Tribune socialiste
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Tribune soci
JSi= 374 / 13 JUIN 1968 / PRIX 2 F
HEBDOMADAIRE DU PARTI SOCIALISTE UNIFIE
Ce n'est qu'un début
Michel Rocard
Le gaullisme a failli sombrer.
Les étudiants, furieux de se dé-
couvrir futurs chômeurs, lassés
de l'absurdité fréquente de l'ensei-
gnement qu'ils reçoivent, sont pas-
sés à la contestation active. Ils ont
fait reculer le pouvoir.
Les étudiants, furieux de se dé-
couvrir futurs chômeurs, lassés
de l'absurdité fréquente de l'ensei-
gnement qu'ils reçoivent, sont pas-
sés à la contestation active. Ils ont
fait reculer le pouvoir.
Forts de cette leçon les travailleurs,
et notamment les jeunes ouvriers, ont
renoncé à la longue patience qui fut
pendant vingt ans le choix de la clas-
se ouvrière française, pour occuper
leurs usines et donner ainsi une nou-
velle dimension à leur lutte contre le
capitalisme.
et notamment les jeunes ouvriers, ont
renoncé à la longue patience qui fut
pendant vingt ans le choix de la clas-
se ouvrière française, pour occuper
leurs usines et donner ainsi une nou-
velle dimension à leur lutte contre le
capitalisme.
Paralysé pendant cinq semaines, le
pouvoir gaulliste a été bien près
d'être vaincu. Il n'a été sauvé que par
la rapidité avec laquelle les direc-
pouvoir gaulliste a été bien près
d'être vaincu. Il n'a été sauvé que par
la rapidité avec laquelle les direc-
tions de la C.G.T. et du P.C. ont ac-
cepté de voir la vaste bataille politi-
que et sociale qui se déroulait réduite
à une simple compétition électorale.
cepté de voir la vaste bataille politi-
que et sociale qui se déroulait réduite
à une simple compétition électorale.
En effet la consultation si elle a
lieu se déroulera dans le cadre de
notre vieux système politique : droit
de vote à 21 ans et non à 18, listes
non révisées, mode de scrutin favo-
risant les notables et non les grands
courants nationaux, investitures dé-
cernées par des formations anciennes
et souvent sclérosées. Dans de pareil-
les conditions, il est peu probable que
les objectifs essentiels du mouve-
ment qui s'est développé dans le
pays soient repris par la majorité
des candidats, et moins encore que
ces objectifs constituent le program-
lieu se déroulera dans le cadre de
notre vieux système politique : droit
de vote à 21 ans et non à 18, listes
non révisées, mode de scrutin favo-
risant les notables et non les grands
courants nationaux, investitures dé-
cernées par des formations anciennes
et souvent sclérosées. Dans de pareil-
les conditions, il est peu probable que
les objectifs essentiels du mouve-
ment qui s'est développé dans le
pays soient repris par la majorité
des candidats, et moins encore que
ces objectifs constituent le program-
me d'une improbable coalition de
gauche victorieuse. La bataille élec-
torale n'est donc qu'un épisode, et
peut-être pas le plus important, d'une
lutte commencée et qui continue à
se développer sur d'autres terrains,
celui des usines toujours en grève et
celui des universités notamment.
gauche victorieuse. La bataille élec-
torale n'est donc qu'un épisode, et
peut-être pas le plus important, d'une
lutte commencée et qui continue à
se développer sur d'autres terrains,
celui des usines toujours en grève et
celui des universités notamment.
Les vraies questions
Cet immense combat pose bien
des questions. Et d'abord quels en
étaient les causes et les objectifs. A
1 université, les étudiants décou-
vraient l'absurdité d'un système cen-
tralisé, inchangé depuis 150 ans. in-
capable d'évoluer, distillant une cul-
ture sans rapport avec les besoins
de la société actuelle.
des questions. Et d'abord quels en
étaient les causes et les objectifs. A
1 université, les étudiants décou-
vraient l'absurdité d'un système cen-
tralisé, inchangé depuis 150 ans. in-
capable d'évoluer, distillant une cul-
ture sans rapport avec les besoins
de la société actuelle.
Privés de toute possibilité de tra-
vail en commun, d'échanges avec les
professeurs — pour ne pas parler de
contestation — et de travail pour
l'avenir, ils se sont trouvés en face
d'un gouvernement dont l'ambition
réformatrice se limitait, sous couvert
d'adaptation, à un asservissement
plus grand de l'enseignement au sys-
tème capitaliste.
vail en commun, d'échanges avec les
professeurs — pour ne pas parler de
contestation — et de travail pour
l'avenir, ils se sont trouvés en face
d'un gouvernement dont l'ambition
réformatrice se limitait, sous couvert
d'adaptation, à un asservissement
plus grand de l'enseignement au sys-
tème capitaliste.
Les étudiants ont mis en cause le
contenu de l'enseignement, les mé-
thodes pédagogiques, la signification
sociale de la culture c'est-à-dire son
caractère de classe et revendiqué à
la fois une place légitime pour le
contenu de l'enseignement, les mé-
thodes pédagogiques, la signification
sociale de la culture c'est-à-dire son
caractère de classe et revendiqué à
la fois une place légitime pour le
(suite page 2)
page 2
SPECIAL MAI 68
tribune socialiste
Ce n'est qu'un
début
début
pouvoir ctuiliant et l'uutonuinie des
universités. Mais très vite ils ont dé-
passé ce stade pour voir dans l'uni-
versité le reflet de la société tout en-
tière, et par là mettre en question
le régime capitaliste lui-même.
universités. Mais très vite ils ont dé-
passé ce stade pour voir dans l'uni-
versité le reflet de la société tout en-
tière, et par là mettre en question
le régime capitaliste lui-même.
Le mouvement ouvrier de son côté,
par les occupations spontanés d'usi-
nes et la grève générale, est entré en
lutte contre le capitalisme. La raison
principale en est la politique de ra-
lentissement volontaire de l'expan-
sion et de chômage provoqué qu'ont
traduite le \ Plan, puis plus encore
la stabilisation Giscard. Ces choix
économiques du gouvernement et du
patronat s'accompagnaient des com-
pléments classiques en régime capi-
taliste : inégalités sociales et régio-
nales croissantes, avantages fiscaux
systématiques aux profits privés et
et aux sociétés, aux dépens des sala-
riés. Devant une politique aussi dé-
favorable à leurs intérêts, et devant
tant d'affronts accumulés, les travail-
leurs et notamment les jeunes n'ont
pas ressenti les forces anciennes de
la gauche comme capables de porter
leur protestation, ni surtout le parle-
ment comme suffisant à la traduire
dans les faits. Et ils ont occupé leurs
usines, revendiquant par là un régi-
me qui satisfasse mieux leurs reven-
dications. Cela signifie en fait un
régime de transition vers le socia-
lisme, car la satisfaction des reven-
dications n'est pas possible sans de
profondes réformes de structure et
d'importantes nationalisations com-
me celle du crédit.
par les occupations spontanés d'usi-
nes et la grève générale, est entré en
lutte contre le capitalisme. La raison
principale en est la politique de ra-
lentissement volontaire de l'expan-
sion et de chômage provoqué qu'ont
traduite le \ Plan, puis plus encore
la stabilisation Giscard. Ces choix
économiques du gouvernement et du
patronat s'accompagnaient des com-
pléments classiques en régime capi-
taliste : inégalités sociales et régio-
nales croissantes, avantages fiscaux
systématiques aux profits privés et
et aux sociétés, aux dépens des sala-
riés. Devant une politique aussi dé-
favorable à leurs intérêts, et devant
tant d'affronts accumulés, les travail-
leurs et notamment les jeunes n'ont
pas ressenti les forces anciennes de
la gauche comme capables de porter
leur protestation, ni surtout le parle-
ment comme suffisant à la traduire
dans les faits. Et ils ont occupé leurs
usines, revendiquant par là un régi-
me qui satisfasse mieux leurs reven-
dications. Cela signifie en fait un
régime de transition vers le socia-
lisme, car la satisfaction des reven-
dications n'est pas possible sans de
profondes réformes de structure et
d'importantes nationalisations com-
me celle du crédit.
Les formes de gestion en cause
11 y a plus. Les occupations d'usi-
nes ont commencé dans le secteur
nationalisé ce qui signifie que la lutte
était bien davantage dirigée contre
certaines formes de gestion ([lie con-
tre la propriété privée des moyens
de production et d'échange. Dans ce
domaine, comme en ce qui concerne
les luttes paysannes, comme dans le
cas de batailles engagées par les jeu-
nes membres de certaines professions
libérales contre leurs ordres, c'est un
combat contre l'Etat centralisé qui
est engagé, un combat contre le refus
de négocier avec les intéressés.
nes ont commencé dans le secteur
nationalisé ce qui signifie que la lutte
était bien davantage dirigée contre
certaines formes de gestion ([lie con-
tre la propriété privée des moyens
de production et d'échange. Dans ce
domaine, comme en ce qui concerne
les luttes paysannes, comme dans le
cas de batailles engagées par les jeu-
nes membres de certaines professions
libérales contre leurs ordres, c'est un
combat contre l'Etat centralisé qui
est engagé, un combat contre le refus
de négocier avec les intéressés.
L Etat « jacobin » est en train de
dégénérer lentement, en France com-
me ailleurs. Chacun ressent au-
joiid'hui que la bonne gestion exige
une forte décentralisation, et que la
démocratie exige l'association directe
des intéressés à leurs propres affai-
res, soit par l'auto-gestion (maisons
de la culture, maisons de jeunes,
équipements sociaux, entreprises au-
togérées, coopératives, groupements
agricoles d'exploitation en commun,
municipalités à pouvoirs élargis et
sans tutelle, etc.), soit par le contrôle
des décisions : pouvoir syndical dans
dégénérer lentement, en France com-
me ailleurs. Chacun ressent au-
joiid'hui que la bonne gestion exige
une forte décentralisation, et que la
démocratie exige l'association directe
des intéressés à leurs propres affai-
res, soit par l'auto-gestion (maisons
de la culture, maisons de jeunes,
équipements sociaux, entreprises au-
togérées, coopératives, groupements
agricoles d'exploitation en commun,
municipalités à pouvoirs élargis et
sans tutelle, etc.), soit par le contrôle
des décisions : pouvoir syndical dans
l'entreprise, pouvoir étudiant à l'uni-
versité. Le P.S.IU. qui a\ait déjà af-
firmé sa volonté de décoloniser la
|iro\ ince. se sent en plein accord avec
cette volonté de démocratie directe.
La colère populaire .-"est levée contre
l'arbitraire, l'anonymat des décisions,
la bureaucratie concentrée à Paris, et
le refus de dialogue de la part de
versité. Le P.S.IU. qui a\ait déjà af-
firmé sa volonté de décoloniser la
|iro\ ince. se sent en plein accord avec
cette volonté de démocratie directe.
La colère populaire .-"est levée contre
l'arbitraire, l'anonymat des décisions,
la bureaucratie concentrée à Paris, et
le refus de dialogue de la part de
I Etat, qui négocie pas les conditions
de tra\ail avec -es fonctionnaires,
connue de la part du patronat, qui
refuse obstinément de négocier les
salaires réels.
de tra\ail avec -es fonctionnaires,
connue de la part du patronat, qui
refuse obstinément de négocier les
salaires réels.
De cette révolte, le P.S.U. est so-
lidaire. Les objectifs fondamentaux
du mouvement, c'est donc l'édifica-
tion de structures socialistes dans
notre économie, par l'extension du
sec leur public, une planification sou-
ple mais disposant de moyens d'exé-
cution sérieux et le droit de contrôle
du pouvoir syndical. C'est aussi une
très large décentralisation profession-
nelle et régionale. C'est enfin une
gestion démocratique des institutions
d'information et de culture ouvertes
à tous les courants.
lidaire. Les objectifs fondamentaux
du mouvement, c'est donc l'édifica-
tion de structures socialistes dans
notre économie, par l'extension du
sec leur public, une planification sou-
ple mais disposant de moyens d'exé-
cution sérieux et le droit de contrôle
du pouvoir syndical. C'est aussi une
très large décentralisation profession-
nelle et régionale. C'est enfin une
gestion démocratique des institutions
d'information et de culture ouvertes
à tous les courants.
Ces objectifs sont ceux du mouve-
ment récent, qui fut spontané et n'a
été dirigé par personne. Il a dépassé
de très loin les forces du seul P.S.UJ.
Cependant, la coïncidence vaut d'être
signalée, pour l'essentiel ces objectifs
étaient déjà ceux que se donnait le
P.S.L. lors des élections législatives
de mars 1967. Notre parti, en effet,
entend poursuivre ces objectifs aus-
si bien par l'action légale et parle-
mentaire que par la pression pacifi-
que des travailleurs lorsque l'action
légale n'y suffit pas.
ment récent, qui fut spontané et n'a
été dirigé par personne. Il a dépassé
de très loin les forces du seul P.S.UJ.
Cependant, la coïncidence vaut d'être
signalée, pour l'essentiel ces objectifs
étaient déjà ceux que se donnait le
P.S.L. lors des élections législatives
de mars 1967. Notre parti, en effet,
entend poursuivre ces objectifs aus-
si bien par l'action légale et parle-
mentaire que par la pression pacifi-
que des travailleurs lorsque l'action
légale n'y suffit pas.
L ne même politique
Lorsque nous présentions un contre
plan devant le V' Plan gaulliste, nous
étions pour certains des révisionnis-
tes de droite. Lorsque nous approu-
vions De Gaulle lors de la reconnais-
sance de la Chine, du retrait de l'ar-
mée française de l'O.T.A.N. ou dans
sa politique vietnamienne. nous
étions pour d'autres des gaullistes
de gauche. Et lorsque nous disons
que la colère populaire ne doit pas
s'être levée en vain, qu'il faut tra-
duire la force énorme de cette grève
générale par l'introduction en France
de transformations socialistes, nous
devenons des gauchistes : tout cela
n'est guère sérieux ni conséquent.
plan devant le V' Plan gaulliste, nous
étions pour certains des révisionnis-
tes de droite. Lorsque nous approu-
vions De Gaulle lors de la reconnais-
sance de la Chine, du retrait de l'ar-
mée française de l'O.T.A.N. ou dans
sa politique vietnamienne. nous
étions pour d'autres des gaullistes
de gauche. Et lorsque nous disons
que la colère populaire ne doit pas
s'être levée en vain, qu'il faut tra-
duire la force énorme de cette grève
générale par l'introduction en France
de transformations socialistes, nous
devenons des gauchistes : tout cela
n'est guère sérieux ni conséquent.
II s'agit de la même politique, celle
du socialisme démocratique défen-
dant les classes laborieuses du pays
et solidaire des combats qu'elles li-
vrent. Nous avons défendu cette poli-
tique en mars 1967. et si elle avait été
appliquée peut-être la crise récente
aurait-elle été évitée. Nous l'avons
défendue à nouveau, au plein cœur
de la crise, en exigeant le retrait
d'un régime disqualifié. VA nous la
défendons de nouveau devant le
corps électoral.
du socialisme démocratique défen-
dant les classes laborieuses du pays
et solidaire des combats qu'elles li-
vrent. Nous avons défendu cette poli-
tique en mars 1967. et si elle avait été
appliquée peut-être la crise récente
aurait-elle été évitée. Nous l'avons
défendue à nouveau, au plein cœur
de la crise, en exigeant le retrait
d'un régime disqualifié. VA nous la
défendons de nouveau devant le
corps électoral.
Sur deux points cette politique a
posé des problèmes qui n'ont pas été
bien compris.
posé des problèmes qui n'ont pas été
bien compris.
Le premier concerne la violence.
Soyons très clairs : dans les usines
occupées les machines ont été parfai-
Soyons très clairs : dans les usines
occupées les machines ont été parfai-
tement entretenues, les consignes de
sécurité respectées, lotîtes les mani-
festations, ouvrières comme étudian-
tes, sans exception, on été pacifiques
chaque fois que la police n'a pas ten-
té de s'y opposer. Au Quartier Latin
comme à la Bastille, à Lyon comme
à Bordeaux, à Flins comme à So-
chaux. c'est chaque fois la volonté-
policière d'occuper les locaux uni-
versitaires ou industriels, ou de blo-
quer l'itinéraire d'une manifestation
pacifique, qui a provoqué 1 immobili-
sation des manifestants puis les char-
ges de police, et dans les manifes-
tations suivantes les barricades dé-
fensives pour se protéger de ces char-
ges. Le pouvoir gaulliste a souhaité
des violences pour que l'opinion ait
peur. Mais la maturité politique et
la responsabilité des ouvriers et des
étudiants a su conserver leur carac-
tère totalement pacifique aux mani-
festations que le gouvernement n'a
pas osé contrecarrer, celle du 9 mai
pour les étudiants, celle de Charléty.
et celle de la gare Montparnasse.
Aujourd'hui encore les provocations
policières de Flins et de Sochaux
sont destinées à faire voter U.N.R.
par crainte bien plus qu'à faire
aboutir les négociations. Mais le piè-
ge est tendu en vain. Dans un pays
avancé comme le nôtre, la transfor-
mation socialiste peut prendre des
voies pacifiques même si elles sont
énergiques : c'est ce qu'ont démontré
les forces socialistes en lutte. Il faut
inlassablement expliquer à l'opinion
tout entière que le pouvoir gaulliste
voit dans le déchaînement de la vio-
lence son ultime recours. Ce n'est
qu'une raison de plus de mettre une
fois pour toutes fin à son règne.
sécurité respectées, lotîtes les mani-
festations, ouvrières comme étudian-
tes, sans exception, on été pacifiques
chaque fois que la police n'a pas ten-
té de s'y opposer. Au Quartier Latin
comme à la Bastille, à Lyon comme
à Bordeaux, à Flins comme à So-
chaux. c'est chaque fois la volonté-
policière d'occuper les locaux uni-
versitaires ou industriels, ou de blo-
quer l'itinéraire d'une manifestation
pacifique, qui a provoqué 1 immobili-
sation des manifestants puis les char-
ges de police, et dans les manifes-
tations suivantes les barricades dé-
fensives pour se protéger de ces char-
ges. Le pouvoir gaulliste a souhaité
des violences pour que l'opinion ait
peur. Mais la maturité politique et
la responsabilité des ouvriers et des
étudiants a su conserver leur carac-
tère totalement pacifique aux mani-
festations que le gouvernement n'a
pas osé contrecarrer, celle du 9 mai
pour les étudiants, celle de Charléty.
et celle de la gare Montparnasse.
Aujourd'hui encore les provocations
policières de Flins et de Sochaux
sont destinées à faire voter U.N.R.
par crainte bien plus qu'à faire
aboutir les négociations. Mais le piè-
ge est tendu en vain. Dans un pays
avancé comme le nôtre, la transfor-
mation socialiste peut prendre des
voies pacifiques même si elles sont
énergiques : c'est ce qu'ont démontré
les forces socialistes en lutte. Il faut
inlassablement expliquer à l'opinion
tout entière que le pouvoir gaulliste
voit dans le déchaînement de la vio-
lence son ultime recours. Ce n'est
qu'une raison de plus de mettre une
fois pour toutes fin à son règne.
Le second point, qui n'a pas tou-
jours été bien compris, concerne les
relations du P.S.U. avec ses parte-
naires de la gauche. Nous nous bat-
tons contre le capitalisme et contre
le régime gaulliste, comme contre ses
alliés centristes. Nous sommes dans
cette bataille solidaires des ouvrier',
des technicien^, des cadres, des étu-
diants, des enseignants et des paysans
qui font confiance au parti commu-
niste ou à la Fédération de la gauche.
Notre désistement éventuel au se-
cond tour traduit cette solidarité.
Mais cela ne veut pas dire que nous
soyons d'accord avec les orientations
prises par les directions politiques,
de ce- formations, bien au contraire.
jours été bien compris, concerne les
relations du P.S.U. avec ses parte-
naires de la gauche. Nous nous bat-
tons contre le capitalisme et contre
le régime gaulliste, comme contre ses
alliés centristes. Nous sommes dans
cette bataille solidaires des ouvrier',
des technicien^, des cadres, des étu-
diants, des enseignants et des paysans
qui font confiance au parti commu-
niste ou à la Fédération de la gauche.
Notre désistement éventuel au se-
cond tour traduit cette solidarité.
Mais cela ne veut pas dire que nous
soyons d'accord avec les orientations
prises par les directions politiques,
de ce- formations, bien au contraire.
Le triste lui\f>(i{ï<> du l'.C.F.
Le parti communiste tout d abord,
a repris à l'égard des militants de
gauche avec lesquels il n'est pas
d'accord le langage de l'insulte. C'est
inadmissible. La société libre à l'édi-
fication de laquelle nous travaillons
suppose la libre discussion et le
respect mutuel jusque dans le desac-
cord. Nous l'avons affirmé en ouvrant
la tribune d'un de nos meetings à
des dirigeants étudiants dont nous
sommes loin de partager toutes les
vues. C'est une des conditions de la
démocratie sur laquelle nous ne
capitulerons jamais. Que le P.C. le
sache. Nous avons retrouvé le par-
tenaire intolérant et sans scrupules
que l'on croyait révolu. C'est l'élé-
a repris à l'égard des militants de
gauche avec lesquels il n'est pas
d'accord le langage de l'insulte. C'est
inadmissible. La société libre à l'édi-
fication de laquelle nous travaillons
suppose la libre discussion et le
respect mutuel jusque dans le desac-
cord. Nous l'avons affirmé en ouvrant
la tribune d'un de nos meetings à
des dirigeants étudiants dont nous
sommes loin de partager toutes les
vues. C'est une des conditions de la
démocratie sur laquelle nous ne
capitulerons jamais. Que le P.C. le
sache. Nous avons retrouvé le par-
tenaire intolérant et sans scrupules
que l'on croyait révolu. C'est l'élé-
ment le plus noir du bilan de cette
période.
période.
En outre, sur le fond, le P.C. et la
C.G. F. ont constamment cherché à
freiner le mouvement au lieu de lui
laisser développer toute sa force.
11 \ a deux raisons à cela. La
première est le refus du P.C. de lais-
ser se faire la transformation socia-
liste dont il n'aurait pas le contrôle
complet. Il n'y a pas de compromis
possible avec cette attitude, elle doit
disparaître, soit que le P.C. évolue,
soit qu'il soit remplacé dans la di-
rection de Ta lutte. Le premier objec-
tif est plus facile à atteindre, souhai-
tons qu'il puisse l'être rapidement.
C.G. F. ont constamment cherché à
freiner le mouvement au lieu de lui
laisser développer toute sa force.
11 \ a deux raisons à cela. La
première est le refus du P.C. de lais-
ser se faire la transformation socia-
liste dont il n'aurait pas le contrôle
complet. Il n'y a pas de compromis
possible avec cette attitude, elle doit
disparaître, soit que le P.C. évolue,
soit qu'il soit remplacé dans la di-
rection de Ta lutte. Le premier objec-
tif est plus facile à atteindre, souhai-
tons qu'il puisse l'être rapidement.
La seconde raison du freinage
communiste est encore plus impor-
tant!1. Multipliant les initiatives de
gestion populaire à la base, le mou-
vement récent a donné de la société
socialiste à la création de laquelle il
travaille une image de très grande
liberté. Or la société socialiste est
aux yeux du P.C. une société centra-
lisée et autoritaire pendant une pha-
se très longue. De ce fait tout le
mouvement actuel lui a paru erroné
dans son orientation. Le conflit fon-
damental est là.
communiste est encore plus impor-
tant!1. Multipliant les initiatives de
gestion populaire à la base, le mou-
vement récent a donné de la société
socialiste à la création de laquelle il
travaille une image de très grande
liberté. Or la société socialiste est
aux yeux du P.C. une société centra-
lisée et autoritaire pendant une pha-
se très longue. De ce fait tout le
mouvement actuel lui a paru erroné
dans son orientation. Le conflit fon-
damental est là.
Ce que nous voulons
Pour le P.S.l .. la société socialiste
est une société libre. La France est
un pays assez développé pour n'avoir
pas besoin d'une pression policière
pour accélérer la centralisation de
l'épargne collective. Ce n'est pas le
modèle soviétique qui peut représen-
ter le socialisme à faire chez nous.
Au contraire les Tchécoslovaques,
après les ^ ougoslaves. cherchent à as-
souplir leur planification. La crise
que la France vient de vivre montre
que le parti communiste n'a en rien
changé quant à son orientation fon-
damentale et au type de société pour
lequel il travaille. C'est un débat
que nous retrouverons. Il explique
la profondeur des divergences dans
la lutte.
est une société libre. La France est
un pays assez développé pour n'avoir
pas besoin d'une pression policière
pour accélérer la centralisation de
l'épargne collective. Ce n'est pas le
modèle soviétique qui peut représen-
ter le socialisme à faire chez nous.
Au contraire les Tchécoslovaques,
après les ^ ougoslaves. cherchent à as-
souplir leur planification. La crise
que la France vient de vivre montre
que le parti communiste n'a en rien
changé quant à son orientation fon-
damentale et au type de société pour
lequel il travaille. C'est un débat
que nous retrouverons. Il explique
la profondeur des divergences dans
la lutte.
Quant à la Fédération de la Gau-
che démocrate et socialiste, sa pré-
sence est plus sensible sur le plan
électoral que dans la lutte. C'est un
nouveau signe de 1 absence de cohé-
sion sociale de cette organisation,
comme de sa faiblesse politique. De
ce fait, nous nous sentons tout aussi
éloignés d'elle que du P.C. Tradui-
sant pour l'ensemble des électeurs
une partie des objectifs du mouve-
ment, qu il ii a d'ailleurs pas l'am-
bition de représenter seul, le P.S.U.
a doue décidé de se présenter par-
tout où cela lui était possible et sans
négociation avec quiconque, pas plus
avec la F.G.D.S.. qui d'ailleurs n'en
voulait pas. qu'avec tout autre.
che démocrate et socialiste, sa pré-
sence est plus sensible sur le plan
électoral que dans la lutte. C'est un
nouveau signe de 1 absence de cohé-
sion sociale de cette organisation,
comme de sa faiblesse politique. De
ce fait, nous nous sentons tout aussi
éloignés d'elle que du P.C. Tradui-
sant pour l'ensemble des électeurs
une partie des objectifs du mouve-
ment, qu il ii a d'ailleurs pas l'am-
bition de représenter seul, le P.S.U.
a doue décidé de se présenter par-
tout où cela lui était possible et sans
négociation avec quiconque, pas plus
avec la F.G.D.S.. qui d'ailleurs n'en
voulait pas. qu'avec tout autre.
La crise récente est une crise du
système politique français et de ses
vieux partis. Le P.S.U. propose aux
forces du mouvement comme au
corps électoral de travailler à la
construction d'une force socialiste
rénovée et qui le dépasse lui-même.
Le combat continue, dans les comités
d'action populaire comme devant les
urnes. Il ne se terminera qu'avec la
victoire des forces socialistes. D
système politique français et de ses
vieux partis. Le P.S.U. propose aux
forces du mouvement comme au
corps électoral de travailler à la
construction d'une force socialiste
rénovée et qui le dépasse lui-même.
Le combat continue, dans les comités
d'action populaire comme devant les
urnes. Il ne se terminera qu'avec la
victoire des forces socialistes. D
13 juin 1968
SPÉCIAL MAI 68
page 3
31 jours en mai
• Vendredi 3 mai : fermeture de
la faculté des lettres de Nanterre. La
police fait évacuer la Sorbonne. Ma-
nifestations au Quartier- Latin.
la faculté des lettres de Nanterre. La
police fait évacuer la Sorbonne. Ma-
nifestations au Quartier- Latin.
• Lundi 6 ;nai : grèves et mani-
festations organisées par l'U.N.E.F.
Les premières barricades apparais-
sent au Quartier Latin. « L'Huma-
nité » dénonce « les agissements
aventuristes des groupes gauchis-
tes ».
festations organisées par l'U.N.E.F.
Les premières barricades apparais-
sent au Quartier Latin. « L'Huma-
nité » dénonce « les agissements
aventuristes des groupes gauchis-
tes ».
• l endredi 10 mai : en fin
d'après-midi manifestation place
Denfert-Rochereau. Les pseudo-dis-
cussions ayant échouées, la police
charge avec violence les barricades
derrière lesquelles sont enfermées
les étudiants. La répression sera ter-
minée à 5 heures du matin.
d'après-midi manifestation place
Denfert-Rochereau. Les pseudo-dis-
cussions ayant échouées, la police
charge avec violence les barricades
derrière lesquelles sont enfermées
les étudiants. La répression sera ter-
minée à 5 heures du matin.
• Lundi 13 mai : grève générale
décidée par les syndicats dans la soi-
rée, la Sorbonne est investie par les
étudiants, est déclarée « ouverte à
la population ».
décidée par les syndicats dans la soi-
rée, la Sorbonne est investie par les
étudiants, est déclarée « ouverte à
la population ».
• Mardi 14 mai : dans la soirée.,
les ouvriers de Sud-Aviation à Nantes
occupent l'usine.
les ouvriers de Sud-Aviation à Nantes
occupent l'usine.
• Vendredi 17 mai : l'occupation
des usines se poursuit. A 17 heures, et
malgré l'opposition de la C.G.T. les
étudiants entreprennent une marche
qui les mène du Quartier Latin aux
usines Renault de Boulogne-Billan-
court.
des usines se poursuit. A 17 heures, et
malgré l'opposition de la C.G.T. les
étudiants entreprennent une marche
qui les mène du Quartier Latin aux
usines Renault de Boulogne-Billan-
court.
• Mercredi 22 mai : la motion de
censure est rejetée au parlement. Le
gouvernement interdit le retour en
France de Daniel Cohn-Bendit, qui se
trouve à Amsterdam.
censure est rejetée au parlement. Le
gouvernement interdit le retour en
France de Daniel Cohn-Bendit, qui se
trouve à Amsterdam.
• Jeudi 23 mai : devançant de
trois jours les consignes de l'organi-
sation syndicale nationale, les agri-
culteurs se mêlent au mouvement
général. A Saint-Brieuc, ils fraterni-
sent avec les ouvriers de la S.N.C.F.
trois jours les consignes de l'organi-
sation syndicale nationale, les agri-
culteurs se mêlent au mouvement
général. A Saint-Brieuc, ils fraterni-
sent avec les ouvriers de la S.N.C.F.
L'entrevue qui devait avoir lieu
mercredi soir entre les représentants
du bureau de la C.G.T. et ceux de
rU.N.E.F.. a été décommandée par la
la C.G.T. Jeudi matin M. Séguy dé-
clare : « Non la C.G.T. n'a pas rom-
pu avec les étudiants. Elle a seule-
ment eu soin de ne pas les confondre,
dan- leur masse avec des éléments
[roubles, excités ou irresponsables,
dont les actes aient provoqué la mé-
fiance des travailleurs ». En ce jour
férié, la paralysie est totale dans le
pays. Graves incidents toute la nuit
au Quartier Latin.
mercredi soir entre les représentants
du bureau de la C.G.T. et ceux de
rU.N.E.F.. a été décommandée par la
la C.G.T. Jeudi matin M. Séguy dé-
clare : « Non la C.G.T. n'a pas rom-
pu avec les étudiants. Elle a seule-
ment eu soin de ne pas les confondre,
dan- leur masse avec des éléments
[roubles, excités ou irresponsables,
dont les actes aient provoqué la mé-
fiance des travailleurs ». En ce jour
férié, la paralysie est totale dans le
pays. Graves incidents toute la nuit
au Quartier Latin.
• Vendredi 24 mai : manifesta-
tions paysannes dans toute la France.
La solidarité est exprimée largement
avec les étudiants et ouvriers. Au su-
jet de l'interdiction frappant Cohn-
Bendit, « l'Humanité » » écrit :
« Cohn-Bendit ne défend pas les
étudiants. Il les méprise. Il prétend
que leur masse est amorphe et que
les étudiants d'origine ouvrière sont
les moins disposés à lutter pour un
changement. »
tions paysannes dans toute la France.
La solidarité est exprimée largement
avec les étudiants et ouvriers. Au su-
jet de l'interdiction frappant Cohn-
Bendit, « l'Humanité » » écrit :
« Cohn-Bendit ne défend pas les
étudiants. Il les méprise. Il prétend
que leur masse est amorphe et que
les étudiants d'origine ouvrière sont
les moins disposés à lutter pour un
changement. »
De 16 heures à 19 heures, manifes-
tation pacifique de la C.G.T. de la
Bastille au Carrefour Caumartin.
tation pacifique de la C.G.T. de la
Bastille au Carrefour Caumartin.
19 h. 30, à l'appel de l'U.N.E.F.,
du S.N.E.-Sup.. du mouvement du
22 mars, soutenu par le P.S.U.. des
milliers d'étudiants et de travailleurs
se rassemblent sur l'esplanade de la
gare de Lyon. 20 h. discours du gé-
néral De Gaulle. Les organisateurs
de la manifestation négocient avec
les forces de l'ordre, l'autorisation de
se rendre sur les grands boulevards
et la Bourse. 20 h. 30, les négocia-
tions ayant échouées, la police charge
les manifestants. 21 h. 30, des barri-
cades se construisent au Quartier La-
tin. 21 h. 40, la Bourse est prise par
les manifestants. 23 h. 30 les manifes-
tants venant des grands boulevards,
arrivent au Quartier Latin. La ba-
taille suivie d'une féroce répression
va durer jusqu'à 5 h. du matin. Bi-
lan 1 mort, des centaines des blessés.
M. Fouchet dénonce le rôle de la
« pègre » dans ces émeutes. En pro-
vince. Nantes. Lyon il mort). Péri-
gueux. Quimper. Strasbourg. Bor-
deaux, violentes bagarres.
du S.N.E.-Sup.. du mouvement du
22 mars, soutenu par le P.S.U.. des
milliers d'étudiants et de travailleurs
se rassemblent sur l'esplanade de la
gare de Lyon. 20 h. discours du gé-
néral De Gaulle. Les organisateurs
de la manifestation négocient avec
les forces de l'ordre, l'autorisation de
se rendre sur les grands boulevards
et la Bourse. 20 h. 30, les négocia-
tions ayant échouées, la police charge
les manifestants. 21 h. 30, des barri-
cades se construisent au Quartier La-
tin. 21 h. 40, la Bourse est prise par
les manifestants. 23 h. 30 les manifes-
tants venant des grands boulevards,
arrivent au Quartier Latin. La ba-
taille suivie d'une féroce répression
va durer jusqu'à 5 h. du matin. Bi-
lan 1 mort, des centaines des blessés.
M. Fouchet dénonce le rôle de la
« pègre » dans ces émeutes. En pro-
vince. Nantes. Lyon il mort). Péri-
gueux. Quimper. Strasbourg. Bor-
deaux, violentes bagarres.
• Samedi 25 mai : 15 h., ouver-
ture des négociations entre les syndi-
cats, le gouvernement et le patro-
nat. 18 h. 45, un accord intervient
pour que le S.M.I.C. soit porté à 3 F.
21 h. 45. il est décidé que des com-
missions paritaires se réuniront de-
main dimanche, dans les dif-
férents ministères compétents pour
discuter des problèmes propres au
secteur nationalisé.
ture des négociations entre les syndi-
cats, le gouvernement et le patro-
nat. 18 h. 45, un accord intervient
pour que le S.M.I.C. soit porté à 3 F.
21 h. 45. il est décidé que des com-
missions paritaires se réuniront de-
main dimanche, dans les dif-
férents ministères compétents pour
discuter des problèmes propres au
secteur nationalisé.
• Dimanche 26 mai : 15 h., les
négociations relatives au secteur pri-
vé reprennent en commission au mi-
nistère des Affaires sociales. 16 h. au
ministère de l'Industrie et à celui des
Transports, les entretiens concernant
le secteur nationalisé commencent.
De même, se réunit à la direction de
la Fonction publique, une commis-
sion préliminaire. Les représentants
F.O.. C.G.C. et F.E.N. quittent la sal-
le, estimant que la réunion ne sert à
rien.
négociations relatives au secteur pri-
vé reprennent en commission au mi-
nistère des Affaires sociales. 16 h. au
ministère de l'Industrie et à celui des
Transports, les entretiens concernant
le secteur nationalisé commencent.
De même, se réunit à la direction de
la Fonction publique, une commis-
sion préliminaire. Les représentants
F.O.. C.G.C. et F.E.N. quittent la sal-
le, estimant que la réunion ne sert à
rien.
16 h., les représentants des syndi-
cat- de la S.N.C.F. et de la R.A.T.P.
arrivent au ministère des Transports.
cat- de la S.N.C.F. et de la R.A.T.P.
arrivent au ministère des Transports.
• Lundi 27 mai : 7 h. 15, les né-
gociateurs dressent le procès-verbal
des points d'accord.
gociateurs dressent le procès-verbal
des points d'accord.
Dans les usines, les grévistes dénon-
cent le protocole d'accord et récla-
ment un gouvernement populaire.
M. Jeanson (C.F.D.T.) se félicite du
refus des ouvriers de reprendre le
travail. Des coupures de courant ont
lieu dans la journée.
cent le protocole d'accord et récla-
ment un gouvernement populaire.
M. Jeanson (C.F.D.T.) se félicite du
refus des ouvriers de reprendre le
travail. Des coupures de courant ont
lieu dans la journée.
Parlant des dernières manifesta-
tions, « l'Humanité » dénonce « le
rôle d'agitateurs facistes, et de la pè-
gre ». M. Fouchet en avait déjà par-
lé !..
tions, « l'Humanité » dénonce « le
rôle d'agitateurs facistes, et de la pè-
gre ». M. Fouchet en avait déjà par-
lé !..
18 h., à l'appel de l'U.N.E.F.. de la
F.E.N., de la C.F.D.T. et des P.S.U.,
des milliers de jeunes étudiants et
travailleurs se rassemblent au stade
Charléty. Jacques Sauvageot déclare :
« je vois que la pègre est venue nom-
breuse... ».
F.E.N., de la C.F.D.T. et des P.S.U.,
des milliers de jeunes étudiants et
travailleurs se rassemblent au stade
Charléty. Jacques Sauvageot déclare :
« je vois que la pègre est venue nom-
breuse... ».
Collombert
En province, manifestation à Nan-
tes, Besançon, Marseille, Clermont-
Ferrand, Toulon, Rouen, Toulouse.
tes, Besançon, Marseille, Clermont-
Ferrand, Toulon, Rouen, Toulouse.
• Mardi 28 mai .' les négociations
sociales se poursuivent, après le re-
jet du protocole de lundi par les ou-
vriers des principales entreprises. Les
discussions sont interrompues entre le
ministre des Transports et les syndi-
de la S.N.C.F. A l'Electricité, au Gaz
de France et à la R.A.T.P., les négo-
ciations ne sont pas rompues, bien
que l'écart entre les propositions et
les revendications reste important.
Conférence de presse de François
Mitterand.
sociales se poursuivent, après le re-
jet du protocole de lundi par les ou-
vriers des principales entreprises. Les
discussions sont interrompues entre le
ministre des Transports et les syndi-
de la S.N.C.F. A l'Electricité, au Gaz
de France et à la R.A.T.P., les négo-
ciations ne sont pas rompues, bien
que l'écart entre les propositions et
les revendications reste important.
Conférence de presse de François
Mitterand.
Cohn-Bendit, rentré clandestine-
ment, tient une conférence de presse
à minuit à la Sorbonne.
ment, tient une conférence de presse
à minuit à la Sorbonne.
• Mercredi 29 moi : le conseil
des ministres est annulé, De Gaulle
regagne Colombey, « en passant par
Baden-Baden » où il rencontre le
général Massu. Le mouvement de
grève se durcit, les négociations sont
pratiquement suspendues.
des ministres est annulé, De Gaulle
regagne Colombey, « en passant par
Baden-Baden » où il rencontre le
général Massu. Le mouvement de
grève se durcit, les négociations sont
pratiquement suspendues.
15 h., de la Bastille à la gare Saint-
Lazare, importante manifestation de
la C.G.T. 21 h. 30, déclaration de
Pierre Mcndès-France.
Lazare, importante manifestation de
la C.G.T. 21 h. 30, déclaration de
Pierre Mcndès-France.
• Jeudi 30 mai : 16 h. 30, dans
une allocution le général de Gaulle
fait appel à « l'action civique con-
tre un entreprise totalitaire ».
une allocution le général de Gaulle
fait appel à « l'action civique con-
tre un entreprise totalitaire ».
Manifestation gaulliste de la Con-
corde à l'Etoile, ainsi qu'en province.
La grève reste totale. Coupures de
courant dans la soirée.
corde à l'Etoile, ainsi qu'en province.
La grève reste totale. Coupures de
courant dans la soirée.
• Vendredi 31 mai : Par la voix
de son secrétaire général M. Séguy,
la C.G.T. se déclare prête à poursui-
vre les négociations à l'échelle du
gouvernement et du C.N.P.F. Les
svndicats de la S.N.C.F. et de la
de son secrétaire général M. Séguy,
la C.G.T. se déclare prête à poursui-
vre les négociations à l'échelle du
gouvernement et du C.N.P.F. Les
svndicats de la S.N.C.F. et de la
R.A.T.P. se déclarent prêts à repren-
dre les discussions. Des incidents
éclatent entre les piquets de grève et
les partisans de la reprise du travail.
Les livraisons d'essence reprennent
dans divers stations de la région pa-
risienne.
dre les discussions. Des incidents
éclatent entre les piquets de grève et
les partisans de la reprise du travail.
Les livraisons d'essence reprennent
dans divers stations de la région pa-
risienne.
• Samedi 1" juin : le nouveau
gouvernement tient son premier con-
seil des ministres à l'Elysée. La grève
reste totale, mais des négociations
sont entamées dans diverses branches.
Des incidents entre piquets de grève
et la police éclatent à Rennes.
gouvernement tient son premier con-
seil des ministres à l'Elysée. La grève
reste totale, mais des négociations
sont entamées dans diverses branches.
Des incidents entre piquets de grève
et la police éclatent à Rennes.
15 h. 30, manifestation organisée
par l'U.N.E.F. sur le parcours gare
Montparnasse, gare d'Austerlitz. Les
manifestants vont dialoguer avec le.8
ouvriers de chez Renault et Citroën,
dan* la soirée.
par l'U.N.E.F. sur le parcours gare
Montparnasse, gare d'Austerlitz. Les
manifestants vont dialoguer avec le.8
ouvriers de chez Renault et Citroën,
dan* la soirée.
• Dimanche 2 juin : difficiles
négociations dans les Transports, les
grandes entreprises métallurgiques
et l'O.R.T.F.
négociations dans les Transports, les
grandes entreprises métallurgiques
et l'O.R.T.F.
• Lundi 3 juin : les signes avant-
coureurs d'une reprise du travail ne
se sont pas confirmés. Les consulta-
tions de la base traînent en longueur
à la R.A.T.P.. dans les P.T.T. et sur-
tout à la S.N.C.F., où les positions
syndicales se durcissent. Dans l'auto-
mobile, les pourparlers n'ont pas
commencé.
coureurs d'une reprise du travail ne
se sont pas confirmés. Les consulta-
tions de la base traînent en longueur
à la R.A.T.P.. dans les P.T.T. et sur-
tout à la S.N.C.F., où les positions
syndicales se durcissent. Dans l'auto-
mobile, les pourparlers n'ont pas
commencé.
• Mardi 4 juin : la journée est
consacrée principalement à la con-
sultation des travailleurs. Le travail
a repris à la Banque de France, dans
les arsenaux, quelques entreprises
privées, à la Sécurité sociale et en
partie dans les charbonnages.
consacrée principalement à la con-
sultation des travailleurs. Le travail
a repris à la Banque de France, dans
les arsenaux, quelques entreprises
privées, à la Sécurité sociale et en
partie dans les charbonnages.
A Renault Billancourt, les ouvriers
se sont prononcés pour la poursuite
de la grève. A la S.N.E.C.M.A. aucune
solution n'est intervenue.
se sont prononcés pour la poursuite
de la grève. A la S.N.E.C.M.A. aucune
solution n'est intervenue.
page 4
SPÉCIAL MAI 68
tribune socialiste
Des négociations à l'Education na-
tionale, ont commencé dans la mati-
née. A l'O.R.T.F,. la situation s'est
durcie. Jugeant les propositions gou-
vernementales nettement insuffisan-
tes, l'intersyndicale de l'O.R.T.F. et
les journalistes de France Inter se
mettent en grève dès 19 h. 15.
tionale, ont commencé dans la mati-
née. A l'O.R.T.F,. la situation s'est
durcie. Jugeant les propositions gou-
vernementales nettement insuffisan-
tes, l'intersyndicale de l'O.R.T.F. et
les journalistes de France Inter se
mettent en grève dès 19 h. 15.
La maison de l'O.R.T.F. et des cen-
tres de province sont occupés par les
forces de police.
tres de province sont occupés par les
forces de police.
• Mercredi 5 juin : 5.000 men-
suels reprennent le travail chez Mi-
chelin. Dans la sidérurgie et usines
de fer en Lorraine l'activité est nor-
male, sauf à la Société des Aciers
fins de l'Est (filiale de Renault) où la
grève continue. Dans les charbonna-
ges 'e travail est normal, ainsi que
l'Electricité et le Gaz de France.
suels reprennent le travail chez Mi-
chelin. Dans la sidérurgie et usines
de fer en Lorraine l'activité est nor-
male, sauf à la Société des Aciers
fins de l'Est (filiale de Renault) où la
grève continue. Dans les charbonna-
ges 'e travail est normal, ainsi que
l'Electricité et le Gaz de France.
Dans les transports, l'automobile,
la chimie, la métallurgie, l'aviation
civile, la situation est inchangée. A
l'O.R.T.F.. la direction générale fait
appel aux techniciens de l'armée
pour faire fonctionner les émetteurs
et à quelques techniciens du secteur
privé pour la Maison de la Radio.
la chimie, la métallurgie, l'aviation
civile, la situation est inchangée. A
l'O.R.T.F.. la direction générale fait
appel aux techniciens de l'armée
pour faire fonctionner les émetteurs
et à quelques techniciens du secteur
privé pour la Maison de la Radio.
• Jeudi 6 juin : reprise quasi gé-
nérale et progressive du travail dans
les transports et les P.T.T.. Le trafic
n'a pas repris sur les aérodromes ci-
vils. La marine marchande est tou-
jours en grève. Dans la métallurgie,
la chimie, le bâtiment, l'automobile,
les grands magasins le conflit,se pour-
suit. L'usine de Flins de la régie Re-
nault est dégagée par la police.
nérale et progressive du travail dans
les transports et les P.T.T.. Le trafic
n'a pas repris sur les aérodromes ci-
vils. La marine marchande est tou-
jours en grève. Dans la métallurgie,
la chimie, le bâtiment, l'automobile,
les grands magasins le conflit,se pour-
suit. L'usine de Flins de la régie Re-
nault est dégagée par la police.
« L'Humanité » dénonce les grou-
pes gauchistes « qui calomnient le
P.C., faisant chœurs avec De Gaulle
et Pompidou, au moment où s'enga-
ge une grande bataille politique à
l'occasion des élections législatives,
pour en finir avec le pouvoir gaul-
liste ».
pes gauchistes « qui calomnient le
P.C., faisant chœurs avec De Gaulle
et Pompidou, au moment où s'enga-
ge une grande bataille politique à
l'occasion des élections législatives,
pour en finir avec le pouvoir gaul-
liste ».
• Vendredi 1 juin : dans la mé-
tallurgie la grève reste totale, en par-
ticulier dans les usines nationales
d'aéronautique - la construction auto-
mobile grève générale, ainsi que
dans la marine marchande. Dans les
compagnies aériennes, hôtesses et ste-
wards veulent poursuivre la grève.
tallurgie la grève reste totale, en par-
ticulier dans les usines nationales
d'aéronautique - la construction auto-
mobile grève générale, ainsi que
dans la marine marchande. Dans les
compagnies aériennes, hôtesses et ste-
wards veulent poursuivre la grève.
La reprise des cours dans les éta-
blissements scolaires n'est que par-
tielle. Les grévistes de l'O.R.T.F.
tiennent depuis jeudi des meetings
en différents points de Paris.
blissements scolaires n'est que par-
tielle. Les grévistes de l'O.R.T.F.
tiennent depuis jeudi des meetings
en différents points de Paris.
Au terme d'une manifestation au
marché-gare d'Agen, les agriculteurs
du Sud-Ouest reprochent à la
F.N.S.E.A. de n'avoir pas pris une
part plus active au mouvement popu-
laire. Pour leur part, les dirigeants
du C.N.J.A. estiment que « le monde
paysan ne doit pas demeurer en
dehors du courant de rénovation qui
se dégage ».
marché-gare d'Agen, les agriculteurs
du Sud-Ouest reprochent à la
F.N.S.E.A. de n'avoir pas pris une
part plus active au mouvement popu-
laire. Pour leur part, les dirigeants
du C.N.J.A. estiment que « le monde
paysan ne doit pas demeurer en
dehors du courant de rénovation qui
se dégage ».
A l'usine Renault de Flins. plu-
sieurs milliers d'ouvriers auxquels se
sont joints des étudiants, manifestent
dans les rues qui mènent à l'entre-
j rise occupée par les C.R.S. Violents
accrochages.
sieurs milliers d'ouvriers auxquels se
sont joints des étudiants, manifestent
dans les rues qui mènent à l'entre-
j rise occupée par les C.R.S. Violents
accrochages.
• Samedi 8 juin : dans les P.T.T..
nombreux arrêts de travail dans les
centres de tri parisiens. L'épreuve de
force continue dans la métallurgie.
Aux usines Michelin de Clermont-
Ferrand. un protocole d'accord est
intervenu. Dans l'automobile, les né-
nombreux arrêts de travail dans les
centres de tri parisiens. L'épreuve de
force continue dans la métallurgie.
Aux usines Michelin de Clermont-
Ferrand. un protocole d'accord est
intervenu. Dans l'automobile, les né-
gociations semblent se nouer entre
les grévistes et la direction, chez Peu-
geot et à la régie Renault.
les grévistes et la direction, chez Peu-
geot et à la régie Renault.
A Flins. violentes bagarres entre
les C.R.S. et de jeunes ouvriers et
étudiants. A l'appel de la C.F.D.T.
et de l'U.N.E.F.. des cortèges se ras-
semblent gare St-Lazare à Paris et
se dirigent vers les usines Renault de
Billancourt.
les C.R.S. et de jeunes ouvriers et
étudiants. A l'appel de la C.F.D.T.
et de l'U.N.E.F.. des cortèges se ras-
semblent gare St-Lazare à Paris et
se dirigent vers les usines Renault de
Billancourt.
Parlant des événements de Flins.
la C.G.T. dénonce « les formations,
entraînées quasi militairement, qui
se sont déjà signalées à l'occasion
des opérations de même nature dans
la région parisienne, agissent visible-
ment au service des pires ennemis
de la classe ouvrière... » la pègre de
M. Fouchet ! !
la C.G.T. dénonce « les formations,
entraînées quasi militairement, qui
se sont déjà signalées à l'occasion
des opérations de même nature dans
la région parisienne, agissent visible-
ment au service des pires ennemis
de la classe ouvrière... » la pègre de
M. Fouchet ! !
Le mot d'ordre de poursuite de la
grève donné par le syndicat national
de l'enseignement secondaire (F.E.N.)
et le syndicat général de l'éducation
nationale (C.F.D.T.) est observé de
façon quasi unanime par les ensei-
gnants du second degré.
grève donné par le syndicat national
de l'enseignement secondaire (F.E.N.)
et le syndicat général de l'éducation
nationale (C.F.D.T.) est observé de
façon quasi unanime par les ensei-
gnants du second degré.
(Chronologie établie
par Alain ECHEGL'T.*
par Alain ECHEGL'T.*
ORTF :
Le grand symbole
La plus grande entreprise de
presse et de spectacle de France, en
grève, pour ne plus être « détour-
née » par un gouvernement
presse et de spectacle de France, en
grève, pour ne plus être « détour-
née » par un gouvernement
« Nous sommes en grève parce
que nous refusons de faire le Petit
Pompidou illustré » a déclaré Fré-
déric Potteeher. le 29 mai dans le
grand Amphi de la Sorbonne archi-
coinble. 4 à 6.000 étudiants et travail-
leurs avaient pris place pour enten-
dre quelques journalistes de la télé-
vision exposer les problèmes du plus
grand service d'information et de
spectacle de France « détourné » par
le gouvernement. Les journalistes
venaient de décider, dans l'intérêt du
public, d'arrêter le travail. Aupara-
vant, ils travaillaient en accord avec
Y Intersyndicale qui avait décidé la
grève. Ils pensaient pouvoir assurer
honnêtement l'information du pu-
blic, et avaient tenté une expérience
de contrôle collégial de l'impartia-
lité. L n Comité de dix journalistes
avait été démocratiquement élu par
l'ensemble des journalistes de Y Ac-
tualité Télévisée. Elle échoua. Cette
tentative aurait pu créer un état de
fait irréversible, mais tout en es-
sayant de les ignorer elle n'éliminait
pas les véritables responsables de la
partialité de l'information qui, à
tout moment, pouvaient reprendre
les choses en mains. Ce qu'ils firent,
mettant ainsi les journalistes devant
un choix : la « collaboration » ou
la « résistance ».
que nous refusons de faire le Petit
Pompidou illustré » a déclaré Fré-
déric Potteeher. le 29 mai dans le
grand Amphi de la Sorbonne archi-
coinble. 4 à 6.000 étudiants et travail-
leurs avaient pris place pour enten-
dre quelques journalistes de la télé-
vision exposer les problèmes du plus
grand service d'information et de
spectacle de France « détourné » par
le gouvernement. Les journalistes
venaient de décider, dans l'intérêt du
public, d'arrêter le travail. Aupara-
vant, ils travaillaient en accord avec
Y Intersyndicale qui avait décidé la
grève. Ils pensaient pouvoir assurer
honnêtement l'information du pu-
blic, et avaient tenté une expérience
de contrôle collégial de l'impartia-
lité. L n Comité de dix journalistes
avait été démocratiquement élu par
l'ensemble des journalistes de Y Ac-
tualité Télévisée. Elle échoua. Cette
tentative aurait pu créer un état de
fait irréversible, mais tout en es-
sayant de les ignorer elle n'éliminait
pas les véritables responsables de la
partialité de l'information qui, à
tout moment, pouvaient reprendre
les choses en mains. Ce qu'ils firent,
mettant ainsi les journalistes devant
un choix : la « collaboration » ou
la « résistance ».
• Le trac
Dans cette Sorbonne. où ils se sont
rendus « morts de trac », parce qu'il
« est plus facile de s'adresser à
20.000.000 de téléspectateurs que
l'on ne voit pas qu'à 5.000 person-
nes qui sont en face de soi » — et en
état de contestation et de critique
permanentes — les journalistes ont
rendus « morts de trac », parce qu'il
« est plus facile de s'adresser à
20.000.000 de téléspectateurs que
l'on ne voit pas qu'à 5.000 person-
nes qui sont en face de soi » — et en
état de contestation et de critique
permanentes — les journalistes ont
peut-être \oulu se faire pardonner
leur éveil tardif, tuais, n'ont fait au-
cune concession aux « politiques ».
montrant «uns doute ainsi leur apti-
tude à l'indépendance : « Nous som-
mes contre le contrôle gouvernemen-
ta1 due] que soit le gouvernement.
11 <*st certain que nous ne repren-
drons pas le travail avec l'organisa-
tion qui existait avant. Nous devons
être libres de toute pression venant
du gouvernement ou des partis poli-
tiques. » (Maurice Werther). Ce qui
n'empêche pas que l'autonomie de
l'O.R.T.F. soit un problème politi-
que. Qu'il y ait un gouvernement de
gauche, les positions des travailleurs
de l'O.R.T.F. seront aussi claires et
nettes. Tous les courants d'opinion,
même minoritaires, ont le droit de
s'exprimer. Le gouvernement fait du
chantage au « totalitarisme » mais il
le fait régner à l'O.R.T.F.
leur éveil tardif, tuais, n'ont fait au-
cune concession aux « politiques ».
montrant «uns doute ainsi leur apti-
tude à l'indépendance : « Nous som-
mes contre le contrôle gouvernemen-
ta1 due] que soit le gouvernement.
11 <*st certain que nous ne repren-
drons pas le travail avec l'organisa-
tion qui existait avant. Nous devons
être libres de toute pression venant
du gouvernement ou des partis poli-
tiques. » (Maurice Werther). Ce qui
n'empêche pas que l'autonomie de
l'O.R.T.F. soit un problème politi-
que. Qu'il y ait un gouvernement de
gauche, les positions des travailleurs
de l'O.R.T.F. seront aussi claires et
nettes. Tous les courants d'opinion,
même minoritaires, ont le droit de
s'exprimer. Le gouvernement fait du
chantage au « totalitarisme » mais il
le fait régner à l'O.R.T.F.
On peut s'étonner que les mécon-
tentements évidents et connus de-
puis longtemps des journalistes de
l'O.R.T.F. devant les « méthodes ef-
farentes de pression et d'intimida-
tion » du pouvoir n'aient pas été
canalisés plus tôt dans une revendi-
cation précise.
tentements évidents et connus de-
puis longtemps des journalistes de
l'O.R.T.F. devant les « méthodes ef-
farentes de pression et d'intimida-
tion » du pouvoir n'aient pas été
canalisés plus tôt dans une revendi-
cation précise.
Il manquait une occasion. Ce fut
le refus par le sous-directeur de l'Ac-
tualité Télévisée de diffuser des
réactions d'hommes politiques, après
l'annonce du référundum par le
Généra] de Gaulle.
le refus par le sous-directeur de l'Ac-
tualité Télévisée de diffuser des
réactions d'hommes politiques, après
l'annonce du référundum par le
Généra] de Gaulle.
• La douche
Ainsi pendant trois semaines le
public a reçu une douche écossaise
en matière d'information ; sa qua-
lité, selon les périodes, était très
variable.
public a reçu une douche écossaise
en matière d'information ; sa qua-
lité, selon les périodes, était très
variable.
A la télévision, après une flagrante
absence d'information honnête sur
la naissance "et les développements
de la révolte étudiante, quelques
pressions de l'extérieur (menace de
tentative d'invasion de la rue Cognac-
.lay par les étudiants) et de l'inté-
rieur (pétitions de réalisateurs et de
producteurs) permirent au public de
voix à « /oom », « Panorama » et
au cours d'une « Tribune » les lea-
absence d'information honnête sur
la naissance "et les développements
de la révolte étudiante, quelques
pressions de l'extérieur (menace de
tentative d'invasion de la rue Cognac-
.lay par les étudiants) et de l'inté-
rieur (pétitions de réalisateurs et de
producteurs) permirent au public de
voix à « /oom », « Panorama » et
au cours d'une « Tribune » les lea-
ders du intimement île conte.-tation
-.'exprimer devant le- caméras. En-
riiitc. comme nous l'avons dit plus
liant, la direction de ['Actualité télé-
visée revint à la surface. Les vingt-
trois non-grévistes (sur cent soixante
journalistes qui travaillent pour l'Ac-
tualité télévisée) assuraient un bul-
letin à 20 heures dont, évidemment,
l'impartialité ne pouvait être garan-
tie. Certains avaient envisagé, pour
que le journal ne passe pas à l'an-
tenne, de faire couper l'électricité
dans tout le pays. Mais, la chose
n'était pas simple. Selon les syndica-
listes de l'K.D.F.. il aurait fallu in-
terrompre l'alimentation du courant
50 minutes avant 20 heures pour
Paris et jusqu'à 5 heures avant pour
la province.
-.'exprimer devant le- caméras. En-
riiitc. comme nous l'avons dit plus
liant, la direction de ['Actualité télé-
visée revint à la surface. Les vingt-
trois non-grévistes (sur cent soixante
journalistes qui travaillent pour l'Ac-
tualité télévisée) assuraient un bul-
letin à 20 heures dont, évidemment,
l'impartialité ne pouvait être garan-
tie. Certains avaient envisagé, pour
que le journal ne passe pas à l'an-
tenne, de faire couper l'électricité
dans tout le pays. Mais, la chose
n'était pas simple. Selon les syndica-
listes de l'K.D.F.. il aurait fallu in-
terrompre l'alimentation du courant
50 minutes avant 20 heures pour
Paris et jusqu'à 5 heures avant pour
la province.
A France-Inter également, l'infor-
mation du public a été de valeur iné-
gale. On a essaye, pendant quelques
temps. de faire, sous le contrôle de
cinq joui nali-tf- une information
plu.- honnête qu'avant. A tel point
que de nombreux fidèles de^• postes
périphériques quiitèient leur station
prt feree pour redécouvrir un nou-
veau France-lnter. On s'en inquèta
d'ailleurs à R.T.L. Mais les journa-
listes de France-Inter se sont, à leur
tour, joints à leurs 14.000 camarades
en grève, laissant le micro à Jacque-
line Baudrier.
mation du public a été de valeur iné-
gale. On a essaye, pendant quelques
temps. de faire, sous le contrôle de
cinq joui nali-tf- une information
plu.- honnête qu'avant. A tel point
que de nombreux fidèles de^• postes
périphériques quiitèient leur station
prt feree pour redécouvrir un nou-
veau France-lnter. On s'en inquèta
d'ailleurs à R.T.L. Mais les journa-
listes de France-Inter se sont, à leur
tour, joints à leurs 14.000 camarades
en grève, laissant le micro à Jacque-
line Baudrier.
Depuis le 4 juin, la station est plus
claire, tous les programmes, indique
un communiqué, sont « signés par
le gouvernement soutenu par la po-
lice et par l'armée ».
claire, tous les programmes, indique
un communiqué, sont « signés par
le gouvernement soutenu par la po-
lice et par l'armée ».
• La grève
Le refus par le journalistes de la
« dissidence courtoise » pour un ar-
rêî total a permis un renforcement
du mouvement de grève et de ses
objectifs. La grève à l'O.R.T.F. avait
été votée le 17 mai par l'assemblée
générale de Y Intersyndicale (1) pour
le 19 mai. zéro heure. Dans la plate-
forme présentée à cette occasion fi-
guraient, précédant les demandes
d'augmentation de salaire, etc. pour
certaines catégories de professions,
des revendications portant sur le
statut de la maison : « abrogation
de la loi créant l'Office de la Radio
et Télévision Française ; autonomie
réelle de l'Office en dehors île toute
tutelle du Ministère de l'Informa-
tion, du Ministère des Finances
ainsi que de tous les autres ministè-
res ou organismes gouvernemen-
taux ; démission du conseil d'admi-
nistration et de la direction géné-
rale ; démission des différents direc-
teurs de l'Information ; constitu-
tion d'un conseil d'administration
« dissidence courtoise » pour un ar-
rêî total a permis un renforcement
du mouvement de grève et de ses
objectifs. La grève à l'O.R.T.F. avait
été votée le 17 mai par l'assemblée
générale de Y Intersyndicale (1) pour
le 19 mai. zéro heure. Dans la plate-
forme présentée à cette occasion fi-
guraient, précédant les demandes
d'augmentation de salaire, etc. pour
certaines catégories de professions,
des revendications portant sur le
statut de la maison : « abrogation
de la loi créant l'Office de la Radio
et Télévision Française ; autonomie
réelle de l'Office en dehors île toute
tutelle du Ministère de l'Informa-
tion, du Ministère des Finances
ainsi que de tous les autres ministè-
res ou organismes gouvernemen-
taux ; démission du conseil d'admi-
nistration et de la direction géné-
rale ; démission des différents direc-
teurs de l'Information ; constitu-
tion d'un conseil d'administration
ili L'Intersyndicale de l'O.R.T.F. réunit
la Fédération Syndicale Unifiée (S.U.T.-
S.U.A.-S.U.P.A.\, le Syndicat National de
Rndiodij fusion et de Télévision-C.G.T., le
Syndicat Français des Réalisateurs de Télé-
vision, le Syndicat Interprofessionnel de
Radiodiffusion et de Télévision (C.F.D.T.I,
le Syndicat \ational Autonome, le Syndical
.^nlional des Journalistes, le Syndicat des
Journalistes-Force Ouvrière auxquels sont
assoc'iês le Syndicat \ntionnl des Produc-
teurs de Télévision et le Syndicat Français
îles Jeteurs (section télévision et railini.
la Fédération Syndicale Unifiée (S.U.T.-
S.U.A.-S.U.P.A.\, le Syndicat National de
Rndiodij fusion et de Télévision-C.G.T., le
Syndicat Français des Réalisateurs de Télé-
vision, le Syndicat Interprofessionnel de
Radiodiffusion et de Télévision (C.F.D.T.I,
le Syndicat \ational Autonome, le Syndical
.^nlional des Journalistes, le Syndicat des
Journalistes-Force Ouvrière auxquels sont
assoc'iês le Syndicat \ntionnl des Produc-
teurs de Télévision et le Syndicat Français
îles Jeteurs (section télévision et railini.
13 juin 1968
SPÉCIAL MAI 68
page 5
Agip
dont la composition sera définie par
un texte ultérieur. Ce conseil devra
représenter toutes les tendances de
l'opinion et comprendre des repré-
sentants de toutes les catégories de
personnel de l'Office et élire son
président qui aura les fonctions de
directeur général. »
un texte ultérieur. Ce conseil devra
représenter toutes les tendances de
l'opinion et comprendre des repré-
sentants de toutes les catégories de
personnel de l'Office et élire son
président qui aura les fonctions de
directeur général. »
Les positions se sont de nouveau
durcies avee l'arrivée, après le coup
de poing du Général, d'un nouveau
titulaire au Ministère de l'Informa-
tion, M. Yves Guéna. En effet, ceux
qui souhaitaient un « durcisse-
ment » au sein de Y Intersyndicale,
qui craignaient un effritement du
mcmenient ont bizarrement trouvé
un allié dans le nouveau ministre.
Ses « erreurs » I l'ultimatum, le pas-
sage d'un film depuis le blockhaus
de la Tour Eiffel avant que soit
comme la décision des techniciens
de l'O.R.T.F.. l'occupation de la
Maiscn de la Radio par la police,
l'utili-aiion de techniciens d'une mai-
son privé?...) ont permis de sceller
davantage l'unité précaire des per-
sonnels.
durcies avee l'arrivée, après le coup
de poing du Général, d'un nouveau
titulaire au Ministère de l'Informa-
tion, M. Yves Guéna. En effet, ceux
qui souhaitaient un « durcisse-
ment » au sein de Y Intersyndicale,
qui craignaient un effritement du
mcmenient ont bizarrement trouvé
un allié dans le nouveau ministre.
Ses « erreurs » I l'ultimatum, le pas-
sage d'un film depuis le blockhaus
de la Tour Eiffel avant que soit
comme la décision des techniciens
de l'O.R.T.F.. l'occupation de la
Maiscn de la Radio par la police,
l'utili-aiion de techniciens d'une mai-
son privé?...) ont permis de sceller
davantage l'unité précaire des per-
sonnels.
0 M. Guéna
Les déplissions des directeurs et
leur remplacement doivent dans l'es-
prit de M. Guéna permettre de né-
gocier avec les travailleurs de
l'O.R.T.F. Ces démissions étant ef-
fectivement demandées par Ylntcr-
syndicale. M?is le problème des hom-
mes est relativement mineur. C'est
leur fonction qui est en cause. Il y a
deux points sur lesquels les person-
nels rla l'C.R.T.F. restaient, après
15 jours de grève, intransigeants :
1 ) Engagement formel du gouverne-
ment sur le futur statut assurant
l'autonomie de l'Office ; 2) Régime
intérimaire.
leur remplacement doivent dans l'es-
prit de M. Guéna permettre de né-
gocier avec les travailleurs de
l'O.R.T.F. Ces démissions étant ef-
fectivement demandées par Ylntcr-
syndicale. M?is le problème des hom-
mes est relativement mineur. C'est
leur fonction qui est en cause. Il y a
deux points sur lesquels les person-
nels rla l'C.R.T.F. restaient, après
15 jours de grève, intransigeants :
1 ) Engagement formel du gouverne-
ment sur le futur statut assurant
l'autonomie de l'Office ; 2) Régime
intérimaire.
« C'est un grand chambardement
des structures que nous voulons
ni?intenant » dit Pottecher. Il était
a :endu depuis longtemps, souhaité
isolément. Devant la diversité des
professions et des intérêts de cha-
cure d'elles l'unité de revendication
paraissait difficile ~& réaliser. C'est a
des structures que nous voulons
ni?intenant » dit Pottecher. Il était
a :endu depuis longtemps, souhaité
isolément. Devant la diversité des
professions et des intérêts de cha-
cure d'elles l'unité de revendication
paraissait difficile ~& réaliser. C'est a
la faveur du grand mouvement de
contestation de mai qu'elle a vu le
jrur. Et comme dans tous les autres
domaines la situation est irréversi-
ble il va falloir faire quelque chose
de constructif et aucun retour au pas-
sé ne devrait être possible.
contestation de mai qu'elle a vu le
jrur. Et comme dans tous les autres
domaines la situation est irréversi-
ble il va falloir faire quelque chose
de constructif et aucun retour au pas-
sé ne devrait être possible.
Le mouvement a TO..T.F. a des
caractères particuliers du fait de la
multiplicité des professions repré-
•-; ntées h l'Office, de leurs intérêts h
ccurt terme — défendus traditionnel-
lement par les syndicats — très dif-
férents. Les journalistes et techni-
(isns qui. tout en s'associant à Ifeurs
ca'narade.-; en grève, n'avaient pas
cessé le ira\ ail ont été obligés de se
rendre à l'évidence que la collabo-
îation était impossible, qvie le ma-
lai-e de la maison ne pouvait s'ex-
primer que dans un mouvement
général et unitaire de revendication
et que seul un tel mouvement pou-
vait avoir le soutien de l'opinion.
!'::core que ce soutien ne soit pas
aussi impoi-iant qu'il devrait être.
Or le public e.-t très mal informé
de ce qui se passe dans ce service
public d'information et de culture
de la nation. C'est pour le public
que le- gens de l'O.R.T.F. se battent,
il faut que le public le sache, le
comprenne pour lutter avec eux. Le
mouvement est fort, mais le Pou-
vcir — là comme ailleurs — est prêt
à tout pour le diviser et punir en-
fuite les « insoumis ». Le Comité, dit
d'Action Civique, constitué d'un
« quarteron de jaunes » qvii a dif-
famé quelques collaborateurs de
l'Office s'est ridiculisé ; mais de-
main, l'appareil de répression politi-
que et de délation qui commence à
tisser sa toile dans le pays pourrait
agir plus discrètement. L'action ci-
vique, la vraie c'est la défense et la
résistance que manifestera la popu-
lation devant la police parallèle que
!e régime tente d'instaurer dans le
pays pour survivre. S'il n'avait pas
disposé, à son gré. de l'O.R.T.F. de-
puis 10 ans. il ne penserait peut-être
plus à survi.re. Il n'existerait plus.
caractères particuliers du fait de la
multiplicité des professions repré-
•-; ntées h l'Office, de leurs intérêts h
ccurt terme — défendus traditionnel-
lement par les syndicats — très dif-
férents. Les journalistes et techni-
(isns qui. tout en s'associant à Ifeurs
ca'narade.-; en grève, n'avaient pas
cessé le ira\ ail ont été obligés de se
rendre à l'évidence que la collabo-
îation était impossible, qvie le ma-
lai-e de la maison ne pouvait s'ex-
primer que dans un mouvement
général et unitaire de revendication
et que seul un tel mouvement pou-
vait avoir le soutien de l'opinion.
!'::core que ce soutien ne soit pas
aussi impoi-iant qu'il devrait être.
Or le public e.-t très mal informé
de ce qui se passe dans ce service
public d'information et de culture
de la nation. C'est pour le public
que le- gens de l'O.R.T.F. se battent,
il faut que le public le sache, le
comprenne pour lutter avec eux. Le
mouvement est fort, mais le Pou-
vcir — là comme ailleurs — est prêt
à tout pour le diviser et punir en-
fuite les « insoumis ». Le Comité, dit
d'Action Civique, constitué d'un
« quarteron de jaunes » qvii a dif-
famé quelques collaborateurs de
l'Office s'est ridiculisé ; mais de-
main, l'appareil de répression politi-
que et de délation qui commence à
tisser sa toile dans le pays pourrait
agir plus discrètement. L'action ci-
vique, la vraie c'est la défense et la
résistance que manifestera la popu-
lation devant la police parallèle que
!e régime tente d'instaurer dans le
pays pour survivre. S'il n'avait pas
disposé, à son gré. de l'O.R.T.F. de-
puis 10 ans. il ne penserait peut-être
plus à survi.re. Il n'existerait plus.
Jacques RENOUX
L'impact
de l'information radio
Depuis le 3 mai, malgré les tenta-
tives d'émancjpation courageuses
d'une importante partie de son per-
sonnel, la Télévision a montré son
vrai visage : un instrument lourd, peu
mobile, muselé, ne colant pas à l'ac-
tualité et mettant en évidence le déca-
lage effarant entre l'information direc-
te d'un poste périphérique et les évo-
cations, propagande et autres nouvel-
les sans importance de l'O.R.T.F.
tives d'émancjpation courageuses
d'une importante partie de son per-
sonnel, la Télévision a montré son
vrai visage : un instrument lourd, peu
mobile, muselé, ne colant pas à l'ac-
tualité et mettant en évidence le déca-
lage effarant entre l'information direc-
te d'un poste périphérique et les évo-
cations, propagande et autres nouvel-
les sans importance de l'O.R.T.F.
Bénéficiant d'une certaine liberté,
les stations périphériques ont tout mi-
sé sur l'information et le direct, utili-
sent tout le matériel technique au ser-
vice d'équipes de reporters nombreu-
ses. Ce travail d'information totale a
accentué le discrédit de la radio natio-
nale qui, le 23 mai, par exemple, au
paroxysme de la violence dans le
quartier latin, diffusait régulièrement
des nouvelles du révérend père Bou-
logne... Les transistors de plus en plus
miniaturisés sont sortis de toutes les
poches. Lors de chaque bulletin d'in-
formation des groupes se forment sur
les trottoirs, la dispersion ne se fai-
sant jamais sans quelques commen-
taires préalables.
les stations périphériques ont tout mi-
sé sur l'information et le direct, utili-
sent tout le matériel technique au ser-
vice d'équipes de reporters nombreu-
ses. Ce travail d'information totale a
accentué le discrédit de la radio natio-
nale qui, le 23 mai, par exemple, au
paroxysme de la violence dans le
quartier latin, diffusait régulièrement
des nouvelles du révérend père Bou-
logne... Les transistors de plus en plus
miniaturisés sont sortis de toutes les
poches. Lors de chaque bulletin d'in-
formation des groupes se forment sur
les trottoirs, la dispersion ne se fai-
sant jamais sans quelques commen-
taires préalables.
Le pouvoir a mesuré la puissance
de l'information qui a interdit l'usage
des voitures radio-téléphones lors des
reportages en direct, sur les barrica-
des. Julien Besançon faisait remarquer
au cours d'une manifestation gaullis-
te qu'il avait de nouveau la possibilité
d'utiliser sa voiture radio !
de l'information qui a interdit l'usage
des voitures radio-téléphones lors des
reportages en direct, sur les barrica-
des. Julien Besançon faisait remarquer
au cours d'une manifestation gaullis-
te qu'il avait de nouveau la possibilité
d'utiliser sa voiture radio !
Dans le domaine de l'information il
est permis de penser que l'on a at-
teint un point de non-retour. Peu de
gens semblent regretter leur télévision
et les Parisiens qui se précipitent vers
les reporters espérant pouvoir leur
rendre quelque service pour la pour-
suite en direct, symbolisaient le besoin
de savoir d'une masse que l'on pré-
tend indifférente, qui a pourtant pris
non seulement l'habitude mais le goût
d'une information complète et objecti-
ve.
est permis de penser que l'on a at-
teint un point de non-retour. Peu de
gens semblent regretter leur télévision
et les Parisiens qui se précipitent vers
les reporters espérant pouvoir leur
rendre quelque service pour la pour-
suite en direct, symbolisaient le besoin
de savoir d'une masse que l'on pré-
tend indifférente, qui a pourtant pris
non seulement l'habitude mais le goût
d'une information complète et objecti-
ve.
Gilbert CHALEIL
Les Etats Généraux
du Cinéma
du Cinéma
Nés dans l'enthousiasme le 17 mai
à l'Ecole Nationale de Photographie
et de Cinéma (rue de Vaugirard) que
les élèves avaient occupée, les Etats
Généraux du Cinéma se sont-ils dé-
truits eux-mêmes le 5 juin au cours
d'une assemblée générale extraordi-
naire réunie à Suresnes ? Beaucoup
de gens le pensent dans la profes-
sion, tant du côté des producteurs qui
assistaient à ces tempêtes avec beau-
coup de sérénité, que du côté des met-
teurs en scène qui se sont jetés fou-
à l'Ecole Nationale de Photographie
et de Cinéma (rue de Vaugirard) que
les élèves avaient occupée, les Etats
Généraux du Cinéma se sont-ils dé-
truits eux-mêmes le 5 juin au cours
d'une assemblée générale extraordi-
naire réunie à Suresnes ? Beaucoup
de gens le pensent dans la profes-
sion, tant du côté des producteurs qui
assistaient à ces tempêtes avec beau-
coup de sérénité, que du côté des met-
teurs en scène qui se sont jetés fou-
gueusement dans la mêlée et n'en
ont retiré qu'amertume.
ont retiré qu'amertume.
La composition de ces Etats Géné-
raux, si elle était inspirée par une
grande générosité et un sincère
amour de la démocratie, est peut-être
à l'origine d'un échec aussi regretta-
ble : ouverte à « tous ceux que le ci-
néma concerne », professionnels, étu-
diants, auteurs, réalisateurs, acteurs,
journalistes et même simlpes specta-
teurs, cette Assemblée ne semble pas
avoir pris conscience très clairement
des responsabilités énormes qui lui
étaient échues. Pouvait-il en être au-
trement ? La démocratie directe sup-
pose d'abord le respect de certaines
règles, peut-être aussi une formation
et une habitude qui manquent malheu-
reusement aux Français...
raux, si elle était inspirée par une
grande générosité et un sincère
amour de la démocratie, est peut-être
à l'origine d'un échec aussi regretta-
ble : ouverte à « tous ceux que le ci-
néma concerne », professionnels, étu-
diants, auteurs, réalisateurs, acteurs,
journalistes et même simlpes specta-
teurs, cette Assemblée ne semble pas
avoir pris conscience très clairement
des responsabilités énormes qui lui
étaient échues. Pouvait-il en être au-
trement ? La démocratie directe sup-
pose d'abord le respect de certaines
règles, peut-être aussi une formation
et une habitude qui manquent malheu-
reusement aux Français...
Que s'est-il donc passé à ces Etats
Généraux du Cinéma ? Après avoir mis
l'ensemble de la profession en grève
et fait arrêter le Festival de Cannes
(du 17 au 19 mai), les assemblées gé-
nérales qui se tenaient chaque jour à
l'Ecole de Vaugirard ont voté un cer-
tain nombre de décisions qui remet-
taient en cause l'organisation de la
profession :. suppression du Centre
National de la Cinématographie et mi-
se à l'étude de divers projets pour
élaborer de nouvelles structures pro-
fessionnelles. Le 26 mai, au cours
d'une assemblée générale extraordi-
naire tenue à Suresnes et réunissant
plus de douze cents personnes, dix-
neuf projets furent présentés et soumis
3 un vote.
Généraux du Cinéma ? Après avoir mis
l'ensemble de la profession en grève
et fait arrêter le Festival de Cannes
(du 17 au 19 mai), les assemblées gé-
nérales qui se tenaient chaque jour à
l'Ecole de Vaugirard ont voté un cer-
tain nombre de décisions qui remet-
taient en cause l'organisation de la
profession :. suppression du Centre
National de la Cinématographie et mi-
se à l'étude de divers projets pour
élaborer de nouvelles structures pro-
fessionnelles. Le 26 mai, au cours
d'une assemblée générale extraordi-
naire tenue à Suresnes et réunissant
plus de douze cents personnes, dix-
neuf projets furent présentés et soumis
3 un vote.
Quatre rapports sortirent du lot.
Trois d'entre eux furent admis par la
majorité comme base de discussion :
le projet 16 présenté par Louis Malle
et une vingta;ne de réalisateurs (René
Allio, Pierre Kast, Jean-Daniel Pollet,
Alain Resnais, Roger Vadim, etc), celui
du syndicat des techniciens (C.G.T.)
et celui d'une équipe réunie autour de
Claude Lelouch et Michel Cournot. Ces
trois projets présentaient assez de
points communs pour pouvoir être réu-
nis et servir de base à une nouvelle
synthèse qui tiendrait compte des criti-
ues et objections formulées par l'as-
semblée.
Trois d'entre eux furent admis par la
majorité comme base de discussion :
le projet 16 présenté par Louis Malle
et une vingta;ne de réalisateurs (René
Allio, Pierre Kast, Jean-Daniel Pollet,
Alain Resnais, Roger Vadim, etc), celui
du syndicat des techniciens (C.G.T.)
et celui d'une équipe réunie autour de
Claude Lelouch et Michel Cournot. Ces
trois projets présentaient assez de
points communs pour pouvoir être réu-
nis et servir de base à une nouvelle
synthèse qui tiendrait compte des criti-
ues et objections formulées par l'as-
semblée.
Le projet n° 4 en revanche, bien que
ne recueillant guère plus d'une cen-
taine de voix, fut la vedette de ces
Etats généraux. Son rapporteur, Thier-
ry Derocles est un jeune assistant
monteur qui est apparu comme le chef
de file des jeunes Turcs de la profes-
sion. Défendu avec beaucoup d'hu-
mour par Claude Chabrol, le projet 4
est le seul qui détruise radicalement
la structure capitaliste du cinéma. Il
tient en trois propositions d'une sim-
plicité... révolutionnaire :
1° Accès gratuit au cinéma grâce à
une taxe annuelle (analogue à celle
que paient les téléspectateurs).
2° Décentralisation par la création de
studios régionaux et la projection
de films sur les lieux de travail.
3° Libre accès de tous à la profes-
sion par des stages, et rejet de
toute école traditionnelle.
ne recueillant guère plus d'une cen-
taine de voix, fut la vedette de ces
Etats généraux. Son rapporteur, Thier-
ry Derocles est un jeune assistant
monteur qui est apparu comme le chef
de file des jeunes Turcs de la profes-
sion. Défendu avec beaucoup d'hu-
mour par Claude Chabrol, le projet 4
est le seul qui détruise radicalement
la structure capitaliste du cinéma. Il
tient en trois propositions d'une sim-
plicité... révolutionnaire :
1° Accès gratuit au cinéma grâce à
une taxe annuelle (analogue à celle
que paient les téléspectateurs).
2° Décentralisation par la création de
studios régionaux et la projection
de films sur les lieux de travail.
3° Libre accès de tous à la profes-
sion par des stages, et rejet de
toute école traditionnelle.
Bien que repoussé par l'Assemblée
générale, ce projet aussi séduisant
qu'utopique ne cessa de donner mau-
vaise conscience aux Etats généraux
générale, ce projet aussi séduisant
qu'utopique ne cessa de donner mau-
vaise conscience aux Etats généraux
page 6
SPÉCIAL MAI 68
tribune socialiste
et aux inventeurs des autres systè-
mes.
mes.
Les projets présentés par les réali-
sateurs furent rapidement en butte à
la méfiance de l'Assemblée qui crut y
découvrir des relents de « mandari-
nat >, une volonté mal dissimulée de
partager entre quelques grands noms
du cinéma le « gâteau » du secteur
public et les fonds, hypothétiques, ar-
rachés à l'Etat. Les unités de produc-
tion apparurent à ces esprits soupçon-
neux comme des sœurs jumelles de
certaines maisons de production, très
capitalistes, gérées par des réalisateurs
avisés et prospères.
sateurs furent rapidement en butte à
la méfiance de l'Assemblée qui crut y
découvrir des relents de « mandari-
nat >, une volonté mal dissimulée de
partager entre quelques grands noms
du cinéma le « gâteau » du secteur
public et les fonds, hypothétiques, ar-
rachés à l'Etat. Les unités de produc-
tion apparurent à ces esprits soupçon-
neux comme des sœurs jumelles de
certaines maisons de production, très
capitalistes, gérées par des réalisateurs
avisés et prospères.
Pour prouver leur bonne foi les réa-
lisateurs mis en cause se remirent
au travail avec un courage qu'il faut
souligner, car les reproches ne leur
furent pas ménagés. Dans le nouveau
projet, synthèse des précédents, te-
nant compte scrupuleusement des cri-
tiques et des soupçons qui s'étaient
manifestés, fut présenté à la discus-
sion de l'Assemblée générale du 5
juin. Ce fut l'hallali... Contesté en bloc
par un groupe d'étudiants, le projet
ne fut pas seulement discuté mais mis
en pièces par des orateurs qui
n'étaient pas toujours de bonne foi. A
droite on lui reprochait son caractère
utopique (il supposait un budget de
253 millions de francs pour la 1™ an-
née !), à gauche, ses compromissions
avec le capitalisme ; ses meilleurs par-
tisans lui découvraient des contradic-
tions internes. La place manque pour
une analyse complète de ce projet. Le
temps et la réflexion ont certainement
manqué à l'assemblée du 5 juin pour
élaborer des critiques justifiées et
constructives. Après avoir renoncé à
discuter le projet, Tés Etats Généraux
ont voté, avec une proportion impor-
tante d'abstentions (1/3), une motion
qui est une déclaration d'intentions
générales où l'on retrouve pêle-mêle
les idées remuées pendant ces jours
de tumulte :
lisateurs mis en cause se remirent
au travail avec un courage qu'il faut
souligner, car les reproches ne leur
furent pas ménagés. Dans le nouveau
projet, synthèse des précédents, te-
nant compte scrupuleusement des cri-
tiques et des soupçons qui s'étaient
manifestés, fut présenté à la discus-
sion de l'Assemblée générale du 5
juin. Ce fut l'hallali... Contesté en bloc
par un groupe d'étudiants, le projet
ne fut pas seulement discuté mais mis
en pièces par des orateurs qui
n'étaient pas toujours de bonne foi. A
droite on lui reprochait son caractère
utopique (il supposait un budget de
253 millions de francs pour la 1™ an-
née !), à gauche, ses compromissions
avec le capitalisme ; ses meilleurs par-
tisans lui découvraient des contradic-
tions internes. La place manque pour
une analyse complète de ce projet. Le
temps et la réflexion ont certainement
manqué à l'assemblée du 5 juin pour
élaborer des critiques justifiées et
constructives. Après avoir renoncé à
discuter le projet, Tés Etats Généraux
ont voté, avec une proportion impor-
tante d'abstentions (1/3), une motion
qui est une déclaration d'intentions
générales où l'on retrouve pêle-mêle
les idées remuées pendant ces jours
de tumulte :
— création d'un secteur public prio-
ritaire,
ritaire,
— destruction des monopoles et créa-
tion d'un organisme national de dif-
fusion et d'exploitation des films
(sortes de messageries analogue à
celles de la presse), avec percep-
tion directe dans les salles.
tion d'un organisme national de dif-
fusion et d'exploitation des films
(sortes de messageries analogue à
celles de la presse), avec percep-
tion directe dans les salles.
— autogestion, lutte contre le manda-
rinat.
rinat.
— abolition de la censure,
— création de groupes de production
autogérés et non soumis à la loi
du- profit,
autogérés et non soumis à la loi
du- profit,
— intégration de l'enseignement de
l'audio-visuel dans l'enseignement
général rénové.
l'audio-visuel dans l'enseignement
général rénové.
— union étroite avec une Télé moins
autogérée, indépendante du pou-
voir et de l'argent.
autogérée, indépendante du pou-
voir et de l'argent.
De quels moyens disposent les pro-
fessionnels du cinéma pour faire abou-
tir ces revendications ? De la réponse
à cette question dépend évidemment
l'efficacité de cette motion.
fessionnels du cinéma pour faire abou-
tir ces revendications ? De la réponse
à cette question dépend évidemment
l'efficacité de cette motion.
Collombert
Radio périphériques
l'épreuve de la rue
l'épreuve de la rue
Surprise par la charge des C.R.S.
et des gendarmes, la foule des mani-
festants reflue. Les premières gre-
nades lacrymogènes éclatent. Et en
riposte partent les premiers pavés.
et des gendarmes, la foule des mani-
festants reflue. Les premières gre-
nades lacrymogènes éclatent. Et en
riposte partent les premiers pavés.
Dans les studios de Radio-Luxem-
bourg et d'Europe N° 1, on s'ap-
prête à lire les informations de 15 h
quand arrivent les appels des repor-
ters qui suivent la manifestation étu-
diante. En une minute les échauf-
fourées sont devenues de véritables
combats de rue. Des barricades appa-
raissent. Rue Saint-Jacques, boule-
vard Saint-Germain, place Maubert,
des accrochages d'une rare violence
se produisent. « Je n'ai jamais vu
cela à Paris » raconte Christian Brin-
court au micro de R.T.L. Couché
sous la voiture-radio, il se protège du
mieux qu'il peut. Une grenade explo-
sera pourtant à quelques centimètres
de son précaire refuge le blessant
légèrement aux jambes. A Europe
N° 1, rue François-I", c'est l'affole-
ment : on a perdu le contact avec le
quartier Latin. Un pavé vient d'ar-
racher l'antenne de la voiture radio-
téléphone. Heureusement, la moto
émétrice prend aussitôt le relais.
bourg et d'Europe N° 1, on s'ap-
prête à lire les informations de 15 h
quand arrivent les appels des repor-
ters qui suivent la manifestation étu-
diante. En une minute les échauf-
fourées sont devenues de véritables
combats de rue. Des barricades appa-
raissent. Rue Saint-Jacques, boule-
vard Saint-Germain, place Maubert,
des accrochages d'une rare violence
se produisent. « Je n'ai jamais vu
cela à Paris » raconte Christian Brin-
court au micro de R.T.L. Couché
sous la voiture-radio, il se protège du
mieux qu'il peut. Une grenade explo-
sera pourtant à quelques centimètres
de son précaire refuge le blessant
légèrement aux jambes. A Europe
N° 1, rue François-I", c'est l'affole-
ment : on a perdu le contact avec le
quartier Latin. Un pavé vient d'ar-
racher l'antenne de la voiture radio-
téléphone. Heureusement, la moto
émétrice prend aussitôt le relais.
Pendant cinquante minutes, prati-
quement sans interruption, les audi-
teurs à l'écoute des radios « périphé-
riques » vont vivre en direct, ce lundi
5 mai, la première grande bataille
de rue de la « révolution de mai ».
Pour R.T.L. et Europe N° 1, ce
n'est qu'un début. L'O.R.T.F. est
d'une extrême discrétion. Dans quel-
ques jours ce sera le silence com-
plet : la radio officielle ne résistera
pas à l'onde de choc partie du quar-
tier Latin.
quement sans interruption, les audi-
teurs à l'écoute des radios « périphé-
riques » vont vivre en direct, ce lundi
5 mai, la première grande bataille
de rue de la « révolution de mai ».
Pour R.T.L. et Europe N° 1, ce
n'est qu'un début. L'O.R.T.F. est
d'une extrême discrétion. Dans quel-
ques jours ce sera le silence com-
plet : la radio officielle ne résistera
pas à l'onde de choc partie du quar-
tier Latin.
Des pressions inefficaces
A Europe et à R.T.L., les premiè-
Dolorès DUBOIS. res manifestations et les premières
Dolorès DUBOIS. res manifestations et les premières
grèves provoquèrent une immense
surprise. Surprise chez les journa-
listes : quelques heures avant la ma-
nifestation du 10 (Denfert-rue Gay-
Lussac) le reporter le plus connu de
R.T.L. s'envolait pour le Maroc.
Pour une fois, il n'était vraiment pas
dans le « coup » ! Surprise surtout
chez les « politiques » : pendant
dix jours au moins les journalistes
de Radio-Luxembourg auront carte
blanche pour « courir » l'informa-
tion. Ils en profiteront pour donner
le maximum de direct alors que dans
le même temps Europe plus prudent
limitait les interventions de ces re-
porters.
surprise. Surprise chez les journa-
listes : quelques heures avant la ma-
nifestation du 10 (Denfert-rue Gay-
Lussac) le reporter le plus connu de
R.T.L. s'envolait pour le Maroc.
Pour une fois, il n'était vraiment pas
dans le « coup » ! Surprise surtout
chez les « politiques » : pendant
dix jours au moins les journalistes
de Radio-Luxembourg auront carte
blanche pour « courir » l'informa-
tion. Ils en profiteront pour donner
le maximum de direct alors que dans
le même temps Europe plus prudent
limitait les interventions de ces re-
porters.
La direction de la station luxem-
bourgeoise a immédiatement mesuré
le parti qu'elle pouvait tirer de la
situation. Contrairement à sa rivale
(Europe 1) qui n'appréciait pas à
sa juste valeur l'ampleur de l'événe-
ment, elle a compris qu'il fallait se
faire l'écho de l'immense vague qui
soulevait le pays.
bourgeoise a immédiatement mesuré
le parti qu'elle pouvait tirer de la
situation. Contrairement à sa rivale
(Europe 1) qui n'appréciait pas à
sa juste valeur l'ampleur de l'événe-
ment, elle a compris qu'il fallait se
faire l'écho de l'immense vague qui
soulevait le pays.
Les risques d'une telle politique
étaient évidents, et sont apparus dès
la première semaine : le Pouvoir
n'allait pas tolérer qu'une station de
radio à large audience populaire en
France échappe à son contrôle. Dès
le lundi 5 mai, les inspecteurs des
renseignements généraux mêlés « in-
cognito » aux manifestants signa-
laient que ceux-ci usaient largement
des transistors pour connaître la po-
sition « des forces de l'ordre », se
rassembler et contre-attaquer. De
plus, on prenait conscience dans les
milieux officiels de l'impact consi-
dérable des reportages vraiment
trop importants diffusés par les deux
stations « commerciales ». Un repor-
ter ayant eu l'audace d'affirmer que
les C.R.S. lançaient des grenades au
chlore, on jugea nécessaire d'inter-
venir avec beaucoup de vigueur au-
près des directions. Dans la journée
du 11, après la première nuit des
barricades, les pressions des plus
étaient évidents, et sont apparus dès
la première semaine : le Pouvoir
n'allait pas tolérer qu'une station de
radio à large audience populaire en
France échappe à son contrôle. Dès
le lundi 5 mai, les inspecteurs des
renseignements généraux mêlés « in-
cognito » aux manifestants signa-
laient que ceux-ci usaient largement
des transistors pour connaître la po-
sition « des forces de l'ordre », se
rassembler et contre-attaquer. De
plus, on prenait conscience dans les
milieux officiels de l'impact consi-
dérable des reportages vraiment
trop importants diffusés par les deux
stations « commerciales ». Un repor-
ter ayant eu l'audace d'affirmer que
les C.R.S. lançaient des grenades au
chlore, on jugea nécessaire d'inter-
venir avec beaucoup de vigueur au-
près des directions. Dans la journée
du 11, après la première nuit des
barricades, les pressions des plus
vives furent dirigées contre elles :
elles émanaient du ministère de l'In-
térieur, de Matignon et de l'entou-
rage de M. Foccart. Ce fut en pure
perte — pour R.T.L. en tout cas :
les seules consignes données aux re-
porters (le Radio-Luxembourg entre
le 11 et le 24 par la rédaction en
chef se résumaient à celle-ci : « Dites
ce que vous voyez, rien d'autre. »
A Europe, la situation était beau-
coup plus complexe. Tous les audi-
teurs qui ont suivi le reportage de
la nuit de la rue Gay-Lussac ont été
témoins des interventions « malen-
contreuses » du meneur de jeu visi-
blement soucieux de minimiser les
événements et d'éviter une dramati-
sation. Ses ordres donnés dans le feu
de l'action aux reporters sur place
elles émanaient du ministère de l'In-
térieur, de Matignon et de l'entou-
rage de M. Foccart. Ce fut en pure
perte — pour R.T.L. en tout cas :
les seules consignes données aux re-
porters (le Radio-Luxembourg entre
le 11 et le 24 par la rédaction en
chef se résumaient à celle-ci : « Dites
ce que vous voyez, rien d'autre. »
A Europe, la situation était beau-
coup plus complexe. Tous les audi-
teurs qui ont suivi le reportage de
la nuit de la rue Gay-Lussac ont été
témoins des interventions « malen-
contreuses » du meneur de jeu visi-
blement soucieux de minimiser les
événements et d'éviter une dramati-
sation. Ses ordres donnés dans le feu
de l'action aux reporters sur place
I « Eloignez-vous des zones dange-
reuses »l, ses jugements hâtifs sur les
reportages diffusés en direct I « Ce
n'est pas possible. Vous vous trom-
pez certainement. Vérifiez vos infor-
mations ») ont contribué à la perte
de prestige que connaît Europe de-
puis lors. Nombre d'étudiants pré-
sents au quartier Latin ont perdu
confiance dans une station jugée au-
paravant « la plus objective ».
reuses »l, ses jugements hâtifs sur les
reportages diffusés en direct I « Ce
n'est pas possible. Vous vous trom-
pez certainement. Vérifiez vos infor-
mations ») ont contribué à la perte
de prestige que connaît Europe de-
puis lors. Nombre d'étudiants pré-
sents au quartier Latin ont perdu
confiance dans une station jugée au-
paravant « la plus objective ».
Radio-émeutes
Devant la détermination des diri-
geants de R.T.L. de ne pas céder au
chantage et à l'intimidation, le pou-
voir allait passer aux actes : le jeudi
23 mai, à 21 h 45, le ministère des
P. et T. annonçait qu'il retirait l'au-
torisation provisoire accordée aux
stations de radio d'utiliser les radio-
téléphones. Les journalistes ayant
décidé d'assurer coûte que coûte
leurs reportages avec l'aide des télé-
phones des particuliers, nouvelle me-
sure : le central Dorian qui couvre
le quartier de la gare de Lyon est
bloqué quand éclatent les premiers
accrochages le vendredi 24 mai.
geants de R.T.L. de ne pas céder au
chantage et à l'intimidation, le pou-
voir allait passer aux actes : le jeudi
23 mai, à 21 h 45, le ministère des
P. et T. annonçait qu'il retirait l'au-
torisation provisoire accordée aux
stations de radio d'utiliser les radio-
téléphones. Les journalistes ayant
décidé d'assurer coûte que coûte
leurs reportages avec l'aide des télé-
phones des particuliers, nouvelle me-
sure : le central Dorian qui couvre
le quartier de la gare de Lyon est
bloqué quand éclatent les premiers
accrochages le vendredi 24 mai.
C'est à partir de cette date que
s'amorce un sensible mouvement de
recul à R.T.L. (qui semble être indé-
pendant des pressions gouvernemen-
tales) . Pressentant un essoufflement
du mouvement, la direction adoptera
une attitude de plus en plus réser-
vée. « Attention à ne pas devenir ra-
dio-émeutes. Vous savez que Luxem-
bourg peut nous couper l'antenne à
tout moment », confie Jean Farran
à ses collaborateurs. On évitera par
exemple de diffuser des interviews
de Cohn-Bendit (Brincourt, qui avait
recueilli une déclaration exclusive
du leader du « 22 Mars » lors de la
manifestation des gares Montpar-
nasse-Austerlitz, le 1" juin, en sera
pour ses frais).
s'amorce un sensible mouvement de
recul à R.T.L. (qui semble être indé-
pendant des pressions gouvernemen-
tales) . Pressentant un essoufflement
du mouvement, la direction adoptera
une attitude de plus en plus réser-
vée. « Attention à ne pas devenir ra-
dio-émeutes. Vous savez que Luxem-
bourg peut nous couper l'antenne à
tout moment », confie Jean Farran
à ses collaborateurs. On évitera par
exemple de diffuser des interviews
de Cohn-Bendit (Brincourt, qui avait
recueilli une déclaration exclusive
du leader du « 22 Mars » lors de la
manifestation des gares Montpar-
nasse-Austerlitz, le 1" juin, en sera
pour ses frais).
On s'efforcera donc désormais
d'observer une stricte neutralité, une
balance égale entre le pouvoir et
l'opposition, entre les manifestations
de rue et les déclarations politiques.
d'observer une stricte neutralité, une
balance égale entre le pouvoir et
l'opposition, entre les manifestations
de rue et les déclarations politiques.
II s'agit maintenant de cueillir les
fruits de mai : l'audace a payé.
L'heure est venue de faire ses
comptes.
fruits de mai : l'audace a payé.
L'heure est venue de faire ses
comptes.
Claude FURET.
13 juin 1968
SPÉCIAL MAI 68
page 7
Les journalistes
responsables...
de leurs journaux
Les journalistes ont, eux aussi,
contesté. Surtout dans les organes où
le capital financier règne en maître
sur le capital humain. Ainsi au Figa-
ro où les journalistes s'inquiètent
du peu de cas que Ton fait d'eux.
On considère pourtant au Rond-Point
le mot « participation » pour un
mot-clé du gaullisme finissant. Mais
entre les mots et l'action, il y a la
Société du Figaro. Les journalistes
qui se sont constitués en Société de
rédacteurs en 1965 voudraient bien
avoir leur mot à dire au sujet de la
création d'une nouvelle société de
gestion remplaçant l'ancienne Société
fermière qui doit disparaître en 1969.
Les journalistes ne sont pas très exi-
geants, ils demandent simplement
qu'un « équilibre » se fasse entre
« les intérêts financiers des proprié-
taires et les droits moraux de l'équi-
pe intellectuelle ». Les patrons refu-
sent aux rédacteurs le « droit d'inter-
venir ». Autrement dit le pouvoir ne
se partage pas. Les journalistes du
Figaro réunis le 5 juin en assemblée
ont décidé de se mettre en grève
avant le 1" octobre 68.
contesté. Surtout dans les organes où
le capital financier règne en maître
sur le capital humain. Ainsi au Figa-
ro où les journalistes s'inquiètent
du peu de cas que Ton fait d'eux.
On considère pourtant au Rond-Point
le mot « participation » pour un
mot-clé du gaullisme finissant. Mais
entre les mots et l'action, il y a la
Société du Figaro. Les journalistes
qui se sont constitués en Société de
rédacteurs en 1965 voudraient bien
avoir leur mot à dire au sujet de la
création d'une nouvelle société de
gestion remplaçant l'ancienne Société
fermière qui doit disparaître en 1969.
Les journalistes ne sont pas très exi-
geants, ils demandent simplement
qu'un « équilibre » se fasse entre
« les intérêts financiers des proprié-
taires et les droits moraux de l'équi-
pe intellectuelle ». Les patrons refu-
sent aux rédacteurs le « droit d'inter-
venir ». Autrement dit le pouvoir ne
se partage pas. Les journalistes du
Figaro réunis le 5 juin en assemblée
ont décidé de se mettre en grève
avant le 1" octobre 68.
Profitant du flux du mouvement
les rédacteurs de nombreux journaux
ont créé des sociétés de journalistes,
aux Dernières Nouvelles d'Alsace et
aux Dernières Nouvelles du Haut-
Rhin, à Paris Match..., dans de nom-
breux autres titres des assemblées
générales de journalistes ont décidé
de créer de telles sociétés : Télé 1
jours, Télérama, Réalités, La Vie
Catholique, le Provençal, Le Havre
Libre...
les rédacteurs de nombreux journaux
ont créé des sociétés de journalistes,
aux Dernières Nouvelles d'Alsace et
aux Dernières Nouvelles du Haut-
Rhin, à Paris Match..., dans de nom-
breux autres titres des assemblées
générales de journalistes ont décidé
de créer de telles sociétés : Télé 1
jours, Télérama, Réalités, La Vie
Catholique, le Provençal, Le Havre
Libre...
Les personnels de YAgence France
Presse ont débrayé plusieurs fois et
les journalistes ont réclamé une plus
grande participation.
Presse ont débrayé plusieurs fois et
les journalistes ont réclamé une plus
grande participation.
Au Parisien Libéré, les journalis-
tes ont soutenu les ouvriers de l'im-
primerie qui avaient refusé d'impri-
mer le journal si les dirigeants ne
modifiaient pas le titre de l'édition
du 24 mai « déjà discutable à 18
heures, et qui, notent les journalistes,
ne reflétait plus à 22 heures, l'évolu-
tion des événements » ( « Premiers
signes de reprise... »)
tes ont soutenu les ouvriers de l'im-
primerie qui avaient refusé d'impri-
mer le journal si les dirigeants ne
modifiaient pas le titre de l'édition
du 24 mai « déjà discutable à 18
heures, et qui, notent les journalistes,
ne reflétait plus à 22 heures, l'évolu-
tion des événements » ( « Premiers
signes de reprise... »)
Les journalistes de la région Dau-
phiné-Savoie qui ont eu à subir, du
fait de la création de YEntrei>rise de
presse N" 1 les conséquences de la
concentration et donc des licencie-
ments importants se sont rassemblés
et ont décidé de faire tout ce qui est
possible pour : 1 - faire participer
les représentants élus des différentes
catégories de personnel à la gestion
des entreprises de presse ; 2 - appe-
ler des représentants élus des jour-
nalistes à participer à la conception
phiné-Savoie qui ont eu à subir, du
fait de la création de YEntrei>rise de
presse N" 1 les conséquences de la
concentration et donc des licencie-
ments importants se sont rassemblés
et ont décidé de faire tout ce qui est
possible pour : 1 - faire participer
les représentants élus des différentes
catégories de personnel à la gestion
des entreprises de presse ; 2 - appe-
ler des représentants élus des jour-
nalistes à participer à la conception
(Georges CORSE
des journaux avec les dirigeants ;
3 - consulter de façon régulière les
lecteurs de tous horizons. Ils comp-
tent prendre contact avec tous leurs
confrères pour étudier les solutions
à apporter aux problèmes de la pro-
fession qui découlent de l'évolution
technique de la presse et ont créé un
Comité de rédaction responsable de
son action.
3 - consulter de façon régulière les
lecteurs de tous horizons. Ils comp-
tent prendre contact avec tous leurs
confrères pour étudier les solutions
à apporter aux problèmes de la pro-
fession qui découlent de l'évolution
technique de la presse et ont créé un
Comité de rédaction responsable de
son action.
A la Sorbonne. un Comité d'Action
et de soutien des journalistes s'est
constitué. 11 a réuni au cours d'une
assemblée générale 150 à 200 journa-
listes qui ont décidé d'organiser avec
le concours de leurs camarades syn-
dicalistes et représentants d'associa-
tions professionnelles des Etats gé-
néraux de la presse.
et de soutien des journalistes s'est
constitué. 11 a réuni au cours d'une
assemblée générale 150 à 200 journa-
listes qui ont décidé d'organiser avec
le concours de leurs camarades syn-
dicalistes et représentants d'associa-
tions professionnelles des Etats gé-
néraux de la presse.
Jacques RENOUX.
Un régime policier
Lors des manifestations de mai, la
répression policière a eu l'ampleur
que l'on sait. Reste un bilan qui
s'établit de jour en jour : l'opinion
s'inquiète, des témoignages affluent,
des questions se posent quant aux
suite de la répression. La conférence
de presse tenue le mardi 4 juin à la
Halle-aux-Vins devait montrer déjà
et d'une façon percutante, que les
« forces de l'ordre » avaient très lar-
gement dépassé leurs attributions :
la répression est devenue sauvagerie
déchaînée.
répression policière a eu l'ampleur
que l'on sait. Reste un bilan qui
s'établit de jour en jour : l'opinion
s'inquiète, des témoignages affluent,
des questions se posent quant aux
suite de la répression. La conférence
de presse tenue le mardi 4 juin à la
Halle-aux-Vins devait montrer déjà
et d'une façon percutante, que les
« forces de l'ordre » avaient très lar-
gement dépassé leurs attributions :
la répression est devenue sauvagerie
déchaînée.
Sous l'égide de l'U.N.E.F. et du
S.N.E.-Sup., une « commission témoi-
gnage et assistance juridique » de
Censier et de la Sorbonne à laquelle
participaient des riverains du Quar-
tir Latin, des médecins, des avocats,
des chercheurs, des journalistes a
mené l'enquête et vient de publier
S.N.E.-Sup., une « commission témoi-
gnage et assistance juridique » de
Censier et de la Sorbonne à laquelle
participaient des riverains du Quar-
tir Latin, des médecins, des avocats,
des chercheurs, des journalistes a
mené l'enquête et vient de publier
un « livre blanc ». lra\uil ,»crupti-
Icux et qui réunit le.» témoignage»
seuls que l'on pouvait « authenti-
fier ».
Icux et qui réunit le.» témoignage»
seuls que l'on pouvait « authenti-
fier ».
Les fait? : un matériel dangereux
a été utilisé. Les grenades (fumigè-
nes, offensives et à gaz CB et CN) ont
provoqué des blessures (par bouchon
allumeur ou éclats métalliques — car
des grenades à carcasse métallique
ont éclaté quoi qu'en ait dit la pré-
fecture de Police ; aussi une jeune
fille soignée aux Quinze-Vingt d'une
blessure à l'oeil perdra-t-elle la vue
— I, des intoxications et de.» brûlures
par gaz CB et CN. Un exposé du pro-
fesseur Kalu de l'hôpital Lariboi-
sière a montré que ces gaz se répan-
daient en espace clos ou très concen-
tré à l'air libre comme ce fut le cas.
laissent des séquelles souvent graves.
On a observé des œdèmes pulmonai-
res et pour certaines personnes plus
faibles : vieillards, enfants, malades,
ces gaz peuvent entraîner la mort.
En somme, avec la plus grande bien-
veillance on peut s'étonner de ce que
les forces de l'ordre aient disposé
d'un matériel dont l'usage leur était
inconnu, on peut s'indigner en tout
cas, comme l'a fait observer le profes-
seur Kahn. de ce que le centre de
toxicologie n'ait pas été informé de
la composition des gaz, on peut ad-
mirer enfin l'ardeur de M. Fouchet
à jeter le discrédit sur les enquê-
teurs.
a été utilisé. Les grenades (fumigè-
nes, offensives et à gaz CB et CN) ont
provoqué des blessures (par bouchon
allumeur ou éclats métalliques — car
des grenades à carcasse métallique
ont éclaté quoi qu'en ait dit la pré-
fecture de Police ; aussi une jeune
fille soignée aux Quinze-Vingt d'une
blessure à l'oeil perdra-t-elle la vue
— I, des intoxications et de.» brûlures
par gaz CB et CN. Un exposé du pro-
fesseur Kalu de l'hôpital Lariboi-
sière a montré que ces gaz se répan-
daient en espace clos ou très concen-
tré à l'air libre comme ce fut le cas.
laissent des séquelles souvent graves.
On a observé des œdèmes pulmonai-
res et pour certaines personnes plus
faibles : vieillards, enfants, malades,
ces gaz peuvent entraîner la mort.
En somme, avec la plus grande bien-
veillance on peut s'étonner de ce que
les forces de l'ordre aient disposé
d'un matériel dont l'usage leur était
inconnu, on peut s'indigner en tout
cas, comme l'a fait observer le profes-
seur Kahn. de ce que le centre de
toxicologie n'ait pas été informé de
la composition des gaz, on peut ad-
mirer enfin l'ardeur de M. Fouchet
à jeter le discrédit sur les enquê-
teurs.
Nous ne ferons pas ici le catalogue
des blessures soignées dans les hôpi-
taux, nous laisserons les statistiques
à In aresse quotidienne ; qu'on s'y
reporte afin d'apprécier le bilan.
Notons cependant leur diversité,
l'ampleur d'une padation qui mené
de ]a simple contusion des. membres
au traumatisme crânien suivi de co-
ma Iqu'il y ait eu fracture du crâne
ou non). Certains cas sont très gra-
ves : à la suite de multiples sévices,
dont le viol, une jeune fille a perdu
la mémoire et a dû être soignée dans
les services neuropsychiatriques de
la Salpétrière.
des blessures soignées dans les hôpi-
taux, nous laisserons les statistiques
à In aresse quotidienne ; qu'on s'y
reporte afin d'apprécier le bilan.
Notons cependant leur diversité,
l'ampleur d'une padation qui mené
de ]a simple contusion des. membres
au traumatisme crânien suivi de co-
ma Iqu'il y ait eu fracture du crâne
ou non). Certains cas sont très gra-
ves : à la suite de multiples sévices,
dont le viol, une jeune fille a perdu
la mémoire et a dû être soignée dans
les services neuropsychiatriques de
la Salpétrière.
Outres grenades, matraques et
coups de poings américains, le service
d'ordre s'est « défendu » avec d'au-
tres armes moins classiques : tuyaux,
barres, éléments métalliques de ci-
vières, crosses de mousquetons. Bref,
tout un matériel de fortune qui té-
moigne des conditions morales de la
répression, répression par tous les
moyens, déchaînement individuel.
C'est assurément le plus grave et le
plus inquiétant. C'est ce qui se dé-
gage de l'ensemble des témoignages
lus ou entendus ; ceux-ci décrivent
et la fureur de nombreux C.R.S.,
gendarmes mobiles, policiers visible-
ment hors d'eux-mêmes, et la volonté
générale d'humilier, de dégrader, le
plus souvent après les manifestations,
et le rôle de trop fameux « comités
d'accueil » dans les commissariats, et
la cruauté des sévices exercés sur des
jeunes gens, garçons ou filles souvent
mineurs : cas de viols, chevelures ton-
dues, nudités forcées, coups délibéré-
coups de poings américains, le service
d'ordre s'est « défendu » avec d'au-
tres armes moins classiques : tuyaux,
barres, éléments métalliques de ci-
vières, crosses de mousquetons. Bref,
tout un matériel de fortune qui té-
moigne des conditions morales de la
répression, répression par tous les
moyens, déchaînement individuel.
C'est assurément le plus grave et le
plus inquiétant. C'est ce qui se dé-
gage de l'ensemble des témoignages
lus ou entendus ; ceux-ci décrivent
et la fureur de nombreux C.R.S.,
gendarmes mobiles, policiers visible-
ment hors d'eux-mêmes, et la volonté
générale d'humilier, de dégrader, le
plus souvent après les manifestations,
et le rôle de trop fameux « comités
d'accueil » dans les commissariats, et
la cruauté des sévices exercés sur des
jeunes gens, garçons ou filles souvent
mineurs : cas de viols, chevelures ton-
dues, nudités forcées, coups délibéré-
ment porté.» MIT le» partie.» sexuelles,
sang versé, une série érd-uraiite que
nous interrompons arbitrairement, le
tout sur fond sonore de hurlements
articulés et inarticulés, tels « on aura
votre peau tas d'ordures ». « Sale pu-
tain ». « A mort, à mort », expression
apolitique d'un ressentiment bien en-
tretenu. Et, pour comble de lâcheté,
de vilcnnie. n'a-t-on pas privilégié les
Arabes, les noirs, les roux et généra-
lement des étrangers insultés comme
tels, parfois les représentants de l'or-
dre troquent leur dignité contre un
sandwich laissant voir leur épuise-
ment d'avoir tant battu, vociféré.
sang versé, une série érd-uraiite que
nous interrompons arbitrairement, le
tout sur fond sonore de hurlements
articulés et inarticulés, tels « on aura
votre peau tas d'ordures ». « Sale pu-
tain ». « A mort, à mort », expression
apolitique d'un ressentiment bien en-
tretenu. Et, pour comble de lâcheté,
de vilcnnie. n'a-t-on pas privilégié les
Arabes, les noirs, les roux et généra-
lement des étrangers insultés comme
tels, parfois les représentants de l'or-
dre troquent leur dignité contre un
sandwich laissant voir leur épuise-
ment d'avoir tant battu, vociféré.
Les « innocents » I secouristes, voi-
re jeunes médecins, passants paisi-
bles, riverains punis de leur huma-
nité) n'ont pas été épargnés : coups,
destruction de médicaments, ou mau-
vaise volonté pure et simple... Ceux
qui n'avaient rien à voir avec les ma-
nifestants, et qui auraient pu se
plaindre avant tout des barricades,
les riverains du Quartier Latin, ont
exprimé leur indignation dans un
lourd dossier : ils ont aussi souffert
— moins directement — de la ré-
pression. Bref, les étudiants n'ont
pas eu le monopole, tant s'en faut,
des « déprédations » matérielles...
ni des responsabilités.
re jeunes médecins, passants paisi-
bles, riverains punis de leur huma-
nité) n'ont pas été épargnés : coups,
destruction de médicaments, ou mau-
vaise volonté pure et simple... Ceux
qui n'avaient rien à voir avec les ma-
nifestants, et qui auraient pu se
plaindre avant tout des barricades,
les riverains du Quartier Latin, ont
exprimé leur indignation dans un
lourd dossier : ils ont aussi souffert
— moins directement — de la ré-
pression. Bref, les étudiants n'ont
pas eu le monopole, tant s'en faut,
des « déprédations » matérielles...
ni des responsabilités.
Dans ce sens. Jacques Sauvageot a
conclu notamment : « Les forces de
l'ordre ont montré leur nature pro-
fonde... » « C'est parce que notre
mouvement était créateur, qu'il était
susceptible d'entraîner des change-
ments profonds et capitaux, qu'il a
été si brutalement réprimé. » Que
l'on se souvienne par exemple, de
l'accueil des prisonniers à Auschwitz
et l'on découvre — mutatie mutan-
dis — le danger de la brutalité faite
institution : notre police est un des
soutiens accusateurs du régime, accu-
sateur car le régime dispose de la
police qu'il s'est donnée, et s'il ne
l'a pas voulue telle, il donne la preuve
de son irresponsabilité. Autant de
menaces : facisme latent ou profonde
impuissance ? N'attendons pas de le
savoir.
conclu notamment : « Les forces de
l'ordre ont montré leur nature pro-
fonde... » « C'est parce que notre
mouvement était créateur, qu'il était
susceptible d'entraîner des change-
ments profonds et capitaux, qu'il a
été si brutalement réprimé. » Que
l'on se souvienne par exemple, de
l'accueil des prisonniers à Auschwitz
et l'on découvre — mutatie mutan-
dis — le danger de la brutalité faite
institution : notre police est un des
soutiens accusateurs du régime, accu-
sateur car le régime dispose de la
police qu'il s'est donnée, et s'il ne
l'a pas voulue telle, il donne la preuve
de son irresponsabilité. Autant de
menaces : facisme latent ou profonde
impuissance ? N'attendons pas de le
savoir.
Henri GUINARD.
BULLETIN D'ADHÉSION
Nom .
Prénom
Adresse
Profession ........................
déclare vouloir adhérer au Parti
Socialiste Unifié et demande à être
mis en contact avec la section la
plus proche.
Socialiste Unifié et demande à être
mis en contact avec la section la
plus proche.
i Bulletin à retourner au siège du
PSL, 81, rue Mademoiselle, /'arij-15*i
PSL, 81, rue Mademoiselle, /'arij-15*i
page 8
SPECIAL MAI 68
tribune socialiste
Dossier
de la répression
Le gouvernement, suivi par une par-
tie de la presse, a tenté de faire re-
tomber sur la « pègre • et les « pro-
vocateurs » la responsabilité des vio-
lences qui ont ensanglanté ce mois
de mai. Pour rétablir la vérité sur ces
responsabilités, une commission d'en-
quête patronnée par l'U.N.E.F et le
S.N.E. Sup vient de publier le « Livre
noir des journées de mai » (1) qui
couvre la période du 3 au 10 mai. Les
coupures de presse alternent avec les
témoignages spontanés. Pour des rai-
sons de sécurité évidentes, ceux-ci
sont anonymes, mais les originaux,
dûment signés, sont déposés en lieu
sûr.
tie de la presse, a tenté de faire re-
tomber sur la « pègre • et les « pro-
vocateurs » la responsabilité des vio-
lences qui ont ensanglanté ce mois
de mai. Pour rétablir la vérité sur ces
responsabilités, une commission d'en-
quête patronnée par l'U.N.E.F et le
S.N.E. Sup vient de publier le « Livre
noir des journées de mai » (1) qui
couvre la période du 3 au 10 mai. Les
coupures de presse alternent avec les
témoignages spontanés. Pour des rai-
sons de sécurité évidentes, ceux-ci
sont anonymes, mais les originaux,
dûment signés, sont déposés en lieu
sûr.
Livre accablant dès les premières
pages, qui décrivent l'invasion de la
Sorbonne par la police, parfaitement
injustifiée, le vendredi 3 mai. Un cher-
cheur du C.N.R.S. décrit : « La len-
teur de l'évacuation de la cour était
liée au fait que les étudiants qui sor-
taient ne pouvaient se disperser libre-
ment, mais que tous étaient dirigés
vers les cars de police. >• Le feu est
mis aux poudres. Indignés de ces ar-
restations, les étudiants commencent
à manifester. Les cars de police enva-
hissent le quartier et les forces de
l'ordre se mettent à matraquer indis-
tinctement. Une jeune femme rappor-
te comment elle a été matraquée alors
qu'elle remontait le boulevard Saint-
Michel avec son bébé d'un an dans les
bras.
pages, qui décrivent l'invasion de la
Sorbonne par la police, parfaitement
injustifiée, le vendredi 3 mai. Un cher-
cheur du C.N.R.S. décrit : « La len-
teur de l'évacuation de la cour était
liée au fait que les étudiants qui sor-
taient ne pouvaient se disperser libre-
ment, mais que tous étaient dirigés
vers les cars de police. >• Le feu est
mis aux poudres. Indignés de ces ar-
restations, les étudiants commencent
à manifester. Les cars de police enva-
hissent le quartier et les forces de
l'ordre se mettent à matraquer indis-
tinctement. Une jeune femme rappor-
te comment elle a été matraquée alors
qu'elle remontait le boulevard Saint-
Michel avec son bébé d'un an dans les
bras.
Le lundi 6 mai, l'U.N.E.F. organise
une manifestation de protestation. Plus
de 500 blessés chez les étudiants. Les
non-manifestants ne sont pas épar-
gnés : de nombreux passants, méde-
cins, photographes, touristes étrangers
en témoignent : « ...quelques secon-
des plus tard, des policiers débou-
chent dans cette rue et se jettent sur
moi : aucun étudiant n'était, à ma
connaissance, dans cette rue. Je hur-
le que je ne suis qu'une passante. A
cinq, ils me jettent à terre et me ma-
traquent. Il en est résulté une fractu-
re du bras gauche, un traumatisme crâ-
nien avec plaies ouvertes. » De nom-
breuses personnes arrêtées sont
"onduites à l'ex-hôpital Beaujon. Elles
"Amoignent de ce que furent leur
•--nsfert et leur incarcération. . Nous
"ommes canalisées vers une petite
nièce où un adjudant-chef prend en
dépôt les affaires personnelles. Une
quinzaine de gardiens de la paix for-
ment une haie jusqu'à l'immense « sal-
le d'attente ». Au passage, les ap-
préhendés sont roués de coups »
une manifestation de protestation. Plus
de 500 blessés chez les étudiants. Les
non-manifestants ne sont pas épar-
gnés : de nombreux passants, méde-
cins, photographes, touristes étrangers
en témoignent : « ...quelques secon-
des plus tard, des policiers débou-
chent dans cette rue et se jettent sur
moi : aucun étudiant n'était, à ma
connaissance, dans cette rue. Je hur-
le que je ne suis qu'une passante. A
cinq, ils me jettent à terre et me ma-
traquent. Il en est résulté une fractu-
re du bras gauche, un traumatisme crâ-
nien avec plaies ouvertes. » De nom-
breuses personnes arrêtées sont
"onduites à l'ex-hôpital Beaujon. Elles
"Amoignent de ce que furent leur
•--nsfert et leur incarcération. . Nous
"ommes canalisées vers une petite
nièce où un adjudant-chef prend en
dépôt les affaires personnelles. Une
quinzaine de gardiens de la paix for-
ment une haie jusqu'à l'immense « sal-
le d'attente ». Au passage, les ap-
préhendés sont roués de coups »
Le mardi 7 mai, 50.000 manifestants
remontent de Denfert-Rochereau à
l'Etoile. En fin de journée, les matra-
quages reprennent. Rue de Fleurus
« Une jeune fille isolée de moins de
vingt ans tente de se réfugier sous
une porte cochère. Des flics la sor-
tent de la porte cochere, la matra-
remontent de Denfert-Rochereau à
l'Etoile. En fin de journée, les matra-
quages reprennent. Rue de Fleurus
« Une jeune fille isolée de moins de
vingt ans tente de se réfugier sous
une porte cochère. Des flics la sor-
tent de la porte cochere, la matra-
quent et l'emmènent dans le car. Ap-
paremment, elle rentrait chez elle ; la
rue était parfaitement calme. •
paremment, elle rentrait chez elle ; la
rue était parfaitement calme. •
Jeudi 9 mai, les journaux annoncent
la réouverture des facultés. Mais le
vendredi, la Sorbonne est toujours
aux mains des forces de l'ordre. Nou-
velle manifestation : 30.000 étudiants
remontent le boulevard Saint-Michel en
criant « libérez la Sorbonne ». Dans
la soirée, pendant que leurs repré-
sentants tentent de négocier, les étu-
diants occupent le quartier latin. Le
ministère répond que « malheureuse-
ment, l'heure est à la fermeté ». Vers
23 heures, les premières barricades
se dressent. A 2 h 15, brutalement, les
forces de l'ordre déclanchent l'atta-
que. Elle dure toute la nuit. Les C.R.S.
traquent les étudiants qui se réfu-
gient dans les appartements. Les pas-
sants et les secouristes ne sont pas
épargnés. A 7 h 30 du matin les poli-
ciers poursuivent encore leur « chas-
se » à travers le quartier. Un profes-
seur à la Sorbonne raconte comment
ils tentent même de forcer les portes
d'un poste de secours. En dépit des
interventions du Prof. Monod, les bar-
rages de C.R.S. s'opposent à l'évacua-
tion des blessés graves. Les scènes
de volence atteignent leurv comble.
>> ...Dans l'immeuble voisin du mien,
« ils » cassèrent un carreau pour y
jeter une grenade lacrymogène. Les
occupants de cet appartement furent
contraints de descendre dans la cour.
Alors ceux-ci furent matraqués contre
les murs et trottoirs et deshabillés par
les CRS. Une jeune fille sortit ainsi
« presque » nue dans la rue et fut
« balancée » d'un flic à un autre, puis
matraquée comme les autres déjà
blessés. Durant 150 mètres, aux yeux
de tous les habitants du quartier, elle
fut ainsi conduite entre la rue Royer-
Collard et la rue des Fossés-Saint-
Jacques, jusqu'au panier à salade, où
un journaliste arrêté devait lui donner
sa chemise. »
la réouverture des facultés. Mais le
vendredi, la Sorbonne est toujours
aux mains des forces de l'ordre. Nou-
velle manifestation : 30.000 étudiants
remontent le boulevard Saint-Michel en
criant « libérez la Sorbonne ». Dans
la soirée, pendant que leurs repré-
sentants tentent de négocier, les étu-
diants occupent le quartier latin. Le
ministère répond que « malheureuse-
ment, l'heure est à la fermeté ». Vers
23 heures, les premières barricades
se dressent. A 2 h 15, brutalement, les
forces de l'ordre déclanchent l'atta-
que. Elle dure toute la nuit. Les C.R.S.
traquent les étudiants qui se réfu-
gient dans les appartements. Les pas-
sants et les secouristes ne sont pas
épargnés. A 7 h 30 du matin les poli-
ciers poursuivent encore leur « chas-
se » à travers le quartier. Un profes-
seur à la Sorbonne raconte comment
ils tentent même de forcer les portes
d'un poste de secours. En dépit des
interventions du Prof. Monod, les bar-
rages de C.R.S. s'opposent à l'évacua-
tion des blessés graves. Les scènes
de volence atteignent leurv comble.
>> ...Dans l'immeuble voisin du mien,
« ils » cassèrent un carreau pour y
jeter une grenade lacrymogène. Les
occupants de cet appartement furent
contraints de descendre dans la cour.
Alors ceux-ci furent matraqués contre
les murs et trottoirs et deshabillés par
les CRS. Une jeune fille sortit ainsi
« presque » nue dans la rue et fut
« balancée » d'un flic à un autre, puis
matraquée comme les autres déjà
blessés. Durant 150 mètres, aux yeux
de tous les habitants du quartier, elle
fut ainsi conduite entre la rue Royer-
Collard et la rue des Fossés-Saint-
Jacques, jusqu'au panier à salade, où
un journaliste arrêté devait lui donner
sa chemise. »
Le 12 mai, le Dr F. Kahn, professeur
agrégé, réunit une conférence de
Tresse. Il annonce que les grenades
utilisées contre les étudiants conte-
naient un gaz toxique, le CS ou chlo-
robenzalmalononitrile, qui n'est autre
que le produit que les Américains lan-
cent contre les Noirs et les Vietna-
miens.
agrégé, réunit une conférence de
Tresse. Il annonce que les grenades
utilisées contre les étudiants conte-
naient un gaz toxique, le CS ou chlo-
robenzalmalononitrile, qui n'est autre
que le produit que les Américains lan-
cent contre les Noirs et les Vietna-
miens.
Le 13 mai, le PC, la FGDS, la CGT,
la CFDT et FO décident la grève
générale et organisent avec l'UNEF
une manifestation monstre. La Sor-
bonne est libérée. Les forces de po-
lice ne disparaissent pas pour autant
du quartier. Les accrochages se suc-
cèdent et culminent dans la seconde
nuit des barricades, le 24 mai. Là en-
core, les témoignages abondent, tris-
tement semblables à ceux du premier
« Livre noir ». La <• pègre » et les
- provocateurs » n'ont été vus par per-
sonne. Du moins, dans les rangs des
men'festants.
la CFDT et FO décident la grève
générale et organisent avec l'UNEF
une manifestation monstre. La Sor-
bonne est libérée. Les forces de po-
lice ne disparaissent pas pour autant
du quartier. Les accrochages se suc-
cèdent et culminent dans la seconde
nuit des barricades, le 24 mai. Là en-
core, les témoignages abondent, tris-
tement semblables à ceux du premier
« Livre noir ». La <• pègre » et les
- provocateurs » n'ont été vus par per-
sonne. Du moins, dans les rangs des
men'festants.
Jacqueline GIRAUD. C'es' sp~r.--<-~
li Ed. du Seuil. Collection Combat.-. U "'
li Ed. du Seuil. Collection Combat.-. U "'
AFP
Manifestations :
Dans la chaleur
de la nuit
Dans la chaleur
de la nuit
• Jeudi 23 mai. En ce jour férié, le
parisien n'a pas pris le chemin de la
promenade champêtre, mais occupe
les trottoirs du boulevard Saint-Michel
et la cour de la Sorbonne. Vi-
sages graves, discussions tendues —
l'atmosphère poluée par les nombreu-
ses grenades lacrymogènes et autres,
renforcent l'incertitude de ce climat
de psychose.
parisien n'a pas pris le chemin de la
promenade champêtre, mais occupe
les trottoirs du boulevard Saint-Michel
et la cour de la Sorbonne. Vi-
sages graves, discussions tendues —
l'atmosphère poluée par les nombreu-
ses grenades lacrymogènes et autres,
renforcent l'incertitude de ce climat
de psychose.
20 h 30, à la Faculté des Sciences,
j'assiste à un débat sur les études de
marchés et statistiques, la radio an-
nonce que des manifestations sponta-
nées ont lieu en ce moment même au
Quartier Latin, des barricades com-
mencent à s'élever.
j'assiste à un débat sur les études de
marchés et statistiques, la radio an-
nonce que des manifestations sponta-
nées ont lieu en ce moment même au
Quartier Latin, des barricades com-
mencent à s'élever.
21 heures, j'arrive en haut de la rue
Saint-Jacques. Une immense lueur
jaune, rouge, avec des gerbes
d'éclairs, s'élève du boulevard Saint-
Germain : « une barricade flambe »
me dit l'étudiant assurant la circula-
tion. Un vacarme étourdissant, sirènes
d'ambulances, montent et descendent
la rue, sous le regard anxieux d'une
multitude de badauds
Saint-Jacques. Une immense lueur
jaune, rouge, avec des gerbes
d'éclairs, s'élève du boulevard Saint-
Germain : « une barricade flambe »
me dit l'étudiant assurant la circula-
tion. Un vacarme étourdissant, sirènes
d'ambulances, montent et descendent
la rue, sous le regard anxieux d'une
multitude de badauds
Sur le boulevard Saint-Michel, le
service d'ordre de l'UNEF fait un bar-
rage pour empêcher les étudiants et
les curieux de rejoindre les combat-
tants
service d'ordre de l'UNEF fait un bar-
rage pour empêcher les étudiants et
les curieux de rejoindre les combat-
tants
: :;.; n r c " '^
de oc
mande à rejoindre les barricades. Les
volontaires équipés ont droit au
combat !
volontaires équipés ont droit au
combat !
L'Odéon s'est transformé en hôpi-
tal. Toutes les deux minutes, une am-
bulance improvisée dépose un blessé,
souvent très jeune. L'atmosphère est
insoutenable : maux de tête occa-
sionnés par les gaz, on pleure, on
éternue, on se mouche.
tal. Toutes les deux minutes, une am-
bulance improvisée dépose un blessé,
souvent très jeune. L'atmosphère est
insoutenable : maux de tête occa-
sionnés par les gaz, on pleure, on
éternue, on se mouche.
Vers 1 heure du matin, j'approche
l'angle du boulevard Saint-Germain et
Saint-Michel. Un no man's land a été
créé par les CRS et les services d'or-
dre UNEF. Des débris de toutes sor-
tes jonchent la chaussée.
l'angle du boulevard Saint-Germain et
Saint-Michel. Un no man's land a été
créé par les CRS et les services d'or-
dre UNEF. Des débris de toutes sor-
tes jonchent la chaussée.
A deux pas, dans les cafés de
Saint-Germain-des-Prés, les noctam-
bules attablés, continuent leurs mono-
logues absurdes. La chaleur s'arrête
au crépuscule.
Saint-Germain-des-Prés, les noctam-
bules attablés, continuent leurs mono-
logues absurdes. La chaleur s'arrête
au crépuscule.
Alain ECHEGUT.
êtes-vous vraiment
"ÉQUIPÉ
STENCIL"?
STENCIL"?
Inventé par David Gestetner à la fin du
siècle dernier, le procédé stencil est en-
core aujourd'hui, le croirait-on, utilisé
dans certaines entreprises avec les métho-
des de cette époque (et presque avec le
même matériel).
siècle dernier, le procédé stencil est en-
core aujourd'hui, le croirait-on, utilisé
dans certaines entreprises avec les métho-
des de cette époque (et presque avec le
même matériel).
C'est tout a l'honneur du procédé, mais
c'est dommage pour l'utilisateur.
L'équipement stencil I 968 permet la re-
production " \ ite et bien " de n'importe
quel document à lu... 100... 5 000 exem-
plaires Les stencils sont gra\és automa-
: oLicnie'M. e- qceiuues minuics. san<*
•^ ; ,'-\ en; -or" •" .i^i.ciîe.
S io.i-.c • ..cs. .jemar.dc,' a Gestetner
- :' . ,1 •'• - 539 su- ;ef-j-ieu\
': ' ' • •-, .,r :ca:e jr
c'est dommage pour l'utilisateur.
L'équipement stencil I 968 permet la re-
production " \ ite et bien " de n'importe
quel document à lu... 100... 5 000 exem-
plaires Les stencils sont gra\és automa-
: oLicnie'M. e- qceiuues minuics. san<*
•^ ; ,'-\ en; -or" •" .i^i.ciîe.
S io.i-.c • ..cs. .jemar.dc,' a Gestetner
- :' . ,1 •'• - 539 su- ;ef-j-ieu\
': ' ' • •-, .,r :ca:e jr
13 juin 1968
SPÉCIAL MAI 68
page 9
La C.G.T. :
un défilé bon enfant
Ce 24 mai. on pouvait vraiment
choisir sa manifestation. La C.G.T..
pour sa part, en avait organisé deux
dans Paris et plusieurs autres dans
la banlieue.
choisir sa manifestation. La C.G.T..
pour sa part, en avait organisé deux
dans Paris et plusieurs autres dans
la banlieue.
La plus importante, cinq à six
cent mille personnes, a longuement
défilé de la Bastille à Saint-Lazare.
Lue foule bon enfant, scandant :
« Adieu. Chariot » et « gouverne-
ment populaire ». manifestait calme-
ment sa volonté d'un changement
de pouvoir, sou,- les acclamations
das grévistes des banques, des grands
magasins, du théâtre national de
l'Opéra... Beaucoup de drapeaux
rouges, quelque.» drapeaux tricolores,
de temps à autre le refrain de l'In-
ternationale... Défilant à l'intérieur
du cortège et regroupés pour la plu-
part au sein des comité* d'action ou
des comités de »outien aux luttes
du peuple, cinq mille étudiants
avaient également répondu à l'ap-
pel de la C.G.T. La différence était
frappante : manifestants au coude-
à-coude. les chant* révolutionnaires
se succédaient (l'Internationale, In
Jeune Garde, la V arsoi'ienne \, les
mots d'ordre perdaient toute ambi-
guïté i « Gouvernement populaire,
oui ! Mitterrand, non II. Un défilé
« gentil t>. Pas d'ennui avec les for-
ces de l'ordre : elle* attendaient « les
autres ». les étudiant*, à la Bastille
et au quartier Latin.
cent mille personnes, a longuement
défilé de la Bastille à Saint-Lazare.
Lue foule bon enfant, scandant :
« Adieu. Chariot » et « gouverne-
ment populaire ». manifestait calme-
ment sa volonté d'un changement
de pouvoir, sou,- les acclamations
das grévistes des banques, des grands
magasins, du théâtre national de
l'Opéra... Beaucoup de drapeaux
rouges, quelque.» drapeaux tricolores,
de temps à autre le refrain de l'In-
ternationale... Défilant à l'intérieur
du cortège et regroupés pour la plu-
part au sein des comité* d'action ou
des comités de »outien aux luttes
du peuple, cinq mille étudiants
avaient également répondu à l'ap-
pel de la C.G.T. La différence était
frappante : manifestants au coude-
à-coude. les chant* révolutionnaires
se succédaient (l'Internationale, In
Jeune Garde, la V arsoi'ienne \, les
mots d'ordre perdaient toute ambi-
guïté i « Gouvernement populaire,
oui ! Mitterrand, non II. Un défilé
« gentil t>. Pas d'ennui avec les for-
ces de l'ordre : elle* attendaient « les
autres ». les étudiant*, à la Bastille
et au quartier Latin.
Gare de Lyon
en attendant
de Gaulle
en attendant
de Gaulle
Vendredi 24. — Le mot d'ordre
était : «Tous à la gare de Lyon à
JH heures.» Dès 17 heures, la place
de la Bastille était noire de monde
et de toutes les artères, les groupes
convergeaient vers la gare de Lyon.
De* milliers et des milliers «la jeu-
nes, de moins jeunes, beaucoup
d'étudiant», mais aussi un grand
nombre d'ouvriers coude à coude,
unis contre la pouvoir policier. Cà
et là. un visage connu. Marguerite
Duras, Jean-Pierre Chabrol. On re-
trouve des vieux amis perdus. Les
groupes grossissent à vue «l'œil. De*
drapeaux rouge*, noir*, des pancar-
te», des banderoles »ur lesquels sont
inscrits : « Le» usines aux travail-
leurs ». « Le pouvoir est dan» la
rue». «Nous somme* ton* de» juifs
allemands » et surtout « Ouvrier* et
étudiants solidaires! •». Cette devise
sera criée tout au long «le cette jour-
née fertile en incidents. La eonver-
»ation se porte sur de Gaulle. Que
va-t-il dire ? Quelles décisions va-t-il
p-endre ? Les cortèges continuent
d'affluer. L'asplanade de la gare et
le» avenues qui y donnent accè* »onl
était : «Tous à la gare de Lyon à
JH heures.» Dès 17 heures, la place
de la Bastille était noire de monde
et de toutes les artères, les groupes
convergeaient vers la gare de Lyon.
De* milliers et des milliers «la jeu-
nes, de moins jeunes, beaucoup
d'étudiant», mais aussi un grand
nombre d'ouvriers coude à coude,
unis contre la pouvoir policier. Cà
et là. un visage connu. Marguerite
Duras, Jean-Pierre Chabrol. On re-
trouve des vieux amis perdus. Les
groupes grossissent à vue «l'œil. De*
drapeaux rouge*, noir*, des pancar-
te», des banderoles »ur lesquels sont
inscrits : « Le» usines aux travail-
leurs ». « Le pouvoir est dan» la
rue». «Nous somme* ton* de» juifs
allemands » et surtout « Ouvrier* et
étudiants solidaires! •». Cette devise
sera criée tout au long «le cette jour-
née fertile en incidents. La eonver-
»ation se porte sur de Gaulle. Que
va-t-il dire ? Quelles décisions va-t-il
p-endre ? Les cortèges continuent
d'affluer. L'asplanade de la gare et
le» avenues qui y donnent accè* »onl
remplie* par les groupes d'étudiants.
Sur le boulevard Diderot, les jeune*
sont assis à même le sol et forment
des rondes. Au milieu, le transistor
fait tendre les cous. Bientôt, le gé-
néral va parler. Des manifestants
circulent en criant : « On s'en fout
da son discours ». d'autres réclament
le silence. La manifestation conserve
un aspect bon enfant. A 20 heures,
le silence se fait sur l'esplanade de
la gare de Lyon. On attend, on
écoute. Très vite, on est déçu. Par
Sur le boulevard Diderot, les jeune*
sont assis à même le sol et forment
des rondes. Au milieu, le transistor
fait tendre les cous. Bientôt, le gé-
néral va parler. Des manifestants
circulent en criant : « On s'en fout
da son discours ». d'autres réclament
le silence. La manifestation conserve
un aspect bon enfant. A 20 heures,
le silence se fait sur l'esplanade de
la gare de Lyon. On attend, on
écoute. Très vite, on est déçu. Par
manifestants qui ont répondu à l'ap-
pel de l'U.N.E.F. scandent joyeuse-
ment : « 11 a dit n'importe quoi. •»
Le long cortège s'ébranle en direc-
tion de la place de la Bastille où,
une heure plus tôt, la manifestation
organisée par la C.G.T. est passée
sans encombre.
pel de l'U.N.E.F. scandent joyeuse-
ment : « 11 a dit n'importe quoi. •»
Le long cortège s'ébranle en direc-
tion de la place de la Bastille où,
une heure plus tôt, la manifestation
organisée par la C.G.T. est passée
sans encombre.
Brusquement, le ton change. LTne
fois . encore, la police est là pour
barrer 1.* passage aux manifestants.
En moins d'une heure, la place de
la Bastille s'est noircie de car» de
fois . encore, la police est là pour
barrer 1.* passage aux manifestants.
En moins d'une heure, la place de
la Bastille s'est noircie de car» de
le fond, comme \-.\r la forme, le
discoi:r» du gênerj1 •.}•• '••auîle n'est
que. vide. Un vide immense.
discoi:r» du gênerj1 •.}•• '••auîle n'est
que. vide. Un vide immense.
Autour de moi. les groupes se
reforment, l'ironie d'un gavroche dé-
tend l'atmosphère : « II est gâteux,
le vieux » et il sort son mouchoir et
crie sur l'air des lampions : « Adieu,
de Gaulle, adieu. •» Bien vite, il est
imité par tous las manifestants. C'est
une image impressionnante. Une
foule unie. Les milliers de mains
agitent des mouchoirs au-dessus de
leurs têtes. Des milliers de cris :
« Adieu, de Gaulle ! Adieu, de
Gaulle !. »
reforment, l'ironie d'un gavroche dé-
tend l'atmosphère : « II est gâteux,
le vieux » et il sort son mouchoir et
crie sur l'air des lampions : « Adieu,
de Gaulle, adieu. •» Bien vite, il est
imité par tous las manifestants. C'est
une image impressionnante. Une
foule unie. Les milliers de mains
agitent des mouchoirs au-dessus de
leurs têtes. Des milliers de cris :
« Adieu, de Gaulle ! Adieu, de
Gaulle !. »
Au loin, près de la Ba*tille. le»
(..R.S. veillent...
(..R.S. veillent...
Dominique LAURY.
La deuxième nuit
des barricades
des barricades
Le général a parlé. Le général
n'a rien dit. Massés sur la vaste
esplanade de la gare de Lyon, le»
n'a rien dit. Massés sur la vaste
esplanade de la gare de Lyon, le»
police. Le retour sur la rive gauche
est également interdit par d'impor-
tants barrages. Les manifestants ne
savent par où sortir de cette nasse.
En hâte, des barricades s'élèvent,
faites de panneaux d'affichage, de
poteaux de signalisation, de pierres
prises sur les chantiers. Faubourg
Saint-Antoine, les C.R.S. chargent,
les grenades explosent, la barricade
flamba.
est également interdit par d'impor-
tants barrages. Les manifestants ne
savent par où sortir de cette nasse.
En hâte, des barricades s'élèvent,
faites de panneaux d'affichage, de
poteaux de signalisation, de pierres
prises sur les chantiers. Faubourg
Saint-Antoine, les C.R.S. chargent,
les grenades explosent, la barricade
flamba.
Entraînée dans le reflux, je re-
monte la rue de Charonne avec un
pincement de cœur. Je parviens
place Voltaire où court un nouveau
mot d'ordre : « A la Bourse! » Mai*
les transistors m'apprennent qu'au
quartier Latin les manifestants, blo-
qués sur la rive gauche par les bar-
rages, commencent à se battre.
monte la rue de Charonne avec un
pincement de cœur. Je parviens
place Voltaire où court un nouveau
mot d'ordre : « A la Bourse! » Mai*
les transistors m'apprennent qu'au
quartier Latin les manifestants, blo-
qués sur la rive gauche par les bar-
rages, commencent à se battre.
Pour les rejoindre, je reviens vers
la Bastille, par la rue de Charonne
qui porte encore les traces de com-
bats récents. Brandissant ma carte
rie presse, je tente de franchir le
barrage : « Tire-toi, si tu ne veux
pas qu'on te tabasse! » Devant moi.
je découvre l'impressionnant dispo-
la Bastille, par la rue de Charonne
qui porte encore les traces de com-
bats récents. Brandissant ma carte
rie presse, je tente de franchir le
barrage : « Tire-toi, si tu ne veux
pas qu'on te tabasse! » Devant moi.
je découvre l'impressionnant dispo-
»itif mis en place : pas un pouce de
la place qui ne soit couvert de cars
et «le policiers cas«piés. Par les peti-
te» rues, je gagne la rue de Rivoli.
Devant moi. un car. qui ma semble
désert. Personne autour «le moi.
J'approche. En un éclair, je vois
jaillir une silhouette, le bras levé.
A mes pieds, une grenade explose.
Aveuglée, le visage, la gorge et les
poumons brûlants, je fuis vers le
Marais. Après un repo» dans un
café et da multiples détours, je par-
viens à retraverser place de l'Hôtel-
de-\ ille. Je récupère ma voiture et
je gagne le haut du boulevard Saint-
Michel. En bas. la bataille fait rage.
Le nuage opaque des gaz monte jus-
qu'à moi. Rue Soufflet, une barri-
cade se construit. Devant la porte de
l'U.N.E.F., Pierre Mendès France
encourage les étudiants.
la place qui ne soit couvert de cars
et «le policiers cas«piés. Par les peti-
te» rues, je gagne la rue de Rivoli.
Devant moi. un car. qui ma semble
désert. Personne autour «le moi.
J'approche. En un éclair, je vois
jaillir une silhouette, le bras levé.
A mes pieds, une grenade explose.
Aveuglée, le visage, la gorge et les
poumons brûlants, je fuis vers le
Marais. Après un repo» dans un
café et da multiples détours, je par-
viens à retraverser place de l'Hôtel-
de-\ ille. Je récupère ma voiture et
je gagne le haut du boulevard Saint-
Michel. En bas. la bataille fait rage.
Le nuage opaque des gaz monte jus-
qu'à moi. Rue Soufflet, une barri-
cade se construit. Devant la porte de
l'U.N.E.F., Pierre Mendès France
encourage les étudiants.
Je descends la rue Saint-Jacques
et je tombe sur une nouvelle barri-
cade, au carrefour de la rue des
Ecole*. Pendant plus d'une demi-
heure, la bataille y fait rage. Dra-
peau rouge en tête, les manifestants
tiennent les C.R.S. à distance à coups
de pavés. Puis, asphyxiés, ils doivent
céder le terrain. Matraques levées, les
C.R.S. foncent. Le gros de la foule
s'engouffre à la Sorbonne. Par les pe-
tites rues, je gagne le Panthéon. La
barricade de la rue Soufflet est en
train de céder. Devant le commissa-
riat du V. un car flambe. Je me
replie vers la place de la Contres-
carpe où je participt- à la construc-
tion d'une nouvelle barricade.
et je tombe sur une nouvelle barri-
cade, au carrefour de la rue des
Ecole*. Pendant plus d'une demi-
heure, la bataille y fait rage. Dra-
peau rouge en tête, les manifestants
tiennent les C.R.S. à distance à coups
de pavés. Puis, asphyxiés, ils doivent
céder le terrain. Matraques levées, les
C.R.S. foncent. Le gros de la foule
s'engouffre à la Sorbonne. Par les pe-
tites rues, je gagne le Panthéon. La
barricade de la rue Soufflet est en
train de céder. Devant le commissa-
riat du V. un car flambe. Je me
replie vers la place de la Contres-
carpe où je participt- à la construc-
tion d'une nouvelle barricade.
A 3 heures du matin, épuisée,
gorgée de gaz. je tente de sortir du
quartier. J'y parviendrai enfin, en
regagnant les quais où una voiture
conduite par un monsieur « respec-
table » me permet de franchir les
barrages. Je découvre alors qua le
quartier est bouclé jus«pj'à la rue
du Bac et «jue les isolés qui tentent
de sortir à pied se font très souvent
« récupérer » violemment.
gorgée de gaz. je tente de sortir du
quartier. J'y parviendrai enfin, en
regagnant les quais où una voiture
conduite par un monsieur « respec-
table » me permet de franchir les
barrages. Je découvre alors qua le
quartier est bouclé jus«pj'à la rue
du Bac et «jue les isolés qui tentent
de sortir à pied se font très souvent
« récupérer » violemment.
Jacqueline GIRAUD.
Où sont
les provocateurs ?
A l'exclusion de ce qui s'est «lé-
roulé au quartier Latin, j'ai suivi de
près les événements «le la nuit du
24 mai. A ce titre, et disposé à me
porter témoin, je m'inscris en faux
contre l'interprétation avancée par
la ministère de l'Intérieur et celle
de plusieurs récits publiés ici ou là.
C'est après l'allocution du chef de
l'Etat, donc après 20 heures, que
l'énorme foule engagée dan» la rue
de Lyon s'est trouvée bloquée par
le refus des forces de police massées
place de la Bastille. Peut-on se con-
tentsr d'accuser des « provocateurs »
qui se compteraient alors par dizai-
nes de milliers pour expliquer le
premier accrochage survenu au seuil
«la la place de la Bastille ? Ou bien
faut-il s.e demander pourquoi, pour
roulé au quartier Latin, j'ai suivi de
près les événements «le la nuit du
24 mai. A ce titre, et disposé à me
porter témoin, je m'inscris en faux
contre l'interprétation avancée par
la ministère de l'Intérieur et celle
de plusieurs récits publiés ici ou là.
C'est après l'allocution du chef de
l'Etat, donc après 20 heures, que
l'énorme foule engagée dan» la rue
de Lyon s'est trouvée bloquée par
le refus des forces de police massées
place de la Bastille. Peut-on se con-
tentsr d'accuser des « provocateurs »
qui se compteraient alors par dizai-
nes de milliers pour expliquer le
premier accrochage survenu au seuil
«la la place de la Bastille ? Ou bien
faut-il s.e demander pourquoi, pour
page 10
SPÉCIAL MAI 68
tribune socialiste
quelles raisons, le service d'ordre a
refusé le passage libre aux manifes-
tants ? Les deux conseillers P.S.U.
de Paris, C. Bourdet et D. Weil. ont
posé la question aux autorités com-
pétentes et l'on attend toujours une
réponse un peu plu» sérieuse que
celle du ministère de l'Intérieur. En
réalité, les choses sont assez simples :
la tactique du gouvernement vise à
casser, à briser le mouvement étu-
diant par la force physique, par la
répression violente. Lorsque les ma-
nifestants sa présentent à la Bastille,
les gradés des forces de l'ordre
n'ignorent pas qu'à la provocation,
il sera répondu et comme l'on ne
cherche que cela de manière à pou-
voir frapper, isoler et réduire le
mouvement étudiant, l'on n'est pas
avare de provocation dans une atmo-
sphère qui lui est propice. En vérité,
le comportement de la police, des
C.R.S. correspond à une ligne poli-
tique bien nette qu'on se chargera
ensuite, à coups de propagande, de
faire endosser par les provocateurs
et les voyous.
refusé le passage libre aux manifes-
tants ? Les deux conseillers P.S.U.
de Paris, C. Bourdet et D. Weil. ont
posé la question aux autorités com-
pétentes et l'on attend toujours une
réponse un peu plu» sérieuse que
celle du ministère de l'Intérieur. En
réalité, les choses sont assez simples :
la tactique du gouvernement vise à
casser, à briser le mouvement étu-
diant par la force physique, par la
répression violente. Lorsque les ma-
nifestants sa présentent à la Bastille,
les gradés des forces de l'ordre
n'ignorent pas qu'à la provocation,
il sera répondu et comme l'on ne
cherche que cela de manière à pou-
voir frapper, isoler et réduire le
mouvement étudiant, l'on n'est pas
avare de provocation dans une atmo-
sphère qui lui est propice. En vérité,
le comportement de la police, des
C.R.S. correspond à une ligne poli-
tique bien nette qu'on se chargera
ensuite, à coups de propagande, de
faire endosser par les provocateurs
et les voyous.
Mais si cette dernière interpréta-
tion était juste, il faudrait se deman-
der, ce dont nul n'a parlé, pourquoi
des dizaines de milliers de manifes-
tants ont pu emprunter dans le
calme l'avenue Ledru-Rollin, puis
i'avenue Parmentier. Aux environs
de 13 heures, cette avenue était noire
de monde, au point que nous avons
pu croire à ce moment que la dé-
monstration pacifique était gagnée.
tion était juste, il faudrait se deman-
der, ce dont nul n'a parlé, pourquoi
des dizaines de milliers de manifes-
tants ont pu emprunter dans le
calme l'avenue Ledru-Rollin, puis
i'avenue Parmentier. Aux environs
de 13 heures, cette avenue était noire
de monde, au point que nous avons
pu croire à ce moment que la dé-
monstration pacifique était gagnée.
I n retour sur nos pas nous con-
duisit à déchanter puisque boulevard
Beaumarchais, rue du Faubourg-
Saint-Antoine les forces de l'ordre
bombardaient et matraquaient ceux
à qui ils avaient refusé le passage
libre et ceux qui avaient contourné
la Bastille et se dirigeaient vers la
République.
duisit à déchanter puisque boulevard
Beaumarchais, rue du Faubourg-
Saint-Antoine les forces de l'ordre
bombardaient et matraquaient ceux
à qui ils avaient refusé le passage
libre et ceux qui avaient contourné
la Bastille et se dirigeaient vers la
République.
II nous fut alors difficile de rega-
gner le quartier de la Bourse, puis-
que les motards accompagnant les
convois de police empêchaient les
autoTiiobiles de circuler librement,
y compris celles très visiblement
immatriculées « presse ».
gner le quartier de la Bourse, puis-
que les motards accompagnant les
convois de police empêchaient les
autoTiiobiles de circuler librement,
y compris celles très visiblement
immatriculées « presse ».
Rue Réaumur, entre les immeu-
bles de nos confrères France-Soir
et le Parixien Libéré, un hinterland
séparait C.R.S. ei manifestants appa-
remment dominés par les « grou-
pes pro-chinois •». on cherchait tou-
jours en vain les provocateurs. Les
rumeurs circulaient alors sur de
rombreux cas de brutalités commi-
ses par les C.R.S.
bles de nos confrères France-Soir
et le Parixien Libéré, un hinterland
séparait C.R.S. ei manifestants appa-
remment dominés par les « grou-
pes pro-chinois •». on cherchait tou-
jours en vain les provocateurs. Les
rumeurs circulaient alors sur de
rombreux cas de brutalités commi-
ses par les C.R.S.
En définitive, dans cette affaire,
i] faudra bien s'entendre sur la no-
tion de provocateur. Aux yeux de
la police, qu'est-ce qu'un provoca-
teur : le jeune chômeur qui n'est
pas un étudiant, l'étudiant qui n'est
pas sage comme on le vomirait, l'ou-
vrier qui rejoint les manifestants '!
Peut-être en existe-t-il à l'état pur;
pour notre part, en tout cas ven-
dredi 24 mai. nous sommes certains
que le refus opposé par la police
au déroulement de la manifestation
explique l'origine de l'enchaînement
des violences.
i] faudra bien s'entendre sur la no-
tion de provocateur. Aux yeux de
la police, qu'est-ce qu'un provoca-
teur : le jeune chômeur qui n'est
pas un étudiant, l'étudiant qui n'est
pas sage comme on le vomirait, l'ou-
vrier qui rejoint les manifestants '!
Peut-être en existe-t-il à l'état pur;
pour notre part, en tout cas ven-
dredi 24 mai. nous sommes certains
que le refus opposé par la police
au déroulement de la manifestation
explique l'origine de l'enchaînement
des violences.
Claude GLAYMAN.
' *1
Charlety : espace vert
et réflexion politique
et réflexion politique
La meeting organisé à Charlety
constitue un tournant dans le pro-
cessus révolutionnaire.
constitue un tournant dans le pro-
cessus révolutionnaire.
Le campus populaire
II est très important que cette
sorte de gigantesque « teach in » se
soit tenu à la lumière, dans une
atmosphère quasi champêtre, hors
des fièvres de violence. Pour la pre-
mière fois pratiquement, le groupe
se retrouvait et se regardait. Chacun
pouvait mesurer la force de tous,
chacun détenait enfin la liberté de
dévisager son voisin, jusqu'ici, le
mouvement s'était accompli dans les
ténèbres de nuits de barricades, dans
l'odeur des gaz lacrymogènes ; au-
jourd'hui, la foule pouvait exalter
.-a sensation de vie et de lutte.
sorte de gigantesque « teach in » se
soit tenu à la lumière, dans une
atmosphère quasi champêtre, hors
des fièvres de violence. Pour la pre-
mière fois pratiquement, le groupe
se retrouvait et se regardait. Chacun
pouvait mesurer la force de tous,
chacun détenait enfin la liberté de
dévisager son voisin, jusqu'ici, le
mouvement s'était accompli dans les
ténèbres de nuits de barricades, dans
l'odeur des gaz lacrymogènes ; au-
jourd'hui, la foule pouvait exalter
.-a sensation de vie et de lutte.
Cinquante mille personnes se sont
retrouvées. Et cette immense cohorte,
fière d'être le nombre malgré les
interdits du P.C.F. et de la C.G.T..
s'auto-organisc. inventant au fur et
à mesure ses règles de discipline.
Que l'on est désormais loin des tra-
ditions de la gauche républicaine
avec ses lambris radicaux, ses fau-
teuils socialistes et ses gilets conven-
tionnels : tout comme l'on est loin
du mausolée Lénine où tout marche
au pas sans vie interne.
retrouvées. Et cette immense cohorte,
fière d'être le nombre malgré les
interdits du P.C.F. et de la C.G.T..
s'auto-organisc. inventant au fur et
à mesure ses règles de discipline.
Que l'on est désormais loin des tra-
ditions de la gauche républicaine
avec ses lambris radicaux, ses fau-
teuils socialistes et ses gilets conven-
tionnels : tout comme l'on est loin
du mausolée Lénine où tout marche
au pas sans vie interne.
Parallèlement à cette stnictnrntioii
du groupe au niveau de son organi-
sation quotidienne et de sa symbo-
lique révolutionnaire, il faut égale-
ment accorder la plus vive attention
à la recherche politique dont témoi-
gna la rencontre de Charlety.
sation quotidienne et de sa symbo-
lique révolutionnaire, il faut égale-
ment accorder la plus vive attention
à la recherche politique dont témoi-
gna la rencontre de Charlety.
La démonstration fut nette : les
étudiants et les travailleurs ne sont
pas des assoiffés de violence. Là où
il n'y a pas présence policière, il n'y
a pas provocation. C'est sans appel.
Les pseudo-inquiétudes de M. Fou-
chet touchant aux éventuels porteurs
d'armes à feu se sont dégonflées, dé-
nuées de toute crédibilité. Mais en
même temps Sauvageot a bien rap-
pelé que la violence est un instru-
ment politique qu'il importe de sa-
voir manier avec mesure.
étudiants et les travailleurs ne sont
pas des assoiffés de violence. Là où
il n'y a pas présence policière, il n'y
a pas provocation. C'est sans appel.
Les pseudo-inquiétudes de M. Fou-
chet touchant aux éventuels porteurs
d'armes à feu se sont dégonflées, dé-
nuées de toute crédibilité. Mais en
même temps Sauvageot a bien rap-
pelé que la violence est un instru-
ment politique qu'il importe de sa-
voir manier avec mesure.
Mais l'essentiel de la leçon de
Charlety réside à la fois dans la co-
existence démocratique de groupes
très divers et dans le besoin éprouvé
de dépasser le plan de la coexistence
pour atteindre la coopération arti-
culée et organisée. Ce qui a amené
plusieurs observateurs à évoquer
l'éventualité de la création d'un
nouveau parti révolutionnaire. Cette
éventualité nous parut inexacte : il
s'agit beaucoup plus de la constitu-
tion d'une sorte de « front » qui
.s'accorde sur le désir de poursuivre
le mouvement révolutionnaire, mais
qui maintienne l'autonomie d'organi-
sation et d'analyse de chacun. Car les
cinquante mille ou plus de Charlety.
comme les cent mille de la gare de
Lyon, se perçoivent non plus seu-
lement comme une force susceptible
de tenir la rue. mais comme une
force politique. La multiplication
«les manifestations maintient en ha-
leine, mais il lui faut également une
stratégie politique à court et plu*
long terme. Les idées politique», les
conceptions relatives à l'organisation
ne manquent pas; il convient sim-
plement de les rapprocher, de les
cronfronter afin de bâtir une charte
applicable dans le cadre d'un
« front ».
Charlety réside à la fois dans la co-
existence démocratique de groupes
très divers et dans le besoin éprouvé
de dépasser le plan de la coexistence
pour atteindre la coopération arti-
culée et organisée. Ce qui a amené
plusieurs observateurs à évoquer
l'éventualité de la création d'un
nouveau parti révolutionnaire. Cette
éventualité nous parut inexacte : il
s'agit beaucoup plus de la constitu-
tion d'une sorte de « front » qui
.s'accorde sur le désir de poursuivre
le mouvement révolutionnaire, mais
qui maintienne l'autonomie d'organi-
sation et d'analyse de chacun. Car les
cinquante mille ou plus de Charlety.
comme les cent mille de la gare de
Lyon, se perçoivent non plus seu-
lement comme une force susceptible
de tenir la rue. mais comme une
force politique. La multiplication
«les manifestations maintient en ha-
leine, mais il lui faut également une
stratégie politique à court et plu*
long terme. Les idées politique», les
conceptions relatives à l'organisation
ne manquent pas; il convient sim-
plement de les rapprocher, de les
cronfronter afin de bâtir une charte
applicable dans le cadre d'un
« front ».
Claude GLAYMAN.
Austerlitz :
« Continuons
le combat »
« Continuons
le combat »
Samedi 17 heures. Jacques Sau-
vageot. le dirigeant de l'U.N.E.F..
est heureux. Ils sont venus. Qui, ils ?
Ions ceux qui n'acceptent pas de
plier le genou devant la voix de
l'ordre bourgeois, tous ceux qui re-
fusent de jeler le gant parce que la
bourgeoisie menace et fait les gros
yeux. Etudiants, ouvriers, travail-
leurs, organisés, inorganisés, athées
et croyants : un flot humain, l'es-
poir aux milliers de têtes.
vageot. le dirigeant de l'U.N.E.F..
est heureux. Ils sont venus. Qui, ils ?
Ions ceux qui n'acceptent pas de
plier le genou devant la voix de
l'ordre bourgeois, tous ceux qui re-
fusent de jeler le gant parce que la
bourgeoisie menace et fait les gros
yeux. Etudiants, ouvriers, travail-
leurs, organisés, inorganisés, athées
et croyants : un flot humain, l'es-
poir aux milliers de têtes.
Le soleil écrase la carcasse de la
vieille gare Montparnasse. Drapeaux
rouges et drapeaux noirs forment
des taches de couleurs frémissantes.
Des applaudissements : c'est une
délégation F.O. qui vient d'arriver.
Des jeunes gens vendent Action,
l oir ouvrière. Le Pavé. L'Enragé. Ln
vieille gare Montparnasse. Drapeaux
rouges et drapeaux noirs forment
des taches de couleurs frémissantes.
Des applaudissements : c'est une
délégation F.O. qui vient d'arriver.
Des jeunes gens vendent Action,
l oir ouvrière. Le Pavé. L'Enragé. Ln
('.anse tin Peuple, Tribune socia-
liste...
liste...
Combien sommes-nous ? La rue de
Rennes est noire de monde. Le bou-
levard du Montparnasse se remplit
peu à peu jusqu'à la hauteur du
Dôme. Une femme m'accroche.
Croyant que je suis étudiant, elle
me dit d'une voix passionnée : «Dites
à Sauvageot que les travailleurs sont
avec lui. »
Rennes est noire de monde. Le bou-
levard du Montparnasse se remplit
peu à peu jusqu'à la hauteur du
Dôme. Une femme m'accroche.
Croyant que je suis étudiant, elle
me dit d'une voix passionnée : «Dites
à Sauvageot que les travailleurs sont
avec lui. »
Je rejoins la délégation de l'Union
des Ecrivains. Alain Jouffroy. Guil-
levic. Maurice Roche, Jérôme Pei-
gnot. Jean-Pierre Faye sont là, parmi
d'autres. On plaisante. Le rire mas-
que l'émotion.
des Ecrivains. Alain Jouffroy. Guil-
levic. Maurice Roche, Jérôme Pei-
gnot. Jean-Pierre Faye sont là, parmi
d'autres. On plaisante. Le rire mas-
que l'émotion.
Enfin, le cortège s'ébranle. Très
v ite. les slogans fusent : « Ce n'est
qu'un début, continuons le combat »,
« De Gaulle assassin ». « Le pouvoir
aux travailleurs ».
v ite. les slogans fusent : « Ce n'est
qu'un début, continuons le combat »,
« De Gaulle assassin ». « Le pouvoir
aux travailleurs ».
Puis l'Internationale jaillit des
poitrines.
poitrines.
Ceux qui n'en connaissent pas les
paroles remuent vaguement les lè-
vres. Le poète Guillevic se fait ap-
plaudir : il connaît par coeur le
chant d'Eugène Pottier. Sa voix
fluette monte en solitaire.
paroles remuent vaguement les lè-
vres. Le poète Guillevic se fait ap-
plaudir : il connaît par coeur le
chant d'Eugène Pottier. Sa voix
fluette monte en solitaire.
Sur les trottoirs, la foule entassée
sur plusieurs rangs applaudit, re-
prend les mots d'ordre. Noyée dans
la masse, la délégation des « cadres
contestataires ». Au carrefour Saint-
Michel, un tonnerre d'applaudisse-
ments salue un ouvrier qui plante
un drapeau rouge au sommet d'une
grue. « Soyez prudent ! » crie une
manifestante sensible.
sur plusieurs rangs applaudit, re-
prend les mots d'ordre. Noyée dans
la masse, la délégation des « cadres
contestataires ». Au carrefour Saint-
Michel, un tonnerre d'applaudisse-
ments salue un ouvrier qui plante
un drapeau rouge au sommet d'une
grue. « Soyez prudent ! » crie une
manifestante sensible.
Le refrain de l'Internationale
monte et redescend l'interminable
houle humaine. Les voix se chevau-
chent. Le pouvoir, une fois encore,
.••st dans la rue. Pas un flic à l'hori-
zon.
monte et redescend l'interminable
houle humaine. Les voix se chevau-
chent. Le pouvoir, une fois encore,
.••st dans la rue. Pas un flic à l'hori-
zon.
Lentement, nous parcourons le
trajet prévu, qui doit nous conduire
à la gare d'Austerlitz. L'internatio-
na'i' sifflée doucement remplace l'In-
ternationale chantée quand nous pas-
sons devant la maternité Baude-
locque.
trajet prévu, qui doit nous conduire
à la gare d'Austerlitz. L'internatio-
na'i' sifflée doucement remplace l'In-
ternationale chantée quand nous pas-
sons devant la maternité Baude-
locque.
D'autres slogans encore : « Franco,
de Gaulle, Salazar », « Nous som-
mes de plus en plus enragés ». Il n'y
a pas de violence dans le ton. C'est
une force calme qui se déroule. La
fièvre monte un peu quand parvient
la rumeur selon laquelle Daniel
Cohn-Rendit marche en tête du cor-
tège.
de Gaulle, Salazar », « Nous som-
mes de plus en plus enragés ». Il n'y
a pas de violence dans le ton. C'est
une force calme qui se déroule. La
fièvre monte un peu quand parvient
la rumeur selon laquelle Daniel
Cohn-Rendit marche en tête du cor-
tège.
Enfin, c'est la gare d'Austerlitz.
Au loin, sur l'autre rive, les « forces
de l'ordre ». La Seine entre elles
et nous. L'hélicoptère traditionnel
tourne infatigablement dans le ciel.
Trente quarante, cinquante mille
manifestants ? Les spécialistes discu-
tent. Quarante mille paraît un chif-
fre sérieux. Ceux qui n'y croyaient
pas reprennent courage. Le combat
continue. La longue marche aussi,
puisque Sauvageot appelle les mani-
festants à rejoindre les travailleur-
dés usines Renault et Citroën. Javel
Billancourt : terres promises vers
lesquelles vont marcher, fourbus
mais exaltés, deux mille pèlerins de
type nouveau.
Au loin, sur l'autre rive, les « forces
de l'ordre ». La Seine entre elles
et nous. L'hélicoptère traditionnel
tourne infatigablement dans le ciel.
Trente quarante, cinquante mille
manifestants ? Les spécialistes discu-
tent. Quarante mille paraît un chif-
fre sérieux. Ceux qui n'y croyaient
pas reprennent courage. Le combat
continue. La longue marche aussi,
puisque Sauvageot appelle les mani-
festants à rejoindre les travailleur-
dés usines Renault et Citroën. Javel
Billancourt : terres promises vers
lesquelles vont marcher, fourbus
mais exaltés, deux mille pèlerins de
type nouveau.
André LAUDE,
13 juin 1968
SPÉCIAL MAI 68
page 11
La violence gagne
la province
la province
Les manifestations de la nuit du 24
mai ont été marquées par des événe-
ments que I on redoutait : la mort
d'un jeune homme à Paris et celle
d'un commissaire à Lyon. La capitale
sortait de l'isolement et la province
se trouvait à son tour gagnée par la
violence. Simultanément des barrica-
des s'élevaient à Lyon, Nantes, Bor-
deaux et Strasbourg.
mai ont été marquées par des événe-
ments que I on redoutait : la mort
d'un jeune homme à Paris et celle
d'un commissaire à Lyon. La capitale
sortait de l'isolement et la province
se trouvait à son tour gagnée par la
violence. Simultanément des barrica-
des s'élevaient à Lyon, Nantes, Bor-
deaux et Strasbourg.
Le bilan de la nuit d'émeute lyon-
naise est lourd, outre le commissaire
Lacroix, mortellement blessé par un
camion lancé par des manifestants
sur les forces de l'ordre : 150 bles-
sés, 46 hospitalisés dont une dizaine
dans un état grave. Jusqu'à trois heu-
res du matin, les manifestants, ou-
vriers et étudiants ont tenu la police
en échec.
naise est lourd, outre le commissaire
Lacroix, mortellement blessé par un
camion lancé par des manifestants
sur les forces de l'ordre : 150 bles-
sés, 46 hospitalisés dont une dizaine
dans un état grave. Jusqu'à trois heu-
res du matin, les manifestants, ou-
vriers et étudiants ont tenu la police
en échec.
Place Kléber, puis près du pont du
Corbeau les étudiants strasbourgeois
édifiaient des barricades et vivaient
leur premier affrontement avec les for-
ces de l'ordre.
Corbeau les étudiants strasbourgeois
édifiaient des barricades et vivaient
leur premier affrontement avec les for-
ces de l'ordre.
A Bordeaux, les manifestants étaient
peu nombreux mais une forte propor-
tion d'éléments incontrôlés rendit la
bataille dure et longue.
peu nombreux mais une forte propor-
tion d'éléments incontrôlés rendit la
bataille dure et longue.
C'est à Nantes que l'on assistait à
la manifestation la plus originale. Les
ouvriers et les étudiants se joignirent
en fin d'après-midi à un groupe d'agri-
culteurs qui repassaient devant la pré-
fecture après dislocation de leur cor-
tège. Le harcèlement débutait et une
bataille de cinq heures s'engageait
avec les forces de l'ordre massées
sans discrétion devant les bâtiments
préfectoraux. Vers 1 h 30, en pleine
échauffourée, un syndicaliste rame-
nait le calme en obtenant après négo-
ciation avec le préfet la libération de
sept camarades arrêtés dans l'après-
midi. Aussitôt la .bataille prenait fin,
manifestants et policiers « fraterni-
saient » prouvant ainsi curieusement
que la conscience régionale n'était pas
seulement le fait d'une fraction de tra-
vailleurs et d'agriculteurs.
la manifestation la plus originale. Les
ouvriers et les étudiants se joignirent
en fin d'après-midi à un groupe d'agri-
culteurs qui repassaient devant la pré-
fecture après dislocation de leur cor-
tège. Le harcèlement débutait et une
bataille de cinq heures s'engageait
avec les forces de l'ordre massées
sans discrétion devant les bâtiments
préfectoraux. Vers 1 h 30, en pleine
échauffourée, un syndicaliste rame-
nait le calme en obtenant après négo-
ciation avec le préfet la libération de
sept camarades arrêtés dans l'après-
midi. Aussitôt la .bataille prenait fin,
manifestants et policiers « fraterni-
saient » prouvant ainsi curieusement
que la conscience régionale n'était pas
seulement le fait d'une fraction de tra-
vailleurs et d'agriculteurs.
Gilbert CHALEIL
Etoile : le parti
de la peur
de la peur
Jeudi 30 mai : entre la place de la
Concorde et l'Etoile. Tout a été sa-
vamment orchestré. Depuis une se-
maine déjà, du côté de la rue de Sol-
férino, les services d'action civique
de MM. Frey et Foccart mettent en
scène le grotesque ballet. On a ameuté
le ban et l'arrière-ban des incondi-
tionnels du pouvoir. La panoplie est
complète : des briscards du gaullisme
aux anciens paras d'Indochine et d'Al-
gérie, tenues camouflées et ferblan-
terie pendante, qui ne semblent pas
se souvenir que le régime leur a par
deux fois cassé les reins. L'Elysée a
même délégué les gorilles du géné-
ral, en renfort, dit-on. Par cars entiers,
les délégations arrivent de province,
Concorde et l'Etoile. Tout a été sa-
vamment orchestré. Depuis une se-
maine déjà, du côté de la rue de Sol-
férino, les services d'action civique
de MM. Frey et Foccart mettent en
scène le grotesque ballet. On a ameuté
le ban et l'arrière-ban des incondi-
tionnels du pouvoir. La panoplie est
complète : des briscards du gaullisme
aux anciens paras d'Indochine et d'Al-
gérie, tenues camouflées et ferblan-
terie pendante, qui ne semblent pas
se souvenir que le régime leur a par
deux fois cassé les reins. L'Elysée a
même délégué les gorilles du géné-
ral, en renfort, dit-on. Par cars entiers,
les délégations arrivent de province,
A.F.P
drapeaux tricolores et banderoles en
tête. On lance les premiers slogans :
« De Gaulle n'est pas seul » mais
aussi un « Cohen-Bendit à Dachau »
qui fait pâlir plus d'un ancien déporté.
Mais qu'importé ! Il s'agit de prouver
que sur la rive droite des milliers de
rats sont décidés à disputer chère-
ment les miettes d'un gâteau que la
rive gauche des étudiants et des ou-
vriers a dédaigneusement repoussé.
Les beaux quartiers de l'ouest se sont
vidés de leurs P.D.G., de leurs trouil-
lards, de leurs lâches. « La manif »
est devenue le lieux de rendez-vous
des élégantes arborant caliquots tri-
colores et des veaux gras lançant de
tardifs mais vigoureux « Vive De
Gaulle ». Le discours de la veille les
rassure sur l'avenir. Et tandis que M.
Missoffe remonte seul les Champs-
Elysées, sans que quiconque lui attri-
bue une seule attention, les jeunes mi-
nets du service d'ordre entonnent une
« Marseillaise » qui n'a plus rien de
révolutionnaire. A la hauteur du
« pub » Renault, je croise un ami,
gaulliste de la première heure et
grand couturier de son état. Il vient
de rencontrer bon nombre de ses
clientes, venues manifester, en
« Jean » et col roulé, pour faire plus
« pop », mais qui ont conservé leurs
bijoux ! Il repart écœuré. C'est le sen-
timent de beaucoup ici, que le specta-
cle fait vomir.
tête. On lance les premiers slogans :
« De Gaulle n'est pas seul » mais
aussi un « Cohen-Bendit à Dachau »
qui fait pâlir plus d'un ancien déporté.
Mais qu'importé ! Il s'agit de prouver
que sur la rive droite des milliers de
rats sont décidés à disputer chère-
ment les miettes d'un gâteau que la
rive gauche des étudiants et des ou-
vriers a dédaigneusement repoussé.
Les beaux quartiers de l'ouest se sont
vidés de leurs P.D.G., de leurs trouil-
lards, de leurs lâches. « La manif »
est devenue le lieux de rendez-vous
des élégantes arborant caliquots tri-
colores et des veaux gras lançant de
tardifs mais vigoureux « Vive De
Gaulle ». Le discours de la veille les
rassure sur l'avenir. Et tandis que M.
Missoffe remonte seul les Champs-
Elysées, sans que quiconque lui attri-
bue une seule attention, les jeunes mi-
nets du service d'ordre entonnent une
« Marseillaise » qui n'a plus rien de
révolutionnaire. A la hauteur du
« pub » Renault, je croise un ami,
gaulliste de la première heure et
grand couturier de son état. Il vient
de rencontrer bon nombre de ses
clientes, venues manifester, en
« Jean » et col roulé, pour faire plus
« pop », mais qui ont conservé leurs
bijoux ! Il repart écœuré. C'est le sen-
timent de beaucoup ici, que le specta-
cle fait vomir.
Sorbonne libre
Année zéro
Année zéro
Lundi 13 mai : sur son parcours de
la gare de l'Est à la place Denfert-
la gare de l'Est à la place Denfert-
Rochereau, l'interminable cortège de
manifestants passe devant la place de
la Sorbonne. Spontanément, les slo-
gans s'arrêtent. Tous défilent en si-
lence devant la vieille faculté dont
l'occupation par la police a mis le feu
aux poudres. Au terme de 10 jours
de lutte, la Sorbonne est libérée. Le
drapeau ruoge et le drapeau noir sont
hissés. Solennellement, les étudiants
reprennent possession de leur faculté.
Au crépuscule, épuisés par les nuits
de barricades et leur longue marche
du jour, iis"sls sur le parvis de la
chapelle, ils écoutent en silence un
air de flûte dont la pureté s'accorde
à la gravité du moment.
manifestants passe devant la place de
la Sorbonne. Spontanément, les slo-
gans s'arrêtent. Tous défilent en si-
lence devant la vieille faculté dont
l'occupation par la police a mis le feu
aux poudres. Au terme de 10 jours
de lutte, la Sorbonne est libérée. Le
drapeau ruoge et le drapeau noir sont
hissés. Solennellement, les étudiants
reprennent possession de leur faculté.
Au crépuscule, épuisés par les nuits
de barricades et leur longue marche
du jour, iis"sls sur le parvis de la
chapelle, ils écoutent en silence un
air de flûte dont la pureté s'accorde
à la gravité du moment.
Plus tard, leur victoire explosera en
manifestations que d'aucuns ont ju-
gées «. folkloriques » : un orchestre
de jazz prend place sur le parvis, les
fresques de Puvis de Chavanne doi-
vent-elles être repeintes, les murs se
couvrent de graffitis — « II est inter-
dit d'interdire ». Et tel est bien leur
sens profond. Symbole de l'oppres-
sion, la Sorbonne libérée sera, plus
que toute autre faculté, le symbole
d'une irréversible libération.
manifestations que d'aucuns ont ju-
gées «. folkloriques » : un orchestre
de jazz prend place sur le parvis, les
fresques de Puvis de Chavanne doi-
vent-elles être repeintes, les murs se
couvrent de graffitis — « II est inter-
dit d'interdire ». Et tel est bien leur
sens profond. Symbole de l'oppres-
sion, la Sorbonne libérée sera, plus
que toute autre faculté, le symbole
d'une irréversible libération.
Jour et nuit, le grand amphithéâtre
— illustration de tous les interdits,
puisqu'il était jusqu'alors réservé aux
cérémonies officielles — deviendra le
lieu privilégié de cette explosion. Une
explosion où tous les courants politi-
ques s'affrontent, où souvent le
brouhaha l'emporte, mais où l'on voit
des ouvriers parler, pour la première
fois, sur cette estrade réservée aux
discours solennels de rentrée de
l'Université.
— illustration de tous les interdits,
puisqu'il était jusqu'alors réservé aux
cérémonies officielles — deviendra le
lieu privilégié de cette explosion. Une
explosion où tous les courants politi-
ques s'affrontent, où souvent le
brouhaha l'emporte, mais où l'on voit
des ouvriers parler, pour la première
fois, sur cette estrade réservée aux
discours solennels de rentrée de
l'Université.
Sans doute le travail « sérieux »,
celui des commissions, s'est-il réalisé
celui des commissions, s'est-il réalisé
dans des salles plus discrètes et dans
les autres facultés. Mais aujourd'hui
encore, la Sorbonne demeure l'indis-
pensable forum où les idées bouillon-
nent, la riposte à tant d'années de
sclérose et d'interdiction de penser,
l'antidote de ce qu'elle fut jusqu'au
13 mai 1968.
les autres facultés. Mais aujourd'hui
encore, la Sorbonne demeure l'indis-
pensable forum où les idées bouillon-
nent, la riposte à tant d'années de
sclérose et d'interdiction de penser,
l'antidote de ce qu'elle fut jusqu'au
13 mai 1968.
J. G.
Les enfants de Marx
et de Rimbaud
et de Rimbaud
L'imagination au pouvoir : l'expres-
sion n'est pas trop forte. La Sorbonne
n'est plus l'université mais un lieu
privilégié, le champ de la fête perma-
nente. La sensibilité collective a pris
possession des murs, des couloirs
sombres, des escaliers, des amphis
surbondés. Des doigts fiévreux ser-
rant un morceau de craie ont réinventé
au jour le jour, à la nuit la nuit, une
liberté couleur d'homme.
sion n'est pas trop forte. La Sorbonne
n'est plus l'université mais un lieu
privilégié, le champ de la fête perma-
nente. La sensibilité collective a pris
possession des murs, des couloirs
sombres, des escaliers, des amphis
surbondés. Des doigts fiévreux ser-
rant un morceau de craie ont réinventé
au jour le jour, à la nuit la nuit, une
liberté couleur d'homme.
La civilisation du graffitti a fait sou-
dainement irruption. Le mur a remplacé
la feuille de papier. Tant il est vrai que
les grandes fièvres ne peuvent être
misérablement enfermées dans des li-
mites étroites. Des milliers de Pari-
siens, de Français ont eu ainsi la pos-
sibilité de déchiffrer les rêves, les
colères, les révoltes d'une jeunesse
soulevée contre des structures oppres-
santes.
dainement irruption. Le mur a remplacé
la feuille de papier. Tant il est vrai que
les grandes fièvres ne peuvent être
misérablement enfermées dans des li-
mites étroites. Des milliers de Pari-
siens, de Français ont eu ainsi la pos-
sibilité de déchiffrer les rêves, les
colères, les révoltes d'une jeunesse
soulevée contre des structures oppres-
santes.
L'imagination est à gauche a-t-on
écrit. La Sorbonne n'a cessé d'en té-
moigner. A travers toutes ces écritu-
res échevelées, rageuses, bruyantes,
se dégagent les formes d'un monde
nouveau consacré à l'homme, rede-
venu enfin maître de tous ses pou-
voirs, et œuvrant à son épanouisse-
ment total.
écrit. La Sorbonne n'a cessé d'en té-
moigner. A travers toutes ces écritu-
res échevelées, rageuses, bruyantes,
se dégagent les formes d'un monde
nouveau consacré à l'homme, rede-
venu enfin maître de tous ses pou-
voirs, et œuvrant à son épanouisse-
ment total.
La jeunesse de la Sorbonne a défi-
nitivement réconcilié Marx et Rim-
baud : Transformer le monde et chan-
ger la vie. Ces deux mots d'ordre
n'en font dorénavant plus qu'un. Le
socialisme renoue avec les puissan-
ces de l'imaginaire, avec les forces de
l'utopie. L'étudiant, le jeune travail-
leur de mai 68 tend la main à Charles
Fourier, ce prophète scandaleusement
tenu sous le boisseau. Nous savons
maintenant que par delà la destruc-
tion des structures économiques du
capitalisme, et leur remplacement par
des structures socialistes, il nous fau-
dra réinventer l'amour, la famille, la
fraternité, le bonheur, le malheur, la
solitude...
nitivement réconcilié Marx et Rim-
baud : Transformer le monde et chan-
ger la vie. Ces deux mots d'ordre
n'en font dorénavant plus qu'un. Le
socialisme renoue avec les puissan-
ces de l'imaginaire, avec les forces de
l'utopie. L'étudiant, le jeune travail-
leur de mai 68 tend la main à Charles
Fourier, ce prophète scandaleusement
tenu sous le boisseau. Nous savons
maintenant que par delà la destruc-
tion des structures économiques du
capitalisme, et leur remplacement par
des structures socialistes, il nous fau-
dra réinventer l'amour, la famille, la
fraternité, le bonheur, le malheur, la
solitude...
Rien ne doit échapper aux révolu-
tionnaires. Le fer rouge doit plonger
partout. Le socialisme, c'est le com-
mencement du monde.
tionnaires. Le fer rouge doit plonger
partout. Le socialisme, c'est le com-
mencement du monde.
André LAUDE.
page 12
SPÉCIAL MAI 68
tribune socialiste
Agip
Nanterre : les enragés
au travail
au travail
A Nanterre tout semble normal.
Un observateur non-averti pourrait
s'y tromper : les parkings sont pleins,
les étudiants circulent dans le cam-
pus mais le drapeau rouge flotte au
sommet du bâtiment C.
Un observateur non-averti pourrait
s'y tromper : les parkings sont pleins,
les étudiants circulent dans le cam-
pus mais le drapeau rouge flotte au
sommet du bâtiment C.
Nanterre, comme la Sorbonne,
comme de nombreuses universités de
province a pris son visage révolution-
naire.
comme de nombreuses universités de
province a pris son visage révolution-
naire.
Depuis la proclamation de l'auto-
nomie de la faculté la semaine der-
nière les murs se sont couverts d'af-
fiches, de slogans, et même de fres-
ques abstraites.
nomie de la faculté la semaine der-
nière les murs se sont couverts d'af-
fiches, de slogans, et même de fres-
ques abstraites.
Des happenings se déroulent dans
Je grand amphi B2, ailleurs, un étu-
diant musicien exécute — non sans
talent — un concerto de Rachmani-
nov.
Je grand amphi B2, ailleurs, un étu-
diant musicien exécute — non sans
talent — un concerto de Rachmani-
nov.
C'est là l'aspect « folklorique » du
mouvement ; mais dans les étages
on travaille sans relâche.
mouvement ; mais dans les étages
on travaille sans relâche.
Des commissions fonctionnent en
permanence.
permanence.
Des A.G. se réunissent.
De nouveaux comités se créent.
Le 17 a été créé un comité d'action
enseignants-étudiants regroupant la
plupart des délégués étudiants qui
ont joué un rôle actif depuis le dé-
but des événements et plusieurs di-
zaines de professeurs, maîtres-assis-
tants, et assistants.
enseignants-étudiants regroupant la
plupart des délégués étudiants qui
ont joué un rôle actif depuis le dé-
but des événements et plusieurs di-
zaines de professeurs, maîtres-assis-
tants, et assistants.
Ce comité s'est mis d'accord pour
proposer une solution au problème
des examens et à celui des structures
provisoires.
proposer une solution au problème
des examens et à celui des structures
provisoires.
Dans un communiqué publié le
soir même il déclare :
soir même il déclare :
« — Sous réserve de la satisfaction
des préalables (amnistie et renseigne-
ments sur les étudiants disparus) les
examens traditionnels seront rempla-
cés dès juin 1968 par des procédures
de contrôle valables pour l'ensemble
de la Faculté et appliquées par des
commissions mixtes enseignants-
étudiants, au niveau de chaque dé-
partement.
ments sur les étudiants disparus) les
examens traditionnels seront rempla-
cés dès juin 1968 par des procédures
de contrôle valables pour l'ensemble
de la Faculté et appliquées par des
commissions mixtes enseignants-
étudiants, au niveau de chaque dé-
partement.
Le Comité d'action précise bien
qu'il ne s'agit que d'une solution
exceptionnelle pour la conclusion de
l'année en cours.
qu'il ne s'agit que d'une solution
exceptionnelle pour la conclusion de
l'année en cours.
La majorité des étudiants s'éloigne
de plus en plus de l'idée d'un boycott
pur et simple des examens succeptible
de léser les étudiants ayant besoin
de titres et diplômes dès juin 1968.
de plus en plus de l'idée d'un boycott
pur et simple des examens succeptible
de léser les étudiants ayant besoin
de titres et diplômes dès juin 1968.
Dans ce but trois propositions ont
été élaborées :
été élaborées :
— Les titres seront décernés par
une commission mixte enseignants-
étudiants en considération du travail
effectué en cours d'année.
une commission mixte enseignants-
étudiants en considération du travail
effectué en cours d'année.
— Pour les étudiants dont le dos-
sier est insuffisant cette commission
propose des modalités de contrôle
des aptitudes.
sier est insuffisant cette commission
propose des modalités de contrôle
des aptitudes.
— Une commission mixte est créée
au niveau de la Faculté pour la solu-
tion des cas non résolus sur le plan
des départements.
au niveau de la Faculté pour la solu-
tion des cas non résolus sur le plan
des départements.
En ce qui concerne les Ipes, une
réunion des Ipésiens et candidats à
Pipes s'est tenue samedi 18, au covirs
de laquelle il a été proposé de trans-
former l'Ipes en institut autonome.
réunion des Ipésiens et candidats à
Pipes s'est tenue samedi 18, au covirs
de laquelle il a été proposé de trans-
former l'Ipes en institut autonome.
Cette motion a été votée à l'una-
nimité moins deux voix et huit abs-
tentions.
nimité moins deux voix et huit abs-
tentions.
Ainsi sous le folklore ou l'appa-
rente confusion se cachent une éner-
gie et une détermination qui n'ont
rien à envier à l'enthousiasme des
journées de fièvre des semaines pré-
cédentes.
rente confusion se cachent une éner-
gie et une détermination qui n'ont
rien à envier à l'enthousiasme des
journées de fièvre des semaines pré-
cédentes.
Chantai RUDALI.
Droit : des
commissions paritaires
commissions paritaires
8 juin, 92, rue d'Assas, le Comité
d'accueil de la Faculté de Droit et
de Sciences Eco de Paris annonce des
élections pour le 18 juin. Les étu-
diants sont appelés à élire une com-
mission paritaire, organe transitoire
ayant la charge d'aménager les nou-
velles structures adoptées par l'ac-
tuelle commission mixte d'ensei-
gnants et d'étudiants. Voilà déjà
quelque temps, certains groupes
iCLERU, MODEL. Amphi 1000 etc.)
réclament des élections pour affir-
mer leur existence. A ceux-là, le Co-
mité de grève répond par une invita-
tion générale au travail dans les dif-
férentes commissions de réforme.
d'accueil de la Faculté de Droit et
de Sciences Eco de Paris annonce des
élections pour le 18 juin. Les étu-
diants sont appelés à élire une com-
mission paritaire, organe transitoire
ayant la charge d'aménager les nou-
velles structures adoptées par l'ac-
tuelle commission mixte d'ensei-
gnants et d'étudiants. Voilà déjà
quelque temps, certains groupes
iCLERU, MODEL. Amphi 1000 etc.)
réclament des élections pour affir-
mer leur existence. A ceux-là, le Co-
mité de grève répond par une invita-
tion générale au travail dans les dif-
férentes commissions de réforme.
La commission « autonomie-coges-
tion » s'est imposée par son sérieux ;
sur la base de ses réflexions, l'actuel-
le commission mixte d'enseignants et
d'étudiants a signifié les grandes li-
gnes d'une université nouvelle : la
faculté serait scindée en deux divi-
sions autonomes (droit et sciences
écol, chaque division en départe-
ments autonomes, unités d'enseigne-
ment et de recherche. Projet com-
plexe, la cogestion y étant réalisée à
tous les niveaux. C'est à l'établisse-
ment de ces nouvelles structures que
s'attèleront les 150 enseignants et les
150 étudiants élus. La future com-
mission paritaire se donne un délai
d'un mois au moins pour mener sa
tâche. De la participation aux élec-
tions dépend évidemment le succès
de tout le travail qui s'est fait ici et
qui s'inscrit dans tout le mouvement
qui a secoué et ébranlé le régime.
Dans quelques jours l'on saura si,
comme l'affirme très péremptoire-
ment un tract distribué à l'instant :
« Le Comité de grève est mort ». Q]
tion » s'est imposée par son sérieux ;
sur la base de ses réflexions, l'actuel-
le commission mixte d'enseignants et
d'étudiants a signifié les grandes li-
gnes d'une université nouvelle : la
faculté serait scindée en deux divi-
sions autonomes (droit et sciences
écol, chaque division en départe-
ments autonomes, unités d'enseigne-
ment et de recherche. Projet com-
plexe, la cogestion y étant réalisée à
tous les niveaux. C'est à l'établisse-
ment de ces nouvelles structures que
s'attèleront les 150 enseignants et les
150 étudiants élus. La future com-
mission paritaire se donne un délai
d'un mois au moins pour mener sa
tâche. De la participation aux élec-
tions dépend évidemment le succès
de tout le travail qui s'est fait ici et
qui s'inscrit dans tout le mouvement
qui a secoué et ébranlé le régime.
Dans quelques jours l'on saura si,
comme l'affirme très péremptoire-
ment un tract distribué à l'instant :
« Le Comité de grève est mort ». Q]
Sciences-Pô
solidaire
solidaire
« Sciences-Pô dit non à la dictatu-
re gaulliste » : telle est l'inscription
que porte la banderole tendue en
travers de la rue St-Guillaume. La
« Révolution » aurait-elle transformé
ce lieu réputé pour son apolitisme,
son sens de la mesure, donc son
conservatisme ? Une telle conclusion
serait un peu hâtive, car le climat
dans lequel nous avons vécu ici ces
dernières semaines, les moyens mis
en œuvre pour participer au mouve-
ment, montrent que notre révolution
était bien différente de celle de la
Sorbonne.
re gaulliste » : telle est l'inscription
que porte la banderole tendue en
travers de la rue St-Guillaume. La
« Révolution » aurait-elle transformé
ce lieu réputé pour son apolitisme,
son sens de la mesure, donc son
conservatisme ? Une telle conclusion
serait un peu hâtive, car le climat
dans lequel nous avons vécu ici ces
dernières semaines, les moyens mis
en œuvre pour participer au mouve-
ment, montrent que notre révolution
était bien différente de celle de la
Sorbonne.
Sc-Po a réagi APRES. La tranquil-
le indifférence de la majorité des
étudiants s'est transformée en indi-
gnation, lorsqu'au lendemain des
barricades de la rue Gay-Lussac, ils
décidèrent de boycotter leurs exa-
mens qui débutaient ce jour-là.
le indifférence de la majorité des
étudiants s'est transformée en indi-
gnation, lorsqu'au lendemain des
barricades de la rue Gay-Lussac, ils
décidèrent de boycotter leurs exa-
mens qui débutaient ce jour-là.
Mais Sc-Po entrait dans la lutte à sa
façon et mit sur pied « sa » manifes-
tation qui défila sur le boulevard St-
Germain aux cris de « Sc-Po soli-
daire ». Ce chahut bon-enfant
contrastait étrangement avec le cal-
me et la dignité qui régnaient la
veille, à minuit, place Edmond-Ros-
tand.
façon et mit sur pied « sa » manifes-
tation qui défila sur le boulevard St-
Germain aux cris de « Sc-Po soli-
daire ». Ce chahut bon-enfant
contrastait étrangement avec le cal-
me et la dignité qui régnaient la
veille, à minuit, place Edmond-Ros-
tand.
C'était cependant un début. Après
la réunion d'une assemblée générale
qui adopta le principe de la solida-
rité totale avec les trois points de
l'U.N.E.F.. et, décida de poursuivre
le mouvement en refusant de fixer
une date pour les examens, fut élu
un « conseil étudiant ». Ce « conseil
étudiant ». véritable petit parlement,
montre à quel point nous sommes
prisonniers des schémas parlemen-
taires traditionnels : nos délégués y
lisent parfois leur journal, ou bien
votent avec sérieux des motions de
félicitations aux rapporteurs des
commissions... Ce conseil a élu ses
représentants au sein d'une « com-
mission paritaire étudiants-profes-
seurs » dont les travaux s'avèrent
fort difficiles.
la réunion d'une assemblée générale
qui adopta le principe de la solida-
rité totale avec les trois points de
l'U.N.E.F.. et, décida de poursuivre
le mouvement en refusant de fixer
une date pour les examens, fut élu
un « conseil étudiant ». Ce « conseil
étudiant ». véritable petit parlement,
montre à quel point nous sommes
prisonniers des schémas parlemen-
taires traditionnels : nos délégués y
lisent parfois leur journal, ou bien
votent avec sérieux des motions de
félicitations aux rapporteurs des
commissions... Ce conseil a élu ses
représentants au sein d'une « com-
mission paritaire étudiants-profes-
seurs » dont les travaux s'avèrent
fort difficiles.
Parallèlement à ce jouet bien huilé
qu'est notre petit Parlement, existe
à Sc-Po un « comité d'action » qui
travaille sur l'extérieur : dans le
secteur des assurances, à la SNECMA.
qu'est notre petit Parlement, existe
à Sc-Po un « comité d'action » qui
travaille sur l'extérieur : dans le
secteur des assurances, à la SNECMA.
En dépit du climat dans lequel
s'est effectué cette paisible et rai-
sonnable révolution, il est cependant
certain que les choses ont bougé à
Sc-Po. Rares sont les étudiants qui
travaillent encore en bibliothèque :
beaucoup ont participé au travail en
commissions. Mais le grand signe du
changement, c'est en pénétrant dans
le hall qu'on peut le constater : là
où jadis on parlait fort peu politique
se tiennent désormais des permanen-
ces dont l'éventail va de l'« Action
Française » au P.S.U., en passant par
la J.C.R., le «22 mars» ou l'U.E.C.
« Libertés politique et syndicale » ;
notre revendication de toujours sem-
ble être réalisée aujourd'hui : tracts,
panneaux d'affichages, débats poli-
tiques sont désormais à leur place à
Sc-Po.
s'est effectué cette paisible et rai-
sonnable révolution, il est cependant
certain que les choses ont bougé à
Sc-Po. Rares sont les étudiants qui
travaillent encore en bibliothèque :
beaucoup ont participé au travail en
commissions. Mais le grand signe du
changement, c'est en pénétrant dans
le hall qu'on peut le constater : là
où jadis on parlait fort peu politique
se tiennent désormais des permanen-
ces dont l'éventail va de l'« Action
Française » au P.S.U., en passant par
la J.C.R., le «22 mars» ou l'U.E.C.
« Libertés politique et syndicale » ;
notre revendication de toujours sem-
ble être réalisée aujourd'hui : tracts,
panneaux d'affichages, débats poli-
tiques sont désormais à leur place à
Sc-Po.
S'il semble que l'esprit de la mai-
son n'ait pas totalemnt disparu, l'ou-
verture sur l'extérieur est chose faite.
Aujourd'hui nous pouvons avoir de
longues discussions avec les inorga-
nisés : le temps des chapelles poli-
tiques vivant repliées sur elles-mê-
mes est mort. S'il est certain que tous
les étudiants n'occupent pas l'insti-
tut, nombre d'entre eux étant partis
en vacances, ceux qui restent sur pla-
ce sont évidemment décidés à mettre
sur pird une université d'été, et à
agir.
son n'ait pas totalemnt disparu, l'ou-
verture sur l'extérieur est chose faite.
Aujourd'hui nous pouvons avoir de
longues discussions avec les inorga-
nisés : le temps des chapelles poli-
tiques vivant repliées sur elles-mê-
mes est mort. S'il est certain que tous
les étudiants n'occupent pas l'insti-
tut, nombre d'entre eux étant partis
en vacances, ceux qui restent sur pla-
ce sont évidemment décidés à mettre
sur pird une université d'été, et à
agir.
Quelle que soit l'issue de la crise,
rien ne pourra ici redevenir tout à
fait comme avant : non seulement
parce que les amphis s'appellent dé-
sormais « Rosa Luxembourg »,
rien ne pourra ici redevenir tout à
fait comme avant : non seulement
parce que les amphis s'appellent dé-
sormais « Rosa Luxembourg »,
13 juin 1968
SPÉCIAL MAI 68
page 13
« (iuevara ». ou « Ho-Chi-Minh »,
mai* parce que beaucoup d'étudiants
ont appris à faire peu de cas de leurs
propres problèmes, et ont revendi-
qué davantage qu'un aménagement
de l'université, ils ont non seulement
remis en cause les structures univer-
sitaires, mais la société française ac-
tuelle.
mai* parce que beaucoup d'étudiants
ont appris à faire peu de cas de leurs
propres problèmes, et ont revendi-
qué davantage qu'un aménagement
de l'université, ils ont non seulement
remis en cause les structures univer-
sitaires, mais la société française ac-
tuelle.
Marie-Paule CERRE.
L'E.N.A.sort
de sa réserve
Après avoir pris publiquement
position le 13 mai. en condamnant
« les méthodes de répression bruta-
le ». les élèves de TE.IN.A., actuelle-
ment en cours de scolarité, sont dé-
finitivement sortis de la « réserve »
qu'ils avaient toujours scrupuleuse-
ment observée.
position le 13 mai. en condamnant
« les méthodes de répression bruta-
le ». les élèves de TE.IN.A., actuelle-
ment en cours de scolarité, sont dé-
finitivement sortis de la « réserve »
qu'ils avaient toujours scrupuleuse-
ment observée.
Dans le style sérieux et feutré qui
sied à de futurs grands commis, les
élèves de la promotion 1967-1969.
après avoir obtenu de la Direction
qu'elle suspende la scolarité pendant
le mois de juin, s'attachent actuelle-
ment à redéfinir le rôle de l'Ecole et
le contenu de son enseignement.
sied à de futurs grands commis, les
élèves de la promotion 1967-1969.
après avoir obtenu de la Direction
qu'elle suspende la scolarité pendant
le mois de juin, s'attachent actuelle-
ment à redéfinir le rôle de l'Ecole et
le contenu de son enseignement.
Cette tâche a été confiée à six sé-
minaires qui remettront le fruit de
leurs travaux à une « commission
d'étude » comprenant, outre des re-
présentants de la fonction publique,
de la direction et du conseil d'admi-
nistration de l'E.ÎN'.A., de l'Associa-
tion des Anciens et des élèves, des
membres issus des milieux syndi-
caux, professionnels et universitaires.
minaires qui remettront le fruit de
leurs travaux à une « commission
d'étude » comprenant, outre des re-
présentants de la fonction publique,
de la direction et du conseil d'admi-
nistration de l'E.ÎN'.A., de l'Associa-
tion des Anciens et des élèves, des
membres issus des milieux syndi-
caux, professionnels et universitaires.
Sans préjuger du résultat de cet
important effort de réflexion, il est
vraisemblable que les élèves seront
amenés, non seulement à remettre en
cause le fonctionnement de l'Ecole,
mais à s'interroger sur la légitimité
même de celle-ci.
important effort de réflexion, il est
vraisemblable que les élèves seront
amenés, non seulement à remettre en
cause le fonctionnement de l'Ecole,
mais à s'interroger sur la légitimité
même de celle-ci.
On a trop souvent déploré l'apathie
suspecte manifestée dans le passé par
les « jeunes messieurs » de l'E.N.A*,
pour ne pas suivre avec intérêt l'évo-
lution de leurs travaux, alors même
que. pour la première fois s'exprime
une volonté de réforme.
suspecte manifestée dans le passé par
les « jeunes messieurs » de l'E.N.A*,
pour ne pas suivre avec intérêt l'évo-
lution de leurs travaux, alors même
que. pour la première fois s'exprime
une volonté de réforme.
Julien PONS.
Les élèves infirmières
en grève
Vendredi 17 mai 1968. — Les élè-
ves infirmières et infirmiers ont choi-
si : la Révolution ! Ils sont 2.500
dans les 4 amphithéâtres du C.H.U.
de la Pitié pour mettre au point les
modalités d'une action sans précé-
dent pour eux : la grève.
ves infirmières et infirmiers ont choi-
si : la Révolution ! Ils sont 2.500
dans les 4 amphithéâtres du C.H.U.
de la Pitié pour mettre au point les
modalités d'une action sans précé-
dent pour eux : la grève.
L'origine du mouvement est pro-
fonde : c'est la ferme sensation d'ob-
tenir dans les pires conditions un
diplôme au rabais et leur solidarité
totale avee le mouvement étudiant.
fonde : c'est la ferme sensation d'ob-
tenir dans les pires conditions un
diplôme au rabais et leur solidarité
totale avee le mouvement étudiant.
11 ne s'agit pas de simples reven-
dications mais d'une remise en cause
profonde.
dications mais d'une remise en cause
profonde.
Remise en cause des méthodes et
des buts de leur enseignement, de la
formation des professeurs et des mo-
nitrices. de l'exploitation que consti-
tue le contrat, de l'utilisation que
l'administration fait de ces étudiantes
en les employant comme un person-
nel supplétif, de l'absence de parti-
cipation des élèves à la gestion de
leur école, du refus qui leur est oppo-
sé de faire entrer leurs études dans
un cadre universitaire.
des buts de leur enseignement, de la
formation des professeurs et des mo-
nitrices. de l'exploitation que consti-
tue le contrat, de l'utilisation que
l'administration fait de ces étudiantes
en les employant comme un person-
nel supplétif, de l'absence de parti-
cipation des élèves à la gestion de
leur école, du refus qui leur est oppo-
sé de faire entrer leurs études dans
un cadre universitaire.
Nombreux sont ceux qui trouveront
à redire sur la précipitation, le dé-
faut d'organisation et de maturité du
mouvement. Ceux-là se trompent.
Qui aurait pu prévoir un tel mou-
vement il a seulement troi> M
à redire sur la précipitation, le dé-
faut d'organisation et de maturité du
mouvement. Ceux-là se trompent.
Qui aurait pu prévoir un tel mou-
vement il a seulement troi> M
nes ? Ces élèves se lancent dans un
combat difficile et ils sont parfaite-
ment conscients de leur» problèmes.
Il n'y a qu'à voir le sérieux du travail
en commissions, la volonté farouche
de s'organiser et de ne rien laisser
dans l'ombre pour comprendre qu"il>
ont parfaitement saisi qu'une révolu-
tion était en marche et qu'ils tenaient
leur avenir dans leur? mains. 1
combat difficile et ils sont parfaite-
ment conscients de leur» problèmes.
Il n'y a qu'à voir le sérieux du travail
en commissions, la volonté farouche
de s'organiser et de ne rien laisser
dans l'ombre pour comprendre qu"il>
ont parfaitement saisi qu'une révolu-
tion était en marche et qu'ils tenaient
leur avenir dans leur? mains. 1
Les lycéens aussi
Tandis que se déroulent au minis-
tère» de l'Education nationale de dif-
ficiles négociations entre M. Ortoli
et les représentants des syndicats
d'enseignants, les Comités d'Action de
lycéens dressent le bilan d'un mois
de durs combats. Dès le début des
événements, les responsables lycéens
ont affirmé leur solidarité avec leurs
camarades étudiants.
tère» de l'Education nationale de dif-
ficiles négociations entre M. Ortoli
et les représentants des syndicats
d'enseignants, les Comités d'Action de
lycéens dressent le bilan d'un mois
de durs combats. Dès le début des
événements, les responsables lycéens
ont affirmé leur solidarité avec leurs
camarades étudiants.
Nombre d'entre eux se sont battus
sur les barricades, beaucoup ont été
blessés. La grève générale avec occu-
pation des locaux a été dans l'ensem-
ble un succès. Le drapeau rouge de
la révolte a flotté pendant plus de
quinze jours sur 40 établissements
du secondaire.
sur les barricades, beaucoup ont été
blessés. La grève générale avec occu-
pation des locaux a été dans l'ensem-
ble un succès. Le drapeau rouge de
la révolte a flotté pendant plus de
quinze jours sur 40 établissements
du secondaire.
Le problème est maintenant d'or-
ganiser et de structurer le mouve-
ment. Une série d'assemblées géné-
rales, tenues à Censier ont permis de
rassembler un énorme dossier pro-
venant des quatre coins de l'hexa-
gone. Un rapport synthétique sera
présenté les 15 et 16 juin prochains
au cours d'un0 conférence nationale,
qui rassemblera les représentants de
tous les comités d'action.
ganiser et de structurer le mouve-
ment. Une série d'assemblées géné-
rales, tenues à Censier ont permis de
rassembler un énorme dossier pro-
venant des quatre coins de l'hexa-
gone. Un rapport synthétique sera
présenté les 15 et 16 juin prochains
au cours d'un0 conférence nationale,
qui rassemblera les représentants de
tous les comités d'action.
Si les revendications purement
corporatives, telles le droit d'afficha-
ge et le droit de réunion ont été as-
sez facilement obtenues, le problème
fondamental des lycéens demeure
celui d'une réforme démocratique de
l'enseignement. Les lycéens, bien que
contestant la capacité du gouverne-
ment actuel à résoudre le problème,
se montrent attentifs aux discussions
en cours, et se déclarent prêts, dès
que le fond sera abordé, à demaneler
à être représentés au même titre que
corporatives, telles le droit d'afficha-
ge et le droit de réunion ont été as-
sez facilement obtenues, le problème
fondamental des lycéens demeure
celui d'une réforme démocratique de
l'enseignement. Les lycéens, bien que
contestant la capacité du gouverne-
ment actuel à résoudre le problème,
se montrent attentifs aux discussions
en cours, et se déclarent prêts, dès
que le fond sera abordé, à demaneler
à être représentés au même titre que
les syndicats. Ils envisagent dan> ce
sens, el'engager une « indispensable
campagne de politisation de leurs
camarades » et d'organiser selon une
formule originale, des élections pen-
dant les législatives.
sens, el'engager une « indispensable
campagne de politisation de leurs
camarades » et d'organiser selon une
formule originale, des élections pen-
dant les législatives.
Le travail des commissions lycéen-
nes et le dialogue record qui s'est
instauré entre les adolescents et leurs
maîtres a en tout cas créé dans les
lycées un esprit nouveau et irréver-
sible.
nes et le dialogue record qui s'est
instauré entre les adolescents et leurs
maîtres a en tout cas créé dans les
lycées un esprit nouveau et irréver-
sible.
Pierre-Daniel TREGNIER.
Rouen : le démarrage
Dimanche 5 mai. A 19 heures, ap-
prenons par radio que l'AGER de
Rouen (PCF) ne fera pas grève, ainsi
que SNE Sup Rouen (PCF aussi). Pre-
nons contact entre PSD - JCR - Corpo
Sciences et quelques professeurs
pour suppléer carence AGER. Un tract
est tiré appelant à la grève illimitée à
partir de 14 heures lundi.
prenons par radio que l'AGER de
Rouen (PCF) ne fera pas grève, ainsi
que SNE Sup Rouen (PCF aussi). Pre-
nons contact entre PSD - JCR - Corpo
Sciences et quelques professeurs
pour suppléer carence AGER. Un tract
est tiré appelant à la grève illimitée à
partir de 14 heures lundi.
Lundi 6 mai. Le matin, l'AGER ap-
pelle les étudiants à aller aux cours
et à attendre.
pelle les étudiants à aller aux cours
et à attendre.
14 heures : la Fac de Lettres blo-
quée par un piquet de grève d'une
centaines d'étudiants, les DEC forcent
les premiers le piquet de grève.
quée par un piquet de grève d'une
centaines d'étudiants, les DEC forcent
les premiers le piquet de grève.
16 heures : au cours d'un meeting
AGER et SNE Sup proposent grève
mercredi. Refus de la salle, les pro-
fesseurs du PCF insultés. Un comité
de grève élu par étudiants, il va rem-
placer complètement l'AGER (plusieurs
ESU dedans).
AGER et SNE Sup proposent grève
mercredi. Refus de la salle, les pro-
fesseurs du PCF insultés. Un comité
de grève élu par étudiants, il va rem-
placer complètement l'AGER (plusieurs
ESU dedans).
Le soir, première manif en ville :
300 personnes.
300 personnes.
L'INSCIR (techniciens supérieurs et
ingénieurs) en grève illimitée, majo-
rité FNAGE pourtant.
ingénieurs) en grève illimitée, majo-
rité FNAGE pourtant.
Mardi 7 mai : grève Lettres, plus de
50 % de grévistes. Sciences : quel-
ques-uns. Droit : rien.
50 % de grévistes. Sciences : quel-
ques-uns. Droit : rien.
Deuxième manif en ville du comité
de grève : 600 personnes.
de grève : 600 personnes.
Mercredi 8 mai : grève totale en Let-
tres et Sciences. La plupart des ly-
céens de Rouen en grève, plus de
1.000 lycéens sur le campus.
tres et Sciences. La plupart des ly-
céens de Rouen en grève, plus de
1.000 lycéens sur le campus.
2.000 membres du comité de grève
rejoignent la manif des syndicats
(FEN, SNE Sup, CGT, CFDT, AGER,
comité de grève). Quelques heurts en-
tre CGT et comité de grève. 4.000
personnes en tout.
rejoignent la manif des syndicats
(FEN, SNE Sup, CGT, CFDT, AGER,
comité de grève). Quelques heurts en-
tre CGT et comité de grève. 4.000
personnes en tout.
Jeudi 9 mai : grève générale conti-
nue.
nue.
Vendredi 10 mai : le SNE Sup re-
prend le travail, en général. L'action
semble s'essouffler. La continuation
de la grève est votée, surtout pour
donner au national 3 jours de plus
(jusqu'à lundi). Les lycéens repren-
nent le travail.
prend le travail, en général. L'action
semble s'essouffler. La continuation
de la grève est votée, surtout pour
donner au national 3 jours de plus
(jusqu'à lundi). Les lycéens repren-
nent le travail.
Tract ESU reprenant communiqués
du BN et du BF. Premier meeting sur
les transformations (brillante interven-
tion de R. Dubreuil) nécessaires à
l'université.
du BN et du BF. Premier meeting sur
les transformations (brillante interven-
tion de R. Dubreuil) nécessaires à
l'université.
Samedi 11 mai : le mouvement est
relancé, grâce à la nuit des barrica-
des. Manif en ville, avec 2.500 étu-
diants et professeurs.
relancé, grâce à la nuit des barrica-
des. Manif en ville, avec 2.500 étu-
diants et professeurs.
L'AGER tout à fait hors-circuit.
Tract PSU à la population, appelant
à la grève générale.
à la grève générale.
Lundi 13 mai : 20.000 personnes à
la manif de Rouen (9 h 30, place St-
Marc) dont 4 à 5.000 lycéens et étu-
diants.
la manif de Rouen (9 h 30, place St-
Marc) dont 4 à 5.000 lycéens et étu-
diants.
page 14
SPÉCIAL MAI 68
tribune socialiste
Après-midi, le comité de grève blo-
que les grands carrefours de Rouen.
Tracts explicatifs à la population.
que les grands carrefours de Rouen.
Tracts explicatifs à la population.
L'ESC rejoint la grève.
Après le mercredi 15 mai :
Après le mercredi 15 mai :
Droit : mercredi 15 : la grève est
déclarée illimitée par une AG alors
que la grève n'était que le fait de la
section UNEF.
section UNEF.
Nombreuses commissions. En scien-
ces éco : 2e et 3e années décident
boycott des examens et élaboration
projet de réforme pendant les vacan-
ces.
ces éco : 2e et 3e années décident
boycott des examens et élaboration
projet de réforme pendant les vacan-
ces.
Puis, vendredi : le collège juridique
se déclare faculté autonome.
se déclare faculté autonome.
Sciences : de nombreuses commis-
sions au travail. Les examens sont
aménagés et reportés, les réformes
discutées.
sions au travail. Les examens sont
aménagés et reportés, les réformes
discutées.
Le conseil de faculté remplacé par
un nouveau conseil paritaire avec en-
seignants (profs, assistants), cher-
cheurs et étudiants. Fac autonome et
populaire.
un nouveau conseil paritaire avec en-
seignants (profs, assistants), cher-
cheurs et étudiants. Fac autonome et
populaire.
CPEM : grève et réforme des exa-
mens.
mens.
Lettres : un collectif est élu, mais
toutes ses décisions sont soumises à
l'AG, discussions en commissions par
section, qui prennent des décisions
très variables. Les examens repous-
sés, modifiés ou annulés selon les
cas.
toutes ses décisions sont soumises à
l'AG, discussions en commissions par
section, qui prennent des décisions
très variables. Les examens repous-
sés, modifiés ou annulés selon les
cas.
Certains professeurs s'appuient
dans ces commissions sur les non-
grévistes venus aux nouvelles (le
PCF ainsi essaie de récupérer le mou-
vement sur des bases droitières).
dans ces commissions sur les non-
grévistes venus aux nouvelles (le
PCF ainsi essaie de récupérer le mou-
vement sur des bases droitières).
— A partir de jeudi, des militants
ouvriers viennent prendre la parole,
après l'occupation de Cléon. Les per-
manents CGT généralement siffles.
ouvriers viennent prendre la parole,
après l'occupation de Cléon. Les per-
manents CGT généralement siffles.
Samedi 18 mai : une commission
étudiants-ouvriers à la fac.
étudiants-ouvriers à la fac.
— Une délégation a discuté avec
le congrès des journalistes (SNJ)
réuni à Rouen.
le congrès des journalistes (SNJ)
réuni à Rouen.
— Le PSU a participé à l'action de
bout en bout, surtout en Lettres et
Droit où ils dirigent les commissions
dans plusieurs départements.
bout en bout, surtout en Lettres et
Droit où ils dirigent les commissions
dans plusieurs départements.
— R. Dubreuil, secrétaire fédéral,
chargé de cours à la fac, soutient dès
le départ les étudiants contre les pro-
fesseurs du PCF ou réactionnaires.
chargé de cours à la fac, soutient dès
le départ les étudiants contre les pro-
fesseurs du PCF ou réactionnaires.
Natanson, maître-assistant, PSU,
a fait autant.
a fait autant.
— De nombreux étudiants non poli-
tisés ou non syndiqués participent au
mouvement.
tisés ou non syndiqués participent au
mouvement.
— Il n'y a plus aucune autorité ad-
ministrative en Fac de Lettres. D
ministrative en Fac de Lettres. D
SNECMA : étudiants,
ouvriers
ouvriers
Des étudiants appartenant au Co-
mité d'Action de l'Institut d'Etudes Po-
litiques se sont rendus aux portes de
mité d'Action de l'Institut d'Etudes Po-
litiques se sont rendus aux portes de
la SNECMA, boulevard Kellermann, à
partir du moment où celle-ci fut occu-
pée. Les premiers jours furent ceux
d'une information réciproque. Des
contacts se nouaient avec des délé-
gués syndicaux CFDT qui essayèrent
au sein de l'entreprise de favoriser
ce dialogue étudiants-ouvriers. Les
rapports furent de plus en plus faci-
les, particulièrement avec les jeunes,
syndiqués ou non. Quant à nous, nous
discutions en tant que militants syn-
dicaux et non pas en tant que mili-
tants politiques.
partir du moment où celle-ci fut occu-
pée. Les premiers jours furent ceux
d'une information réciproque. Des
contacts se nouaient avec des délé-
gués syndicaux CFDT qui essayèrent
au sein de l'entreprise de favoriser
ce dialogue étudiants-ouvriers. Les
rapports furent de plus en plus faci-
les, particulièrement avec les jeunes,
syndiqués ou non. Quant à nous, nous
discutions en tant que militants syn-
dicaux et non pas en tant que mili-
tants politiques.
Au fur et à mesure que la grève
se politise, après le refus très net
des accords de Grenelle, l'on passa
d'une simple information réciproque à
la discussion de revendications qui
pouvaient nous être communes. Les
ouvriers furent invités à venir aux réu-
nions de la commission luttes ouvriè-
res, luttes étudiantes de Sciences Pô.
se politise, après le refus très net
des accords de Grenelle, l'on passa
d'une simple information réciproque à
la discussion de revendications qui
pouvaient nous être communes. Les
ouvriers furent invités à venir aux réu-
nions de la commission luttes ouvriè-
res, luttes étudiantes de Sciences Pô.
Que retirer de ces contacts ? Ce
qui domine, sans aucun doute, est une
plus grande compréhension. Pour
beaucoup d'entre nous, ce fut la dé-
couverte des problèmes réels des
ouvriers au niveau de l'entreprise : la
différence entre les horaires et les
mensuels, le travail au temps, la hié-
rarchie interne, les problèmes syndi-
caux. Ce fut aussi la découverte d'une
psychologie différente : plus prudente,
mais aussi ferme (la violence dans les
rues n'étant guère appréciée). L'au-
tre leçon — bien sûr complémentaire
— est la nécessité d'une solidarité
étudiants-travailleurs, elle est vigou-
reusement souhaitée par ceux-ci.
Nous espérons que l'appui du mou-
vement étudiant au mouvement ou-
vrier et la convergence de leurs buts
accéléreront le processus révolution-
naire aujourd'hui engagé.
qui domine, sans aucun doute, est une
plus grande compréhension. Pour
beaucoup d'entre nous, ce fut la dé-
couverte des problèmes réels des
ouvriers au niveau de l'entreprise : la
différence entre les horaires et les
mensuels, le travail au temps, la hié-
rarchie interne, les problèmes syndi-
caux. Ce fut aussi la découverte d'une
psychologie différente : plus prudente,
mais aussi ferme (la violence dans les
rues n'étant guère appréciée). L'au-
tre leçon — bien sûr complémentaire
— est la nécessité d'une solidarité
étudiants-travailleurs, elle est vigou-
reusement souhaitée par ceux-ci.
Nous espérons que l'appui du mou-
vement étudiant au mouvement ou-
vrier et la convergence de leurs buts
accéléreront le processus révolution-
naire aujourd'hui engagé.
Les cent mille
de la J.O.C.
de la J.O.C.
Dans 25 villes, la Jeunesse Ouvrière
catholique a rassemblé dimanche 9
juin plus de 100.000 jeunes. Au cours
d'une conférence de presse tenue
jeudi à Paris, Mlle £nne-Marie Chris-
tophe et M. Jacques Dusaffoug, pré-
sidents de la JOCF et de la JOC, ont
catholique a rassemblé dimanche 9
juin plus de 100.000 jeunes. Au cours
d'une conférence de presse tenue
jeudi à Paris, Mlle £nne-Marie Chris-
tophe et M. Jacques Dusaffoug, pré-
sidents de la JOCF et de la JOC, ont
dénoncé la société de consommation,
le manque de participation à la vie so-
ciale et civique, le manque d'informa-
tions objectives : « nous ressentons
l'attitude et les paroles du chef de
l'Etat, ces dernières semaines, comme
un mépris des aspirations du inonde
ouvrier, de sa lutte pour les réaliser
et des organisations qu'il s'est don-
nées. Dans ce sens également, nous
estimons scandaleux que le droit de
vote soit refusé à plusieurs Centaines
de milliers de jeunes ayant pourtant
l'âge légal.
le manque de participation à la vie so-
ciale et civique, le manque d'informa-
tions objectives : « nous ressentons
l'attitude et les paroles du chef de
l'Etat, ces dernières semaines, comme
un mépris des aspirations du inonde
ouvrier, de sa lutte pour les réaliser
et des organisations qu'il s'est don-
nées. Dans ce sens également, nous
estimons scandaleux que le droit de
vote soit refusé à plusieurs Centaines
de milliers de jeunes ayant pourtant
l'âge légal.
Voilà la dernière en date des for-
mes de « violence » subies depuis
des années. En effet, la violence de
ces dernières semaines n'était finale-
ment qu'une conséquence des violen-
ces subies quotidiennement depuis
longtemps. »
mes de « violence » subies depuis
des années. En effet, la violence de
ces dernières semaines n'était finale-
ment qu'une conséquence des violen-
ces subies quotidiennement depuis
longtemps. »
R.A.T.P. : l'expérience
d'un échec
d'un échec
Au dépôt Lebrun de la R.A.T.P.,
les poings se serraient en cette soi-
rée du 4 juin : les syndicats avaient
donné l'ordre de reprendre le tra-
vail.. « Avoir fait vingt jours de
grève pour des clopinettes ! » « Dix
millions qu'on était!» «Les reven-
dications essentielles n'ont pas été
satisfaites. Et d'ailleurs, même si on
avait obtenu ce qu'on demandait,
on aurait dû continuer, par solida-
rité... » Des propos très durs fusent
de partout. Comme aux P.T.T. de
l'avenue d'Italie, on va jusqu'à dé-
chirer sa carte C.G.T. Plus que le
sentiment d'avoir été dupé, ce sont
certains procédés qui ont enflammé
les esprits : pour faire reprendre le
travail aux divers dépôts, des délé-
gués de la direction syndicale
avaient en effet assuré aux employés
que les autres dépôts reprenaient —
information qui finit par devenir
rapidement exacte... Furieux, des
membres du piquet de grève de la
rue Lebrun étaient allés à la Bourse
du Travail : pour toute réponse, ils
en avaient été expulsés manu mili-
tari... « Déchirer sa carte ne sert à
rien ». affirment les plus conscient^.
« Après tout, le svndicat est notre
seule force.
les poings se serraient en cette soi-
rée du 4 juin : les syndicats avaient
donné l'ordre de reprendre le tra-
vail.. « Avoir fait vingt jours de
grève pour des clopinettes ! » « Dix
millions qu'on était!» «Les reven-
dications essentielles n'ont pas été
satisfaites. Et d'ailleurs, même si on
avait obtenu ce qu'on demandait,
on aurait dû continuer, par solida-
rité... » Des propos très durs fusent
de partout. Comme aux P.T.T. de
l'avenue d'Italie, on va jusqu'à dé-
chirer sa carte C.G.T. Plus que le
sentiment d'avoir été dupé, ce sont
certains procédés qui ont enflammé
les esprits : pour faire reprendre le
travail aux divers dépôts, des délé-
gués de la direction syndicale
avaient en effet assuré aux employés
que les autres dépôts reprenaient —
information qui finit par devenir
rapidement exacte... Furieux, des
membres du piquet de grève de la
rue Lebrun étaient allés à la Bourse
du Travail : pour toute réponse, ils
en avaient été expulsés manu mili-
tari... « Déchirer sa carte ne sert à
rien ». affirment les plus conscient^.
« Après tout, le svndicat est notre
seule force.
C'est l'opinion générale. A 90 c/c,
on vote la poursuite de la grève. On
cite en exemple des ouvrières de cer-
taines entreprises : les femmes se-
raient-elles plus combatives que les
hommes ? La décision est prise de
faire tirer un tract à la faculté Cen-
sier, toute proche, appelant la popu-
lation à soutenir le piquet de grève
le lendemain matin. Les contacts
avec les étudiants sont excellents de-
puis le début; leur courage face aux
C.R.S. est continuellement cité en
exemple : « Ce sont eux qui nous
ont réveillés ! Depuis dix ans, on
dormait... » Les moins jeunes des
grévistes ne sont pas les moins réso-
lus. « J'ai quatre gosses, affirme l'un
d'eux, et je suis prêt à me bagarrer
jusqu'au bout. » « Ce qui nous af-
faiblit, ajoute un autre, c'est qu'il
n'existe pas de contact entre les dé-
pôts. Nous restons dans notre coin,
complètement isolés. Même ici, on
ne se connaissait pas entre nous,
avant la grève. » Après vingt jours
de lutte, ils ont redécouvert quelques
vérités oubliées : le prolétariat n'est
pas un agrégat d'individus ; la force
d'un ouvrier, c'est sa conscience col-
lective ; le vote à bulletins secrets,
parce qu'il place chaque ouvrier en
face de sa conscience individuelle,
constitue — au même titre que d'au-
tres élections — l'arme la plus hy-
pocrite et démagogique utilisée par
la bourgeoisie pour conserver ses
privilèges.
on vote la poursuite de la grève. On
cite en exemple des ouvrières de cer-
taines entreprises : les femmes se-
raient-elles plus combatives que les
hommes ? La décision est prise de
faire tirer un tract à la faculté Cen-
sier, toute proche, appelant la popu-
lation à soutenir le piquet de grève
le lendemain matin. Les contacts
avec les étudiants sont excellents de-
puis le début; leur courage face aux
C.R.S. est continuellement cité en
exemple : « Ce sont eux qui nous
ont réveillés ! Depuis dix ans, on
dormait... » Les moins jeunes des
grévistes ne sont pas les moins réso-
lus. « J'ai quatre gosses, affirme l'un
d'eux, et je suis prêt à me bagarrer
jusqu'au bout. » « Ce qui nous af-
faiblit, ajoute un autre, c'est qu'il
n'existe pas de contact entre les dé-
pôts. Nous restons dans notre coin,
complètement isolés. Même ici, on
ne se connaissait pas entre nous,
avant la grève. » Après vingt jours
de lutte, ils ont redécouvert quelques
vérités oubliées : le prolétariat n'est
pas un agrégat d'individus ; la force
d'un ouvrier, c'est sa conscience col-
lective ; le vote à bulletins secrets,
parce qu'il place chaque ouvrier en
face de sa conscience individuelle,
constitue — au même titre que d'au-
tres élections — l'arme la plus hy-
pocrite et démagogique utilisée par
la bourgeoisie pour conserver ses
privilèges.
TRIBUNE SOCIALISTE
Abonnements
6 mois ............ 18 F
1 an .............. 35 F
Soutien à partir de 70 F
54, boulevard Garibaldi - Paris (15e)
C.C.P. Paris 58.26.65
C.C.P. Paris 58.26.65
13 juin 1968
SPÉCIAL MAI 68
page 15
De- on/e heure- du soir, de- étu-
diant- de C,Mi-ier et de- militants
ilu comité d'action du XIII distri-
Imeni de- tract- an carrefour de-
Cobelins. appelant à un ra--emble-
iilent de\ant le1 dépôt, le lendemain
à .î heure- du mutin. But : non pa-
- empêcher la -ortie de- autobus .
comme I'LI prétendu un quolidien.
mai- expliquer la -ituation aux ein-
plovc- (pii viendront, afin qu il- d< -
cideni en coiinai->ance d,- cause i,e
la reprise du travail ou de la conti-
nuation de la grève.
diant- de C,Mi-ier et de- militants
ilu comité d'action du XIII distri-
Imeni de- tract- an carrefour de-
Cobelins. appelant à un ra--emble-
iilent de\ant le1 dépôt, le lendemain
à .î heure- du mutin. But : non pa-
- empêcher la -ortie de- autobus .
comme I'LI prétendu un quolidien.
mai- expliquer la -ituation aux ein-
plovc- (pii viendront, afin qu il- d< -
cideni en coiinai->ance d,- cause i,e
la reprise du travail ou de la conti-
nuation de la grève.
Deux cent- per-onnc- vont être
présente:- au rendez-v ou-. Klle- ne
-eront pa- -cilles à -e déplacer : :i
I 11 ->0. ein<| grand- car- de police
arrivent, l.a rue e-t bloquée pur
deux cordon- de liardit'ii- de la paix,
relaye- deux heure- plu- tard par
de- gendarme,- mobile-. fu>il en ban-
doulière. Au sommet du portail et
du mur. le- gréviste- -ont assemblé»,
l'oing- levé-. OHM iers et étudiant-
entonnent rinti'riidtionii't' et tu
Ji'iinc (Janli'. L'atuio-phère e-t ilé-
îfndiie. Des conversation- s'engagent
entre étudiant- et policier- : dialo-
gue- de sourds entrecoupés de plai-
santeries, l ne per-onnc déploie
l'Humanité ei le montre aux grévis-
tes, l n concert de huées éclate à
la vue de la manchette : « REPRISE
VICTORIEUSE F)! TRAVAIL »...
présente:- au rendez-v ou-. Klle- ne
-eront pa- -cilles à -e déplacer : :i
I 11 ->0. ein<| grand- car- de police
arrivent, l.a rue e-t bloquée pur
deux cordon- de liardit'ii- de la paix,
relaye- deux heure- plu- tard par
de- gendarme,- mobile-. fu>il en ban-
doulière. Au sommet du portail et
du mur. le- gréviste- -ont assemblé»,
l'oing- levé-. OHM iers et étudiant-
entonnent rinti'riidtionii't' et tu
Ji'iinc (Janli'. L'atuio-phère e-t ilé-
îfndiie. Des conversation- s'engagent
entre étudiant- et policier- : dialo-
gue- de sourds entrecoupés de plai-
santeries, l ne per-onnc déploie
l'Humanité ei le montre aux grévis-
tes, l n concert de huées éclate à
la vue de la manchette : « REPRISE
VICTORIEUSE F)! TRAVAIL »...
Après deux heures d'attente, un
membre du piquet de grève prend
la parole. Il explique aux employés
venus travailler que. le- revendica-
tions essentielles n'ayant pas été ob-
tenues, la grève «loi! continuer. On
p<i.--e au vote : l'unanimité est pour
la grève. >.< Qu.j ceux qui ne -ont pas
d'accord viennent ici s'expliquer ! »
Personne ne se pré-eiite. « Nous
Minimes une majorité agissante ! »
- écrie l'orateur sous les acclama-
tions, l.a partie paraît gagnée. Tout
-era renii- en cause quelque- heures
après, a l'intérieur du dépôt, urâce
;; 1 habileté d'un représentant exté-
rieur de la C..G.T. : la plupart de
ceux qui avaient voté la continua-
tion de la lutte resteront muets de-
vant -es déclarations. La journée du
;j juin sera lourde à supporter pour
les grévistes les plus déterminés.
Rage rentrée, larmes aux yeux.
« Après dix an- de sommeil, les g.'ns
ne savent plus se battre! » « Quand
en pense qu'on a fait venir les étu-
diants pour rien! » « Ce n'est que
partie remise, répètent les moins
découragés : la prochaine fois, on
sait ce qu'il faut faire. Et ce ne sera
pas dans bien longtemps. »
membre du piquet de grève prend
la parole. Il explique aux employés
venus travailler que. le- revendica-
tions essentielles n'ayant pas été ob-
tenues, la grève «loi! continuer. On
p<i.--e au vote : l'unanimité est pour
la grève. >.< Qu.j ceux qui ne -ont pas
d'accord viennent ici s'expliquer ! »
Personne ne se pré-eiite. « Nous
Minimes une majorité agissante ! »
- écrie l'orateur sous les acclama-
tions, l.a partie paraît gagnée. Tout
-era renii- en cause quelque- heures
après, a l'intérieur du dépôt, urâce
;; 1 habileté d'un représentant exté-
rieur de la C..G.T. : la plupart de
ceux qui avaient voté la continua-
tion de la lutte resteront muets de-
vant -es déclarations. La journée du
;j juin sera lourde à supporter pour
les grévistes les plus déterminés.
Rage rentrée, larmes aux yeux.
« Après dix an- de sommeil, les g.'ns
ne savent plus se battre! » « Quand
en pense qu'on a fait venir les étu-
diants pour rien! » « Ce n'est que
partie remise, répètent les moins
découragés : la prochaine fois, on
sait ce qu'il faut faire. Et ce ne sera
pas dans bien longtemps. »
Henri ROSENGART.
Levallois :
au jour le jour
Ils étaient une dizaine qui, voici
qu.-'Ique» moi-, décidèrent de monter
une section syndicale C.F.D.T. dan-
leur usine. Ils sont un peu partis à
l'aventure à cause de leur manque
d expérience. Cn a bien réussi à or-
ganiser des élections de délégués et
qu.-'Ique» moi-, décidèrent de monter
une section syndicale C.F.D.T. dan-
leur usine. Ils sont un peu partis à
l'aventure à cause de leur manque
d expérience. Cn a bien réussi à or-
ganiser des élections de délégués et
dans cette maison qui n'a jamais
connu le syndicalisme c'était déjà un
exploit.
connu le syndicalisme c'était déjà un
exploit.
De dix qu'ils étaient, il- sont de-
venus quinze .'t s'apprêtaient à ron-
ronner dan.- le train-train habituel
des sections syndicales dVntrepri-c.
Et voilà qu'au matin du 20 mai ils
se retrouvent à l'entrée de l'usine et
décident la grève. Ils condamnent
l'entrée aux 300 travailleurs. Une
nouvelle aventure commence.
venus quinze .'t s'apprêtaient à ron-
ronner dan.- le train-train habituel
des sections syndicales dVntrepri-c.
Et voilà qu'au matin du 20 mai ils
se retrouvent à l'entrée de l'usine et
décident la grève. Ils condamnent
l'entrée aux 300 travailleurs. Une
nouvelle aventure commence.
Il ne -uffit pas de décréter une
grève, il faut savoir la porter. C'est
ce qu'il- vont apprendre au jour le
jour. De- la deuxième journée, tout
-e nble perdu : « Les cadre- rou-pè-
ient. il- disent qu'ils vont faire re-
prendre le travail malgré le syndi-
cat. On H* pourra pas leur tenir
tête, y Finalement, les grévistes con-
v iqueiit le personnel afin qu'il se
prononce sur la grève. Sur les 200
qui viennent. 1.0 se prononcent pour
la grève. Alors on -"organise, on crée
un comité de grève, l'assemblée des
gn visle- dresse la liste des revend i-
i allons, on remet en route la can-
ime. or, installe un dortoir pour le
,>iquet de nuit, on organise les loisirs
pour la journée. « Maintenant, nous
pouvons tenir autant qu'il le faut.
\oii- nous battrons jusqu'au bout. »
On assi-le à la naissance de la C.G.T.
et de F.O.
grève, il faut savoir la porter. C'est
ce qu'il- vont apprendre au jour le
jour. De- la deuxième journée, tout
-e nble perdu : « Les cadre- rou-pè-
ient. il- disent qu'ils vont faire re-
prendre le travail malgré le syndi-
cat. On H* pourra pas leur tenir
tête, y Finalement, les grévistes con-
v iqueiit le personnel afin qu'il se
prononce sur la grève. Sur les 200
qui viennent. 1.0 se prononcent pour
la grève. Alors on -"organise, on crée
un comité de grève, l'assemblée des
gn visle- dresse la liste des revend i-
i allons, on remet en route la can-
ime. or, installe un dortoir pour le
,>iquet de nuit, on organise les loisirs
pour la journée. « Maintenant, nous
pouvons tenir autant qu'il le faut.
\oii- nous battrons jusqu'au bout. »
On assi-le à la naissance de la C.G.T.
et de F.O.
Le- travailleurs se sont posé un
inouï! i t la question dp savoir s'ils
enfermaient leur patron. Finalement,
ils le laissent entrer et sortir de
l'usine librement. Et même le con-
cierge ne le salue plus. Au bout de
quelques jours, il comprendra qu'il
ne doit plus venir mais il décla-
rera : « Leur détermination et leur
organisation m'ont stupéfié. Je n'au-
rais jamais cru qu'ils puissent si
bien mener leur affaire. »
inouï! i t la question dp savoir s'ils
enfermaient leur patron. Finalement,
ils le laissent entrer et sortir de
l'usine librement. Et même le con-
cierge ne le salue plus. Au bout de
quelques jours, il comprendra qu'il
ne doit plus venir mais il décla-
rera : « Leur détermination et leur
organisation m'ont stupéfié. Je n'au-
rais jamais cru qu'ils puissent si
bien mener leur affaire. »
Kt les grévistes rie répondre : « Ici.
; e n e-t pas la mauvaise boîte ; mais
le patron ne s'est jamais aperçu que
-on paternalisme, nous le refusons.
Je crois (pie maintenant il a com-
piis. 11 va être obligé de discuter
i'vee les délégués. Quoi qu'il arrive.
; e n e-t pas la mauvaise boîte ; mais
le patron ne s'est jamais aperçu que
-on paternalisme, nous le refusons.
Je crois (pie maintenant il a com-
piis. 11 va être obligé de discuter
i'vee les délégués. Quoi qu'il arrive.
ça ne sera jamais plus pomme
avant. »
avant. »
Le responsable -yndical est bien
entendu fort satisfait de la tournure
de- événements : « C'est le syndicat
qui e-i responsable du départ de la
grève, la section syndicale. Je crois
que si nous avions trop réfléchi, nous
n'.'urions pas lancé les copains dans
< ''.te entreprise. Nous aurions eu
toit. Nous avons été trop timides. La
majorité des travailleurs sont dispo-
>; - à se battre, c'est à nous, syndi-
calistes, de leur offrir un combat
qri en vaille la peine. »
entendu fort satisfait de la tournure
de- événements : « C'est le syndicat
qui e-i responsable du départ de la
grève, la section syndicale. Je crois
que si nous avions trop réfléchi, nous
n'.'urions pas lancé les copains dans
< ''.te entreprise. Nous aurions eu
toit. Nous avons été trop timides. La
majorité des travailleurs sont dispo-
>; - à se battre, c'est à nous, syndi-
calistes, de leur offrir un combat
qri en vaille la peine. »
Après les accords de Grenelle, les
travailleurs déclarent : « On ne s'est
pas battus pour obtenir si peu. Que
le patron fa-se un effort pour se
• saign.T >•> autant que nous. D'ail-
leur-. il n'a encore pas accepté de
recevoir no.- délégué-.» En effet, ce
n'est qu'une semaine plus tard que
les discus-ions avec la direction
co.nmenceront. Et l'un des grévistes
en ré-urne bien L* climat : « Ils ne
comprennent rien. Ils ne parlent que
du Marché commun, de la conjonc-
ture économique. Mais rna conjonc-
ture économique à moi. si on s'en
était soucié avant, personne n'en se-
rait là. >y
travailleurs déclarent : « On ne s'est
pas battus pour obtenir si peu. Que
le patron fa-se un effort pour se
• saign.T >•> autant que nous. D'ail-
leur-. il n'a encore pas accepté de
recevoir no.- délégué-.» En effet, ce
n'est qu'une semaine plus tard que
les discus-ions avec la direction
co.nmenceront. Et l'un des grévistes
en ré-urne bien L* climat : « Ils ne
comprennent rien. Ils ne parlent que
du Marché commun, de la conjonc-
ture économique. Mais rna conjonc-
ture économique à moi. si on s'en
était soucié avant, personne n'en se-
rait là. >y
Maintenant que les transports
fonctionnent et que les non-grévistes
peuvent revenir devant l'usine, les
grévi-tes sont barricadés à l'intérieur.
Sur la porte, vendredi matin 7 juin,
ils avaient inscrit : « La grève conti-
nue, elle ne profitera qu'à vous.
Nous, nous devrons nous battre pour
autre chose. »
fonctionnent et que les non-grévistes
peuvent revenir devant l'usine, les
grévi-tes sont barricadés à l'intérieur.
Sur la porte, vendredi matin 7 juin,
ils avaient inscrit : « La grève conti-
nue, elle ne profitera qu'à vous.
Nous, nous devrons nous battre pour
autre chose. »
Jacques FERLUS.
Cléon :
Tout y a commencé
Cléon, c'est une imniens usine pres-
que neuve mais aux couleurs déjà
un peu délavées, au milieu d'une fo-
rêt sablonneuse, dans une boucle de
la Seine, dans un endroit encore dé-
que neuve mais aux couleurs déjà
un peu délavées, au milieu d'une fo-
rêt sablonneuse, dans une boucle de
la Seine, dans un endroit encore dé-
sert il v a dix ans. A quelques cen-
taines de mètres, c'est l'ancien villa-
ge de Cléon qui ne comptait que 800
habitants en 1954.
taines de mètres, c'est l'ancien villa-
ge de Cléon qui ne comptait que 800
habitants en 1954.
A 4 km Elbeuf. autrefois la ville
de la laine, en pleine crise, où depuis
la guerre plusieurs dizaines d'usines
avaient fermé. Elbeuf. vieille cité du
textile, n'a aucune tradition métal-
lurgique et ne passe pas pour une
ville élcctoralement très à gauche.
de la laine, en pleine crise, où depuis
la guerre plusieurs dizaines d'usines
avaient fermé. Elbeuf. vieille cité du
textile, n'a aucune tradition métal-
lurgique et ne passe pas pour une
ville élcctoralement très à gauche.
La R.N.l .R. en implantant à Cléon
une usine nouvelle a attiré une gran-
de partie de- travailleurs d'Elbeuf et
de sa banlieue iSt-Pierre. Caudelec.
St-Aubin-lès-Elbeuf ). L'entreprise
occupe actuellement environ 5.000
salariés. Elle fabrique toutes les boî-
tes à vite.—es des véhicules de la ré-
gie et. entre autres, les moteurs des
H! 16.
une usine nouvelle a attiré une gran-
de partie de- travailleurs d'Elbeuf et
de sa banlieue iSt-Pierre. Caudelec.
St-Aubin-lès-Elbeuf ). L'entreprise
occupe actuellement environ 5.000
salariés. Elle fabrique toutes les boî-
tes à vite.—es des véhicules de la ré-
gie et. entre autres, les moteurs des
H! 16.
A Cléon. la grève du 13 mai n'avait
que très modérément marché. Mais
C.G.f. et C.F.D.T. avaient prévu de-
puis plusieurs jours un débrayage
d'une heure de chacune des équipes,
dans le cadre de la journée interpro-
fessionnelle du 15 mai. contre la ra-
tification des ordonnances. Mercredi,
l'équipe du matin, commence le dé-
brayage à 9 heures jusqu'à 10 h 30
Iphis de 60 c"( ). A 13 h 30 la direction
fait une concession : elle annonce
qu'il n'y aurait pas de minoration
sur la prime de vacances (qui est
aussi une prime anti-grèves! pour
ceux qui avaient débrayé le 13 mai.
Ce premier succès montrant la crain-
te patronale encourage l'équipe de
l'après-midi qui débraye à 15 heures
à la quasi unanimité (95 °ï: ). La di-
rection refuse de négocier, les tra-
vailleurs spontanément décident de
ne pas reprendre le travail ; les jeu-
nes font preuve d'une combativité
particulièrement forte.
que très modérément marché. Mais
C.G.f. et C.F.D.T. avaient prévu de-
puis plusieurs jours un débrayage
d'une heure de chacune des équipes,
dans le cadre de la journée interpro-
fessionnelle du 15 mai. contre la ra-
tification des ordonnances. Mercredi,
l'équipe du matin, commence le dé-
brayage à 9 heures jusqu'à 10 h 30
Iphis de 60 c"( ). A 13 h 30 la direction
fait une concession : elle annonce
qu'il n'y aurait pas de minoration
sur la prime de vacances (qui est
aussi une prime anti-grèves! pour
ceux qui avaient débrayé le 13 mai.
Ce premier succès montrant la crain-
te patronale encourage l'équipe de
l'après-midi qui débraye à 15 heures
à la quasi unanimité (95 °ï: ). La di-
rection refuse de négocier, les tra-
vailleurs spontanément décident de
ne pas reprendre le travail ; les jeu-
nes font preuve d'une combativité
particulièrement forte.
A la fin de l'après-midi, l'usine est
occupée, des piquets de grèves mis
en place et le directeur bloqué dans
-on bureau, avec quelques cadres su-
périeurs. Ils devaient y rester jusqu'à
samedi, ravitaillés par les grévistes
en casse-croûtes et en canettes de
bière !
occupée, des piquets de grèves mis
en place et le directeur bloqué dans
-on bureau, avec quelques cadres su-
périeurs. Ils devaient y rester jusqu'à
samedi, ravitaillés par les grévistes
en casse-croûtes et en canettes de
bière !
Les revendications essentielles
sont :
sont :
— Pas de salaires en-dessous de
100.000 AF par mois :
100.000 AF par mois :
— réduction du temps de travail
sans diminution de salaire :
sans diminution de salaire :
— Extension des libertés syndica-
les dans l'entreprise ;
les dans l'entreprise ;
— transformation des contrats
provisoires de 3 et 6 mois en contrats
définitifs.
provisoires de 3 et 6 mois en contrats
définitifs.
A Cléon, en effet, où travaillent
environ 400 travailleurs immigrés, la
R.N.U.R. a pris l'habitude, suivant
les à-coups de la conjoncture, d'utili-
ser des travailleurs pendant les pé-
riodes de pointe et de les laisser tom-
ber quand la production est en bais-
se. D'où l'importance de cette derniè-
re revendication qui concerne plus
de 700 ouvriers.
environ 400 travailleurs immigrés, la
R.N.U.R. a pris l'habitude, suivant
les à-coups de la conjoncture, d'utili-
ser des travailleurs pendant les pé-
riodes de pointe et de les laisser tom-
ber quand la production est en bais-
se. D'où l'importance de cette derniè-
re revendication qui concerne plus
de 700 ouvriers.
Un comité de grève, animé par les
militants de la C.F.D.T. et de la
C.G.T. est élu et organise l'occupation
de la grève pendant la nuit et la
matinée de jeudi. L'équipe du matin
militants de la C.F.D.T. et de la
C.G.T. est élu et organise l'occupation
de la grève pendant la nuit et la
matinée de jeudi. L'équipe du matin
page 16
SPÉCIAL MAI 68
tribune socialiste
et de la normale relevée de quart du
soir, passent la nuit dans les loeaux.
soir, passent la nuit dans les loeaux.
Jeudi dans l'après-midi, Robert
Dubreuil, secrétaire fédéral du P.S.U.
vient devant l'usine, apporter aux
travailleurs en luttede salut fraternel
de notre parti.
Dubreuil, secrétaire fédéral du P.S.U.
vient devant l'usine, apporter aux
travailleurs en luttede salut fraternel
de notre parti.
Dans la journée, des mouvements
de soutien naissent dans les autres
usines de la région. Le soir, Flin,
Sandouville (près du Havre), Le
Mans et Billancourt sont occupés. A
Elbeuf, la CIPEL, Rhône-Poulenc et
Kléber-Colombes se sont mis en grève
dès jeudi soir ; l'A.M.C.A. et l'usine
lainière Blin et Blin suivent. Samedi
Elbeuf est devenu l'avant-garde d'un
des plus grands mouvements de grè-
ve de l'histoire de France. Q
de soutien naissent dans les autres
usines de la région. Le soir, Flin,
Sandouville (près du Havre), Le
Mans et Billancourt sont occupés. A
Elbeuf, la CIPEL, Rhône-Poulenc et
Kléber-Colombes se sont mis en grève
dès jeudi soir ; l'A.M.C.A. et l'usine
lainière Blin et Blin suivent. Samedi
Elbeuf est devenu l'avant-garde d'un
des plus grands mouvements de grè-
ve de l'histoire de France. Q
De notre correspondant particulier.
Un gréviste
du tri postal
du tri postal
Au centre de tri postal Maine
Montparnasse, la grève a démarré le
vendredi 17 mai, vers 18 h 30. Elle
s'est terminée au soir du 6 juin, sur
un vote qui a donné 75 voix contre
et 210 voix pour la reprise du travail.
Un militant C.G.T. raconte comment
il a vécu cette grève.
Montparnasse, la grève a démarré le
vendredi 17 mai, vers 18 h 30. Elle
s'est terminée au soir du 6 juin, sur
un vote qui a donné 75 voix contre
et 210 voix pour la reprise du travail.
Un militant C.G.T. raconte comment
il a vécu cette grève.
« Le 17 mai, arrivant au travail
(équipe de nuit), nous avons appris
que les cheminots de Montparnasse
étaient en grève. Nous n'avons même
pas eu besoin de voter pour décider
d'en faire autant, dans l'enthousias-
me. Il est vrai que l'équipe de nuit
est composée d'une majorité de jeu-
nes. Ce premier soir, nous n'avons
même pas songé à occuper les lo-
caux, faute d'xpérience. Et le lende-
main, quelques employés de jour ont
voulu rentrer. Il a fallu les convain-
cre. Nous avons alors compris qu'il
fallait occuper les locaux et les bou-
cler par un piquet de grève. Nous
n'avons laissé rentrer que le chef de
centre et bien nous en a pris. En
effet, des ingénieurs à qui nous
avions refusé l'entrée ont appelé
plusieurs fois la police. A chaque
fois, le chef de centre est sorti ex-
pliquer aux policiers qu'il n'avait
pas besoin d'eux et que le piquet de
grève assurait la sécurité du centre
de tri !
(équipe de nuit), nous avons appris
que les cheminots de Montparnasse
étaient en grève. Nous n'avons même
pas eu besoin de voter pour décider
d'en faire autant, dans l'enthousias-
me. Il est vrai que l'équipe de nuit
est composée d'une majorité de jeu-
nes. Ce premier soir, nous n'avons
même pas songé à occuper les lo-
caux, faute d'xpérience. Et le lende-
main, quelques employés de jour ont
voulu rentrer. Il a fallu les convain-
cre. Nous avons alors compris qu'il
fallait occuper les locaux et les bou-
cler par un piquet de grève. Nous
n'avons laissé rentrer que le chef de
centre et bien nous en a pris. En
effet, des ingénieurs à qui nous
avions refusé l'entrée ont appelé
plusieurs fois la police. A chaque
fois, le chef de centre est sorti ex-
pliquer aux policiers qu'il n'avait
pas besoin d'eux et que le piquet de
grève assurait la sécurité du centre
de tri !
« Au départ, notre grève était pu-
rement revendicative. Elle réclamait
une hausse des salaires et des primes,
l'échelle mobile, l'abrogation des or-
donnances et la reconnaissance d'une
complète librté syndicale. Elle visait
aussi des revendications plus parti-
culières. Depuis un an et demi que
nous travaillons ici, nous n'avons pas
encore de douches, ni de cantine.
Avant même l'explosion du mouve-
ment, nous projetions de faire une
grève de 24 ou 48 heures, aux alen-
tours du 20 mai, pour ces revendica-
tions spécifiques.
rement revendicative. Elle réclamait
une hausse des salaires et des primes,
l'échelle mobile, l'abrogation des or-
donnances et la reconnaissance d'une
complète librté syndicale. Elle visait
aussi des revendications plus parti-
culières. Depuis un an et demi que
nous travaillons ici, nous n'avons pas
encore de douches, ni de cantine.
Avant même l'explosion du mouve-
ment, nous projetions de faire une
grève de 24 ou 48 heures, aux alen-
tours du 20 mai, pour ces revendica-
tions spécifiques.
« En cours de grève, une partie
des jeunes se sont sensibilisés aux
revendications de cogestion ou d'au-
des jeunes se sont sensibilisés aux
revendications de cogestion ou d'au-
togestion. Mais il faut bien dire que
la grande masse n'a pas suivi. Il est
clair chez nous que ce sont les jeunes
qui se politisent, tandis que les gens
d'un certain âge, peut-être parce
qu'ils ont été écœurés par la IVe et
la Ve, ne veulent plus entendre par-
ler de politique.
la grande masse n'a pas suivi. Il est
clair chez nous que ce sont les jeunes
qui se politisent, tandis que les gens
d'un certain âge, peut-être parce
qu'ils ont été écœurés par la IVe et
la Ve, ne veulent plus entendre par-
ler de politique.
« Pour les jeunes, la grève a été
l'occasion d'un contact avec les étu-
diants, et aussi avec les cadres du co-
mité d'action Maine Montparnasse.
Moi-même, je suis allé plusieurs fois
voir les étudiants : le soir du 13 mai
au Champ de Mars, le 24 sur les bar-
ricades, et récemment à Censicr. Au
retour j'ai raconté à mes camarades.
A l'égard des étudiants, il est cer-
tain que nous avons ressenti une im-
mense sympathie au lendemain des
barricades ; ensuite, la méfiance a
repris le dessus, parce qu'ils appar-
tiennent à la classe bourgeoise, qu'on
les juge anarchisants, qu'ils n'ont pas
de programme, et qu'on ne sait pas
bien ce qu'ils veulent. Tels sont les
griefs que j*ai entendu le plus sou-
vent. Même réserve à l'égard des ca-
dre? qui habitent Maine Montpar-
nasse. Lorsqu'ils sont venus nous,voir,
les organisations syndicales ont dres-
sé un barrage et les ont accueilli avec
froideur. Cela nous a choqué et, peu
à peu, nous avons obtenu de les faire
entrer dans le local, de les faire ve-
nir à la buvette. Nous avons eu avec
eux de nombreuses discussions, et
nous avons été agréablement surpris
de constater qu'ils étaient vraiment
avec nous.
l'occasion d'un contact avec les étu-
diants, et aussi avec les cadres du co-
mité d'action Maine Montparnasse.
Moi-même, je suis allé plusieurs fois
voir les étudiants : le soir du 13 mai
au Champ de Mars, le 24 sur les bar-
ricades, et récemment à Censicr. Au
retour j'ai raconté à mes camarades.
A l'égard des étudiants, il est cer-
tain que nous avons ressenti une im-
mense sympathie au lendemain des
barricades ; ensuite, la méfiance a
repris le dessus, parce qu'ils appar-
tiennent à la classe bourgeoise, qu'on
les juge anarchisants, qu'ils n'ont pas
de programme, et qu'on ne sait pas
bien ce qu'ils veulent. Tels sont les
griefs que j*ai entendu le plus sou-
vent. Même réserve à l'égard des ca-
dre? qui habitent Maine Montpar-
nasse. Lorsqu'ils sont venus nous,voir,
les organisations syndicales ont dres-
sé un barrage et les ont accueilli avec
froideur. Cela nous a choqué et, peu
à peu, nous avons obtenu de les faire
entrer dans le local, de les faire ve-
nir à la buvette. Nous avons eu avec
eux de nombreuses discussions, et
nous avons été agréablement surpris
de constater qu'ils étaient vraiment
avec nous.
« Puis, le mercredi 6 juin, les di-
rigeants syndicaux nous ont fait vo-
ter la reprise du travail. Ils ont tout
fait pour influencer le vote. D'abord,
ils ont lu la liste des bureaux qui
avaient repris le travail (une liste de
petits bureaux sans importance, et
qui, de toute manière, ne pouvaient
travailler vraiment si nous restions
en grève). Ils se sont bien gardés de
lire l'a liste des bureaux qui n'avaient
pas repris ! Ensuite, ils ont refusé
le vote à mains levées. Nous avons
refusé le vote à bulletin secret. Demi-
mesure : les délégués se sont instal-
lés derrière deux listes (les pour et
les contre la reprise) sur lesquelles
on venait inscrire son nom. Les pre-
mières à s'inscrire étaient pour la
reprise : la majorité a suivi.
rigeants syndicaux nous ont fait vo-
ter la reprise du travail. Ils ont tout
fait pour influencer le vote. D'abord,
ils ont lu la liste des bureaux qui
avaient repris le travail (une liste de
petits bureaux sans importance, et
qui, de toute manière, ne pouvaient
travailler vraiment si nous restions
en grève). Ils se sont bien gardés de
lire l'a liste des bureaux qui n'avaient
pas repris ! Ensuite, ils ont refusé
le vote à mains levées. Nous avons
refusé le vote à bulletin secret. Demi-
mesure : les délégués se sont instal-
lés derrière deux listes (les pour et
les contre la reprise) sur lesquelles
on venait inscrire son nom. Les pre-
mières à s'inscrire étaient pour la
reprise : la majorité a suivi.
« Mais en fait, les jeunes sont dé-
çus. Finalement nous avons juste ob-
tenu une augmentation de salaire, il-
lusoire sans l'échelle mobile, une pri-
me de 200 F, un jouï] de congé sup-
plémentaire par an (!) et la satis-
faction de certaines revendications
spécifiques. La majorité — les plus
âgés — s'en satisfait ; parce qu'elle
est mûre pour les revendications, pas
pour la révolution.
çus. Finalement nous avons juste ob-
tenu une augmentation de salaire, il-
lusoire sans l'échelle mobile, une pri-
me de 200 F, un jouï] de congé sup-
plémentaire par an (!) et la satis-
faction de certaines revendications
spécifiques. La majorité — les plus
âgés — s'en satisfait ; parce qu'elle
est mûre pour les revendications, pas
pour la révolution.
« Cette grève a pourtant deux as-
pects très positifs. D'abord, elle a
provoqué beaucoup d'adhésions aux
syndicats, surtout parmi les jeunes,
ce qui nous donne l'espoir de parve-
nir à une transformation des bureau-
craties syndicales et politiques. Les
militants de la C.G.T. lui restent fi-
dèles, niais nous sommes nombreux
à vouloir transformer sa direction et
pects très positifs. D'abord, elle a
provoqué beaucoup d'adhésions aux
syndicats, surtout parmi les jeunes,
ce qui nous donne l'espoir de parve-
nir à une transformation des bureau-
craties syndicales et politiques. Les
militants de la C.G.T. lui restent fi-
dèles, niais nous sommes nombreux
à vouloir transformer sa direction et
Agip
à souhaiter qu'elle soit plus indépen-
dante à l'égard du P.C. Deuxième
aspect positif : notre comportement
dans le travail a changé. Non;- n'ac-
ceptons plus les ordres brusques.
Nous refusons les heures supplémen-
taires pour rattraper la grève. Nous
n'avons plus le même respect de la
hiérarchie : ainsi nous avons envoyé
directement une délégation au direc-
teur de la ligne de l'Ouest, sans en
référer au chef de centre. Avant, ce
n'était pas pensable !
dante à l'égard du P.C. Deuxième
aspect positif : notre comportement
dans le travail a changé. Non;- n'ac-
ceptons plus les ordres brusques.
Nous refusons les heures supplémen-
taires pour rattraper la grève. Nous
n'avons plus le même respect de la
hiérarchie : ainsi nous avons envoyé
directement une délégation au direc-
teur de la ligne de l'Ouest, sans en
référer au chef de centre. Avant, ce
n'était pas pensable !
« Les possibilités d'un redémarra-
ge ? Certains y pensent déjà. Nous
avons vu qu'une minorité agissante
(les jeunes de la nuit) peut entraîner
la masse. Encore faudra-t-il que les
conditions économiques mettent la
majorité de notre côté. »
ge ? Certains y pensent déjà. Nous
avons vu qu'une minorité agissante
(les jeunes de la nuit) peut entraîner
la masse. Encore faudra-t-il que les
conditions économiques mettent la
majorité de notre côté. »
Jacqueline GIRAUD.
Les non-grévistes
manifestent
manifestent
Pourquoi le trafic du métro a-t-il
repris
Les camarades de la
R.A.T.P. n'ont pas compris qu'ils ont
permis à quelques dizaines de mil-
liers de « rats » de sortir de leur
souterrain et de se précipiter devant
les entrées des usines pour, en quel-
ques heures, salir la classe ouvrière
pourtant fière de ses semaines de
grève.
permis à quelques dizaines de mil-
liers de « rats » de sortir de leur
souterrain et de se précipiter devant
les entrées des usines pour, en quel-
ques heures, salir la classe ouvrière
pourtant fière de ses semaines de
grève.
Je les ai vus à Levallois. II? étaient
plus d'une centaine devant le siège
de la SOPELEM. A l'intérieur j'y ai
des amis dont je sais comment ils se
sent battus, d'abord pour imposer
cette grève et ensuite pour la porter.
J'ai vu et entendu dehors des choses
qui font mal.
plus d'une centaine devant le siège
de la SOPELEM. A l'intérieur j'y ai
des amis dont je sais comment ils se
sent battus, d'abord pour imposer
cette grève et ensuite pour la porter.
J'ai vu et entendu dehors des choses
qui font mal.
J'ai vu les employés modèles faire
les courbettes d'usage et bafouiller
leur révolte devant les cadres. Et ces
cadres se prenaient tout à coup pour
des Pompidou-médiateurs.
les courbettes d'usage et bafouiller
leur révolte devant les cadres. Et ces
cadres se prenaient tout à coup pour
des Pompidou-médiateurs.
J'ai vu des demoiselles au raison-
nement plus court que leurs jupes.
Leurs collègues prêtaient d'ailleurs
plus d'attention à leurs jupes qu'à
nement plus court que leurs jupes.
Leurs collègues prêtaient d'ailleurs
plus d'attention à leurs jupes qu'à
leurs raisonnements. Elles ne s'in-
quiétaient, pauvrettes, que de leurs
vacances. Elles ne racontaient que
leurs récentes sorties d'auto-stopeu-
quiétaient, pauvrettes, que de leurs
vacances. Elles ne racontaient que
leurs récentes sorties d'auto-stopeu-
ses.
J'ai vu ceux qu'on appelle « les
administratifs ». Ils étaient si pressés
de reprendre leurs activités qu'ils
confectionnaient des cocottes en pa-
pier avec les tracts qui traînaient à
terre et les affiches qu'ils arrachaient
aux murs.
administratifs ». Ils étaient si pressés
de reprendre leurs activités qu'ils
confectionnaient des cocottes en pa-
pier avec les tracts qui traînaient à
terre et les affiches qu'ils arrachaient
aux murs.
J'ai entendu les leaders de cette
meute prévenir la police qu'ils al-
laient barrer la rue s'ils ne pouvaient
entrer dans l'usine. J'ai entendu la
police leur dire qu'ils avaient raison.
meute prévenir la police qu'ils al-
laient barrer la rue s'ils ne pouvaient
entrer dans l'usine. J'ai entendu la
police leur dire qu'ils avaient raison.
J'ai entendu une mémère infectée
de tiercé, de France-Dimanche, de
Guy Lux dire : « On aura quand
même eu de sacrés cm... Heureuse-
ment qu'il va y avoir unr- augmen-
tation ».
de tiercé, de France-Dimanche, de
Guy Lux dire : « On aura quand
même eu de sacrés cm... Heureuse-
ment qu'il va y avoir unr- augmen-
tation ».
Ce sont pourtant des travailleurs.
Demain ils rentreront dans l'usine
fiers de leur soi-disant lutte pour
la liberté du travail. Demain dans
l'entreprise les syndicats continueront
îe combat en étant obligés de tenir
compte de leur existence. Demain ils
iront bêtement voter pour le général
et nous laissons à ce dernier la liber-
té de se réjouir d'un tel soutien.
Demain ils rentreront dans l'usine
fiers de leur soi-disant lutte pour
la liberté du travail. Demain dans
l'entreprise les syndicats continueront
îe combat en étant obligés de tenir
compte de leur existence. Demain ils
iront bêtement voter pour le général
et nous laissons à ce dernier la liber-
té de se réjouir d'un tel soutien.
Au cours de? dernières semaines
de nombreuses consciences se sont
réveillées. C'est avant tout cela qu'il
faut retenir. Mais il faut reconnaître
qu'en voir plus d'une centaine à la
foi? qui n'ont rien compris, c'est
douloureux.
de nombreuses consciences se sont
réveillées. C'est avant tout cela qu'il
faut retenir. Mais il faut reconnaître
qu'en voir plus d'une centaine à la
foi? qui n'ont rien compris, c'est
douloureux.
Jacques FER LUS-
Flins : Les C.R.S.
à l'usine
à l'usine
Une fois de plus le gouvernement
a employé la manière forte pour ré-
tablir «l'ordre sacré ». Jeudi 6 juin.
5 h du matin, les forces de l'ordre
ir.vestisse'nent l'usine de Flins de la
Régie Renault pour permettre la re-
prise du travail. 1 20 de? ouvrier-
se présentent aux porte? de l'usine.
La direction, quant à elle, refuse
d'engager le dialogue avec le? syn-
dicats.
a employé la manière forte pour ré-
tablir «l'ordre sacré ». Jeudi 6 juin.
5 h du matin, les forces de l'ordre
ir.vestisse'nent l'usine de Flins de la
Régie Renault pour permettre la re-
prise du travail. 1 20 de? ouvrier-
se présentent aux porte? de l'usine.
La direction, quant à elle, refuse
d'engager le dialogue avec le? syn-
dicats.
Vendredi matin, ver.» 10 h 30. plu-
sieurs milliers d'ouvriers et d'étu-
diants, venus de Paris, manifestent
dans les rues qui mènent à l'usine.
Malgré l'opposition de la C.G.T.,
les grévistes exigent d'écarter, las
d^s meeting?, le? représentants des
étudiants.
sieurs milliers d'ouvriers et d'étu-
diants, venus de Paris, manifestent
dans les rues qui mènent à l'usine.
Malgré l'opposition de la C.G.T.,
les grévistes exigent d'écarter, las
d^s meeting?, le? représentants des
étudiants.
Vers midi, les gens discutent par
petits groupes dan? les rues lorsque
les C.R.S. déclenchent leur offensive,
jetant des grenades lacrymogènes
dans les appartements aux fenêtres
ouvertes et inoccupées. Les violentes
bagarres durent toute la journée dans
les rues et les champs. La « pègre
casquée » fera une fois de plus œu-
vre d'autorité pour maintenir l'or-
dre gaullien. Q)
petits groupes dan? les rues lorsque
les C.R.S. déclenchent leur offensive,
jetant des grenades lacrymogènes
dans les appartements aux fenêtres
ouvertes et inoccupées. Les violentes
bagarres durent toute la journée dans
les rues et les champs. La « pègre
casquée » fera une fois de plus œu-
vre d'autorité pour maintenir l'or-
dre gaullien. Q)
13 juin 1968
SPÉCIAL MAI 68
page 17
Le Nord : « L'homme
avant le profit »
avant le profit »
Le samedi 1 1 mai. la région du
Nord a connu à Lille sa journée re-
vendicative. Ils étaient 30.000 venus
des deux départements — Nord et
Pas-de-Calais — et formaient un
cortège de 2 km. Ouvriers, agricul-
teurs, pécheurs, cadres, enseignants,
étudiants, tous ont manifesté dans
les rues de Lille pour que. enfin, on
veuille bien s'occuper de la région du
Nord.
Nord a connu à Lille sa journée re-
vendicative. Ils étaient 30.000 venus
des deux départements — Nord et
Pas-de-Calais — et formaient un
cortège de 2 km. Ouvriers, agricul-
teurs, pécheurs, cadres, enseignants,
étudiants, tous ont manifesté dans
les rues de Lille pour que. enfin, on
veuille bien s'occuper de la région du
Nord.
I ,• thème : la défense de l'emploi.
Kn fait, la manifestation a débordé
ce thème. Ce fut en même temps
une vaste condamnation du régime
capitaliste et une occasion pour les
ouvriers et les étudiants de s'unir.
Kn fait, la manifestation a débordé
ce thème. Ce fut en même temps
une vaste condamnation du régime
capitaliste et une occasion pour les
ouvriers et les étudiants de s'unir.
« Massey-Ferguson : 4 milliards
de bénéfice. Et nous ? » « L'homme
avant le profit », tel était le genre
de pancartes que l'on pouvait lire à
côté de « Etudiants et ouvriers
unis. » L'emploi et l'université fu-
rent les deux thèmes de cette ma-
nifestation du 11 mai, une manifes-
tation comme le Nord en connaît
peu.
de bénéfice. Et nous ? » « L'homme
avant le profit », tel était le genre
de pancartes que l'on pouvait lire à
côté de « Etudiants et ouvriers
unis. » L'emploi et l'université fu-
rent les deux thèmes de cette ma-
nifestation du 11 mai, une manifes-
tation comme le Nord en connaît
peu.
Chez les manifestants, beaucoup
de jeunes : parmi les 50.000 per-
sonnes qui cherchent du travail dans
la région 41 r/c sont des jeunes de
moins de 25 ans. Des milliers d'en-
tre eux sont au chômage avant même
d'avoir travaillé. Tous les jours on
licencie, on ferme des entreprises,
on réduit les horaires, on déclasse. Le
pouvoir d'achat des salariés de la
région est un des plus faibles de
France.
de jeunes : parmi les 50.000 per-
sonnes qui cherchent du travail dans
la région 41 r/c sont des jeunes de
moins de 25 ans. Des milliers d'en-
tre eux sont au chômage avant même
d'avoir travaillé. Tous les jours on
licencie, on ferme des entreprises,
on réduit les horaires, on déclasse. Le
pouvoir d'achat des salariés de la
région est un des plus faibles de
France.
La sous-scolarisation a atteint un
niveau dramatique, et sur un autre
plan, les équipements sanitaires, so-
ciaux, culturels et sportifs sont sans
communes mesures avec les besoins.
niveau dramatique, et sur un autre
plan, les équipements sanitaires, so-
ciaux, culturels et sportifs sont sans
communes mesures avec les besoins.
Que réclame le Nord ?
— une augmentation du pouvoir
d'achat afin d'accroître la consom-
mation :
d'achat afin d'accroître la consom-
mation :
Communiqué du P.S.U.
Profitant de la reprise partielle du
travail dans certains secteurs écono-
miques, le pouvoir gaulliste montre
une nouvelle fois son vrai visage en
déchaînant ses forces contre les ou-
vriers de Flins.
travail dans certains secteurs écono-
miques, le pouvoir gaulliste montre
une nouvelle fois son vrai visage en
déchaînant ses forces contre les ou-
vriers de Flins.
Il n'est pas possible de tolérer cette
provocation et de laisser spéculer le
gouvernement sur un soi-disant isole-
ment du secteur métallurgique en grè-
ve.
provocation et de laisser spéculer le
gouvernement sur un soi-disant isole-
ment du secteur métallurgique en grè-
ve.
Non seulement le P.S.U. assure les
ouvriers de Flins de son entière soli-
darité et engage tous ses militants à les
rejoindre pour repousser l'agression
gaulliste mais il souhaite que toutes
les forces ouvrières puissent organiser
ensemble une grande manifestation
pour rendre les usines de Flins aux
travailleurs qui l'occupent.
ouvriers de Flins de son entière soli-
darité et engage tous ses militants à les
rejoindre pour repousser l'agression
gaulliste mais il souhaite que toutes
les forces ouvrières puissent organiser
ensemble une grande manifestation
pour rendre les usines de Flins aux
travailleurs qui l'occupent.
fentlretli 1 juin • 20 h.
— la sécurité de l'emploi avec no-
tamment l'interdiction de tout li-
cenciement sans reclassement préala-
ble et équivalent ;
tamment l'interdiction de tout li-
cenciement sans reclassement préala-
ble et équivalent ;
— une véritable formation pro-
fessionnelle et technique permettant
aux jeunes de s'adapter aux évolu-
tions techniques et sociale;. :
fessionnelle et technique permettant
aux jeunes de s'adapter aux évolu-
tions techniques et sociale;. :
— des ressources pour les travail-
leurs sans emploi par l'augmentation
de l'allocation d'Etat aux chômeurs,
la généralisation de l'indemnisation
du chômage partiel :
leurs sans emploi par l'augmentation
de l'allocation d'Etat aux chômeurs,
la généralisation de l'indemnisation
du chômage partiel :
la prospérité de la région du
Nord avec la création d'industries
de transformation diversifiées, l'a-
doption de nouveaux crédits pour
satisfaire les besoins sociaux gran-
dissants et urgents, l'arrêt du déman-
tèlement de la S.N.C.F.. et enfin, un
développement des activités portuai-
res qui est une condition de vitalité
de la région.
Nord avec la création d'industries
de transformation diversifiées, l'a-
doption de nouveaux crédits pour
satisfaire les besoins sociaux gran-
dissants et urgents, l'arrêt du déman-
tèlement de la S.N.C.F.. et enfin, un
développement des activités portuai-
res qui est une condition de vitalité
de la région.
\ oilà en résumé ce que le Nord
condamne, et ce qu'il veut. La si-
tuation est grave, les industries tra-
ditionnelles disparaissent ou ne sont
plus rentables, la région du Nord
entre dans un stade de relatif sous-
développement, ce qui explique les
slogans tels que : « Le Nord veut
vivre». On promet toujours du côté
du gouvernement, mais rien n'a en-
core été fait. On parle depuis quel-
ques temps de l'implantation d'une
usine Simca en 1972. C'est bien, mais
très insuffisant.
condamne, et ce qu'il veut. La si-
tuation est grave, les industries tra-
ditionnelles disparaissent ou ne sont
plus rentables, la région du Nord
entre dans un stade de relatif sous-
développement, ce qui explique les
slogans tels que : « Le Nord veut
vivre». On promet toujours du côté
du gouvernement, mais rien n'a en-
core été fait. On parle depuis quel-
ques temps de l'implantation d'une
usine Simca en 1972. C'est bien, mais
très insuffisant.
Normandie : Unité
syndicale
syndicale
A Dives. la grève a touché un
grand nombre de salariés et leurs fa-
milles : ouvriers de Tréfimétauv, du
bâtiment, communaux, P.T.T.,
E.D.F.. enseignement, S.M.N., Sa-
viem.
grand nombre de salariés et leurs fa-
milles : ouvriers de Tréfimétauv, du
bâtiment, communaux, P.T.T.,
E.D.F.. enseignement, S.M.N., Sa-
viem.
La sollicitude de la municipalité
ouvrière a très vite joué en faveur
des familles des grévistes. Le maire
André Lenormand avec l'appui du
conseil municipal a décidé que des
repas seraient servis à tous les en-
fants de- grévistes. Aussi une moyen-
ne de mille repas par jour furent of-
ferts par la municipalité.
ouvrière a très vite joué en faveur
des familles des grévistes. Le maire
André Lenormand avec l'appui du
conseil municipal a décidé que des
repas seraient servis à tous les en-
fants de- grévistes. Aussi une moyen-
ne de mille repas par jour furent of-
ferts par la municipalité.
A Dives. l'unité syndicale fut to-
tale depuis le premier jour de grève.
Les établissements Tréfimétaux, 1.1(10
ouvriers, sont occupés depuis le 21
mai à la suite d'un vote à bulletin
secret favorable à la grève avec
occupation de l'usine. Quelques jours
plus tard les non grévistes (247) se
rallièrent au mouvement.
tale depuis le premier jour de grève.
Les établissements Tréfimétaux, 1.1(10
ouvriers, sont occupés depuis le 21
mai à la suite d'un vote à bulletin
secret favorable à la grève avec
occupation de l'usine. Quelques jours
plus tard les non grévistes (247) se
rallièrent au mouvement.
Le discours du général de Gaulle
le 24 n'n fait que renforcer l'unité
des salariés en faveur de la conti-
nuation de la grève. Pour l'ensemble
des trois confédérations C.G.T.,
C.F.D.T. et F.O., la reprise du tra-
vail ne pourrait avoir lieu qu'après
le 24 n'n fait que renforcer l'unité
des salariés en faveur de la conti-
nuation de la grève. Pour l'ensemble
des trois confédérations C.G.T.,
C.F.D.T. et F.O., la reprise du tra-
vail ne pourrait avoir lieu qu'après
Aqip
satisfaction complète de» revendica-
tions.
tions.
A l'heure où nous mettons sous
presse, la grève reste effective, mal-
gré les multiples contacts avec la
direction. A Tréfimétaux, un seul
mot d'ordre : « Pas de compro-
mis ».
presse, la grève reste effective, mal-
gré les multiples contacts avec la
direction. A Tréfimétaux, un seul
mot d'ordre : « Pas de compro-
mis ».
La justice
des ménagères
des ménagères
L'embouteillage
héroïque
héroïque
L'essence revenue par le miracle de
notre bon père De Gaulle, Paris
connaît le mardi 4 juin, un embouteil-
lage monstre. De mémoire d'humains
nous n'avions vu pareille marée mé-
tallique. Atmosphère bon enfant : con-
tre mauvaise fortune, la grâce d'un
ssndwich, le demi de bière firent écho
à la panne surprise. Certains même
abandonnèrent purement et simple-
ment l'objet, continuant à pied la mar-
che interrompue.
notre bon père De Gaulle, Paris
connaît le mardi 4 juin, un embouteil-
lage monstre. De mémoire d'humains
nous n'avions vu pareille marée mé-
tallique. Atmosphère bon enfant : con-
tre mauvaise fortune, la grâce d'un
ssndwich, le demi de bière firent écho
à la panne surprise. Certains même
abandonnèrent purement et simple-
ment l'objet, continuant à pied la mar-
che interrompue.
Notre cher Préfet de Police si bril-
lant quelques semaines auparavant
dans son exposé sur le problème de la
circulation (1), en perdit ses manda-
rins, régulateurs de ladite circulation
— il est vrai, fatigués du poignet par
les innombrables matraquages de ces
derniers jours.
lant quelques semaines auparavant
dans son exposé sur le problème de la
circulation (1), en perdit ses manda-
rins, régulateurs de ladite circulation
— il est vrai, fatigués du poignet par
les innombrables matraquages de ces
derniers jours.
, Moralité : « le carburant ne sert à
rien, si l'esprit anarchique demeure ».
La préfecture de police recherche,
quant à elle, un bon agent de la cir-
culation. Avis ! D
rien, si l'esprit anarchique demeure ».
La préfecture de police recherche,
quant à elle, un bon agent de la cir-
culation. Avis ! D
11 Conférence des Ambassadeurs le 28
mars 196K.
mars 196K.
On est dans la période dure de la
grève : la ferveur et la passion qui
traversent le marché Jeanne-d'Arc, le
quartier « prolo » du 13e — ne doivent
rien à l'Ascension.
grève : la ferveur et la passion qui
traversent le marché Jeanne-d'Arc, le
quartier « prolo » du 13e — ne doivent
rien à l'Ascension.
Depuis hier le Prisunic est en grève
illimitée. Ici on n'a pas les moyens de
stocker, mais avec le marché on arri-
vera bien à se ravitailler à des prix
corrects, et puis les pommes de terre,
ça nourrit bien et ce n'est pas cher.
illimitée. Ici on n'a pas les moyens de
stocker, mais avec le marché on arri-
vera bien à se ravitailler à des prix
corrects, et puis les pommes de terre,
ça nourrit bien et ce n'est pas cher.
Aussi, Monsieur B., à l'ombre du
bureau de poste en grève, pèse, vend,
... ça n'arrête pas.
bureau de poste en grève, pèse, vend,
... ça n'arrête pas.
Dans les temps immémoriaux, où la
grève n'existait pas, vers la fin du
marché les prix baissaient légèrement.
Aujourd'hui le marchand de pommes
de terra, qui n'a jamais tant vu de
clients, augmente ses prix de 10 c en
10 c. Vers les midi, le kilo de patates
atteint ses 2,95 F.
grève n'existait pas, vers la fin du
marché les prix baissaient légèrement.
Aujourd'hui le marchand de pommes
de terra, qui n'a jamais tant vu de
clients, augmente ses prix de 10 c en
10 c. Vers les midi, le kilo de patates
atteint ses 2,95 F.
— C'est une honte !
Les ménagères protestent, se ras-
semblent autour de l'étalage. M. B.
veut crier. Pas si fort M. B., en d'au-
tres temps les femmes vous eussent
fait subir d'autres supplices !
semblent autour de l'étalage. M. B.
veut crier. Pas si fort M. B., en d'au-
tres temps les femmes vous eussent
fait subir d'autres supplices !
Mais la foule gronde, une patate
vole, l'étalage s'écroule. La peur gagne
les proches marchands qui remballent
et fuient. Bientôt le marché est vidé
de ses commerçants. Des groupes
continuent à s'indigner et disputer.
vole, l'étalage s'écroule. La peur gagne
les proches marchands qui remballent
et fuient. Bientôt le marché est vidé
de ses commerçants. Des groupes
continuent à s'indigner et disputer.
Ah ménagères ! vous avez donné
vie à nos spéculations politiques !
vie à nos spéculations politiques !
D
page 18
SPECIAL MAI 68
tribune socialiste
Les lecteurs
n'ont pas fait grève
La grève favorise la lecture. Jour-
naux et livres se sont arraches durant
ces journées de fièvre, d'inquiétude
pour les uns, d'exaltation pour les au-
tres
naux et livres se sont arraches durant
ces journées de fièvre, d'inquiétude
pour les uns, d'exaltation pour les au-
tres
Côté journaux, il faut enregistrer le
bond prodigieux réalisé par des orga-
nes tels que Combat et Le Monde. Des
tirages de 800.000 exemplaires pour
M. Beuve-Méry et son équipe. Pour
Philippe Tesson et Henry Smadja, le
passage de l'état de « groupuscule »
à l'état supérieur. Combat en prenant
tout de suite fait et cause pour la
« révolution des jeunes » a conquis
un public qui jusque-là l'ignorait en-
core — Ph. Tesson a sauvé durant ces
jours, avec quelques autres, l'honneur
de la profession.
bond prodigieux réalisé par des orga-
nes tels que Combat et Le Monde. Des
tirages de 800.000 exemplaires pour
M. Beuve-Méry et son équipe. Pour
Philippe Tesson et Henry Smadja, le
passage de l'état de « groupuscule »
à l'état supérieur. Combat en prenant
tout de suite fait et cause pour la
« révolution des jeunes » a conquis
un public qui jusque-là l'ignorait en-
core — Ph. Tesson a sauvé durant ces
jours, avec quelques autres, l'honneur
de la profession.
Par-delà ceux qui avaient soif d'in-
formation intelligente, parce qu'ils
étaient peu ou prou acteurs dans l'évé-
nement, il y a ceux qui ont considéré
ce mois de mai comme un temps de
vacances, de loisirs.
formation intelligente, parce qu'ils
étaient peu ou prou acteurs dans l'évé-
nement, il y a ceux qui ont considéré
ce mois de mai comme un temps de
vacances, de loisirs.
D'où un rush sur les lectures faciles :
romans policiers, feuilletons romanes-
ques.
romans policiers, feuilletons romanes-
ques.
Série noire, Lartiguy, Troyat se sont
vendus au kilog. Un cran au-dessus :
Hervé Bazin, Gilbert Cesbron. M. D. B.
libraire dans le quartier Sèvres-Le-
courbe a liquidé son stock d'enfants
aux cheveux gris, le dernier best-sel-
ler de l'auteur de Chiens perdus sans
colliers. M. R.V., lui, a des clients qui
se soucient des prochains congés
payés, révlution ou pas : les guides
de voyages, ont déserté ces étagères.
vendus au kilog. Un cran au-dessus :
Hervé Bazin, Gilbert Cesbron. M. D. B.
libraire dans le quartier Sèvres-Le-
courbe a liquidé son stock d'enfants
aux cheveux gris, le dernier best-sel-
ler de l'auteur de Chiens perdus sans
colliers. M. R.V., lui, a des clients qui
se soucient des prochains congés
payés, révlution ou pas : les guides
de voyages, ont déserté ces étagères.
Par contre, les libraires spécialisés
dans la littérature « difficile » ou hau-
tement spécialisée, ont fait, semble-
t-il, peu d'affaires. Leurs clients tradi-
tionnels avaient d'autres occupations :
élever des barricades, recevoir les
coups de matraques, les grenades
offensives des C.R.S. et autres « for-
ces de l'ordre ». On ne peut pas à
la fois lire Lénine et faire la Révolu-
tion.
dans la littérature « difficile » ou hau-
tement spécialisée, ont fait, semble-
t-il, peu d'affaires. Leurs clients tradi-
tionnels avaient d'autres occupations :
élever des barricades, recevoir les
coups de matraques, les grenades
offensives des C.R.S. et autres « for-
ces de l'ordre ». On ne peut pas à
la fois lire Lénine et faire la Révolu-
tion.
A défaut de voir leurs livres se
vendre, des écrivains, comme J.-P.
Paye (Nouveau Roman) et Michel Bu-
tor sont allés directement dans les
usines lire leurs œuvres devant les
travailleurs. Une revanche, en somme.
vendre, des écrivains, comme J.-P.
Paye (Nouveau Roman) et Michel Bu-
tor sont allés directement dans les
usines lire leurs œuvres devant les
travailleurs. Une revanche, en somme.
André LAUDE.
L'Odéoîi :
le spectacle
est permanent
le spectacle
est permanent
16 Mai à l'ex-théâtre de France. —
Depuis 24 heures il n'y a plus d'Odéon.
« L'Art c'est de la Merde » lit-on sur
ses murs. Il n'y aura bientôt plus de
J.-L. Barrault qui redevient un comé-
dien comme les autres et pour qui
« L'Art c'est de la Merde » lit-on sur
ses murs. Il n'y aura bientôt plus de
J.-L. Barrault qui redevient un comé-
dien comme les autres et pour qui
l'effervescence de gestes, de cris et de
situations constitue peut-être une nou-
velle forme de spectacle.
situations constitue peut-être une nou-
velle forme de spectacle.
Devant le théâtre des groupes com-
pacts et mouvants discutent avec
ardeur et courtoisie. Pas d'appel • à
l'action, mais interrogation et contes-
tation. Des ouvriers il y en a quelques-
rns attentifs et vaguement inquiets. Ils
veulent comprendre, mais souhaitent
aussi, comme ce jeune syndicaliste,
pacts et mouvants discutent avec
ardeur et courtoisie. Pas d'appel • à
l'action, mais interrogation et contes-
tation. Des ouvriers il y en a quelques-
rns attentifs et vaguement inquiets. Ils
veulent comprendre, mais souhaitent
aussi, comme ce jeune syndicaliste,
que intellectuels prennent conscience
de la longue, dure et ingrate patience
que constitue l'action syndicale. Il y a
ce jardinier, arrivé du Périgord, il y a
tout juste trois mois, qui voudrait bien
que ça change mais que les drapeaux
et rouges flottant sur l'Odéon attris-
tent un peu.
de la longue, dure et ingrate patience
que constitue l'action syndicale. Il y a
ce jardinier, arrivé du Périgord, il y a
tout juste trois mois, qui voudrait bien
que ça change mais que les drapeaux
et rouges flottant sur l'Odéon attris-
tent un peu.
Après des snnées de silence et des
siècles d'incompréhension, le désir
d'un dialogue loyal est pourtant frap-
siècles d'incompréhension, le désir
d'un dialogue loyal est pourtant frap-
pant : il régne ici une grande honnê-
teté intellectuelle caractérisée par le
souci constant de comprendre et d'être
compris.
teté intellectuelle caractérisée par le
souci constant de comprendre et d'être
compris.
A l'intérieur, c'est plus folklorique.
Scène et salle comble Le plancher
craque, les portes cèdent, sous la
poussée de nouveaux arrivants. Un
Comité révolutionnaire provisoire,
siège sans désemparer depuis la veille.
La chevelure de Cohn Bendit fait tache
sur la scène houleuse où l'on reconnaît
Vilar et Barrault aux pieds de Made-
leine Renaud, très douairière. Un cli-
vage net se dessine entre les jeunes et
certains comédiens qui contestent l'oc-
cupation de leur lieu de travail et
souhaitent discuter en famille. Dans
ce monde clos où interruptions et in-
vectives se succèdent, li est difficile
d'obtenir l'ordre
Scène et salle comble Le plancher
craque, les portes cèdent, sous la
poussée de nouveaux arrivants. Un
Comité révolutionnaire provisoire,
siège sans désemparer depuis la veille.
La chevelure de Cohn Bendit fait tache
sur la scène houleuse où l'on reconnaît
Vilar et Barrault aux pieds de Made-
leine Renaud, très douairière. Un cli-
vage net se dessine entre les jeunes et
certains comédiens qui contestent l'oc-
cupation de leur lieu de travail et
souhaitent discuter en famille. Dans
ce monde clos où interruptions et in-
vectives se succèdent, li est difficile
d'obtenir l'ordre
C est la valse des présidents de
séance qui s'arrachent le micro et
donnent simultanément la parole à la
scène, à l'orchestre et au balcon, les
communiqués tombent comme à Ver-
dun, tandis que périodiquement, les
machinistes font savoir que le plancher
surchargé risque de s'effondrer en
entraînant la masse humaine dans un
gouffre de 30 m. Une jeune fille surgit,
haletante, elle vient de découvrir les
ouvriers à Billancourt. * Ils nous atten-
dent ! rejoignons-les ! ». Personne ne
bouge. Ce climat de surenchère ver-
bale provoque apathie, scepticisme,
'ronie. Que deviennent alors les pro-
blèmes de fond que nous étions venus
aborder à l'Odéon ? La situation du
comédien dans la cité, sa complicité
avec le système, ses rapports avec le
public, les bases pratiques et idéolo-
giques d'une révolution culturelle, tout
cela ressurgit au hasard d'un mot dans
la confusion. Ça et là d'autres idées
apparaissent applaudies et vite ou-
bliées : présenter des spectacles dans
les usines occupées, ouvrir le théâtre
aux jeunes comédiens sans emploi,
etc.
séance qui s'arrachent le micro et
donnent simultanément la parole à la
scène, à l'orchestre et au balcon, les
communiqués tombent comme à Ver-
dun, tandis que périodiquement, les
machinistes font savoir que le plancher
surchargé risque de s'effondrer en
entraînant la masse humaine dans un
gouffre de 30 m. Une jeune fille surgit,
haletante, elle vient de découvrir les
ouvriers à Billancourt. * Ils nous atten-
dent ! rejoignons-les ! ». Personne ne
bouge. Ce climat de surenchère ver-
bale provoque apathie, scepticisme,
'ronie. Que deviennent alors les pro-
blèmes de fond que nous étions venus
aborder à l'Odéon ? La situation du
comédien dans la cité, sa complicité
avec le système, ses rapports avec le
public, les bases pratiques et idéolo-
giques d'une révolution culturelle, tout
cela ressurgit au hasard d'un mot dans
la confusion. Ça et là d'autres idées
apparaissent applaudies et vite ou-
bliées : présenter des spectacles dans
les usines occupées, ouvrir le théâtre
aux jeunes comédiens sans emploi,
etc.
Hélas le mouvement de l'Odéon
s'enlise. Le lendemain, la proportion
des visiteurs, des rigolos et des tou-
ristes y avait fortement augmenté.
s'enlise. Le lendemain, la proportion
des visiteurs, des rigolos et des tou-
ristes y avait fortement augmenté.
Bernard SIZAIRE.
Guevara, un héritier
Rare et opportune coïncidence que
la présentation de « L'héritier au
festival de Châtillon-sous-Ba^neux !
la présentation de « L'héritier au
festival de Châtillon-sous-Ba^neux !
Inspiré des travaux de P. Bour-
dieu de J.-C. Passeron « L'héritier
ou le» étudiants pipés ». présenté
par la troupe de l'Ecole Normale
Supérieure et la Comédie Moderne
de la Sorbonne. se veut à la fois
satire de la condition étudiante et
dénonciation d'un système universi-
taire (|ui reflète et aggrave souvent
les injustices de notre société.
dieu de J.-C. Passeron « L'héritier
ou le» étudiants pipés ». présenté
par la troupe de l'Ecole Normale
Supérieure et la Comédie Moderne
de la Sorbonne. se veut à la fois
satire de la condition étudiante et
dénonciation d'un système universi-
taire (|ui reflète et aggrave souvent
les injustices de notre société.
Je ne pourrais qu'approuver si je
n'avais eu parfois l'impression d'as-
sister à l'illustration théâtrale de
n'avais eu parfois l'impression d'as-
sister à l'illustration théâtrale de
13 Juin 1968
SPECIAL MAI 68
page 19
A.F.P
récents articles de la « Pravda » ou
de « L'Humanité ». Illustration bril-
lante, précisons-le, grâce à une équi-
pe cohérente et disciplinée, à une
mise au point rigoureuse, à un ryth-
me nerveux, à l'humour et à l'inven-
tion scénique qui font de « L'héri-
tier » un spectacle réussi, posant des
problèmes graves sur un ton percu-
tant que pourraient envier maintes
troupes professionnelles spécialisées
dans le théâtre de contestation.
de « L'Humanité ». Illustration bril-
lante, précisons-le, grâce à une équi-
pe cohérente et disciplinée, à une
mise au point rigoureuse, à un ryth-
me nerveux, à l'humour et à l'inven-
tion scénique qui font de « L'héri-
tier » un spectacle réussi, posant des
problèmes graves sur un ton percu-
tant que pourraient envier maintes
troupes professionnelles spécialisées
dans le théâtre de contestation.
D'où vient alors mon insatisfac-
tions ? Le problème de la transpo-
sition scénique d'un ouvrage scienti-
fique a été partiellement résolu. Ce-
pendant deux écueils n'ont pu être
évités : la schématisme caricatural et
l'utilisation d'un langage qui fait ex-
clusivement partie du système qu'on
prétend dénoncer.
tions ? Le problème de la transpo-
sition scénique d'un ouvrage scienti-
fique a été partiellement résolu. Ce-
pendant deux écueils n'ont pu être
évités : la schématisme caricatural et
l'utilisation d'un langage qui fait ex-
clusivement partie du système qu'on
prétend dénoncer.
Mais il y a plus grave : le tir se
concentre avec trop de complaisance
sur les professeurs, complices ou
agents d'une politique qui se donne
elle-même la coquetterie de les con-
tester. D'autre part, l'opposition en-
tre l'étudiant d'origine populaire et
l'héritier des traditions bourgeoises
aurait nécessité «les nuances. L'arri-
visme de certains « cbiadeurs » en
rupture de classe devait être évo-
qué. Enfin, la réduction de l'activi-
té politique à un jeu gratuit au-
quel ne se mêlent pas les étudiants
des « basses classes » paraît aujour-
d'hui cruellement anachronique.
concentre avec trop de complaisance
sur les professeurs, complices ou
agents d'une politique qui se donne
elle-même la coquetterie de les con-
tester. D'autre part, l'opposition en-
tre l'étudiant d'origine populaire et
l'héritier des traditions bourgeoises
aurait nécessité «les nuances. L'arri-
visme de certains « cbiadeurs » en
rupture de classe devait être évo-
qué. Enfin, la réduction de l'activi-
té politique à un jeu gratuit au-
quel ne se mêlent pas les étudiants
des « basses classes » paraît aujour-
d'hui cruellement anachronique.
Tout en félicitant la troupe pour
son talent et son souci d'un univers
théâtral directement en prise sur les
problèmes actuels, je regrette que
les étudiants qui ont écrit cette piè-
ce il y a quatre mois n'aient pas su
mieux pressentir les événements
son talent et son souci d'un univers
théâtral directement en prise sur les
problèmes actuels, je regrette que
les étudiants qui ont écrit cette piè-
ce il y a quatre mois n'aient pas su
mieux pressentir les événements
d'aujourd'hui. Après tout si nous les
suivions, nous devions récuser Marx.
Lénine et Guevara qui furent aussi
des héritiers.
suivions, nous devions récuser Marx.
Lénine et Guevara qui furent aussi
des héritiers.
B. S.
La « Révolution
Régionaliste »
à la Sorbonne
Régionaliste »
à la Sorbonne
Dans ce vaste caravansérail idéo-
logique qu'est devenu la Sorbonne,
où se côtoient maoïstes, trotskystes,
anarchistes, communistes orthodoxes
et oppositionnels, où se vendent pê-
le-mêle L'Insurgé, Voix Ouvrière,
Tribune Socialiste, Arant-Garde, Ar-
cane, Tribune Etudiante, L'Humani-
té Nouvelle, etc., où dialoguent ou-
vriers un peu perdus et minets de
Saint-Germain-des-Près, décorés de
la légion d'honneur et farouches ico-
noclastes, on découvre avec émotion
un petit groupe retranché derrière
quelques tables.
logique qu'est devenu la Sorbonne,
où se côtoient maoïstes, trotskystes,
anarchistes, communistes orthodoxes
et oppositionnels, où se vendent pê-
le-mêle L'Insurgé, Voix Ouvrière,
Tribune Socialiste, Arant-Garde, Ar-
cane, Tribune Etudiante, L'Humani-
té Nouvelle, etc., où dialoguent ou-
vriers un peu perdus et minets de
Saint-Germain-des-Près, décorés de
la légion d'honneur et farouches ico-
noclastes, on découvre avec émotion
un petit groupe retranché derrière
quelques tables.
Malgré le manque de « décorum ».
les militants de la « révolution régio-
naliste » — puisque c'est d'eux qu'il
s'agit — ne restent pas inactifs.
les militants de la « révolution régio-
naliste » — puisque c'est d'eux qu'il
s'agit — ne restent pas inactifs.
Proposant au vaste public de cu-
rieux, les livres de Robert Lafont
« La Révolution Régionaliste » et
« Sur la France » parus aux Editions
Gallimard, ils distribuent un maté-
riel de propagande, tracts, journaux,
revues dans lesquels sont expliqués
les objectifs du mouvement.
rieux, les livres de Robert Lafont
« La Révolution Régionaliste » et
« Sur la France » parus aux Editions
Gallimard, ils distribuent un maté-
riel de propagande, tracts, journaux,
revues dans lesquels sont expliqués
les objectifs du mouvement.
Il y a là des militants du « Comité
Occitan d'Etudes et d'Action »
(C.O..R.A.I. animé par Robert La-
font. qui étend ses ramification»
Occitan d'Etudes et d'Action »
(C.O..R.A.I. animé par Robert La-
font. qui étend ses ramification»
dans tous les pays de langue d'Oc,
de YL'nion Démocratique Bretonne
(U.D.B.), dont le rayonnement ne
cesse de s'étendre en profondeur par-
mi les populations bretonnes déshé-
ritées, victimes du capitalisme cen-
tralisateur. Sont là encore des repré-
sentants des organisations corses, ca-
talanes.
de YL'nion Démocratique Bretonne
(U.D.B.), dont le rayonnement ne
cesse de s'étendre en profondeur par-
mi les populations bretonnes déshé-
ritées, victimes du capitalisme cen-
tralisateur. Sont là encore des repré-
sentants des organisations corses, ca-
talanes.
Epingle sur une table, un numéro
de Tribune Socialiste dont la pre-
mière page est occupée par un arti-
cle de R. Lafont. Les militants de la
Révolution Régionaliste n'oublient
pas que notre parti est celui qui, au
sein de la gauche, a pris le plus
clairement, le plus lucidement, faits
et causes pour leur combat.
de Tribune Socialiste dont la pre-
mière page est occupée par un arti-
cle de R. Lafont. Les militants de la
Révolution Régionaliste n'oublient
pas que notre parti est celui qui, au
sein de la gauche, a pris le plus
clairement, le plus lucidement, faits
et causes pour leur combat.
Ils sont très satisfaits de cet état
de choses car ils savent que la no-
tion de « révolution régionaliste »
aura bien du mal à conquérir l'en-
semble de la gauche française, fut-
elle radicale, car celle-ci reste atta-
chée aux traditions centralistes que
le marxisme a institutionnalisées.
J'en aurais à un moment un témoi-
gnage avec la violente discussion qui
oppose les camarades occitans et bre-
tons à un militant de la Fédération
des Etudiants Révolutionnaires
(F.E.R.). Ce dernier pour qui la
notion .« révolution régionaliste »
semble ne pouvoir dépasser les thè-
ses maurassiennes, menace d'ameuter
un commando si de faire le vide.
Explications. Le militant de la F.E.R.
quelque peu désarmé, recule, admet
que le pouvoir régional socialiste
signifie la chance d'une victoire du
socialisme authentique. Le public
acquiesce à ceîte mise en question du
jacobinisme enraciné dans les têtes
françaises.
de choses car ils savent que la no-
tion de « révolution régionaliste »
aura bien du mal à conquérir l'en-
semble de la gauche française, fut-
elle radicale, car celle-ci reste atta-
chée aux traditions centralistes que
le marxisme a institutionnalisées.
J'en aurais à un moment un témoi-
gnage avec la violente discussion qui
oppose les camarades occitans et bre-
tons à un militant de la Fédération
des Etudiants Révolutionnaires
(F.E.R.). Ce dernier pour qui la
notion .« révolution régionaliste »
semble ne pouvoir dépasser les thè-
ses maurassiennes, menace d'ameuter
un commando si de faire le vide.
Explications. Le militant de la F.E.R.
quelque peu désarmé, recule, admet
que le pouvoir régional socialiste
signifie la chance d'une victoire du
socialisme authentique. Le public
acquiesce à ceîte mise en question du
jacobinisme enraciné dans les têtes
françaises.
Le public, les militants du C.O.-
E.A., de l'U.D.B. ne se contentent
pas de lui proposer des livres, des
revues. Ils engagent le dialogue avec
lui, dans les amphis et les salles de
a Sorbonne. Dialogue difficile par-
fois, compexe, houleux. Mais les
espri'.s s'ouvrent : les idées naissent.
Le vent de la démocratie souffle dans
;<: rtes le» directions. Verrons-nous un
jour triompher en France, cette
France qui s'est faite par l'intégra-
tion de nations opprimées, un socia-
lisme des régions que prophétisent
dans un de leurs tracts, les militants
de la « Révolution Régionaliste »
E.A., de l'U.D.B. ne se contentent
pas de lui proposer des livres, des
revues. Ils engagent le dialogue avec
lui, dans les amphis et les salles de
a Sorbonne. Dialogue difficile par-
fois, compexe, houleux. Mais les
espri'.s s'ouvrent : les idées naissent.
Le vent de la démocratie souffle dans
;<: rtes le» directions. Verrons-nous un
jour triompher en France, cette
France qui s'est faite par l'intégra-
tion de nations opprimées, un socia-
lisme des régions que prophétisent
dans un de leurs tracts, les militants
de la « Révolution Régionaliste »
André LAUDE
Saclay : des réactions
en chaîne
en chaîne
Dans un bâtiment du Centre d'Etu-
des Nucléaires de Saclay. le 15 mai,
.î() personnes
des Nucléaires de Saclay. le 15 mai,
.î() personnes
se réunissent ( 1 ) .
ili le C.E.N. Saclay emploie 9.(100 tra-
vailleurs, dont une majorité de techni-
ciens et fie nombreux ingénieurs. 3.000 de
ces travailleurs, loués à (!es marchand? de
main-d'œuvre, ont une situation particu-
lii-rement précaire.
vailleurs, dont une majorité de techni-
ciens et fie nombreux ingénieurs. 3.000 de
ces travailleurs, loués à (!es marchand? de
main-d'œuvre, ont une situation particu-
lii-rement précaire.
La première question est posée par
un dirigeant cégétiste : « Qui a or-
ganisé cette réunion ? ». Réponse :
« Personne ! ». « Comment ont été
faites les convocations ? » « Par télé-
phone arabe ! » Ainsi apparaît l'in-
compréhension (elle sera surmontée)
entre les syndiqués de base et les
non-syndiqués d'une part, et d'autre
part les syndicalistes qui ne conçoi-
vent rien sans organisation et qui
parfois font passer l'organisation
avant sa raison d'être. Les syndica-
listes se méfient de ce mouvement
qu'ils n'ont pas lancé ; ils sont
prompts à se mettre sur la défensive
et à crier à la provocation. Leur atti-
tude appelle la critique, souvent ca-
tégorique : « Que signifient les dé-
claration de Séguy ? Pourquoi veut-
il couper les ouvriers des étudiants ?
Pourquoi les syndicats freinent-ils
le mouvement ? » Plus tard, les syn-
dicalistes et les autres comprendront
qu'ils doivent collaborer.
un dirigeant cégétiste : « Qui a or-
ganisé cette réunion ? ». Réponse :
« Personne ! ». « Comment ont été
faites les convocations ? » « Par télé-
phone arabe ! » Ainsi apparaît l'in-
compréhension (elle sera surmontée)
entre les syndiqués de base et les
non-syndiqués d'une part, et d'autre
part les syndicalistes qui ne conçoi-
vent rien sans organisation et qui
parfois font passer l'organisation
avant sa raison d'être. Les syndica-
listes se méfient de ce mouvement
qu'ils n'ont pas lancé ; ils sont
prompts à se mettre sur la défensive
et à crier à la provocation. Leur atti-
tude appelle la critique, souvent ca-
tégorique : « Que signifient les dé-
claration de Séguy ? Pourquoi veut-
il couper les ouvriers des étudiants ?
Pourquoi les syndicats freinent-ils
le mouvement ? » Plus tard, les syn-
dicalistes et les autres comprendront
qu'ils doivent collaborer.
Le 17 mai, ce sont 300 personnes
qui spontanément sont réunies dans
la grande salle de conférence, sans
autorisation de la direction. Cela suf-
fit pour qu'un cégétiste parle de
provocation. Mais comment serait-il
écouté alors que les grèves avec ac-
cupation d'usines se multiplient ? La
discussion se poursuivra jusqu'à mi-
nuit, puis samedi et dimanche, avec
l'autorisation, cette fois, de la direc-
tion qui évite l'épreuve de force. Le
vendredi dans l'après-midi des mil-
liers de travailleurs (il n'y en a ja-
mais eu autant) se réunissent de-
hors ; une trentaine d'orateurs se
succèdent pendant 2 heures, puis
on décide de se réunir le lundi 20
pour prendre des décisions sur la
base des propositions qui se dégage-
ront des discussions de samedi et di-
manche.
qui spontanément sont réunies dans
la grande salle de conférence, sans
autorisation de la direction. Cela suf-
fit pour qu'un cégétiste parle de
provocation. Mais comment serait-il
écouté alors que les grèves avec ac-
cupation d'usines se multiplient ? La
discussion se poursuivra jusqu'à mi-
nuit, puis samedi et dimanche, avec
l'autorisation, cette fois, de la direc-
tion qui évite l'épreuve de force. Le
vendredi dans l'après-midi des mil-
liers de travailleurs (il n'y en a ja-
mais eu autant) se réunissent de-
hors ; une trentaine d'orateurs se
succèdent pendant 2 heures, puis
on décide de se réunir le lundi 20
pour prendre des décisions sur la
base des propositions qui se dégage-
ront des discussions de samedi et di-
manche.
Ces propositions doivent concerner
les modes d'action à court et moyen
:erme, et les buts de l'action. Quels
buts ? Le 17 à midi, la C.G.T. dis-
iribue encore un tract définissant ses
principales revendications : augmen-
tation des salaires, plein emploi, li-
bertés syndicales, abrogation des or-
donnances... Dans la salle de confé-
rences, quelques orateurs complètent
le catalogue : retraite à 60 ans, re-
tour aux 40 heures. Mais pour la ma-
jorité, cela est dépassé : qui est-ce
qui décide de satisfaire ou non les
revendications ? La toute-puissante
direction du C.E.A., qui n'est respon-
sable que devant le gouvernement
dont elle é~nane. Si elle satisfait cer-
taines revendications, qui dit qu'elle
: e reviendra pas sur ses décisions (ce
ne serait pas la première fois) ? Le
remède ? Organiser un double pou-
voir dans l'entreprise, une gestion
contrôlée par les travailleurs, en vi-
fjMH à long terme à l'autogestion.
les modes d'action à court et moyen
:erme, et les buts de l'action. Quels
buts ? Le 17 à midi, la C.G.T. dis-
iribue encore un tract définissant ses
principales revendications : augmen-
tation des salaires, plein emploi, li-
bertés syndicales, abrogation des or-
donnances... Dans la salle de confé-
rences, quelques orateurs complètent
le catalogue : retraite à 60 ans, re-
tour aux 40 heures. Mais pour la ma-
jorité, cela est dépassé : qui est-ce
qui décide de satisfaire ou non les
revendications ? La toute-puissante
direction du C.E.A., qui n'est respon-
sable que devant le gouvernement
dont elle é~nane. Si elle satisfait cer-
taines revendications, qui dit qu'elle
: e reviendra pas sur ses décisions (ce
ne serait pas la première fois) ? Le
remède ? Organiser un double pou-
voir dans l'entreprise, une gestion
contrôlée par les travailleurs, en vi-
fjMH à long terme à l'autogestion.
Le, implications politiques ne sont
envisagées que prudemment, trop
prudemment sans doute : certes, dans
la nation comme dans l'entreprise,
c~< "ti a assez d'être considérés com-
:"e -!r- pions que déplacent à leur
gré des chefs dont d'autres chefs ti-
rr:n les ficelles. Mais on s'en tient
envisagées que prudemment, trop
prudemment sans doute : certes, dans
la nation comme dans l'entreprise,
c~< "ti a assez d'être considérés com-
:"e -!r- pions que déplacent à leur
gré des chefs dont d'autres chefs ti-
rr:n les ficelles. Mais on s'en tient
page 20
SPECIAL MAI 68
tribune socialiste
aux généralités ; les seules reven-
dications précises ne visent pas au
bouleversement de la société mais
de l'entreprise. Le mouvement ne
veut donc pas être ouvertement poli-
tique, mais il est conscient tout de
même de ses implictions politiques.
On ne demande pas le départ de De
Gaulle, mais on sait fort bien que
de Gaulle (ni sans doute Mitter-
rand) ne peut accorder un." véritable
cogestion de l'entreprise ; cependant
les premières allusions à la chute
éventuelle du gouvernement sont mal
accueillies : « Le gouvernement, on
s'en fout ! » Cette hostilité à la po-
litique traditionnelle est renforcée
par les réactions au début méfiantes
(mais il y aura dès samedi soir une
évolution) des membres du P.C.F.
et de la F.G.D.S. Les membres du
P.SA .. eux, sont tout de suite dans
le mouvement qu'ils ont contribué à
provoquer, mais ils sentent qu'ils se-
raient mal accueillis s'ils parlaient
au nom d'un parti ; ce qui compte
d'ailleurs, ce sont les idées et pas le
nom. La masse s'est sentie jusqu'ici
brimée par les mécanismes île la
démocratie représentative, soit dans
les partis, soit dans les syndicats,
soit dans la nation ; de cette masse
la parti mobilisée réclame une dé-
mocratie plus directe. La partie non
mobilisée en est encore à deman-
der : « Qu'allez-vous décider ? Que
réclamez-vous ? « Ce n'est pas à nous
de décider, leur répond-on, c'est à
vous ; c'est à vous aussi de formuler
vos revendications, nous ne pouvons
que vous proposer des thèmes. »
Une démocratie syndicale trop pure-
ment représentative a engendré une
dépolitisation qu'on ne pourra dis-
siper que par de longue» discus-
sions : mais de ces discussions jailli-
ra peut-être dans les esprits des
travailleurs et des citoyens une ré-
volution culturelle dont aucun con-
tre-révolutionnaire ne viendra à
bout.
dications précises ne visent pas au
bouleversement de la société mais
de l'entreprise. Le mouvement ne
veut donc pas être ouvertement poli-
tique, mais il est conscient tout de
même de ses implictions politiques.
On ne demande pas le départ de De
Gaulle, mais on sait fort bien que
de Gaulle (ni sans doute Mitter-
rand) ne peut accorder un." véritable
cogestion de l'entreprise ; cependant
les premières allusions à la chute
éventuelle du gouvernement sont mal
accueillies : « Le gouvernement, on
s'en fout ! » Cette hostilité à la po-
litique traditionnelle est renforcée
par les réactions au début méfiantes
(mais il y aura dès samedi soir une
évolution) des membres du P.C.F.
et de la F.G.D.S. Les membres du
P.SA .. eux, sont tout de suite dans
le mouvement qu'ils ont contribué à
provoquer, mais ils sentent qu'ils se-
raient mal accueillis s'ils parlaient
au nom d'un parti ; ce qui compte
d'ailleurs, ce sont les idées et pas le
nom. La masse s'est sentie jusqu'ici
brimée par les mécanismes île la
démocratie représentative, soit dans
les partis, soit dans les syndicats,
soit dans la nation ; de cette masse
la parti mobilisée réclame une dé-
mocratie plus directe. La partie non
mobilisée en est encore à deman-
der : « Qu'allez-vous décider ? Que
réclamez-vous ? « Ce n'est pas à nous
de décider, leur répond-on, c'est à
vous ; c'est à vous aussi de formuler
vos revendications, nous ne pouvons
que vous proposer des thèmes. »
Une démocratie syndicale trop pure-
ment représentative a engendré une
dépolitisation qu'on ne pourra dis-
siper que par de longue» discus-
sions : mais de ces discussions jailli-
ra peut-être dans les esprits des
travailleurs et des citoyens une ré-
volution culturelle dont aucun con-
tre-révolutionnaire ne viendra à
bout.
Plus que le manque d'organisation,
le drame dans cette situation quasi-
révolutionnaire est le manque d'idéo-
logie. Les programmes des partis
(trop «réalistes!») sont dépassés.
On lit Gorz à la hâte ou on le re-
trouve, mais tout n'est pas dans
Gorz. Le mouvement commence à se
demander s'il n'est pas capable de
trouver tout seul son idéologie, sa
stratégie, de la fabriquer au fur cl
à mesure dans l'action comme déjà se
fabrique le modèle de cogestion de
l'entreprise, préliminaire, à l'auto-
gestion.
le drame dans cette situation quasi-
révolutionnaire est le manque d'idéo-
logie. Les programmes des partis
(trop «réalistes!») sont dépassés.
On lit Gorz à la hâte ou on le re-
trouve, mais tout n'est pas dans
Gorz. Le mouvement commence à se
demander s'il n'est pas capable de
trouver tout seul son idéologie, sa
stratégie, de la fabriquer au fur cl
à mesure dans l'action comme déjà se
fabrique le modèle de cogestion de
l'entreprise, préliminaire, à l'auto-
gestion.
Peut-être va-t-on vers une décep-
tion, mais il reste qu'après cette vaste
prise de conscience, après l'ouvertu-
re de cette discussion que rien ne
pourra arrêter, rien ne sera plus
tout à fait comme avant.
tion, mais il reste qu'après cette vaste
prise de conscience, après l'ouvertu-
re de cette discussion que rien ne
pourra arrêter, rien ne sera plus
tout à fait comme avant.
Jacques VALESSE
La maison
sans fenêtres
sans fenêtres
Les mardi 21 mai et mercredi 22 mai,
le comité de grève de l'O.R.T.F. avait
décidé, avec l'accord du bureau de
l'Assemblée Nationale, de retransmet-
tre intégralement le débat sur la mo-
tion de censure. Tout un peuple étonné
a ainsi pu voir travailler ses représen-
tants. Etonné, et pour une bonne part,
atterré. Quoi ? L'Université était en
pleine Révolution culturelle, et M. René
Billère expliquait, disert et bonhomme,
qu'il avait toujours été un ferme dé-
fenseur de l'enseignement technique !
Dix millions de travailleurs en grève
occupaient leurs usines, et M. Wal-
deck Rochet récitait tranquillement,
pour la nième fois, le programme du
parti communiste ! M. Valéry Giscard
d'Estaing, lui, se plaignait de ce débat
trop académique, mais entamait joyeu-
sement un exposé classique en deux
parties, ouvrant sur l'avenir, à faire
pâlir de jalousie un maître de confé-
rences à l'E.N.A. !
le comité de grève de l'O.R.T.F. avait
décidé, avec l'accord du bureau de
l'Assemblée Nationale, de retransmet-
tre intégralement le débat sur la mo-
tion de censure. Tout un peuple étonné
a ainsi pu voir travailler ses représen-
tants. Etonné, et pour une bonne part,
atterré. Quoi ? L'Université était en
pleine Révolution culturelle, et M. René
Billère expliquait, disert et bonhomme,
qu'il avait toujours été un ferme dé-
fenseur de l'enseignement technique !
Dix millions de travailleurs en grève
occupaient leurs usines, et M. Wal-
deck Rochet récitait tranquillement,
pour la nième fois, le programme du
parti communiste ! M. Valéry Giscard
d'Estaing, lui, se plaignait de ce débat
trop académique, mais entamait joyeu-
sement un exposé classique en deux
parties, ouvrant sur l'avenir, à faire
pâlir de jalousie un maître de confé-
rences à l'E.N.A. !
Rarement sans doute a-t-il été don-
né de ressentir à ce point la parfaite
inadéquation de notre institution par-
lementaire à se trouver en prise sur
la vie du pays. Et pourtant, ce débat
irréel, lourd, vide et solennel, suite de
longs discours balancés, ponctuée de
« rappels au règlement'» et d' « inter-
ruptions avec la permission de l'ora-
teur », ce formalisme désuet, ces phra-
ses sans rapport avec les problèmes
posés par l'actualité c'est, trop 'sou-
vent,, cela, un débat parlementaire.
né de ressentir à ce point la parfaite
inadéquation de notre institution par-
lementaire à se trouver en prise sur
la vie du pays. Et pourtant, ce débat
irréel, lourd, vide et solennel, suite de
longs discours balancés, ponctuée de
« rappels au règlement'» et d' « inter-
ruptions avec la permission de l'ora-
teur », ce formalisme désuet, ces phra-
ses sans rapport avec les problèmes
posés par l'actualité c'est, trop 'sou-
vent,, cela, un débat parlementaire.
LA DECADENCE DU PARLEMENT
Bien sûr, on l'a dit souvent, le fonc-
tionnement des institutions de 'la Ve
République explique en partie ce phé-
nomène, L'Assemblée Nationale n'est
plus l'élément essentiel de l'édifice
institutionnel. Le rôle qui lui est dévo-
lu par la'constitution, la pratique abu-
sive de l'ordre du jour prioritaire, ou
du vote bloqué, la mainmise absolue
de la majorité sur les bureaux des com-
tionnement des institutions de 'la Ve
République explique en partie ce phé-
nomène, L'Assemblée Nationale n'est
plus l'élément essentiel de l'édifice
institutionnel. Le rôle qui lui est dévo-
lu par la'constitution, la pratique abu-
sive de l'ordre du jour prioritaire, ou
du vote bloqué, la mainmise absolue
de la majorité sur les bureaux des com-
missions l'ont beaucoup vidée 'de sa
substance. Le gouvernement s'est
presque toujours refusé à soumettre
aux parlementaires les problèmes
d'actualité, alors même que des 'ques-
tions orales lui étaient adressées par
des députés, de l'opposition ou même
de la majorité. L'exemple britannique
est souvent cité sans fondement, mais
en la matière il s'impose : une bonne
part du prestige de la Chambre des
Communes dans le peuple anglais vient
de ce qu'on y aborde sans cesse les
problèmes de la plus brûlante actua-
lité. En France, le système gaulliste
ne l'a jamais permis. Dans ces condi-
tions, on ne saurait trop s'étonner que
le Parlement n'ait pas été très rôdé
à ce genre d'exercice. Mais les causes
profondes du déphasage sont plus
graves.
substance. Le gouvernement s'est
presque toujours refusé à soumettre
aux parlementaires les problèmes
d'actualité, alors même que des 'ques-
tions orales lui étaient adressées par
des députés, de l'opposition ou même
de la majorité. L'exemple britannique
est souvent cité sans fondement, mais
en la matière il s'impose : une bonne
part du prestige de la Chambre des
Communes dans le peuple anglais vient
de ce qu'on y aborde sans cesse les
problèmes de la plus brûlante actua-
lité. En France, le système gaulliste
ne l'a jamais permis. Dans ces condi-
tions, on ne saurait trop s'étonner que
le Parlement n'ait pas été très rôdé
à ce genre d'exercice. Mais les causes
profondes du déphasage sont plus
graves.
NI TRIBUNE NI TRIBUNAL
Le système majoritaire de la Vr Ré-
publique fait qu'il y a très peu de chan-
ces qu'une motion de censure puisse
être adoptée : la majorité, disciplinée
et fidèle, ne se laisse pas aisément en-
tamer. En soi, il n'y a rien là de scan-
daleux — les groupes de l'opposition
sont eux-mêmes disciplinés — mais,
par contrecoup, l'ardeur des opposants
s'est faite moins vive — Privés de l'es-
poir d'une sanction — le renversement
du gouvernement — les députés de la
gauche traditionnelle n'avaient plus
guère de cœur à l'ouvrage. A quoi bon
faire de bons réquisitoires si le tribu-
nal ne peut pas condamner ?
publique fait qu'il y a très peu de chan-
ces qu'une motion de censure puisse
être adoptée : la majorité, disciplinée
et fidèle, ne se laisse pas aisément en-
tamer. En soi, il n'y a rien là de scan-
daleux — les groupes de l'opposition
sont eux-mêmes disciplinés — mais,
par contrecoup, l'ardeur des opposants
s'est faite moins vive — Privés de l'es-
poir d'une sanction — le renversement
du gouvernement — les députés de la
gauche traditionnelle n'avaient plus
guère de cœur à l'ouvrage. A quoi bon
faire de bons réquisitoires si le tribu-
nal ne peut pas condamner ?
Mais, dira-t-on, il ne s'agit point seu-
lement de condamner, mais d'informer
l'opinion, en posant clairement les pro-
blèmes. C'est bien là que les choses
s'aggravent. Ce rôle même de tribune
pour le Parlement, nos députés y ont
peu à peu renoncé. Au temps des
Assemblées révolutionnaires, on par-
lait pour les galeries du public et pour
L'Ami du Peuple. Et puis de plus en
plus on a parlé pour le Journal offi-
ciel, ou pour avoir sa prose reproduite
dans la gazette locale. Le 21 mai der-
nier, une chance exceptionnelle se pré-
lement de condamner, mais d'informer
l'opinion, en posant clairement les pro-
blèmes. C'est bien là que les choses
s'aggravent. Ce rôle même de tribune
pour le Parlement, nos députés y ont
peu à peu renoncé. Au temps des
Assemblées révolutionnaires, on par-
lait pour les galeries du public et pour
L'Ami du Peuple. Et puis de plus en
plus on a parlé pour le Journal offi-
ciel, ou pour avoir sa prose reproduite
dans la gazette locale. Le 21 mai der-
nier, une chance exceptionnelle se pré-
grâce aux étranges lucarnes
de la télévision, de parler directement
au peuple. Mais on a fini par l'oublier,
et l'on a continué de parler pour le
Journal officiel.
de la télévision, de parler directement
au peuple. Mais on a fini par l'oublier,
et l'on a continué de parler pour le
Journal officiel.
Ces députés qui parlent entre eux,
dans cette « maison sans fenêtres •
du Palais Bourbon, en oubliant qu'on
les écoute, qu'on les regarde, sont au
reste" des gens mal informés. Au fond,
la crise de l'Université, les problèmes
de la classe ouvrière, ils les connais-
sent mal. Cela n'est pas nouveau,
d'ailleurs : les parlementaires de la
IV= République ignoraient à peu près
tout de ce qui se passait en Algérie.
La nature même du travail parlemen-
taire, le fait qu'en commission, les
seules auditions soient celles de minis-
tres ou de quelques rares hauts fonc-
tionnaires l'explique en partie : ja-
mais un Jacques Sauvageot, un Alain
Geismar, n'ont été entendus par la
Commission des Affaires culturelles de
l'Assemblée Nationale, compétente en
matière d'Education nationale. Mieux :
le règlement s'y oppose. Ce n'est pas
là l'affaire du pouvoir législatif...
dans cette « maison sans fenêtres •
du Palais Bourbon, en oubliant qu'on
les écoute, qu'on les regarde, sont au
reste" des gens mal informés. Au fond,
la crise de l'Université, les problèmes
de la classe ouvrière, ils les connais-
sent mal. Cela n'est pas nouveau,
d'ailleurs : les parlementaires de la
IV= République ignoraient à peu près
tout de ce qui se passait en Algérie.
La nature même du travail parlemen-
taire, le fait qu'en commission, les
seules auditions soient celles de minis-
tres ou de quelques rares hauts fonc-
tionnaires l'explique en partie : ja-
mais un Jacques Sauvageot, un Alain
Geismar, n'ont été entendus par la
Commission des Affaires culturelles de
l'Assemblée Nationale, compétente en
matière d'Education nationale. Mieux :
le règlement s'y oppose. Ce n'est pas
là l'affaire du pouvoir législatif...
Que font-ils donc, les représentants
du peuple? A vrai dire un travail dif-
ficile, harassant parfois : ils travaillent
dans leur circonscription, font des dé-
marches dans les préfectures, dans
les ministères. Que reste-t-il pour
l'orientation, ou du moins pour le con-
trôle de la vie nationale , « Comme
la plupart de mes collègues, nous re-
pond un jeune député du centre de la
France, j'assiste, le mardi de 15 heu-
res à 16 heures à la réunion de mon
groupe parlementaire. Et, le mercredi
je tente de rester en séance plénière
le plus longtemps possible. ». Dans
ces conditions, qui est censé assister
les grandes décisions d'orientation po-
litique ? La réponse est claire -, c'est
le gouvernement, et ce sont les partis
politiques. On comprend aisément que
s'ils faiblissent à cette mission, les
parlementaires se trouvent désempa-
du peuple? A vrai dire un travail dif-
ficile, harassant parfois : ils travaillent
dans leur circonscription, font des dé-
marches dans les préfectures, dans
les ministères. Que reste-t-il pour
l'orientation, ou du moins pour le con-
trôle de la vie nationale , « Comme
la plupart de mes collègues, nous re-
pond un jeune député du centre de la
France, j'assiste, le mardi de 15 heu-
res à 16 heures à la réunion de mon
groupe parlementaire. Et, le mercredi
je tente de rester en séance plénière
le plus longtemps possible. ». Dans
ces conditions, qui est censé assister
les grandes décisions d'orientation po-
litique ? La réponse est claire -, c'est
le gouvernement, et ce sont les partis
politiques. On comprend aisément que
s'ils faiblissent à cette mission, les
parlementaires se trouvent désempa-
13 Juin 1968
SPECIAL MAI 68
page 21
LE REFLET DE LA SOCIETE
« ADULTE »
« ADULTE »
En allant plus au fond des choses,
or. pourrait dire que l'étonnement du
téléspectateur devant le débat de cen-
sure de la fin mai est lui-même éton-
nant. En quoi finalement aurait-on pu
espérer autre chose des caciques de
la vie parlementaire ?
or. pourrait dire que l'étonnement du
téléspectateur devant le débat de cen-
sure de la fin mai est lui-même éton-
nant. En quoi finalement aurait-on pu
espérer autre chose des caciques de
la vie parlementaire ?
Ces hommes ont été formés selon
les modes classiques de l'Université
bourgeoise, ont fait leurs classes dans
les appareils politiques traditionnels,
se sont habitués aux règlements et au
formalisme du système représentatif
tel qu'il a été mis en place depuis
la monarchie de juillet. Il aurait
été somme toute anormal que leurs
réactions fussent différentes. Cette
société « adulte », conformiste, figée
que contestent les jeunes travailleurs
et les étudiants, ces fidèles repré-
sentants du peuple la représentaient
fort bien. Et pour paraître, télévisés
qu'ils étaient, plus représentatifs en-
core, sans doute beaucoup ont-ils eu
la volonté, face au folklore étudiant, à
la chienlit ambiante, d'apparaître plus
sérieux, plus « adultes » encore, aux
yeux de leurs électeurs. Du même
coup, le déphasage du style par rap-
port à ce qui se passait dans le pays
réjoignait l'inadéquation quant au fond
des problèmes.
les modes classiques de l'Université
bourgeoise, ont fait leurs classes dans
les appareils politiques traditionnels,
se sont habitués aux règlements et au
formalisme du système représentatif
tel qu'il a été mis en place depuis
la monarchie de juillet. Il aurait
été somme toute anormal que leurs
réactions fussent différentes. Cette
société « adulte », conformiste, figée
que contestent les jeunes travailleurs
et les étudiants, ces fidèles repré-
sentants du peuple la représentaient
fort bien. Et pour paraître, télévisés
qu'ils étaient, plus représentatifs en-
core, sans doute beaucoup ont-ils eu
la volonté, face au folklore étudiant, à
la chienlit ambiante, d'apparaître plus
sérieux, plus « adultes » encore, aux
yeux de leurs électeurs. Du même
coup, le déphasage du style par rap-
port à ce qui se passait dans le pays
réjoignait l'inadéquation quant au fond
des problèmes.
C'est que si la révolution de mai,
c'est avant tout une mise en cause fon-
damentale de toutes les structures
d'autorité existant dans ce pays, il n'y
avait guère de raisons pour que le
Parlement fût épargné. Les manifes-
tants étudiants qui passaient devant le
Palais Bourbon dédaignaient même d'y
porter leurs regards : cette crise née
en dehors des parlementaires, dont
aucun d'entre eux ne pouvait soup-
çonner qu'elle fût imminente, il était
évident pour tous que c'était en dehors
d'eux qu'il fallait la résoudre. Mais
l'autorité du Parlement n'avait même
pas à être combattue : son image était
suffisamment dévaluée pour qu'il fût
simplement ignoré...
c'est avant tout une mise en cause fon-
damentale de toutes les structures
d'autorité existant dans ce pays, il n'y
avait guère de raisons pour que le
Parlement fût épargné. Les manifes-
tants étudiants qui passaient devant le
Palais Bourbon dédaignaient même d'y
porter leurs regards : cette crise née
en dehors des parlementaires, dont
aucun d'entre eux ne pouvait soup-
çonner qu'elle fût imminente, il était
évident pour tous que c'était en dehors
d'eux qu'il fallait la résoudre. Mais
l'autorité du Parlement n'avait même
pas à être combattue : son image était
suffisamment dévaluée pour qu'il fût
simplement ignoré...
UN MIROIR DEFORMANT
Si la société « adulte » et « res-
ponsable » pouvait se reconnaître dans
son Parlement, si au contraire les for-
ces vives des étudiants et de la classe
ouvrière n'avaient qu'indifférence à son
égard, c'est bien que ce système re-
présentatif ne met en place qu'un mi-
roir déformant de l'opinion. Parce que
les structures politiques présentant
des candidats aux élections sont sou-
vent sclérosées, en tout cas peu dyna-
miques, parce que la vie politique
organisée prise peu la jeunesse ou
l'ignore, parce que le mode de scrutin
y incite, le paysage de l'Assemblée
Nationale ressemblait assez peu, le
22 mai, à celui de la rue, des usines et
des facultés.
ponsable » pouvait se reconnaître dans
son Parlement, si au contraire les for-
ces vives des étudiants et de la classe
ouvrière n'avaient qu'indifférence à son
égard, c'est bien que ce système re-
présentatif ne met en place qu'un mi-
roir déformant de l'opinion. Parce que
les structures politiques présentant
des candidats aux élections sont sou-
vent sclérosées, en tout cas peu dyna-
miques, parce que la vie politique
organisée prise peu la jeunesse ou
l'ignore, parce que le mode de scrutin
y incite, le paysage de l'Assemblée
Nationale ressemblait assez peu, le
22 mai, à celui de la rue, des usines et
des facultés.
Sait-on même que le Sénat, lui aussi,
pendant tout ce temps, a continué de
siéger, dans l'indifférence de tout un
peuple ! Le temps n'est plus où une
pendant tout ce temps, a continué de
siéger, dans l'indifférence de tout un
peuple ! Le temps n'est plus où une
gauche pure et dure devait crier « sus
au Sénat ! ». La gauche pure et dure
a oublié depuis quelques semaines
qu'il existait un Sénat...
au Sénat ! ». La gauche pure et dure
a oublié depuis quelques semaines
qu'il existait un Sénat...
Sans doute ne faut-il pas tomber
dans un anti-parlementarisme systéma-
tique de mauvais aloi, et enfourcher
les chevaux d'un Maurras.
dans un anti-parlementarisme systéma-
tique de mauvais aloi, et enfourcher
les chevaux d'un Maurras.
A dire vrai, tout montre au contraire,
qu'au-delà du problème du Parlement
en tant que tel, la question qui est
avant tout posée, c'est, évidemment,
celle des structures politiques françai-
ses, des partis politiques, en un mot,
de la classe politique.
qu'au-delà du problème du Parlement
en tant que tel, la question qui est
avant tout posée, c'est, évidemment,
celle des structures politiques françai-
ses, des partis politiques, en un mot,
de la classe politique.
Roland CAYROL
La révolution
dans la démocratie
dans la démocratie
Ce qui apparaîtra clairement avec
le recul du temps quand on exami-
nera le mouvement de mai 1968, c'est
qu'il veut donner un sens complet au
mot de démocratie. Chacun sent déjà
cela dans les facultés, on commence
a le sentir dans les entreprises, on ne
le sent pas encore dans les commu-
nes: mais cela viendra. En ce sens, le
( mouvement ne se dresse pas seule-
Iment contre le pouvoir ultra-centra-
-lité du gaullisme et contre l'autorité
de l'argent dans le système capita-
liste, mais aussi contre toute gestion
bureaucratique, contre tout excès de
centralisation, tout éloignement inu-
tile des centres de décision, fut-ce
dans un régime démocratique.
le recul du temps quand on exami-
nera le mouvement de mai 1968, c'est
qu'il veut donner un sens complet au
mot de démocratie. Chacun sent déjà
cela dans les facultés, on commence
a le sentir dans les entreprises, on ne
le sent pas encore dans les commu-
nes: mais cela viendra. En ce sens, le
( mouvement ne se dresse pas seule-
Iment contre le pouvoir ultra-centra-
-lité du gaullisme et contre l'autorité
de l'argent dans le système capita-
liste, mais aussi contre toute gestion
bureaucratique, contre tout excès de
centralisation, tout éloignement inu-
tile des centres de décision, fut-ce
dans un régime démocratique.
Ce que l'on commence à compren-
dre (la jeunesse française est à
l'avant-garde ici comme la jeunesse
américaine, allemande, polonaise, et
même yougoslave...) c'est qu'il ne
suffit pas, pour assurer l'exercice de
la démocratie, de déléguer le pou-
voir, fut-ce dans une élection loyale,
à des représentants, députés ou délé-
gués, qui ensuite délégueront eux-
même leur pouvoir à un gouverne-
ment ou à un autre échelon supé-
rieur, qui le déléguera ensuite à une
administration ou à une bureaucra-
tie, dont finalement le citoyen ou le
travailleur, seul origine légitime du
pouvoir, subira les effets sans pouvoir
réagir autrement que par un proces-
sus long et compliqué. La découverte
de ce temps-ci, c'est que le phéno-
mène de la « délégation » dénature
nécessairement la démocratie et la
liberté, et que les besoins et la volon-
té de la base se perdent dans la pyra-
mide hiérarchique, se noient dans
des ensembles trop vastes ; il en ré-
sulte une frustration continuelle, sou-
vent une oppression réelle des per-
sonnes, et presque toujours une mau-
vaise gestion des choses.
dre (la jeunesse française est à
l'avant-garde ici comme la jeunesse
américaine, allemande, polonaise, et
même yougoslave...) c'est qu'il ne
suffit pas, pour assurer l'exercice de
la démocratie, de déléguer le pou-
voir, fut-ce dans une élection loyale,
à des représentants, députés ou délé-
gués, qui ensuite délégueront eux-
même leur pouvoir à un gouverne-
ment ou à un autre échelon supé-
rieur, qui le déléguera ensuite à une
administration ou à une bureaucra-
tie, dont finalement le citoyen ou le
travailleur, seul origine légitime du
pouvoir, subira les effets sans pouvoir
réagir autrement que par un proces-
sus long et compliqué. La découverte
de ce temps-ci, c'est que le phéno-
mène de la « délégation » dénature
nécessairement la démocratie et la
liberté, et que les besoins et la volon-
té de la base se perdent dans la pyra-
mide hiérarchique, se noient dans
des ensembles trop vastes ; il en ré-
sulte une frustration continuelle, sou-
vent une oppression réelle des per-
sonnes, et presque toujours une mau-
vaise gestion des choses.
De Gaulle, ultra du centralisme
Le pouvoir gaulliste porte tous ces
défauts à l'extrême parce qu'il re-
pousse, par le système plébiscitaire.
toute décision importante, toute res-
défauts à l'extrême parce qu'il re-
pousse, par le système plébiscitaire.
toute décision importante, toute res-
Collombert
Agip
ponsabilité réelle au niveau le plus
haut, et parce qu'il dévalorise le rôle
des corps intermédiaires, assemblées,
conseils, pris entre une administra-
tion de plus en plus autoritaire, et le
parti-robot de l'U.N.R., véritable
deuxième administration. Ainsi ces
corps intermédiaires n'ont plus au-
cune possibilité de corriger les er-
reurs venues d'en haut. C'est ainsi
que dans tous les domaines de la vie
politique, économique, administra-
tive du pays, les erreurs ont été ac-
cumulées depuis dix ans sans que
jamais un signal d'alarme ne soit per-
çu par des ministres qui ne regardent
que vers l'Elysée, et un Président
qui ne contemple que sa propre
image. Ainsi s'est développé un ma-
laise, une frustration, portés au plus
haut point dans l'Université, mais
qui existaient et existent partout.
Ainsi, le centralisme caricatural du
régime gaulliste a fait de lui le mo-
dèle exemplaire des vices de la so-
ciété moderne, et il n'est pas éton-
nant que ce soit en France que l'ex-
plosion la plus vaste se soit produite.
haut, et parce qu'il dévalorise le rôle
des corps intermédiaires, assemblées,
conseils, pris entre une administra-
tion de plus en plus autoritaire, et le
parti-robot de l'U.N.R., véritable
deuxième administration. Ainsi ces
corps intermédiaires n'ont plus au-
cune possibilité de corriger les er-
reurs venues d'en haut. C'est ainsi
que dans tous les domaines de la vie
politique, économique, administra-
tive du pays, les erreurs ont été ac-
cumulées depuis dix ans sans que
jamais un signal d'alarme ne soit per-
çu par des ministres qui ne regardent
que vers l'Elysée, et un Président
qui ne contemple que sa propre
image. Ainsi s'est développé un ma-
laise, une frustration, portés au plus
haut point dans l'Université, mais
qui existaient et existent partout.
Ainsi, le centralisme caricatural du
régime gaulliste a fait de lui le mo-
dèle exemplaire des vices de la so-
ciété moderne, et il n'est pas éton-
nant que ce soit en France que l'ex-
plosion la plus vaste se soit produite.
L'autogestion,
remède de l'âge moderne
remède de l'âge moderne
Mais au delà de ce cas particulier,
il est bien certain que le problème
de la décentralisation et de l'auto-
gestion se pose partout et apparaît
comme la seule réponse aux menaces
actuelles. Partout, la centralisation
progresse d'une manière irréversible,
les gouvernements libéraux ou popu-
laires s'en servent contre les conser-
vatismes locaux, les gouvernements
réactionnaires, contre les aspirations
populaires ; la nécessité de vastes in-
vestissements entraîne aux fusions de
sociétés, la planification accroît le
pouvoir de l'Etat, les ensembles plu-
rinationaux se constituent ; partout
tout grandit, partout les centres de
décision s'élèvent et s'éloignent. Cette
évolution est inévitable, et l'on ne
peut s'y opposer au nom d'une mélan-
colie passéiste. Mais il est de plus en
plus nécessaire, de plus en plus ur-
gent de la compenser en développant
le contre-poids que constitue le pou-
î-oir à la base du citoyen et du Ira-
r, en enlevant aux organes de
il est bien certain que le problème
de la décentralisation et de l'auto-
gestion se pose partout et apparaît
comme la seule réponse aux menaces
actuelles. Partout, la centralisation
progresse d'une manière irréversible,
les gouvernements libéraux ou popu-
laires s'en servent contre les conser-
vatismes locaux, les gouvernements
réactionnaires, contre les aspirations
populaires ; la nécessité de vastes in-
vestissements entraîne aux fusions de
sociétés, la planification accroît le
pouvoir de l'Etat, les ensembles plu-
rinationaux se constituent ; partout
tout grandit, partout les centres de
décision s'élèvent et s'éloignent. Cette
évolution est inévitable, et l'on ne
peut s'y opposer au nom d'une mélan-
colie passéiste. Mais il est de plus en
plus nécessaire, de plus en plus ur-
gent de la compenser en développant
le contre-poids que constitue le pou-
î-oir à la base du citoyen et du Ira-
r, en enlevant aux organes de
sommet l'élaboration des décisions
d'exécution et en ne leur laissant que
l'élaboration de l'orientation géné-
rale, en « fédéralisant » aussi bien la
politique et l'administration que la
vie de l'économie et celle des entre-
prises.
d'exécution et en ne leur laissant que
l'élaboration de l'orientation géné-
rale, en « fédéralisant » aussi bien la
politique et l'administration que la
vie de l'économie et celle des entre-
prises.
On peut dire que, d'une certaine
manière, la révolution de Mai a un
caractère « girondin ». Elle s'oppose
profondément à ce centralisme que
la révolution jacobine imposa face
aux menaces intérieures et extérieu-
res en 1793, mais qui reprit l'héritage
du centralisme royal ; ce centralisme
aggravé encore par Napoléon, a été
responsable de toute une série des
maux dont souffre la France : hy-
pertrophie de Paris, toute-puissance
des préfets, auxquels le gaullisme a
ajouté encore le poids des préfets ré-
gionaux, absence d'assemblées régio-
nales, insuffisance de pouvoirs des
conseils généraux et municipaux,
appauvrissement des régions les plus
pauvres et exode progressif... Ce ne
sont là que quelques exemples, sans
parler du fonctionnement bureau-
cratique du système hospitalier, sco-
laire et universitaire.
manière, la révolution de Mai a un
caractère « girondin ». Elle s'oppose
profondément à ce centralisme que
la révolution jacobine imposa face
aux menaces intérieures et extérieu-
res en 1793, mais qui reprit l'héritage
du centralisme royal ; ce centralisme
aggravé encore par Napoléon, a été
responsable de toute une série des
maux dont souffre la France : hy-
pertrophie de Paris, toute-puissance
des préfets, auxquels le gaullisme a
ajouté encore le poids des préfets ré-
gionaux, absence d'assemblées régio-
nales, insuffisance de pouvoirs des
conseils généraux et municipaux,
appauvrissement des régions les plus
pauvres et exode progressif... Ce ne
sont là que quelques exemples, sans
parler du fonctionnement bureau-
cratique du système hospitalier, sco-
laire et universitaire.
Le P.S.U. et la gestion directe
II y a longtemps que le P.S.U.
préconise des solutions allant préci-
sément dans le sens de la débureau-
cratisation et de la gestion directe.
Cet esprit a inspiré le parti dès l'ori-
gine, et c'est probablement son ap-
port le plus original au mouvement
ouvrier français. Citons, par exem-
ple, l'idée de la gestion tripartite,
dont le P.S.U. a étudié l'application
dans plusieurs domaines : le service
national de Santé dans lequel le sys-
tème hospitalier serait géré par des
représentants de l'Etat, des médecins
et hospitaliers, et des associations de
malades ; l'école, dont la gestion se-
rait assurée par des représentants
de l'Etat, des enseignants, des parents
d'élèves ; l'université, où nous préco-
nisons depuis plusieurs années la co-
gestion étudiants-enseignants, avec
la plus grande autonomie possible
par rapport à l'Etat. Dans le domaine
industriel, nous avons souvent sou-
'igiié que les comités d'entreprise
préconise des solutions allant préci-
sément dans le sens de la débureau-
cratisation et de la gestion directe.
Cet esprit a inspiré le parti dès l'ori-
gine, et c'est probablement son ap-
port le plus original au mouvement
ouvrier français. Citons, par exem-
ple, l'idée de la gestion tripartite,
dont le P.S.U. a étudié l'application
dans plusieurs domaines : le service
national de Santé dans lequel le sys-
tème hospitalier serait géré par des
représentants de l'Etat, des médecins
et hospitaliers, et des associations de
malades ; l'école, dont la gestion se-
rait assurée par des représentants
de l'Etat, des enseignants, des parents
d'élèves ; l'université, où nous préco-
nisons depuis plusieurs années la co-
gestion étudiants-enseignants, avec
la plus grande autonomie possible
par rapport à l'Etat. Dans le domaine
industriel, nous avons souvent sou-
'igiié que les comités d'entreprise
page 22
SPECIAL MAI 68
tribune socialiste
devaient être l'amorce de Fauto-ges-
tion, et que l'accroissement de leurs
pouvoirs et l'ouverture des livres de
compte étaient une étape indispensa-
ble de ce processus. Dans le domaine
agricole, on sait l'importance que le
P.S.U. n'a cessé d'attacher au déve-
loppement de l'agriculture de grou-
pe.
tion, et que l'accroissement de leurs
pouvoirs et l'ouverture des livres de
compte étaient une étape indispensa-
ble de ce processus. Dans le domaine
agricole, on sait l'importance que le
P.S.U. n'a cessé d'attacher au déve-
loppement de l'agriculture de grou-
pe.
Il est indispensable que toute la
population découvre maintenant le
sens et l'importance du mouvement
actuel et que chacun en imagine l'ap-
plication au domaine qui lui est pro-
pre. Dans les entreprises, les reven-
dications de gestion sont rarement
apparues dans les premiers jours, et
ceci non seulement à cause de l'oppo-
sition de la C.G.T., mais parce que
la masse des travailleurs en voyait
rarement l'intérêt, sauf dans les sec-
teurs les plus avancés. Mais peu à peu
une évolution s'est produite et con-
tinue à se produire. Nos camarades,
souvent n'y ont pas été étrangers.
Il faut que ce mouvement demeure et
s'amplifie et ne s'arrête pas au « con-
trefeu » que le régime va tenter de lui
opposer sous le nom de « participa-
tion ».
population découvre maintenant le
sens et l'importance du mouvement
actuel et que chacun en imagine l'ap-
plication au domaine qui lui est pro-
pre. Dans les entreprises, les reven-
dications de gestion sont rarement
apparues dans les premiers jours, et
ceci non seulement à cause de l'oppo-
sition de la C.G.T., mais parce que
la masse des travailleurs en voyait
rarement l'intérêt, sauf dans les sec-
teurs les plus avancés. Mais peu à peu
une évolution s'est produite et con-
tinue à se produire. Nos camarades,
souvent n'y ont pas été étrangers.
Il faut que ce mouvement demeure et
s'amplifie et ne s'arrête pas au « con-
trefeu » que le régime va tenter de lui
opposer sous le nom de « participa-
tion ».
Les régions et les communes
Le domaine des collectivités loca-
les est certainement celui où l'in-
fluence du mouvement a été le plus
faible ; d'abord parce que beaucoup
des conseils municipaux et généraux
sont peuplés de notables qui n'ont
rien compris aux événements. Ensui-
te, et inversement, parce que ce do-
maine est un de ceux qui résiste à
l'envahissement centraliste et où la
population a le sentiment de parti-
ciper réellement à la gestion de ses
propres problèmes. Mais, partout où
les forces populaires ont une repré-
sentation, partout où elles exercent
un contrôle, il faudrait maintenant
lancer la bataille pour l'auto-gestion
locale et régionale. Le P.S.U., ici
encore, a fixé un certain nombre
d'objectifs : la création d'assemblées
régionales démocratiquement élues
et chargées de la planification régio-
nale, la suppression des préfets : cette
dernière idée paraît étonnante pour
beaucoup de Français. Et pourtant
il n'y a aucun préfet et aucun fonc-
tionnaire analogue, en Grande-Breta-
gne, en Allemagne, sans parler de la
Suisse et des Etats-Unis. Ce qui est
normal dans un pays démocratique,
c'est que les assemblées élues aux di-
vers échelons coordonnent elles-mê-
mes leur action avec la capitale, et
se chargent de l'application de la lé-
gislation nationale. C'est le système
français instauré par Napoléon qui
est anormal et aberrant. .
les est certainement celui où l'in-
fluence du mouvement a été le plus
faible ; d'abord parce que beaucoup
des conseils municipaux et généraux
sont peuplés de notables qui n'ont
rien compris aux événements. Ensui-
te, et inversement, parce que ce do-
maine est un de ceux qui résiste à
l'envahissement centraliste et où la
population a le sentiment de parti-
ciper réellement à la gestion de ses
propres problèmes. Mais, partout où
les forces populaires ont une repré-
sentation, partout où elles exercent
un contrôle, il faudrait maintenant
lancer la bataille pour l'auto-gestion
locale et régionale. Le P.S.U., ici
encore, a fixé un certain nombre
d'objectifs : la création d'assemblées
régionales démocratiquement élues
et chargées de la planification régio-
nale, la suppression des préfets : cette
dernière idée paraît étonnante pour
beaucoup de Français. Et pourtant
il n'y a aucun préfet et aucun fonc-
tionnaire analogue, en Grande-Breta-
gne, en Allemagne, sans parler de la
Suisse et des Etats-Unis. Ce qui est
normal dans un pays démocratique,
c'est que les assemblées élues aux di-
vers échelons coordonnent elles-mê-
mes leur action avec la capitale, et
se chargent de l'application de la lé-
gislation nationale. C'est le système
français instauré par Napoléon qui
est anormal et aberrant. .
Sur le plan de la commune, de
nombreuses modifications doivent
être faites pour donner aux munici-
palités un pouvoir plus réel, et
d'abord le pouvoir économique. • En
Yougoslavie, l'évolution commencée
en 1948 à, la suite du rejet du centra-
lisme stalinien a conduit à dévelop-
per énormément le pouvoir économi-
que des communes, dont chacune
nombreuses modifications doivent
être faites pour donner aux munici-
palités un pouvoir plus réel, et
d'abord le pouvoir économique. • En
Yougoslavie, l'évolution commencée
en 1948 à, la suite du rejet du centra-
lisme stalinien a conduit à dévelop-
per énormément le pouvoir économi-
que des communes, dont chacune
Agip
possède sa propre banque d'investis-
sements, sous le contrôle des banques
régionales et de la banque fédérale,
et peut ainsi mobiliser le crédit di-
rectement. Les communes participent
aussi avec les collectifs ouvriers à la
désignation de la direction des entre-
prises, ce qui assure non seulement
la représentation des travailleurs
mais aussi celle des usagers et ci-
toyens. Sous une forme sous une
autre, le rôle économique des com-
munes doit être développé en France.
Cela suppose leur renforcement —
non pas par la voie d'une concentra-
tion autoritaire mais par un accrois-
sement du rôle des syndicats de
communes. Il y a là un énorme do-
maine à explorer.
sements, sous le contrôle des banques
régionales et de la banque fédérale,
et peut ainsi mobiliser le crédit di-
rectement. Les communes participent
aussi avec les collectifs ouvriers à la
désignation de la direction des entre-
prises, ce qui assure non seulement
la représentation des travailleurs
mais aussi celle des usagers et ci-
toyens. Sous une forme sous une
autre, le rôle économique des com-
munes doit être développé en France.
Cela suppose leur renforcement —
non pas par la voie d'une concentra-
tion autoritaire mais par un accrois-
sement du rôle des syndicats de
communes. Il y a là un énorme do-
maine à explorer.
Libérer Paris
Le système administratif actuel
de Paris porte l'aberration centraliste
à son comble. Les préfets sont tout-
puissants et leur autoritarisme est
encore aggravé par le préfet régional
que le Conseil de District, organisme
non démocratique et presque sans
pouvoir, ne tempère nullement. Ici
aussi la suppression des préfets et
une assemblée régionale élue demeu-
rent l'objectif. Immédiatement, il
faut exiger la suppression de la tu-
telle de l'Etat et le retour de Paris
au régime de liberté des autres villes
de France, le président du Conseil
de Paris exerçant tous les pouvoirs
d'un président de Conseil général
et une partie de ceux d'un maire de
Paris, les arrondissements devenant
de petites communes à l'intérieur
de la collectivité parisienne, avec
leurs conseils et leurs maires élus, les
de Paris porte l'aberration centraliste
à son comble. Les préfets sont tout-
puissants et leur autoritarisme est
encore aggravé par le préfet régional
que le Conseil de District, organisme
non démocratique et presque sans
pouvoir, ne tempère nullement. Ici
aussi la suppression des préfets et
une assemblée régionale élue demeu-
rent l'objectif. Immédiatement, il
faut exiger la suppression de la tu-
telle de l'Etat et le retour de Paris
au régime de liberté des autres villes
de France, le président du Conseil
de Paris exerçant tous les pouvoirs
d'un président de Conseil général
et une partie de ceux d'un maire de
Paris, les arrondissements devenant
de petites communes à l'intérieur
de la collectivité parisienne, avec
leurs conseils et leurs maires élus, les
compétences étant réparties entre le
Conesil de Paris et des communes.
Conesil de Paris et des communes.
Si tous les Français se rendent
compte que la révolution de Mai les
concerne tous et que les idées nées
eu grandies au cours de ce mois ex-
plosif sont susceptibles d'application
dans tous les domaines et peuvent
entièrement rajeunir et tranformer
le visage de notre pays, une nouvelle
époque aura vraiment commencé. Il
faudra en remercier le petit groupe
« d'enragés » qui a tout mis en mar-
che.
compte que la révolution de Mai les
concerne tous et que les idées nées
eu grandies au cours de ce mois ex-
plosif sont susceptibles d'application
dans tous les domaines et peuvent
entièrement rajeunir et tranformer
le visage de notre pays, une nouvelle
époque aura vraiment commencé. Il
faudra en remercier le petit groupe
« d'enragés » qui a tout mis en mar-
che.
Claude BOURDET
Les comités d'action :
comme un poisson
dans l'eau
comme un poisson
dans l'eau
Dès le 5 mai, les premiers comités
d'action qui se créaient dans quel-
ques quartiers de Paris décidaient
que deux de leurs rôles principaux
étaient d'informer et de faire parti-
ciper la population au mouvement
qui commençait.
d'action qui se créaient dans quel-
ques quartiers de Paris décidaient
que deux de leurs rôles principaux
étaient d'informer et de faire parti-
ciper la population au mouvement
qui commençait.
Le temps des affiches collées en
catimini et des tracts distribués à la
pelle était révolu. Ce qui importait
désormais — et qui se confirmait de
jour en jour — c'était la confronta-
tion, le contact quotidien, la discus-
sion. Il s'agissait pour chaque per-
sonne de prendre conscience que la
politique se faisait dans la rue, que
chacun était capable et se devait
d'être responsable.
catimini et des tracts distribués à la
pelle était révolu. Ce qui importait
désormais — et qui se confirmait de
jour en jour — c'était la confronta-
tion, le contact quotidien, la discus-
sion. Il s'agissait pour chaque per-
sonne de prendre conscience que la
politique se faisait dans la rue, que
chacun était capable et se devait
d'être responsable.
« Pour nous, c'est à partir de là
que des contre-pouvoirs avaient la
possibilité d'être créés localement.
que des contre-pouvoirs avaient la
possibilité d'être créés localement.
— Nous voulons être comme un
poisson dans l'eau, c'est-à-dire au mi-
lieu de la population, récepteurs et
diffuseurs de ses réactions à l'événe-
ment, et créateurs de l'événement lo-
cal ». disent les membres d'un C.A.
poisson dans l'eau, c'est-à-dire au mi-
lieu de la population, récepteurs et
diffuseurs de ses réactions à l'événe-
ment, et créateurs de l'événement lo-
cal ». disent les membres d'un C.A.
Le panneau
Le principal lieu de rencontre se
situe au panneau, à un carrefour le
plus souvent. Tout a été utilisé : pan-
neaux publicitaires, barrières de
chantiers, etc.
situe au panneau, à un carrefour le
plus souvent. Tout a été utilisé : pan-
neaux publicitaires, barrières de
chantiers, etc.
« Nous avions choisi notre carre-
four, très passager, mais aucune sur-
face où coller les affiches. Deux ca-
fés, une pharmacie et le Prisunic for-
maient chacun un angle. Alors nous
sommes allés voir le piquet de grève
du Prisunic pour demander si l'on
pouvait coller sur les vitrines. Ils
n'étaient pas très chauds, mais en dé-
finitive, la décision concernait le di-
recteur, nous dirent-ils. Nous avons
donc utilisé les vitrines. Les pre-
miers jours — il y avait encore des
gens qui ne savaient pas que le Pri-
sunic était en grève — ça a un peu
ahuri le quartier, mais comme nous
n'étions pas agressifs, tout le monde
a oublié les vitrines. »
four, très passager, mais aucune sur-
face où coller les affiches. Deux ca-
fés, une pharmacie et le Prisunic for-
maient chacun un angle. Alors nous
sommes allés voir le piquet de grève
du Prisunic pour demander si l'on
pouvait coller sur les vitrines. Ils
n'étaient pas très chauds, mais en dé-
finitive, la décision concernait le di-
recteur, nous dirent-ils. Nous avons
donc utilisé les vitrines. Les pre-
miers jours — il y avait encore des
gens qui ne savaient pas que le Pri-
sunic était en grève — ça a un peu
ahuri le quartier, mais comme nous
n'étions pas agressifs, tout le monde
a oublié les vitrines. »
Des affiches composées et fabri-
quées par des étudiants des Beaux-
Arts sont le dénominateur commun à
tous les panneaux. (Au passage : le
texte et la composition de chaque
affiche sont discutés en assemblée
générais des C.A. en fonction d'une
ligne politique très élaborée, ensuite
des volontaires travaillent en équipes
à leur réalisation technique).
quées par des étudiants des Beaux-
Arts sont le dénominateur commun à
tous les panneaux. (Au passage : le
texte et la composition de chaque
affiche sont discutés en assemblée
générais des C.A. en fonction d'une
ligne politique très élaborée, ensuite
des volontaires travaillent en équipes
à leur réalisation technique).
SI tous les panneaux comportent
une grande partie d'affiches manus-
crites, le texte n'est jamais le même.
Après une analyse de la situation du
moment les membres du comité d'ac-
tion essaient de l'expliquer par l'af-
fiche. Chacun s'exprime selon sa per-
sonnalité : par des slogans, des affir-
mations, des questions ou des expli-
cations et des démonstrations très
élaborées. Très souvent les déclara-
tions sont datées :
une grande partie d'affiches manus-
crites, le texte n'est jamais le même.
Après une analyse de la situation du
moment les membres du comité d'ac-
tion essaient de l'expliquer par l'af-
fiche. Chacun s'exprime selon sa per-
sonnalité : par des slogans, des affir-
mations, des questions ou des expli-
cations et des démonstrations très
élaborées. Très souvent les déclara-
tions sont datées :
« Nous devons réagir en situation.
Nos analyses, nous les reverrons de-
main et même tout à l'heure. »
Nos analyses, nous les reverrons de-
main et même tout à l'heure. »
« Ici, nous avons organisé une es-
pèce de journal. Nous collons dès le
matin de grandes feuilles blanches
sur lesquelles tout le monde écrit au
fur et à mesure qu'il se passe quel-
que chose.
pèce de journal. Nous collons dès le
matin de grandes feuilles blanches
sur lesquelles tout le monde écrit au
fur et à mesure qu'il se passe quel-
que chose.
— Tout le monde ?
— Oui, c'est une idée qui vient
d'un autre comité d'action. Ils ont
pris l'habitude de dire aux gens :
tenez, voilà un crayon feutre, si vous
voulez écrire vous aussi. C'est la pra-
tique qui nous apprend cela. Par
exemple, sauf pour les explications
très longues, on écrit souvent directe-
ment au panneau, les gens nous
voient réfléchir entre les phrases, ils
d'un autre comité d'action. Ils ont
pris l'habitude de dire aux gens :
tenez, voilà un crayon feutre, si vous
voulez écrire vous aussi. C'est la pra-
tique qui nous apprend cela. Par
exemple, sauf pour les explications
très longues, on écrit souvent directe-
ment au panneau, les gens nous
voient réfléchir entre les phrases, ils
13 Juin 1968
SPECIAL MAI 68
page 23
commentant, on leur propose d'écrire
aussi. Evidemment, il y a beaucoup
de timidité, et certains nous disent
la phrase et nous l'écrivons.
aussi. Evidemment, il y a beaucoup
de timidité, et certains nous disent
la phrase et nous l'écrivons.
Certains viennent coller des tracts.
Et même un monsieur a écrit une
lettre pour dire que de Gaulle avait
créé la vignette pour les vieillards et
que ceux-ci n'en avaient pas béné-
ficié. Nous avons collé sa lettre sur
le panneau. Alors une dame est ve-
nue et nous a dit : mais ce n'est pas
de Gaulle, c'est Ramadier. Et elle l'a
inscrit.
Et même un monsieur a écrit une
lettre pour dire que de Gaulle avait
créé la vignette pour les vieillards et
que ceux-ci n'en avaient pas béné-
ficié. Nous avons collé sa lettre sur
le panneau. Alors une dame est ve-
nue et nous a dit : mais ce n'est pas
de Gaulle, c'est Ramadier. Et elle l'a
inscrit.
— Mais n'essayez-vous pas de faire
des analyses politiques plus poussées
que ces commentaires ?
des analyses politiques plus poussées
que ces commentaires ?
— Si, bien sûr. Tous les panneaux
que je connais dans l'arrondissement
et même ailleurs dans Paris, tiennent
au courant de l'état des grèves lo-
cales. Ça c'est pour l'information,
mais surtout nous expliquons les rai-
sons des grèves, les revendications, et
nous nous efforçons de toujours mon-
trer que c'est le pouvoir qui est en
jeu. Certains C.A., peu à ma connais-
sance, ont parlé aussi de ce qui se
passe à l'étranger, en particulier au
Vietnam que nous avons tous tendan-
ce à oublier en ce moment.
que je connais dans l'arrondissement
et même ailleurs dans Paris, tiennent
au courant de l'état des grèves lo-
cales. Ça c'est pour l'information,
mais surtout nous expliquons les rai-
sons des grèves, les revendications, et
nous nous efforçons de toujours mon-
trer que c'est le pouvoir qui est en
jeu. Certains C.A., peu à ma connais-
sance, ont parlé aussi de ce qui se
passe à l'étranger, en particulier au
Vietnam que nous avons tous tendan-
ce à oublier en ce moment.
Marrant
En ce qui concerne l'information,
un camarade de mon C.A. a fait une
affiche très marrante, dont le titre
était « Comment réussir une inanif
gaulliste ». Je ne nie souviens pas de
tous les points, il y en avait bien une
dizaine, mais c'était du genre « Pren-
dre plusieurs compagnies de C.R.S..
et leur faire revêtir un costume ci-
vil », « Leur faire faire plusieurs
fois de tour des pâtés de maisons ».
Ça faisait rire, et en même temps ça
démystifiait la fameuse manif de
l'Etoile.
un camarade de mon C.A. a fait une
affiche très marrante, dont le titre
était « Comment réussir une inanif
gaulliste ». Je ne nie souviens pas de
tous les points, il y en avait bien une
dizaine, mais c'était du genre « Pren-
dre plusieurs compagnies de C.R.S..
et leur faire revêtir un costume ci-
vil », « Leur faire faire plusieurs
fois de tour des pâtés de maisons ».
Ça faisait rire, et en même temps ça
démystifiait la fameuse manif de
l'Etoile.
— Et vous n'avez pas eu de réac-
tion violente ?
tion violente ?
— Très peu. Quelques personnes
passent parfois en criant des injures,
mais elles ne s'arrêtent presque ja-
mais pour s'expliquer. Panneau et
discussions sont absolument liés, le
premier ouvrant souvent la discus-
sion. Si j'ai tant parlé de la manière
dont ils sont élaborés c'est qu'ils sont
le moteur de notre réflexion et de nos
méthodes de travail. Parfois l'empla-
cement du panneau devient avant
tout un lieu de discussion, comme
par exemple aux Gobelins, à la li-
mite du V'' et du XIII', on peut même
passer à trois heures du matin, il y
a encore des gens du quartier ou de
passage en train de discuter.
passent parfois en criant des injures,
mais elles ne s'arrêtent presque ja-
mais pour s'expliquer. Panneau et
discussions sont absolument liés, le
premier ouvrant souvent la discus-
sion. Si j'ai tant parlé de la manière
dont ils sont élaborés c'est qu'ils sont
le moteur de notre réflexion et de nos
méthodes de travail. Parfois l'empla-
cement du panneau devient avant
tout un lieu de discussion, comme
par exemple aux Gobelins, à la li-
mite du V'' et du XIII', on peut même
passer à trois heures du matin, il y
a encore des gens du quartier ou de
passage en train de discuter.
— Vous présentez ces discussions
comme des moments idylliques.
comme des moments idylliques.
— Parce que dans l'ensemble les
gens sont de bonne foi. Je ne dis pas
que à partir de là chacun fait sa révo-
lution personnelle, mais ça permet de
faire paraître un peu les idées reçues
et l'intoxication gouvernementale.
gens sont de bonne foi. Je ne dis pas
que à partir de là chacun fait sa révo-
lution personnelle, mais ça permet de
faire paraître un peu les idées reçues
et l'intoxication gouvernementale.
Il est sûr que j'ai des moments de
découragement. Un jour par exem-
ple je discvitais avec trois vieilles
dames à la retraite. Elles avaient tra-
vaillé, avaient occupé leurs usines en
36, bref je ronronnais presque. Et
puis l'une d'elles me dit — elle fai-
sait un panoramique de l'évolution
politique du siècle — : « heureuse-
ment que le général de Gaulle est
venu ! » Après coup j'ai ri, mais sur
découragement. Un jour par exem-
ple je discvitais avec trois vieilles
dames à la retraite. Elles avaient tra-
vaillé, avaient occupé leurs usines en
36, bref je ronronnais presque. Et
puis l'une d'elles me dit — elle fai-
sait un panoramique de l'évolution
politique du siècle — : « heureuse-
ment que le général de Gaulle est
venu ! » Après coup j'ai ri, mais sur
le moment j'ai eu l'impression de
tomber dans un trou. Mais c'était ma
faute, je les avais classés dans mon
camp, comme si on jouait au ballon
prisonnier, alors que les analyses et
surtout les expériences sont mille
fois plus subtiles et plus diverses. Il
faut d'abord écouter.
tomber dans un trou. Mais c'était ma
faute, je les avais classés dans mon
camp, comme si on jouait au ballon
prisonnier, alors que les analyses et
surtout les expériences sont mille
fois plus subtiles et plus diverses. Il
faut d'abord écouter.
Avez-vous encore peur de ces « en-
ragés » aux méthodes de « gardes
routes » ? M. D.
ragés » aux méthodes de « gardes
routes » ? M. D.
« Action »
ou « politique »
II est minuit. Dans le grand amphi
de la Sorbonne, houleux et enfumé,
les comités d'action de la région pa-
risienne tiennent une assemblée gé-
nérale. Le débat a d'abord porté sur
la proposition de quelques actions
pour les prochains jours, et sur un
tract et une affiche. Nous en som-
mes à la discussion de la plate-forme
politique. Manifestement la solution
n'interviendra pas ce soir, et une
commission est nommée qui tentera
d'inclure à la plate-forme les diffé-
rents amendements. Comme certains
sont contradictoires entre eux on
peut d'abord se demander comment
la commission résoudra le problème
et s'il importe réellement à l'assem-
blée qu'une définition politique soit
donnée aux comités d'action.
de la Sorbonne, houleux et enfumé,
les comités d'action de la région pa-
risienne tiennent une assemblée gé-
nérale. Le débat a d'abord porté sur
la proposition de quelques actions
pour les prochains jours, et sur un
tract et une affiche. Nous en som-
mes à la discussion de la plate-forme
politique. Manifestement la solution
n'interviendra pas ce soir, et une
commission est nommée qui tentera
d'inclure à la plate-forme les diffé-
rents amendements. Comme certains
sont contradictoires entre eux on
peut d'abord se demander comment
la commission résoudra le problème
et s'il importe réellement à l'assem-
blée qu'une définition politique soit
donnée aux comités d'action.
Je discute avec quelques délégués :
— Pourquoi certains d'entre vous
refusent-ils l'élaboration de la plate-
forme politique, tandis qu'elle semble
être pour d'autres l'unique préoccu-
pation ?
refusent-ils l'élaboration de la plate-
forme politique, tandis qu'elle semble
être pour d'autres l'unique préoccu-
pation ?
— Dans mon C.A. nous avons ré-
digé une plate-forme politique de
base, mais nous pensons qu'il est trop
tôt pour nous définir. D'une part, en
des proportions variables, tous les
courants politiques qui ont participé
au mouvement de mai travaillent
(mais pas en tant que tels) dans les
C.A., et il est évident par exemple
que les analyses politiques des J.C.R.
et des L.J.C.M.L. ne sont pas conver-
gentes, et d'autre part tout le monde
e=t d'accord pour dire qu'il a manqué
un parti d'avant-garde durant les
événements, que ce parti doit se cons-
tituer et que les C.A. pourraient en
être le noyau initiateur. Evidemment
certains courants politiques vou-
draient prendre la tête des C.A.. je
pense en particulier à l'U.J.C.M.L.
qui a lancé un « comité de soutien
aux luttes du peuple » et qui voudrait
maintenant que les C.A. entrent dans
ce comité.
digé une plate-forme politique de
base, mais nous pensons qu'il est trop
tôt pour nous définir. D'une part, en
des proportions variables, tous les
courants politiques qui ont participé
au mouvement de mai travaillent
(mais pas en tant que tels) dans les
C.A., et il est évident par exemple
que les analyses politiques des J.C.R.
et des L.J.C.M.L. ne sont pas conver-
gentes, et d'autre part tout le monde
e=t d'accord pour dire qu'il a manqué
un parti d'avant-garde durant les
événements, que ce parti doit se cons-
tituer et que les C.A. pourraient en
être le noyau initiateur. Evidemment
certains courants politiques vou-
draient prendre la tête des C.A.. je
pense en particulier à l'U.J.C.M.L.
qui a lancé un « comité de soutien
aux luttes du peuple » et qui voudrait
maintenant que les C.A. entrent dans
ce comité.
— Mais en quoi les C.A. sont-il-
quelque chose de nouveau, si tous les
groupes politiques habituels les pren-
nent pour un champ de bataille idéo-
logique '{
quelque chose de nouveau, si tous les
groupes politiques habituels les pren-
nent pour un champ de bataille idéo-
logique '{
— Pour connaître les C.A., ce n'est
surtout pas par l'A.G. qu'il faut com-
mencer. Ils se définissent avant tout
par le travail qu'ils mènent. Je par-
lais des différents courants politi-
ques, mais il y a aussi beaucoup
d'inorganisés, des camarades qui
viennent travailler dans le mouve-
ment et qui refusent absolument les
« magouilles » politiques habituelles.
surtout pas par l'A.G. qu'il faut com-
mencer. Ils se définissent avant tout
par le travail qu'ils mènent. Je par-
lais des différents courants politi-
ques, mais il y a aussi beaucoup
d'inorganisés, des camarades qui
viennent travailler dans le mouve-
ment et qui refusent absolument les
« magouilles » politiques habituelles.
— Tu dis que les C.A. se définis-
sent par leur travail. Quel est ce tra-
vail '!
sent par leur travail. Quel est ce tra-
vail '!
— Chaque C.A. est libre de s'ex-
primer et d'intervenir comme il l'en-
tend. Les grandes directions de tra-
vail sont l'information de la popu-
lation par des forums et des mee-
tings aux carrefours et sur les mar-
chés, le soutien actif aux grévistes,
par l'organisation de collectes, la
participation aux piquets de grèves.
In prise en main de certains travaux
communaux, comme l'organisation'de
cantines pour les enfants de grévistes,
l'organisation de garderies pour ces
mêmes enfants — là je ne parle que
des C.A. locaux, mais les C.A. d'en-
treprises élaborent davantage que
nous les contre-pouvoirs, c'est-à-dire
la reprise de la production organisée
par les travailleurs. Certains C.A. oc-
cupent la M.J.C. de leur localité et
la font vivre.
primer et d'intervenir comme il l'en-
tend. Les grandes directions de tra-
vail sont l'information de la popu-
lation par des forums et des mee-
tings aux carrefours et sur les mar-
chés, le soutien actif aux grévistes,
par l'organisation de collectes, la
participation aux piquets de grèves.
In prise en main de certains travaux
communaux, comme l'organisation'de
cantines pour les enfants de grévistes,
l'organisation de garderies pour ces
mêmes enfants — là je ne parle que
des C.A. locaux, mais les C.A. d'en-
treprises élaborent davantage que
nous les contre-pouvoirs, c'est-à-dire
la reprise de la production organisée
par les travailleurs. Certains C.A. oc-
cupent la M.J.C. de leur localité et
la font vivre.
Ce qui est sûr, c'est que nous som-
mes actuellement incapables de défi-
nir strictement les C.A. Je pourrais
essayer de dresser une liste de toutes
les activités, ça ne signifierait rien.
ce serait déjà du passé et ce serait
cataloguer ce qui est une vie en con-
tinuelle création.
mes actuellement incapables de défi-
nir strictement les C.A. Je pourrais
essayer de dresser une liste de toutes
les activités, ça ne signifierait rien.
ce serait déjà du passé et ce serait
cataloguer ce qui est une vie en con-
tinuelle création.
Michèle DESCOLONGES
Un comité du XIIIe
L'aide, sous toutes les formes possi-
bles, aux entreprises en grève, a été
l'objectif principal des comités d'ac-
i on, depuis trois semaines qu'ils exis-
tent. Des commissions étudiants-ou-
vriers se sont formées dans de nom-
breuses usines (SNECMA, Citroën,
Thomson-Houston, etc). On peut déjà
cmrmer qu'en dépit.de tous les efforts
entrepris par le pouvoir gaulliste et par
certaines directions politiques et syn-
dicales pour empêcher tout contact
entre travailleurs et étudiants, la mu-
raille traditionnelle est rompue en
qrande partie. Les comités d'action
qui se sont formés dans divers arron-
d ssements parisiens (regroupant étu-
d ants, ouvriers, employés, commer-
çants, etc...) n'ont pas peu contribué
au dégel. Dans le XIIJ° existent déjà
huit secteurs, couvrant tout l'arrorndis-
sement et travaillant en étroite coor-
dination. C'est ainsi que des contacts
sont pris avec toutes les entreprises
en grève, grandes et petites. Le sou-
tien apporté revêt les formes les plus
variées :
bles, aux entreprises en grève, a été
l'objectif principal des comités d'ac-
i on, depuis trois semaines qu'ils exis-
tent. Des commissions étudiants-ou-
vriers se sont formées dans de nom-
breuses usines (SNECMA, Citroën,
Thomson-Houston, etc). On peut déjà
cmrmer qu'en dépit.de tous les efforts
entrepris par le pouvoir gaulliste et par
certaines directions politiques et syn-
dicales pour empêcher tout contact
entre travailleurs et étudiants, la mu-
raille traditionnelle est rompue en
qrande partie. Les comités d'action
qui se sont formés dans divers arron-
d ssements parisiens (regroupant étu-
d ants, ouvriers, employés, commer-
çants, etc...) n'ont pas peu contribué
au dégel. Dans le XIIJ° existent déjà
huit secteurs, couvrant tout l'arrorndis-
sement et travaillant en étroite coor-
dination. C'est ainsi que des contacts
sont pris avec toutes les entreprises
en grève, grandes et petites. Le sou-
tien apporté revêt les formes les plus
variées :
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SPECIAL MAI 68
tribune socialiste
— popularisation du combat des
grévistes, par voix de tracts et d'affi-
ches ;
grévistes, par voix de tracts et d'affi-
ches ;
— manifestations publiques, corte
ges parcourant le quartier et s arrêtant
devant les usines ;
ges parcourant le quartier et s arrêtant
devant les usines ;
— informations apportées aux entre-
prises sur la situation du front de
grève dans l'arrondissement ;
prises sur la situation du front de
grève dans l'arrondissement ;
— collectes, prêts et dons en na-
ture et en espèce ;
ture et en espèce ;
—- présence militante aux abords de
l'entreprise aux heures de reprise théo-
rique du travail, sur la demande des
comités de grève (ex. : Citroen, P.T.T..
R.A.T.P., etc...).
l'entreprise aux heures de reprise théo-
rique du travail, sur la demande des
comités de grève (ex. : Citroen, P.T.T..
R.A.T.P., etc...).
L'utilité de ces actions est d'autant
plus grande qu'elles ne comptent pas
se limiter au contexte politique et so-
cial actuel. A supposer que « tout ren-
tre dans l'ordre », les contacts fruc-
tueux qui ont eu lieu entre travailleurs
en lutte et comités d'action auront a
se poursuivre. Tous les comités d'ac-
tion n'ont certes pas à leur actif des
résultats toujours positifs, mais dans
l'ensemble ce mouvement de base à
une importance non négligeable. Il
peut, s'il continue dans la voie qu'il
s'est tracé, représenter une force poli-
tique dont le rôle, lorsqu'une nouvelle
vague de grève se déclenchera, sera
déterminent. Il pourra, comme il l'a
déjà tenté, rompre l'isolement des en-
treprises entre elles en luttant contre
l'intoxication de l'information gouver-
nementale ; il pourra coordonner les
luîtes des grévistes en brisant les ten-
ter/es de sectorialisation.
plus grande qu'elles ne comptent pas
se limiter au contexte politique et so-
cial actuel. A supposer que « tout ren-
tre dans l'ordre », les contacts fruc-
tueux qui ont eu lieu entre travailleurs
en lutte et comités d'action auront a
se poursuivre. Tous les comités d'ac-
tion n'ont certes pas à leur actif des
résultats toujours positifs, mais dans
l'ensemble ce mouvement de base à
une importance non négligeable. Il
peut, s'il continue dans la voie qu'il
s'est tracé, représenter une force poli-
tique dont le rôle, lorsqu'une nouvelle
vague de grève se déclenchera, sera
déterminent. Il pourra, comme il l'a
déjà tenté, rompre l'isolement des en-
treprises entre elles en luttant contre
l'intoxication de l'information gouver-
nementale ; il pourra coordonner les
luîtes des grévistes en brisant les ten-
ter/es de sectorialisation.
Pour leur structure organisationnelle
très souple comme par leurs objec-
tifs politiques, les comités d'action
constitueront ainsi l'arme la plus effi-
cace contre toutes les manœuvres de
récupération bureaucratique des grè-
ves.
très souple comme par leurs objec-
tifs politiques, les comités d'action
constitueront ainsi l'arme la plus effi-
cace contre toutes les manœuvres de
récupération bureaucratique des grè-
ves.
Henri ROSENGART
Un Comité d'action
du XIV :
du XIV :
Marne-Montparnasse
Vendredi 30 mai : le général a parlé,
menacé. Les gaullistes n'ont plus peur
de so manifester. A la fenêtre'du dé-
puté UD-V":, Pierre Bas apparaît un
immense drapeau tricolore barré d'une
croix de Lorraine. La réplique vient,
instantanée : une soixantaine de dra-
peaux rouges improvisés — serviettes,
foulards, carrés de tissus — garnissent
la façade de l'immeuble. Les grévistes
du centre de tri postal et du chantier
voisin en sont tout ébahis. Et récon-
fortés. Ils n'auraient jamais pensé
compter tant d'alliés dans cet immeu-
ble réputé « bourgeois ».
menacé. Les gaullistes n'ont plus peur
de so manifester. A la fenêtre'du dé-
puté UD-V":, Pierre Bas apparaît un
immense drapeau tricolore barré d'une
croix de Lorraine. La réplique vient,
instantanée : une soixantaine de dra-
peaux rouges improvisés — serviettes,
foulards, carrés de tissus — garnissent
la façade de l'immeuble. Les grévistes
du centre de tri postal et du chantier
voisin en sont tout ébahis. Et récon-
fortés. Ils n'auraient jamais pensé
compter tant d'alliés dans cet immeu-
ble réputé « bourgeois ».
Tout au long de la journée, un fo-
rum permanent s'instaure sur l'espla-
nade en bas de l'immeuble : les
« bons » Français insultent les •• rou-
ges ». Derrière une fenêtre du premier
rum permanent s'instaure sur l'espla-
nade en bas de l'immeuble : les
« bons » Français insultent les •• rou-
ges ». Derrière une fenêtre du premier
étage, un garçonnet lit à côté du dra-
peau révolutionnaire •< Petit voyou,
veux-tu bien enlever ce torchon ». Le
père survient fort à propos pour dé-
fendre son fils et ses convictions Du
coup, les « rouges » lient connais-
sance. Ceux qui étaient encore isolés
rallient le Comité d'Action qui s'était
constitué une dizaine de jours plus tôt.
A l'issue de cette journée « des dra-
peaux », il rassemble quelque 80 per-
sonnes, dont une cinquantaine habitent
l'immeuble et les autres le voisinage
immédiat.
peau révolutionnaire •< Petit voyou,
veux-tu bien enlever ce torchon ». Le
père survient fort à propos pour dé-
fendre son fils et ses convictions Du
coup, les « rouges » lient connais-
sance. Ceux qui étaient encore isolés
rallient le Comité d'Action qui s'était
constitué une dizaine de jours plus tôt.
A l'issue de cette journée « des dra-
peaux », il rassemble quelque 80 per-
sonnes, dont une cinquantaine habitent
l'immeuble et les autres le voisinage
immédiat.
Tout au long de la grève, le comité
n'a cesse d'apporter son soutien aux
grévistes du centre de tri postal, du
chantier de construction et des wa-
gons-lits. D'abord par des collectes qui
ont rapporté environ 3.000 francs. Et
surtout en assurant uns permanence
nocturne auprès des piquets de grève,
tant pour les renforcer physiquement
que pour soutenir leur moral et enta-
mer avec eux le dialogue politique. Des
liens solides se sont créés qui se pour-
suivront, la grève terminée.
n'a cesse d'apporter son soutien aux
grévistes du centre de tri postal, du
chantier de construction et des wa-
gons-lits. D'abord par des collectes qui
ont rapporté environ 3.000 francs. Et
surtout en assurant uns permanence
nocturne auprès des piquets de grève,
tant pour les renforcer physiquement
que pour soutenir leur moral et enta-
mer avec eux le dialogue politique. Des
liens solides se sont créés qui se pour-
suivront, la grève terminée.
Sur le chantier de construction, dont
les travailleurs sont en grande partie
étrangers, la présence du comité d'ac-
tion a retardé d'un jour et demi la
reprise du travail que les cadres ten-
laient d'imposer. Une journée et demi
que les habitants de Maine-Montpar-
nasse ont mise à profit en aidant les
ouvriers étrangers à rédiger un cahier
de revendications.
les travailleurs sont en grande partie
étrangers, la présence du comité d'ac-
tion a retardé d'un jour et demi la
reprise du travail que les cadres ten-
laient d'imposer. Une journée et demi
que les habitants de Maine-Montpar-
nasse ont mise à profit en aidant les
ouvriers étrangers à rédiger un cahier
de revendications.
La grève terminée, le comité d'action
s'est maintenant défini d'autres tâ-
chas : essentiellement l'organisation
de prises de parole et de meetings
spontanés dans les rues et les mar-
ches, et le renforcement des contacts
établis E-.ec les grévistes. Qu'ils soient
inorg:- ses (c'est le cas de la majo-
r,té) G... ".-.':iï appartiennent à une orga-
nisât ;,- ,?C PSU, JCR, troskyste,
oro-C" "Oise"! tous les membres du
ce™ :;• :: cac: on sont décidés à pour-
sii:Vre !.= i.;r pacte initia! : unité dans
l'act'Q^ interdiction de tenter d'utiliser
le comté aux fins d'un seul parti.
s'est maintenant défini d'autres tâ-
chas : essentiellement l'organisation
de prises de parole et de meetings
spontanés dans les rues et les mar-
ches, et le renforcement des contacts
établis E-.ec les grévistes. Qu'ils soient
inorg:- ses (c'est le cas de la majo-
r,té) G... ".-.':iï appartiennent à une orga-
nisât ;,- ,?C PSU, JCR, troskyste,
oro-C" "Oise"! tous les membres du
ce™ :;• :: cac: on sont décidés à pour-
sii:Vre !.= i.;r pacte initia! : unité dans
l'act'Q^ interdiction de tenter d'utiliser
le comté aux fins d'un seul parti.
En outre, -?ar le biais de la coordi-
nation de scomités d'action du 14e, le
comité de Maine-Montparnasse parti-
cipera aux activités communes menées
per les cinq comités qui existent sur
l'arrondissement. Déjà, le lundi 3 juin
nation de scomités d'action du 14e, le
comité de Maine-Montparnasse parti-
cipera aux activités communes menées
per les cinq comités qui existent sur
l'arrondissement. Déjà, le lundi 3 juin
ils ont réussi à rassembler quelque
600 personnes pour faire la tournée
des entreprises en grève dans l'arron-
dissement.
600 personnes pour faire la tournée
des entreprises en grève dans l'arron-
dissement.
Jacqueline GIRAUD
La grande prudence
des commentaires
étrangers
des commentaires
étrangers
«11 \ a quelque chose, (i priori
d'insolite : ton» ces charmants jeune»
gen». sous de-, latitude? et des longi-
tudes diverses semblent beaucoup
plu» sûr.» de ce qu'ils veulent détruire
que de ce qu ils veulent con-truire. »
Ces ligue- ne sont pas extraite» de
notre « Figaro ». mai:- «lu grand quo-
tidien yougoslave « Politika » du
26 mai dernier. Quelques jours après,
les étudiants de Belgrade occupaient
leurs faculté? et entraient en lutte
contre ce qu'il.» appellent la « bour-
geoisie rouge ». Cette méconnaissance
de la gravité et de la portée politique
de ce qui a commencé en France le
3 mai. e.»t l'un des trait- dominant-
dans les réactions de l'opinion inter-
nationale devant la crise. L'autre
leitmotiv de la presse et des « mi-
lieux autorisés » du monde entier,
«pie ce soit à l'Est ou à l'Ouest a été
la crainte, plus ou moins clairement
exprimée de voir de Gaulle s'en al-
ler.
d'insolite : ton» ces charmants jeune»
gen». sous de-, latitude? et des longi-
tudes diverses semblent beaucoup
plu» sûr.» de ce qu'ils veulent détruire
que de ce qu ils veulent con-truire. »
Ces ligue- ne sont pas extraite» de
notre « Figaro ». mai:- «lu grand quo-
tidien yougoslave « Politika » du
26 mai dernier. Quelques jours après,
les étudiants de Belgrade occupaient
leurs faculté? et entraient en lutte
contre ce qu'il.» appellent la « bour-
geoisie rouge ». Cette méconnaissance
de la gravité et de la portée politique
de ce qui a commencé en France le
3 mai. e.»t l'un des trait- dominant-
dans les réactions de l'opinion inter-
nationale devant la crise. L'autre
leitmotiv de la presse et des « mi-
lieux autorisés » du monde entier,
«pie ce soit à l'Est ou à l'Ouest a été
la crainte, plus ou moins clairement
exprimée de voir de Gaulle s'en al-
ler.
En Occident, une sorte d'unanimité
dans la « crainte du chaos » s'est ma-
nifestée : de New York à Bonn, on a
oublié1 les griefs anti-gaullistes. « Les
heures noires que connaît la France.
écrivait le journal économique ouest-
allemand « Handelsblatt » du 21 mai.
le .-ont aussi pour la République Fé-
dérale Allemande et pour le reste du
monde libre. » Le président Johnson
déclarait de son côté, après le deu-
xième discours de De Gaulle, le 30
mai : « Nous avons le ferme espoir
que les dirigeants de la France et le
peuple de la France parviendront à
trouver les moyens de rétablir la sta-
bilité dans ce pays. » A Bruxelles.
« Le Soir •>• écrnait le même jour :
dans la « crainte du chaos » s'est ma-
nifestée : de New York à Bonn, on a
oublié1 les griefs anti-gaullistes. « Les
heures noires que connaît la France.
écrivait le journal économique ouest-
allemand « Handelsblatt » du 21 mai.
le .-ont aussi pour la République Fé-
dérale Allemande et pour le reste du
monde libre. » Le président Johnson
déclarait de son côté, après le deu-
xième discours de De Gaulle, le 30
mai : « Nous avons le ferme espoir
que les dirigeants de la France et le
peuple de la France parviendront à
trouver les moyens de rétablir la sta-
bilité dans ce pays. » A Bruxelles.
« Le Soir •>• écrnait le même jour :
« l n «le nos grand- voisin- est au
bord de la Révolution. C'est cela qui
préoccupe pour le moment notre opi-
nion publique. Il est lemp.». de.» lors,
que nous a\on- un gou\erncment so-
lidement appu\é par une forte majo-
rité et bien décide non seulement à
résoudre nos problèmes communau-
taires, mai- à faire face à d'autre-,
problèmes qui pourraient brusque-
ment surgir. » Ces divers commen-
taire» datent tous de la deuxième
quinzaine de mai : Jusqu'à la pre-
mière allocution de De Gaulle il an-
nonce du référendum), la presse occi-
dentale se contentait de décrire, par-
f«)is en le.» dramatisant s il était pos-
sible, les événements de Paris. « Pa-
ris brûle ». titrait un peu vite un
journal colombien âpre- le^ premiè-
res barricades. F.t le- journaux domi-
nicaux britanniques du 26 mai
avaient encore des « manchettes »
propre.» à cffra\er le bourgeois lon-
donien : « Révolution en France »
lNe\v- of thé workll. « Alerte à la
guerre civile» iSnnda\ Mirrorl. De-
puis la décision prise par de Gaulle
de se maintenir et de dissoudre 1 as-
semblée nationale. I inquiétude fait
place à la prudence. On »e plait à
louer l'habileté tactique du chef de
l'Etat. As.-ez curieusement, aucune
analy-c sérieuse de l'attitude du P.C.
et de la C.G.T. n'a été tentée par la
presse occidentale : on a purement et
simplement emboîté le pas de» mi-
lieux dirigeants français et dénoncé
la fameuse « entreprise totalitaire ».
Ainsi, le journal modéré italien « II
Messagero » croyait encore pouvoir
écrire le 30 mai : « L,c parti commu-
niste a paralysé le pa\s par une vague
île grèves illimitées et tente, dans la
rue. méprisant toute forme de léga-
lité, de renverser les institution» et
de prendre le pouvoir. »
bord de la Révolution. C'est cela qui
préoccupe pour le moment notre opi-
nion publique. Il est lemp.». de.» lors,
que nous a\on- un gou\erncment so-
lidement appu\é par une forte majo-
rité et bien décide non seulement à
résoudre nos problèmes communau-
taires, mai- à faire face à d'autre-,
problèmes qui pourraient brusque-
ment surgir. » Ces divers commen-
taire» datent tous de la deuxième
quinzaine de mai : Jusqu'à la pre-
mière allocution de De Gaulle il an-
nonce du référendum), la presse occi-
dentale se contentait de décrire, par-
f«)is en le.» dramatisant s il était pos-
sible, les événements de Paris. « Pa-
ris brûle ». titrait un peu vite un
journal colombien âpre- le^ premiè-
res barricades. F.t le- journaux domi-
nicaux britanniques du 26 mai
avaient encore des « manchettes »
propre.» à cffra\er le bourgeois lon-
donien : « Révolution en France »
lNe\v- of thé workll. « Alerte à la
guerre civile» iSnnda\ Mirrorl. De-
puis la décision prise par de Gaulle
de se maintenir et de dissoudre 1 as-
semblée nationale. I inquiétude fait
place à la prudence. On »e plait à
louer l'habileté tactique du chef de
l'Etat. As.-ez curieusement, aucune
analy-c sérieuse de l'attitude du P.C.
et de la C.G.T. n'a été tentée par la
presse occidentale : on a purement et
simplement emboîté le pas de» mi-
lieux dirigeants français et dénoncé
la fameuse « entreprise totalitaire ».
Ainsi, le journal modéré italien « II
Messagero » croyait encore pouvoir
écrire le 30 mai : « L,c parti commu-
niste a paralysé le pa\s par une vague
île grèves illimitées et tente, dans la
rue. méprisant toute forme de léga-
lité, de renverser les institution» et
de prendre le pouvoir. »
La « Praitla » en ri'tard
T'.••:••!.!<• (!.• |;i iire-.-e de- |ia\s
communistes de l'Est européen a
légard des événement!' français s e-t
caractérisée par un refus obstiné d \
déceler le moindre signe d une cri.-e
révolutionnaire. Jusqu'au bout on a
tenté de minimiser la portée du mou-
vement déclenché par le» étudiant-
'< La Pravda » était même en retar.;
-nr "• l'Humanité » '• le 1 mai le jour-
communistes de l'Est européen a
légard des événement!' français s e-t
caractérisée par un refus obstiné d \
déceler le moindre signe d une cri.-e
révolutionnaire. Jusqu'au bout on a
tenté de minimiser la portée du mou-
vement déclenché par le» étudiant-
'< La Pravda » était même en retar.;
-nr "• l'Humanité » '• le 1 mai le jour-
13 Juin 1968
SPECIAL MAI 68
page 25
nal soviétique dénonçait encore « les
agissements de ces éléments gau-
chistes et trotskystes qui poussent
les étudiants à des actes irraisonnés
et engendrent une violente campagne
de presse anti-estudiantine qui con-
duira infailliblement à l'isolement du
monde estudiantin et à la montée
d'un antagonisme entre étudiants et
travailleurs. » Déjà, pourtant Georges
Bouvard, dans l'organe du P.C.F. rec-
tifiait un peu le tir de Marchais et
attribuait la responsabilité des pre-
mières bagarres du quartier latin au
Pouvoir. La suite des événements
ayant montré que le mouvement
n'avait pas « infailliblement » con-
duit à l'isolement des étudiants, mais
au contraire à la grève générale île
la classe ouvrière, la presse de.-, pays
de'l'Est n'en continua pas moin.-. cha-
que fois que l'occasion s'en présen-
tait, de signaler « une participation
croissante dan» ce- émeutes d'élé-
ment-; houligans cl de mouvements
de droite placés sous le signe de
l'O.A.S. » i Radio-Varsovie. le 26
mail. L'une des clés de la position
pour le moins réservée des pays de
l'Est, était clairement exprimée par
le « Trybuna Ludu » de ce même
jour, qui écrivait : « Personne parmi
les amis de la France — en Pologne
et dans d'autres pays socialistes —
ne souhaite voir ce pays sombrer
dans le chaos... Le général de Gaulle,
dont la politique étrangère est d'un
réalisme remarquable et d'une rare
envergure, n'a accordé qu'une atten-
tion réduite au secteur social et éco-
nomique. » Confondant avec un bel
ensemble position diplomatique et
analyse politique, les commentateurs
est-européens ont attendu pratique-
ment les premiers jours de juin
(« Pravda » du 5 par exemple I pour
tenter d'expliquer la crise française
par la seule « politique économique
et sociale rétrograde » du gouverne-
ment Pompidou.
agissements de ces éléments gau-
chistes et trotskystes qui poussent
les étudiants à des actes irraisonnés
et engendrent une violente campagne
de presse anti-estudiantine qui con-
duira infailliblement à l'isolement du
monde estudiantin et à la montée
d'un antagonisme entre étudiants et
travailleurs. » Déjà, pourtant Georges
Bouvard, dans l'organe du P.C.F. rec-
tifiait un peu le tir de Marchais et
attribuait la responsabilité des pre-
mières bagarres du quartier latin au
Pouvoir. La suite des événements
ayant montré que le mouvement
n'avait pas « infailliblement » con-
duit à l'isolement des étudiants, mais
au contraire à la grève générale île
la classe ouvrière, la presse de.-, pays
de'l'Est n'en continua pas moin.-. cha-
que fois que l'occasion s'en présen-
tait, de signaler « une participation
croissante dan» ce- émeutes d'élé-
ment-; houligans cl de mouvements
de droite placés sous le signe de
l'O.A.S. » i Radio-Varsovie. le 26
mail. L'une des clés de la position
pour le moins réservée des pays de
l'Est, était clairement exprimée par
le « Trybuna Ludu » de ce même
jour, qui écrivait : « Personne parmi
les amis de la France — en Pologne
et dans d'autres pays socialistes —
ne souhaite voir ce pays sombrer
dans le chaos... Le général de Gaulle,
dont la politique étrangère est d'un
réalisme remarquable et d'une rare
envergure, n'a accordé qu'une atten-
tion réduite au secteur social et éco-
nomique. » Confondant avec un bel
ensemble position diplomatique et
analyse politique, les commentateurs
est-européens ont attendu pratique-
ment les premiers jours de juin
(« Pravda » du 5 par exemple I pour
tenter d'expliquer la crise française
par la seule « politique économique
et sociale rétrograde » du gouverne-
ment Pompidou.
Sans mettre nommément en cause
de Gaulle, également pour des rai-
sons diplomatiques évidentes, la télé-
vision de La Havane, dans son com-
mentaire du 25 mai (le seul que Cu-
ba ait consacré aux événements fran-
çais au cours des dernières semaines I
apportait cependant un élément im-
portant d'explication du mouvement
déclenché le 3 mai en déclarant :
« L'esprit de révolte de la Sorbonnc
est le même que celui qui secoue le-
Universités des Etats-Uni-. d'Espa-
gne. de Hollande. d'Italie. d'Alle-
magne et d'Amérique du Sud. et qui
tend à de profond- changement- dan-
les structure- de ce- pa\s. ( )n doit
comprendre que cet oprit c.-t lié aux
idées i\f la Ke\ olution Cubaine, qui
-ont adoptée- tant par lu jeunesse
américaine que la jcunc--c euro-
péenne. » Cela dit le commentateur
cubain reconnaissait qui « de Gaulle
en parlant en terme- généraux cl en
procédant avec une extraordinaire
habileté tactique, s'est limité à ébau-
cher des réforme- qui peuvent con-
tribuer à calmer les esprits estudian-
tins et à faciliter un retour rapide de-
ouvrier- dan- le- usine-. »
de Gaulle, également pour des rai-
sons diplomatiques évidentes, la télé-
vision de La Havane, dans son com-
mentaire du 25 mai (le seul que Cu-
ba ait consacré aux événements fran-
çais au cours des dernières semaines I
apportait cependant un élément im-
portant d'explication du mouvement
déclenché le 3 mai en déclarant :
« L'esprit de révolte de la Sorbonnc
est le même que celui qui secoue le-
Universités des Etats-Uni-. d'Espa-
gne. de Hollande. d'Italie. d'Alle-
magne et d'Amérique du Sud. et qui
tend à de profond- changement- dan-
les structure- de ce- pa\s. ( )n doit
comprendre que cet oprit c.-t lié aux
idées i\f la Ke\ olution Cubaine, qui
-ont adoptée- tant par lu jeunesse
américaine que la jcunc--c euro-
péenne. » Cela dit le commentateur
cubain reconnaissait qui « de Gaulle
en parlant en terme- généraux cl en
procédant avec une extraordinaire
habileté tactique, s'est limité à ébau-
cher des réforme- qui peuvent con-
tribuer à calmer les esprits estudian-
tins et à faciliter un retour rapide de-
ouvrier- dan- le- usine-. »
Même prudence diplomatique du
côté nord vietnamien, où le journal
« Nhan Dan », refusant de citer le
nom de De Gaulle, écrivait le 1" juin
que « le pouvoir a décidé de garder
le pouvoir... » L'analyse allait beau-
coup plus loin à Pékin où, sans qu'il
soit non plus question du chef de
l'Etat français, « Chine Nouvelle » a
suivi de très près (et sans être ja-
mais en retard sur l'actualité fran-
çaise) les événements. Et l'éditorial
du « Quotidien du Peuple » du 7 juin
en venait à la conclusion que « la
clique dirigeante révisionniste mo-
derne du parti communiste français
fait tout son possible pour calomnier,
attaquer, provoquer, saboter et trahir
la grande lutte révolutionnaire des
masses ».
côté nord vietnamien, où le journal
« Nhan Dan », refusant de citer le
nom de De Gaulle, écrivait le 1" juin
que « le pouvoir a décidé de garder
le pouvoir... » L'analyse allait beau-
coup plus loin à Pékin où, sans qu'il
soit non plus question du chef de
l'Etat français, « Chine Nouvelle » a
suivi de très près (et sans être ja-
mais en retard sur l'actualité fran-
çaise) les événements. Et l'éditorial
du « Quotidien du Peuple » du 7 juin
en venait à la conclusion que « la
clique dirigeante révisionniste mo-
derne du parti communiste français
fait tout son possible pour calomnier,
attaquer, provoquer, saboter et trahir
la grande lutte révolutionnaire des
masses ».
Du côté du « tiers momie » en-
fin, on ose à peine parler de l'affli-
geante servilité de certains clients du
gaulli-mc (voir par exemple la dé-
claration des chef- d'Etats de l'En-
tente I. Servilité pas toujours payante
d ailleurs : M. Scnghor a dû. lui
aussi mater la grève générale de ses
étudiant- et de ses ouvriers. Et il est
allé aussi loin que possible dans
l'imitation en procédant à un rema-
niement ministériel...
fin, on ose à peine parler de l'affli-
geante servilité de certains clients du
gaulli-mc (voir par exemple la dé-
claration des chef- d'Etats de l'En-
tente I. Servilité pas toujours payante
d ailleurs : M. Scnghor a dû. lui
aussi mater la grève générale de ses
étudiant- et de ses ouvriers. Et il est
allé aussi loin que possible dans
l'imitation en procédant à un rema-
niement ministériel...
Claude ROIRE
Préserver les acquis
« Le mois des dupes ». C'est ains/
que l'hebdomadaire du grand capi-
talisme français, La Vie française, a
qualifié les semaines que nous ve-
nons de vivre. L'expression est si-
gnificative de ce qu'cspèrent les
classes privilégiées de notre pays,
ijui comptent bien rattraper par l'in-
flation les concessions que le puis-
-iini mouvement de mai les a obli-
gées à faire. La droite a d'ailleurs
l'habitude de cette méthode, qu'elle
a employée à plusieurs reprises dans
le passé pour reprendre d'une main
ce qu'elle avait dû lâcher de l'autre :
1936-37. 19(5-50. 195d-58. elle n'en
e-t pa- a -on coup d e.-sai en la
matière.
que l'hebdomadaire du grand capi-
talisme français, La Vie française, a
qualifié les semaines que nous ve-
nons de vivre. L'expression est si-
gnificative de ce qu'cspèrent les
classes privilégiées de notre pays,
ijui comptent bien rattraper par l'in-
flation les concessions que le puis-
-iini mouvement de mai les a obli-
gées à faire. La droite a d'ailleurs
l'habitude de cette méthode, qu'elle
a employée à plusieurs reprises dans
le passé pour reprendre d'une main
ce qu'elle avait dû lâcher de l'autre :
1936-37. 19(5-50. 195d-58. elle n'en
e-t pa- a -on coup d e.-sai en la
matière.
Se- souhait.- n-quent-i I- de -c réa-
liser '.' Kt comment empêcher que le-
travaillnir- ne perdent le- bénéfi-
ce.- de leur- conquête:" '!
liser '.' Kt comment empêcher que le-
travaillnir- ne perdent le- bénéfi-
ce.- de leur- conquête:" '!
Pour mesurer 1 incidence économi-
que îles semaines qu'on vient de vi-
vre, il faut observer une certaine
prudence : tous les accords par
branches ne sont pas encore signés
ou ratifiés à l'heure où nous écri-
vons, ce qui prolonge les grèves (ab-
sence de production) et maintient
l'incertitude sur le montant des sa-
laires ou retraites supplémentaires
qui seront versés. D'autre part, les
calculs n'ont pas encore été tous fait.-
sur l'impact budgétaire exact des
décisions récentes concernant le sec-
teur public. Enfin, nul ne sait en-
core à quel rythme la machine éco-
nomique nationale peut se remettre
en route, ce qui interdit toute éva-
luation trop précise des conséquen-
ces secondes des événements. Ces
trois réserves ne sont pas de style :
elles vont empêcher pendant plu-
sieurs semaines d'y voir clair en dé-
tail ; mais elles n'empêchent pas
de tirer dès à présent de grandes
conclusions économiques du phéno-
mène.
que îles semaines qu'on vient de vi-
vre, il faut observer une certaine
prudence : tous les accords par
branches ne sont pas encore signés
ou ratifiés à l'heure où nous écri-
vons, ce qui prolonge les grèves (ab-
sence de production) et maintient
l'incertitude sur le montant des sa-
laires ou retraites supplémentaires
qui seront versés. D'autre part, les
calculs n'ont pas encore été tous fait.-
sur l'impact budgétaire exact des
décisions récentes concernant le sec-
teur public. Enfin, nul ne sait en-
core à quel rythme la machine éco-
nomique nationale peut se remettre
en route, ce qui interdit toute éva-
luation trop précise des conséquen-
ces secondes des événements. Ces
trois réserves ne sont pas de style :
elles vont empêcher pendant plu-
sieurs semaines d'y voir clair en dé-
tail ; mais elles n'empêchent pas
de tirer dès à présent de grandes
conclusions économiques du phéno-
mène.
Commençons donc par le bilan des
principaux résultats économiques et
sociaux des grèves. On peut les ré-
sumer ainsi : d'un côté quelque 15
à 20 milliards de moyens de paie-
ment supplémentaires par an (soit
un peu plus de 10 milliards en
1968l : de l'autre 20 à 25 milliards
de francs de production nationale en
moins cette année. Soit, en termes
de revenu national, environ 4 '/< de
moyen- de paiement en plus cette an-
née et quelque 6 % de production
en moin.-. Autrement dit. -i l'on en
reste là. un dé-équilibre typiquement
inflat lonm-le.
principaux résultats économiques et
sociaux des grèves. On peut les ré-
sumer ainsi : d'un côté quelque 15
à 20 milliards de moyens de paie-
ment supplémentaires par an (soit
un peu plus de 10 milliards en
1968l : de l'autre 20 à 25 milliards
de francs de production nationale en
moins cette année. Soit, en termes
de revenu national, environ 4 '/< de
moyen- de paiement en plus cette an-
née et quelque 6 % de production
en moin.-. Autrement dit. -i l'on en
reste là. un dé-équilibre typiquement
inflat lonm-le.
Kxpliquon- ce- chiffre-.
Elle- -ont de trm-
l'e-sentiel : de- aii^ii
-alaires (notamment
une réduction de- !
avantage-, M">eimi\ '.'
l'e-sentiel : de- aii^ii
-alaires (notamment
une réduction de- !
avantage-, M">eimi\ '.'
• Augmentations de salaires. —
Le protocole du 27 mai, dit « de
Grenelle », prévoyait une majoration
du S.M.I.C. de 35 à 37 %, une hausse
du S.M.A.G. (minimum agricole) de
56 à 59 % et une augmentation des
autres salaires de 10 % en deux
temps (avec « ratissage » des haus-
ses déjà intervenues depuis janvier).
Des diseussions acharnées par bran-
che ont permis d'arrondir plus ou
moins ces chiffres selon les secteurs.
Le protocole du 27 mai, dit « de
Grenelle », prévoyait une majoration
du S.M.I.C. de 35 à 37 %, une hausse
du S.M.A.G. (minimum agricole) de
56 à 59 % et une augmentation des
autres salaires de 10 % en deux
temps (avec « ratissage » des haus-
ses déjà intervenues depuis janvier).
Des diseussions acharnées par bran-
che ont permis d'arrondir plus ou
moins ces chiffres selon les secteurs.
Dans le secteur public, des accords
variés ont été signés, portant en
moyenne sur une progression de la
masse salariale de 13 à 14 f/(
(13.77'; dans la fonction publique,
13 v a la S.N.C.F.. 12.8'/; à la
H.A.T.P.. 14.35'; aux Charbonna-
ges...! : -eule- quelques branche.-
parai-scut avoir obtenu moins :
1(1 ' r dan.- les banque.-. 12'; dans
le- assurance-. 10 '/ aux Pétrole.-
d'Aquitainc... Dan- le secteur privé,
en général. les augmentations obte-
nue- jusqu'ici ont été moin- forte- :
10 '.< plu- des primes ici. des com-
plément.- dégressifs là. des majora-
tion- catégorielles ou la promesse
(1 une révi.-ion de- indices ailleurs.
Seules quelques branches ont fait
mieux, comme l'aviation civile par
exemple (13% environ! ou le tex-
tile 112';;) ; il est probable que le
patronat de la métallurgie devra lâ-
cher davantage également. Mais
l'étiage des hausses du secteur pu-
blic n'est pas atteint.
variés ont été signés, portant en
moyenne sur une progression de la
masse salariale de 13 à 14 f/(
(13.77'; dans la fonction publique,
13 v a la S.N.C.F.. 12.8'/; à la
H.A.T.P.. 14.35'; aux Charbonna-
ges...! : -eule- quelques branche.-
parai-scut avoir obtenu moins :
1(1 ' r dan.- les banque.-. 12'; dans
le- assurance-. 10 '/ aux Pétrole.-
d'Aquitainc... Dan- le secteur privé,
en général. les augmentations obte-
nue- jusqu'ici ont été moin- forte- :
10 '.< plu- des primes ici. des com-
plément.- dégressifs là. des majora-
tion- catégorielles ou la promesse
(1 une révi.-ion de- indices ailleurs.
Seules quelques branches ont fait
mieux, comme l'aviation civile par
exemple (13% environ! ou le tex-
tile 112';;) ; il est probable que le
patronat de la métallurgie devra lâ-
cher davantage également. Mais
l'étiage des hausses du secteur pu-
blic n'est pas atteint.
Il convient de noter à ce propos
deux novations importantes, qui fe-
ront date dans l'histoirp du mouve-
ment revendicatif :
deux novations importantes, qui fe-
ront date dans l'histoirp du mouve-
ment revendicatif :
1"! L'application très large dans
le secteur public et plus rare dans
le privé d'un système dégressif de
tiausse, les augmentations étant plus
fortes à la base (16%, 18%, 20%
même) et plus faibles au sommet de
la hiérarchie (9%, 10%, 11%).
Dans l'industrie du livre, c'est même
une hausse uniforme qui a consti-
tué le centre du dispositif (130 F de
plus par mois pour tout le monde,
quelle que soit la qualification).
Ainsi commence à passer dans les
faits une revendication essentielle du
P.S.U. (réduction de l'éventail des sa-
laires I développée par la C.F.D.T.
et certains syndicats de cadres
(C.G.C. de l'E.D.F.. par exemple I
mais combattues jusqu'alors par les
autres organisations de cadres (et, en
dépit des réserve-, par la C.C.T.I.
le secteur public et plus rare dans
le privé d'un système dégressif de
tiausse, les augmentations étant plus
fortes à la base (16%, 18%, 20%
même) et plus faibles au sommet de
la hiérarchie (9%, 10%, 11%).
Dans l'industrie du livre, c'est même
une hausse uniforme qui a consti-
tué le centre du dispositif (130 F de
plus par mois pour tout le monde,
quelle que soit la qualification).
Ainsi commence à passer dans les
faits une revendication essentielle du
P.S.U. (réduction de l'éventail des sa-
laires I développée par la C.F.D.T.
et certains syndicats de cadres
(C.G.C. de l'E.D.F.. par exemple I
mais combattues jusqu'alors par les
autres organisations de cadres (et, en
dépit des réserve-, par la C.C.T.I.
2"} Autre résultat important : la
multiplication de- minimum garan-
ti* par branche : 680 F par moi-
dans les assurances, 644 dans le-
banques. 675 à la Sécurité sociale.
750 à Sud Aviation... Dans le même
esprit, les salariés agricole- ont ob-
tenu une garantie de rémunération
annuelle i-ur la ba-e de tO h par
-emaitic toute l'année) qui le- pro-
tégera contre le chômage saisonnier.
multiplication de- minimum garan-
ti* par branche : 680 F par moi-
dans les assurances, 644 dans le-
banques. 675 à la Sécurité sociale.
750 à Sud Aviation... Dans le même
esprit, les salariés agricole- ont ob-
tenu une garantie de rémunération
annuelle i-ur la ba-e de tO h par
-emaitic toute l'année) qui le- pro-
tégera contre le chômage saisonnier.
Cela non- amène à parler du
S.M.I.C.
S.M.I.C.
AFP
page 26
SPECIAL MAI 68
tribune socialiste
• Relèvement du S.M.I.C. et du
S.M.A.G. — Le premier a été porté
de 2,22 F et 2,18 à 3 F de l'heure ;
le second de 1,92 à 3 F. Cette hausse
concerne directement un peu plus
d'un million de salariés dans le pre-
mier cas et quelque 300.000 dans le
second. A quoi s'ajoutent, évidem-
ment, tous les salariés payés actuel-
lement un peu plus de 3 F de l'heure
et dont le salaire sera relevé par le
classique « coup d'accordéon » qui
étend les majorations de proche en
proche.
S.M.A.G. — Le premier a été porté
de 2,22 F et 2,18 à 3 F de l'heure ;
le second de 1,92 à 3 F. Cette hausse
concerne directement un peu plus
d'un million de salariés dans le pre-
mier cas et quelque 300.000 dans le
second. A quoi s'ajoutent, évidem-
ment, tous les salariés payés actuel-
lement un peu plus de 3 F de l'heure
et dont le salaire sera relevé par le
classique « coup d'accordéon » qui
étend les majorations de proche en
proche.
• Réduction des horaires de tra-
vail. — Ici, les conquêtes sont beau-
coup moins nettes. Le protocole de
Grenelle ne comportait que de pieu-
ses intentions sur l'avenir ; il a fallu
que les travailleurs se battent sec-
teur par secteur pour obtenir quel-
que chose d'immédiat. Quoi ?
vail. — Ici, les conquêtes sont beau-
coup moins nettes. Le protocole de
Grenelle ne comportait que de pieu-
ses intentions sur l'avenir ; il a fallu
que les travailleurs se battent sec-
teur par secteur pour obtenir quel-
que chose d'immédiat. Quoi ?
Tantôt une réduction d'horaire
d'une demi-heure, d'une heure, voire
de deux heures par semaine (Sécu-
rité sociale, banques, fonction pu-
blique, E.D.F., postes, S.N.C.F., in-
dustrie alimentaire, chimie, aviation
civile...) ; tantôt, des jours de congés
supplémentaires (grands magasins,
R.A.T.P., papier-carton, houlliè-
res...) ; tantôt, les deux à la fois
(cheminots, G.D.F., S.N.C.F., indus-
trie alimentaire).
d'une demi-heure, d'une heure, voire
de deux heures par semaine (Sécu-
rité sociale, banques, fonction pu-
blique, E.D.F., postes, S.N.C.F., in-
dustrie alimentaire, chimie, aviation
civile...) ; tantôt, des jours de congés
supplémentaires (grands magasins,
R.A.T.P., papier-carton, houlliè-
res...) ; tantôt, les deux à la fois
(cheminots, G.D.F., S.N.C.F., indus-
trie alimentaire).
Cette réduction d'horaires ne crée-
ra pas bien sûr de moyens de paie-
ment supplémentaires ; mais elle
renchérira pour les entreprises, le
prix de revient de l'heure de travail,
chaque fois qu'elle ne sera pas com-
pensée par un gain de productivité
équivalent.
ra pas bien sûr de moyens de paie-
ment supplémentaires ; mais elle
renchérira pour les entreprises, le
prix de revient de l'heure de travail,
chaque fois qu'elle ne sera pas com-
pensée par un gain de productivité
équivalent.
• Les autres avantages sociaux.
— Ife sont plus difficiles à chiffrer,
puisque le gouvernement n'a pas
encore fait connaître ses intentions à
cet égard. Il a parlé de majorer la
retraite des vieux, les crédits de la
formation professionnelle et de la
lutte contre le chômage, mais il n'a
pas dit de combien. Pareillement, il
a parlé de relever les prestations fa-
miliales, mais en 1969 seulement.
— Ife sont plus difficiles à chiffrer,
puisque le gouvernement n'a pas
encore fait connaître ses intentions à
cet égard. Il a parlé de majorer la
retraite des vieux, les crédits de la
formation professionnelle et de la
lutte contre le chômage, mais il n'a
pas dit de combien. Pareillement, il
a parlé de relever les prestations fa-
miliales, mais en 1969 seulement.
Enfin, il a amputé de moitié la
hausse du ticket modérateur de la
Sécurité sociale, intervenue l'été der-
nier. Cela permettra de rembourser
aux familles des malades quelque
250 millions de francs de plus cha-
que année.
hausse du ticket modérateur de la
Sécurité sociale, intervenue l'été der-
nier. Cela permettra de rembourser
aux familles des malades quelque
250 millions de francs de plus cha-
que année.
Le retard de la production
En face de cette augmentation
considérable des moyens de paie-
ment mis à la disposition des salariés
industriels ou agricoles (et de cer-
tains retraités I, quelle production na-
tionale supplémentaire est fournie,
qui permettrait de les honorer ?
considérable des moyens de paie-
ment mis à la disposition des salariés
industriels ou agricoles (et de cer-
tains retraités I, quelle production na-
tionale supplémentaire est fournie,
qui permettrait de les honorer ?
Les calculs sont ici très incertains,
mais on peut évaluer à quelque 4 à
5 c/c du produit national annuel la
perte de richesse résultant de l'ar-
rêt de la quasi-totalité des entrepri-
ses industrielles et de la grande ma-
jorité du secteur « services » (la pro-
duction agricole n'ayant, elle, à peu
près pas été concernée par le mou-
vement). Il faut compléter cette
constatation, qui constitue un calcul
annuel statique, par l'effet que peut
avoir sur le rythme global de pro-
duction la diminution des horaire*.
mais on peut évaluer à quelque 4 à
5 c/c du produit national annuel la
perte de richesse résultant de l'ar-
rêt de la quasi-totalité des entrepri-
ses industrielles et de la grande ma-
jorité du secteur « services » (la pro-
duction agricole n'ayant, elle, à peu
près pas été concernée par le mou-
vement). Il faut compléter cette
constatation, qui constitue un calcul
annuel statique, par l'effet que peut
avoir sur le rythme global de pro-
duction la diminution des horaire*.
si elle n'est pas compensée par un
gain de productivité. Ce manque à
produire pourrait bien être, toutes
choses égales, d'environ 1 c/r par an.
gain de productivité. Ce manque à
produire pourrait bien être, toutes
choses égales, d'environ 1 c/r par an.
De sorte qu'au total, la production
nationale sera réduite au moment où
les moyens de paiement pour l'ac-
quérir seront accrus. L'effet classi-
que de cette distorsion est l'inflation,
dont le signe extérieur le plus connu
est la hausse rapide des prix (la de-
mande de biens augmentant alors
que l'offre diminue^. Peut-on l'évi-
ter ?
nationale sera réduite au moment où
les moyens de paiement pour l'ac-
quérir seront accrus. L'effet classi-
que de cette distorsion est l'inflation,
dont le signe extérieur le plus connu
est la hausse rapide des prix (la de-
mande de biens augmentant alors
que l'offre diminue^. Peut-on l'évi-
ter ?
Comment consolider les conquêtes
des travailleurs ?
des travailleurs ?
Avant de répondre à cette ques-
tion essentielle, il faut dire quelques
mots des effets logiques de ce qui
vient d'être exposé (si aucune me-
sure anti-inflationniste n'est prise).
Il y en a plusieurs :
tion essentielle, il faut dire quelques
mots des effets logiques de ce qui
vient d'être exposé (si aucune me-
sure anti-inflationniste n'est prise).
Il y en a plusieurs :
La première est que la hausse des
prix va reprendre aux travailleurs
une partie de ce qu'ils ont conquis.
Il est parfaitement possible que la
hausse passe de son rythme ancien
de 3 c/r l'an à une cadence de 6 %.
7 r/c, peut-être même davantage. Ce
qui reviendrait à annuler une bonne
partie du supplément d'augmenta-
tion obtenu cette année par les tra-
vailleurs (ce supplément peut être
évalué à 6 ou 8 c/c, puisque la hausse
moyenne des salaires ces dernières
années était d'un peu plus «le 5 %
par an).
prix va reprendre aux travailleurs
une partie de ce qu'ils ont conquis.
Il est parfaitement possible que la
hausse passe de son rythme ancien
de 3 c/r l'an à une cadence de 6 %.
7 r/c, peut-être même davantage. Ce
qui reviendrait à annuler une bonne
partie du supplément d'augmenta-
tion obtenu cette année par les tra-
vailleurs (ce supplément peut être
évalué à 6 ou 8 c/c, puisque la hausse
moyenne des salaires ces dernières
années était d'un peu plus «le 5 %
par an).
Seconde conséquence : l'augmenta-
tion du déficit budgétaire de l'Etat.
Celui-ci progresserait, dit-on, de 4 à
6 milliards, selon que le gouverne-
ment acceptera ou non de subven-
tionner les entreprises publiques dé-
ficitaires pour compenser (en partie)
les hausses de salaires qu'elles ont
accordées.
tion du déficit budgétaire de l'Etat.
Celui-ci progresserait, dit-on, de 4 à
6 milliards, selon que le gouverne-
ment acceptera ou non de subven-
tionner les entreprises publiques dé-
ficitaires pour compenser (en partie)
les hausses de salaires qu'elles ont
accordées.
Troisième effet : l'extension pro-
bable du chômage (au moins dans
un premier temps), de nombreuses
petites entreprises industrielles ne
pouvant faire face à la hausse de
leurs coûts de revient, ou étant éli-
minées du marché par des concur-
rents plus puissants, qui réussiront
mieux qu'elles à absorber la hausse
des salaires. Pareillement, dans
l'agriculture, la forte augmentation
des bas salaires amènera des exploi-
tants à remplacer certains de leurs
ouvriers par un recours accru à la
mécanisation (les syndicats d'exploi-
tants ont déjà parlé à ce propos de
plusieurs dizaines de milliers de sa-
lariés agricoles).
bable du chômage (au moins dans
un premier temps), de nombreuses
petites entreprises industrielles ne
pouvant faire face à la hausse de
leurs coûts de revient, ou étant éli-
minées du marché par des concur-
rents plus puissants, qui réussiront
mieux qu'elles à absorber la hausse
des salaires. Pareillement, dans
l'agriculture, la forte augmentation
des bas salaires amènera des exploi-
tants à remplacer certains de leurs
ouvriers par un recours accru à la
mécanisation (les syndicats d'exploi-
tants ont déjà parlé à ce propos de
plusieurs dizaines de milliers de sa-
lariés agricoles).
A terme, heureusement, la relance
que ne manquera pas de provoquer
la forte reprise de la consommation
ranimera la machine économique
nationale, stimulera les investisse-
ments et multipliera les emplois.
Mais dans quels délais ?
que ne manquera pas de provoquer
la forte reprise de la consommation
ranimera la machine économique
nationale, stimulera les investisse-
ments et multipliera les emplois.
Mais dans quels délais ?
Enfin, quatrième conséquence :
devant la montée des prix, les dé-
tenteurs de capitaux (entreprises ou
devant la montée des prix, les dé-
tenteurs de capitaux (entreprises ou
particuliers) chercheront des pla-
cements sûrs, soit en France (les en-
treprises emprunteront pour s'équi-
per, sachant qu'elles rembourseront
plus tard avec de> francs dépréciés),
soit à l'étranger (les placements en
valeurs étrangères seront automati-
quement réévalués en cas de déva-
luation du franc). D'où une accélé-
ration probable des investissements
et une fuite des capitaux hors des
frontières, destinées dans les deux
cas à faire profiter les classes privi-
légiées de la situation inflationniste.
cements sûrs, soit en France (les en-
treprises emprunteront pour s'équi-
per, sachant qu'elles rembourseront
plus tard avec de> francs dépréciés),
soit à l'étranger (les placements en
valeurs étrangères seront automati-
quement réévalués en cas de déva-
luation du franc). D'où une accélé-
ration probable des investissements
et une fuite des capitaux hors des
frontières, destinées dans les deux
cas à faire profiter les classes privi-
légiées de la situation inflationniste.
Toutes ces conséquences, à atten-
dre logiquement des derniers événe-
ments, sont évidemment inadmissi-
bles pour nous. Comment éviter
qu'elles ne se produisent ? Comment
consolider les conquêtes des travail-
leurs ?
dre logiquement des derniers événe-
ments, sont évidemment inadmissi-
bles pour nous. Comment éviter
qu'elles ne se produisent ? Comment
consolider les conquêtes des travail-
leurs ?
Nous sommes ici au cœur du pro-
blème économique posé par le mou-
vement actuel, qui est de savoir si
le capitalisme moderne peut surmon-
ter ses contradictions. Les leçons de
l'histoire sont nettes à cet égard :
le capitalisme ne s'est pas toujours
opposé à une inflation qui lui profi-
tait ; et quand il a cherché à jugu-
ler une inflation qu'il jugeait finale-
ment plus nuisible que profitable, il
n'y a pas toujours réussi. Quand il
y est parvenu, cela a toujours été sur
le dos des classes défavorisées (« sta-
bilisation » Poincaré en 1926, défla-
tion Laval en 1935, opération Pinay
en 1951, « redressement financier»
Finay-de Gaulle de 1958-59, « plan
de stabilisation » Giscard d'Estaing
de 1963). A chaque fois, (mais dans
des proportions différentes selon les
cas), le pouvoir a eu recours au
chômage (qui freine les revendica-
tions salariales) et à l'amputation
des petits revenus (hausses de tarifs
publics, réductions d'avantages so-
ciaux, parfois baisses de salaires).
blème économique posé par le mou-
vement actuel, qui est de savoir si
le capitalisme moderne peut surmon-
ter ses contradictions. Les leçons de
l'histoire sont nettes à cet égard :
le capitalisme ne s'est pas toujours
opposé à une inflation qui lui profi-
tait ; et quand il a cherché à jugu-
ler une inflation qu'il jugeait finale-
ment plus nuisible que profitable, il
n'y a pas toujours réussi. Quand il
y est parvenu, cela a toujours été sur
le dos des classes défavorisées (« sta-
bilisation » Poincaré en 1926, défla-
tion Laval en 1935, opération Pinay
en 1951, « redressement financier»
Finay-de Gaulle de 1958-59, « plan
de stabilisation » Giscard d'Estaing
de 1963). A chaque fois, (mais dans
des proportions différentes selon les
cas), le pouvoir a eu recours au
chômage (qui freine les revendica-
tions salariales) et à l'amputation
des petits revenus (hausses de tarifs
publics, réductions d'avantages so-
ciaux, parfois baisses de salaires).
11 est possible que, cette fois en-
core, la droite recoure à ces métho-
des, si de Gaulle veut différer (ou
chercher à empêcher) la dévaluation
de son franc-or. S'opposer à une telle
politique signifie-t-il que nous soyons
pour une politique inflationniste ?
Evidemment non : le P.S.U. l'a tou-
jours dénoncée, l'expérience mon-
trant que ce sont toujours les plus
pauvres qui en font les frais (vieux,
familles populaires, malades... I.
core, la droite recoure à ces métho-
des, si de Gaulle veut différer (ou
chercher à empêcher) la dévaluation
de son franc-or. S'opposer à une telle
politique signifie-t-il que nous soyons
pour une politique inflationniste ?
Evidemment non : le P.S.U. l'a tou-
jours dénoncée, l'expérience mon-
trant que ce sont toujours les plus
pauvres qui en font les frais (vieux,
familles populaires, malades... I.
Une autre politique
Alors, quelle autre politique ?
Celle-ci n'a pas à être inventée de
toutes pièces, puisque dans le « Con-
tre-plan » qu'il a proposé au V
Plan gaulliste (qui vient de faire
faillite), le P.S.U. montrait préci-
sément que, sans réformes anti-capi-
talistes, il n'était pas possible de réa-
liser une expansion rapide sans in-
flation.
Celle-ci n'a pas à être inventée de
toutes pièces, puisque dans le « Con-
tre-plan » qu'il a proposé au V
Plan gaulliste (qui vient de faire
faillite), le P.S.U. montrait préci-
sément que, sans réformes anti-capi-
talistes, il n'était pas possible de réa-
liser une expansion rapide sans in-
flation.
Disons ici sommairement que la
politique économique de rechange à
entreprendre, pour empêcher que
les conquêtes sociales ne s'envolent
en fumée, devrait s'ordonner autour
de quatre axes principaux :
politique économique de rechange à
entreprendre, pour empêcher que
les conquêtes sociales ne s'envolent
en fumée, devrait s'ordonner autour
de quatre axes principaux :
13 Juin 1968
SPECIAL MAI 68
page 27
1) Dans l'immédiat, compensation
partielle (les moyens de paiement
supplémentaires mis en circulation
par une compression importante
d'autres revenus : impôt sur le ca-
pital, impôt sur les profits spécula-
tifs, impôt spécial sur les hauts re-
venus ou la consommation de luxe,
emprunts d'Etat (pour « mobiliser »
une partie de l'épargne des cadres),
coupes sombres dans les budgets pu-
blics inutiles ou peu utiles (dépen-
ses militaires, dont « force de frap-
pe » : investissements civils non
prioritaires ; certaines subventions
aux sociétés privées).
partielle (les moyens de paiement
supplémentaires mis en circulation
par une compression importante
d'autres revenus : impôt sur le ca-
pital, impôt sur les profits spécula-
tifs, impôt spécial sur les hauts re-
venus ou la consommation de luxe,
emprunts d'Etat (pour « mobiliser »
une partie de l'épargne des cadres),
coupes sombres dans les budgets pu-
blics inutiles ou peu utiles (dépen-
ses militaires, dont « force de frap-
pe » : investissements civils non
prioritaires ; certaines subventions
aux sociétés privées).
2) Dans l'émmédiat également, me-
sures réglementaires de lutte anti-
inflationniste : contrôle strict des
changes, blocage (puis contrôle) des
prix, importations massives (pour sa-
tisfaire le pouvoir d'achat supplé-
mentaire des travailleurs), recours
éventuel aux clauses de sauvegarde
du Traité de Rome (pour empêcher
la. liquidation de firmes françaises
par leurs concurrentes étrangères
dans les secteurs où la hausse des
coûts de production n'aura pu être
évitée).
sures réglementaires de lutte anti-
inflationniste : contrôle strict des
changes, blocage (puis contrôle) des
prix, importations massives (pour sa-
tisfaire le pouvoir d'achat supplé-
mentaire des travailleurs), recours
éventuel aux clauses de sauvegarde
du Traité de Rome (pour empêcher
la. liquidation de firmes françaises
par leurs concurrentes étrangères
dans les secteurs où la hausse des
coûts de production n'aura pu être
évitée).
3) Le plus vite possible, utilisation
à plein des ressources productives
du pays : lutte contre le gaspillage
et le malthusianisme dans tous les
secteurs ; aide publique aux inves-
tissements générateurs d'emplois et
de production ; diffusion plus rapi-
de du progrès (notamment suppres-
sion du « secret des affaires »), mo-
dernisation des méthodes d'exploita-
tion et de commercialisation des
produits agricoles.
à plein des ressources productives
du pays : lutte contre le gaspillage
et le malthusianisme dans tous les
secteurs ; aide publique aux inves-
tissements générateurs d'emplois et
de production ; diffusion plus rapi-
de du progrès (notamment suppres-
sion du « secret des affaires »), mo-
dernisation des méthodes d'exploita-
tion et de commercialisation des
produits agricoles.
4) Enfin — ce qui demandera plus
de temps — mise en œuvre de ré-
formes de structures pour libérer
l'économie française des freins psy-
chologiques et financiers du capi-
talisme : extension et gestion démo-
cratique du secteur public ; restaura-
tion d'un pouvoir ouvrier ou syndi-
cal dans les entreprises privées ; dé-
mocratisation et renforcement des
moyens d'action (financiers, fiscaux,
réglementaires) de la planification,
en particulier, contrôle de l'auto-fi-
nancement, extension du rôle du
Trésor, création d'une Banque na-
tionale des investissements...
de temps — mise en œuvre de ré-
formes de structures pour libérer
l'économie française des freins psy-
chologiques et financiers du capi-
talisme : extension et gestion démo-
cratique du secteur public ; restaura-
tion d'un pouvoir ouvrier ou syndi-
cal dans les entreprises privées ; dé-
mocratisation et renforcement des
moyens d'action (financiers, fiscaux,
réglementaires) de la planification,
en particulier, contrôle de l'auto-fi-
nancement, extension du rôle du
Trésor, création d'une Banque na-
tionale des investissements...
Une telle politique, on le voit, n'a
pas grand chose à voir avec ce que
veut et peut faire le capitalisme.
C'est à ce prix pourtant que seront
consolidées les conquêtes ouvrières.
Si la lutte actuelle ne permet pas de
l'obtenir, il faudra absolument y par-
venir dès que le combat reprendra
de l'ampleur.
pas grand chose à voir avec ce que
veut et peut faire le capitalisme.
C'est à ce prix pourtant que seront
consolidées les conquêtes ouvrières.
Si la lutte actuelle ne permet pas de
l'obtenir, il faudra absolument y par-
venir dès que le combat reprendra
de l'ampleur.
Les travailleurs comprendront
mieux alors la nécessité d'une lutte
qualitative contre le régime et le
capitalisme, si l'inflation a, d'ici là,
rogné leurs conquêtes quantitatives
d'aujourd'hui.
mieux alors la nécessité d'une lutte
qualitative contre le régime et le
capitalisme, si l'inflation a, d'ici là,
rogné leurs conquêtes quantitatives
d'aujourd'hui.
M. RUNGIS
Paul HUVELIN
Agip
Répression
et pouvoir judiciaire
La violence de la répression a con-
tribué pour une bonne part à donner
au mouvement de mai cette ampleur
qui, partant d'une manifestation paci-
fique dans la cour de la Sorbonne, a
failli abattre le régime.
tribué pour une bonne part à donner
au mouvement de mai cette ampleur
qui, partant d'une manifestation paci-
fique dans la cour de la Sorbonne, a
failli abattre le régime.
Il n'est plus besoin de rappeler des
violences dont témoignent tant de ré-
cits précis et concordants, tant de pho-
tos insoutenables. Violences égale-
ment dans les cars, dans les commis-
sariats, puis au centre de tri et d'iden-
tification de Beaujon, ce mini-camp,
avec ses barbelés et ses projecteurs,
qui parquait en plein Paris le troupeau
des interpellés.
violences dont témoignent tant de ré-
cits précis et concordants, tant de pho-
tos insoutenables. Violences égale-
ment dans les cars, dans les commis-
sariats, puis au centre de tri et d'iden-
tification de Beaujon, ce mini-camp,
avec ses barbelés et ses projecteurs,
qui parquait en plein Paris le troupeau
des interpellés.
Ils y ont passé des heures, entassés
dans une cellule, à attendre un verre
d'eau ou une nouvelle correction. Le
lendemain, presque tous ont été relâ-
chés sans poursuites. La méthode est
connue : il s'agit d'humilier ceux qui
ont eu l'audace de se dresser face à
la police.
dans une cellule, à attendre un verre
d'eau ou une nouvelle correction. Le
lendemain, presque tous ont été relâ-
chés sans poursuites. La méthode est
connue : il s'agit d'humilier ceux qui
ont eu l'audace de se dresser face à
la police.
Mais pour certains, la répression ju-
diciaire a suivi, avec ses nuances. Des
étudiants sont jugés un samedi soir
ou un dimanche à midi, devant un tri-
bunal de flagrant délit qui, pour être
un tribunal correctionnel normal, n'en
prenait -pas moins des allures de tri-
bunal d'exception. Des peines de pri-
son ferme. Des inculpés placés sous
mandat de dépôt. Alors éclate ce cri
fantastique, repris par des milliers de
voix étudiantes et ouvrières : « Libé-
rez nos camarades ! »
diciaire a suivi, avec ses nuances. Des
étudiants sont jugés un samedi soir
ou un dimanche à midi, devant un tri-
bunal de flagrant délit qui, pour être
un tribunal correctionnel normal, n'en
prenait -pas moins des allures de tri-
bunal d'exception. Des peines de pri-
son ferme. Des inculpés placés sous
mandat de dépôt. Alors éclate ce cri
fantastique, repris par des milliers de
voix étudiantes et ouvrières : « Libé-
rez nos camarades ! »
Et devant la pression de la rue, de-
vant la colère populaire, le gouverne-
ment a cédé. Nos camarades ont été
libérés.
vant la colère populaire, le gouverne-
ment a cédé. Nos camarades ont été
libérés.
Jamais l'indépendance du pouvoir
judiciaire, si chère aux techniciens de
la démocratie bourgeoise, inscrite
dans la constitution, n'aura été bafouée
avec une telle désinvolture, même si
les formes et les modalités techniques
ont été respectées.
judiciaire, si chère aux techniciens de
la démocratie bourgeoise, inscrite
dans la constitution, n'aura été bafouée
avec une telle désinvolture, même si
les formes et les modalités techniques
ont été respectées.
Il n' y a là rien de surprenant : le
pouvoir judiciaire n'est qu'une des for-
mes du pouvoir. Quelles que soient
la valeur et l'honnêteté des magistrats,
comme le pouvoir exécutif et le pou-
voir législatif, le pouvoir judiciaire ne
peut être qu'un instrument de la domi-
nation de la classe dirigeante. Par son
recrutement d'abord, mais aussi par
l'essence même de la loi qu'il est
chargé d'appliquer. Et par les liens qui
unissent les magistrats du Parquet,
subordonnés hiérarchiquement au gou-
vernement, et les magistrats du siège,
dont l'avancement dépend aussi du
gouvernement.
pouvoir judiciaire n'est qu'une des for-
mes du pouvoir. Quelles que soient
la valeur et l'honnêteté des magistrats,
comme le pouvoir exécutif et le pou-
voir législatif, le pouvoir judiciaire ne
peut être qu'un instrument de la domi-
nation de la classe dirigeante. Par son
recrutement d'abord, mais aussi par
l'essence même de la loi qu'il est
chargé d'appliquer. Et par les liens qui
unissent les magistrats du Parquet,
subordonnés hiérarchiquement au gou-
vernement, et les magistrats du siège,
dont l'avancement dépend aussi du
gouvernement.
Dans ce contexte, le combat contre
la répression judiciaire ne peut se fon-
der que sur la contradiction qui existe
entre le régime d'oppression et d'alié-
nation au système capitaliste et le
respect des Droits de l'homme, égale-
ment inscrits de façon formelle dans
la constitution.
la répression judiciaire ne peut se fon-
der que sur la contradiction qui existe
entre le régime d'oppression et d'alié-
nation au système capitaliste et le
respect des Droits de l'homme, égale-
ment inscrits de façon formelle dans
la constitution.
Le mouvement de mai a bousculé
toutes les vieilles structures de la
bourgeoisie : l'université, l'ordre des
médecins, celui des architectes. Les
magistrats ont réagi très vivement aux
formules injurieuses que leur a adres-
sé M. Pompidou. Là aussi tout doit
changer. Le problème est maintenant
de définir ce que peut être un pouvoir
judiciaire réellement indépendant de
la classe dominante. Cela dépendra
d'abord de la loi qu'il aura à appliquer.
Cela dépendra aussi de la démocrati-
sation du recrutement de la magistra-
ture et de la refonte totale de l'orga-
nisation judiciaire et de la procédure.
toutes les vieilles structures de la
bourgeoisie : l'université, l'ordre des
médecins, celui des architectes. Les
magistrats ont réagi très vivement aux
formules injurieuses que leur a adres-
sé M. Pompidou. Là aussi tout doit
changer. Le problème est maintenant
de définir ce que peut être un pouvoir
judiciaire réellement indépendant de
la classe dominante. Cela dépendra
d'abord de la loi qu'il aura à appliquer.
Cela dépendra aussi de la démocrati-
sation du recrutement de la magistra-
ture et de la refonte totale de l'orga-
nisation judiciaire et de la procédure.
Telle sera l'une des premières tâ-
ches que devra se fixer le gouverne-
ment de transition vers le socialisme.
ches que devra se fixer le gouverne-
ment de transition vers le socialisme.
Henri LECLERC
BULLETIN D'ADHÉSION
Nom
Prénom
Adresse
Profession ........................
déclare vouloir adhérer an Parti
Socialiste Unifié et demande à être
mis en contact avec la section la
plus proche.
Socialiste Unifié et demande à être
mis en contact avec la section la
plus proche.
(Bulletin à retourner au siège du
PSU, 81, rue Mademoiselle, Porij-15')
PSU, 81, rue Mademoiselle, Porij-15')
Demain, la Tunisie
Au mois de mars dernier, les étu-
diants tunisiens ont fait une grève
unanime. Cette grève a été répri-
mée avec une inintelligence et une
brutalité analogue à celle de la ré-
pression Fouchet-Peyrefitte. Là-
bas comme ici le corps enseignant
s'est en majorité solidarisé avec les
étudiants. Là-bas comme ici la popu-
lation était de cœur avec eux tous.
Une centaine d'étudiants furent ar-
rêtés dans les jours suivants. Plu-
sieurs enseignants furent enlevés et
brutalisés. Une dizaine furent ar-
rêtés. Beaucoup subirent des tor-
tures.
diants tunisiens ont fait une grève
unanime. Cette grève a été répri-
mée avec une inintelligence et une
brutalité analogue à celle de la ré-
pression Fouchet-Peyrefitte. Là-
bas comme ici le corps enseignant
s'est en majorité solidarisé avec les
étudiants. Là-bas comme ici la popu-
lation était de cœur avec eux tous.
Une centaine d'étudiants furent ar-
rêtés dans les jours suivants. Plu-
sieurs enseignants furent enlevés et
brutalisés. Une dizaine furent ar-
rêtés. Beaucoup subirent des tor-
tures.
Mais, contrairement à ce qui se
passe ici, les choses en sont restées
là. A la rentrée des vacances de Pâ-
ques, les étudiants ont repris leur
travail à l'appel des professeurs qui
ne se sont pas mis en grève. La popu-
lation n'a pas bougé. Les étudiants,
professeurs, intellectuels emprison-
nés le sont toujours. Ils vont passer
en justice : l'instruction a commen-
cé la semaine dernière, après deux
mois de détention arbitraire. Ils sont
inculpés d'atteinte à la sûreté inté-
rieure de l'Etat. On verra ainsi de
remarquables intellectuels, d'excel-
lents étudiants traités en criminels
pour avoir refusé l'étouffoir de mé-
thode politiques, judiciaires, poli-
cières et parapolicières inspirées par
quelques apparatchiks souvent bien
médiocres (1). Aujourd'hui, « l'or-
dre règne à l'Université ». Le pays
est silencieux. Et, contrairement à
l'extraordinaire mouvement qui a
pris racine en France sur une situa-
tion tout à fait analogue, les appa-
ratchiks n'ont pas été remis à leur
place (qui est le rang), les structures
bureaucratiques ne se sont pas éva-
porées.
passe ici, les choses en sont restées
là. A la rentrée des vacances de Pâ-
ques, les étudiants ont repris leur
travail à l'appel des professeurs qui
ne se sont pas mis en grève. La popu-
lation n'a pas bougé. Les étudiants,
professeurs, intellectuels emprison-
nés le sont toujours. Ils vont passer
en justice : l'instruction a commen-
cé la semaine dernière, après deux
mois de détention arbitraire. Ils sont
inculpés d'atteinte à la sûreté inté-
rieure de l'Etat. On verra ainsi de
remarquables intellectuels, d'excel-
lents étudiants traités en criminels
pour avoir refusé l'étouffoir de mé-
thode politiques, judiciaires, poli-
cières et parapolicières inspirées par
quelques apparatchiks souvent bien
médiocres (1). Aujourd'hui, « l'or-
dre règne à l'Université ». Le pays
est silencieux. Et, contrairement à
l'extraordinaire mouvement qui a
pris racine en France sur une situa-
tion tout à fait analogue, les appa-
ratchiks n'ont pas été remis à leur
place (qui est le rang), les structures
bureaucratiques ne se sont pas éva-
porées.
La différence de l'issue fait sen-
tir la différence profonde de la si-
tuation, malgré les réelles analogies.
tir la différence profonde de la si-
tuation, malgré les réelles analogies.
Certes, bien des pratiques suivies
par le pouvoir sont allées dans le
sens du développement de l'esprit
de contestation. L'influence des au-
torités religieuses a été réduite à la
portion congrue, et tout se passe
comme si l'Etat était laïque. La pres-
sion des traditions anciennes d'obéis-
sance au père et à l'autorité en ont
subi un grand ébranlement. L'ins-
tauration de codes de lois de types
moderne et la libération de la fem-
me (totale sur le papier) ont habitué
la jeunesse à la lutte contre les
jougs sociaux. De plus l'enseigne-
ment moderne et bilingue a large-
ment diffusé (un tiers du budget
officiel va à l'Education nationale)
l'esprit de contestation si profondé-
ment inscrit dans la psyché « déve-
loppée » que ce soit sous sa forme
libérale, jacobine, ou marxiste. Il y
a aujourd'hui des dizaines de mil-
liers d'élèves quotidiennement for-
par le pouvoir sont allées dans le
sens du développement de l'esprit
de contestation. L'influence des au-
torités religieuses a été réduite à la
portion congrue, et tout se passe
comme si l'Etat était laïque. La pres-
sion des traditions anciennes d'obéis-
sance au père et à l'autorité en ont
subi un grand ébranlement. L'ins-
tauration de codes de lois de types
moderne et la libération de la fem-
me (totale sur le papier) ont habitué
la jeunesse à la lutte contre les
jougs sociaux. De plus l'enseigne-
ment moderne et bilingue a large-
ment diffusé (un tiers du budget
officiel va à l'Education nationale)
l'esprit de contestation si profondé-
ment inscrit dans la psyché « déve-
loppée » que ce soit sous sa forme
libérale, jacobine, ou marxiste. Il y
a aujourd'hui des dizaines de mil-
liers d'élèves quotidiennement for-
(ll Cf. l'intéressante analyse de M. Pierre
Mane dans « Réforme » du 5 mai 1968.
Mane dans « Réforme » du 5 mai 1968.
page 28
SPECIAL MAI 68
tribune socialiste
mes dans les lycées aux méthodes
de la réflexion critique. EL y a à
Tunis 4 à 5 mille étudiants qui y
demeurent, y pensent, y discutent, et
ne le font pas en vase clos. Aux va-
cances, ces milliers d'étudiants re-
tournent dans leurs villes et leurs
villages (pas un qui n'ait au mois
son étudiant). et là ils sont encore
un facteur puissant de remise en
question et de renouvellement, dans
la mesure où ils sont écoutés d'une
population particulièrement respec-
tueuse des valeurs culturelles et in-
tellectuelles.
de la réflexion critique. EL y a à
Tunis 4 à 5 mille étudiants qui y
demeurent, y pensent, y discutent, et
ne le font pas en vase clos. Aux va-
cances, ces milliers d'étudiants re-
tournent dans leurs villes et leurs
villages (pas un qui n'ait au mois
son étudiant). et là ils sont encore
un facteur puissant de remise en
question et de renouvellement, dans
la mesure où ils sont écoutés d'une
population particulièrement respec-
tueuse des valeurs culturelles et in-
tellectuelles.
Cette montée de l'esprit de
contestation est soutenue et accen-
tuée par un très profond méconten-
tement dû à l'aggravation constante
des conditions de la vie matérielle.
Les salaires des fonctionnaires sont
restés bloqués pendant dix ans pen-
dant que les prix, tant des denrées
alimentaires que des objets fabri-
qués faisaient plus que doubler.
L'important secteur du petit com-
merce a été profondément perturbé
et apauvri par les récentes mesures
dirigistes et autoritaires du super-
ministre de l'économie, M. Ben
Salah. Le régime s'est ainsi aliéné les
petites bourgeoisies besogneuses qui
constituent la véritable « middle
class » en Tunisie. De plus, les ten-
tatives de réformes agricoles préten-
dument socialistes (en réalité tech-
contestation est soutenue et accen-
tuée par un très profond méconten-
tement dû à l'aggravation constante
des conditions de la vie matérielle.
Les salaires des fonctionnaires sont
restés bloqués pendant dix ans pen-
dant que les prix, tant des denrées
alimentaires que des objets fabri-
qués faisaient plus que doubler.
L'important secteur du petit com-
merce a été profondément perturbé
et apauvri par les récentes mesures
dirigistes et autoritaires du super-
ministre de l'économie, M. Ben
Salah. Le régime s'est ainsi aliéné les
petites bourgeoisies besogneuses qui
constituent la véritable « middle
class » en Tunisie. De plus, les ten-
tatives de réformes agricoles préten-
dument socialistes (en réalité tech-
Déeisions
du Comité politique national
du Comité politique national
1) Les prochaines élections qui, si
elles ont lien, se dérouleront «ans
réouverture des listes électorales, «ans
abaissement de l'âge du vote, et avec
«a mode de scrutin qui privilégie les
notables, ne peuvent en aucun cas ré-
gler les problèmes que l'action popu-
laire ' vient de poser. Cependant les
élections sont une occasion d'expliquer
les objectifs du mouvement qui se
développe à l'ensemble des ^raneais.
elles ont lien, se dérouleront «ans
réouverture des listes électorales, «ans
abaissement de l'âge du vote, et avec
«a mode de scrutin qui privilégie les
notables, ne peuvent en aucun cas ré-
gler les problèmes que l'action popu-
laire ' vient de poser. Cependant les
élections sont une occasion d'expliquer
les objectifs du mouvement qui se
développe à l'ensemble des ^raneais.
2) Le P.S.U. souhaite T
ces qui ont mené, en n: , -; ,:.
lutte contre le gaullisme -^eiéle
lutte contre le gaullisme -^eiéle
capitaliste française et so . .«.x*iie.
soient présentes dans ton lt»$ cir-
conscriptions électorales.
soient présentes dans ton lt»$ cir-
conscriptions électorales.
3) Le C.P.N. donne mandat i toutes
les fédérations du P.S.U. de prendre
saa» délai les contacts nécessaires avec
les forces ouvrières, universitaires el
paysannes qui ont mené les luttes ré-
centes, pour examiner autour de quel-
les candidatures pourra se conduire la
bataille d'explication électorale.
les fédérations du P.S.U. de prendre
saa» délai les contacts nécessaires avec
les forces ouvrières, universitaires el
paysannes qui ont mené les luttes ré-
centes, pour examiner autour de quel-
les candidatures pourra se conduire la
bataille d'explication électorale.
4) En tout état de cause, le P.S.U.
présentera on soutiendra une candi-
dature dans toutes les circonscriptions.
In aucun cas celte candidature ne
pourra recevoir en même temps l'in-
vestiture da P.C.K, non ping que de
la F.€.D.S, on d'une de ses organisa-
tions constituantes.
présentera on soutiendra une candi-
dature dans toutes les circonscriptions.
In aucun cas celte candidature ne
pourra recevoir en même temps l'in-
vestiture da P.C.K, non ping que de
la F.€.D.S, on d'une de ses organisa-
tions constituantes.
5) Le P.S.U. se désistera on se reti-
rera, an deuxième tour, devant le
candidat <fe gauche le mieux placé
pour battre le caullisme et exprimer
l'opposition au régime. Cette attitude
n implique ?pa.g pour autant un accord
avec l'orientation politique de l'orga-
nisation à laquelle appartient ce can-
didat, telle qu'elle s'est manifestée au
cours de la crise récente.
rera, an deuxième tour, devant le
candidat <fe gauche le mieux placé
pour battre le caullisme et exprimer
l'opposition au régime. Cette attitude
n implique ?pa.g pour autant un accord
avec l'orientation politique de l'orga-
nisation à laquelle appartient ce can-
didat, telle qu'elle s'est manifestée au
cours de la crise récente.
PARIS, le 5 juin 1%8.
nocratiques, car elles n'ont pas tou-
ché à la propriété) ont disloqué les
habitudes de la petite paysannerie
sous le coup de mesures autoritaires
appliquées manu militari, si néces-
saire, et ont développé l'exaspéra-
tion dans les campagnes.
ché à la propriété) ont disloqué les
habitudes de la petite paysannerie
sous le coup de mesures autoritaires
appliquées manu militari, si néces-
saire, et ont développé l'exaspéra-
tion dans les campagnes.
Or rien de tout ceci n'a la possi-
bilité légale de s'exprimer publique-
ment, et partout on se heurte à des
structures politiques qui sont for-
tes et totalitaires. C'est certainement
un mérite du régime d'avoir réalisé
un F.tat cohérent et solidement ad-
ministré. Mais il a imposé l'omni-
présence d'un parti unique chargé
d'imposer partout les volontés ve-
nues du sommet ; il a favorisé à
tous les niveaux la confusion du par-
ti et de l'Etat ; il a développé énor-
mément l'appareil répressif (gen-
darmerie et police) ; a entièrement
monopolisé l'information, etc. Bref
il a constitué une structure qu'on ap-
pellera mussolinieniie ou stalinienne
selon le degré de « socialisme » que
l'on voudra conférer aux réformes
économiques en cours. D'où la viru-
lence et la toute puissance de la
répression actuelle, qui est la pre-
mière à toucher les milieux universi-
taires, mais qui n'est pas la pre-
mière : l'écrasement des yousseffis-
tes par la liquidation physique dure
et simple accompagna les débuts du
régime, et ces dernières années la
dispersion par la force de manifes-
tations villageoises ou paysannes,
suivies d'arrestations, a été un phé-
nomène fréquent. C'est cette struc-
ture totalitaire qui a permis à Bour-
guiba de comettre des erreurs gra-
ves sans que quiconque ose porter
la contradiction et qui lui permet
(l'être à peu près le seul chef d'Etat
du monde à se donner le ridicule
de défendre la politique de Johnson
au \ ieliiam. contre le sentiment de
la quaMtotalité des Tunisiens, y
compris cette fois des apparatchiks
eux-mêmes.
bilité légale de s'exprimer publique-
ment, et partout on se heurte à des
structures politiques qui sont for-
tes et totalitaires. C'est certainement
un mérite du régime d'avoir réalisé
un F.tat cohérent et solidement ad-
ministré. Mais il a imposé l'omni-
présence d'un parti unique chargé
d'imposer partout les volontés ve-
nues du sommet ; il a favorisé à
tous les niveaux la confusion du par-
ti et de l'Etat ; il a développé énor-
mément l'appareil répressif (gen-
darmerie et police) ; a entièrement
monopolisé l'information, etc. Bref
il a constitué une structure qu'on ap-
pellera mussolinieniie ou stalinienne
selon le degré de « socialisme » que
l'on voudra conférer aux réformes
économiques en cours. D'où la viru-
lence et la toute puissance de la
répression actuelle, qui est la pre-
mière à toucher les milieux universi-
taires, mais qui n'est pas la pre-
mière : l'écrasement des yousseffis-
tes par la liquidation physique dure
et simple accompagna les débuts du
régime, et ces dernières années la
dispersion par la force de manifes-
tations villageoises ou paysannes,
suivies d'arrestations, a été un phé-
nomène fréquent. C'est cette struc-
ture totalitaire qui a permis à Bour-
guiba de comettre des erreurs gra-
ves sans que quiconque ose porter
la contradiction et qui lui permet
(l'être à peu près le seul chef d'Etat
du monde à se donner le ridicule
de défendre la politique de Johnson
au \ ieliiam. contre le sentiment de
la quaMtotalité des Tunisiens, y
compris cette fois des apparatchiks
eux-mêmes.
!.a l'hose est rendue aujourd'hui
dus complexe encore, les contradic-
tions internes du régime plus ma-
:iiîe-tt>s. dans la mesure où, depuis
l'an dernier, le problème de la
.-uccesMon se trouve posé. Il est
manifeste qu'à l'heure actuelle un
groupe d'hommes d'appareil rela-
tivement jeunes tend à s'organiser
de façon à faire jouer à son profit
les mécanismes totalitaires du ré-
gime. Des hommes comme M. Ben
Salah, semble-t-il, Sayyah, directeur
du Parti, et son groupe d'anciens
« syndicalistes étudiants (Mokhtar
Xannad. actuel dirigeant des servi-
ces officiels de la jeunesse, etc.)
qu'ils soient ou non liés à Bourguiba
junior, ou à d'autres usent d'intimi-
dation pour se maintenir en place
jusqu'à la disparition, peut-être pro-
chaine de Bourguiba, pour ensuite
accaparer le pouvoir, en attendant
de se le disputer. En tous cas les dis-
sensions internes au système lui-
même sont patentes : cet hiver, la
démission fracassante de M. Mestiri.
lié au « groupe de la Marsa » et à
dus complexe encore, les contradic-
tions internes du régime plus ma-
:iiîe-tt>s. dans la mesure où, depuis
l'an dernier, le problème de la
.-uccesMon se trouve posé. Il est
manifeste qu'à l'heure actuelle un
groupe d'hommes d'appareil rela-
tivement jeunes tend à s'organiser
de façon à faire jouer à son profit
les mécanismes totalitaires du ré-
gime. Des hommes comme M. Ben
Salah, semble-t-il, Sayyah, directeur
du Parti, et son groupe d'anciens
« syndicalistes étudiants (Mokhtar
Xannad. actuel dirigeant des servi-
ces officiels de la jeunesse, etc.)
qu'ils soient ou non liés à Bourguiba
junior, ou à d'autres usent d'intimi-
dation pour se maintenir en place
jusqu'à la disparition, peut-être pro-
chaine de Bourguiba, pour ensuite
accaparer le pouvoir, en attendant
de se le disputer. En tous cas les dis-
sensions internes au système lui-
même sont patentes : cet hiver, la
démission fracassante de M. Mestiri.
lié au « groupe de la Marsa » et à
Mme Ouassila Bourguiba, les ren-
daient publiques, plus récemment
M. Mongi Slim qui jouit d'une cer-
taine popularité était « démission-
né » pour « raison de santé » de ses
fonctions de ministre de la Justice ;
enfin, à la suite des derniers événe-
ments trois ministres ont offert leur
démission : Messadi (Education na-
tionale!. Moalla (Commerce et In-
dustrie) et Noureddine (Travaux pu-
blics), démission qui n'a pas été
acceptée.
daient publiques, plus récemment
M. Mongi Slim qui jouit d'une cer-
taine popularité était « démission-
né » pour « raison de santé » de ses
fonctions de ministre de la Justice ;
enfin, à la suite des derniers événe-
ments trois ministres ont offert leur
démission : Messadi (Education na-
tionale!. Moalla (Commerce et In-
dustrie) et Noureddine (Travaux pu-
blics), démission qui n'a pas été
acceptée.
Simon BOIVIX
Les Vietnamiens ont
vaincu l'impérialisme
vaincu l'impérialisme
L' « impossible » s'est produit...
L'« impossible », ce n'est pas la tenue
à Paris, depuis un mois et demi, des
conversations officielles entre Nord-
Vietnamiens et Américains. C'est la
victoire des Vietnamiens sur les Amé-
ricains. Des « groupuscules gauchis-
tes » la souhaitaient et la prévoyaient
depuis des années, en Europe et dans
le tiers monde : la « folie » de leur
analyse se traduit aujourd'hui pour
tous dans la réalité parce qu'elle avait
pris au sérieux dès le départ l'analyse
des Vietnamiens eux-mêmes.
L'« impossible », ce n'est pas la tenue
à Paris, depuis un mois et demi, des
conversations officielles entre Nord-
Vietnamiens et Américains. C'est la
victoire des Vietnamiens sur les Amé-
ricains. Des « groupuscules gauchis-
tes » la souhaitaient et la prévoyaient
depuis des années, en Europe et dans
le tiers monde : la « folie » de leur
analyse se traduit aujourd'hui pour
tous dans la réalité parce qu'elle avait
pris au sérieux dès le départ l'analyse
des Vietnamiens eux-mêmes.
Longtemps, l'attention de l'étranger
s'est portée sur les bombardements du
Vietnam du Nord. C'était à la fois
naturel et politiquement faux. Naturel,
parce qu'il fallait — qu'il faut encore
— exiger la fin des raids aériens lan-
cés contre un pays, sans même qu'il y
ait eu déclaration de guerre, raids
s'est portée sur les bombardements du
Vietnam du Nord. C'était à la fois
naturel et politiquement faux. Naturel,
parce qu'il fallait — qu'il faut encore
— exiger la fin des raids aériens lan-
cés contre un pays, sans même qu'il y
ait eu déclaration de guerre, raids
aériens frappant villes et villages,
convois militaires et usines, écoles et
lieux de culte. Politiquement faux, car
à trop insister sur ce fait, on risque
d'oublier l'agression américaine contre
le Sud, l'occupation d'un pays insurgé
contre une dictature militaire forgée
par les Etats-Unis.
convois militaires et usines, écoles et
lieux de culte. Politiquement faux, car
à trop insister sur ce fait, on risque
d'oublier l'agression américaine contre
le Sud, l'occupation d'un pays insurgé
contre une dictature militaire forgée
par les Etats-Unis.
De toute façon, la guerre contre le
Nord a échoué lamentablement. Hanoï
aide plus que jamais le Sud. Rien
n'empêche une fusée russe ou une
mitrailleuse chinoise débarquée à
Haiphong de parvenir jusqu'au centre
de Saigon : une gigantesque « chaîne »
humaine fait passer le tout, malgré les
B-52, les bombes à billes et les pro-
duits défoliants. D'autre part, le Viet-
nam du Nord n'a pas arrêté la cons-
truction de son socialisme en dépit de
plus de cent missions aériennes lan-
cées chaque jour contre son territoire
depuis plus de trois ans. Les raisons
de cette victoire ? Elles sont multi-
ples : patriotisme virulent d'un petit
peuple ne se laissant ni bercer par les
« douceurs » d'une certaine coexis-
tence pacifique, ni entraîner par le jus-
qu'auboutisme d'autres de ses alliés ;
utilisation maxima de traditions
d'entraide renforcées par une struc-
ture socialiste permettant de mieux
résister à l'épreuve ; solidarité avec
le Sud, en vue de la victoire et de la
-°iir>!fication ; examen minutieux des
points forts et faibles de l'adversaire ;
usage efficace des divers types de
D.C.A. fournis par les pays socialis-
tes, etc.
Nord a échoué lamentablement. Hanoï
aide plus que jamais le Sud. Rien
n'empêche une fusée russe ou une
mitrailleuse chinoise débarquée à
Haiphong de parvenir jusqu'au centre
de Saigon : une gigantesque « chaîne »
humaine fait passer le tout, malgré les
B-52, les bombes à billes et les pro-
duits défoliants. D'autre part, le Viet-
nam du Nord n'a pas arrêté la cons-
truction de son socialisme en dépit de
plus de cent missions aériennes lan-
cées chaque jour contre son territoire
depuis plus de trois ans. Les raisons
de cette victoire ? Elles sont multi-
ples : patriotisme virulent d'un petit
peuple ne se laissant ni bercer par les
« douceurs » d'une certaine coexis-
tence pacifique, ni entraîner par le jus-
qu'auboutisme d'autres de ses alliés ;
utilisation maxima de traditions
d'entraide renforcées par une struc-
ture socialiste permettant de mieux
résister à l'épreuve ; solidarité avec
le Sud, en vue de la victoire et de la
-°iir>!fication ; examen minutieux des
points forts et faibles de l'adversaire ;
usage efficace des divers types de
D.C.A. fournis par les pays socialis-
tes, etc.
Au Sud, le combat était beaucoup
plus difficile à mener. Au Nord, lors-
que l'aviation a effectué son raid, elle
repart : le terrain appartient aux Viet-
namiens. Au Sud, le bombardement
plus difficile à mener. Au Nord, lors-
que l'aviation a effectué son raid, elle
repart : le terrain appartient aux Viet-
namiens. Au Sud, le bombardement
13 Juin 1968
SPECIAL MAI 68
page 29
est souvent l'annonce d'une offensive
terrestre Le Front de Liberation a du
lutter contre 550000 Américains (non
comptes les » supports » des bases
de Thaïlande, des Philippines, de
Guam, et deux de la 7' flotte), 50000
mercenaires coréens, et une armée of-
ficiellement pro-americaine de plus de
700.000 hommes, mais dont en fait seu-
les quelques unîtes se battent vrai-
ment. Avec l'aide du Nord, il a vaincu
parce qu'il était LA population en guer-
re contre un occupant étranger n'arri-
vant pas à trouver dans le pays de re-
lais politiques pour son action. En
d'autres termes, contre un occupant
étranger de moins en moins aide par
des collaborateurs locaux
terrestre Le Front de Liberation a du
lutter contre 550000 Américains (non
comptes les » supports » des bases
de Thaïlande, des Philippines, de
Guam, et deux de la 7' flotte), 50000
mercenaires coréens, et une armée of-
ficiellement pro-americaine de plus de
700.000 hommes, mais dont en fait seu-
les quelques unîtes se battent vrai-
ment. Avec l'aide du Nord, il a vaincu
parce qu'il était LA population en guer-
re contre un occupant étranger n'arri-
vant pas à trouver dans le pays de re-
lais politiques pour son action. En
d'autres termes, contre un occupant
étranger de moins en moins aide par
des collaborateurs locaux
/ n tissu de <-t»ntra<in'tn>ns
Le Front et ses allies du Nord n'ont
jamais oublie cette affirmation de de-
part : personne ne peut vaincre un
peuple décide, si ce n est en I annihi-
lant. Or, les Américains ne pouvaient
pour des raisons politiques aller plus
loin militairement au Vietnam, par
exemple en usant de la force atomi-
que. Ils ne pouvaient non plus décider
de faire ouvertement de ladmmistra-
tion directe : logiquement, tout v pous-
sait ; en fait, leur idéologie proclamée
(liberté des peuples, autodétermina-
tion, etc.) les empêchait de passer du
néo-colonialisme au colonialisme La
situation internationale et leurs propres
contradictions ont donc privé les Amé-
ricains de certains moyens d'action
C'est ainsi que leurs fantoches de Sai-
gon leur étaient nécessaires, mais en
même temps les ridiculisaient aux
yeux de I opinion vietnamienne et in-
ternationale
jamais oublie cette affirmation de de-
part : personne ne peut vaincre un
peuple décide, si ce n est en I annihi-
lant. Or, les Américains ne pouvaient
pour des raisons politiques aller plus
loin militairement au Vietnam, par
exemple en usant de la force atomi-
que. Ils ne pouvaient non plus décider
de faire ouvertement de ladmmistra-
tion directe : logiquement, tout v pous-
sait ; en fait, leur idéologie proclamée
(liberté des peuples, autodétermina-
tion, etc.) les empêchait de passer du
néo-colonialisme au colonialisme La
situation internationale et leurs propres
contradictions ont donc privé les Amé-
ricains de certains moyens d'action
C'est ainsi que leurs fantoches de Sai-
gon leur étaient nécessaires, mais en
même temps les ridiculisaient aux
yeux de I opinion vietnamienne et in-
ternationale
Empêtrés également dans leurs hé-
sitations stratégiques et tactiques, les
Américains n'ont jamais pu réellement
passer à l'offensive. Ils ont tenté l'ex-
périence des grandes bases, mais ces
arrières ne peuvent permettre de vain-
cre dans ce type de guerre populaire
où, justement, il faut conquérir politi-
quement la population. De plus, les
bases ne sont plus des sanctuaires
depuis que les Vietnamiens possèdent
des fusées de 13 km de portée. Il fal-
lut donc sortir des bases, s'émietter
dans les c.ampagnes, sur les pitons,
mais alors le Front et les Nord-Viet-
namiens, dans une nature qu'ils con-
naissent à merveille, ont pu choisir
leurs cibles, amener les Américains
en des endroits déterminés par eux,
les clouer au sol, les encercler, et leur
infliger des pertes de plus en plus
lourdes. Il est possible d'affirmer que,
depuis presque un an, aucun déplace-
ment de grandes unités américaines
n'a été commandé par Saigon, mais
bien par « les faits », c'est-à-dire par
la volonté du général Giap et des di-
rigeants révolutionnaires du Sud.
sitations stratégiques et tactiques, les
Américains n'ont jamais pu réellement
passer à l'offensive. Ils ont tenté l'ex-
périence des grandes bases, mais ces
arrières ne peuvent permettre de vain-
cre dans ce type de guerre populaire
où, justement, il faut conquérir politi-
quement la population. De plus, les
bases ne sont plus des sanctuaires
depuis que les Vietnamiens possèdent
des fusées de 13 km de portée. Il fal-
lut donc sortir des bases, s'émietter
dans les c.ampagnes, sur les pitons,
mais alors le Front et les Nord-Viet-
namiens, dans une nature qu'ils con-
naissent à merveille, ont pu choisir
leurs cibles, amener les Américains
en des endroits déterminés par eux,
les clouer au sol, les encercler, et leur
infliger des pertes de plus en plus
lourdes. Il est possible d'affirmer que,
depuis presque un an, aucun déplace-
ment de grandes unités américaines
n'a été commandé par Saigon, mais
bien par « les faits », c'est-à-dire par
la volonté du général Giap et des di-
rigeants révolutionnaires du Sud.
13, rue Victor-Cousin
ODF 15-04
ODF 15-04
Permanent de 14 h. a 24 n.
Le début du gand tournant remonte
à octobre 1967. En quelques semaines,
la situation devient critique pour les
fameux « marines » basés dans les
provinces septentrionales du Vietnam
du Sud. Les Américains démultiplient
alors leurs bases, s'exposant donc de
plus en plus aux coups des Vietna-
miens. Il faut alors faire remonter des
unités des Hauts-Plateaux, puis des
forces basées plus au Sud. Comme,
pour des raisons politiques et finan-
cières, Johnson ne peut envoyer à
Westmoreland autant de renforts qu'il
en demande, celui-ci manque vite de
troupes.
à octobre 1967. En quelques semaines,
la situation devient critique pour les
fameux « marines » basés dans les
provinces septentrionales du Vietnam
du Sud. Les Américains démultiplient
alors leurs bases, s'exposant donc de
plus en plus aux coups des Vietna-
miens. Il faut alors faire remonter des
unités des Hauts-Plateaux, puis des
forces basées plus au Sud. Comme,
pour des raisons politiques et finan-
cières, Johnson ne peut envoyer à
Westmoreland autant de renforts qu'il
en demande, celui-ci manque vite de
troupes.
L'offensive du Têt
Le gé-néral ose cependant parler de
sa victoire. Pendant qu'il intoxique
Washington, le F.N.L. prépare une of-
fensive qui demeurera sans aucun dou-
te dans l'histoire comme l'un des
chefs d'œuvre de l'action secrète à
l'échelon de tout un peuple. Sans
qu'aucun Américain, sans qu'aucun
collaborateur ne le sache, des dizai-
nes de miliers de partisans, noyés
dans la population, préparent, pendant
des mois, l'offensive du Têt. A la fin
janvier, toutes les villes et toutes les
bases sont attaquées à la même heu-
re. L'élan ne s'est pas ralenti depuis.
On assiste alors à ce qui paraissait
impensable auparavant : l'aviation
américaine délaisse les campagnes, dé-
sormais entièrement libérées, et se
concentre sur des villes qu'on disait
« amies », les détruisant tout d'un
coup comme Ben-Tre, en un mois,
sa victoire. Pendant qu'il intoxique
Washington, le F.N.L. prépare une of-
fensive qui demeurera sans aucun dou-
te dans l'histoire comme l'un des
chefs d'œuvre de l'action secrète à
l'échelon de tout un peuple. Sans
qu'aucun Américain, sans qu'aucun
collaborateur ne le sache, des dizai-
nes de miliers de partisans, noyés
dans la population, préparent, pendant
des mois, l'offensive du Têt. A la fin
janvier, toutes les villes et toutes les
bases sont attaquées à la même heu-
re. L'élan ne s'est pas ralenti depuis.
On assiste alors à ce qui paraissait
impensable auparavant : l'aviation
américaine délaisse les campagnes, dé-
sormais entièrement libérées, et se
concentre sur des villes qu'on disait
« amies », les détruisant tout d'un
coup comme Ben-Tre, en un mois,
comme Hué, ou par pans successifs,
comme Saigon. La preuve est faite ;
la pacification des campagnes n'est
plus qu'un souvenir ; le Front de Li-
bération est présent politiquement et
militairement dans le centre même de
Saïgon. L'enchevêtrement des forces
adverses est tel que l'aviation améri-
caine vient de tuer, par fusée lancée
d'un hélicoptère, l'état-major des for-
ces de répression fantoche de la ca-
pitale...
comme Saigon. La preuve est faite ;
la pacification des campagnes n'est
plus qu'un souvenir ; le Front de Li-
bération est présent politiquement et
militairement dans le centre même de
Saïgon. L'enchevêtrement des forces
adverses est tel que l'aviation améri-
caine vient de tuer, par fusée lancée
d'un hélicoptère, l'état-major des for-
ces de répression fantoche de la ca-
pitale...
Autre élément politique fondamen-
tale : l'offensive du Têt a permis la mi-
se en place de l'Alliance, mouvement
soutenant le Front, mais distinct de
lui, surtout implanté à Hué et à Saïgon,
et plongeant soudain dans le bain de
la lutte nationaliste des éléments in-
tellectuels et bourgeois pour qui la
guerre paraissait autrefois lointaine,
campagnarde. Dès lors, l'assise socia-
le potentielle sur laquelle les Ameri-
ca ns pouvaient espérer établir leur
pouvoir ou exercer leur influence,
s'est encore rétrécie. L'ambassadeur
Bunker et ses généraux sont plus
étrangers que jamais au pays.
tale : l'offensive du Têt a permis la mi-
se en place de l'Alliance, mouvement
soutenant le Front, mais distinct de
lui, surtout implanté à Hué et à Saïgon,
et plongeant soudain dans le bain de
la lutte nationaliste des éléments in-
tellectuels et bourgeois pour qui la
guerre paraissait autrefois lointaine,
campagnarde. Dès lors, l'assise socia-
le potentielle sur laquelle les Ameri-
ca ns pouvaient espérer établir leur
pouvoir ou exercer leur influence,
s'est encore rétrécie. L'ambassadeur
Bunker et ses généraux sont plus
étrangers que jamais au pays.
C'est dans ces conditions, à tous
points de vue mauvaises pour les Amé-
ricains, que les conversations entre
Washington et Hanoi ont commencé
à Paris. Les Nord-Vietnamiens ont bien
des fois tendu la perche aux Améri-
cains. La dernière datait de janvier
1968 : si Johnson cessait sans condi-
tion d'attaquer la République démo-
cratique, des pourparlers pourraient
immédiatement se tenir. Washington
refusa une fois de plus. Finalement, le
31 mars, Johnson déclarait qu'il arrê-
points de vue mauvaises pour les Amé-
ricains, que les conversations entre
Washington et Hanoi ont commencé
à Paris. Les Nord-Vietnamiens ont bien
des fois tendu la perche aux Améri-
cains. La dernière datait de janvier
1968 : si Johnson cessait sans condi-
tion d'attaquer la République démo-
cratique, des pourparlers pourraient
immédiatement se tenir. Washington
refusa une fois de plus. Finalement, le
31 mars, Johnson déclarait qu'il arrê-
tait les attaques au nord du 19- parai
ièle, concentrant donc ses raids
aériens sur les provinces méridionales
du Vietnam du Nord. Logiquement,
Hanoi aurait dû répondre <• non ». Dé-
cidant de prendre Johnson à son piè-
ge, Hanoi dit « oui ».
ièle, concentrant donc ses raids
aériens sur les provinces méridionales
du Vietnam du Nord. Logiquement,
Hanoi aurait dû répondre <• non ». Dé-
cidant de prendre Johnson à son piè-
ge, Hanoi dit « oui ».
Bombardements et mitraillanea
Selon certains, personne à Washin-
gton ne s'attendait à une réponse po-
sitive : les •< éperviers » ne furent
donc pas inquiets du discours prési-
dentiel ; et Johnson, si Hanoï avait
dit « non », aurait toujours pu affirmer
une fois de plus : « Ces gens ne sont
pas de bonne volonté »... Selon d'au-
tres observateurs, Washington devait
faire un geste : la guerre était perdue
au Nord comme au Sud. le dollar était
en cnse. l'opinion américaine se las-
sait de la guerre et de ses pertes de
pins en plus lourdes ; le début de la
campagne présidentielle obligeait
Johnson, ou son dauphin, à se présen-
ter comme le candidat de la p^lx et
:' devenait impossible politiquement
d'envoyer des renforts au Vietnam.
gton ne s'attendait à une réponse po-
sitive : les •< éperviers » ne furent
donc pas inquiets du discours prési-
dentiel ; et Johnson, si Hanoï avait
dit « non », aurait toujours pu affirmer
une fois de plus : « Ces gens ne sont
pas de bonne volonté »... Selon d'au-
tres observateurs, Washington devait
faire un geste : la guerre était perdue
au Nord comme au Sud. le dollar était
en cnse. l'opinion américaine se las-
sait de la guerre et de ses pertes de
pins en plus lourdes ; le début de la
campagne présidentielle obligeait
Johnson, ou son dauphin, à se présen-
ter comme le candidat de la p^lx et
:' devenait impossible politiquement
d'envoyer des renforts au Vietnam.
L'important est qu'on se soit réuni...
L'événement, d'envergure mondiale, a
été écrasé dans l'intérêt de l'opinion
publique par la « révolution françai-
se » d'abord, et aussi par ce qui sem-
ble à beaucoup être son piétinement.
En fait, les discussions ne piétinent
pas ; elles viennent seulement de com-
mencer, avec leur inévitable cortège
de rappels historiques. Certains Amé-
ricains sont exaspérés de voir les
Vietnamiens leur rappeler des vérités
premières sur les destructions, les mi-
traillages, les bombardements aveu-
gles de la population civile : ils man-
quent simplement de pudeur...
L'événement, d'envergure mondiale, a
été écrasé dans l'intérêt de l'opinion
publique par la « révolution françai-
se » d'abord, et aussi par ce qui sem-
ble à beaucoup être son piétinement.
En fait, les discussions ne piétinent
pas ; elles viennent seulement de com-
mencer, avec leur inévitable cortège
de rappels historiques. Certains Amé-
ricains sont exaspérés de voir les
Vietnamiens leur rappeler des vérités
premières sur les destructions, les mi-
traillages, les bombardements aveu-
gles de la population civile : ils man-
quent simplement de pudeur...
M. Harriman réclame des Nord-
V'ietnamiens une reconanissance expli-
c.te de leur aide au Sud. A la limite,
M. Xuan Thuy, chef de la délégation
de Hanoï, devrait déclarer : « Eh bien
oui, nos troupes ont agressé le Sud,
en; occupé Hué ; nous sommes donc
ias.jcnsables des bombardements
srnôrc?.ins lancés sur l'ancienne capi-
in'e impériale ». M. Harriman ne s'en
L'ent cependant pas là : il assure être
prêt à discuter d'autres questions en
même temps que de l'arrêt des raids
contre le Nord. Il ne ferme donc pas
la perte, mais pose des conditions
j ccn franchissement par Hanoï.
V'ietnamiens une reconanissance expli-
c.te de leur aide au Sud. A la limite,
M. Xuan Thuy, chef de la délégation
de Hanoï, devrait déclarer : « Eh bien
oui, nos troupes ont agressé le Sud,
en; occupé Hué ; nous sommes donc
ias.jcnsables des bombardements
srnôrc?.ins lancés sur l'ancienne capi-
in'e impériale ». M. Harriman ne s'en
L'ent cependant pas là : il assure être
prêt à discuter d'autres questions en
même temps que de l'arrêt des raids
contre le Nord. Il ne ferme donc pas
la perte, mais pose des conditions
j ccn franchissement par Hanoï.
TRIBUNE SOCIALISTE
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6 mois ............ 18 F
1 an .............. 35 F
Soutien à partir fie 70 F
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C.C.P. Paris 58.26.65
C.C.P. Paris 58.26.65
page 30
SPECIAL MAI 68
tribune socialiste
Arrêter les raids aériens
M. Xuan Thuy s'en tient à une posi-
tion déjà bien connue avant les pour-
parlers : Washington doit arrêter sans
conditions ses attaques contre la Ré-
publique démocratique, après quoi il
sera possible d'aborder d'autres pro-
blèmes. Hanoi ne cache plus depuis
deux semaines son désir de parler de
l'ensemble de la question vietnamien-
ne. Le rôle du F.N.L. du Sud n'en est
pas dévalorisé pour autant : le Front
demeure le représentant authentique
de la population du Sud, c'est lui, avec
les forces réellement patriotiques, qui
devra prendre en main le destin du
Sud, en attendant la réunification du
pays.
tion déjà bien connue avant les pour-
parlers : Washington doit arrêter sans
conditions ses attaques contre la Ré-
publique démocratique, après quoi il
sera possible d'aborder d'autres pro-
blèmes. Hanoi ne cache plus depuis
deux semaines son désir de parler de
l'ensemble de la question vietnamien-
ne. Le rôle du F.N.L. du Sud n'en est
pas dévalorisé pour autant : le Front
demeure le représentant authentique
de la population du Sud, c'est lui, avec
les forces réellement patriotiques, qui
devra prendre en main le destin du
Sud, en attendant la réunification du
pays.
A entendre les deux chefs de délé-
gation répéter à chaque séance, avec
de subtiles nuances, les mêmes argu-
ments, on pourrait croire que les
conversations n'aboutiront à rien. En
fait, il faut noter que l'atmosphère
des discussions est bonne et déten-
due, élément « subjectif » certes, mais
qui indique une volonté des deux par-
ties de ne pas rompre. D'autre part,
rien n'indique que la délégation amé-
ricaine ait une politique sérieusement
définie, reflétant en cela les hésitations
et les contradictions internes de
Washington. Si les Nord-Vietnamiens
savent où ils vont, et semblent avoir
prévu toutes les éventualités, les Amé-
ricains, eux, l'ignorent. Ils dépendent
de l'évolution de la campagne électo-
rale, au cours de aquelle, talonné par
le libéral McCarthy, Humphrey, c'est-
à-dire Johnson, pourrait soudain vou-
loir apparaître comme « l'homme qui
a fait la paix au Vietnam ». Ce qui si-
gnifie que, soudain, la Maison Blan-
che pourrait modifier son attitude.
Mais quand ? Et dans quelle mesure ?
Il est en tout cas certain que le vrai
progrès de la négociation passe par
l'arrêt des attaques contre le Vietnam
du Nord.
gation répéter à chaque séance, avec
de subtiles nuances, les mêmes argu-
ments, on pourrait croire que les
conversations n'aboutiront à rien. En
fait, il faut noter que l'atmosphère
des discussions est bonne et déten-
due, élément « subjectif » certes, mais
qui indique une volonté des deux par-
ties de ne pas rompre. D'autre part,
rien n'indique que la délégation amé-
ricaine ait une politique sérieusement
définie, reflétant en cela les hésitations
et les contradictions internes de
Washington. Si les Nord-Vietnamiens
savent où ils vont, et semblent avoir
prévu toutes les éventualités, les Amé-
ricains, eux, l'ignorent. Ils dépendent
de l'évolution de la campagne électo-
rale, au cours de aquelle, talonné par
le libéral McCarthy, Humphrey, c'est-
à-dire Johnson, pourrait soudain vou-
loir apparaître comme « l'homme qui
a fait la paix au Vietnam ». Ce qui si-
gnifie que, soudain, la Maison Blan-
che pourrait modifier son attitude.
Mais quand ? Et dans quelle mesure ?
Il est en tout cas certain que le vrai
progrès de la négociation passe par
l'arrêt des attaques contre le Vietnam
du Nord.
Les Américains dépendent aussi de
l'évolution de la situation à Saigon
même, un Saigon sans gouvernement,
l'évolution de la situation à Saigon
même, un Saigon sans gouvernement,
Tribune Socialiste
Directeur Politique
Christian Guerche
Directeur adjoint
Claude Glayman
Rédacteur en chef
Eric Bergaire
Rédaction
81, rue Mademoiselle
Paris-15' - Tél. : 306-22-60
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Administration :
54, boulevard Garibaldi
Porw-15e - SUF. 19-20
Publicité générale au Siège
de l'administration
Directeur de la Publication .
Directeur de la Publication .
Roger Cérat
MORIAME - PARIS 1968
M. XUAM-THl'Y
Agip
sillonné par les commandos du Front,
chaque nuit attaqué à la roquette, et
que les énormes forces du « monde
libre » sont rigoureusement incapa-
bles de contrôler. Un Saigon en fait
gouverné par le Front et ses amis de
l'Alliance, et dans laquelle de petits
noyaux d'une bourgeoisie écartelée
hésitent encore, entre deux pluies de
roquettes et les répliques des héli-
coptères armés américains.
chaque nuit attaqué à la roquette, et
que les énormes forces du « monde
libre » sont rigoureusement incapa-
bles de contrôler. Un Saigon en fait
gouverné par le Front et ses amis de
l'Alliance, et dans laquelle de petits
noyaux d'une bourgeoisie écartelée
hésitent encore, entre deux pluies de
roquettes et les répliques des héli-
coptères armés américains.
Les Vietnamiens ont donc gagné la
guerre et personne n'est capable, mê-
me pas les intéressés, de dire combien
de temps les manœuvres de retarde-
ment américaines dureront encore. Il
est en tout cas certain que les pres-
sions politiques sur Washington en
vue d'un arrêt des raids contre le
Nord ne doivent pas cesser. Il faut
d'autre part noter que Hanoi a mené
sa guerre selon ses propres concep-
guerre et personne n'est capable, mê-
me pas les intéressés, de dire combien
de temps les manœuvres de retarde-
ment américaines dureront encore. Il
est en tout cas certain que les pres-
sions politiques sur Washington en
vue d'un arrêt des raids contre le
Nord ne doivent pas cesser. Il faut
d'autre part noter que Hanoi a mené
sa guerre selon ses propres concep-
tions, a décidé librement de négocier,
au moment choisi par ses dirigeants,
c'est-à-dire plus tard que Moscou ne
l'aurait voulu, et peut-être plus tôt
que ne l'aurait désiré Pékin. La preuve
est donnée d'una lutte victorieuse
contre l'impérialisme, lutte menée au
nom de l'indépendance et du socia-
lisme — du socialisme et non du na-
tionalisme étroit et chauvin. Les Viet-
namiens sortent de vingt-cinq ans de
guerre contre le colonialisme français
et l'impérialisme américain sans qu'on
décèle en eux une trace de xénopho-
bie et de racisme. Exemple immédia-
tement compris par le P.S.U. et ses
amis, alors que la politique gaulliste,
si ambiguë, soutient officiellement Ha-
noï tout en prêchant un nationalisme
délirant et en recueillant les suffra-
ges du poujadisme et du grand capita-
lisme.
au moment choisi par ses dirigeants,
c'est-à-dire plus tard que Moscou ne
l'aurait voulu, et peut-être plus tôt
que ne l'aurait désiré Pékin. La preuve
est donnée d'una lutte victorieuse
contre l'impérialisme, lutte menée au
nom de l'indépendance et du socia-
lisme — du socialisme et non du na-
tionalisme étroit et chauvin. Les Viet-
namiens sortent de vingt-cinq ans de
guerre contre le colonialisme français
et l'impérialisme américain sans qu'on
décèle en eux une trace de xénopho-
bie et de racisme. Exemple immédia-
tement compris par le P.S.U. et ses
amis, alors que la politique gaulliste,
si ambiguë, soutient officiellement Ha-
noï tout en prêchant un nationalisme
délirant et en recueillant les suffra-
ges du poujadisme et du grand capita-
lisme.
Charles DELTA
Communiqué du Bureau National
* Le parti de la < crainte > et du
conservatisme a crié trop tôt victoire.
Malgré le» menace» du général, malgré
la formation d'une milice para-gonver-
neoientale — les comités d'action ci-
vique — le combat des ouvriers, des
conservatisme a crié trop tôt victoire.
Malgré le» menace» du général, malgré
la formation d'une milice para-gonver-
neoientale — les comités d'action ci-
vique — le combat des ouvriers, des
" . étudiants et de* paysans continue.
f. Malgré les tentatives de division dn
; front syndical, les travailleurs des ser-
vices publics ou de l'industrie privée
M refusent à évacuer lenrg lieux de
travail et .manifestent leur volonté de
faire plier le patronat et le gouver-
nement. Les étudiants, de leur côté,
ont montré samedi dernier, à l'appel
de I'1/.N.E.F., que leur détermination
n'avait en rien diminué. Un peu par-
tout, les comités d'action populaire, or-
ganes de lotte politique contre le
gaullisme et d'auto-défense contre les
commandos réactionnaires se mnlli-
; front syndical, les travailleurs des ser-
vices publics ou de l'industrie privée
M refusent à évacuer lenrg lieux de
travail et .manifestent leur volonté de
faire plier le patronat et le gouver-
nement. Les étudiants, de leur côté,
ont montré samedi dernier, à l'appel
de I'1/.N.E.F., que leur détermination
n'avait en rien diminué. Un peu par-
tout, les comités d'action populaire, or-
ganes de lotte politique contre le
gaullisme et d'auto-défense contre les
commandos réactionnaires se mnlli-
La question du régime et de l'Etal
rente donc posée. Plus que jamais il
s'agit par la grève et les différentes
formes de l'action de masse, de re-
BMttre en question les structures ça-
pftalifttes, partout où cela est possi-
ble.
rente donc posée. Plus que jamais il
s'agit par la grève et les différentes
formes de l'action de masse, de re-
BMttre en question les structures ça-
pftalifttes, partout où cela est possi-
ble.
Cependant la perspective d'une com-
pétition électorale redonne force et
courage à tout un personnel singuliè-
rement silencieux au cours des der-
nières semaines. Le P.S.U., pour sa
part, ne croit pas que la crise actuelle
puisse se résoudre au niveau des pro-
cédures parlementaires. Il entend néan-
moins être présent dans le grand dé-
bat politique qui aura lieu à l'occa-
sion des élections : la mise en accu-
sation du gaullisme ne suffit pas ; ce
sont tontes les formes d'intégration au
régime capitaliste qu'il faut refuser.
Tel est le sens dn programme, sur le-
quel il appellera les électeurs à se
prononcer.
pétition électorale redonne force et
courage à tout un personnel singuliè-
rement silencieux au cours des der-
nières semaines. Le P.S.U., pour sa
part, ne croit pas que la crise actuelle
puisse se résoudre au niveau des pro-
cédures parlementaires. Il entend néan-
moins être présent dans le grand dé-
bat politique qui aura lieu à l'occa-
sion des élections : la mise en accu-
sation du gaullisme ne suffit pas ; ce
sont tontes les formes d'intégration au
régime capitaliste qu'il faut refuser.
Tel est le sens dn programme, sur le-
quel il appellera les électeurs à se
prononcer.
Constatant que sa proposition de
candidature unique de- la gauche a été
refusée, le P.S.U. réaffirme qu'il ne
se prêtera à aucun marchandage sur
la répartition des circonscriptions. Il
présentera ses propres candidats ou
soutiendra les candidats exprimant
clairement les exigences politiques du
mouvement populaire, dans tontes les
circonscriptions.
candidature unique de- la gauche a été
refusée, le P.S.U. réaffirme qu'il ne
se prêtera à aucun marchandage sur
la répartition des circonscriptions. Il
présentera ses propres candidats ou
soutiendra les candidats exprimant
clairement les exigences politiques du
mouvement populaire, dans tontes les
circonscriptions.
Le 3 juin 1968.
• Chaque jeudi
TRIBUNE
SOCIALISTE
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socialiste aux problèmes
de l'actualité :
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13 juin 1968
SPECIAL MAI 68
page 31
Les Candidats du P. S. U.
01
1"
3 ••-.
AIN
. — Henri TAPONARD
— VERICEL Louise.
— VERICEL Louise.
02 AISNE
2-. — COLLET Gilbert
4'. - LALONDE Marcel
soutien
5'. — HERODY Michel
03 • ALLIER
4 . — LAPALUS Jacques
04 - Basses-Alpes
04 - Basses-Alpes
2V — DOLIAS Georges
OC
lrv
2'.
y.
4V
5 .
6>.
5 .
6>.
07
l'V
3'.
3'.
10
- ALPES-MARITIMES
— JOSELET Pierre
— WALTER Jean
- ORIOL Michel
- COURREGE Maurice
— HUBERT Bernard
— CRUZEL Paul
ARDECHE
— CLAUZIER Marc
- MONNIER Jean-Philippe
AUBE
lrv — HUCHARD James
11 - AUDE
11 - AUDE
i'-'-. — MELLIET André
2 . — NARD Antoine
3V - ALBERT Louis
2 . — NARD Antoine
3V - ALBERT Louis
13 - BOUCHES-DU-RHONE
]"'. — COUZIER Jean-François
2 . - AUBERT Pierre
3 . - BASTIDE Jean Paul
4V - NODIN André
4V - NODIN André
5V - ASTIER André
6V - DAVID Jean
7V — JEULAND Georges
8V — RAFFIN Gilbert
9V — LECOINTE Michel
10V - COLSON Jean-Claude
11 . —RIPERT Antoine
1^ - CALVADOS
l'V — DORNIER Micheline
2 . — PETITE Jean
3V — BOURDON Robert
4V — PAYEN Jean-Charles
2 . — PETITE Jean
3V — BOURDON Robert
4V — PAYEN Jean-Charles
If • CHARENTE
l'v — JAVELAUD Serge
17 • CHARENTE-MARITIME
4V — DESMOULINS Jacques
5-. — BOUCHER Michel
5-. — BOUCHER Michel
18 - CHER
1". — ROBERT René
2'. - TINTURIER André
2C CORSE
2 . - VIALE Georges
21 - COTE-D'OR
1". — PIGEON Gilbert
2 . — DILLENSEGER José
3V — THIRARD
3V — THIRARD
4V — DRIGNY Orner
22 • COTES-DU-NORD
1". - LE FOLL Yves
3V - CARO Guy
4V - LE MERRER Yvon
5v - HENRY Jean-Baptiste
2<* DORDOGNE
^'. - VOIRY Maurice
3 . - POMS Jean
4 . VILLATTE Jean
25 • DOUBS
lrv — JOECKER Claude
2v - MINAZZI Georges
2v - MINAZZI Georges
26 - DROME
3. - BERNARD Jean-Noël
27 EURE
l'V- PUISAIS Harris
2V — BOSC Paul
3V - RUAULT Jean
4v - SIMON Jean-Marie
2V — BOSC Paul
3V - RUAULT Jean
4v - SIMON Jean-Marie
2l - EURE-ET-LOIR
l'V - VASSEUR Marcel
2 . — DUJARDIN Jacques
2 . — DUJARDIN Jacques
29 FINISTERE
l'V- LE DISLOSQUER Alain
4V - PRAT Roger
4V - PRAT Roger
30 • GARD
1"V — ARNASSAN Paul
2v — COMPERE Jacques
3v - MAYNARD Jean-Jacques
4V - BLANC Rémy
2v — COMPERE Jacques
3v - MAYNARD Jean-Jacques
4V - BLANC Rémy
31 - HAUTE-GARONNE
l'V— PORTERIE Jean
2v - PATIN Pierre
3V — BENETEAU Alain
4v — DAUBON Roger
5V - BALVET Michèle
6V — AUBAN Achille
2v - PATIN Pierre
3V — BENETEAU Alain
4v — DAUBON Roger
5V - BALVET Michèle
6V — AUBAN Achille
32 - GERS
2V — BAURENS Alexandre
3? GIRONDE
3? GIRONDE
lrv— CARMONA Maurice
2V - WALLON Dominique
3V — HERVOUET Yves
4V — SOUQUE Henri
6V — LERICHE Claude
2V - WALLON Dominique
3V — HERVOUET Yves
4V — SOUQUE Henri
6V — LERICHE Claude
y • HERAULT
ivv — ANTONINI Pierre
2v — MAINCENT Pierre
4V - de PARZ1A Joseph
2v — MAINCENT Pierre
4V - de PARZ1A Joseph
35 - ILLE-ET-VILAINE
1". — FOULON Charles
2V — HEURTIN Pierre
3V — MORFOISSE Joël
4V — MAUGER Félix
5V — ROLLAND
2V — HEURTIN Pierre
3V — MORFOISSE Joël
4V — MAUGER Félix
5V — ROLLAND
30 - INDRE
lrV — THERY Gérard
2v — PINTY
3V — KALEKA
2v — PINTY
3V — KALEKA
49 - MAINE-ET-LOIRE
irv — SEJOUR Suzanne
2". — JACQUIER Jean-Paul
3". — DAVANT Dominique
2". — JACQUIER Jean-Paul
3". — DAVANT Dominique
50 - MANCHE
37 • INDRE-ET-LOIRE
Jrv - DREUJOU Roger
3V - PLOT Raymond
4v — MERCERON Raymond
3f - ISERE
1". — HOLLARD Michel
2V — MENDES FRANCE Pierre
soutien
3V — LEROY Paul
4v — BARIOL Pierre
5V — GAGET Brigitte
6 . - VIDECOQ Georges
39 • JURA
DESHAYS Alain
41 LOIR-ET-CHER
41 LOIR-ET-CHER
l'V — BILLEAU Jean
4; LOIRE
4; LOIRE
l'V — BOUCHARDEAU Huguette
3V - PIERRE Marcel
4V - MEDARD Paul
3V - PIERRE Marcel
4V - MEDARD Paul
V LOIRE-ATLANTIQUE
i '-. — MILPIED Maurice
2'. - SALLOIS Jacques
3V - MALLET Serge
4'. - DUPUIS Félix
6v - AUBRY Jean
i '-. — MILPIED Maurice
2'. - SALLOIS Jacques
3V - MALLET Serge
4'. - DUPUIS Félix
6v - AUBRY Jean
7 . - YVIN Pierre
8V - BONNET Pierre
45 - LOIRET
l'V — de la FOURNIERE Michel
2V — GOND Michel
4v — MALINGUAGGI Camille
40 - LOT
1". — JOUVE Edmond
?V — SOLAL Georges
?V — SOLAL Georges
47 - LOT-ET-GARONNE
l'v - HAYS Jacques
3v - BOURRE Michel
3v - BOURRE Michel
*8 - LOZERE
;•«, - ROBIN Gilbert
- ROQUET Rrmand
- RIVIERE M.
soutien
f. . - MARIGNY Jean
5) MARNE
5) MARNE
1 v - DAVID Marcel
2V — VANCRAEYENEST Jean
3V — SAUX Jacques
52 - HAUTE-MARNE
]'••'.- VVEIDMANN Bernard
V- - MEURTHE-ET-MOSELLE
V- - MEURTHE-ET-MOSELLE
l'V - TRUGLING Antoine
2'. — BORELLA François
3V — VAYSSADE Marie-Claude
5V — BARAN Sylvestre
6v — RANDOLLET Emile
7V — BIENAIME Gilbert
50 - MORBIHAN
1". — HILY Corentm
3V — QUEVERDO Eugène
5V — MARCHI Pierre
6V — CROUVIZIER René
3V — QUEVERDO Eugène
5V — MARCHI Pierre
6V — CROUVIZIER René
57 - MOSELLE
)".- BRIXHE Claude
soutien
soutien
3V — MADELAINE Victor
4V — GREGOIRE Marcel
4V — GREGOIRE Marcel
59 - NORD
Jr\ — LEBLEU Armand
2V — SNIECINSKI Valère
3 . — VAN REGHEM Paul
4V — DUQUENNE Etienne
5V -- MINET Gérard
6V - MOUVAUX Jean-Pierre
7 . — BALLOIS Marc
8V — COMMIOT Jacques
9V - GOETHALS Gérard
10' —CHOMBEAU Jean-Marie
11'- BRAULE André'
14-—DURONSOY André
15'- STREIFF Jean
16' — SEMAL Jean-Paul
17'-WENDEL Marie-Claire
19' - VANDENBERGHE Jacques
20 - DHENNAIN Albert
21 ' - RAUX Simone
22" — BATTIST Umberto
60 - OISE
2V - IVENS Raymond
3V - FONTES Michel
4V — POPULAIRE Daniel
5v - GIROD Pierre
3V - FONTES Michel
4V — POPULAIRE Daniel
5v - GIROD Pierre
61 - ORNE
1". — FLEURY Yves
3-. — VAILLANT Henri
3-. — VAILLANT Henri
6: PAS-DE-CALAIS
]'•'. — GARBE Jean-Daniel
5v -- MINET Lucien
6v — DEGORGE Guy
7v — CHIFFLARD Albert
9v — POISSON Pierre
10V — LALIN Régis
13V - CHEVALLIER Paul
6v — DEGORGE Guy
7v — CHIFFLARD Albert
9v — POISSON Pierre
10V — LALIN Régis
13V - CHEVALLIER Paul
63 PUY-DE-DOME
1". - GILBERT Robert
3V - LESBRE Serge
4v — COUDERT Etienne
5v - GARRIGUE François
3V - LESBRE Serge
4v — COUDERT Etienne
5v - GARRIGUE François
64 BASSES-PYRENEES
2V - BOISSON Pierre
3V — CHATARD Pierre
4V — PRADIER Pierre
3V — CHATARD Pierre
4V — PRADIER Pierre
67 - BAS-RHIN
lrv— GAREL Jean-Pierre
2v — SAGER René
2v — SAGER René
68 - HAUT-RHIN
3V - BESANCON Bernard
4V - MINOD Francis
4V - MINOD Francis
69 - RHONE
l'V - SOUBEYRAND Henri
2 . LACAZE Paulette
?'. - GERBE Suzanne
4 . - BAUBY Pierre
5v ARMAGNAT Jacques
6V — DFLAY Maurice
7-, — BARTHELET André
8V - DFPARDON Elle
10". — RAQUIN Gabriel
70 HAUTE-SAONE
i.'V -- VIEUXMAIRE Guy
71. • SAONE-ET-LOIRE
l'V -- CHATELET Jean
7<: - SARTHE
71. • SAONE-ET-LOIRE
l'V -- CHATELET Jean
7<: - SARTHE
2V -- JUTEAU Christian
3V - CAU Yves
4V - HUAU Camille
5V — MARIS Raymond
3V - CAU Yves
4V - HUAU Camille
5V — MARIS Raymond
7? SAVOIE
2V — GHENO Jean-Claude
3v - POENSIN Michel
3v - POENSIN Michel
V-. - HAUTE-SAVOIE
).rv— MANNEVILLE Pierre
2V - COMONT Bernard
2V - COMONT Bernard
70 - SEINE-MARITIME
l'V - DUBREUIL Robert
2V — CANAPLE Michel
3V — MACE André
4V - LEMARE Henri
5V - ROUSSEL Pierre
6V - POINTIER Louis
7V - LEBORGNE Michel
2V — CANAPLE Michel
3V — MACE André
4V - LEMARE Henri
5V - ROUSSEL Pierre
6V - POINTIER Louis
7V - LEBORGNE Michel
7; SEINE-ET-MARNE
1". - RADENAC Henri
2 . - DUMONT M.
4v — FERRARI Pierre
4v — FERRARI Pierre
5V - DANIC Jean-Pierre
80 - SOMME
l'V - KAMER Edith
2v — RAOUX André
4v — BLINEAU Charles
5V - MARTEIN Jean-Pierre
81 - TARN
1" — CROSTE André
2V — DARRAS Henri
3V - BONNEMAISON Christian
2V — DARRAS Henri
3V - BONNEMAISON Christian
82 • TARN-ET-GARONNE
2V — BOURGAREL Jean
»'• • VAUCLUSE
2V — BOURGAREL Jean
»'• • VAUCLUSE
lr". — SANTI Jean
2V - LAGIER Robert
2V - LAGIER Robert
85 VENDEE
IV— MORINEAU Jean-François
2V - TOUBLANC M.
2V - TOUBLANC M.
soutien
3V - GAUTIER Pierre
80 • VIENNE
80 • VIENNE
lrv — LAPIERRE Luc
2V — CHABOUC André
2V — CHABOUC André
87 - HAUTE-VIENNE
1". — BUISSON André
3 . — ANGLERAUD Daniel
8,r. - VOSGES
soutien.
soutien.
1'
3-
3-
90 -
1."
2V
2V
— VALENCE Georges
-- NOËL Pierre
-- NOËL Pierre
- YONNE
— RICARD Pierre
- PONCHEI. André
BELFORT
— BERTRAND Louis
- ROUDOT M.
Le P.S.U. présente des candidats dans
chacune des circonscriptions de la Ré-
gion Parisienne. La liste en sera pu-
bliée la prochaine fois.
chacune des circonscriptions de la Ré-
gion Parisienne. La liste en sera pu-
bliée la prochaine fois.
13 Juin 1968
tribune socialiste
POUR UN GOUVERNEMENT
DE TRANSITION
VERS LE SOCIALISME
VERS LE SOCIALISME
Le vaste mouvement qui, parti du Quartier Latin, vient d'ébranler le régime et d'attaquer les struc-
tures capitalistes de la société, doit aujourd'hui poursuivre la lutte sous de nouvelles formes partout où il
s'est manifesté dans les universités, dans le entreprises, dans les municipalités.
tures capitalistes de la société, doit aujourd'hui poursuivre la lutte sous de nouvelles formes partout où il
s'est manifesté dans les universités, dans le entreprises, dans les municipalités.
Il doit affirmer sa force face au gaullisme et par rapport à la gauche traditionnelle.
La bataille électorale va permettre aux forces qui on participé à ce mouvement de faire la démonstra-
tion du soutien populaire qu'elles ont rencontré dans le pays. Le P.S.L7., partie intégrante de ce mouvement
qui s'est épanoui depuis le 3 mai à travers des centaines de Comités d'Action Populaire, entend se battre sur
l'intégralité des revendications du mouvement en exigeant la reconnaissance :
tion du soutien populaire qu'elles ont rencontré dans le pays. Le P.S.L7., partie intégrante de ce mouvement
qui s'est épanoui depuis le 3 mai à travers des centaines de Comités d'Action Populaire, entend se battre sur
l'intégralité des revendications du mouvement en exigeant la reconnaissance :
— du pouvoir des étudiants et des enseignants dans l'Université,
— du pouvoir des travailleurs dans l'entreprise,
— du pouvoir paysan, qui se traduit par la gestion des organes régionaux de planification et de pro-
duction, et le contrôle des moyens de transformation et de commercialisation des produits agricoles.
duction, et le contrôle des moyens de transformation et de commercialisation des produits agricoles.
L'objectif du P.S.U. reste l'instauration d'un régime de transition vers le socialisme, rompant de
façon irréversible avec les structures de l'Etat capitaliste.
façon irréversible avec les structures de l'Etat capitaliste.
C'est pour mener cette bataille qu'il présentera ou'soutiendra,
dans chaque circonscription, un candidat.
dans chaque circonscription, un candidat.
Il appelle tous les travailleurs, les enseignants, les étudiants, les paysans, à participer activement à
cette campagne.
cette campagne.
Il ouvre une souscription pour le soutien de ses candidats qui
exprimeront partout la contestation et les revendications du
mouvement.
exprimeront partout la contestation et les revendications du
mouvement.
Vous qui vous sentez solidaires du combat que mènent depuis le 3 mai étudiants, travailleurs et pay-
sans, il faut manifester matériellement votre soutien. Deux cents millions sont nécessaires pour mener
cette campagne. C'est un objectif difficile. Il appelle chacun à des efforts à la mesure de ses espérances
politiques.
sans, il faut manifester matériellement votre soutien. Deux cents millions sont nécessaires pour mener
cette campagne. C'est un objectif difficile. Il appelle chacun à des efforts à la mesure de ses espérances
politiques.
P.S.U., 81, rue Mademoiselle, Paris (15e) - C.C.P. Paris 14.020.44
Chèque bancaire à l'ordre du P.S.U.
Category
Title
Tribune socialiste
Issue
no.372
Date
10/05/1968
Keywords
Publication information
no.372