les
délégués vont présenter la grève du Coulage comme
faisant la concurrence à celle des émailleurs, les cou-
leurs voulant soi-disant prouver qu'ils peuvent faire
mieux. Ainsi le Coulage entame sa grève pour une
augmentation de 15 centimes, la même semaine où
les émailleurs sortent de leur grève. Ces derniers
regarderont cette grève d'un fort mauvail œil. ce qui
n'est pas pour déplaire au patron comme aux délé-
gués. Les ouvriers sont montés les uns contre les
autres, désunis.
Quelques jours après, les délégués décident que le
Coulage fait grève pour une augmentation générale
du salaire horaire de base de 15 centimes. Au lieu
de les unir, cela divise les ouvriers encore plus, qui
croient voir dans ce rattrapage une manœuvre des
couleurs qui, n'arrivant pas à obtenir quelque chose,
Comment la C.G.T. organise le sabotage
de la lutte des couleurs
recherchent tardivement la caution des autres travail-
leurs, pour faire aboutir leurs propres revendications.
Les délégués ne font rien pour enlever ces idées
de la tête des ouvriers et les couleurs ne sont pas
dans l'usine pour s'expliquer avec leurs camarades.
Confusion et rancœur personnelle régnent dans
l'usine. Le patron et la C.G.T. se frottent les mains.
Les 90 couleurs, tous très résolus continuent leur
lutte, mais dans l'isolement.
Dès le premier jour, le secrétaire de l'U.D. C.G.T.
Barrazza, dépêché sur les lieux à l'occasion, le secré-
taire C.G.T. de la boîte Diago (secrétaire de l'U.L.
C.G.T.), et les délégués organisent la lutte à leur
façon. Dès le samedi 23 Mars et jour après jour, ils
supplient le patron de bien vouloir discuter, alors
que celui-ci refuse même de discuter le principe d'une
augmentation.
Le champ de bataille des délégués, c'est le bureau
du patron, négocier et marchander avec le patron,
voilà leur lutte, démobiliser les ouvriers en les illu-
sionnant sur la réussite de telles négociations, voilà
leur façon de se battre.
Jeudi 28 Mars à 15 h., à la Bourse, ils rendent
compte comme tous les jours de leurs entretiens avec
le patron. Seulement 40 des 90 couleurs sont présents
au lieu des 70 de la veille. Cette abstention montre
que les ouvriers sont désabusés devant de telles farces
démobilisatrices. Le résultat, bien sûr, zéro. Mais
Diago va plus loin : « nous avions demandé une
entrevue au patron. Il a refusé, pourtant nous avons
tout de même réussi à discuter une heure. Bien sûr,
c'est un refus mais il semblerait qu'il y ait un progrès
dans son attitude. Nous avons le devoir de vous aver-
tir de cette amélioration psychologique que nous
avons tous ressentie !
Puis le ponte Barrazza intervient :
« Pour le moment, la direction ne paraît pas dispo-
sée à solutionner le conflit. Aujourd'hui nous déci-
dons ce que nous faisons pour demain. On ne peut
pas dire depuis maintenant : on ira jusqu'au bout
parce que le bout c'est parfois l'aventure. Préparons
le débrayage de demain et selon la réaction de la
direction, nous déciderons pour la suite ».
Malgré ce travail de sape en bonne et due forme,
les grévistes très déterminés préparent activement le
débrayage du lendemain appelant tous les ouvriers
à arrêter le travail de 10 h. à 12 h. Un tract est
décidé. Les ouvriers s'occupent des banderoles avec
leurs mots d'ordre : « Benoit Cattin peut payer »,
« Halte au chômage, du travail pour les jeunes »,
« Vive l'unité des travailleurs ».
Vendredi matin, les couleurs applaudissent leurs
camarades des autres ateliers venus les rejoindre. Les
banderoles sont déployées. La manifestation de 150
ouvriers démarre de l'usine.
Les ouvriers scandent tout le temps leurs mots
d'ordre résolus, et bloquent la circulation aux grands
cris des délégués :
— 1"' arrêt devant la mairie P.C.F. : long concilia-
bule maire-délégués. Les ouvriers s'impatientent.
Résultat : « le maire promet de faire quelque chose ».
Nous allons voir par la suite comment il tiendra
cette promesse.
— 2e arrêt devant la sous-préfecture : même
chose.
Les ouvriers : « Ma parole, ils boivent le pastis ».
Oui camarades, les délégués se paient votre tête.
Ils trinquent avec le sous-préfet sur le dos et la santé
des travailleurs. Les ouvriers fatigués commencent à
partir. Des 150, il n'en reste qu'une vingtaine à la
sortie des délégués 1 h. après. Réponse : « le sous-
préfet promet de téléphoner au patron ».
DE LA C.G.T., BRISE UNE GREVE
Mais les ouvriers savent qu'il ne faut pas compter
sur ces promesses. Pour eux la manifestation a été
un granA succès. Toute la population les a vus et
entendus. Toute la ville parle de la lutte des céra-
mistes. A 16 h., réunion à la Bourse du Travail :
Intervention de Barrazza : « Camarades, vous
avez vu, la manifestation a été un insuccès total. Vos
camarades, surtout les émailleurs (encore essai de
division) n'ont pas répondu à votre appel (réprobation
générale des ouvriers). A peine 10 vous ont rejoint.
Le patron est content de vous voir désunis. Mainte-
nant il est en position de force. Il ne cédera jamais.
Il faut être réalistes camarades. J'ai le droit et le
devoir de vous avertir des risques de la poursuite
de la grève. De toute façon c'est vous qui décidez.
Vous prendrez vos responsabilités. On vous aura
averti.
Les ouvriers tous ensemble : « On continue ».
Barazza : « Une grève, ça ne marche pas toujours.
De toute façon l'action continue après dans l'usine. Il
faut savoir arrêter une grève. Il ne faut pas être
démagogues camarades. Voyez à Nîmes, les 450 filles
de chez Enfoux « Le Toro » sont rentrées en chan-
tant après 9 jours de grève et sans avoir rien obtenu,
mais l'action continue (2 précisions : c'est Barrazza
qui s'est « occupé » de la grève chez Enfoux et il est
fier de cette trahison de plus à son palmarès. Ensuite
les filles ne sont pas rentrées en chantant. Trahison et
mensonge, voilà les 2 armes préférées de Barrazza).
Il reprend :
« De toute façon, c'est vous qui décidez •» :
Les ouvriers de plus en plus déterminés : « on
continue >.
Un ouvrier : « C'est un vrai moulin à café. Il ne
fait que parler et il dit que c'est nous qui décidons.
On est tous décidés à continuer. Pourquoi discuter
pendant des heures. Il nous fatigue avec ses longs
discours ».
Un autre ouvrier : « Ma parole, il veut qu'on
arrête la grève ».
Puis Diago prend la relève : II est obligé de rétablir
un peu la vérité et de désavouer Barrazza, devant
la colère des ouvriers : « La manifestation n'a pas été
un insuccès. Bien sûr ça aurait pu être mieux. Mais
c'était un succès. 30 à 40 des camarades des autres
ateliers nous ont rejoint. Mais je sais qu'il y a des
couleurs qui veulent reprendre le travail. Ils n'osent
pas le dire. Il faut qu'ils s'expriment librement ».
Après de multiples recherches, on en déduit que
les quelques hésitants en question ne sont pas dans
la salle. Les ouvriers s'impatientent. Diago propose
une pause, le temps d'aller les chercher et discuter
avec eux pour savoir ce qu'ils en pensent.
Un moment après, les délégués reviennent : « Ils
sont tous décidés à continuer si on les aide finan-
cièrement à partir de la semaine prochaine.
Les couleurs répliquent : « II faut rester unis. On
est tous prêts à les aider s'il le faut ».
Les ouvriers veulent arrêter là la discussion. Les
délégués proposent de clore le débat par un vote
secret ou à main levée. Les ouvriers refusent éner-
giquement. « Ça suffit ces parlottes. On est tous
décidés à continuer. Lundi matin, piquet de grève
devant l'usine à 5 h. 30 et c'est tout. C'est vital.
C'est le tournant de la grève. Le patron qui nous
verra entamer tous ensemble une 2e semaine de grève
va bien râler. Il n'en a plus pour longtemps à faire
le malin. En plus, la production est presque totale-
ment arrêtée. Les autres ouvriers n'ont plus rien à
faire. Ils lavent les vitres et en ce moment pour
maintenir les fours, le patron y passe la casse. Il
n'en a plus pour longtemps ».
Bien sûr, la manifestation aurait pu être un plus
grand succès et tous les ouvriers n'ont pas répondu
à l'appel. Mais Barrazza oublie de dire qu'il récoltait
les fruits de son travail de diviseur. Il fait tout pour
désunir les ouvriers et quand ils sont en partie désu-
nis, il s'en sert comme argument pour essayer de faire
reprendre le travail. Il « oublie » de préciser que les
autres ouvriers n'ont même pas été consultés, qu'ils
ont été avertis le matin même et encore dans quelles
conditions : Le tract appelant à débrayer est simple-
ment mis sur le panneau d'affichage. Les délégués
qui se sont chargés de distribuer les tracts ne don-
nent aucune explication, ne discutent même pas avec
les ouvriers. De plus, il faut voir que ce petit dé-
brayage de 2 h. n'avait pas du tout la faveur des
autres ouvriers.
Lundi matin : Le piquet de grève marche à
100 %. Aucun couleur ne se présente au travail.
Lundi 17 h. : Réunion à la Bourse du Travail.
Barrazza reparle de la dureté du patron qui ne
cède toujours pas, reparle des filles de « Le Toro »
(vraiment il en est fier. Il a décidément envie de se
faire une spécialité des grèves arrêtées après 9 jours
de haute lutte). Il ressort aux ouvriers l'argument
patronal « l'usine va fermer », lock-out des ouvriers,
etc... (En fait une semaine après la grève, la direction
annonce fièrement que l'usine en excellente santé va
s'agrandir, qu'il y aura un four supplémentaire, etc...
provocateur !). Il reparle de ceux qui veulent re-
prendre le travail.
Il part d'une idée juste des ouvriers et la déforme
complètement : « Vous êtes désunis. Or comme il faut
continuer unis ou reprendre tous ensemble et comme
certains veulent reprendre, alors il faut tous repren-
dre. Il oublie de signaler que personne n'a essayé
de reprendre le travail le matin même. Où voit-il la
désunion ? Il oublie aussi de signaler que les émail-
leurs ont décidé pour mardi le début d'une grève il-
limitée aux côtés des couleurs. Le délégué de l'émail-
lage oubliera aussi de le signaler. Seul un émailleur
essaiera de le faire, mais il ne pourra pas être vrai-
ment entendu.
La production est presque totalement arrêtée. Le
P.D.G. de Paris Benoit Cattin est venu sur place
juger de la situation. Barrazza ne signale pas non
plus que le matin même une réunion « top secret »
a eu lieu entre le maire P.C.F. Roncante et le patron,
ni que le matin aussi les délégués se sont réunis à
huis-clos, comme ils disent.
Les ouvriers demandent des comptes. Qu'a-t-on
fait et qu'a-t-on dit sur leur dos ? Quand plus tard
les ouvriers demanderont des explications, les délé-
gués leur diront qu'on ne peut pas avertir tout le
monde de tout. Ouvrier, on ne veut pas t'avertir de
réunions où on décide de ton sort comme à un jeu
de dés. Pourquoi ces cachotteries ? Tu n'as pas le
droit d'être averti de ce qu'on mijote derrière ton
dos ? Pourquoi ?
Diago intervient: De 15 h. à 17 h., la C.G.T. et
la F.O. (les 2 syndicats de l'Union, F.O. inexistant,
1 délégué sur 6) se sont réunis et ont décidé qu'il
était plus logique et raisonnable de reprendre le
travail demain matin ».
De très vives discussions s'engagent.
« II suffit de tenir 1 jour de plus et c'est le patron
qui nous supplie de reprendre le boulot » disent les
ouvriers . La majorité est décidée à continuer, mais
au milieu de la confusion générale, dans une ambian-
ce houleuse, les délégués organisent une mascarade
de vote à main levée. Le travail reprendra le mardi
matin.
Les ouvriers sont dégoûtés, écœurés. Une dizaine
déchirent leur carte de la C.G.T. « Ils vont voir si on
va reprende le travail en chantant demain - Vendus » !
La C.G.T. continue la lutte à sa manière :
la C.G.T. continue la lutte à sa manière
Une semaine après la grève, ils ont le culot de
distribuer 1 tract disant : « Manifester votre entière
solidarité dans la lutte que mènent les couleurs contre
la direction patronale en versant à la collecte qui
sera organisée le 10 avril par C.G.T. et F.O. ».
De qui se moque-t-on ? Des ouvriers. Et la caisse
de grève qui a 1 million dans ses tiroirs ? A quoi
sert-elle ? Les ouvriers demandent des comptes :
Où va cet argent ? Les délégués ont bien dit que
c'était pour le Noël des enfants. La C.G.T. se fout
de la grève, des sacrifices que cela impose aux ou-
vriers. Que fait-elle de cet argent ?
La C.G.T. dit que la lutte continue dans l'usine,
de quelle manière ? Elle présente au patron un
cahier de revendications et quelles revendications !
Horloge pour pointer les ouvriers. Plus question
d'arriver en retard, de partir à l'avance. L'heure pour
le patron, c'est l'heure aussi pour la C.G.T. Sans vou-
loir prophétiser, nous pensons que cette revendication
sera obtenue sans grande difficulté par le patron.
Autre exemple de lutte de la C.G.T. contre le
patron : le réfectoire des ouvriers n'avait aucune
aération.
Un ouvrier énervé casse une vitre. Les ouvriers
respirent mieux, pas la C.G.T. qui riposte le len-
demain : a Celui qui sera attrappé à détériorer le
matériel sera puni ». La C.G.T. défend le matériel
du patron. La C.G.T. a peur de se couper du patron.
Mais les ouvriers sont décidés à prendre leurs af-
faires en main, à renforcer le syndicat C.G.T. en
se donnant des représentants ouvriers qui défendent
véritablement et fermement leurs intérêts et balayer
ces délégués pourris qui sont totalement isolés dans
l'usine. Les ouvriers leur tournent le dos quand ils
approchent.
Les délégués essaient de tout faire pour se re-
blanchir avant les élections des délégués de mai. Mais
ils ont en face d'eux des ouvriers résolus à les
balayer. Un ouvrier dit : « Si Barrazza pointe son
nez à Aies, on le descend à vue et pas besoin de
lunette au fusil ».
Les délégués tremblent de peur devant cette fer-
meté et cette résolution. Le patron aussi. Quel sale
coup de risquer de perdre ses meilleurs alliés.
HONFLEUR
A BAS LES
A Ronfleur, à l'embouchure de la Seine, les ou-
vriers de quatre usines ont mené une lutte résolue
contre les salaires de misère.
La lutte a commencé le 18 Mars chez Duchesne,
une entreprise de bois. Les ouvriers exigent 7 %
d'augmentation. Le patron refuse, les travailleurs ré-
pondent par un premier débrayage. Le patron pro-
clame : « Mon établissement n'est pas un cinéma
permanent, Toute menace de grève entraîne la ferme-
ture ». Les ouvriers se mettent en grève. Le lende-
main les ouvriers de Mignet se mettent en grève à
leur tour. Déjà en Novembre ils avaient édifié leur
syndicat C.G.T. et obtenu après cinq jours de grève
la réintégration du secrétaire de la section syndicale
licencié et une petite augmentation horaire. Cette
fois ils sont bien décidés à obtenir 20 centimes.
Le même jour, par solidarité avec Duchesne et
pour obtenir 7 % d'augmentation les horaires des
Chantiers Maritimes débrayent. Le Mercredi ils ins-
tallent un piquet pour gagner à la lutte l'ensemble
des travailleurs. Enfin Jeudi, la Nobel-Borel, usine
d'explosifs, rejoint la lutte pour une augmentation
de 20 centimes. La lutte des ouvriers des quatre
usines est donc unifiée sur l'objectif des 7 % dl'aug-
mentation, ou 20 centimes de l'heure. C'est la révolte
unie des ouvriers de Ronfleur contre les salaires de
misère, contre l'exploitation féroce :
'Les ouvriers s'organisent
les pontes palabrent. "
Dès le début du mouvement, la résolution des
ouvriers tranche sur l'attitude de l'U.D. - C.G.T. Le
Jeudi, le meeting et la manifestation réunissent plus
de 1.000 ouvriers qui chantent à plusieurs reprises
l'Internationale. Les ouvriers réservent l'accueil qu'ils
méritent au député gaulliste d'Ornano et au conseiller
général réactionnaire Roux. A la Nobel, un piquet
interdit toute entrée ou sortie de matériau. Et le
piquet mène un patient travail d'exploitation auprès
des cinq chauffeurs, qui rejoignent leurs camarades
le samedi.
Quatre usines en grève illimitée, des ouvriers
résolus à arracher la victoire, c'en est trop pour
les pontes C.G.T., qui cherchent fébrilement à arrêter
le mouvement en trouvant une base de compromis.
Le ponte Boissière « explore » « toutes les voies ».
Mais arrêter la grève dans 4 usines à la fois, c'est
difficile. Les pontes vont donc procéder usine par
usine.
Aujourd'hui, les patrons
ne cèdent plus devant
une grève. "
Lundi 25 Mars, les travailleurs entament leur
2e semaine de grève. Boissière est inquiet : « il y a
des gars qui sont nerveux ». Il désavoue ainsi les
ouvriers de Duchesne les plus résolus, qui se sont
couchés devant un transport de bois et l'ont contraint
à faire demi-tour. Le patron est vert de peur.
Un patron vert de peur, un ponte inquiet, cela
s'entend très bien. Boissière s'appuie sur Rouen,
un délégué qui est un agent technique promu pour
services loyaux rendus au patron. Une entrevue
a lieu à 10 heures. Rouen sort triomphant « les
propositions sont les suivantes: 3,9 à 4,5 %, re-
prise à 13 h. 30». Silence glacial. Les ouvriers des
quatre usines sont rassemblés devant l'Hôtel de Ville.
Le matin, ceux de Duchesne ont compris au piquet
que Duchesne a peur, qu'il peut payer et qu'il va
payer. Après discussions avec les hésitants, l'accord
est unanime : pas de rentrée à moins de 5 %.
Boissière prend le relais : Une phrase ronflante
« le patron recule, il faut rester unis ». Puis il propose
aux ouvriers de Duchesne une réunion à l'Union
Locale, sans les ouvriers des trois autres boîtes. La
réunion va « envisager la poursuite du mouvement ».
Boissière n'envisage qu'une chose : faire reprendre
le travail. A l'U.L. Boissière fait appel à son collègue
Lemarchand, le « gros de Caen ».
Premier vote : 80 % pour la poursuite. Rouen
est dépité, mais Lemarchand sort le grand jeu, fait
un « grand discours ». C'est un condensé de chantage,
de défaitisme et de trahison. Il présente la lutte ma-
gnifique des ouvriers de Caen comme une lutte sans
issue autre que l'intervention des gardes mobiles,
des yeux crevés et des fractures pour les ouvriers.
Puis il énonce une hallucinante condition nouvelle de
notre époque : « Aujourd'hui, les patrons ne cèdent
plus devant une grève ». Puis tout débat fut étouffé,
et le vote à bulletins secrets, arme classique de
sabotage, donna une majorité pour la reprise.
Les pontes étaient ravis : c'était terminé chez
Duchesne, et puisque Duchesne était l'élément mo-
teur, cela allait porter un coup au moral des travail-
leurs des autres usines.
Malheureusement pour eux, dès le lundi après-midi
deux thèmes revenaient dans les discussions entre les
travailleurs : d'une part Lemarchand nous a trompés,
il a fait une brève apparition à Ronfleur pour saboter
le mouvement mais d'autre part « /'/ est grillé ».
La rage au cœur, les ouvriers reprenaient le travail
mardi matin chez Duchesne et mercredi Rouen para-
chevait sa trahison en obtenant pour les mensuels
(dont il est) 4,50 % d'augmentation, alors qu'ils
étaient restés en dehors du mouvement. Au meeting
du 29 Mars, un ouvrier se leva pour l'accuser tous
d'être vendu à Duchesne et d'être l'agent du notaire
(le notaire Roux, déjà cité, était son colistier aux
municipales sur une liste socialo-centriste).
Le tome II des œuvres choisies
du Président MAO TSÉ-TOUNG
vient de paraître en français.
Dans t'étude des œuvres du président Mao, il faut avoir en vue
les problèmes à résoudre, entreprendre de façon vivante l'étude
et i application et les lier l'une à l'autre, étudier en priorité ce qui
esï !e plus nécessaire afin d'obtenir des résultats immédiats et
porter tout particulièrement ses efforts sur l'application. Pour pos-
séder réellement la pensée de Mao Tsé-toung, i! faut revenir sans
casse à l'étude des nombreux concepts fondamentaux du prési-
dent Mao ; le mieux serait d'apprendre par cœur certaines phrases
capitales, pour une étude et une application constantes. Dans
:es journaux, il convient de reproduire régulièrement des citations
du président Mao, en liaison avec les problèmes du moment, pour
que tout le monde puisse les étudier et les appliquer.
Lin Piao
En vente*à Iclibrairie Gît le Cœur
- 6, rue Gît le Cœur
PARIS-66
^iiiiimiiiiiiiiiiimiiiMimiiniNiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin
" Thévenin, avec
10 centimes, tu peux
t'acheter une sucette. '
1' « aventurisme » de ceux qui veulent poursuivre la
lutte, nécessité de l'unité autour des hésitants, vote
secret : 2/3 des voix pour la reprise.
Mais les 40 ouvriers résolus ne s'y sont pas
trompés « il est venu foutre sa merde » il récoltera
la tempête.
Le sabotage de chez Duchesne, loin de démoraliser
les autres ouvriers, a renforcé leur vigilance. Les
grévistes échangent leurs expériences et mardi 25,
ceux des Chantiers se mettent à l'école de ceux
de Nobel et organisent un piquet, se couchent devant
les camions et rien ne passe. Chez Mignet, un piquet
est mis en place mercredi. Les femmes sont mises à
l'écart du piquet de nuit, mais protestent, expliquant
qu'elles sont à fond pour la lutte et le jeudi participent
en grand nombre au piquet de nuit.
Pendant que les ouvriers s'organisent à la base, la
majorité des délégués pressés d'en finir coûte que
coûte, passent le plus clair de leur temps à palabrer
avec le patron et le sous-préfet. A quoi bon s'occuper
d'organiser les ouvriers ? Ils ne sont qu'une masse
de manœuvres. Mais l'objectif des ouvriers est et
reste la victoire. Mercredi, le patron de chez Mignet
vient proposer 11 centimes pour les manœuvres,
12 centimes pour les O.S., 13 centimes pour les
ouvriers qualifiés. Les ouvriers refusent ces aumônes,
repoussent le vote secret proposé par le délégué et
le huent.
Pour conclure, un ouvrier lui lance « Thévenin,
avec tes 10 centimes, tu peux t'acheter une sucette ».
De leur côté, ceux de la Nobel et des Chantiers dé-
masquent le très réactionnaire « Paris Normandie »
qui publie des taux horaires supérieurs de 50 % à
la réalité, et éconduisent la journaliste vendue. Ven-
dredi 29, la grève continue, une troisième semaine
est en vue. Pour les pontes, il faut en finir.
Le sabotage aux Chantiers
et à la Nobel d'Ablon
Vendredi en fin d'après-midi le patron des chan-
tiers a proposé aux délégués 2 % en Avril, 2 % en
Septembre. Mais comme le réajustement habituel de
4 % en Juillet est repoussé à Janvier, le gain est
pratiquement nul. Cela n'empêche pas Boissière de
chanter victoire et de pousser à la reprise. Il recourt
comme d'habitude au vote secret, 22 pour, 22 contre.
Boissière fait un grand discours sur l'unité. Faire
l'unité pour Boissière, c'est évidemment s'appuyer
sur les éléments hésitants pour faire céder les ou-
vriers résolus. Ecœurés, les ouvriers se résignent à
reprendre le travail. Mais là aussi ils ont découvert
le vrai visage du ponte, un diviseur. Le jour de la
reprise, un ouvrier faisait remarquer à la sortie du
travail : « Dans la boîte, il n'y a pas un gars qui
ose dire qu'il était pour la reprise ».
A la Nobel, l'organisation de la lutte était la plus
efficace. A l'indécision des délégués, l'opportuniste
Depivron en tête, les ouvriers opposent l'organisa-
tion de leur lutte. Ils tendent un piège au patron. Us
font mine d'ôter le piquet. Le patron téléphone au
chauffeur d'un camion qui attend à quelques kilo-
mètres... mais le piquet surgit devant lui et le camion
doit rebrousser chemin.
Lemarchand a trahi chez Duchesne, Boissière aux
Chantiers. A la Nobel il faut faire donner la grosse
artillerie ; un bureaucrate de la Fédération de la
Chimie vient le 29 de Paris avec les délégués retour
de négociation. Il présente comme un succès 10 cen-
times d'augmentation (moins l'augmentation récente
de 5 centimes de la prime de risque). Il certifia que
le patron ne ferait pas plus. Dénonciation de
les travailleurs de Mignet
se révoltent contre les briseurs de grève
Samedi le patron de Mignet propose 12 centimes.
La majorité des délégués, conduits par Boissière,
commencent leur travail de sape. Boissière, fidèle à
la tactique utilisée chez Duchesne, s'appuie sur le
délégué Marie, un chef d'équipe à plat ventre devant
le patron, pour faire lever le piquet de grève, arme
essentielle des ouvriers. Il met en avant la promesse
de Thévenin de ne pas faire sortir de marchandises
si le piquet est levé.
Les ouvriers résolus sont démobilisés... et bien en-
tendu samedi et dimanche le patron fait sortir sa
camelote.
Lundi matin Boissière entrevoit donc la fin de
son travail de briseur de grève. Appuyé par Marie,
il tente d'expédier l'affaire en 5 minutes dans la
précipitation et la confusion. Il pousse à la reprise.
Marie, se faisant ouvertement le porte-parole du
patron, pousse en vain à la reprise pour 13 h. 30.
Boissière de son côté tente de détourner la colère
des travailleurs :
« Nous avons obtenu que l'augmentation démarre
non au 1" avril, mais au 15 mars. »
Les travailleurs font le compte : ils étaient en
grève depuis le 18 mars, donc le « gain » portait
sur 3 jours de salaire. Boissière et le patron se
payaient leur tête. Encerclé, assailli, le ponte dut
subir l'affront de voir les travailleurs révoltés dé-
chirer les tracts de la C.G.T.
Dans la lutte, les travailleurs ont beaucoup appris.
Lemarchand et Boissière, pontes de l'U.D. - C.G.T.
ont dévoilé leur travail de trahison des luttes ou-
1936 : les travailleurs mis dans l'entreprise démasquent les dirigeants réformistes
Mais cette fois, pas de vote secret. Les ouvriers les
plus décidés imposent le vote à main levée. Une
étroite majorité se prononce pour la reprise du
travail, alors que beaucoup de travailleurs ne sont
pas encore là. Boissière est pressé, trop pressé. La
parole qu'il a refusée aux ouvriers, ceux-ci vont
la prendre et démasquer son travail de sabotage. La
colère éclate. Les ouvriers les plus résolus, dirigés
par un délégué, qui est secrétaire de l'Union locale,
prennent à partie les délégués vendus et le ponte
qui vont au pas de course signer l'accord dans le
bureau du Directeur. Les travailleurs sous les fe-
nêtres du bureau insultent le patron, et démasquent
ponte et délégués pourris aux cris de « Vendus »,
«Achetés», «Pourris», « Enc... ». Ils entonnent
l'Internationale et pénètrent un moment dans le
bureau, accueillant par une bordée d'injures ponte et
délégués.
vrières, ils sont démasqués comme briseurs de grève.
Les plus résolus des ouvriers savent et s'emploient
à faire comprendre autour d'eux que la lutte contre
le patron, contre le capital est une lutte sans com-
promissions, « qu'on ne baisse pas sa culotte ». Les
travailleurs révoltés de chez Mignet ont ouvert la
voie de la C.G.T. de lutte de classe. Quel meilleur
gage pour les luttes à venir que cette réflexion d'un
travailleur de chez Mignet :
« La lutte a été sabotée par Boissière et Marie. Ce
qu'il fallait faire c'était dire : Ceux qui sont pour
ia grève à droite, ceux qui sont pour la reprise à
gauche, et puis discuter et convaincre l'ensemble des
camarades que le patron allait céder devant notre
lutte unie et résolue. »
La leçon ne sera pas perdue.
8
REDON
A REDON, MAINTENA
Les 30 centimes de Redon, c'est la traînée
de poudre. Partie d'une usine, elle gagne tou-
tes les autres. Une fois les premières victoires
obtenues, le feu est prêt à reprendre. La vic-
toire, chez Unifer par exemple, a été généralisée
à toutes les usines de France. Puisque le déca-
lage reste de 30 centimes, la lutte à Redon est
prête à reprendre pour les 30 centimes. Chez
Garnier, comme dans les autres usines de Re-
don, on attendait la lutte des ouvriers du bâti-
ment de Redon et de toute l'Ille-et-Vilaine qui
réclamaient eux aussi les 30 centimes... on at-
tendait pour lutter pour les 30 centimes de rat-
trapage avec le bâtiment.
Cercle vicieux pour les patrons, développe-
ment de la lutte par vagues successives pour
les ouvriers. C'est de cette magnifique tactique
de la force des ouvriers qu'ont peur les patrons
et les jaunes.
C'est pour cela qu'ils ont détourné et trahi
la lutte des ouvriers du bâtiments. Leur argu-
ment était simple : « Ce n'est pas juste que vous
ayez plus que les métallos ».
Les jaunes veulent le partage de la misère,
les ouvriers savent que les succès des uns,
c'est le succès de tous, que c'est la voie à sui-
vre.
Les jaunes veulent éteindre la flamme des
30 centimes. Ce qu'ils n'arriveront jamais à
étouffer, c'est la prise de conscience par les
travailleurs de leur force.
A Redon, maintenant, ce n'est plus pareil.
Nous présentons dans ce numéro la lutte
chez Unifer. Nous reviendrons sur la lutte des
ouvriers du bâtiment dans notre prochain nu-
méro.
Les ouvriers n'ont pas envie
m*-- •
de plaisanter...
Dès le début, le patron fait la sourde oreille.
Comme tous les patrons en crise, il pleurniche :
« Ce n'est pas moi le grand patron, adressez-
vous à Paris, etc., etc. ». Les ouvriers répon-
dent : « C'est 30 centimes que nous voulons, le
reste, c'est votre affaire ! ».
Les débrayages se succèdent, la production
est désorganisée. Contre les cadences inferna-
les, ils règlent eux-mêmes le rythme du travail.
Pas à pas, les ouvriers s'unissent plus ferme-
ment. D'abord, dans chaque atelier, il faut ga-
gner ceux qu'on accusait de ne rien compren-
dre, ceux qui, un peu sceptiques, disaient :
« Bah ! à quoi ça sert tout ça ? ». Ils sont d'ac-
cord, mais ils ne croient pas tellement que ça
puisse marcher. Ils ne voient pas encore la
force qu'ils ont quand ils s'unissent à tous les
autres travailleurs. A chaque débrayage, ils
prennent confiance et font un pas en avant :
quand le travail cesse, chacun voit le résultat :
ies pièces s'amoncelle le patron s'affole.
Il y a aussi les ouvriers-paysans. Ceux-là, on
disait couramment qu'ils ne seraient « pas faci-
les à traîner ». Ils ont un peu de terre ; pour eux,
la paie, c'est un supplément à la fin du mois ;
même si elle n'est pas bien grosse, ça les tou-
che moins que nous ; parce que nous, on n'a
que ça pour vivre. Citroën, à Rennes, fait régner
la terreur dans les ateliers, mais en plus, il em-
bauche surtout des paysans parce qu'ils sont,
paraît-il, moins « revendicatifs ». Bref, dans l'usi-
ne, la division ia plus nette, soigneusement en-
tretenue par le patron, celle sur laquelle les
contremaîtres poussent à fond, c'est celle en-
tre ouvriers et ouvriers-paysans.
Hélas pour Colombe, le grand chef Unifer,
hélas pour Citroën, à qui l'exemple de Redon
réserve de sales surprises, dans tous les dé-
brayages du mois précédent, tous les travail-
leurs ont balayé ces contradictions entre eux.
Les ouvriers-paysans ne sont pas la main-d'œu-
vre docile que voudraient les patrons !
Les ouvriers ont vu que les paysans, on s'est
souvent moqué de leur caractère, de leurs drô-
les d'habitudes, mais que dans la lutte, ils ne
sont pas restés longtemps à l'arrière. Leur hai-
ne de classe a débordé d'un seul coup : c'est
vrai qu'ils ont de la terre; mais à l'usine, à l'em-
bauche, on les traite comme des chiens; les
sales boulots, c'est pour eux. On leur fait bien
sentir qu'ils ne valent pas plus que 400 F par
mois.
Après ia magnifique raclée donnée aux CRS
le 11 mars, par les 4.000 ouvriers de Redon et
de Saint-Nicolas, les patrons jouent à cache-
cache. Mais ils comprennent vite que les ou-
vriers n'ont pas envie de plaisanter. Après deux
semaines de tergiversations, de manœuvres de
division sans résultat, ils lâchent 25 centimes,
le 25 mars.
Pourtant Colombe résiste : « Je ne suis pas
touché par ce qui se passe à Redon ; ça re-
garde les patrons d'Ille-et-Vilaine. Ici, je vous
exploite à la mode de Loire-Atlantique, ce n'est
pas la même chose ! ». Pour les ouvriers, c'est
strictement la même chose. Garnier ou Colom-
be, c'est exactement la même racaille. Et la
lutte des ouvriers de Redon et de Saint-Nico-
las, c'est la même lutte.
Encouragés par la victoire de leurs camara-
des, les ouvriers d'Unifer décident le jour mê-
me la grève illimitée. Marivain, le bureaucrate
départemental de la C.F.D.T. lève ies yeux EU
ciel : « Camarades, vous savez tous ies risques
d'une grève illimitée ». Oui, camarade Marivain,
nous les connaissons : le patron risque de cé-
der. Un militant syndical réplique : « Le problè-
me ne se pose plus : les ouvriers ont décidé la
grève illimitée, il faut l'organiser ! ».
Des ouvriers d'Unifer partent chez Garnier
pour demander à leurs camarades de les sou-
tenir. Le patron a fait fermer les portes de fer.
Pourtant, quelques travailleurs réussissent à en-
trer. Garnier manque de se faire écnarper. Il
remonte dans son bureau et n'en ressort plus.
Les patrons ont peur de la contagion. Mais ce
n'est pas une porte de fer qui arrêtera la volon-
té d'unité des travailleurs. Les carreaux volent
en éclat sous les coups de fronde communs
des ouvriers de chez Garnier et d'Unifer.
Ceux d'Unifer savent qu'ils peuvent compter
sur le soutien de tous les métallos de Redon.
Mardi 26, seules deux personnes entrent dans
l'usine : le chef de l'expédition et le directeur
(comme dit un ouvrier, « c'est un peu normal
que le patron ne fasse pas grève »). Tous les
contremaîtres et les chefs d'équipe, sous la
pression des ouvriers, ont fait grève. Le lende-
main, Colombe est affolé : les vingt-trois usines
d'Unifer menacent de suivre le mouvement, il
ne pourra plus « honorer ses commandes » : il
cède 31 centimes à 41 centimes selon les caté-
gories.
...leur initiative
fait merveille !
Quand le travail reprend, les travailleurs,
pleins de confiance en eux-mêmes, disent : « si
on avait su... quand Colombe a transformé les
huit cabines de soudure, en onze boîtes à sar-
dines, parce que c'est plus « rentable », il n'y
avait pas trente-six choses à faire : il fallait re-
fuser d:y entrer. La prochaine fois, c'est comme
ça que ça se passera ! »
D'ailleurs, la prochaine fois ne se fait pas
attendre ; Coiombe essaie de reprendre d'une
main ce qu'il a donné de l'autre. La semaine qui
suit la reprise du travail, il veut faire récupérer
le temps de la grève. Les ouvriers disent sim-
plement : non. Dans un atelier, le contremaître
va « cuisiner » les ouviiers les moins résolus.
Tous leurs camarades arrêtent les machines :
ils entourent le contremaître et lui font com-
prendre qu'ils n'admettent pas sa sale besogne
de divisour. Le contremaître va chercher le se-
cours du patron. « Alors, qu'est-ce que ça veut
dire, vous voulez empêcher vos camarades de
travailler ? Les ouvriers répondent simplement :
oui... et le patron remonte fou de rage dans son
bureau.
Dans la lutte, les ouvriers ont mieux compris
leur force : ils la montrent aussi à ceux qui
n'osent pas résister ouvertement à la contre-at-
taque du patron. A eux aussi, ils leur appren-
nent à avoir confiance dans ia force unie des
travailleurs. Quotidiennement, tranquillement, ils
font échec aux brimades, aux injustices, aux
i;:!jvea;jx coups fourrés du patron. Les contre-
maîtres no jouent plus les petits rois, comme
avant.
Colombe veut faire les plus gros profits ; les
ouvriers veulent des conditions de travail viva-
bîes ei des salaires décents. Sur cette question,
jamais les ouvriers et les patrons ne seront
d'accord. Le patron est devenu plus prudent,
mais ii essaie toujours de tâter le terrain.
On apprend d'abord pur un tract de la C.G.T.
que l'usine do Brières a aussi été augmentée.
La parité, c'est encore une fois à l'eau. Le tract
dit : ii faut agir vita ! Un ouvrier renchérit dans
l'usine : « il faut battre le fer tant qu'il est
chaud ! Tous les ateliers sont prêts à se battre ».
Partout on dit : « faudrait pas croire qu'on va
se payer toujours notre tête ! » Depuis, plus rien.
Une semaine a passé. Tous étaient prêts. Pour-
quoi ies délégués n'ont rien dit ? Est-ce qu'à
Nantes on les a assommés de conseils de mo-
dération ? Est-ce qu'on les a poussés à attendre
le renouvellement de la convention collective
du 3 mai, quand le tract disait justement qu'il ne
le fallait pas, que des revendications immédia-
tes exigeaient une action immédiate ?
Brusquement, les cadences de l'atelier de tô-
lerie sont augmentées. On l'apprend quelques
jours après, de bouche à oreille. Les ouvriers
sont furieux. « Pourquoi, bon sang, les délégués
n'ont rien fait ? » Est-ce qu'un bureaucrate de
l'U.D. leur a fait de beaux discours sur l'intérêt
généra! pour mieux faire « oublier » les luttes
dans l'usine ? Depuis quand l'intérêt général
exige-t-il qu'on laisse le patron reprendre l'offen-
sive dans la boîte, qu'on laisse sans direction
les travailleurs qui veulent lutter ?
Car les travailleurs à la base entendent bien
ne pas se laisser faire. Et leur initiative fait
merveille.
On essaie toujours de les diviser. Un chef
d'équipe se met en frais pour dresser les ou-
NT CE N'EST PLUS PAREIL !
vriers des deux bouts d'une chaîne les uns
contre les autres : i'air « compréhensif », il va
voir les ouvriers de fin de chaîne : « si seule-
ment ceux du début allaient un peu plus vite;
les pièces arriveraient plus vite ; à 5 heures,
vous auriez fait votre compte ». Et à l'autre
bout : '• Allez, les gars, pressez-vous un peu ;
ceux de ia fin en ont après vous, vous les faites
terminer en retard et ça les force à foncer ».
Dans sa petite tête, ça veut dire : dans un mois,
la cadence sera « excellente ».
Et pendant qu'il rêve aux félicitations du di-
recteur, les ouvriers organisent déjà la riposte.
Quand le contremaître revient, il demande en
début de chaîne : « alors, ça avance ?» —
« Oui, j'aurai fait toutes mes pièces à 6 heures. »
— « Comment ça à 6 heures ? Tu sais que les
gars du bout finissent à six heures ! » Chaque
ouvrier répond : « je suis payé pour faire ma
dernière pièce à 6 heures. Le reste, ce n'est pas
mon affaire. Les copains du bout font les pièces
quand elles arrivent. S'il n'y en a pas, il n'y en
a pas. Mais ils n'ont pas à payer parce que les
pièces n'arrivent pas. Ça, c'est ton affaire. »
A 6 heures, fini ou pas fini, tout le monde sort.
Tous les ouvriers rient de l'histoire cousue de
fil blanc du chef d'équipe. Pour lui, c'est à
refaire.
Une autre fois, sous prétexte de réorganiser
une chaîne, on demande aux ouvriers l'augmen-
tation des cadences. Tous s'entendent pour dé-
truire le rythme de la chaîne : ceux du début se
démènent, ceux de la fin lambinent. Les pièces
commencent à envahir i'atelier. On est obligé
de dégager une tringle conductrice, puis une
deuxième, une troisième. Dans les travées, on
ne peut même plus circuler : à midi, les trois
quarts des pièces sont finies pour le début de
la chaîne. Les ouvriers de l'autre bout font un
« scandale » : « on ne peut tout de même pas
travailler dans ces conditions ! » Le contremaître
s'affole. Il repart à l'autre bout : « Alors, les
gars, ça ne va pas ?» — « Ça va très bien ;
c'est toi qui ne sais pas ce que tu veux ! »
« A 9 heures, tu nous dis d'accélérer, à midi,
tu nous dis de ralentir. » L'après-midi, ceux du
début de la chaîne se détendent, fument, au
milieu des montagnes de sièges de voitures. A
6 heures, le nombre de pièces faites est exacte-
ment ie même que d'habitude. Mais le contre-
maître n'a pas la même tête que d'habitude ;
il est fou de rage.
Dans tout Redon, les patrons ont pris une ma-
gnifique déculottée. Dans toutes les usines, ils
essaient de reprendre ce que les ouvriers les
ont forcé à payer. Chez Garnier, le patron cher-
che à réprimer les ouvriers les plus combattifs,
les contremaîtres fouillent les casiers des tra-
vailleurs pour y trouver leurs frondes. Chez
Unifer, c'est les cadences que Colombe essaie
d'augmenter, en semant la zizanie parmi les
ouvriers.
Mais aujourd'hui, beaucoup de choses ont
changé : la moindre injustice, la moindre atta-
que à ce qu'ils ont gagné dans la lutte, les ou-
vriers ne la tolèrent plus. Ils savent que rien
n'est définitivement acquis ; chez Garnier, les
ouvriers ont débrayé plusieurs fois ; pour ripos-
ter aux menaces individuelles contre les mili-
tatns syndicaux, et la manie des contremaîtres
de fureter dans les tiroirs, chez Unifer, les ou-
vriers ont mis toute leur habileté et leur ruse au
service de la lutte.
Mais, ce qui fait leur force, c'est toujours l'uni-
té. Toutes les petites querelles entre ouvriers,
tous les préjugés qui les divisent et qui font les
délices des patrons, tout cela, ils l'ont balayé.
Les patrons ne font plus de beaux rêves.
VIVE L'UNITÉ INDESTRUCTIBLE DES OU-
VRIERS D'UNIFER !
VIVE LEUR TÉNACITÉ ET LEUR OBSTINA-
TION DANS LA LUTTE !
STALINE, GRAND REVOLU-
TIONNAIRE PROLÉTARIEN
II
Sous la direction do Staline,
Peuple d'Union Soviétique compte sur ses propres lorces
A la question fondamentale :
« comment renforcer le pouvoir so-
viétique après la prise du pou-
voir ? » le camarade Staline, sui-
vant et développant les indications
et l'œuvre de Lénine, donna une
réponse théorique et pratique en
dirigeant le peuple soviétique dans
l'édification socialiste. Cette ligne
de défense de la dictature proléta-
rienne en U.R.S.S. fut combattue
avec acharnement par la bourgeoi-
sie qui trouva, au sein du parti, le
trotskisme pour allié principal.
Dès le lendemain de la prise du
pouvoir, Lénine avait eu à lutter
pour imposer une conception jus-
te de la défense du pouvoir sovié-
tique. Fallait-il défendre le pouvoir
rouge dans le seul pays où il était
né à ce jour, même au prix de
lourdes concessions, ou fallait-il
miser sur l'extension rapide de la
révolution à d'autres pays en Euro-
pe occidentale, affirmer que la ré-
volution soviétique ne pouvait sur-
vivre si la révolution allemande ne
triomphait pas ?
Contre ces dernières positions
de gauche en apparence mais en
réalité « soufflées » par la bour-
geoisie russe et l'impérialisme an-
glo-français — positions de lutte
à outrance et de guerre révolution-
naire contre l'Allemagne réaction-
naire —, Lénine avait défendu la
paix immédiate ; pour préserver le
pouvoir rouge soviétique, il n'esti-
mait pas trop cher le prix payé
pour la paix de Brest Litovsk, la
cession de vastes territoires, la
perte de millions d'hommes qui,
ainsi, passaient sous la domination
allemande.
Cette ligne de défense et de
consolidation du pouvoir soviéti-
que fut développée peu après par
Lénine qui indiqua la voie de la
transformation socialiste du pays ;
c'était en comptant sur les propres
forces du peuple, en mobilisant
ouvriers et paysans, que gardes
blancs et corps expéditionnaires
étrangers avaient été écrasés dans
ia guerre civile. De même, face à
l'encerclement impérialiste, il fal-
lait compter principalement sur les
forces du peuple pour renforcer
la base du pouvoir rouge et cons-
truire le socialisme en U.R.S.S.
A l'issue de la guerre civile, il
fallait à tout prix redresser l'éco-
nomie dans un premier temps ; et,
dans un second, commencer l'édi-
fication d'une base économique
socialiste du pouvoir rouge. Pour
cela, il fallait unifier le peuple, en-
traîner la grande masse de la pay-
sannerie dans la voie socialiste ;
car le prolétariat ne peut se libérer
seul et doit défendre les intérêts
de l'ensemble du peuple travailleur
et non ses seuls intérêts immé-
diats. En U.R.S.S., la majorité du
peuple était représentée par la
paysannerie pauvre et moyenne ;
le prolétariat, pour consolider l'état
des Soviets, devait s'appuyer sur
les idées justes de la paysannerie
laborieuse, sur sa haine de l'ex-
ploitation pour l'entraîner dans la
voie socialiste, lutter contre ses
tendances petites bourgeoises et
l'arracher à l'influence des Kou-
laks ; miser principalement sur les
forces révolutionnaires du peuple
(suite page 50)
10
ENTRAINER PAR MILLIERS ET PAR DIZAINES DE
MILLIERS LES ÉTUDIANTS ET LA JEUNESSE DANS
LA SOLIDARITÉ CONCRÈTE AVEC LES TRAVAIL-
LEURS EN LUTTE.
Aujourd'hui, dans les facultés, comme à Nan-
terre, dans les lycées, parmi la jeunesse, un mou-
vement de révolte prend son essor. Dans l'esprit de
la grande masse des étudiants et des jeunes, cette
révolte est une révolte contre la bourgeoisie.
Mais, dans la réalité, ce mouvement peut prendre
deux voies opposées : ou bien la jeunesse et les
étudiants resteront, dans le cadre étroit des lycées
et des facultés, coupés du peuple travailleur et de
ses luttes, et dans ce cas leur révolte s'enlisera et
ne servira pas la cause révolutionnaire : ou bien la
jeunesse et les étudiants développeront un mouve-
ment de solidarité concrète avec les travailleurs et
dans ce cas la lutte des étudiants et de la jeunesse,
fusionnant avec celle de la classe ouvrière et du
peuple travailleur, sera progressiste, révolutionnaire.
Les communistes mettront tout en œuvre pour
que le mouvement des étudiants et de la jeunesse
prenne la voie utile au peuple, la voie révolution-
naire.
RÉSOLUTION DU B.P. DE L'U.J.C. (M.-L.)
Le 23 avril 1968.
LES ÉTUDIANTS PROGRESSISTES
DES OUVRIERS A
L'usine I.H.F. (International Har-
vester France) de Montataire, près
de Creil, est menacée de ferme-
ture. Un groupe d'étudiants dirigé
par des marxistes-léninistes va
rencontrer les ouvriers de l'usine
pour s'informer du soutien qu'ils
peuvent apporter à leurs luttes.
L'accueil des ouvriers est très cha-
leureux. Par des discussions avec
eux, nous apprenons la situation
dans l'usine : Mac Cormick, le pa-
tron, veut aller fabriquer ses ma-
chines agricoles ailleurs. Il se dé-
centralise. On le comprend ! A
Croix (Nord), grâce aux abatte-
ments de zone, il paiera moins les
ouvriers. On a de solides traditions
d'exploitation chez les Mac Cor-
mick : c'est un Mac Cormick qui
a pendu six ouvriers le 1er mai
1886 à Chicago. Mais ce n'est pas
tout : il va toucher 400 millions of-
ferts généreusement par l'Etat. Au-
cun doute : pour lui, l'opération
est bonne. Quant aux six cents ou-
vriers de l'usine, ils iront rejoindre
l'armée de chômeurs du bassin
creillois : plus de 2.000 déjà.
« Merci, Monsieur Mac Cormick »,
s'écrient en chœur les capitalistes
locaux, « avec tous ces chômeurs
qui se pressent à nos portes, on va
pouvoir faire ce qu'on veut à l'in-
térieur de l'usine : baisser les sa-
laires, amputer les primes, accé-
lérer les cadences ou réduire les
horaires, licencier à loisir ! »
Le 22 mars, un Comité de défen-
de l'emploi est créé. Il regroupe
« C.G.T., F.O., C.F.D.T. des diffé-
rentes usines, les commerçants,
les élus municipaux (P.C.F.), le P.
C.F., la S.F.I.O., le P.S.U., les prê-
tres de Montataire, l'U.F.F, les J.C.,
les femmes de travailleurs de l'I.H.
F. ». Première action du comité :
envoyer le 28 mars une délégation
au préfet « protester contre la fer-
meture ». Et les ouvriers dans cet-
te affaire ? Oh ! on ne les oublie
pas ! On leur demande de dé-
brayer pendant une heure pour ap-
puyer la délégation » et de se ren-
dre place de la mairie.
Le comité mène l'action, les ou-
vriers suivent.
Que se propose le comité ?
« D'œuvrer à l'implantation d'em-
plois nouveaux qui sont indispen-
sables dans la zone industrielle lo-
cale. » Autrement dit, pour régler
le problème du chômage, enten-
dons-nous avec les patrons ! Alors
que ce sont les patrons qui l'orga-
nisent pour accroître leurs profits.
C'est de la collaboration de classe
pure et simple ! C'est faire croire
que le chômage peut disparaître
en société capitaliste, c'est mas-
quer le caractère révolutionnaire
de la lutte contre le chômage. La
lutte contre le chômage, c'est une
lutte de classes, une lutte entre le
prolétariat et la bourgeoisie, une
lutte qui se mène avant tout dans
les usines. Mais pour le comité, ce
qu'il faut, ce n'est pas faire plier
les patrons, c'est « sauver le bas-
sin creillois de l'asphyxie ». En
prônant l'unité de cartel, les réfor-
mistes veulent détourner l'attention
des ouvriers sur des bavardages
d'états-majors, leur faire croire que
c'est en dehors d'eux que se ré-
gleront leurs problèmes. Leur but :
démobiliser les ouvriers, briser
dans l'œuf toute tentative de ré-
volte.
Mais les ouvriers veulent lutter.
Un débrayage, une manifestation,
c'est l'occasion pour les ouvriers
de montrer leur résolution. Tout
ce qui peut renforcer cette résolu-
tion est pour eux un soutien : ils
demandent aux étudiants de venir
nombreux et d'apporter des ban-
deroles et des pancartes avec les
mots d'ordre « Non à la ferme-
ture », « Non au chômage ».
Le lendemain à 14 heures, l'im-
mense majorité des ouvriers dé-
braye. Les travailleurs, tous unis
dans cette manifestation prouvent
leur volonté de lutte, leur volonté
d'empêcher la fermeture, montrent
qu'ils sont prêts à passer à l'ac-
tion.
Partout, les patrons sont passés
à l'attaque. Ils comptent sur une
classe ouvrière divisée, démobili-
sée, incapable de se battre.
Ils se font des illusions. Partout
la révolte gronde. Les ouvriers lut-
tent.
Aujourd'hui, les luttes du prolé-
tariat sont morcelées et brisées
par les révisionnistes. C'est au ni-
veau de l'entreprise que nous de-
vons apporter notre soutien à la
révolte ouvrière.
LE TRACT DU MOUVEMENT DE SOUTIEN
II explique ce qu'est le mouve-
ment de soutien étudiant aux lut-
tes des travailleurs ; les étudiants
qui combattent la bourgeoisie
mettent les avantages qu'ils ont :
mobilité, temps libre... au service
des luttes populaires ; ils aident
les travailleurs dans leur lutte sous
toutes les formes indiquées par
les travailleurs eux-mêmes.
Ils font connaître à l'université
les luttes des travailleurs, mobili-
sent les étudiants progressistes
pour les soutenir.
Aux portes de toutes les usines,
nous diffusons un tract.
Chez Brissonneau, Usiner, Vieil-
le Montagne, Desnbyers... la dicta-
ture du patron se renforce : baisse
des salaires ou suppression des
primes, accélération des caden-
ces, licenciements. Nous le disons.
Nous montrons aux ouvriers que
les bas salaires, les cadences
épuisantes ne sont pas une spé-
cialité de leur patron mais le lot
commun de tous les exploités et
que partout, ils éveillent la même
colère.
Nous faisons connaître, d'usine
en usine, la lutte des ouvriers de
Redon. A Redon, la colère des
ouvriers a explosé et ils ont vain-
cu.
Pour les dirigeants de la C.G.T.
des luttes comme celles des ou-
vriers de Redon doivent à tout prix
être étouffées.
« Surtout pas comme à Caen !
Surtout pas comme à Redon ! » :
c'est leur hantise.
Souvent, les ouvriers sont prêts
à agir, mais ils ne voient pas com-
ment entraîner leurs camarades.
Sur ce point, la lutte des ouvriers
de Redon leur est un puissant en-
couragement : c'est au combat
qu'ils ont forgé leur unité, la vraie,
celle qui fait plier le patron, celle
qui fait peur à toute la bourgeoi-
sie.
LES PONTES : «
REDON, ON L'A EN TRAVERS DE LA GORGE »
Les pontes ne s'y trompent pas,
ils comprennent ie danger, ils ont
PEUR.
— Peur que les ouvriers s'unis-
sent dans la lutte contre le
patron.
— Peur d'être démasqués dans
leur sale besogne de traîtres,
peur d'être balayés par la
colère des travailleurs.
A Brissonneau, un ponte nous voit
distribuer des tracts et discuter
avec des ouvriers. Il arrive au ga-
lop. « On ne veut pas de vous
ici ! » Deux d'entre nous se déta-
chent pour discuter avec lui ; les
autres restent avec les ouvriers.
Nous lui demandons s'il a quel-
que chose de précis à nous repro-
cher.
— « Jusqu'ici, vous vous êtes
bien débrouillés, mais on sait com-
ment ça se passe : ce que vous
vouiez, c'est foutre la merde ! »
— « Si nous étions des provoca-
teurs, les travailleurs ne le tolére-
raient pas ; la classe ouvrière, on
ne la roule pas si facilement. »
— « Classe ouvrière, dit l'autre,
rageur, vous n'avez que ce mot-là
à la bouche. Vous feriez mieux de
retourner à l'Université défendre
votre condition d'étudiant, au lieu
ce venir nous embêter. »
— « Ce qui vous embête, c'est
que quelqu'un vienne soutenir la
révolte des ouvriers, vienne parler
des luttes que vous voulez faire
oublier et aider à s'unir ceux que
vous voulez diviser. C'est certain,
vous préféreriez que les ouvriers
restent tranquilles, qu'ils ne des-
cendent pas dans la rue ; vous pré-
féreriez que la révolte des étu-
diants contre la bourgeoisie soit
dévoyée de son orientation consé-
quente ; le soutien aux luttes des
travailleurs. »
Plus tard, un délégué de la boîte
nous dira : « Quand vous parlez
de Redon, c'est en fait un appel à
la bagarre. Et nous, à la C.G.T.,
on n'aime pas la bagarre. »
— « Mais est-ce que les ouvriers
de Redon n'ont pas gagné ? Est-ce
qu'ils n'ont pas eu leurs 25 centi-
mes ? »
— « Bien sûr, les 25 centimes,
mais vous oubliez les morts et les
blessés à l'hôpital ! »
A Usiner, dès notre arrivée aux
abords de l'usine, un bonze du
Parti vient nous menacer. « On se
chargera de vous mettre dehors, si
11
SOUTIENNENT LA LUTTE
CREIL-MONTATAIRE
vous n'êtes pas partis dans dix
minutes ! » Pendant plus d'une
heure, nous discutons avec les ou-
vriers. A 13 h. 25, quand presque
tous sont rentrés dans l'usine (le
travail reprend à 13 h. 30) un petit
commando de révisionnistes vient
nous provoquer ; le moment était
bien choisi. Pas un seul ouvrier
en vue. Il n'est vraiment plus ques-
tion au Parti de s'appuyer sur les
masses.
Deux jours plus tard, on nous
tend un véritable guet-apens :
quelques pontes sont à la porte,
d'autres se cachent. Nous com-
mençons !a diffusion au moment
où la masse des ouvriers sort de
l'usine. Devant eux, les révision-
nistes n'osent rien faire. A la fin de
la diffusion, à la tête de son com-
mando, un permanent du Parti
nous provoque. Encore une fois,
ils ne peuvent que menacer :
« Partez ou bien on vous y force-
ra ! » La discussion s'anime : nous
parlons de notre travail. D'un seul
coup, il nous lance : « Redon, c'est
un échec ! Redon, on l'a en tra-
vers de la gorge ! ». Décidément,
les pontes ont du mal à les digérer.
'sjauAno sap san|ossj seuni sd\
Devant le développement inquié-
tant de notre liaison avec les tra-
vailleurs, l'appareil syndical se met
en branle. L'U.S.T.M. diffuse à la
porte des usines un tract de ca-
lomnie ; le Parti en fait autant. De
notre action, de nos tracts, ils n'est
pas question. Aucune critique.
Seulement des insinuations : d'où
vient l'argent ? Pourquoi sont-ils là,
alors que les vrais étudiants sont
au cours ?
La Confédération exerce chan-
tages et menaces sur les syndica-
listes honnêtes : elle leur ordonne
de refuser le soutien.
Quand les pontes recomman-
dent la méfiance, les ouvriers peu-
vent à la rigueur comprendre. Ils
savent qu'ils doivent être vigilants;
c'est dans la lutte qu'ils verront
si ncus sommes leurs vrais amis.
Mais les militants honnêtes se po-
sent des questions quand de la
méfiance, on passe, sans raison, à
un brutal refus.
Cette logique réactionnaire leur
est étrangère.
Ils considèrent que le mouve-
ment de soutien aux luttes des tra-
vailleurs est une bonne chose.
Pour les pontes qui s'efforcent de
briser les luttes, c'est une mauvai-
se chose : « surtout pas d'agita-
tion, les ouvriers, ça se laisse vite
entraîner : un mot d'ordre un peu
violent, et ils font sauter la boîte,
et foutent le sous-préfet à l'Oise ».
Mais ils ne peuvent pas s'oppo-
ser ouvertement à ce qui renforce
la résolution des ouvriers : nos
tracts, ils ne peuvent s'y attaquer,
les idées que nous y mettons sont
celles des ouvriers. En les atta-
quant, ils s'opposeraient de front
aux travailleurs. Ils se démarque-
raient complètement.
LES OUVRIERS : « CE QUE VOUS DITES
REFLÈTE EXACTEMENT CE QU'ON VEUT »
actions magnifiques contre les sa-
laires de misère, « quand les fem-
mes attendaient les C.R.S. four-
ches en main ».
Un délégué nous demande un
gros paquet de nos tracts pour les
diffuser dans son usine. Un ou-
vrier explique lui-même à ses ca-
marades ce que peut leur apporter
le mouvement de soutien. Ils nous
comparent aux J. C. qui, en 1930,
faisaient de la propagande aux
portes des usines.
Avec confiance, ils demandent
notre aide ' participer à leurs ma-
nifestations, à des distributions de
tracts pour lancer un syndicat
dans l'entreprise. Sur le marché de
Montataire, nous sommes chez
nous : les travailleurs nous recon-
naissent, nous sourient. Même
leurs enfants nous protègent :
quand le maire vient arracher les
tracts des mains de nos camara-
des, des gosses courent prévenir
les autres qui diffusent à l'autre
bout du marché.
Les ouvriers accueillent le sou-
tien des étudiants dans l'enthou-
siasme, parce qu'il répond exacte-
ment à certains de leurs besoins.
Les pontes tremblent ; ils ne veu-
lent plus ce que veulent les ou-
vriers.
PAS DE COMBINE, LA LUTTE DE CLASSE !
Dans le cadre de la campagne
« Pas de semaine sans action »,
le Comité de défense de l'emploi
appelle à une nouvelle manifesta-
tion le vendredi 5 avril. C'est la
rituelle procession de l'usine à la
mairie ; aucun mot d'ordre n'est
lancé. « Qu'est-ce que c'est que
cet enterrement » dit un ouvrier.
Dans son allocution finale, le ponte
joue les durs : « Que le patron se
débrouille tout seul avec les his-
toires de concurrence internationa-
le, les ouvriers n'ont rien à en fai-
re; ce qui compte, pour eux, c'est
la montée du chômage. Devant
cette situation, il faut passer à
l'action.» Passer à l'action? On
sait ce que cela veut dire : en-
voyer des délégations pour bavar-
der avec M. le Préfet ou M. Chi-
rac. Mais les causeries dans les
salons n'ont jamais fait plier les
bourgeois. Seulement les ouvriers
le savent : ils refusent de se prê-
ter à ce simulacre de lutte. Alors
les pontes s'en prennent à eux :
— A un meeting du comité de dé-
fense de l'emploi, il n'y a eu que
90 personnes, pratiquement pas
un ouvrier. Le ponte en tire argu-
ment pour traiter les ouvriers d'im-
béciles en pleine manifestation :
« les camarades ouvriers de l'I.H.
F. semblent ne pas avoir bien
compris l'importance politique du
meeting du comité ! » C'est sa po-
litique à lui, une politique de col-
laboration de classe, ce n'est pas
celle des ouvriers.
« Rien à faire, les gars viennent
de la campagne : ils n'ont pas de
traditions de luttes pas moyen de
les mobiliser. »
C'est faux :
A Redon, les ouvriers venus de
la campagne se sont battus avec
autant de courage que les autres,
balayant tous les mensonges col-
portés par les traîtres réformistes.
La lutte, les ouvriers la connais-
sent. A Brissonneau, ils nous di-
sent : « ce qu'il faut, c'est une
lutte d'ensemble. Il y aurait quel-
que chose à faire... » Mais ils sa-
vent aussi pourquoi ça ne mar-
che plus : « Les délégués, on ne
les voit jamais ; il ne font pas leur
boulot. »
« Dans le temps, on avait un
bon délégué : il allait d'atelier en
atelier discuter avec les ouvriers,
distribuait des tracts, faisait des
prises de parole à la sortie de
l'usine. »
SOUTENIR LA LUTTE DES CHOMEURS
Dans le récit de la lutte exem-
plaire des ouvriers de Redon, les
travailleurs retrouvent leur propre
expérience : celle des luttes pas-
sées. Ils se souviennent de la gran-
de époque de la mobilisation ou-
vrière, les dix années de l'après-
guerre, quand les ouvriers de tou-
tes les usines et les chômeurs unis
menaient jusqu'à la victoire des
Dans le bassin creillois, aux di-
res de la bourgeoisie, 2.000 chô-
meurs. En fait, beaucoup plus :
3.000 ou 4.000.
Dans les bureaux de main-d'œu-
vre, de longues discussions ont
lieu avec les chômeurs. Autour du
tract que nous diffusons, des dis-
cussions s'engagent. L'un a dû
cesser son travail chez Brisson-
neau : épuisé par les cadences,
il a maigri de 8 kilos en un mois.
La plupart, chômeurs depuis plu-
sieurs mois, n'ont encore reçu au-
cune allocation. Tous ressentent
la nécessité de s'organiser.
Quand on leur dit, le projet de se
réunir rencontre un accueil en-
thousiaste ; ils proposent aussitôt
des heures de rendez-vous. Ils re-
vivent les victoires remportées en
1950. Les chômeurs assiègent le
bureau du préfet pour obtenir des
indemnités. Refus. Ils vont cher-
cher leurs enfants, qu'ils laissent
sur les bras du préfet. Confronté
à une situation intenable, il est
bien obligé de satisfaire les reven-
dications des chômeur. Un vieil
ouvrier se souvient même des
mairies prises d'assaut. L'un
d'eux, spontanément, participe à
toutes les manifestations d'ou-
vriers actifs. Tous les chômeurs
veulent lutter au coude à coude
avec les ouvriers actifs.
DEVELOPPONS UN GRAND MOU-
VEMENT DE MASSE AU SERVICE
DE LA LUTTE DES OUVRIERS DE
CREIL!
ENTRAINONS LARGEMENT ETU-
DIANTS DE PARIS ET LYCEENS
DE CREIL DANS LE SOUTIEN A
LA REVOLTE OUVRIERE !
— pour aider un noyau actif de
chômeurs à organiser les sans-
travail et à unir ouvriers occupés
et chômeurs dans la lutte contre
le chômage,
— pour aider des syndicalistes
de base à construire ou à renfor-
cer leur syndicat C.G.T. de lutte
de classe,
— pour faire connaître à la mas-
se des ouvriers le mouvement de
soutien à leur lutte, les aider à ba-
layer les pontes du syndicat, à
prendre en main leur lutte jusqu'à
la victoire contre le patron.
VIVE LA LUTTE DES OUVRIERS
DE CREIL !
12
LA LUTTE ENTRE LES DEUX LIGNES DANS LA C.G.T.
"SERVIR LE PEUPLE1'
et la lutte de classes dans la C.G.T.
Les marxistes-léninistes, et particulière-
ment ceux qui travaillent dans les usines,
doivent étudier attentivement la situation
dans la C.G.T., afin de mettre en œuvre une
ligne qui tire le plus grand parti des con-
tradictions aiguës où se trouvent les révi-
sionnistes.
C'est le travail des marxistes-léninistes
de systématiser la ligne prolétarienne à la
C.G.T., d'aider les masses à s'organiser
pour lutter contre le révisionnisme, d'éle-
ver étape par étape le niveau et l'ampleur
de la résistance, d'arracher le pouvoir à
la base aux bureaucrates révisionnistes,
afin que la classe ouvrière parvienne un
jour à reconquérir son organisation après
avoir isolé, démasqué et expulsé les agents
de la bourgeoisie dans le mouvement ou-
vrier.
Notre journal publie régulièrement la
critique systématique des positions de ca-
pitulation de la direction de la C.G.T. Il
fait également connaître, régulièrement, la
façon concrète dont se manifeste la lutte
entre les deux lignes dans telle ou telle
usine, et Je travail qu'y font les marxistes-
léninistes. !! soutiendra les positions jus-
tes que pourra prendre te! ou tel syndicat
C.G.T. d'usine.
Le travail des marxistes-léninistes dans
les entreprises est pour l'essentiel clandes-
tin. Nos articles respectent cette clandes-
tinité. Connaître le nom de telle usine,
ou de tel responsable est sans importan-
ce : ce qui est décisif, c'est l'échange d'ex-
périences, d'analyse des situations con-
crètes, la généralisation de ce qui est com-
mun.
UNE
LE FEU
Depuis deux mois, l'entreprise C... licencie
des ouvriers saisonniers français ou algériens
dès qu'elle n'en a plus besoin. Lorsqu'elle en
a à nouveau besoin, elle puise ce qu'elle veut
dans l'armée de réserve qui est abondante dans
cette région, en raison du chômage qui sévit.
Elle embauche donc de nombreux ouvriers et
15 à 20 jours plus tard, elle en licencie la plu-
part... pour le motif « essai non concluant » !
Pourquoi au bout de 15-20 jours ? parce qu'elle
peut ainsi faire croire à ces ouvriers licenciés
qu:ils sont encore en période d'essai, donc
qu'elle peut les licencier sans préavis ni motif
valable. L'entreprise C... espère continuer ce
petit jeu longtemps. Quoi de plus avantageux
pour ces patrons que d'avoir à sa disposition
une main-d'œuvre qu'il peut augmenter et dimi-
nuer à sa guise, rapidement et sans frais ! Quoi
de plus avantageux pour lui, que de faire croire
à ces ouvriers jetés à la rue, que ce sont les
Espagnols et les Portugais qui prennent leur
place (on ne les licencie pas eux, car ils ont
un contrat donné à la frontière par leur gou-
vernement) et le patron espère bien obtenir
ainsi la division des travailleurs. Pour le patron
LA CONFÉDÉRATION SUR LA DÉFENSIVE
Depuis quelques temps, lorsqu'éclate
une grève, un mouvement revendicatif,
une lutte ouvrière, des étudiants pro-
gressistes vont nombreux, manifester
aux ouvriers leur solidarité. Les étu-
diants vont aux ouvriers. Les ouvriers
accueillent les étudiants avec enthou-
siasme, les encouragent à se mettre
directement au service du peuple, les
aident à rédiger des tracts, leur indi-
quant les meilleurs moyens de popu-
lariser leur lutte. La large masse des
étudiants trouve que c'est là une
chose excellente. La large masse des
ouvriers trouve que c'est là une chose
excellente. Mais Krasucki, lui, n'est
pas content.
Ecoutez plutôt :
« Et que je te mette en avant les
excités qui cherchent à entraîner les
étudiants progressistes dans des voies
qui les isoleraient de la masse des
étudiants et de la classe ouvrière alors
qu'ils ont besoin de défendre sérieu-
sement des revendications réelles et
des aspirations légitimes.
Et que je te tartine des colonnes
pour tenter de dévoyer la juste colère
de la jeunesse : elle découvre l'ex-
ploitation et les infamies du capita-
lisme, ou lui conseille non pas la lutte
qui lui permet réellement d'y mettre
fin, mais de se dresser contre les
forces conscientes et éprouvées de la
classe ouvrière et de s'engager dans
des provocations sans issue.
Et que je te fasse mousser les cas-
seurs de vaisselle qui, à l'intention de
la classe ouvrière, lancent des mots
d'ordre sans rapport avec la réalité. »
(Vie Ouvrière, 10-4-68, « Les
Affaires sérieuses ».
Quand des étudiants se révoltent
contre l'université bourgeoise, c'est
dévoyer leur lutte contre l'oppression
de classe que de les encourager à
aider les travailleurs, ceux qui subis-
sent l'oppression la plus féroce, ceux
qui sont capables de la renverser ?
La réalité a déjà montré que cette
idée rassemble les masses étudiantes.
Le Vendredi 19 Avril, ils étaient des
milliers à crier leur solidarité avec
les ouvriers : « Contre le chômage et
les salaires de misère, les étudiants au
service des travailleurs ».
Ce mouvement de masse, qui se
place sous l'autorité des travailleurs,
se met à leur service,. Gêne-t-il leurs
luttes ? Les étudiants qui brisent les
barrières de l'université pour rejoindre
le monde du travail, se coupent-ils des
ouvriers ?
Les travailleurs de Schwarz-Hau-
mont, de la Rhodia, de Redon, Nan-
terre, Lille, Bordeaux, Aies, ont
accepté avec joie l'aide des étudiants.
« Nous serons ensemble pour faire la
révolution » !
Les étudiants leur racontent les
luttes d'ailleurs ; les ouvriers sont pas-
sionnés par le récit des exploits de
leurs frères de classe, en tirent des
leçons pour leur propre lutte. A leur
tour, ils disent aux étudiants ce qu'il
faut populariser de leur propre ex-
périence, comment ils luttent, com-
ment ils ont gagné. Les étudiants, in-
termédiaires entre les ouvriers des
différentes usines, des différentes ré-
gions, diffusent, popularisent, expli-
quent inlassablement — que des res-
ponsables syndicaux tentent d'interdire
les diffusions de tracts à la porte des
usines, ils se font malmener par les
ouvriers. Ils sont obligés de se cacher,
d'attendre que les travailleurs soient
tous rentrés dans l'usine pour harpon-
ner les diffuseurs.
Si les ouvriers protègent les étu-
diants qui se mettent modestement à
leur service, c'est qu'ils ne peuvent
entendre, d'aucune autre façon, l'écho
vivant des travailleurs partout en lutte.
Krasucki, secrétaire confédéral de
la C.G.T. ne consacre pas un éditorial
aux étudiants progressistes pour épan-
cher sa bile. Le danger dénoncé, il
faut prendre des mesures.
Ici commence l'embarras des pontes
syndicaux.
On aimerait trancher net les liens
entre travailleurs et étudiants. Mais
comment faire ?
Les délégués à la base et les ou-
vriers ont vu les étudiants au travail.
On ne peut plus les traiter de flics ou
de vendus à la bourgeoisie, sans se
faire traiter de menteurs.
Alors on met un peu d'eau dans
son vin et de retenue dans la dénon-
ciation. On nuance les appréciations.
Et voici ce qu'écrit l'U.D. à Creil, à
l'adresse de ses militants :
MISE EN GARDE
(il usage interne de militants
de la C.G.T.)
« Chers camarades,
II nous est signalé que dans diverses
régions du département, des groupes
d'étudiants se réclamant plus ou moins
de l'U.N.E.F. se présentent comme
des étudiants progressistes, prennent
contact avec des militants, avec des
travailleurs, pour obtenir des rensei-
gnements de diverses natures, notam-
ment sur l'emploi.
Ils se présentent comme désireux
d'apporter leur solidarité aux travail-
leurs. Mais en même temps (et tout
en s'en défendant) ils jouent le rôle
de donneurs de leçons à la classe
ouvrière...
Nous mettons en garde les orga-
nisations et militants de la C.G.T.
contre de telles façons de procéder qui
apparaissent pour le moins anormales.
Donc, sans porter des appréciations
définitives sur les objectifs réels pour-
suivis par les groupes d'étudiants aux-
quels nous avons fait allusion, mais
dont le comportement apparaît anor-
mal, nous demanderons aux militants,
partout où de tels procédés seraient
employés, de faire les mises au point
qui s'avéreraient nécessaires et d'in-
viter fermement les intéressés à cesser
leurs activités. »
Cette fois-ci, les pontes de FU.D.
sont contraints d'appeler les choses
par leur nom.
On écrit « étudiants progressistes »
et non « casseurs de vaisselle » !
Ils sont « solidaires » des travailleurs »
et non des « excités », des ultra-1
révolutionnaires en parole.
Déjà Krasucki avait dû amortir ses
calomnies : « le révolté... même lors-
qu'il est bien intentionné (il faut tout
de même y regarder à deux fois avant
de l'affirmer) ». Quand ils s'adressent
à la base, les pontes doivent un peu
plus tenir compte de la réalité. Les
syndiqués ont les moyens de vérifier !
Avec précaution, on se risque à
caractériser le soutien des étudiants.
Les pontes ne peuvent se permettre
d'analyser l'action des étudiants,
même pour la combattre. Expliquer
aux ouvriers le mouvement de soutien,
c'est risquer de lui gagner toujours
plus leur sympathie.
Bon travail, Krasucki ! Vous appor-
tez une nouvelle fois la preuve que
malgré la répression qu'ils peuvent
exercer, les pontes hésitent à accom-
plir leurs manœuvres anti-ouvrières là
où ils se heurtent au puissant mou-
vement des masses.
13
LA LUTTE ENTRE LES DEUX LIGNES DANS LA C.G.
ETINCELLE PEUT METTRE
A TOUTE LA PLAINE
(1e partie)
de C..., les ouvriers ne sont que des marchan-
dises qu'il place, déplace, embauche, jette
dehors sans payer, essaye à tel poste, à tel
autre, bref qu'il utilise à sa guise, en toute
tranquillité.
En toute tranquillité ? Non. Car les ouvriers
vont s'organiser, ils vont oser lutter, ils vont
s'unir.
LA MOBILISATION OUVRIÈRE FAIT
CEDER LE PATRON
Février 1968. Les ouvriers en ont assez. Ils
s'organisent spontanément en quelques minu-
tes : sur 19 d'entre eux pèse la menace du
licenciement. Ils décident d'agir : ils montent à
la Direction et y attendent de pied ferme le
patron. Le voilà : II est atterré ! c'est ia première
fois que des ouvriers osent venir « importuner »
la direction, et, sans passer par la voie hiérar-
chique ! Le patron ne veut pas les recevoir tous.
Les ouvriers se concertent pour déléguer l'un
des leurs : celui dans lequel ils ont le plus
confiance, celui qui exprimera le mieux la vo-
lonté de tous les ouvriers. Il aura une discus-
sion d'une heure avec le patron et obtiendra
la promesse que tous les saisonniers restants
ne soient pas licenciés.
Quinze jours plus tard, la Direction licencie
un de ces ouvriers-là (dans la boite depuis 23
jours) encore pour... « essai non concluant ». Et
la promesse du patron ? Maintenant nous sau-
rons ce qu'elle vaut : nous n'en voulons plus.
Ce que nous voulons ? Un acte : la réintégration
de notre camarade. Cette fois-ci, la lutte sera
forte de l'expérience précédente : nous déci-
dons de mieux nous organiser, de mieux agir
pour mieux vaincre.
D'abord, nous regardons les Conventions
Collectives : la période d'essai ne peut durer
plus de 8 jours ; au bout de ces 8 jours, ou bien
c'est l'embauche ou bien on est l'icencié. Mais
passé ce délai, pour licencier un ouvrier, il
faut un motif valable et un préavis de 7 jours.
Les patrons ont enfreint les accords qu'ils ont
signés. On ne trompe pas éternellement les
ouvriers.
La première fois, notre action avait été le
fait d'un petit groupe d'ouvriers. Cette fois,
nous désirions autre chose. Le but profond de
notre lutte n'était pas seulement le réembau-
chage de notre camarade, mais surtout la popu-
larisation de notre lutte afin d'unir tous les tra-
vailleurs de l'usine car « parfois les ouvriers
triomphent, mais c'est un triomphe éphémère.
Le résultat véritable de leurs luttes est de voir
le succès immédiat de l'union grandissante
des travailleurs. »
(K. Marx dans le Manifeste du Parti Commu-
niste.)
Conscients de cela, notre souci était de nous
tourner vers les autres travailleurs et d'expli-
quer sans relâche la lutte que nous menions.
LES RESPONSABLES DE LA C.C.T.
VEULENT ÊTOUEEER NOTRE LUTTE
La tâche était immense car la besogne entre-
prise par certains délégués syndicaux C.G.T. de
trahir les intérêts des travailleurs avait depuis
longtemps commencé. C'est ainsi que, dans
cette usine où !es conditions d'exploitation sont
féroces, aucune tradition de lutte n'existait. La
raison ? ce délégué C.G.T. nous la donne : « Les
ouvriers ne viennent jamais nous voir... et puis,
si le syndicat est impuissant, c'est parce que
les ouvriers ont l'esprit paysan » !!!
Nous avions donc compris très vite que les
délégués ne faisaient pas leur boulot (et même
pire !), mais nous avions aussi compris que !e
syndicat regroupait des travailleurs qui, eux,
désiraient réellement défendre leurs intérêts.
Nous sommes allés voir un responsable du syn-
dicat qui nous offrit son aide : une lettre à
l'inspecteur du travail et deux ou trois coups
de téléphone ! Ces démarches-là ne nous plai-
saient guère : elles reportaient l'action à plus
tard, on n'y comprenait pas grand'chose, elles
étaient le fait d'un seul type. Devant cette acti-
vité que nous jugions bureaucratique, nous
avons pris l'initiative d'aller encore une fois
voir le patron directement dans son bureau. Il
était absent pendant 4 jours : 4 jours pour popu-
lariser notre lutte.
Populariser notre lutte ? Il n'en était pas
question pour la C.G.T. : « Les élections des
délégués ont lieu dans 15 jours et on risque
de perdre des voix, si les ouvriers français ap-
prennent qu'on soutient un algérien, alors qu'on
fait même rien pour eux », « II ne vaut mieux
pas affronter les patrons, il faut négocier avec
eux »...
Le but de la C.G.T. était clair : restreindre
nos revendications au respect par la Direction
des Conventions Collectives. En fait, elle voulait
ETOUFFER notre lutte.
La tâche de popularisation de notre lutte res-
tait donc immense. Devant cette absence d'un
véritable soutien du Syndicat, nous avons alors
décidé d'envoyer une pétition à la Direction
(cette forme d'action était la seule qui corres-
pondait exactement à nos forces), pétition qui
serait signée par le maximum d'ouvriers syn-
diqués ou non. Nous avons obtenu très peu de
signatures mais nous avons pu, par le moyen de
cette pétition, commencer un véritable travail
en profondeur eî combattre bon nombre d'idées
fausses largement répandues chez les travail-
leurs de l'usine, notamment :
— « Le patron est tout-puissant : il ne vous
recevra jamais. Tous ceux qui ont signé
la pétition seront renvoyés sur l'heure »...
— « La défense des intérêts des ouvriers,
c'est l'affaire des délégués, car eux ils connais-
sent les conventions collectives. »
Nous sommes ainsi arrivés à toucher une
quinzaine d'ouvriers. Mais sans doute, les résul-
tats sont-ils encore plus positifs car les ouvriers
apprirent que notre camarade avait été réem-
bauché et l'affaire fit beaucoup de bruit : de
nombreux ouvriers déçus reprirent espoir en
comprenant qu'on pouvait se révolter contre les
patrons, s'organiser sur ses propres forces mê-
me si les délégués syndicaux faisaient obstacle
à la lutte de tout leur poids.
CONFRE LES PONTES, RENFORÇONS
NOTRE SYNDICAT C.C.T. DE LUTTE
Puis, peu à peu, nous avons compris le véri-
table état d'esprit des travailleurs : tous nous
donnaient raison ; ce qu'ils trouvaient anormal,
c'était que notre révolte, leur révolte, NE SOIT
PAS ORGANISÉE. Beaucoup avaient mal au
cœur de voir « ce qu'on pouvait faire et ce
qu'on ne faisait pas à cause des délégués ».
Beaucoup exprimaient enfin leurs désirs : ils
auraient voulu que le syndicat soit « des délé-
gués sachant qu'ils ont les ouvriers derrière eux.
et des ouvriers sachant qu'ils ont les délégués
devant eux ».
Mais jusque là leurs désirs ne s'étaient pas
réalisés car le syndicat, « c'était Monsieur X »
et beaucoup avaient déchiré leurs cartes.
Alors, un problème se pose pour le petit
groupe d'ouvriers non syndiqués qui ont mené
la lutte : faut-il engager les autres travailleurs à
déchirer leurs cartes ? Les délégués syndicaux,
peut-on compter sur eux ? n'ont-ils pas révélé
au grand jour leur véritable nature ?
Une longue discussion va alors s'engager
entre nous. Certains estiment au début que faire
partie de la C.G.T., c'est, à l'usine, se lier pieds
et poings, puisque le ponte, unanimement et
immédiatement reconnu en M. X, entendait faire
la loi et que sa loi ressemblait étrangement à
celle des patrons. Par la suite, dans des dis-
cussions avec d'autres ouvriers, il est apparu
que la majorité d'entre eux étaient confiants
dans le syndicat, bien qu'ils s'accordent eux
aussi sur le fait que les délégués ne valent rien.
D'autres enfin regardaient d'un œil méfiant la
lutte que nous avions entreprise, parce qu'ils
ne connaissaient pas la position du syndicat.
La plupart s'étonnaient de l'inactivité de la
C.G.T., alors que son rôle, sa raison d'être, c'est
de défendre les intérêts des travailleurs.
Paradoxalement, malgré les critiques sur les
délégués, incapables, inactifs, méprisant la mas-
se des travailleurs, coupés d'elle, voire xéno-
phobes ou même complices du patron lors de
certains licenciements, paradoxalement donc,
la nature profonde des délégués bureaucrates,
ne troublent pas, disons ia confiance, la « sym-
pathie » des travailleurs pour leur syndicat, pour
la C.G.T.
En tout cas, il y a quelque chose de sûr : la
question de savoir s'il faut rejoindre le syndicat
C.F.D.T. n'est même pas effleuré (bien qu'il
vienne de remporter un siège sur la C.G.T. aux
élections des délégués d'usine). En effet, il y
a des choses qu'on ne fait pas impunément et
la C.F.D.T. n'a pas toujours l'esprit subtil. Un
exemple. Toute sa ligne traditionnelle de col-
laboration de classe se révèle lorsqu'elle reven-
dique des ventilateurs dans les entrepôts pour
!3 bien-être des travailleurs, mais aussi pour
que les stocks ne soient pas poussiéreux pour
l'exportation... Autre anecdote. La C.G.T. reven-
dique depuis quatre mois sans succès l'arrêt
des cars devant la porte de l'usine et non cent
mètres plus ioin (!) ; la C.F.D.T., un beau jour,
se décide à lancer la même revendication... Le
lendemain, le patron l'accorde... la liaison se
fait tout de suite dans l'esprit des travailleurs :
C.F.D.T. = main dans la main avec les patrons,
ce qui renforce en retour (et ceci, malgré l'atti-
tude du bonze C.G.T. pourrait-on dire) l'idée :
C.G.T. = syndicat dur, syndicat de luttes de
classes... Ici comme dans d'autres usines, on
entend : « La C.G.T., c'est 36 ».
Au terme des discussions, il est apparu que
ce n'était pas la C.G.T. qu'il fallait détruire, que
c'était plutôt les bonzes syndicaux dont il fallait
la débarrasser. Le syndicat C.G.T. n'était pas
pour nous une organisation de trahison de la
classe ouvrière, comme ça, sous prétexte que
grenouillaient en son sein un petit nombre de
bureaucrates vendus aux patrons.
Qui d'autre part devait éliminer ces délégués
sinon les ouvriers eux mêmes, militants ou
adhérents à la C.G.T.? Comment mener à bien
cette action sinon en entrant dans ie syndicat,
en contactant des adhérents de la C.G.T. et
en s'organisant petit à petit afin que la C.G.T.
mène dans i usine une véritable lutta de classe
et abi.i'e sur son passage tout ce qui ferait
obstruction à cette lutte ?
Nous avons donc décidé de rentrer dans le
syndicat en essayant d'y entraîner le maximum
d'ouvriers ; ce qui ne fut pas difficile après les
expiications que nous donnions. Certains tra-
vailleurs qui avaient déchiré leur carte la re-
prirent !..
Un travail à la base très long et difficile aliait
commencer au sein de la C.G.T. de no':re usine...
notre lutte avait fait naître quelques espoirs chez
les travailleurs... les délégués commencent dé-
jà à être débordés de partout...
14
Les contremaîtres et la C.G.T,
L'article de « Servir le Peuple » n° 16, « Les Contremaîtres et la C.G.T. » a suscité de vives discussions. Beau-
coup de camarades syndicalistes ont critiqué le caractère unilatéral de l'article qui passe sous silence la possibilité
de neutraliser les contremaîtres par une action unie des ouvriers. Aussi << Servir le Peuple » ouvre-t-il une tribune pour
que se poursuive l'échange d'expériences et d'idées sur cette question.
A propos de deux articles parus dans « Servir le Peuple » 16 et 17 au
sujet des contremaîtres je voudrais apporter quelques exemples de mon
usine. Je crains que l'article du n° 17 n'apporte quelque confusion : les
délégués C.G.T. devenus contremaîtres sont-ils simplement des militants
découragés par la politique confédérale et qui laissent tout tomber ?
En dehors du fait que leur passage à l'ennemi s'est accompagné d'une
baisse de confiance des ouvriers dans le syndicat et d'un affaiblissement de
celui-ci, quelle est l'attitude de ces agents de « surveillance » face au syndicat
et dans le syndicat ?
Dans mon usine aussi la plupart des contremaîtres et des chefs d'équipe
sont d'anciens délégués C.G.T. Deux exemples récents peuvent donner une
idée de leurs attitudes différentes face au syndicat et aux revendications
des ouvriers.
Tout d'abord le cas de cet ancien délégué C.G.T., passé chef d'équipe
et sans doute désireux de gravir rapidement des échelons.
Il ne rate pas une occasion de provoquer les délégués C.G.T. Par
exemple récemment, s'en prenant à un délégué particulièrement actif et
donc gênant, il l'insulte grossièrement en plein travail, espérant que le
délégué excédé lui enverra son poing dans la figure ou pour le moins répli-
quera vertement. Le règlement intérieur fort bien étudié stipule que les
injures d'un inférieur à un supérieur sont un motif de renvoi immédiat ; en
sens inverse rien n'est prévu, bien sûr, et notre délégué qui a réussi à garder
son sang-froid, traîne le provocateur devant un tribunal. Quand le syndicat
demande à la direction quelles sanctions elle a prises à l'égard de l'individu,
la direction répond qu'il s'agit là d'un incident personnel regrettable, provo-
qué par des motivations caractérielles et qu'il convient de ne pas y donner
suite !
Bien sûr tous les autres chefs d'équipe et contremaîtres passés dans le
camp du patron ne sont pas des roquets aussi bien dressés et chouchoutés par
le patron.
Certains ont même gardé leur carte C.G.T. et paient régulièrement leurs
timbres, font assaut de bienveillance paternelle à l'égard de leurs ouvriers,
écoutant d'une oreille bonasse les mini-revendications quotidiennes dans la
mesure où celles-ci ne gênent pas le patron. Les bons chefs quoi !
Mais dès qu'une revendication gênante les met au pied du mur on les voit
faire assaut d'ingéniosité pour servir le patron.
Par exemple dans une autre équipe, un ouvrier propose une modification
d'horaires qui permettra aux ouvriers d'avoir leur samedi soir de libre.
Acceptée par la majorité des ouvriers enthousiastes, cette revendication est
portée au chef d'équipe pour la proposer à la direction.
Que fit notre bonhomme : bien sûr il affirma être d'accord avec la
proposition et accepter d'en être le porte-parole. Cependant il fallait procéder
selon les règles et il allait demander à chaque ouvrier mécontent des horaires
actuels, de donner son nom et porter la liste au chef du personnel ; il fallait
bien entendu, insistait-il que chacun prenne ses responsabilités. Bien en-
tendu, présentée sous cet angle, l'affaire prenait une autre tournure et la
plupart se dégonflèrent, espérant que la liste passerait sans qu'ils aient à
se mettre dans le collimateur de la direction. De sorte qu'après son petit
tour, le chef d'équipe souriant va annoncer que malheureusement, la majorité
des ouvriers ne se prononçaient plus pour le changement. Ceux qui n'étaient
pas contents n'avaient qu'à s'en prendre à ceux qui venaient de tourner leur
veste.
Des exemples de ce type peuvent être multipliés à l'infini et personne
ne se fait d'illusion sur le rôle des contremaîtres, chefs d'équipe, contrô-
leurs et autres chiens de garde du patron.
Il suffit d'ailleurs de se rappeler ce qu'en dit Marx sur la nécessité
pour le capitaliste de ce type de salariés :
« Quand son capital grandit et avec lui la force collective qu'il exploite,
le capitaliste se démet de son travail de surveillance immédiate et assidue
des ouvriers et des groupes d'ouvriers et la transfère à une espèce particu-
lière de salariés. Dès qu'il se trouve à la tête d'une armée industrielle il lui
faut des officiers supérieurs (directeurs, gérants) et des officiers inférieurs
(surveillants, inspecteurs, contremaîtres) qui durant le procès de travail
commandent au nom du capital. Ce travail de surveillance devient leur
fonction exclusive. »
Le Capital, livre I, tome II
Pour ceux que les révisionnistes appellent les cadres et se flattent
d'attirer de plus en plus à eux le problème est donc clair : ce sont des flics du
patron et payés en temps que tels.
Le problème se complique quand il s'agit d'ouvriers, travaillant à la pro-
duction et exerçant une fonction de surveillance, les chefs d'équipe en
particulier.
Il est clair qu'il s'agit de les convaincre, de leur faire prendre conscience
de leur communauté d'intérêt avec les ouvriers. Ils ne sont pour la plupart
guère plus payés que leurs camarades de travail.
Mais il ne faut d'une part se faire aucune illusion quand à leur attitude
dans les luttes dures, d'autre part tenir le plus grand compte de leur tendance
à la collaboration avec le patron quand bien même ils sont syndiqués.
Lors de la plupart des grèves et débrayages, et les deux articles de
S.L.P. le confirment, on les cherche vainement dans les rangs des ouvriers
résolus.
Certes la force de tous les ouvriers unis peut les neutraliser et même les
entraîner dans le raz de marée d'une lutte formidable comme c'est le cas
à Redon (où l'article de S.L.P. mentionne que les contremaîtres ont fait
grève.
Certes, ces chatons de papier ne peuvent rien face à la force des ouvriers
unis qui peut non seulement les neutraliser mais balayer les patrons et ses
agents
Mais les situations ne sont pas toujours aussi claires et l'action de
division et de collaboration de classes qu'ils peuvent avoir doit être à l'esprit
de chacun. De par leur situation même au service du capitaliste, ils sont
des partisans de la parlotte, des pétitions, des discussions avec le patron,
de la collaboration de classe. Ils sont bien plus à l'aise dans les syndicats
de collaboration que dans les syndicats de lutte de classe (combien de
syndicats F.O. créés par les contremaîtres contre la C.G.T.).
L'enthousiasme avec lequel la confédération se félicite que ces « cadres »
rallient la C.G.T. n'est pas pour nous surprendre. Où trouvera-t-elle meil-
leure oreille pour écouter ces conseils de prudence, de mise en garde
contre les grèves dures, de bavardages amicaux avec le patron.
Ainsi dans cette usine voisine où les ouvriers sont en train de construire
un syndicat C.G.T., le contremaître, sur ordre du patron crée un syndicat
F.O. et incite vivement les ouvriers à s'y rallier (par tous les moyens,
chantage compris). Les ouvriers proposent de diffuser un tract dénonçant
F.O. et sa politique de collaboration. Proposition repoussée avec horreur par
le bonze local : « la F.O. ne nous a pas attaqué, on ne doit pas attaquer
F.O. ! ». Il ne pouvait être question bien entendu de se mettre en mauvais
termes avec l'autre syndicat avec qui on devrait sans doute s'entendre pour
une action unitaire ultérieure... (pour discuter aimablement avec le patron).
Les syndicats de luttes doivent donc compter avant tout sur la force
des ouvriers soit pour isoler et neutraliser les contremaîtres, soit pour les
entraîner dans le torrent de la lutte, soit le plus souvent de battre en
brèche les tentatives de division et la politique de collaboration menée par
des éléments militants dans le syndicat.
BULLETIN DE DEMANDE D'ADHESION
L'Union des Jeunesses Communistes (marxiste - léniniste)
demande à tous ceux qui approuvent son action et veulent partici-
per activement à la lutte marxiste - léniniste qu'elle poursuit, de
remplir cette demande d'adhésion et de l'envoyer à l'adresse suivante
ou de la transmettre à un militant connu de vous :
Nom
Prénom
Adresse
Profession
Lieu de travail
Age
Expédier ce bulletin à P. LECOURT - CHENOT
106, rue de la Glacièie - Paris-XIII»
15
SYNDICALISME
pwiétcvden
Le travail d'un syndicaliste prolétarien
dans la C.G.T. : Leçons d'expériences
fi)
AUCRATIE
LUTTE
SYNDICALE
CLASSE
A un moment où il est de première importance
pour le syndicalisme de se développer, pour mener
des luttes toujours plus fermes contre le capitalisme
et son pouvoir, il est vital pour les militants syndicaux
de savoir correctement orienter leur action, pour
réussir à entraîner la classe ouvrière dans des mou-
vements de masse allant en s'amplifiant, seuls ca-
pables d'imposer la volonté des travailleurs.
Mise à part la lutte contre l'ennemi de classe, le
capital et ses alliés, il est nécessaire au syndicaliste
prolétarien d'élargir son point de vue et de faire une
analyse sérieuse de certains mots d'ordre et positions
prises à l'échelon hiérarchique syndical, pour s'aper-
cevoir qu'il y a un autre mal à combattre dans le
sein même de l'organisation C.G.T. Lorsque l'on
\eut bien y regarder de près, l'on s'aperçoit qu'une
« bureaucratie » réformiste, et souvent combinarde
s'est infiltrée dans la C.G.T. On s'en rend compte au
travers de beaucoup de mots d'ordres nationaux,
dictés manifestement par un esprit opportuniste, qui
visent à orienter les travailleurs dans une ligne qui
ne correspond pas à leurs véritables intérêts ; la
lutte des classes n'y est plus qu'une phraséologie
vidée de sa substance prolétarienne conditionnée par
cet esprit dit « unitaire » et d' « union » avec des
dirigeants d'autres centrales et de partis politiques
dont l'attitude envers la C.G.T. semble avoir été
plutôt contradictoire.
L'unité et l'union de dirigeants au sommet « en-
goncés » dans leurs bureaux ne peuvent pas répondre
aux aspirations légitimes des travailleurs français.
Elle s'accompagne d'une division à la base : la classe
ouvrière est divisée en « catégories » avec de soi-
disant problèmes particuliers ; n'est pas en fait une
séparation et une orientation vers un morcellement
des forces ouvrières !
En s'orientant essentiellement vers des revendica-
tions « matérielles », les principes fondamentaux de
la véritable lutte des classes sont abandonnés.
La publicité capitaliste largement propagée dans
la presse confédérale, l'orientation des luttes vers des
mouvements limités (calmes » et « dignes »), la re-
cherche à tout prix du dialogue avec le patronat (et
j'en passe !) : tous ces éléments doivent donner à
réfléchir aux syndicalistes prolétariens C.G.T. qui, au
coude à coude avec leurs camarades de travail, luttent
à longueur d'années contre l'exploitation capitaliste,
son arbitraire et ses valets, pour leur disparition.
Lorsque l'on fait l'analyse de la situation « réelle »,
en comparaison avec celle faite par nos bureaucrates,
l'on se rend compte que le travail est non seulement
mal orienté, mais également que les décisions sont
prises à contre-pied de la réalité (ne clameront-ils
pas qu'il y a eu « bataille » pour défendre la Sécurité
Sociale, alors que nous sentons qu'il ne s'est pratique-
ment rien fait ; ne clament-ils pas que l'Unité pro-
gresse alors qu'il y a mille difficultés et souvent im-
possibilité à la réaliser !).
Nos dirigeants ont abandonné leur « esprit de
classe » ; mais tous, ne devront pas l'abandonner.
Nous devons y rester accrocher avec toute notre
force de prolétaire en essayant de convaincre nos
camarades que la partie dirigeante de la C.G.T. ne
fait de la « lutte des classes » que derrière les bu-
reaux et se contente de distiller la bonne parole,
posant pour la presse, formant des cartels de défense
et des délégations, ignorant bien souvent les pro-
blèmes de fond des travailleurs et ne se déplaçant
que pour essayer de les empêcher de déclencher une
grève dure en prêchant des conseils de prudence et
de modération (pour ne pas réduire le nombre de
cartes).
Leurs propos illusoires et leurs solutions irréalistes
sonnent bien aux oreilles, mais font long feu dans la
pratique.
Les exemples partis du sommet se sont malheu-
reusement multipliés au niveau des U.D. et des U.L.
et nos camarades permanents à tous les échelons,
sont devenus des « porte-serviettes » et des « admi-
nistratifs », plus axés sur les rentrées de timbres,
tombolas, statistiques de vente de la V.O., etc... ; ils
préfèrent les parlottes avec les dirigeants syndicaux
ou politiques et même les entretiens avec des préfets,
députés ou autres, au travail d'implantation de syn-
dicats dans les entreprises inorganisées, qu'ils laissent
aux militants de base.
Ils se font ainsi de plus en plus les fidèles serviteurs
de la ligne qui consiste à freiner les luttes pour favo-
riser le dialogue avec les socialistes. Heureusement,
à la base, il y a des syndicalistes prolétariens qui
veulent se battre, qui mènent leur activité en fonction
d'une ligne de masse.
Seul leur travail permettra d'entraîner la majorité
des travailleurs dans de puissantes actions. Cet article
a pour but de décrire une expérience et les leçons
qu'elle a suscitées.
Rester lié à la majorité des travailleurs,
appliquer la ligne de masse
II est nécessaire de gagner la confiance des travail-
leurs ; pour cela, nous devons avant tout bien les
comprendre, être lié à eux, partager leurs soucis, leurs
peines. Nous devons apprendre à les écouter : les
enseignements que cela nous apporte, ne peuvent
renseignements que cela nous apporte ne peuvent
être trouvés nulle part ailleurs.
La nécessité d'étudier le comportement des indi-
vidus s'impose également pour analyser ceux en qui
l'on peut avoir confiance.
Nous essayons d'éviter de faire des analyses par-
tielles sur les propos d'une minorité, mais de puiser
dans la large masse les idées afin qu'elles puissent
être examinées et analysées.
Pour cela les contacts et discussions directs avec les
travailleurs sont nécessaires.
Si les circonstances ne se prêtent pas à la plus
large réunion, nous devons demander leur avis à tous
les travailleurs, un par un, leur permettre de s'expri-
mer librement, d'exposer les problèmes, critiques et
difficultés éventuelles ; ils sont extrêmement sensibles
à cette marque de confiance qui les rapproche du
syndicat.
Ainsi nous quadrillons l'usine ; nous nous la parta-
geons à plusieurs et faisons de telle sorte que sur un
problème ou une action précise la quasi totalité des
ouvriers puissent donner leur avis. Cette pratique
nous paraît indispensable pour amener le succès des
actions.
La réunion pour décider d'une action n'est la plu-
part du temps pas suffisante : les travailleurs souvent
amenés à voter à main levée ne peuvent pas dire
tout ce qu'ils pensent.
Les contacts directs, au contraire, entraînent la
discussion ; ainsi il arrive qu'on se rende compte
qu'un travailleur ne comprend pas bien telle décision
du syndicat, ou qu'il n'est pas d'accord pour suivre
un mouvement pour des raisons matérielles. Notre
travail peut alors s'exercer dans de meilleures con-
ditions : explications, propagande, aide matérielle,
etc...
Toute notre attention et nos efforts doivent être
orientés vers la discussion avec les travailleurs ; une
large synthèse peut ensuite être faite par les militants,
et partant alors de l'analyse sérieuse d'une situation
donnée, les conditions de succès d'une action sont
remplies. L'idée prise à la masse, correctement analy-
sée, exploitée et adaptée lui est rapportée par notre
système d'information (tracts, panneaux syndicaux,
placards en gros caractère à l'entrée de l'usine, dis-
cussions particulières) qui est lui-même la base de
nouvelles discussions.
Une grande partie des difficultés que l'on peut
rencontrer est ainsi aplanie.
Ce travail de discussions permanentes avec les
ouvriers dans l'usine est pour nous surtout le fait des
délégués du personnel (facilités juridiques) : ils peu-
vent circuler librement dans l'entreprise, les ateliers
et les bureaux. On comprend ainsi la nécessité de
faire en sorte que les délégués du personnel soient
des militants convaincus, sur de fermes positions de
classes, profondément liées à leurs camarades de
travail.
Pour gagner leur confiance nous ne devons jamais
tromper les travailleurs ; nous ne devons rien faire
de ce qui touche les travailleurs en cachette. Nous
devons leur faire part des difficultés surmontées, des
échecs autant que des succès. Nous devons rendre
compte avec fermeté et modestie, en apportant des
explications claires, des refus patronaux et des argu-
ments de la direction. Il faut constamment, à propos
de chaque événement nouveau, réexpliquer que le
patron est un ennemi de classe et la nécessité de la
lutte.
Notre activité étant menée au grand jour, elle
sera obligatoirement sujette à la critique. Cela ne doit
pas nous rebuter dans notre tâche, au contraire. Nous
devons rechercher des explications auprès de ceux
qui les ont formulées, et si des critiques sont fondées,
alors nous ne devrons pas hésiter à les reconnaître
publiquement.
Si elles ne sont pas fondées nous nous explique-
rons loyalement. Il est très important que nous assi-
milions cette pratique qui nous oblige à tenir compte
de la moindre de nos erreurs, mais qui renforce
notre audience auprès des plus larges masses. Cette
pratique de la critique est également extrêmement
souhaitable au cours des réunions de syndicat et
nous devons l'appliquer avec fermeté sur tous les
problèmes, même si un « porte-serviette » permanent
est présent à notre réunion.
Il est évident que pour mener cette ligne de
masse, nous devons être très attentif à notre propa-
gande, nous devons au travers de notre liaison étroite
avec les travailleurs faire ce travail avec le maximum
de succès. Aucune concession ne doit être faite sur la
propagande de fond.
La lutte de classes doit être à la pointe de notre
propagande et ceci est fondamental pour l'avenir
de la C.G.T.
Aucun argument ne devra être négligé : sur la
dénonciation des manœuvres patronales, les licencie-
ments, sanctions, etc...
Le programme revendicatif du syndicat sera popu-
larisé, l'activité des institutions (délégués du per-
sonnel, Comité d'Entreprise) devra être connue de
tous.
Tout cela fait partie de la ligne de masse qu'il
est nécessaire de mener pour chasser de l'esprit de
ceux qui y croient encore les idées réformistes de
la direction confédérale.
Dans le prochain numéro, la 2e partie traitera
des tâches d'organisation dans le syndicat et des
relations entre le syndicaliste prolétarien et la poli-
tique.
16
SYNDICALISME
COMMISSIONS PA
PATRONS o
L'ÉLÉMENT DÉTERMINANT C'EST TOUJOURS LA LUTTE DES OUVRIERS
Réflexions d'un militant dans une réunion syndi-
cale d'un organisme collectif départemental du
Bâtiment, à la suite d'une circulaire fédérale qui par-
lait de négociations avec le Patronat.
« On ne négocie pas avec le patronat, on discute. »
On discute, mais dans un rapport de forces. Il
ne s'agit pas d'un marchandage, ce qu'impliqué le mot
« négociation ». Au contraire, il s'agit d'amener le
patronat à capituler en tout ou partie sur telle ou
telle revendication, ce qui n'a rien à voir avec le
mot d'ordre des confédérations syndicales <f « ou-
verture des négociations avec le patronat ou le gou-
vernement. •»
On ne se bat pas pour discuter. On se bat pour
faire aboutir les luttes, pour obtenir ce que l'on veut.
Certes, à un moment donné du développement des
luttes surviennent les discussions. Chaque adver-
saire s'arrête alors momentanément sur les positions
conquises ou perdues au cours de la lutte. La dis-
cussion alors exprime les rapports de forces en pré-
sence. Si la combativité des ouvriers est grande, le
patronat voudra à nouveau discuter pour tenter de
sauvegarder au maximum son profit. Mais alors, à
chaque nouvelle discussion il devra lâcher davan-
tage.
Prenons plusieurs cas à un moment donné du dé-
veloppement des luttes où surviennent les négocia-
tions.
Des salaires minima sont établis généralement par
professions sur un plan départemental ou national,
assortis d'une échelle hiérarchique.
Pour ne pas perdre trop la face, pour se montrer
« social », pour parer à l'attaque ouvrière, le gou-
vernement et le patronat lâchent du lest de temps à
autre pour relever ces salaires minima. Le relèvement
de ces salaires minima permet en outre au patronat,
tel celui du bâtiment, de relever des prix homolo-
gués (1).
Le.
U
fo. lofre kéraic
D'où cette tendance du patron à revoir ces salaires
minima, tous les ans en général, mais l'augmentation
ne dépasse pas dans la majeure partie des cas 4 %.
Dans le cadre de réunions paritaires « pour la
forme » les représentants ouvriers n'ont qu'à enté-
riner ; au mieux ils peuvent arracher quelques con-
cessions supplémentaires de la part du patronat.
Le danger pour la classe ouvrière et ses syndicats
est alors de s'endormir dans la routine, d'attendre
cette réunion annuelle. Souvent dans le bâtiment, elle
se fait à l'approche du printemps pour freiner la
volonté de lutte des travailleurs au sortir des « intem-
péries ».
£ . C'er-cur po-<, U pei'ne
\a. cvéve !•-.
Beaucoup d'ouvriers en arrivent à penser que cette
augmentation leur est donnée par le gouvernement et
le patronat. Si les représentants syndicaux la refusent
parce qu'insuffisante, ces ouvriers se retournent contre
leurs représentants en disant « mieux vaut ça que
rien ».
Et on en arrive au jour où le patronat diminue
l'augmentation annuelle traditionnelle (2) ou la par-
tage au cours de l'année, ou la retarde, voir la
supprime.
Cependant des luttes, des grèves de 24 heures ou
moins disséminées au cours de l'année ont pu avoir
lieu.
Suivant ce thermomètre, le patronat pourra lâcher
un peu plus, par exemple supprimer telle zone
d'abattement (3) ce qui n'est pas négligeable, revoir
telle ou telle clause de convention collective. On
arrive là à la même question de rapport de forces.
La discussion peut être le début d'une lutte. Si
sur l'avis des travailleurs, les représentants posent par
exemple « X Francs d'augmentation » — pas de
salaires inférieurs à 600 F. par mois quelle que soit
la durée de travail — des mesures contre les licen-
ciements — et que le patronat ne propose qu'une
aumône, cela peut être un sujet d'agitation pour une
lutte réelle ne prenant l'aumône patronale que comme
acompte.
La discussion dans une lutte réelle porte d'autres
fruits. La lutte réelle existe sous diverses formes,
qui se complètent. Il y a le harcèlement continu dans
l'entreprise, les mouvements conjugués, les mani-
festations, les grèves limitées ou illimitées quand les
conditions dans l'entreprise ou à un échelon plus
vaste en sont réunies, appui massif des travailleurs
le jour des discussions.
Il ne s'agit plus de grèves de 24 heures ordonnées
de temps à autre comme une « soupape de sûreté »
mais d'une volonté de lutte continuelle et de l'adapta-
tion de l'organisation syndicale à cet effet.
La « réunion » paritaire ne devient plus alors tra-
ditionnelle mais occasionnelle. Les patrons la re-
tardent pour tenter de fléchir la lutte, comptant sur
la lassitude ouvrière pour donner moins. Ils finiront
par capituler sous une forme ou une autre, en tout
ou partie.
S'il s'agit d'une capitulation « en partie » il ne
faut pas perdre les pédales et s'en remettre à de
vagues promesses.
Arrêter une lutte sur de faibles avantages assortis
de promesses pour dans X temps est une trahison.
Il s'agit de voir en quoi la capitulation patronale
est acceptable, il ne s'agit pas de négocier pour
arrêter une grève.
De toute façon ce sont les travailleurs en lutte
qui doivent décider s'ils acceptent ou non, sans
esprit de capitulation de la part de leurs représen-
tants.
La discussion dans la lutte prend un autre aspect
que les discussions traditionnelles, où l'on ressasse des
chiffres sur l'augmentation du « coût de la vie », des
bénéfices patronaux, de la productivité. Ces chiffres,
même s'ils les contestent, les patrons les connaissent.
Quand bien même les augmentations de salaires dé-
passeraient celle du « coût de la vie » ce serait nor-
mal. Pour qui devons-nous fabriquer, construire,
bâtir ? N'a-t-on pas le droit à toujours mieux vivre ?
Les patrons ont ce droit, pourquoi pas nous ? Les
revendications ne doivent pas se soumettre au simple
« coût de la vie ».
CéT
g di/i a ecl&\e /«-tac .?
n'ai ao 5t> lu m en r pa_<, /^
l~f>xp s
m's*, «ccy/aer.// Eh mf! c/
/e cuir 2t k vie pur /a
vcn par, heure...!]
Connaître tous ces chiffres c'est bien, c'est diffi-
cile. Que des militants s'y penchent c'est bien, mais
avant tout pour les faire connaître aux travailleurs,
pour qu'ils aient une conscience plus précise de leur
exploitation par le patronat.
Il faut que la recherche des chiffres ne détourne
pas les militants, faute de temps, de leur travail
d'organisation syndicale, d'explication, d'agitation à
la base, car le travail à la base dans une lutte perpé-
tuelle est primordial.
Deux lignes syndicales : ou bien on s'endort dans
la routine des réunions paritaires traditionnelles, on
craint les mouvements de lutte réels, la masse ou-
vrière en colère, on freine délibérément ces mouve-
ments, on les arrête sur des détails, on offre à la
classe ouvrière des « soupapes de sécurité » de temps
à autre pour dire qu'on agit, des « barouds d'hon-
neur ».
— Ou bien on s'appuie résolument sur la classe
ouvrière, on mène le combat avec elle, c'est elle qui
mène le combat et pour cela on fait un réel travail
à la base, non pour la tromper et l'amener sur des
points de vue révisionnistes, mais pour la servir et
arracher ce qu'elle veut et non des aumônes.
17
ITAIRES : CAPITULATION DES
des SYNDICALISTES ?
PHflBPES DE P1RWI1IIII (ES SVIKUISIES FIOLETIIIIHIS 111 CUKSIK PtUES
Dans quelles
commissions aller ?
« Partout où on discute du sort des travailleurs,
la C.G.T. doit être présente. »
Partant de ce principe c'est la participation à de
multiples commissions « paritaires » patrons-ouvriers
ou plus larges encore englobant parfois les représen-
tants du gouvernement et d'autres éléments bour-
geois.
Il ne s'agit pas pour nous de rejeter ces commis-
sions en bloc. Il s'agit de voir si elles sont utiles ou
pas à la classe ouvrière ; de savoir si l'on y discute
réellement du sort des travailleurs, si ceux-ci en tirent
avantage.
Il s'agit de savoir si les travailleurs peuvent y faire
pression.
Si ces commissions ne sont pas des leurres des-
tinés à faire croire aux travailleurs qu'on s'occupe
d'eux.
Si ce ne sont pas des commissions à arranger la
source patronale, un arrangement entre les patrons
pour se répartir les travaux, des profits, des avan-
tages auréolés d'une benne conscience, d'un « esprit
social » par la caution de la présence des syndicats.
« Partout où se discute le sort des travailleurs »
c'est vague.
Le critère serait plutôt : savoir si la discussion est
utile.
Evidemment quand il s'agit de la C.F.T.C. ou de
F.O. on comprend fort bien leur participation à ces
commissions. C'est bien dans la ligne de collaboration
de classe. Et puis dans maints endroits ces « syndicats
jaunes » ne représentent rien, n'ont aucune base par-
mi les travailleurs, ça permet d'exister, de faire croire
qu'on existe, de se faire croire à soi-même que
l'on est quelque chose d'utile.
C'est la même chose, quoique de manière plus
nuancée, pour la C.F.D.T. En tout cas pour elle ça
cadre bien avec la politique bourgeoise dite de
gauche. Quand on est si bien avec la F.G.D.S.... ça
préfigure l'avenir « social ». Un bel avenir socialiste...
en régime capitaliste.
Que ces confédérations jaunes ou rosés participent
à toutes ces discussions ça se comprend. Un salon
préfectoral, c'est plus confortable que la lutte des
classes. Alors laissons-les de côté.
Ce qui nous intéresse, c'est la position de notre
confédération la C.G.T. Ce qui nous intéresse c'est
le sort des travailleurs, leur lutte sous toutes les
formes utiles à leur libération.
Rares sont ceux qui croient à l'utilité des com-
missions nationales, genre « commission Toutée ».
La C.G.T. a démontré que c'était un leurre pour
les travailleurs. Alors qu'est-ce qu'elle y fait par sa
présence ? On y croit ou on y croit pas ! Si c'est
pour arracher un petit 0,5 % de plus, autant em-
ployer son temps à autre chose de plus mobilisateur.
Ça arrachera plus que les bavardages avec les repré-
sentants du gouvernement bourgeois, ou les tracta-
tions avec les confédérations jaunes pour être
« unis », une unité de pontes inutiles.
Avec l'institution des régions et de leur super-
préfet, il y a ces commissions régionales où l'on
discute d'aménagement économique, d'installations
industrielles ou pas. Agents préfectoraux, patrons,
bourgeois y sont en majorité et ça discute.
Des petits arrangements de répartition capitaliste
du gâteau à l'échelon régional, ou bien un rapport
du super-préfet et de ses techniciens pour dire que
tout va bien.
Certains peuvent gueuler. Certains patrons des dé-
partements les plus pauvres se trouvent lésés face à
la part de gâteau donnée aux patrons des départe-
ments les plus riches. Bel aménagement du territoire.
Et nos pauvres représentants C.G.T. qu'y seront-
ils ? Ils joindront leurs voix à ces « pauvres patrons »
de leur département ?
Est-ce là que se résoudra le chômage ? En tombant
dans le régionalisme ? Ce n'est pas en gueulant « pas
de désert Nivernais » par exemple que ça résoudra
la question. Ça fera peut-être plaisir à Mitterrand et
c'est tout. Le super-préfet a les ordres du gouverne-
ment capitaliste, c'est cela qui ressortira des commis-
sions régionales, les « décisions » prises ce sera selon
ses ordres.
La présence des Unions Départementales ou Ré-
gionales dans ces commissions n'est encore qu'un
leurre, un paravent, une apparence de démocratie.
Si c'est pour avoir des renseignements on peut
les avoir ailleurs.
Restons sur le plan régional.
Il y a les « comités techniques de sécurité » de
la Sécurité Sociale. Leur existence n'a pas réduit le
nombre d'ouvriers tués au travail dans le Bâtiment
(en moyenne plus de 3 morts par jour pour la
France). Il y a insuffisance du nombre des contrô-
leurs à la Sécurité, ils ont peu de pouvoir et font
de simples recommandations. Les réunions régionales
ne sont que des arrangements pour le profit des
patrons : octroi de telle ou telle diminution des
cotisations, un peu comme on distribue la Légion
d'Honneur.
Et nos militants sont là à discuter pour savoir
si tel ou tel petit patron doit avoir un prêt pour
acheter du matériel de sécurité. Certes les gros
patrons cherchent à contrecarrer les petits. Mais la
C.G.T. n'existe pas pour défendre les petits patrons.
On s'amusera aussi à faire des « concours de
sécurité ». Un autre organisme « s'occupe » des com-
missions de sécurité, l'O.P.P.B.T.P. (office pour la
protection et la prévention dans le bâtiment et les
travaux publics). Cet organisme paritaire régional est
sous la coupe de fait des patrons du bâtiment.
Cet organisme donne certes de la documentation
utile en ce qui concerne la sécurité dans le Bâtiment.
Mais dans sa revue même, ses causeries, ses rencon-
tres avec militants syndicaux, son esprit premier est
de dégager la responsabilité patronale, de promouvoir
des « préposés à la sécurité » parmi les ouvriers, de
manière à ce qu'en cas d'accident la responsabilité
puisse retomber sur ces « préposés à la sécurité »,
préposés sans pouvoirs auprès de patrons. Dans la
revue de l'O.P.P.B.T.P. les positions syndicales seront
présentées sous un faux jour, sans explication.
Les commissions paritaires :
un moyen pour le travail
syndical à la base
Des délégués régionaux permanents à la sécurité
sont choisis par l'O.P.P.B.T.P., notamment parmi les
organisations syndicales ouvrières. Là aussi nombre
réduit : dans une région : 3 pour 8 départements.
Là aussi aucun pouvoir de coercition envers les pa-
trons du petit nombre de chantiers visités.
Malgré tout, ces visites de chantiers par ces
délégués de l'O.P.P.B.T.P., comme ceux du Comité
Technique de Sécurité, pourrait avoir une utilité si
ceux-ci prenaient contact avec les travailleurs, discu-
taient avec eux, les appelaient à lutter pour leur sé-
curité et leur hygiène. Car leur sécurité et hygiène
ne vont pas sans lutte dès qu'elles mettent en jeu
le rendement, les bénéfices patronaux. Cela leur est-il
possible dans le cadre de leur organisme patronné
par les patrons ?
Nombre de contrôleurs insuffisants, donc visites de
chantiers réduites.
Pouvoir limité des contrôleurs, manque de prise
de contact avec les travailleurs.
Paperasserie.
Et les patrons veillent à ce que ces délégués ne
débordent pas du cadre assigné, c'est-à-dire :
O.P.P.B.T.P., couverture de bonne conscience pa-
tronale au point de vue sécurité : Ainsi quand il
s'agit d'exposer aux travailleurs ou à leurs organisa-
tions syndicales des « problèmes » concernant la
sécurité, le délégué régional C.G.T. ne se trouve pas
seul. 11 y a avec lui l'homme bien en main du patro-
nat régional.
On l'a vu sur notre chantier dans une telle réunion.
Devant les travailleurs rassemblée nous avons posé
les problèmes tels qu'ils étaient, c'est-à-dire à la
base, critiquant les solutions « données » par
l'O.P.P.B.T.P.
Nous avons réclamé des Comités d'Hygiène et de
Sécurité, à la base dans les entreprises, malgré les
imperfections de ceux-ci, Comités auxquels s'oppo-
sent de toutes ses forces l'O.P.P.B.T.P. Tandis que
le délégué régional C.G.T. se taisait, le délégué
patronal eut vite fait de lever la réunion tout en
remerciant les patrons d'avoir accordé 1/2 heure sur
le temps de travail pour cette réunion.
Ce même délégué patronal au cours de cette réu-
nion avait plaint la Sécurité Sociale qui manquait
d'argent (sans dire pourquoi !) et annoncé qu'en cas
d'accident, un ouvrier pouvait voir se retirer ses
prestations au titre « accident du travail » si « on » le
jugeait responsable.
La Fédération Nationale C.G.T. du Bâtiment et
T.P. critique d'ailleurs toute cette conception de
l'O.P.P.B.T.P. et juge que rien de positif n'y est
fait.
Alors importe-t-il d'y laisser ses représentants
sans pouvoir qui en fin de compte par leur présence
cautionnent le jeu patronal ?
Passons à un plan départemental. Il y a sous
l'égide de la préfecture des commissions départe-
mentales de conciliation appelées à régler des litiges
collectifs entre patrons et ouvriers, sur les salaires.
Une union syndicale ouvrière n'aura pas réussi à
arracher une augmentation, ou bien les patrons au-
ront accordé moins que l'augmentation traditionnelle.
L'union syndicale ouvrière peut toujours faire appel
à cette commission. La commission entendra les
deux parties successivement et proposera un petit
arrangement. Les membres des syndicats jaunes iront
de leur petit laïus pour voir ce qui est raisonnable.
Si on s'accorde, ce sera 0,5 % ou 1 % de plus que
ce que proposent les patrons. Dans ce cas là, il
n'y a pas besoin de cette commission. Tout au plus
elle ne sera qu'une petite arme de plus.
Sans pression des masses, les patrons auront de
toute façon gagné : ils auront l'air d'avoir fait une
concession mais auront accordé bien moins que ce
que voulaient les travailleurs.
mite page 18
(J) II s'agit de certains prix de construction^ prix
maxima, mais où entre dans le calcul les salaires
minima. D'où le désir de certains patrons d'aligner
les salaires minima sur les salaires réels. Volonté qui
s'affaisse vite, car pas mal de patrons appliquent ces
salaires minima, et pas plus, à leurs ouvriers.
(2) Ainsi cette année dans une région, au lieu des
4 (/<, les patrons du bâtiment proposent une augmen-
tation de seulement 0,04 à 0.09 F de l'heure.
(3) Cela est dans l'intérêt des patrons de la zone
la plus forte du département. Exemple : dans une
région il y avait deux zones : A et B. Les patrons
des principales villes voyaient d'un mauvais œil le
jait que ceux de la zone B payaient moins leurs
ouvriers, et fassent des prix plus bas. La suppression
de la zone B réclamée par la C.G.T. depuis des années
fut donc accordée l'an passé. Ce qui fit des augmen-
tations de 0,30 F de l'heure pour les ouvriers de la
zone B.
18
SYNDICALISME
LA QUESTION DES
CONTRATS COLLECTIFS
MONMOUSSEAU
"Les deux routes du contrat collectif"
Juin 1928
(...) Le contrat collectif est pour la C.G.T.
(réformiste) un mot d'ordre : il est inscrit dans son
programme et son programme est accepté par toutes
les fractions de la bourgeoisie.
La C.G.T.U. en combattant la formule ultra-
collaborationniste de la C.G.T. considère le contrat
collectif comme une sanction du rapport des forces
entre organisations patronales et ouvrières, au cours
de luttes engagées entre patrons et ouvriers.
Lorsqu'au cours d'une lutte sur la base d'une
augmentation de salaires la masse des ouvriers fait
capituler le patronat, peut-on envisager la signature
d'un contrat collectif ? Nous disons oui, mais de
courte durée !
Doit-on faire du contrat collectif un objectif pour
les ouvriers, une base d'agitation, un mobile de lutte ?
Nous disons non !
La première route, celle que prend la C.G.T.U.
conduit à la consolidation des victoires ouvrières et au
renforcement de nos propres forces pour l'organi-
sation de nouvelles batailles.
La deuxième conduit à la passivité, à l'acceptation
des conditions patronales et aux pratiques de la
C.G.T.
La C.G.T. n'aborde la question du contrat col-
lectif que maintenant, c'est-à-dire à l'époque de la
stabilisation monétaire légale et la situation écono-
mique nationale et internationale poussent à l'aggra-
vation des conditions de travail et à l'augmentation
du coût de la vie.
Le patronat est à l'heure actuelle assez disposé à
signer des contrats collectifs, non pas comme sanction
de la victoire des ouvriers, mais avant toute lutte,
sur une base qui lui est favorable et qui lie la masse
des ouvriers à l'accord amiable passé entre lui et
les syndicats C.G.T.
Dans toute la période où le prolétariat était in-
capable de résister aux offensives du patronat contre
les salaires et les conditions de travail, patrons et
chefs réformistes se sont bien gardés de lancer le
mot d'ordre du contrat collectif.
Les salaires ont diminué, le coût de la vie monte,
l'activité industrielle reprend, la combativité des ou-
vriers se développe, c'est l'heure pour patrons et
chefs réformistes, des contrats collectifs qui, après
les pourparlers d'usage, enchaîneront les ouvriers
pour un an ou deux, aux conditions patronales et
garantiront aux patrons la paix industrielle sur la
base d'un prix de revient minimum par surexploita-
tion de la main d'œuvre.
Faire du contrat collectif un mot d'ordre d'agita-
tion et de lutte, un objectif pour les masses ou-
vrières, c'est favoriser la tactique des chefs réfor-
mistes et du patronat.
La route que prennent les réformistes nous devons
la barrer résolument. Mais nous ne sommes pas
contre les contrats collectifs.
La C.G.T.U. est d'avis d'imposer la signature des
contrats au patronat vaincu par les masses ouvrières.
Nous sommes contre les contrats à longue durée et
pour les contrats à courte échéance permettant de
regrouper nos forces, de les préparer aux nouvelles
batailles, de les étendre sur un front de plus en
plus large et posant toujours devant les masses la
question des rapports entre elles et le patronat.
LOSOVSKY :
(Extraits du programme d'action
de l'internationale syndicale rouge)
1922
Pour les syndicats réformistes, le contrat collectif
est un but. Ils cherchent à le conclure pour un long
délai en estimant que le fait même de la conclusion
du contrat est une garantie suffisante à son exécution.
En réalité, il faut considérer les contrats comme
des armistices temporaires. Il faut lutter d'une façon
des plus énergiques contre la surestimation exagérée
des contrats collectifs et les regarder comme une
courte suspension dans la lutte entre le travail et le
capital. Il n'existe dans la lutte sociale aucun exemple
où les patrons se soient arrêtés devant la violation
d'obligations formelles. Dans l'offensive qui se déve-
loppe actuellement partout, nous voyons comment
les patrons parviennent à violer les contrats collectifs,
et seuls les hommes qui n'ont aucune idée de la lutte
de classe peuvent se tranquilliser en pensant qu'un
contrat collectif signé obligera le patron à exécuter
toutes les conditions qu'il renferme. Il est nécessaire
que les ouvriers envisagent le contrat collectif de la
même façon que le patron. Dans son essence, le
contrat collectif est une entente provisoire entre deux
parties ennemies, et, du reste, les deux parties disent
ouvertement qu'au moment favorable elles sont prêtes
à créer un nouveau contrat collectif plus avantageux
que l'ancien. Chaque partie observe le contrat col-
lectif pour autant qu'elle est impuissante à ne pas
l'observer. Est-ce que les contrats collectifs ont été
de quelque secours aux mineurs ou aux ouvriers
du textile anglais ? Non. Chaque fois que la bour-
geoisie a senti la possibilité de faire quelque chose
pour ses intérêts, elle l'a fait en laissant aux juristes
et aux écrivains mercenaires le soin de trouver à ses
actes un fondement légal. Nous voyons la même
chose en Amérique, en France, en Italie, en Alle-
magne, en Tchécoslovaquie, en Suède, etc. La nature
du patron est la même partout. Les patrons ne
sont pas des métaphysiciens, mais de vrais politiciens,
et ils ne sont pas enclins à considérer les contrats
collectifs signés comme des fétiches. Cependant, par-
mi les ouvriers, surtout parmi leurs dirigeants, le
nombre des métaphysiciens est très grand : ils sont
enclins à exagérer la valeur des contrats collectifs en
cherchant dans toutes les circonstances à éviter la
lutte. Du point de vue des réformistes, des contrats
collectifs atténuent les contradictions de classe et
remplacent la lutte de classes. En réalité, cela est
faux, aussi bien théoriquement que pratiquement. Les
contrats de travail sont un produit, un résultat de la
lutte de classe et ne peuvent pas plus remplacer cette
dernière qu'une maison effondrée par suite d'un
tremblement de terre ne peut être assimilée à ce
tremblement de terre.
*-•*•#•
PRINCIPE DE PARTICIPATION DES SYNDICALISTES PROLETARIENS
Donner un jugement sur toutes les commissions
existantes serait trop long. Nous voyons ici les princi-
pales. Pour terminer nous parlerons de deux qui
concernent l'apprentissage à un échelon départemen-
tal et qui semblent avoir plus d'utilité : les sous-
commissions techniques de la « Formation Profes-
sionnelle accélérée ». Là les délégués C.G.T. peuvent
y faire un certain travail pour un apprentissage réel
(quoique limité par les directives ministérielles); pour
de meilleures conditions de travail, de logement, de
nourriture, de loisirs des apprentis de ces centres.
Certains l'ont fait. Ce peut-être une besogne efficace
si ces délégués ouvriers prennent contacts avec les
jeunes de ces centres, les organisent, demandent leurs
besoins et les entraînent sur la voie de la lutte des
classes.
Il y a aussi sur le plan Bâtiment les groupes dé-
partementaux de l'apprentissage, où les représentants
syndicaux ouvriers peuvent pousser à de meilleures
conditions d'apprentissage, s'ils s'appuient, là encore,
sur les travailleurs et les apprentis.
Périodiquement pour la F.P.A., ou les G.D.A., il
y aura des examens de C.A.P. où seront présents les
examinateurs désignés par les organisations ; présence
qui peut être utile, par exemple tel apprenti pourrait
être mal vu par un patron parce que cet apprenti
est présenté par un artisan non membre de la Cham-
bre Patronale.
Mais doit-on se transformer en « prof », juger
que tel ou tel apprenti n'est pas digne de son C.A.P.,
lui donner un handicap dès le départ de sa vie
professionnelle ?
Ou bien voir le problème sous l'angle de la lutte
de classe. Profiter de l'occasion pour expliquer aux
jeunes que les patrons se fichent pas mal de leurs
aspirations à connaître un métier, que l'apprentissage
F.P.A. ou G.D.A. ou en école n'est pas viable, que
pour les patrons et leur gouvernement, il ne s'agit
que de donner des connaissances suffisant juste à
l'emploi à faire, suivant les besoins patronaux, que
la F. P.A. est souvent un moyen de caser des chô-
meurs momentanément... et ensuite qu'ils se dé-
brouillent même s'il n'y a pas de travail.
Et, cela explique, mettre en cause le régime capita-
liste et appeler les jeunes à lutter et à s'organiser
à cet effet.
Quelle conclusion tirer de cet examen ?
— Beaucoup de commissions à l'échelon national
et régional sont inutiles, sont des leurres, finissent
parfois par une collaboration de classe.
— Elles retrouvent souvent ce même caractère à
ISSIONS PARITAIRES
(suite de la page 17)
l'échelon départemental.
— Il ne s'agit pas cependant de les rejeter en
bloc, surtout à un échelon départemental. Certaines
peuvent être utiles.
— La pression de la base, des travailleurs, reste
essentielle. Si telle ou telle commission peut être utile,
c'est dans un contexte de lutte, de contacts perma-
nents des représentants ouvriers avec les travailleurs.
— Les commissions quand elles sont utiles ne sont
qu'un moyen et non un but, le moyen principal reste
la lutte des travailleurs. Elles doivent donc être pré-
sentées aux travailleurs pour ce qu'elles sont et non
une panacée qui doit tout régler.
— Les militants syndicaux doivent être répartis
en nombre suffisant dans ces commissions afin de
ne pas tomber dans « la déformation profession-
nelle », ne pas en faire un tout. Ainsi le militant pré-
posé à une commission de l'apprentissage doit la
considérer comme un moyen de travailler à la
propagande, l'organisation, la mise en lutte des
jeunes et des travailleurs en général. Cela nécessite
un vaste travail des militants. Beaucoup de militants
peuvent être dégagés à cet effet des commissions
inutiles.
— Il faut rompre avec l'esprit de « négociation »
cher à la paix sociale gaulliste ou démocratique.
19
A QUI SERT L'ANTi-COMMUNISME
DE MONSIEUR DESCAMPS ?
L'interview récemment donnée à « Paris-
Match par le secrétaire général de la C.F.D.T.,
sous la bannière, une nouvelle fois brandie, de
l'anti-communisme, a le mérite d'éclairer d'un
jour cru les intérêts des dirigeants de la C.F.
D.T.
Descamps se moque des ouvriers ! Il attaque
la C.G.T., parce que la grande centrale repré-
sente toujours pour des centaines de milliers
d'ouvriers l'affirmation de la doctrine de la lutte
de classes ; le thème : « Indépendance syndi-
cale ! » C'est au même cri « d'indépendance
syndicale que Jouhaux faisait la scission de 47,
indépendance largement arrosée par les dol-
lars de Brown et de la C.I.A. C'était le cri de
guerre contre la C.G.T. des syndicats chrétiens
Ces attaques contre la C.G.T. ? Une manœu-
vre de division ! Descamps répond par là au
tassement de 1 % des voix de la C.F.D.T. aux
élections professionnelles. En effet, nous dit-il,
des adhérents n'ont pas accepté l'alliance avec
la C.G.T. ! Descamps entend donc les rassurer.
Mais ces adhérents ne sont-ils pas précisément
les ouvriers qu'on a dupés, trompés, édu-
qués jour après jour dans un climat d!anti-
cégétisme, à qui on a menti inlassablement sur
la véritable nature de leur syndicat ? Descamps
a beau jeu de se retrancher derrière eux pour
dénoncer la lutte de classe, pour tenter d'ac-
centuer la division ouvrière !
Descamps n'a pas abandonné l'espoir de réa-
liser le rêve le plus cher des patrons. Ce que
veulent les patrons, c'est la division syndicale
en grand. A « Paris-Match » qui lui suggère :
« Si vous vous écartez de la C.G.T., pouvez-vous
faire alliance avec F.O. ? », Descamps répond :
« Vous voulez dire : y aura-t-il un jour une force
d'un million et demi de syndiqués à côté de la
C.G.T. ? Peut-être dans trois ans, cinq ans, dix
ans ! Notre évolution de 1964 était une ouvertu-
re. »
Avec un million et demi de syndiqués qui ne
se battent pas sur des positions de luttes de
classes, la bourgeoisie aurait plus de facilités à
briser les mouvements de masse. Voilà pour-
quoi la C.F.D.T., depuis son ouverture de 1964,
proclame qu'elle n'a pas de doctrine : elle peut
ainsi rassembler plus d'ouvriers. Mais le fond de
l'affaire, c'est ie refus de la doctrine de la lutte
de classe. En dernière analyse, la C.F.D.T., par
son intention déclarée de contrer la C.G.T., sert
les intérêts vitaux du patronat.
Pour contrer la C.G.T., il faut être capable
d'attirer une large fraction de la classe ouvriè-
re : d'où « l'ouverture », la suppression du sigle
Pour approfondir la division ouvrière, dans
certaines entreprises où la C.G.T. est inexis-
tante, le syndicat franchement maison suffit.
Ainsi, à Peugeot-Sochaux, où l'on reçoit pres-
que automatiquement sa carte C.F.D.T. avec
son bleu de travail, la C.F.D.T. est un syndicat
entièrement dévoué au patron, qui fait régner
un climat d'anti-communisme déclaré dans l'en-
treprise. Mais dans d'autres entreprises, en gé-
néral quand la C.G.T. y est majoritaire, mais
que la C.F.D.T. lui oppose une masse d'ouvriers
relativement nombreux, l'arme aujourd'hui pré-
férée de la Confédération est la démagogie, le
débordement de la C.G.T. sur sa « gauche ». Au
niveau confédéral, les positions démagogiques
C.F.T.C., instruments serviles du haut clergé, à
genoux devant le patronat. Au reste, Descamps
lui-même dévoile la supercherie : « Nous pré-
férons « privilégier » nos rapports avec les for-
mations les plus proches de nous comme la
Fédération de la gauche et le P.S.U.» Mais ce
que Descamps ne dit pas, c'est que les subven-
tions et les fonds largement distribués qu'elle
reçoit du Gouvernement du grand capital assu-
rent sa docilité à l'égard de la politique bour-
geoise, que les fauteuils qui lui sont réservés au
Conseil économique et social balaient le mythe
de l'indépendance syndicale ; qu'enfin, la C.F.
D.T. noue des rapports étroits avec le Centre
Démocrate ultra-réactionnaire. Votre leçon d'in-
dépendance syndicale tombe mal, Monsieur
Descamps !
chrétien quand la C.F.T.C., comme F.O., ont
fait faillite. Mais il faut aussi s'en distinguer net-
tement, d'où les accents durs d'anti-communis-
me ; il faut rassurer certains appareils locaux
chrétiens de la Confédération. D'un autre côté,
nombreux sont les militants C.F.D.T. qui veu-
lent effectivement défendre les intérêts des tra-
vailleurs, car il est vrai que la C.F.D.T. est un
syndicat regroupant des masses ouvrières,
qu'elle a réussi à élargir sa base ouvrière. Pour
tous ceux-là, la pratique de l'unité d'action
avec la C.G.T. peut réveiller le désir profond
d'unité syndicale organique. La déclaration de
Descamps vient rappeler à la Confédération ses
traditions les plus réactionnaires : l'anti-com-
munisme.
C'est pourquoi les ouvriers conscients, les
syndicalistes prolétariens dans leurs efforts per-
sévérants d'unité, pour rallier les ouvriers de la
C.F.D.T. à la lutte contre le patron, dénoncent
les dirigeants de la C.F.D.T. comme des divi-
seurs ! Dans les entreprises où existe un puis-
sant syndicat C.G.T. de lutte de classe, grou-
pant la grande majorité des ouvriers, les ou-
vriers C.F.D.T. sont entraînés dans la lutte. Com-
ment s'étonner alors que les recommandations
des pontes des U. L. et des U. D. C.G.T., pour
attendre l'unité au sommet avec les dirigeants
C.F.D.T. soient accueillies avec hostilité par les
travailleurs ? La pratique de l'unité de la Con-
fédération C.G.T. avec les dirigeants de la C.F.
D.T. est purement opportuniste. Elle leur donne
en fait, aux yeux des ouvriers, une caution à
laquelle ils n'ont aucun titre. Les syndicalistes
prolétariens, au contraire, réalisent l'unité avec
les militants C.F.D.T. sur une juste position de
classe : ils forgent et consolident dans l'entre-
prise l'unité de tous les ouvriers pour en faire
l'arme la plus acérée dans le combat contre
le patronat.
coexistent avec ies atermoiements et les re-
tards à l'unité d'action avec la C.G.T.
Son passé, comme le caractère chrétien de
certains de ses syndicats, rendent la chose sans
danger pour la bourgeoisie. Bien plus ! le pa-
tronat utilise systématiquement les erreurs op-
portunistes de la C.G.T. par le biais de la C.F.
D.T. dont la démagogie a désormais un large
champ d'action. En effet, en raison de son in-
fluence de masse, sans comparaison avec celle
des syndicats chrétiens pour qui la phrase gau-
chiste était une vieille manœuvre, la C.F.D.T.
est effectivement capable de canaliser, par en-
droits, un mouvement de masse qui déborde la
C.G.T. On l'a bien vu à Caen, lorsque les ou-
vriers, après la grève sabotée, ont manifesté
durement leur révolte dans l'usine, chez Saviem.
Alors que la C.G.T. et F.O. prenaient une atti-
tude franchement hostile au mouvement de mas-
se, la C.F.D.T. suivait en tentant de « justifier »
les ouvriers. Mais même quand la C.F.D.T. s'a-
venture sur le terrain de l'action de masse, ses
positions restent pure démagogie.
• Démagogie : le refus de signer l'accord sur
l'indemnisation du chômage partiel. La trahison
de la C.G.T., sacrifiant l'unité ouvrière aux exi-
gences patronales, a permis à la C.F.D.T. de
dénoncer à peu de frais l'accord comme insuf-
fisant. Mais le patronat ne s'est pas ému outre
mesure de ce refus. La C.F.D.T. a participé jus-
qu'au dernier moment aux tractations. Cela
prouve que la C.F.D.T. avait intérêt à ce que
l'accord soit conclu, et que son opposition ulté-
rieure ne tire pas à conséquence.
• Démagogie : la C.F.D.T. prétend défendre
les catégories les plus défavorisées. De fait, les
préoccupations électorales du P.C.F. font que
la C.G.T. lui laisse le champ libre. La C.G.T. se
préoccupe de moins en moins des OS, des ma-
nœuvres, de ceux qui ont les plus bas salaires
pour se tourner vers ies mensuels, les ouvriers
hautement qualifiés, les ingénieurs et les ca-
dres. Mais la C.F.D.T. ne représente pas les
intérêts de ces catégories. Prenons le cas signi-
ficatif de l'Ouest. La C.F.D.T. joue sur certains
caractères rétrogrades que de longues tradi-
tions de soumission à l'Eglise ont conservés,
sur l'ignorance et l'inorganisation des ouvriers
pour saboter et briser le mouvement de masse :
A Caen, la C.F.D.T. dit bien qu' « il faut dire
non au syndicalisme assis », « qu'on ira jus-
qu'au bout ! ». Elle laisse les ouvriers désor-
ganisés, sans préparation, face aux C.R.S. du
pouvoir, sans direction face aux manœuvres pa-
troles. « On a été obligé de courir tout le temps
après les ouvriers pour éviter les dégâts » disait
un délégué C.F.D.T. au moment où les ouvriers
brisaient le matériel et où les délégués, affolés,
couraient dé-ci dé-là les en empêcher.
A Redon, le délégué a injurié la lutte des ou
vriers en attribuant au crétinisme paritaire, à la
« lutte héroïque des délégués », la victoire ga-
gnée de haute lutte par tous les ouvriers unis.
A Concarneau, la C.F.D.T. s'est purement et
simplement refusée à toute mobilisation contre
le chômage et les licenciements.
Et quand la Confédération sent qu'en dépit
de ses manœuvres la révolte des ouvriers gron-
de, Descamps pousse un cri d'alarme en di-
rection du patronat et des Pouvoirs publics des
monopoles : attention ! nous ne tenons plus nos
troupes en main ! « Le sous-emploi, s'écrie-t-il
hypocritement dans « Paris-Match », peut de-
venir brusquement un détonateur. Les Pouvoirs
publics ne semblent pas l'admettre, mais je crois
qu'ils se trompent. Dans le Nord, dans l'Est,
sans parler du cas spécifique (!) de l'Ouest,
cela peut exploser d'un moment à l'autre. »
Vieille coutume des syndicats réformistes de
tirer la sonnette d'alarme, d'avertir le grand ca-
pital quand ils sont débordés par les masses,
pour permettre à celui-ci de tirer à temps de
nouveaux plans de bataille, avant qu'il ne soit
trop tard !
La C.F.D.T. ne défend pas plus les catégories
défavorisées que les autres. Toutes ses posi-
tions, de la démagogie à l'anti-communisme, les
différentes attitudes de ses syndicats à l'égard
du mouvement de masse, l'idéologie du syn-
dicalisme moderne, prêt à la discussion, à la
contestation paritaire et aux contre-proposi-
tions dans le cadre du système d'exploitation,
tout cela est subordonné à un fait que Des-
camps vient de rappeler opportunément : l'effort
pour regrouper des masses ouvrières contre la
C.G.T., contre la lutte de classe. Tout cela ne
sert en définitive que les intérêts du patronat.
A qui sert l'anti-communisme de Descamps ?
C'est à peine une question !
20
DIJON, AVRIL 1968 : Le 30e Congrès National de la Fédération de l'alimentation C.C.T. : j
Manœuvres de la direction de la Fédération contre la majorité des syndicats de la branche
LES MILITANTS
SYNDICAUX ONT
D EXPERIENCES
Depuis quelques temps, il y a un malaise dans
la Fédération C.G.T. de l'Alimentation. Les succès
revendicatifs de l'année écoulée ont été faibles, sinon
nuls. Les syndicats apparaissent déroutés, hésitant
entre une position de classe prolétarienne spontanée
qui correspond aux conditions féroces d'exploitation
des industries alimentaires, et les injonctions inces-
santes de la bureaucratie syndicale qui s'efforce
d'imposer la ligne générale opportuniste de la Con-
fédération, encore plus difficilement « applicable » là
qu'ailleurs.
Les travailleurs de l'Alimentation sont parmi les
plus exploités, les moins qualifiés, les moins payés.
Pour la plupart d'entre eux, ce sont des manœuvres
et des O.S. Un grand nombre sont des travailleurs
immigrés algériens, africains, yougoslaves, etc. Le
nombre de femmes est également important.
Les conditions de travail fait que l'aristocratie
ouvrière est extrêmement réduite : c'est une des rai-
sons pour lesquelles la ligne confédérale n'accroche
pratiquement pas, tombe à vide et ne produit qu'une
démobilisation générale.
Dans l'Alimentation, le besoin d'une ligne syndi-
cale prolétarienne de masse apparaît d'une façon
encore plus aiguë qu'ailleurs : il faut travailler pa-
tiemment parmi les plus exploités, s'attacher aux
moindres revendications qui apparaissent dans un
atelier, donner confiance aux travailleurs par une
présence constante du syndicat, tirer tout le parti
possible d'une lutte dure quand elle éclate, car elle
est une occasion exceptionnelle de briser la peur et
d'éduquer la masse ; il faut unir les travailleurs
immigrés aux travailleurs français, mobiliser les
femmes malgré tous les obstacles (instabilité, faible
conscience de l'appartenance à la classe ouvrière).
Seule la ligne de niasse prolétarienne peut permettre
d'y parvenir. Et les mouvements de révolte, toujours
latents, peuvent permettre des bonds en avant con-
sidérables si la ligne de masse est appliquée par le
syndicat.
Naturellement, ce n'est pas en ce sens que s'oriente
la direction de la Fédération de l'Alimentation. C'est
même tout le contraire. Au lieu d'aider les syndicats
à renforcer leur travail sur la base d'une véritable
ligne de masse prolétarienne, la bureaucratie de la
Fédération, des U.D., des U.L., etc. les harcèle
sans cesse pour leur faire abandonner toute position
de classe au profit d'une ligne entièrement oppor-
tuniste de droite.
Bien sûr, les syndicats de l'Alimentation ont des
faiblesses : leur position est souvent prolétarienne,
mais elle ne se combine en général pas avec l'appli-
cation conséquente de la ligne de masse, d'une
véritable ligne de masse qui mobiliserait pleinement
les plus exploités. Mais, loin d'aider les syndicats à
surmonter ces faiblesses, la Fédération en tire argu-
ment pour leur faire croire qu'il faut s'orienter vers
la droite : collaborer avec les syndicats jaunes, s'ap-
puyer sur les mensuels et les catégories les plus
favorisées.
Pourtant, la grande majorité des syndicats sent
que ce n'est pas la bonne voie, résiste : d'où le ma-
laise, l'intensification des attaques et des manœuvres
de la Fédération contre les syndicats de base, des
difficultés grandissantes.
Le texte préparatoire rédigé par la direction de
la Fédération pour le congrès et distribué aux
délégations reflète, de façon volontairement obscure
et ambiguë cette situation. Toute la ligne opportuniste
que la direction de la Fédération s'efforce d'imposer
aux syndicats C.G.T., apparaît dans ce texte, mais
plus ou moins maladroitement dissimulée sous une
phraséologie syndicale « de gauche » (« syndicats de
masse », etc.).
Voyons cela de plus près.
POUR PROTÉGER UNE POIGNÉE DE BUREAUCRATES
SYNDICAUX LA DIRECTION DE LA FÉDtRATION
ATTAQUE UNE GRANDE MASSE DE SYNDICATS
A plusieurs reprises, la direction fédérale critique
LA MAJORITE DES SYNDICATS DE LA PRO-
FESSION pour leurs conceptions et méthodes, qu'elle
considère erronées.
Ainsi le texte reconnaît que, dans l'ensemble, les
résultats obtenus en 1967 sont inférieurs à ceux des
années précédentes :
« Le total des améliorations obtenues est inférieur
à celui acquis dans les années précédentes, illustrant
les résistances opposées par le pouvoir et les patrons
aux revendications ouvrières et leur possibilité de
résister. »
Et il ajoute :
« Les inégalités dans les résultats sont également
importantes. »
Et, généreusement, la direction fédérale en fait
retomber toute la responsabilité sur la base :
« Par delà les difficultés résultant des conditions
particulières à telle entreprise ou profession, il est
évident que ces inégalités résultent aussi pour une
grande part de la conception erronée que nos .syndi-
cats, DANS LA PLUPART DES CAS, ont d'un
syndicalisme de masse, DES DISCUSSIONS PARI-
TAIRES, et sur un autre plan des insuffisances à
mettre en échec l'utilisation habile, démobilisatrice
et de division que les employeurs font des heures
supplémentaires et des primes. »
Plus loin, le texte attaque nommément un certain
nombre de syndicats :
« Ces deux années écoulées... ont montré combien
la faiblesse ou l'absence de syndicats puissants,
actifs, de masse avaient de profondes et regrettables
conséquences pour faire face et progresser dans
différents domaines.
La plus grande résistance opposée par les patrons
en Salaison, Chocolaterie, Laiterie, Conserve, dans
certains entrepôts et moulins, et autres professions,
tient, de toute évidence, à l'absence de véritables
syndicats de masse, actifs et entreprenants dans les
entreprises importantes qui dominent ces professions.
On ne peut en effet nier que si Olida. Fleury
Michou, Geo en salaison, Mieille dans les Entrepôts,
Say, Beehin dans le sucre, l'Alsacienne et Brun en
Biscuiterie, Ricard, Vini-Prix dans les Spiritueux et
Vins. Vilgrain dans les Moulins et certains autres
résistent plus durement aux demandes du personnel,
c'est que d'une part, les forces organisées à la
C.G.T. dans les usines de ces sociétés sont insuffi-
santes ou faibles et, d'autre part, que les militants
des syndicats qui, au prix de nombreuses difficultés,
se sont implantés dans les usines de ces sociétés ont
des conceptions pas toujours exactes, quelquefois
même fausses ou erronées d'un syndicat de masse,
ce qui se traduit par des méthodes de direction
et d'activités inefficaces qui limitent les possibilités
d'action et d'organisation. »
Que signifient ces critiques ? En apparence, elles
sont « de gauche » : les syndicats visés n'applique-
raient pas la ligne de masse. A y regarder de plus
près, et pour qui connaît la situation concrète, le
fond de la question apparaît quelque peu différent :
en fait, il s'agit de critiques « de gauche » en appa-
rence, de droite en réalité ; sous couvert de réclamer
une ligne de masse et des syndicats de masse, les
bureaucrates fédéraux attaquent en réalité une ligne
de classe et tentent d'obtenir une politique de colla-
boration de classe et de conciliation. On connaît en
effet toutes les possibilités qui existent de déformer
l'idée de syndicat « de masse » et de ligne de
masse dans un sens opportuniste : insister sur l'im-
plantation uniforme parmi tous les « salariés » en
donnant un grand rôle aux mensuels, agents de
maîtrise, etc. ; s'opposer aux actions dures sous
prétexte que « la masse » n'est pas prête à les
engager, etc...
Une indication importante est donnée par l'allusion
aux « commissions paritaires » : bien souvent, les
directions fédérales, confédérales et autres insistent
sur l'importance de ces réunions et des comptes
rendus qui en sont faits aux ouvriers ; la « ligne de
masse » se réduit alors à l'affichage de comptes
rendus de ces entretiens et à la « consultation » fré-
quente des ouvriers.
Autre point très important : la direction fédérale
essaye d'imposer aux syndicats « sectaires » l'unité
avec des syndicats de collaboration de classes avérés ;
cela aussi est versé à la rubrique générale « de
masse ».
Plus clair encore : la direction de la fédération
insiste dès le début du texte sur la composition des
délégations :
« Délégation qui doit être le reflet des diverses
catégories du personnel, avec une place importante
aux femmes, jeunes et mensuels, forces nouvelles et
nombreuses dans nos professions. »
C'est déjà toute une orientation. Pourquoi n'avoir
pas insisté sur les catégories les plus exploitées et
les plus délaissées : immigrés, manœuvres et O.S. ?
En quoi les mensuels sont-ils une « force nouvelle » ?
Enfin, et c'est certainement le point le plus impor-
tant, le texte préparatoire au Congrès de l'Alîmen-
tation condamne de façon absolue les grèves illimi-
tées, et préconise comme formes d'action la pétition,
la délégation par service, la manifestation, et les
débrayages limités (présentés le plus sérieusement du
monde comme la forme d'action qui effraye le plus
les patrons !).
Vouloir priver les ouvriers de l'arme de la grève :
cela montre la véritable couleur du syndicalisme
« de masse » mis à la sauce de la Confédération.
Mais ce qui est dit dans le texte officiel d'une
façon encore enveloppée et précautionneuse, les
pontes syndicaux ne se gênent pas pour le clamer
ouvertement et sans pudeur aux réunions syndicales.
Voici par exemple les critiques portées par un
ponte fédéral au syndicat d'une des usines visées
(critiques portées au conseil syndical) :
1) Refus d'unité avec le syndicat jaune de la boîte
(C.F.T.C. maintenue) ; le syndicat C.F.T.C. pratique
à fond la collaboration de classe, marche la main
dans la main avec les contremaîtres, obtient des
avantages individuels, s'appuie sur les bureaux et les
contremaîtres ; le syndicat C.G.T. s'oppose avec
raison à cette organisation vendue, ce qui lui vaut
21
ASSEZ DE CONGRES BIDON !
BESOIN DE VÉRITABLES ECHANGES
PROLETARIENS !
des attaques continuelles des bureaucrates et perma-
nents C.G.T. de l'échelon supérieur.
2) Efforts insuffisants en direction des bureaux.
Pourtant, les militants syndicaux insistent sur le fait
qu'il règne dans les bureaux un esprit réactionnaire,
que les mensuels méprisent les ouvriers, que pourtant
des efforts de propagande sont faits mais qu'il y a
des limites... Les pontes fédéraux rejettent tout cela
et réclament à cor et à cri qu'il y ait des mensuels
à la direction du syndicat.
Pourtant, le même syndicat fait un gros effort en
direction des immigrés et les pontes n'y prêtent au-
cune attention, ne relevant pas cela comme un
élément important dans l'appréciation du travail.
3) Les revendications trop dures (13e mois, etc.),
le « manque de réalisme ».
Les pontes syndicaux critiquent la virulence des
traits (« vol capitaliste », etc. : « c'est un langage
trop violent ») ; les projets de tracts envoyés à la
Bourse du Travail reviennent émasculés : « des vraies
lavettes qui ne mobilisent plus personne », se plaint
un militant syndical de l'usine.
Ces critiques éclairent sous leur vrai jour les
mots pompeux de « véritables syndicats de masse »,
et autres expressions du même genre, sous la plume
des bureaucrates syndicaux.
LES MANŒUVRES DE LA FÉDÉRATION
II faut dire que ces critiques venant de permanents
coupés des usines sont assez mal accueillies par les
dirigeants syndicaux de base et qu'un certain nombre
d'entre eux étaient exaspérés par ces procédés, inten-
sifiés du côté de la Fédération à l'approche du
Congrès.
Tout cela explique qu'en venant au Congrès, un
certain nombre de délégués éprouvaient le besoin
de mettre les problèmes sur le tapis, de tirer au
clair la question des attaques de la Fédération contre
la majorité des syndicats, de procéder à un réel
échange d'expérience, pour sortir du marasme et
donner un nouvel élan à la lutte.
En fait, la direction de la Fédération éluda systé-
matiquement les problèmes, se réfugia derrière des
généralités, refusa d'expliciter sérieusement les cri-
tiques qu'elle porte à la majorité des syndicats.
Le Congrès de la Fédération C.G.T. de l'Alimen-
tation fut ce que sont tous les Congrès nationaux
manipulés par la direction révisionniste de la Confé-
dération : une cérémonie formelle de la bureaucratie
syndicale, destinée à embrouiller et à duper les diri-
geants syndicaux honnêtes de la base.
Tout fut mis en œuvre pour que les débats restent
brumeux et académiques.
1) Quand une délégation critiqua la politique
d' « unité » et l'accord P.C.F.-F.G.D.S., on la fit
taire : « pas de politique à un Congrès de la
C.G.T. »... Apparemment, cela ne s'applique pas à
Krasucki qui ne se gêne pas, dans la « Vie Ouvrière »,
organe de la C.G.T., pour chanter les louanges dudit
accord !
2) Quand des délégations critiquèrent la condam-
nation de la direction fédérale des grèves illimitées,
et d'autres points des positions fédérales, on noya le
poisson, y compris en « aménageant » sur quelques
points les textes du Congrès. Chacun sait que les
bureaucrates révisionnistes, spécialistes des louvoie-
ments opportunistes, acceptent assez facilement de
remanier leurs textes, quitte à n'en faire qu'à leur
tête dans la pratique, et à tout mettre en œuvre,
par les moyens d'appareils et les manœuvres qui leur
sont coutumières, pour vider tel ou tel texte de sa
substance.
3) Quand des délégations démontrèrent que nom-
bre de syndicats C.F.T.C. et C.F.D.T. sont des
syndicats jaunes et coupés des ouvriers, et que par
conséquent l'unité avec eux est impossible, les diri-
geants de la Fédération esquivèrent le problème de
fond, et se mirent à gémir que c'était « bien dom-
mage... ».
4) Enfin, pièce maîtresse des manœuvres révision-
nistes : on fit donner les soi-disant bons délégués
actifs de la base chargés de démontrer la justesse
et les succès de la ligne confédérale là où elle est
appliquée ; en fait de « bons délégués actifs », ce ne
sont bien sûr que des permanents coupés des usines,
et qui lisent des interventions truquées, bourrées de
déformations, entièrement préparées par la direction
de la Fédération. But de ce bluff : faire croire aux
délégués honnêtes que là où on applique la ligne
opportuniste de la direction de la C.G.T. ça va très
bien, et que si les résultats ne sont pas bons chez
eux, ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes.
Exemple : Concarneau.
CONCARNEAU : BLUFF ET MENSONGES
DES BUREAUCRATES SYNDICAUX
Une responsable de l'Union Locale de Concarneau,
Jeannette le Cargnec, responsable également de la
Fédération de tout le Finistère bien qu'elle n'y tra-
vaille plus depuis 15 ans est intervenue pour se
féliciter de la situation dans les usines de conserve de
Concarneau : 400 cartes vendues en majorité chez
des femmes, l'usine Cassegrain qui devait fermer est
rachetée grâce à la force de l'action syndicale. Tout
va très bien. Pour ceux qu'on n'a pas invité au
Congrès, pour les militants syndicaux malheureuse-
ment cela va très mal.
Retraçons l'histoire de la lutte contre la fermeture
de Cassegrain.
Cassegrain est la seule usine de conserve où le
syndicat soit implanté, où il ait des délégués — ceci
depuis très longtemps. Il est donc vrai que la majorité
deshommes et des femmes de l'usine ont leur carte
(ils sont environ 300). Là n'est pas le problème.
Vendre des cartes de la C.G.T. n'a jamais été le
problème principal d'un militant C.G.T. honnête. Il
faut voir de plus près comment on les vend et pour-
quoi. Les ouvriers prennent leur carte, peut-être ça
servira à rien, peut-être à quelque chose. On attend
de voir le syndicat à l'épreuve. Il l'a été : on annonce,
il y a au moins 9 mois maintenant, que l'usine va
fermer. Tout de suite les patrons font courir le
bruit que l'usine va être rachetée par le trust
Sopromer, qu'il n'y a pas à s'inquiéter. Les délégués
de l'usine, face à ces promesses, ont essayé avec
plus ou moins de succès d'apprendre aux ouvriers
la méfiance à l'égard des mensonges patronaux. Mais
les actions pratiques du syndicat, dirigées en fait par
Jeannette Le Cargnec dont chacun admire les « com-
pétences » (connaissance parfaite de la convention,
grande expérience des commissions paritaires) ont au
contraire tout fait pour renforcer ces illusions. Le
syndicat avait en effet une préférence marquée pour
les actions du genre : délégation auprès du maire,
pour s'informer de la date exacte de la fermeture,
de l'état d'esprit du trust (allait-il racheter tout de
suite ou plus tard ?) et au plus fort des entretiens,
pression sur le maire pour qu'il aide le trust à rache-
ter l'usine. On imagine comment de tels comptes
rendus pouvaient armer les ouvriers face aux pro-
messes du patron. Au total, une seule action réelle,
une manifestation dans la ville 4 mois avant la
fermeture. Puis plus rien, les délégations reprennent
leur train - train. Plusieurs des délégués reconnaissent
maintenant qu'ils se sont fait avoir par les patrons.
En effet à la date prévue, fin décembre les femmes
sont licenciées, début mars les hommes. 4 mois après
le licenciement des femmes de Cassegrain, on ap-
prend à la fois que le trust grossi de quelques nou-
veaux patrons rachète Cassegrain mais ferme les deux
dernières grosses usines de conserve de la ville. 500
ouvriers en chômage pour l'instant. Bien sûr les pro-
messes repartent bon train : tout le monde sera
repris à la nouvelle usine Cassegrain. En fait aucune
assurance de réemploi pour tous. Ce qui est sûr par
contre c'est que ceux qui seront réembauchés le
seront avec un salaire considérablement diminué.
Quelle victoire !
Alors que le sort des derniers ouvriers de l'usine
Cassegrain et les deux autres usines était étroitement
lié, la C.G.T. locale n'a rien fait pour coordonner leur
lutte, pour les aider à s'intruire mutuellement. Non
seulement la « lutte » de Cassegrain n'est pas une
victoire, mais elle a totalement découragé les ouvriers
pour qui elle représente la preuve vivante « qu'on
ne peut rien faire contre les trusts ».
Que les délégués de Cassegrain aient été trompés
par les promesses patronales et les délégations à la
mairie, qu'ils aient fait des erreurs, tout cela n'est
pas irrémédiable. Ils auraient tiré les leçons de leur
expérience auprès des ouvriers de Cassegrain et des
autres usines que leur échec aurait été un guide
précieux pour d'autres luttes. Mais faire passer cet
échec pour une victoire c'est bouleverser tout dans
la tête des ouvriers et boucher la voie à toute lutte.
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22
LA LUTTE ENTRE LES DEUX LIGNES DANS LA C.G.T.
L'EXPÉRIENCE PASSÉE DES COMMUNISTES FRANÇAIS
De tous temps, la lutte entre les deux lignes a existé dans la C.G.T. De tous temps, les syndicalistes prolétariens liés aux
masses ouvrières sont entrés en contradiction avec les syndicalistes bureaucrates coupés des masses, représentant objectivement
la bourgeoisie et l'idéologie bourgeoise dans le mouvement ouvrier.
Le propre de la situation actuelle, ce n'est pas qu'il y ait, dans la C.G.T., des syndicalistes bureaucrates qui pratiquent en
fait la collaboration de classe. Il y en a toujours eu. Ce qui est nouveau, c'est que, du fait de la transformation du P.C.F. en parti
révisionniste bourgeois, ces syndicalistes bureaucrates ont pris le pouvoir à grande échelle dans la C.G.T. C'est que la ligne
bourgeoise est devenue la ligne dirigeante de la Confédération ; c'est que la direction confédérale réprime la ligne prolétarienne
et les syndicalistes prolétariens.
Mais le prolétariat ne se laissera pas désarmer par ce nouveau développement de la lutte des classes dans ses organisations
de défense et de combat : il puisera dans l'expérience passée du mouvement ouvrier, combinée à sa propre expérience présente,
de quoi continuer les traditions prolétariennes de lutte contre la bureaucratie syndicale et les tendances à la collaboration de classe!
Nous présentons ici deux textes qui témoignent de la façon dont les communistes ont, par le passé, lutté contre certains
aspect de la bureaucratie syndicale et de la ligne de la collaboration de classe à l'intérieur même de la C.G.T.
Le premier est un article de Benoît Frachon, paru dans « L'Humanité » du 1" janvier 1949, qui fait partie de la campagne
ouverte alors par le P.C.F. « pour une juste politique des élus ouvriers aux comités d'entreprise », campagne dirigée contre les
bureaucrates « permanents » des comités d'entreprises, les délégués coupés des ouvriers et les pratiques de collaboration de
classe de certains élus.
Le second est un extrait du rapport du B.P. du P.C.F. sur « les problèmes d'organisation et les rapports du Parti avec la classe
ouvrière », présenté à la Conférence Nationale du P.C.F., de mars 1953.
Dans ce rapport, la direction du P.C.F. critiquait fermement le comportement du comité d'entreprise et des délégués de l'en-
treprise Sartiaux, qui s'étaient lancés dans une opération de collaboration de classe afin d'éviter la fermeture (ils avaient accepté
des réductions de salaires soi-disant destinées à « sauver la vie de l'entreprise »). Le rapport insistait sur la nécessité de s'en
tenir à une ferme position de lutte de classe contre !e chômage et les licenciements, particulièrement en période de crise : « la
bourgeoisie française est aujourd'hui blessée, elle saigne de toutes parts; il faut frapper sur ses blessures et non les panser comme
faisaient les camarades de chez Sartiaux ». Partant de là, le rapport démasquait un nombre important de syndicalistes bureau-
crates et de pratiques de collaboration de classe dans la C.G.T., dans diverses régions et entreprises. Il réfutait la thèse oppor-
tuniste selon laquelle il ne faudrait pas « critiquer la C.G.T. » lorsque s'y manifestent de telles pratiques.
Aujourd'hui que le P.C.F. est devenu révisionniste, que la direction de la C.G.T. est aux mains d'une bureaucratie syndicaliste
coupée des masses, les marxistes-léninistes relèvent le drapeau du syndicalisme prolétarien et de la ligne de masse, et restent
fermes dans la critique intransigeante de la bureaucratie et de la collaboration de classe.
DANS LES COMITES D'ENTREPRISE PARLONS
DES «PORTE-SERVIETTE»
Benoit Frachon l'Humanité 1re Janvier 49 extraits
Nul plus que nous n'a le souci de ménager
et d'aider les cadres de la classe ouvrière. Et
ce n'est un secret pour personne qu'on nous
envie ces dizaines et ces dizaines de milliers
de prolétaires militants dont le courage, la
conscience de classe, l'esprit de sacrifice met-
tent en échec les complots ourdis contre la
classe ouvrière et la C.G.T. En posant publique-
ment le problème des comités d'entreprise, com-
me nous le faisons, c'est un témoignage de
cette sollicitude que nous leur donnons, en mê-
me temps que nous remplissons notre mission
de dirigeants du mouvement ouvrier.
Le reproche qui pourrait nous être adressé,
et que nous aurions sans doute mérité, c'est
d'avoir trop tardé à le faire ainsi. Mais pour-
quoi faire cela avec tant d'éclat ? protestent cer-
tains rouspéteurs qui, sur le fond, reconnais-
sent que nous avons raison.
Eh ! chers Camarades, parce que ni la classe
ouvrière ni des organisations comme les nô-
tres ne sont atteintes de maladies honteuses.
Evidemment, on ne peut être glorieux de tom-
ber dans des pièges de l'ennemi de classe. Mais
la honte ne vient que lorsqu'on s'y complaît.
Elle vient alors sûrement, parce que ce sont
les travailleurs eux-mêmes qui se chargent de
régler leur compte aux élus défaillants. Contre
un tel danger, la meilleure médecine, c'est en-
core celle qu'on s'administre en commun, dans
une bonne et franche discussion publique ;
c'est aussi la plus efficace et la plus rapide.
C'est encore elle qui nous permettra de nous
guérir du « porte-serviette ». De quoi s'agit-il ?
Tout simplement de la prolifération des « per-
manents » dans certains comités d'entreprise.
Légalement, le délégué au comité d'entre-
prise dispose de vingt heures par mois, payées
par le patron, pour accomplir sa mission.
Or, il se trouve que dans certaines entrepri-
ses un ou plusieurs délégués, avec l'accord,
disons plutôt la complicité du patron, ont cessé
tout travail. Ils sont devenus les permanents du
comité d'entreprise. Ils parcourent l'usine, les
« bleus » propres, la serviette sous le bras, l'air
affairé, ou bien trônent le plus souvent dans un
bureau parfois installé hypocritement par le pa-
tron, bien en vue de tout le personnel, afin que
nul n'en ignore.
Pourquoi n'en parlez nous plus
des portes-serinettes maintenant
qu'ils ont pris le pouvoir
dans la CIT. ?
Certains d'entre eux vous disent naïvement
qu'ils ont remporté une victoire en obtenant un
ou plusieurs permanents payés par le patron ou
par la caisse du comité d'entreprise. Ils essaient
de se justifier à leurs propres yeux en disant
qu'ainsi ils sont mieux aptes à militer pour le
syndicat.
Ouais ! Dans le meilleur cas, c'est le patron
qui les a eus. Il savait bien lui, que les ouvriers
n'aiment pas ça et que tôt ou tard viendrait le
terme « porte-serviette » ou autre, avec tout ce
qui s'y attache de réprobation et de méfiance. Il
savait bien que le militant qui se laissait pren-
dre ainsi n'aurait plus la même autorité sur ses
camarades. Il savait bien que pour ces derniers
tout cela sent le « compromis », le « fil à la
patte », l'entorse à l'indépendance absolue.
Sans compter qu'on pourrait citer un certain
nombre d'entre eux qui ont été ainsi perdus,
qui se sont laissé corrompre et tiennent leur
place, sans plus se soucier de leurs électeurs.
Ils sont devenus des auxiliaires du patron, sans
plus.
Qu'on cherche bien, un peu partout, dans les
cantines, les services divers, on sera parfois
étonnés du nombre de bons militants dont on
a fait des économes, des marchands de soupe
ou de viande, ou de pommes de terre et qui
n'ont plus le temps de s'occuper du syndicat.
Je veux citer le cas de ce comité d'une grande
entreprise qui avait cru jouer un bon tour au
patron en embauchant dans les services créés
par lui une bonne douzaine de militants ren-
voyés pour leur action syndicale. Le bon tour !
C'est le patron qui le leur a joué.
Ces excellents militants ont perdu toute au-
torité sur les ouvriers, parce que, encore une
fois, les « porte-serviette », ça ne leur dit rien.
Il est grand temps que les camarades qui, de
bonne foi, ont commis cette faute la corrigent.
Ils représentent l'organisation syndicale qui les
a fait élire. Une faute de leur part rejaillit sur
cette organisation. Peut-être l'aide et le contrôle
des sections syndicales leur ont-ils manqué, ce
qui a pu faciliter leur erreur. Je pense que l'une
et l'autre doivent leur être donnés sans réserve
pour que rapidement le « porte-serviette » ne
soit plus qu'un méchant souvenir.
23
LA LUTTE ENTRE LES DEUX LIGNES DANS LA CG.T.
DANS LA LUTTE CONTRE LES BUREAUCRATES SYNDICAUX
LES PROBLEMES D'ORGANISATIONS ET LES RAPPORTS
DU PARTI AVEC LA CLASSE OUVRIERE
(Rapport du B.P. du P.C.F. à la Conférence Nationale de Mars (1955)
Après avoir souligné que « profitant de la crise
naissante et du concours des dirigeants socialistes
et des syndicats scissionnistes, le patronat passe à
l'attaque contre les salaires, les lois sociales, les
libertés syndicales, en usant honteusement du chan-
tage au chômage », le B.P. met en garde les militants
syndicalistes contre la tentation de céder à ce chan-
tage abject et critique sévèrement les bureaucrates
syndicaux de l'entreprise Sartiaux (dans le Nord) qui
ont accepté la collaboration de classes.
CRITIQUER
LA COLLABORATION DE CLASSE
« Le 2 Février 1953, la direction de cet établisse-
ment annonçait la réduction des salaires de 5 à 10 %.
La note du patron se terminait de la manière sui-
vante : « Je rappelle que l'ensemble de toutes ces
mesures représente le minimum de l'effort à accom-
plir pour éviter la fermeture des usines à très brève
échéance et, par conséquent, la perte de travail
pour plus de 650 ouvriers, employés et cadres ».
De leur côté, les dirigeants socialistes de Force
Ouvrière donnèrent à cette occasion les mêmes ex-
plications... [or], annonçant la diminution des sa-
laires, la direction déclarait : « Je confirme à l'en-
semble du personnel les mesures prises pour faire
face à la situation actuelle de la société, mesures an-
noncées en réunion du Comité d'entreprise et des
délégués du personnel le 31 janvier ».
A cette réunion, les délégués et membres du
Comité d'Entreprise avaient accepté les propositions
patronales.
C'est le secrétaire de cellule qui s'est battu contre
cette proposition et l'action de la section communiste
d'Hénin-Liétard a abouti par la suite à une riposte des
travailleurs.
Certes, d'une façon générale, il faut combattre la
croyance qui existe chez certains militants que l'ac-
tion est impossible en période de crise.
Il faut expliquer, prouver que la crise économique
est une difficulté politique du capitalisme...
« La bourgeoisie française est aujourd'hui blessée,
elle saigne de toutes parts, il faut frapper sur ses
blessures et non pas les panser, comme faisaient les
camarades de chez Sartiaux... »
COMBATTRE
LES BUREAUCRATES SYNDICAUX
S'EN TENIR
A DES POSITIONS DE CLASSE
« Le comportement du Comité d'Entreprise et des
délégués de chez Sartiaux doit sérieusement attirer
notre attention sur l'utilisation par le patronat et
l'Etat-patron, de certaines dispositions de la légis-
lation sociale.
Il ne s'agit pas ici d'une exception...
Le journal d'entreprise des Etablissements Gaillard
à Rouen, auquel participe le Comité d'Entreprise, est
rédigé par la direction...
Chez Godin, à Guise, dans l'Aisne, la société a
réalisé d'importants bénéfices dans ces dernières an-
nées...
En juillet 1952 : premiers licenciements, et chô-
mage partiel pour une grande partie des ouvriers qui
travaillent 15 jours par mois.
L'Union Syndicale des Métaux fait un tract contre
ces licenciements en dénonçant la direction et la
politique gouvernementale.
Les délégués refusent de distribuer ces tracts
(prétexte : il y a de la politique).
En février 1953 : deuxièmes licenciements.
Les délégués, sauf un, acceptent, signent et ex-
pliquent la position patronale en parlant des diffi-
cultés de l'entreprise...
Chez Monneret, à Saint-Claude (Jura), à l'issue
d'une grève de six jours, un communiqué commun
Ouand les communistes critiquaient
la collaboration de classe
signé par le directeur et les délégués ouvriers est
envoyé à la presse...
Aux transports de Nice «t du littoral, une grève
est votée à l'unanimité pour la défense des revendi-
cations et la libération d'Alain Le Léap et les autres
emprisonnés. Au journal Le Patriote, où les délégués
portent le communiqué, les responsables du bureau
du syndicat font supprimer le passage concernant
Le Léap et les emprisonnés « pour ne pas politiser
la grève » disent-ils...
Aux Piles Leclanché, à Chasseneuil-du-Poitou, le
secrétaire du syndicat, membre du comité d'entre-
prise déclare que le directeur est un « bon patron »
et que les primes arrachées par les ouvriers sont
le résultat de sa bonté.
Avant de poser les revendications, il s'informe
« si le prix de revient le permet ». Et il accepte les
licenciements...
A l'usine de nougat « le Canard Sauvage », à
Loriol, c'est le secrétaire de section qui explique les
difficultés du patron...
Dans l'Orne, à l'entreprise Cégédur, à Laigle, 200
licenciements sont prévus.
Les délégués au comité d'entreprise (dont 2 mem-
bres du Parti) discutent des licenciements avec le
patron, choisissant entre pères de famille et céliba-
taires, entre vieux et jeunes etc...
Nous pouvons arrêter là ces exemples.
Nous en avons des milliers...
Améliorer les rapports du Parti aux entreprises
exige donc et de toute urgence de mettre en place
les cellules de l'entreprise, les faire poser les pro-
blèmes politiques, orienter l'activité sur les posi-
tions de classe, combattre les fautes opportunistes et
dénoncer les cas de corruption.
Dans cet ordre d'idées, les comités d'entreprise
devraient rendre plus facile la défense des revendi-
cations des droits ouvriers, et la lutte contre le
patronat et l'Etat-patron. Mais lorsque le patron
dirige le comité d'entreprise, directement ou par
l'intermédiaire de ses membres ouvriers, ils devien-
nent entre ses mains des armes efficaces de corruption
des militants et de démoralisation de la classe ou-
vrière...
Dans la mesure où les comités d'entreprise ou
autres commissions peuvent aider à faire croire qu'il
est possible d'améliorer le régime d'exploitation, de
vivre en bonne harmonie avec le patron, alors celui-ci
marque des points...
Dans le passé de nombreuses et importantes grèves
déclenchées contre les brimades ont abouti à beau-
coup de succès chez les mineurs.
Mais des nationalisations sont nées des commis-
sions paritaires devant étudier et régler le cas des
ouvriers sanctionnés.
Ces commissions ne sont paritaires que de nom,
l'exploitant a la majorité.
Elles confirment donc toujours les sanctions, y
compris les plus injustes.
Elles discréditent les militants qui y participent.
Ces commissions servent à l'exploitant de soupape
de sûreté en cas de réaction gréviste.
Elles ont réussi à amuser la galerie et à empêcher
les actions qui, seules, auraient été capables de
s'opposer aux sanctions et brimades qui, évidemment,
ont été aggravées.
Présentant la critique des attitudes opportunistes,
le B.P. du P.C.F. soulignait :
« Dans ses rapports avec le patron, un ouvrier
n'a jamais tort... il n'existe pas de bons patrons, il
n'existe que le régime capitaliste contre les repré-
sentants duquel les militants doivent lutter avec la
haine sans laquelle il n'est pas possible de mener
le bon combat... »
CRITIQUER
LES PRATIQUES ERRONÉES
DANS LA C.G.T.
« Un camarade déclarait récemment que la ques-
tion était délicate parce que, en fait, cela aboutissait
à critiquer la C.G.T.
Sur la forme, disons que l'attitude dénoncée ici
n'est pas la ligne de la C.G.T. mais une déformation
de cette ligne...
La tendance opportuniste dans le travail aux entre-
prises ne peut se corriger que par une bataille d'ex-
plication et d'éducation politique menée systématique-
ment et publiquement par le Parti.
Si les questions sont posées par le Parti sur le
terrain de la lutte des classes et les perspectives, les
militants sont avertis et les ouvriers alertés.
Bien souvent, nos directions voient des fautes op-
portunistes, pourtant, celles-ci s'aggravent, se généra-
lisent. La raison en est que les remarques, puis les
reproches sont faits d'une façon confidentielle, en
laissant le Parti et les masses dans l'ignorance...
Quand se manifestent des fautes opportunistes, il
faut d'abord les soumettre au Parti et aux masses,
ce sont les masses qui obligent les militants à corriger
leurs erreurs, et les sanctions sont alors bien souvent
évitées...
Une des conditions pour consolider les rapports du
Parti avec les masses, c'est de prêter l'oreille à la
critique de la base, savoir discerner ce que cette
critique signifie et savoir en tirer les conclusions pour
le travail...
24
LES RÉVISIONNISTES ET LE
les révisionnistes exercent la dictature de la bourgeoisie
Nous disons souvent que les dirigeants du
P.C.F., la direction et les bureaucrates de la
C.G.T., les permanents des organisations révi-
sionnistes sont contre-révolutionnaires, réac-
tionnaires.
Il arrive que certaines personnes, quoique
désireuses de se mettre du côté du peuple, trou-
vent nos propos outranciers. Pourquoi prendre
des positions aussi tranchées, pourquoi cho-
quer ? disent ces personnes. N'est-ce pas un
peu exagérer les choses ? Vous avez des
« divergences » avec le P.C.F. Mais est-ce une
raison de traiter brutalement ses dirigeants de
« réactionnaires », de « traîtres » ? Après tout,
eux aussi se réclament du socialisme, de la
classe ouvrière, etc.
Ces remarques sont tout à fait compréhensi-
bles. Nous devons y répondre par des faits,
sans nous impatienter. Bien souvent, les per-
sonnes qui tiennent de tels propos sont des
intellectuels ou des petits bourgeois qui igno-
rent les réalités de la guerre de classe dans les
usines, sur les chantiers, dans les campagnes.
Ces personnes ne connaissent du P.C.F., de la
C.G.T. que ce qu'en disent les journaux bour-
geois ou révisionnistes ; or les journaux révi-
sionnistes font encore semblant de se pencher
sur les intérêts du peuple, parlent à l'occasion
des ouvriers, s'attribuent les mérites de telle ou
telle grève. Les journaux révisionnistes ne par-
lent pas, bien sûr, de la façon dont une Union
Départementale a brisé tel mouvement de grève,
trompé les ouvriers, empêché l'organisation de
la solidarité. Les journaux révisionnistes ne
parlent pas du pullulement des bureaucrates et
porte-serviettes syndicaux qui ont pris le pouvoir
dans la C.G.T. Les journaux révisionnistes ne
parlent pas des maffias syndicales, des mairies
« communistes » racistes, des foires d'empoigne
municipales. Les journaux révisionnistes ne par-
lent pas des réunions clandestines de dirigeants
syndicaux avec les patrons pour mettre au point
des solutions « réalistes ». Les journaux révi-
sionnistes masquent, tronquent, dissimulent la
réalité de la lutte des classes : ils présentent le
compte rendu officiel de congrès truqués, ils
présentent comme la position des ouvriers les
déclarations mécaniques et toujours semblables
de bureaucrates invétérés. Quant aux journa-
listes bourgeois, ils parlent encore moins (c'est-
à-dire pratiquement pas du tout) des ouvriers,
des usines, des campagnes, du peuple. Tout
ce'a explique que les personnes qui vivent cou-
pées de la classe ouvrière et du peuple travail-
leur s'imaginent, parfois de bonne foi, que nous
exagérons les choses, que nos propos sont
outranciers.
Mais le peuple travailleur, lui, ne s'y trompe
pas. Certes, nous ne sommes pas encore pré-
sents dans les plus larges masses. Mais là où
nous touchons des masses du peuple travailleur,
elles voient que nous disons la vérité, que nous
ne faisons que présenter d'une façon systéma-
tique la réalité qu'elles vivent. Et comme l'es-
sentiel est ce que pensent les larges masses du
peuple travailleur, la vérité se fait jour inélucta-
blement et se transforme en une invincible force
matérielle. C'est pourquoi, lorsque nous voyons
que certaines personnes mal informées et igno-
rantes de la réalité de la lutte des classes, nous
jugent « outranciers » et « exagérant les cho-
ses », nous ne nous faisons pas trop de souci...
Toutes ces choses finiront par être connues
par tous, et les honnêtes gens seront détrom-
pés.
Car la réalité est impitoyable, tranchée, défi-
nitive. Quand un mouvement de grève éclate
dans une usine, il n'y a que deux possibilités :
ou bien les dirigeants syndicaux en prennent la
direction, se mettent à la tête des travailleurs,
les font bénéficier de leur expérience, les aident
à déjouer les manœuvres du patron, s'appuient
résolument sur leurs idées et leur volonté de
lutte pour les mener à la victoire ; ou bien les
dirigeants syndicaux se mettent de côté d'abord,
en travers ensuite, s'efforcent de décourager les
travailleurs, mettent tout en œuvre pour faire
cesser la grève, et finissent par sombrer dans
le marais de la collaboration de classe totale
et des manœuvres manigancées en commun
avec le patron. C'est tout l'un ou tout l'autre •
aux moments décisifs de la guerre de classe,
il n'y a pas de nuance, pas de troisième voie •
la position de chacun est mise en lumière d'une
façon crue. Or partout où éclate une lutte dure,
une grève illimitée, la position des révisionnistes
et des bureaucrates syndicaux est rapidement
mise en lumière et, partout, elle est la même :
ils ne sont pas du côté des ouvriers, mais de
l'autre côté de la barricade. Sait-on, par exem-
ple, que les bureaucrates de la C.G.T. sont offi-
ciellement contre les grèves illimitées destinées
à faire céder le patron ? Sait-on que la forme
d'action « supérieure » préconisée universelle-
ment par les bureaucrates de la C.G.T. est le
débrayage limité et répété dit « de harcèle-
ment », dont malheureusement aucun ouvrier
n'ignore qu'il ne « harcèle » que ceux qui le
font ? Les ouvriers du moins le savent.
Il faut bien comprendre ce que cela signifie.
La position de la bureaucratie C.G.T. sur les
grèves n'est pas une question académique, une
question d'opinion, de « ligne en général ».
C'est une question terriblement concrète, immé-
diate pour les travailleurs. Comment cette posi-
tion se concrétise-t-elle dans la réalité ? De la
façon suivante : dès que la grève a éclaté,
c'est la ruée des bureaucrates (délégués « por-
te-serviettes », responsables de l'Union locale
C.G.T., responsables de l'Union Départemen-
tale C.G.T., responsables de la Fédération d'in-
dustrie concernée, etc.) ; tous tiennent des dis-
cours identiques : les « autres » ne sont pas
prêts, ailleurs, le mouvement général est très
en retard sur votre lutte, ne vous « isolez » pas
par une lutte trop dure ; le patron est trop fort,
il ne faut pas « brûler vos cartouches », il faut
cesser la grève pour « continuer la lutte à l'in-
térieur », etc. etc. etc. Un seul objectif à ces
lancinantes rengaines : démoraliser les travail-
leurs, briser leur élan. Et, pour faire bonne me-
sure, la presse révisionniste ne publie rien sur
la grève (ou un entrefilet le dixième jour), tout
effort de solidarité est ouvertement découragé
par les bureaucrates, rien n'est dit aux autres
travailleurs qu'on tient soigneusement dans
l'ignorance de la lutte de leurs frères de classe.
Bref, la bureaucratie syndicale C.G.T. et les
appareils révisionnistes mettent tout en œuvre
pour étouffer chaque grève, chaque lutte résolue
dès sa naissance. Les révisionnistes sont des
briseurs de grève.
Des faits ? Rhodiaceta, Schwartz-Hautmont,
Aluvac, Quimperlé, Gironde-Languedoc, Aies...
Que ceux qui n'y croient pas aillent enquêter
auprès des ouvriers ! C'est ce que les révision-
nistes appellent « appliquer la ligne du Parti
et de la C.G.T. ». Nous, nous appelons cela :
exercer la dictature de la bourgeoisie contre les
masses révolutionnaires, et trahir la C.G.T. De
plus, nous estimons que ce n'est pas une ter-
minologie « outrancière », mais une apprécia-
tion scientifique.
Ce que vous dites là est effarant ! répondra
l'honnête homme, ébranlé mais encore scepti-
aue. Mais, à supposer même que ce soit vrai,
comment s'expliquer une telle attitude des diri-
geants du P.C.F. et de la C.G.T. ? N'ont-ils pas
au contraire intérêt à la combativité des ou-
vriers, des syndicats ? Tout cela paraît bien
inexplicable...
eux-mêmes : « la dynamique de l'unité » (sans
rire ).
Mais, pour que les choses soient plus caires,
pourquoi ne pas laisser la parole aux dirigeants
révisionnistes eux-mêmes ?
Pourquoi les révisionnistes
brisent-ils des grèves?
Les révélations de René Andrieu
S'il est assez facile de reconstituer les calculs
des révisionnistes et leur « tactique » en ana-
lysant leur comportement, les déclaration et
les textes du P.C.F. sont souvent fuyants, ambi-
gus, contradictoires, ce qui est le propre d'une
ligue opportuniste. La raison en est simple :
si le P.C.F. exposait tout crûment aux masses
les sacrifices monstrueux qu'il prétend leur
imposer pour obtenir d'illusoires accords parle-
mentaires, il se heurterait à une violente riposte.
Il en est donc réduit à une constante politique
le louvoiement et de dissimulation pour tenter
de faire admettre passivement par les masses
les capitulations successives qu'impliqué sa
tactique. Mais si les textes louvoient, dans la
pratique la répression du mouvement de masse
est menée avec vigueur. Enfin, il arrive que,
à un moment ou à un autre, une déclaration ou
un discours un peu plus « audacieux » d'un
dirigeant révisionniste vende la mèche et dévoile
un plan de tactique plus ou moins dissimulé
aux larges masses : c'est en général à l'occa-
sion d'une discussion ou d'un « débat » avec
des intellectuels, ou des cadres que ce genre
de confidences, impossible devant des assem-
blées ouvrières, sont faites.
Voyons plus précisément sur le cas des grè-
ves.
1. — Dans la pratique, le P.C.F. et la bureau-
cratie C.G.T. répriment les grèves, les actions
dures, et mettent tout en œuvre pour les liqui-
der.
2. — En théorie, dans les textes officiels, les
dirigeants du P.C.F. et de la C.G.T. ne se décla-
rent pas opposés aux grèves — chose impossi-
ble à faire admettre aux masses : ils feignent de
vouloir préparer les grèves, de craindre des
actions prématurées, etc. Ils ne reconnaissent
pas que leur ligne pratique est de faire cesser
à tout prix une grève dès qu'elle éclate. Les
textes de la C.G.T. se déclarent simplement op-
posés aux grèves illimitées — comme s'il
s'agissait d'un conseil aux syndicalistes, non
d'une ligne de répression active. Dans les textes
officiels toujours, seul le soi-disant « rapport
de forces » est mis en avant ; les considérations
politiques sont le plus souvent laissées dans
l'ombre.
3. — Mais il arrive que les dirigeants du P.C.F.
se démasquent ouvertement et révèlent que
leur << tactique » d'unité avec la F.G.D.S. a pour
conséquence une opposition systématique aux
grèves, et une politique de répression de celles-
ci.
Un exemple en a récemment été donné par
une intervention exceptionnellement « franche »
de René Andrieu, rédacteur en chef de
« l'Humanité », lors d'une « conférence-débat ••>
organisée par les débris de l'U.E.C., et à la-
quelle assistaient quelques étudiants.
Andrieu avait commencé par débiter des
tirades parlementaires, décortiquant les textes
d'accord F.G.D.S.-P.C.F., intitulant « mouvement
de masse » un pourcentage de déplacement
de voix de Lecanuet à Mitterrand entre deux
tours de scrutin, etc. Rien que de très ordinaire.
25
MOUVEMENT DES MASSES (I)
Citations du Président Mao Tsé-toung
Dans peu de temps, on verra dans les provinces du centre, du sud et
du nord de la Chine des centaines de millions de paysans se dresser, impé-
tueux, invincibles, tel l'ouragan, et aucune force ne pourra les retenir. Ils
briseront toutes leurs chaînes et s'éianceront sur la voie de la libération,
lis creuseront le tombeau de tous les impérialistes, seigneurs de guerre,
fonctionnaires corrompus et concussionnaires, despotes locaux et mauvais
hobereaux. Us mettrons à l'épreuve tous les partis révolutionnaires, tous les
camarades révolutionnaires, qui auront à prendre parti. Nous mettre à la tête
des paysans et les diriger ? Rester derrière eux en nous contentant de les
critiquer avec force gestes autoritaires ? Ou nous dresser devant eux pour les
combattre ? Tout Chinois est libre de choisir une de ces trois voies, mais les
avènements obligent chacun à faire rapidement ce choix.
La révolte des paysans a arraché les hobereaux à leur doux sommeil.
Dès que les nouvelles en provenance da la campagne ont atteint les régions
urbaines, les hobereaux dans les villes se sont agités. A mon arrivée à
Tchangcha, j'ai rencontré toutes sortes de gens et entendu bien des racon-
tars. De la couche moyenne de la société à l'aile droite du Kuomintang, tous
s'accordaient à caractériser la situation par ces mots : « Ça va très mal ! »
H n'y a rien là-dedans qui aille « mal », absolument rien qui aille « très
mal ». « Ça va très mal » est évidemment une théorie pour défendre les inté-
rêts des propriétaires fonciers contre les paysans qui relèvent la tête ; c'est
évidemment une théorie de la classe des propriétaires fonciers peur préser
ver le vies! ordre féodal et empêcher ['établissement d'un nouvel ordre dé-
mocratique ; c'est évidemment une théorie contre-révolutionnaire, Aucun ca-
marade révolutionnaire ne doit répéter cette sottise. Si les conceptions révo-
lutionnaires se sont définitivement aîîsrmies en vous et s'il VOLÎS es* arrivé
d'aller à la campagne voir ce qui s'y passe, vous avez dû certainement éprou-
ver une allégresse peu commune. Des milliers et des milliers d'esclaves —
les paysans — jettent à terre leurs ennemis qui s'engraissent à leurs dépens,
Ce qua font les paysans est absolument Juste ; Hs agissent très bien ! « Ça
va très bien ï » est la théorie des paysans et de tous les autres révolution-
naires.
Tous les camarades révolutionnaires doivent prendre parti pour ce bou-
leversement, sinon leur position est ce!!^ de la contre-révolution.
Tous ces appels quotidiens pour « éveiller !ss masses populaires » et
cette terreur mortelle quand celles-ci ss réveillent réellement, n'est-ce pas !a
célèbre histoire de Maître Chech et snn amosfr pour les dragons !
"L'enquête dans le Hounan "
II se trouve que l'auditoire se mit à poser des
questions sur l'état du mouvement revendicatif
de la classe ouvrière ; certains étudiants font
remarquer à Andrieu qu'il est bien beau de
parler du « mouvement des masses » et d'ali-
gner les chiffres électoraux, mais que, jusqu'à
nouvel ordre, le mouvement revendicatif de la
classe ouvrière constitue une composante fon-
damentale de ce « mouvement des masses ».
Où en est donc la lutte contre le chômage ? Et
pour la Sécurité Sociale ? Et pourquoi le 17 mai
1967 n'a-t-il pas eu de suite ? Et pourquoi le
13 décembre a-t-il été un échec ? Et pourquoi
Krasucki a-t-il signé avec le C.N.P.F., en dehors
de toute action réelle des masses, un accord
d'aumône et de division des chômeurs pré-
senté comme une grande victoire ? Et pourquoi
« l'Humanité » a-t-elle consacré un entrefilet
minable à la lutte magnifique des ouvriers de
Redon ?
Andrieu refuse d'abord de répondre, élude
les questions sur les luttes ouvrières, essaye
de s'en tirer en plaçant l'habituel couplet anti-
« gauchiste ». Mais les questions se font pres-
santes.
Enfin, poussé dans ses derniers retranche-
ments, le rédacteur en chef de « l'Humanité »
s'emporte pour de bon et, du coup vend la
mèche : « Oui, c'est vrai que dans cette période,
les éléments aventuristes et gauchistes essayent
d'utiliser le mécontentement des travailleurs !
Oui, c'est vrai que les organisations qui ont la
responsabilité de la classe ouvrière doivent
avertir les ouvriers sur les difficultés de lutter
actuellement ! Il est facile de parler de grèves.
(Andrieu hausse encore le ton : le voilà qui
crie), mais Maurice Thorez a dit en 1936 : « II
faut savoir arrêter une grève » ! Et il faut le dire,
aussi, que LES GRÈVES FONT PEUR AUX
CLASSES MOYENNES ». Voilà le grand mot
lâché. Le rédacteur en chef est à bout de souffle
et de nerfs. Quant aux étudiants honnêtes, ils
ont compris, et les rumeurs qui s'élèvent le font
bien voir. Car c'est là le fond de la question.
C'est bien la logique du P.C.F. que révèle le
discours d'Andrieu. « Les grèves font peur aux
classes moyennes », dit-il. Entendez : « à nos
amis Mitterrand et Guy Mollet ».
Cela vous paraît un peu fort ? Allez donc
demader confirmation à Monsieur Andrieu, ré-
dacteur en chef de « l'Humanité », organe cen-
tral du P.C.F. !
Après tout, les choses sont simples : la seule
« garantie » dos scciai- démocrates et autres
fédérés contre ie « coup de Prague », c'est-à-
dire contre la mobilisation des masses travail-
leuses pour meiti-e en échec les complots de
la bourgeoisie et imposer la démocratie popu-
laire, c'est que le P.C.F. désarme, démobilise,
divise, réprime les masses populaires et brise
iasirs iuîîes. Les chiffons de papier appelés
« plate-forme commune », « programme com-
mun », etc. sont à ce prix : que ie P.C.F. réprime
le mouvement revendicatif et les poussées révo-
lutionnaires des masses. Waldeck-Rochet, Kra-
sucki et leurs cliques ont décidé d'en passer
par là. lis font des discours ronflants sur l'unité
et ies progrès du « mouvement de masse », au
moment même où ils envoient leurs permanents
faire !a sale besogne de briseurs de grèves.
Certains appellent cela « la logique de l'unité ».
Nous appelons cela : « la logique des réaction-
naires, des contre-révolutionnaires et des traî-
tres ». Et, qui plus est, nous estimons que ce
sont là des termes scientifiques.
(suite au prochain numéro.)
(lettre d'un camarade dirigeant syndical)
Ça y va depuis quelques temps
dans la C.G.T. Les pontes syndicaux
multiplient leurs « mises en garde ».
L'espionnite s'installe dans les fé-
dérations d'industrie, les U.D.
Nous ne sommes pas d'accord avec
les « scissionnistes et les sectaires dans
le syndicat. Mais qui leur prête le
flan sinon le réformisme de la C.G.T. ?
Beaucoup de militants syndicalistes
sont tombés dans ces déviations parce
que leurs positions révolutionnaires
leur ont valu la répression de la
C.G.T.
Pour les trotskystes, il en va autre-
ment. Ce sont en fait souvent des
« agents étrangers à la classe ou-
vrière ». Les trotskystes ont fait assez
de mal. Mais, là encore, qui pousse
à ces conceptions sinon le révision-
nisme P.C.F.-C.G.T. ?
Nous savons ce que nous avons à
faire avec ces militants. Qu'ils com-
prennent que leur ligne est fausse
même si certaines de leurs positions
sur tel ou tel problème sont justes.
Qu'ils comprennent que la lutte de
classe doit être menée dans la C.G.T.
même et non de l'extérieur. Si nous
les rencontrons, nous préférons la
discussion au mouchardage:, mouchar-
dage aux pontes syndicaux que ré-
clament ces pontes.
Car ce qui importe à ces pontes, ce
n'est pas tellement la petite agitation
que peuvent faire ces militants. Ce que
les pontes craignent par-dessus tout,
c'est que la classe ouvrière, ses mili-
tants, bousculent le réformisme. Ils
craignent Redon, Caen, Schwarz-Hau-
mont, Rhodiaceta, Le Mans, Mulhou-
se, Remiremont.
Comme disait un de ces pontes :
« Attention, au printemps, il risque
d'y avoir la colère, la révolte parmi
les ouvriers du Bâtiment. Il faudra
prendre garde ». Et les mises en garde,
renouvelées dans les lettres fédérales,
dans les circulaires départementales,
s'accompagnent maintenant contre les
éléments « gauchistes aventuriers »,
dits « payés par on ne sait qui ».
Cela, par écrit. Pratiquement, tout
est confondu. Pratiquement, l'espion-
nite s'installe dans la C.G.T. Avec
elle, la calomnie. Le tout, dirigé par
le P.C.F. révisionniste. Les méthodes
des syndicats réformistes contre les
révolutionnaires que Lénine dénonçait
(voir S.L.P. n° 18) deviennent mon-
naie courante dans la C.G.T. Cela, au
nom de l'Union de la Gauche (union
avec la bourgeoisie de gauche).
DIRIGEANTS REVISIONNISTES
ET P.C.F. ONT PEUR.
Cela prouve que nous sommes sur
la bonne voie.
26
DANS LA CHINE ROUGE LES OUVR
« Servir le Peuple » a reçu d'un ami résidant en Chine et participant à la Grande Révolution culturelle prolétarienne, la
correspondance que nous publions ici et dans le prochain numéro. Au cours d'un entretien avec un groupe de visiteurs, le
Président du Comité Révolutionnaire de la Fabrique de bonneterie de Pékin et un représentant de l'armée populaire de Libéra-
tion montrent comment les ouvriers, s'appuyant sur l'étude de la pensée de Mao Tsé Toung et aidés par l'A.P.L., ont résolu-
ment brisé les tentatives de restauration du capitalisme et pris le pouvoir dans l'usine. Appliquant ia directive du Président
Mao. « Combattre l'égoïsme et critiquer le révisionnisme », les ouvriers, en combattant l'esprit de fraction, ont définitivement
réalisé ia grande alliance des organisations révolutionnaires et ont fait triompher la voie prolétarienne, la ligne d'édification du
sociaîisma.
Cette fabrique et l'unité 8341 de l'A.P.L. ont été citées en exemple à toute la nation chinoise pour avoir donné un excel-
lent modèle de la manière d'appliquer la ligne révolutionnaire du Président Mao et de suivre ses dispositions stratégiques
pour la Révolution Culturelle.
Le 20 Janvier 1967, inspirés par
l'exemple des révolutionnaires prolé-
tariens de Changhaï et répondant à
l'appel lancé par l'Editorial du Dra-
peau Rouge N° 3, convaincus que tant
qu'ils détiennent le pouvoir, les res-
ponsables engagés dans la voie capita-
liste, l'utilisent pour s'opposer à la
ligne révolutionnaire et réprimer les
masses, les ouvriers de la fabrique
regroupés en une organisation « re-
belle » de lutte idéologique prirent le
pouvoir. Mais après la prise du pou-
voir, l'organisation rebelle se scinda
en deux fractions opposées. Leurs di-
vergences sur des points mineurs
grossirent et finirent par gêner l'appli-
cation des dispositions stratégiques du
Président Mao et l'orientation correcte
de la lutte et de la critique contre le
Kroutchev chinois et ses agents.
Le C.C. décida alors l'envoi d'une
trentaine de soldats de l'A.P.L. à
l'usine. Ceux-ci travaillent avec les
ouvriers et vivent avec eux. Ils se
sont livrés à un minutieux travail idéo-
logique pour résoudre ces contradic-
tions au sein du peuple sur la base de
la pensée de Mao Tsé-toung. Faisant
largement confiance aux masses, con-
vaincus que dans leur immense majo-
rité, elles sont saines et que les mau-
vais éléments sont rares, ils ne se sont
pas pressés de soutenir tel ou tel
côté. Leurs enquêtes leur permirent de
conclure que les deux organisations
opposées étaient révolutionnaires et
suivaient une orientation correcte. Ap-
pliquant le principe de « soutenir la
gauche, mais aucune fraction en parti-
culier », ils sont parvenus à faire dis-
paraître graduellement les antago-
nismes. La Grande Alliance fut réali-
sée et le Comité Révolutionnaire de
la Fabrique établi le 11 Novembre.
La Fabrique d'articles de bonnete-
rie se trouve dans la banlieue de
Pékin. C'est un bâtiment assez vaste
et agréable en ce sens que ses ateliers
sont disposés au milieu d'un parc-
jardin où croit une végétation repo-
sante. Elle emploie 2.000 ouvriers.
Le matériel est entièrement chinois.
Il frappe par sa propreté et son aspect
entièrement moderne. Il est également
frappant de voir le nombre de cita-
tions de Mao Tsé-toung qu'on aper-
çoit. Chaque ouvrier a tenu à en
mettre sur chaque machine où il
travaille. Une atmosphère détendue
règne dans cette usine comme dans
toutes les usines chinoises que j'ai
visitées. Absolument rien ici n'évoque
les cadences infernales, mais il n'y a
pas non plus de laisser-aller, et cha-
cun travaille avec application. J'ai
d'ailleurs appris un peu plus tard que
le plan annuel a été accompli avec 22
jours d'avance.
Nous avons vu avec intérêt des
appareils semi-mécaniques qui ont été
fabriqués par les ouvriers eux-mêmes
pour enrouler les tissus ou pour les
teindre. On nous a expliqué que ces
innovations ont beaucoup permis de
simplifier des travaux autrefois accom-
plis à la main et comportant des
risques pour la santé des travailleurs.
Je donne ci-après, la transcription
d'une partie du dialogue qui a eu lieu
entre notre groupe de visiteurs d'un
côté, les dirigeants du Comité Révo-
lutionnaire et un soldat de l'unité
8.431 de l'autre.
Comment les deux groupes qui avaient des divergences
se sont-ils unis ?
Faut-il considérer la présence de soldats"de l'A.P.L. à l'usine
comme signifiant qu'elle est sous contrôle militaire ? (1)
R. du Président du Comité Révolu-
tionnaire : Non. Le groupe de l'A.P.L.
de l'usine comprend une trentaine de
personnes. Son rôle est avant tout de
propager la pensée de Mao Tsé-toung.
A cet égard, trois principes guident
son action :
1° Faire un travail idéologique mi-
nutieux.
2° Ne pas soutenir immédiatement
(1) Les soldats envoyés pour exercer
le contrôle militaire sont peu nombreux
(7 pour 1.500 ouvriers dans une entreprise
voisine de l'endroit où je travaille). L'exer-
cice du contrôle militaire ne signifie pas
qu'on arrête le mouvement de Révolution
Culturelle dans l'endroit concerné. Les
soldats veillent au maintien de la gestion
de l'entreprise et ils font du travail parmi
le personnel pour éviter que les discus-
sions et les luttes idéologiques n'y por-
tent atteinte.
(2) Les mots « rebelles ». « révolte » doi-
vent s'entendre au sens de la révolte
idéologique contre le révisionnisme. La
une des organisations de masse. Si
les organisations de masse qui ont des
désaccords sont révolutionnaires, les
aider à s'unir.
3° Ne pas avoir peur de commettre
des erreurs.
Les soldats habitent à l'usine, ils
pratiquent les « 3 ensembles », c'est-
à-dire qu'ils étudient, travaillent,
vivent avec les ouvriers.
Décision en 16 points du PCC qui est la
Charte de la Révolution Culturelle précise
impérativement que la lutte se fait par le
raisonnement et non par la coercition.
(3)) Le destitution des autorités enga-
gées dans ia voie capitaliste ne met pas
fin à la lutte et à la critique. Les masses
doivent encore discuter pour analyser et
critiquer tous les aspects de leur activité,
jetant ainsi les bases de la troisième
tâche qui est la réforme.
(4) Aide à la gauche, à l'industrie et à
l'agriculture Contrôle et entraînement
militaires.
Le Président. — Avant la Révolu-
tion Culturelle, certains cadres appli-
quaient la ligne de Pengtchen et de
l'ex-Comité municipal de Pékin. Il y
avait une lutte entre deux lignes. Dans
notre usine, les responsables engagés
dans la voie capitaliste refusaient de
donner la primauté à la politique. Ils
mettaient l'accent sur la technique. Ils
s'opposaient de mille façons à l'étude
des œuvres du Président Mao.
Ils ont pratiqué à fond le système
des stimulants matériels. Toutes sortes
de primes existaient. Toutes sortes de
catégories professionnelles étaient im-
posées aux ouvriers. La gestion de
l'usine était inspirée du système des
trusts. La direction de l'usine était as-
surée par un service pléthorique avec
un personnel administratif énorme,
coupé des masses, coupé de la réa-
lité.
Les rebelles révolutionnaires (2) ont
durement lutté. Comme je vous l'ai
dit, le 20 Janvier 1967, ils ont pris le
pouvoir aux responsables engagés
dans la voie capitaliste.
Mais ensuite, ils se sont scindés en
2 groupes, l'Orient Rouge et le Com-
mandement Rouge. Leurs divergences
portaient sur la façon de poursuivre le
mouvement, sur le traitement à donner
à certains cadres. Chaque groupe exa-
gérant les lacunes de l'autre, il finit
par se créer des antagonismes. Comme
vous le savez, après le déclenchement
de la Révolution culturelle, on a créé
des groupes sur le type de la Com-
mune de Paris. Nous en avions un à
l'usine. Il a commis des erreurs et les
2 organisations se sont divisées à son
sujet.
L'Orient Rouge considérait qu'il
devait être écarté.
Le Commandement Rouge considé-
rait qu'on pouvait le laisser diriger le
mouvement et qu'il pouvait rectifier
ses erreurs.
Les divergences grossirent. Les
deux groupes écrivaient des dazibaos
les uns contre les autres et négligeaient
la lutte et la critique (3) dirigées
contre les responsables engagés dans
ia voie capitaliste. Ceci commença à
27
RS SONT MAITRES DES
NES
gêner la production et ce n'était pas
conforme au plan stratégique du Prési-
dent Mao.
L.A.P.L. est alors arrivée pour sou-
tenir la gauche.
Le groupe de soldats a déclenché
un mouvement d'étude de la pensée de
Mao Tsé-toung. Ils ont insisté pour
que le fer de lance soit dirigé contre
le Krouthcev chinois et ceux qui ont
pris la voie capitaliste. Ils ont exalté
la conscience de classe des ouvriers
et pris soin de soutenir la gauche et
non les fractions. (Un visiteur étranger
demande alors s'il est possible d'avoir
des détails plus concrets. Le soldat
de l'A.P.L., un géant au visage dé-
bonnaire, prend alors la parole).
Le cadre de l'A.P.L. — Pour bien
comprendre la mission de l'A.P.L.
consistant à assurer les 3 aides et les
2 contrôles (4), il faut bien compren-
dre ce qu'est notre armée.
Le Président Mao a dit : « Sans
armée populaire, le peuple n'aurait
rien ». Notre armée est issue du peu-
ple. Nous sommes dans le peuple
comme le poisson dans l'eau. Quand
nous venons dans une usine comme
celle-ci, nous n'avons pas seulement
pour tâche de diffuser la pensée de
Mao Tsé-toung, nous devons aussi
nous instruire auprès des ouvriers et
nous mettre à leur école.
Quand des problèmes concrets se
posent, nous les étudions avec eux.
Nous rendons visite à tous les ouvriers
fatigués ou malades. Nous avons cons-
taté dès notre arrivée que les masses
nous faisaient confiance. Quand cer-
tains des nôtres sont malades, il y a
toujours des ouvriers qui viennent leur
préparer à manger et leur apporter
des couvertures. Nos rapports avec les
ouvriers sont très étroits.
Au cours du mouvement de la ré-
volution culturelle, nous avons soutenu
toutes les actions conformes à la pen-
sée de Mao Tsé-toung quelle que soit
l'organisation qui l'accomplissait. Par
exemple, en Juillet 67, un des 2
groupes, l'Orient Rouge a proposé de
faire une exposition contre gaspillage.
Le Commandement Rouge était
contre, îl disait que cette exposition
Dans de nombreuses usines de Chine, comme à l'usine de bonnete-
rie de Pékin, l'A.P.L. soutient la souche révolutionnaire.
avait pour but de faire croire que
c'était ses membres qui gaspillaient.
Notre groupe de l'A.P.L. a dit qu'il
fallait s'écarter des vues fractionnistes.
Nous avons dit que l'idée de tenir une
exposition était juste, nous avons sou-
ligné également que cette exposition
ne devait pas avoir d'autre but que
de servir la pensée de Mao Tsé-toung.
Sur cette base, nous avons pu con-
vaincre les 2 organisations d'y parti-
ciper.
' En Septembre, il y a eu une con-
férence pour le mouvement de soutien
à l'armée et d'amour du peuple. Ceci
était conforme à la pensée de Mao
Tsé-toung. Nous avons accepté d'y
prendre la parole. Des divergences
sont apparues lorsqu'il s'est agi de
citer le nom des organisations qui de-
vaient participer à cette conférence.
L'Orient Rouge ne voulait pas qu'on
cite le nom du Groupe de la Révolu-
tion Culturelle, auquel cas, ses mem-
bres n'assisteraient pas à la réunion.
Nous avons dit que du moment que
ces contradictions étaient des contra-
dictions au sein du peuple, on ne pou-
vait pas interdire à certains de parler.
Au sein du peuple, la démocratie doit
régner. Nous avons dit que tous de-
vaient parler et nous avons convaincu
les 2 groupes.
Le Président. — Le travail patient
de l'A.P.L. a permis de réduire les
antagonismes. L'instruction du Prési-
dent Mao que vous connaissez : Au
sein de la classe ouvrière, il n'y a
pas de conflits d'intérêts fondamen-
taux. Sous la dictature du prolétariat
en particulier, il n'y a aucune raison
pour la classe ouvrière de se diviser
en organisations appartenant à 2
grandes fractions antagonistes — a été
massivement diffusée. En peu de
temps, le désir de réaliser la grande
alliance est devenu une force im-
mense.
Maîtres des usines, les ouvriers débusquent les responsables engagés dans la voie capitaliste et résolvent les problèmes de la production
La fin de ce dialogue sera publiée dans le prochain numéro
de << Servir le Peuple ».
28
L'IMPERIALISME A
Déclaration du camarade
MAO TSÉ-TOUNG
Président du comité central du
Parti Communiste chinois
pour soutenir la lutte des
afro-américains contre la violence
(16 Avril 1968)
Récemment, le pasteur afro-américain Martin Luther King
était brutalement assassiné par les impérialistes américains. Il
était partisan de la non-violence. Mais les impérialistes améri-
cains n'ont pas pour autant fait preuve de tolérance à son
égard : ils ont, au contraire, usé de la violence contre-révo-
lutionnaire et l'ont impitoyablement tué. Cet événement consti-
tue une profonde leçon pour les masses afro-américaines : il
a soulevé une nouvelle tempête de luttes contre la violence, qui
balaie plus d'une centaine de villes américaines, fait sans précé-
dent dans l'histoire des Etats-Unis. Elle démontre que, parmi
les plus de 20 millions d'Afro-Américains, couve une force
révolutionnaire d'une puissance extrême.
La lutte des Afro-Américains qui se déchaîne en tempête aux
Etats-Unis est une manifestation frappante de la crise politique
et économique que connaît actuellement l'impérialisme améri-
cain. Elle porte un rude coup à ce dernier, en proie à de mul-
tiples difficultés tant intérieures qu'extérieures.
La lutte des Afro-Américains n'est pas seulement une lutte
menée par les noirs exploités et opprimés pour la liberté et
l'émancipation, elle constitue aussi un nouveau son de clairon
qui appelle tous les Américains exploités et opprimés à se sou-
lever contre la féroce domination de la bourgeoisie des mono-
poles. Elle apporte un puissant soutien et un immense encou-
ragement à tous les peuples du monde en lutte contre l'impé-
rialisme américain, au peuple vietnamien en lutte contre l'impé-
rialisme américain. Au nom du peuple chinois, j'exprime mon
ferme soutien à la juste lutte des Afro-Américains.
La discrimination raciale pratiquée aux Etats-Unis est un
produit du système colonialiste et impérialiste. La contradiction
qui oppose la masse des Afro-Américains à la clique dominante
de ce pays est une contradiction de classe. Ce n'est qu'en ren-
versant la domination réactionnaire de la bourgeoisie des mo-
nopoles, en détruisant le système colonialiste et impérialiste,
que les Afro-Américains pourront obtenir l'émancipation totale.
La masse des Afro-Américains et celle des travailleurs blancs
ont des intérêts et des objectifs de lutte communs. Aussi, la
lutte des Afro-Américains bénéficie-t-elle, aux Etats-Unis, de la
sympathie et du soutien d'un nombre toujours croissant de tra-
vailleurs et de progressistes blancs. Cette lutte ne manquera
pas de fusionner avec le mouvement ouvrier américain et de
mettre définitivement fin à la domination criminelle de la bour-
geoisie des monopoles aux Etats-Unis.
Je disais, en 1963, dans la « déclaration pour soutenir les
noirs américains dans leur juste lutte contre la discrimination
raciale pratiquée par l'impérialisme américain », que « l'exécra-
ble système colonialiste et impérialiste dont la prospérité a dé-
buté avec l'asservissement et la traite des noirs, disparaîtra avec
la libération totale des peuples de race noire ». Je maintiens,
aujourd'hui encore, ce point de vue.
A l'heure actuelle, la révolution mondiale est entrée dans
une nouvelle et grande époque. La lutte des Afro-Américains
pour l'émancipation est une composante de la lutte générale
des peuples du monde contre l'Impérialisme américain, une com-
posante de la révolution mondiale de notre temps. J'appelle les
ouvriers, les paysans, les intellectuels révolutionnaires de tous
les pays ainsi que tous ceux qui veulent combattre l'impéria-
lisme américain à passer à l'action et à apporter un puissant
soutien aux Afro-Américains en lutte ! Peuples du monde, unis-
sez-vous plus étroitement encore, lancez des attaques soute-
nues et violentes contre notre ennemi commun, l'impérialisme
américain, et ses complices ! On peut affirmer que le jour n'est
plus éloigné où s'effondreront complètement le colonialisme,
l'impérialisme et tous les systèmes d'exploitation, où tous les
peuples et nations opprimés conquerront leur émancipation
totale.
Le 4 avril, dans la soirée, le pasteur noir Martin Luther King était
assassiné par des racistes blancs. Cet assassinat allait être suivi par une
série de puissantes luttes menées en divers endroits par les afro-américains.
La lutte s'étend à 20 villes le 5 avril (dont Washington, la capitale, et
New York), à 40 villes le 6 avril. Les flammes de la lutte ont gagné
165 villes. Partout, les afro-américains détruisent les magasins, entrepôts,
immeubles appartenant à des racistes blancs. Partout, les afro-américains
résistent victorieusement aux forces de répression (13.000 paras pour
la seule ville de Washington, près de 100.000 hommes (police, gardes
nationaux, forces régulières, paras, marines ayant combattu au Vietnam)
dans tous les U.S.A.), luttant à coup de briques et de bouteilles, stoppant
les autos-pompes appelées à la rescousse, ouvrant le feu contre la police
et même tirant contre les hélicoptères de l'armée, en en touchant un à
Memphis.
Le développement rapide et vigoureux de cette lutte déclenchée par
l'assassinat du pasteur noir Martin Luther King montre que les larges
masses afro-américaines ont été poussées au-delà des limites de ce qu'elles
pouvaient supporter. Maintenant, elles ne tolèrent plus l'oppression et
l'exploitation des classes dominantes. Leur colère contenue éclate enfin
comme une poudrière à la moindre étincelle.
Stokely Carmichael, jeune dirigeant afro-américain, a indiqué claire-
ment : « Ce dont nous avons besoin maintenant, ce sont des fusils, et plus
de fusils •».
ENTRETIEN avec JAMES FORMAN,
responsable dirigeant du S.N.C.C.
et du parti des Panthères Noires
Q. : Quel est l'avenir de la lutte des
Afro-Américains ?
R. : Evidemment le gouvernement
va intensifier sa répression, ce qui va
renforcer la résistance. La résistance
nécessitera des formes plus vastes
d'organisation : chercher encore plus
à unir les militants noirs. Il y aura de
plus grands efforts pour utiliser les
ressources des classes moyennes
noires. Il y aura des efforts accrus
pour obtenir le soutien moral des
mouvements de libération à travers le
monde.
Q. : Que pensez-vous de la récente
déclaration du Président Mao Tsé-
toung, soutenant la lutte des Afro-
Américains contre la violence ?
R. : Je pense que cette déclaration
est très importante. Elle donne un
autre exemple du soutien international
grandissant à la lutte de libération des
Noirs aux Etats-Unis. Cette déclara-
tion appelle « tous ceux qui veulent
combattre l'impérialisme américain...
à apporter un puissant soutien aux
Afro-Américains en lutte ». Ceci doit
certainement être appliqué. Il est né-
cessaire, pour ceux qui luttent contre
l'impérialisme aux Etats-Unis, d'avoir
le soutien du plus grand nombre pos-
sible de gens dans le monde et aux
Etats-Unis mêmes. Nous sommes dans
une position très très dangereuse ;
après tout, nous vivons à l'Intérieur
des Etats-Unis, à l'intérieur du
monstre impérialiste, et notre lutte
n'est pas aisée du tout ; en fait, elle
est très ardue.
Q. :Quel soutien attendez-vous du
peuple français ?
R. : Je pense qu'il est extrêmement
important pour notre lutte de renfor-
cer en France la lutte contre la guerre
du Vietnam ; il est extrêmement im-
portant pour nous de renforcer les
actions contre le colonialisme français.
Dans des situations précises, on pour-
ra faire appel aux gens pour des
actions précises (manifestations pour
soutenir Rap Brown ; demander aux
gens de soutenir la cause du Parti des
Panthères Noires, et de son ministre
de la défense Huey P. Newton qui
passera en jugement le 6) ; des mani-
festations contre les intérêts améri-
cains en France, en liaison directe
avec des actions aux Etats-Unis sont
extrêmement importantes ; des res-
sources financières, de l'argent, c'est
extrêmement important, il faut insister
là-dessus ; raffermir sa connaissance
du système impérialiste, et passer à
certaines actions concrètes contre
quelques-unes de ses manifestations,
c'est important ; et, bien sûr, la lutte
contre l'impérialisme à l'intérieur
même de la France nous est d'un
grand secours.
Le but principal de mon voyage
en France est d'obtenir un soutien à
la cause de Huey P. Newton et de Rap
Brown ; il est très important de popu-
lariser autant que possible en France
la lutte de libération des Noirs, en
liaison avec le procès de Huey P.
Newton, qui s'ouvrira le 6 ; nous
tenons aussi beaucoup à recevoir des
messages de soutien international, de-
mandant la mise en liberté immédiate
de Eldridge Cleaver, maintenant en
prison, qui a été blessé le 6 Avril,
dans un combat armé avec la police,
au cours duquel Bonny Hutton a été
tué.
NOTE : Le S.N.C.C. et le parti des Panthères Noires sont deux
organisations afro-américaines progressistes, participant au mouvement
de libération des Noirs.
Le S.N.C.C. est présidé par Rap Brown.
Huey P. Newton, responsable du parti des Panthères Noires, a été
jeté en prison par l'appareil de répression de l'impérialisme américain.
29
RICAIN
AUX
ABOIS
VIETNAM!
Uxi peuple vainqueur
Dénonçons les supercheries de paix
Pékin, 15 avril (Hsinhua). — Le « Renmin
Ribao » publie aujourd'hui un article de son
commentateur dénonçant cette nouvelle super-
cherie de Johnson qu'est la « suspension par-
tielle des bombardements ». Voici le texte inté-
gral de cet article :
Le chef de file de l'impérialisme américain,
Lyndon Johnson, a lancé sur le marché ce qu'il
a appelé un programme de « suspension par-
tielle des bombardements », programme visant
en fait à escroquer la paix, mais en moins de
deux semaines, avant même que son complot
ait été mis pleinement à exécution, les inten-
tions meurtrières de Johnson se sont révélées
au grand jour. Un grand nombre de faits ont en
effet prouvé que le stratagème de Johnson était
une grande, pure et simple, une énorme super-
cherie.
Qu'a donc fait l'administration Johnson au
cours des quinze jours qui viennent de s'écou-
ler ?
Au moment précis où Johnson en appelait
à la « réalisation de la paix » au Vietnam, le
gouvernement américain adoptait une série de
mesures destinées à y intensifier sa guerre
d'agression.
Il ordonnait un appel sous les armes de 24.500
réservistes des forces terrestres, navales et
aériennes, se préparant à porter à près de
550.000 les effectifs destinés à l'agression au
Vietnam.
Le gouvernement américain s'est démené
pour déplacer ses troupes et ses commandants.
C'est ainsi qu'il a remplacé Westmoreland, com-
mandant des troupes d'agression américaines
au Vietnam, par Creighton Abrams, auquel la
population Sud-Vietnamienne a également infli-
gé un grand nombre de défaites. Par ailleurs, le
gouvernement américain est prêt à faire de nou-
veaux déploiements militaires sur le champ de
bataille du Sud-Vietnam.
I! a exigé de l'industrie militaire américaine
qu'elle accélère sa massive production d'armes,
afin de renforcer l'équipement des forces
d'agression américaines au Vietnam ainsi que
celui des forces fantoches sud-vietnamiennes.
Il a appelé tous ses complices dans l'agres-
sion contre le Vietnam à une conférence, afin
d'intensifier son recrutement de chair à canon.
Aux ordres des Etats-Unis, la clique fantoche
thaïlandaise a annoncé qu'elle allait envoyer au
Sud-Vietnam une « division de renfort », autre-
ment dit, une division de forces satellites.
Le gouvernement américain a envoyé des
avions-pirates bombarder intensivement le Nord
Vietnam, surtout le nord de la ligne de démar-
cation militaire : ces bombardements ont atteint
une férocité sans précédent.
Cette série de faits prouvent que les « négo-
ciations de paix » de Johnson ne sont, de toute
évidence, rien d'autre qu'un stratagème destiné
à couvrir leurs complots d'intensification de la
guerre.
Johnson s'est employé à paraître vouloir en-
tamer des « négociations de paix », en même
temps qu'il se livrait à divers tours de passe-
passe, même à propos du lieu de « rencontre »
entre les deux parties. Auparavant il avait dé-
claré : « Les Etats-Unis sont prêts à envoyer
leurs représentants n'importe où, n'importe
quand, afin de discuter des moyens propres à
mettre un terme à cette guerre ». Le voici main-
tenant qui, manquant à sa parole, s'oppose à
ce que Phnom Penh serve de lieu de contact.
Tout comme Samdech Sihanouk, chef d'Etat
du Cambodge, l'a indiqué : cette attitude démon-
tre I' « hostilité persistante » des Etats-Unis
envers le Cambodge ; et « si les Américains ont
adopté cette attitude, c'est qu'ils désirent faire
grand tapage autour de leurs entretiens avec
le Nord Vietnam ». Ce fait seul suffit à révéler
que les prétendus « entretiens » proposés par
le chef de file de l'impérialisme américain ne
sont qu'une supercherie.
Si l'administration Johnson s'est si bien em-
ployée à monter sa supercherie de « négocia-
tions de paix », c'est qu'elle affronte des diffi-
cultés sans précédent tant à l'intérieur qu'à l'ex-
térieur : défaite complète de sa guerre d'agres-
sion au Vietnam, insurmontable crise du dollar,
lutte vigoureuse des afro-américains, contradic-
tions acharnées au sein de la clique dominante,
enfin, isolement total sur le plan international.
A l'approche des élections présidentielles,
Johnson tente de passer le cap difficile en re-
courant, avec la coordination étroite et l'aide
énergique de la clique de traîtres révisionnistes
soviétiques, à ce stratagème par lequel il espère
donner le change au peuple américain et aux
autres peuples du monde.
Notre grand guide le président Mao nous
enseigne : « Le principe qu'observent les
forces réactionnaires à l'égard des forces
démocratiques populaires est de détruire
résolument toutes les forces démocratiques
qu'elles peuvent, et de se préparer à dé-
truire plus tard celles qu'elles n'arrivent pas à
détruire pour le moment ». L'impérialisme amé-
ricain ne renoncera jamais à ses desseins
d'agression au Vietnam. Lorsque les agresseurs
américains seront complètement vaincus sur le
champ de bataille, et que tous seront chassés
du territoire vietnamien, alors seulement le peu-
ple vietnamien pourra réaliser son objectif
sacré, qui est la libération nationale eî la réuni-
fication de la patrie. L'héroïque peuple vietna-
mien, résolu à combattre et à vaincre, livre des
combats opiniâtres, et avance sur la lancée de
ses victoires. Il ne peut que remporter la vic-
toire finale dans sa guerre de résistance à
l'agression américaine pour le salut national.
Pour les Gl's
Khe Sanh reste l'enfer
Khe Sanh, depuis trois mois déjà, est investi
par les F.A.P.L. Depuis trois mois les Gl's se
font anéantir par centaines dans les blockhaus
j ou sur les pistes au moment du décollage, sans
j pouvoir rien faire.
Or voici que les impérialistes annoncent à
grand renfort de publicité que la base est déga-
gée, que les forces populaires se sont retirées
(pour amorcer les négociations ou à la suite
des bombardements des B-52 selon les ver-
sions). C'est un mensonge grossier : voyons les
faits.
Une colonne de secours a pu gagner Khe
Sanh. Mais à quel prix ! Progressant de 2 km
par jour en moyenne, plusieurs dizaines de mil-
liers de marines et de paras fantoches se sont
heurtés à chaque pas aux coups des F.A.P.L. :
attaques surprises, routes minées, piégées,
ponts détruits, embuscades meurtrières frappant
aussi bien ceux qui tentaient une sortie que ceux
qui essayaient de rejoindre la base. Une fois
arrivés dans la base, les hélicoptères ont déposé
des marines sur les hauteurs... où ils ont été
| pris en embuscade par les F.A.P.L. Du 3 au
i 15 avril, 3.000 ennemis ont été anéantis à Khe
Sanh. « Sans coup férir », les yankees repren-
nent l'avant-poste de Lang Vei... pour l'évacuer
! précipitamment deux jours plus tard, après
avoir perdu des centaines d'hommes.
Non, les combattants de Khe Sanh n'ont pas
abandonné le siège de la base. Ils n'ont pas
fait de cadeaux aux yankees, de « geste de
réciprocité » comme l'a prétendu une partie des
pro-yankees. La colonne de secours venue pren-
dre la relève à Khe-Sanh n'est pas dans une
situation meilleure que ses prédécesseurs : les
obus pleuvent à nouveau, les tranchées des
F.A.P.L. progressent, les dépôts d'armes sautent,
les hauteurs sont réoccupées par les patriotes.
Le 20 avril, 32 hélicoptères ont été abattus. Les
nouveaux marines creusent de nouveaux trous.
Le peuple vietnamien sait que l'impérialisme
ne déposera jamais les armes de son plein gré.
C'est le fusil des patriotes qui leur apportera
la paix.
UIIIELEMOUIIEIIIEIIT AilTHMPiJlLISTE DES OUÏTES DE BASE!
'<.(* Mouvement Anti Impérialiste des Cornïiss Vietnam de Base a tenu son premier
congrès les 30 et 31 mars. Après un an et dsmi d'existence des comités de base, ce
premier congrès correspond au grand développement du mouvement : au départ faibles
eî peu nombreux, les Comités Vietnam de Base constituent à présent une puissante force
poétique, jouant un rô!e moteur dans !e développsrnenî des luttes anti-impérialistes en
France.
Le congrès a été à l'image du mouvement, enthousiaste et militant. L'ensemble des
problèmes politiques du mouvement a été largement discuté dans les commissions. La
profonde unité de pensée de tous les militants, tant sur 'a ligne de lutte anti-impérialiste
qua sur la place du mouvement en France, s'est clairement dégagée. Elle est le fruit d'un
long et intense travail militant, d'une longue expérience de la conception et de la discus-
sion de ta propagande.
Les grandes lignes du travail à venir sont fixées. Les bases pour l'édification des orga-
nismes de travail du mouvement sont posées. Les rapports des commissions constituerons
un précieux outil de travail pour les tâches à venir.
Fort de son actuel développement, sur la basa politique qui a toujours été celle des
comités, précisée dans la résolution politique du 1er Congrès, le Mouvement Anti impé-
rialiste du Comité Vietnam de Base constituera un pôle d'attraction pour tous les anti-
impérialistes résolus. Il aura ainsi accompli son rôle qui est d'unir un large mouvement
de masse dans la lutte contre l'impérialisme U.S.
30
Sous la direction de Staline le peuple d'Union Soviétique compte
sur ses propres forces
1936 •• du travail! du pain.' bas les pattes devant rU.R.S.S.f
(suite de la page 9)
soivétique, mobiliser toutes ces
forces révolutionnaires, telle fut la
voie suivie par Staline ; contre cet-
te ligne de la construction du so-
cialisme dans le seul pays libre du
monde, la ligne trotskiste de ré-
volution permanente se caractéri-
se, dit Staline, « par le manque de
confiance dans les forces et les
capacités de notre révolution, le
manque de confiance dans les for-
ces et les capacités du prolétariat
de Russie ».
Staline précise, dans les ques-
tions du léninisme :
« Qu'est-ce que l'absence de foi
en la victoire de l'édification so-
cialiste dans notre pays ?
C'est avant tout l'absence de la
conviction que les masses fonda-
mentales de la paysannerie puis-
sent être amenées à participer à
l'édification socialiste.
C'est, en second lieu, l'absence
de la conviction que le prolétariat
de notre pays, qui détient les pos-
tes de commande de l'économie
nationale, soit capable d'amener
les masses fondamentales de la
paysannerie à participer à l'œuvre
de l'édification du socialisme. »
La révolution permanente, par
contre, mise sur l'extension rapide
de la révolution aux pays « avan-
cés », extension de la révolution
qui sauvera, d'après Trotski, le
pouvoir soviétique de la dégéné-
rescence :
« Sans l'aide étatique directe du
prolétariat européen, la classe ou-
vrière de Russie ne peut pas se
maintenir au pouvoir et transfor-
mer sa domination provisoire en
dictature socialiste durable. »
Trotski (Notre Révolution)
La position de Trotski était au
fond identique à celle des oppor-
tunistes de la IT internationale qui
affirmaient que l'U.R.S.S. était un
pays trop arriéré pour que s'y dé-
veloppe une révolution socialiste
et qui recommandaient de manière
générale aux pays « arriérés », co-
loniaux et semi coloniaux, d'atten-
dre pour se libérer que les pays
avancés aient fait d'abord leur ré-
volution.
Voie socialiste ou voie capitaliste?
(la lutte contre le trotskisme)
Pour appuyer cette position,
Trotski rappelle qu'on ne peut édi-
fier le socialisme sans la base
d'une industrie moderne. Le peu-
ple peut-il se donner cette base en
mobilisant toutes ses forces ? ou
bien cette industrie moderne est-
elle une condition de départ sans
laquelle il est impossible de pen-
ser même à s'engager dans la
construction du socialisme ? Pour
Trotski, il s'agit bien d'une condi-
tion de départ : on construit le
socialisme à partir de la base de
l'industrie moderne léguée par le
capitalisme. Si cette base manque,
ou, comme en U.R.S.S., est faible-
ment développée, deux solutions
sont possibles d'après Trotski : ou
bien la révolution socialiste éclate
dans les pays « industrialisés »
d'Europe, l'Allemagne par exem-
ple ; alors le prolétariat allemand
pourra fournir à l'Etat soviétique
les machines qui lui manquent. Ou
bien on ne peut compter sur une
révolution socialiste proche en Al-
lemagne ; alors il faut malgré tout
que l'U.R.S.S. reçoive « l'aide »
technique de l'Occident capitalis-
te.
En 1926, à la VIIe session de
l'exécutif élargi de l'Internationale
communiste, Trotski déclarait :
La liaison avec les masses, le renforcement de cette liaison,
la volonté de prêter l'oreille à la voix des masses, voilà ce qui fait
la force et l'invincibilité de la direction bochévique.
On peut étabir comme règle générale qu'aussi longtemps que
les bolcheviks conserveront leur liaison avec les grandes masses
du peuple, ils seront invincibles. Et, au contraire, il suffit que les
bolcheviks se détachent des masses et rompent leur liaison avec
elles, il leur suffit de se couvrir de la rouille bureaucratique, pour
perdre toute leur force et se transformer en néant.
<< Pour une formation bolchevique ». Staline.
« Si nous tentions d'ignorer la
division du travail dans l'économie
mondiale et de faire une enjambée
par-dessus l'histoire économique
précédente qui a créé notre indus-
trie telle qu'elle est ; bref, si nous
nous engagions dans la voie de la
doctrine « socialiste » de Monroe
et faisions tout nous-mêmes, cela
impliquerait une très grande dimi-
nution de l'allure de notre déve-
loppement économique. Car il est
très naturel que le refus d'utiliser
le marché mondial pour remplir les
lacunes de notre outillage rendrait
évidemment lent notre propre dé-
veloppement. L'allure de dévelop-
pement n'est pas arbitraire. Il est
donné par tout le développement
mondial parce que, en dernière
instance, l'économie mondiale
contrôle chacune de ses parties,
même si cette partie est régie par
la dictature du prolétariat, même
si elle construit l'économie socia-
liste. »
Ce contrôle qu'exercé le marché
mondial sur chacune de ses par-
ties, Trotski ne propose pas de le
briser, mais au contraire invite l'U.
R.S.S. à le considérer comme une
donnée intangible ; sous prétexte
de ne pas bouleverser les « lois
économiques », Trotski propose à
l'U.R.S.S. de continuer à dépendre
de la bonne volonté du grand ca-
pital européen !
Et quelles sont les lois économi-
ques dont l'U.R.S.S. devrait tenir
compte ? ce sont les lois du mar-
ché impérialiste, les lois des plus
forts : les pays impérialistes main-
tiennent les pays qu'ils dominent
dans un état arriéré pour mieux
les piller, pour acheter à bas prix
les produits agricoles qu'ils pro-
duisent et leur vendre cher des
produits industriels.
Trotski suggère simplement de
perpétuer l'ancienne division du
travail impérialiste : aux pays dits
« sous-développés », le soin de
poursuivre leur vocation, leurs tra-
ditions agricoles ; qu'ils laissent
donc aux pays « riches », c'est-à-
dire impérialistes, le soin de sui-
vre la leur oui est de produire des
machines !
Sous peine de dégénérer en sa-
tellite des impérialistes, comme la
Yougoslavie aujourd'hui, l'U.R.S.S.
devait rompre avec toute dépen-
dance à l'égard du marché mon-
dial et faire dépendre son déve-
loppement sur ses propres forces
et non de la bonne volonté impé-
rialiste ; à l'opposé, le trotskisme
tendait à ouvrir largement l'U.R.
S.S. à la collaboration avec l'Oc-
cident impérialiste en respectant
l'ancienne division du travail : à.
i'U.R.S.S. la production de blé, à
l'Europe la production de machi-
nes. Ainsi, Sokolnikov, disciple de
Trotski en la matière, proposait la
suppression du monopole du com-
merce extérieur détenu jusqu'alors
par l'Etat soviétique. Car, si l'on
voulait que fonctionne ce système
et exporter en masse du blé, il
fallait en stimuler l'exportation, et
quoi de mieux, pour cela, que de
laisser aux paysans riches le soin
de se faire de la concurrence, de
chercher, en toute liberté, les meil-
leurs marchés et les meilleurs
acheteurs étrangers ? Cette voie
impliquait non seulement la dépen-
dance à l'égard de la bourgeoisie
impérialiste à l'extérieur mais à
l'intérieur la dépendance à l'égard
des gros paysans riches qui au-
raient été ainsi les maîtres de la
production du blé, donc de l'ap-
provisionnement en machines de
l'U.R.S.S. ; c'était livrer la grande
masse de la paysannerie à une
exploitation accrue par le stimulant
donné au marché libre en ouvrant
le commerce extérieur.
Principal responsable engagé
dans la voie capitaliste, Trotski ap-
portait ainsi, de l'intérieur même
du parti, une aide puissante à la
bourgeoisie internationale et na-
tionale.
En dernière analyse, les posi-
tions de Trotski reviennent à mé-
priser les masses, et tout particu-
lièrement la paysannerie laborieu-
se, à refuser de s'appuyer sur leur
force créatrice, mais au contraire à
ne faire confiance qu'aux experts,
qu'à la technique.
Si elle avait suivi la voie bour-
geoise indiquée par Trotski pour
son développement économique,
l'U.R.S.S. serait tombée à jamais,
comme beaucoup d'anciens pays
coloniaux après la proclamation
de leur « indépendance », sous la
domination de l'impérialisme.
Sous la direction de Staline, par
contre, l'homme et non la techni-
que fut mis au premier plan ; s'ap-
puyant sur l'enthousiasme des
masses pour le socialisme, alors
que partout en Europe le chômage
et la misère s'étendaient, Staline
guida les masses dans la bataille
des classes. Pour rompre toute dé-
pendance à l'égard de l'impéria-
lisme, c'est aux forces, à l'initia-
tive, à l'énergie créatrice du peu-
ple libérées par la dictature pro-
létarienne que fit confiance le ca-
marade Staline ; ainsi, en un temps
rapide put être créée la base éco-
nomique du socialisme nécessaire
à la consolidation du pouvoir rou-
ge, en comptant sur les propres
forces des masses populaires.
31
FEU SUR LES MAFFIAS SYNDICALES !
A côté de la bureaucratie syndicale « ordinaire », qui s'oppose partout à la volonté de lutte des travailleurs,
il existe des syndicats C.G.T. tout puissants, embauchant et licenciant directement les travailleurs, marchant main
dans la main avec ie patronat, brisant les luttes et les éléments indésirables. Ce sont de véritables maffias syndi-
cales toutes puissantes, des « gangs » à l'américaine. Le meilleur représentant en est le Syndicat du Livre.
« Servir le Peuple » ouvre une rubrique qui dénoncera les syndicats à l'américaine et présentera la résistance
fi'.!s leur opposent les masses.
Des ouvriers surexploités... par la C.G.T. !
Des ouvriers et ouvrières travaillant 68, 72,
80 heures par semaine, de jour comme de
nuit... Qui le croirait ?
Mais qui croirait, surtout, que c'est le syn-
dicat qui se réclame de la lutte des classes :
!a C.G.T., qui impose à son armée permanen-
te de réserve de travailleurs, ces horaires
scandaleux ! Mais oui, c'est la C.G.T., qui
partout dit lutter contre les heures supplé-
mentaires, qui partout revendique la diminu-
tion de la journée de travail ; c'est cette mê-
me C.G.T. qui, dans le Livre, exploite féro-
cement ses « permanents ».
Comme !e dit une ouvrière : « Ailleurs, ils
réclament les 40 heures... ici, ils nous forcent
à en faire !e double ! ».
Nous l'avons déjà dit, dans un précédent
article de « Servir le Peuple », le Syndicat
du Livre est vraiment « quelque chose de
particulier » « un cercle fermé » disent cer-
tains, « une vraie maffia » disent d'autres, ce
qui est bien plus prêt de la réalité.
« La presse », disent ceux qui n'y sont pas,
« c'est une bonne maison »; en effet, il y a
des avantages : mutuelle, vacances pour
tous; mais il y a surtout de gros avantages
pour le personnel qualifié de la presse (rotos-
typos) qui d'ailleurs alimente en cadres le
syndicat.
C'est un syndicat « fort », dit Benoît Fra-
chon, un syndicat avec qui le patronat doit
compter (surtout discuter), un syndicat re-
connu et admis par les patrons; en effet, le
syndicat est si bien « admis » que dans cer-
taines maisons c'est le « délégué-tôlier »,
comme l'appellent les ouvriers, qui répartit les
tâches de chacun, assumant une fonction de
contremaître...
D'où vient donc la " force », l'importance
du syndicat du livre ? En effet, la différence
est d'importance avec les autres syndicats;
ici, c'est le syndicat qui possède le monopole
de l'embauche ; ce qui veut dire en clair que
JAMAIS les ouvriers ne passent par les pa-
trons de presse et d'imprimerie pour l'em-
bauche, mais par le « boulevard Blanqui »,
siège de la permanence du syndicat.
Mais, avoir le monopole de l'embauche,
est-ce la preuve d'une grande victoire rem-
portée sur le patronat ? Ou bien n'est-ce pas
d'abord et surtout, une preuve d'esprit cor-
poratiste ? et cela n'a-t-il pas été utilisé par
le patronat à son plus grand avantage ? En
d'autres termes : est-ce le patronat ou les
ouvriers qui trouvent le plus d'avantages à
ce que ce soit le syndicat qui ait le monopole
de l'embauche ?
En fait, quand le syndicat agite des mena-
ces du style « le patronat voudrait nous re-
prendre l'embauche », aucun ouvrier ne s'y
laisse prendre. Ils disent : « les patrons ont
beaucoup trop d'avantages à ce système... »
Voyons quels sont ces avantages. Il est
admis dans la presse qu'avant d'être « mis
en pied » (avoir une place fixe) dans une
boîte, chacun doit faire un « certain temps »
de « permanence » (pour certains plusieurs
années...).
Etre permanent, cela veut dire : aller de
boîte en boîte, suivant les besoins de chaque
patron, un jour là, une nuit ailleurs.
Un patron a des défections, il a besoin de
personnel ? Un simple coup de téléphone
boulevard Blanqui. et on vous envoie quel-
qu'un, avec les compliments de la C.G.T. ! La
C.G.T., un nouveau « Manpower », qui l'au-
rait cru ?
Pour le patron, c'est une mine d'or ! Possi-
bilité d'avoir toujours sous la main un per-
sonnel qui connaît son métier, remplacable
au pied levé, et auquel en tant que « perma-
nents » on ne donne pas les mêmes primes
qu'aux fixes, possibilité aussi, bien sûr, de
renvoyer les permanents, juste au moment
de les mettre en pied, puis de reprendre de
nouveaux permanents.
Pour l'ouvrier, c'est l'asservissement total ;
non seulement, il travaille très durement, non
seuiement il est surexploité, mais en plus,
lorsqu'il se tourne vers le syndicat, il ne re-
çoit que de nouveaux coups sur la tête. Bien
entendu, la C.G.T. ne veut pas d'ennuis avec
les patrons : aussi elle exige que son per-
sonnel « file doux »; elle lui a d'ailleurs fait
signer un contrat l'assurant de sa soumis-
sion : être libre de jour comme de nuit, di-
manche et jours fériés, toujours disponible;
ne pas se plaindre s'il y a moins de quarante
heures, ne rien dire s'il y a beaucoup plus,
respecter les décisions syndicales et des diri-
geants syndicats !
Ainsi l'ouvrier ne peut rien dire : « Vous
avez une femme malade, un enfant à aller
chercher en nourrice ? Pas question i Nous
ne voulons pas tenir compte de ça ».
Et malheur à ceux ou celles qui se plai-
gnent ou refusent les heures trop nombreu-
ses : c'est le « tribunal » ou le chantage !
Le « tribunal », c'est la commission de per-
manence de la presse, assemblée de délé-
gués, qui a pour tâche de « couper les têtes »
de ceux qui se plaignent, qui renâclent... Deux
ou trois refus peuvent entraîner le licencie-
ment, mais comme le syndicat n'entend pas
laisser de traces de ces bons procédés, il
refuse de faire des certificats de licencie-
ment : ainsi l'ouvrier qui quitte la presse le
fait toujours « de son plein gré ».
Mais, la plupart du temps, les délégués de
la permanence font rapidement plier « leurs »
permanents : quelques mesures sont radica-
les : une ouvrière refuse de faire une jour-
née... on lui fait quelques remarques desti-
nées à l'impressionner, puis la semaine sui-
vante, on s'arrangera pour lui donner un mi-
nimum d'heures ; de cette façon, elle passera
brusquement de la surexploitation forcenée
à un chômage presque total !
Il y en a bien peu qui résistent à ce régime.
Le chantage au chômage, ça force à tenir
le coup ! Même si après quelques semaines
à ce train là elle s'effondre complètement.
Il faut ajouter que pour la répartition des
heures supplémentaires, certains délégués
sont tout puissants. Il faut être dans leurs
bons papiers... Les heures supplémentaires,
ce qu'on appelle dans la presse « doubler le
service » sont de toute façon d'abord don-
nées aux ouvriers en pied de la boîte, puis,
s'il en reste, aux permanents choisis suivant
leur soumission et leur « bonne volonté ».
Le système de la permanence est scanda-
leux dans son principe. Les conséquences
chez les ouvriers sont catastrophiques, cour-
se au gain, division des travailleurs entre
fixes et permanents... et puis comment ou-
blier qu'en période de chômage, la C.G.T.U.
luttait pour une diminution des heures de
travail et une meilleure répartition des heures
entre tous les ouvriers...
Le monopole de l'embauche dans la pres-
se, c'est le symbole de l'intégration des bon-
zes au patronat ; d'ailleurs, si le syndicat du
livre est salué comme « fort » c'est bien plus
parce qu'il est « vache à lait » de la Confédé-
ration en matière de finances (en effet, com-
me il n'y a pas de luttes, les fonds s'accumu-
lent...) que parce qu'il aurait plus la confiance
des ouvriers ; c'est une fédération qui ne fait
pas beaucoup de publicité sur ses méthodes
de travail...
Mais là où il y a oppression, il y a résis-
tance, et si les permanents sont livrés pieds
et poings liés aux patrons par leur syndicat,
cela ne veut pas dire qu'un vent de révolte ne
gronde pas dans les poitrines. La dictature
d'une poignée de pontes sur la masse des
ouvriers est trop franche pour que des arti-
fices démagogiques la cachent aux yeux des
travailleurs.
Le plus dur sera de s'organiser, mais quels
que soient les obstacles, les bonzes seront
abattus. Leur trahison ne discrédite pas pour
autant le syndicat des travailleurs, et les mots
d'ordre de lutte des classes qui circulent
dans les entreprises : « Pour lutter contre le
chômage, exigeons 40 heures payées 48 »
sont là pour montrer que les ouvriers de la
presse entendent reconquérir une direction
syndicale bel et bien usurpée.
32
1er MAI
UNITE et ACTION
HALTE au CHOMAGE
Depuis que le droit au travail est arraché à plus d'un million d'ouvriers, la bourgeoisie n'a jamais autant parlé de plein emploi. Tous
les bourgeois craignant l'explosion de colère de la classe ouvrière s'évertuent à présenter la réalité d'une manière rassurante : la reprise écono-
mique est commencée, la situation s'améliore. Pour qui? Le chômage a-t-il cessé de monter? Bien au contraire. C'est la preuve que les affaires
des patrons peuvent aller à merveille sans que cela change la situation des travailleurs. Qui est responsable du chômage d'après le gouvernement
gaulliste ? les petits paysans ruinés qui viennent trop nombreux à la ville chercher du travail, les jeunes trop nombreux eux aussi. C'est cette
canaille en surnombre comme on disait autrefois qui pèse sur le marché du travail. Ils sont bien sûr d'après le gouvernement indirectement
responsables du chômage : on ne peut pas insulter les principales victimes du chômage. Alors qui est directement responsable de la situation ?
le progrès technique qui a fait fuir les paysans de leurs terres, le progrès technique qui fait qu'avec plus de machines modernes on a moins besoin
d'ouvriers, jeunes ou vieux. C'est là la position des patrons et de tous leurs complices. C'est aussi l'aveu le plus accablant pour le régime, car
les vrais responsables se démasquent, si le progrès technique signifie pour la grande majorité misère et chômage et pour la poignée d'affameurs
progression des profits. Les vrais responsables du chômage, ce sont les patrons dont le seul objectif est d'obtenir le plus rapidement possible le
plus de profits possibles ; les responsables ce sont les gros des campagnes qui chassent de leurs terres la masse des petits paysans, les patrons de
la ville qui pour gagner plus n'hésitent pas à chasser des usines des milliers d'ouvriers. Le gouvernement gaulliste est leur représentant, c'est le
Ve Plan des monopoles réactionnaires qui a accéléré la ruine de la masse des paysans ; le gouvernement reconnaît que cette ruine a dépassé
ses prévisions, le chômage a été plus loin qu'il ne le voulait. C'est le Ve Plan et les budgets gaullistes qui ont lancé aux monopoles le mot
d'ordre : Modernisez-vous, enrichissez-vous !
BAS LES AFFAMEURS! A BAS LE GOUVERNEMENT ANFIPOPULAIRE! DROIT Ali TRAVAIL!
Les jeunes, les paysans en surnombre n'ont pas droit à des allocations de chômage. Les centaines de milliers de femmes que la
situation actuelle empêche de travailler, non plus. Les travailleurs immigrés que les patrons font entrer en France dans les pires conditions, à
qui ils donnent les pires conditions de travail, non plus. Comment on justifie tout cela ? les paysans n'ont pas eu la chance de s'adapter au monde
moderne, tant pis pour eux. Les jeunes ? c'est vrai ils posent un problème : ils sont inquiétants, la délinquance fait des progrès. Les femmes ?
le coût de leur travail est trop élevé. Les travailleurs immigrés ? ce sontdes étrangers, on a bien assez à faire avec nos nationaux. Voilà ce que
la bourgeoisie dit pour masquer la réalité : la grande niasse des chômeurs n'a aucune ressource. Cela montre le caractère réactionnaire des
ordonnances gaullistes sur l'emploi. Cela nous montre qu'il faut lutter contre le caractère réactionnaire des ordonnances gaullistes sur l'emploi.
Cela nous montre qu'il faut lutter contre cette ordonnance, pour de véritables ressources pour tous les chômeurs.
DES RESSOURCES POUR TOUS LES CHOMEURS !
Des milliers d'ouvriers sont menacés de perdre leur emploi, parce que les entreprises ferment, se modernisent, se spécialisent, se décen-
tralisent. Toutes ces opérations visent à rendre les patrons plus forts, plus compétitifs, plus aptes à gagner plus de profits que leurs concurrents.
Le gouvernement tente de présenter la chose comme utile et inévitable. Pour qui ? pas pour le peuple. Alors il faut lutter contre ces grandes
manœuvres de la classe des capitalistes. Penser comme le gouvernement qu'on ne peut rien faire contre cet état de fait, c'est laisser libre cours
à la soif de profit d'une petite minorité d'exploiteurs. Les ouvriers unis peuvent empêcher la réussite de ces manœuvres patronales. Quant à la
Rhodia de Lyon la masse des ouvriers a commencé de lutter contre les licenciements, ils pouvaient gagner la bataille contre le plus gros monopole
de France. Les monopoles ont les moyens de capituler. Mais la lutte a été sabotée par des dirigeants syndicaux opportunistes. Les ouvriers unis
peuvent empêcher les licenciements et les fermetures d'entreprises. L'essentiel c'est de se battre dans l'unité. Se battre contre les puissances du
capital. Et pas se battre pour renforcer cette puissance : certains voudraient par exemple dans les régions de l'Ouest que les ouvriers se battent
non pas contre le chômage et les salaires de misère, contre les patrons qui font régner la terreur, qui distribuent des salaires de meurt-de-faim,
qui licencient quand bon leur semble, mais pour que de nouveaux patrons viennent s'installer dans ces régions pauvres, pour que de nouveaux
Citroën viennent exploiter férocement les ouvriers. Non, les ouvriers ne veulent pas se battre pour l'industrialisation ; il veulent se battre
pour arracher au patronat une augmentation de leurs salaires de misère comme viennent de le faire les ouvriers de Redon ; ils veulent se
battre pour empêcher les licenciements, les déclassements, la déportation des ouvriers d'une région à l'autre dans les pires conditions.
NON AUX LICENCIEMENTS !
Les patrons essaient dans la situation actuelle de jouer sur tous les tableaux, de gagner sur tous les fronts. Ils chassent des usines
des milliers d'ouvriers et ils intensifient à l'intérieur des usines leur exploitation et leur dictature. Dans de nombreux endroits où un chômage
intense sévit, les patrons imposent des cadences infernales. Ce n'est donc pas une volonté de réduire la production par manque de débouchés qui
les guide mais une volonté de réduire les salaires, d'augmenter leurs profits. Une juste répartition du travail ferait que tous les ouvriers pourraient
travailler. Mais les patrons se moquent de la justice. Les grands mots sur la justice et la démocratie, les patrons les réservent pour les sessions
parlementaires, là où ils ne sont pas sous le contrôle des travailleurs. Mais les ouvriers soumis à cette intensification de la misère capitaliste
comme les ouvriers privés de travail peuvent dans l'unité aux portes des usines crier justice.
DU TRAVAIL POUR TOUS !
Il y a un domaine où les patrons font preuve de « justice ». Ils répartissent le chômage sur des centaines de milliers d'ouvriers : ils
réduisent les horaires dans tous les secteurs. Egalité dans la misère, c'est le mot d'ordre démocratique des patrons à l'adresse des ouvriers. Cette
manœuvre vise à atténuer l'ampleur du chômage, à prévenir l'explosion de colère des larges masses ouvrières. A créer partout un climat d'in-
quiétude chez tous les ouvriers qui les décourageraient de lutter. Mais c'est par centaines de milliers que les ouvriers se lèvent pour la défense
du salaire, pour l'indemnisation intégrale des heures perdues. Les patrons ont trouvé dans les états-majors opportunistes de syndicats des interlo-
cuteurs complaisants. Ils veulent bien indemniser les chômeurs partiels. Un accord est signé. Mais il concerne environ 15.000 travailleurs qui font
moins de 40 heures par semaine. Parce que les patrons s'en tiennent à cette hypocrisie : en France les ouvriers font juridiquement 40 heures de
travail par semaine. Les centaines de milliers de travailleurs qui voient leurs horaires effectifs baisser, qui subissent dans les faits le chômage
partiel ne sont pas indemnisés. Mais les chômeurs partiels ne sont pas eux une fiction. Ils se battent donc. Pour la défense de leurs conditions
de vie. Avec tous les travailleurs pour cette revendication plus urgente que jamais :
LES 40 HEURES !
La peur de perdre son emploi, l'attaque contre le niveau de vie n'arriveront pas à émousser la volonté de combat de la classe
ouvrière. Les chômeurs jetés sur le pavé, condamnés à faire la queue devant les bureaux de main-d'œuvre ne perdent pas comme le souhaiterait
la bourgeoisie la dignité d'une classe sûre de son bon droit. Les bourgeois feignent de s'apitoyer des conditions inhumaines faites aux chômeurs.
Mais ils escomptent bien que cette situation enlèvera aux chômeurs toute volonté d'organisation, de manifestation avec leurs frères de classe
devant les mairies et les préfectures, symboles de l'ordre capitaliste responsable de la misère pour les pauvres. La lutte qui oppose les riches,
les exploiteurs, et le peuple, ouvriers et chômeurs en tête est une lutte de classe impitoyable. Le chômage montre à tous que tant que régnera
la loi du profit, tant que durera un régime dominé par les exploiteurs capitalistes, le peuple ne peut pas conquérir la justice. Mener le combat
contre les patrons, leur régime, c'est la seule issue peur le peuple. Dans les syndicats C.G.T. fidèles aux principes de la lutte de classes, fidèles
à l'idéal du mouvement ouvrier : ABOLITION DU SALARIAT ET DU PATRONAT, la masse des ouvriers s'organisera pour vaincre la résis-
tance des patrons. Dans les luttes d'aujourd'hui la volonté de millions de travailleurs se trempera pour que, définitivement, ça change !
VIVE LA LUTTE DE CLASSES !
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Servir le peuple
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