Voix Ouvriere

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Pour la construction d'un part/ ouvrier révolutionntin, pour to reconstruction de te Quatrième Internationale
Voix Ouvrière
ORGANE DE L'UNION COMMUNISTE ( 4? INTERNATIONALE )
Hebdomadaire : Numéro Spécial
N> 30 - NOUVELLE SERIE - 5' ANNEE - 4 JUIN 1968 PRIX MINIMUM : 0,50 F
POUR L'UNITE
D'ACTION
DU MOUVEMENT
REVOLUTIONNAIRE
Voir page 4
NE BRADONS PAS LA GREVE
pour un bulletin de vote
AVEC un bel ensemble le Parti Communiste Français et
la Fédération se sont donc jetés sur la carotte que
leur tendait de Gaulle dans son allocution de jeudi
dernier. Ils ont relevé le « défi électoral ». La C.G.T. a déjà
déclaré qu'elle ne ferait rien pour s'opposer au déroulement
des élections, ce qui1 signifie, en clair, qu'elle fera tout ce
qui sera en son pouvoir — sans toutefois vouloir prendre
le risque de se laisser déborder — pour que la grève cesse
le plus rapidement possible.
Et les militants du P.C.F. commencent un peu partout
à expliquer que même si toutes les revendications ne sont
pas satisfaites maintenant, ce ne sera pas bien grave, car
les élections amèneront une Chambre de gauche, et qu'alors
tout sera plus facile à obtenir.
exploiteurs Ce serait tout de mê-
me trop facile si 51 hommes
avaient le droit d'en réduire 49
en esclavage, ou au salariat, au
nom de la démocratie. Les tra-
vailleurs ne constituent qu'une
partie de la population du pays,
mais parce qu'ils produisent
tout, ils ont le droit de réclamer
pour eux seuls tout le pouvoir
dans ce pays.
Et ils en ont non seulement le
droit, mais la possibilité. Quand
le million de manifestants du 13
mai, et ses frères d'exploitation,
décidèrent de se croiser les bras,
la vie du pays toute entière s'ar-
rêta.
Mais que les 600000 manifes-
tants des Champs-Elysées se
croisent les bras, qu'est-ce que
cela changera ? C'est précisé-
ment leur rôle social, pour la
plupart, de se croiser les bras
tout au long de l'année.
Ces élections, le résultat en est
en outre faussé d'avance. Car les
jeunes qui sont descendus dans
la rue, qui ont été à la pointe
du combat, qui ont fait trembler
le pouvoir, qui ont finalement
amené le gouvernement à concé-
der ces élections, ceux là, pour
la plupart, n'auront pas le droit
de vote, sous prétexte qu'ils ne
sont pas « majeurs ». Le Conseil
d'Etat vient même de décider
que les listes électorales ne se-
raient pas révisées pour ce scru-
tin, retirant ainsi leur droit de
vote aux 200 000 jeunes qui ont
eu 21 ans depuis le 29 février.
Mais par contre, les bonnes
soeurs retirées de toute vie so-
ciale, les douairières représen-
tant un autre âge, et les flics au
service du pouvoir voteront,
Que tout cela, joint à une loi
électorale inique, à un découpa-
ge subtil des circonscriptions,
puisse malgré tout amener une
majorité gaulliste à la Chambre,
ce ne serait donc pas surpre-
nant.
(suite page 3)
Mais se fier à un tel raisonne-
ment, c'est pour le moins aban-
donner la proie pour l'ombre.
Car il n'est absolument pas cer-
tain que de Gaulle soit battu
aux élections.
« De Gaulle n'est pas seul »
criaient les manifestants de jeu-
di dernier, sur les Champs-Ely-
sées. Et leur nombre affirmait
que cela était vrai. Du moins si
le problème se posait sur le
plan électoral.
Car si les révolutionnaires con-
testent la démocratie bourgeoi-
se, ce n'est pas seulement parce
que la règle du jeu en est géné-
ralement truquée (par exemple
par la loi électorale, par le dé-
coupage des circonscriptions,
comme c'est le cas actuelle-
ment), mais c'est aussi parce
qu'ils refusent de peser sur la
même balance exploités et ex-
ploiteurs.
Car c'est bien de cela qu'il
s'agit. Il n'est pas étonnant que
de Gaulle ait trouvé des suppor-
ters. Tout ce que ce pays comp-
te de parasites et d'inutiles a
senti le danger et s'est serré au-
tour de son protecteur naturel.
Leur nombre a pu surprendre
certains. Mais la manifestation
de jeudi dernier n'a fait que
montrer au grand jour une vé-
rité sociale préexistante.
Les statistiques affirment que
dans une grande ville comme
Paris, il y a un rat par habitant.
Et pourtant, on les voit rare-
ment. Mais ils existent néan-
moins.
De Gaulle a parlé jeudi, et à
l'exemple du joueur de flûte de
Hammelin qui, dit la légende, fit
sortir tous les rats de leurs
trous, il a lui aussi fait sortir
tous les parasites de la capitale
et d'ailleurs de leurs cachettes,
mais pas pour les noyer, lui, au
contraire, pour montrer qu'il
avait du monde derrière lui.
Mais nous refusons ce genre
de calcul. Même s'ils sont mino-
ritaires, les exploités gardent le
droit sacré de lutter contre les
JAMAIS l'Etat
n'a été aussi faible
JAMAIS nous n'ayons
aussi forts
E discours de de Gaulle a
peut-être démoralisé cer-
tains. Mais il ne les a pas
démoralisés longtemps. Le Gé-
néral a frappé du pied et brandi
l'épouvantail de l'armée. Il a le
soir même organisé une mani-
festation de 800 000 « gaullis-
Pour garantir nos sa/aires
ET EMPECHER LA HAUSSE DES PRIX
Echelle mobile des salaires
et contrôle ouvrier dans les entreprises
LES grèves actuelles ont,
bien entendu, comme
premier objectif une
augmentation des salaires. Les
bonnes âmes patronales soute-
nues par les porte-parole de
l'Etat bourgeois et bien souvent
suivis dans leur raisonnement
par des économistes distingués
et même certains syndicalistes
patentés prétendent que les
hausses de salaire entraîneront
automatiquement la hausse des
prix et que finalement le résul-
tat sera nul et même néfaste.
Les augmentations de salaires
amènent-elles automatiquement
des augmentations de prix ? Evi-
demment non. Les patrons par-
tent du principe qu'en ce qui
les concerne ils n'ont aucun sa-
crifice à faire et que, la part
qu'ils doivent verser sous for-
me de salaires dans la réalisa-
tion de la production doit être
automatiquement incorporée à
leur prix de vente Et ils vou-
draient nous faire partager leur
point de vue. Il est bien évident
qu'une hausse de salaires provo-
que, une augmentation de leur
prix de revient. Mais cela est éga-
lement vrai quand il s'agit de
hausse de matières premières,
ou des impôts qu'ils doivent ver-
ser individuellement à l'Etat qui
a charge de protéger leurs inté-
rêts généraux.
(suite page 2)
tes » à la Concorde. Mais tout
cela est resté sans effet sur la
détermination^ des grévistes.
Et menace d'état de siège, ou pas,
30000 étudiants et travailleurs ont
pu de Montparnasse à Austerlitz
crier « De Gaulle démission », « Le
pouvoir c'est nous » « A bas l'Etat
policier ».
Et près de cinq jours après ce que
d'aucuns ont appelé « le coup
d'Etat » du généra! — il n'en est
plus à un coup d'état près — la
.situation de force, celle de 9 mil-
lions de grévistes avec occupation
d'usine et défilé dans les ru(es,
la situation qu'il voulait faire cesser,
dure encore. Elle dure encore et
malgré toutes les campagnes d'in-
toxication de la presse et de la
radio, elle est loin de devoir cesser
ce mardi.
Elle dure encore et il faut le dire
le général n'y peut rien.
Il avait pourtant menacé : si la
situation de grève continue il aura
recours aux moyens prévus par la
Constitution. En clair, cela veut
dire l'état de siège, l'intervention
de l'armée. La « gauche » était
sommée de choisir :• la grève ou les
élections. Mais partis et syndicats
ont eu beau choisir les élections : la
grève continue. Et ils sont obligés
de composer avec elle.
Le jeudi 30 mai de Gaulle a eu
beau opposer la grève aux élections
et proposer les unes pour briser
l'autre. Il risque bien d'avoir demain
et les élections et la grève.
C'est une situation qui le dépas-
se. Une situation dans laquelle les
armes habituelles de la panoplie dé-
mocratique sont insuffisantes. Il
aura beau faire donner l'UD 5e et
les Comités d'action civique, il aura
beau entraîner la gauche classique :
Fédération et parti Communiste dans
le marais des élections, il restera
désarmé par cette grève à laquelle
il n'a rien ou presque à opposer.
Car le mouvement populaire libé-
ré par la lutte des étudiants et la
journée du 13 mai 68 est un im-
mense mouvement dont l'ampleur
dépasse tout ce qu'on a pu con-
naître en France jusqu'à ce jour.
Il a surpris et débordé les vieux
partis, les vieilles centrales syndi-
cales. Il s'est nourri de sa propre
force, il a pris confiance en lui,
c'est pourquoi il se sent invincible
et résiste à toutes les manœuvres
d'intimidation et de division.
En refusant de reprendre le tra-
vail pour permettre les élections, les
travailleurs mettent de Gaulle au
pied du mur. Et au pied du mur il
est seul.
Que peut-il opposer aux neuf mil-
lions de grévistes ? Ses flics ? Ses
C.R.S. ? Ses gardes mobiles ? Sa
police parallèle ?
Tous ces instruments du pouvoir
ne font pas le poids. 10000 étu-
diants ont pendant une semaine
tenu les forces de répression en
échec. Et on voudrait nous faire
croire que neuf millions de travail-
leurs rentreraient sous terre devant
cette même force ?
L'armée alors ?
Pourquoi faire ? Si c'est pour
relayer les travailleurs au' pied des
machines, alors que peuvent 450 000
soldats pour remplacer 9 millions
de grévistes ! Si c'est pour faire
rentrer par la force les travailleurs
en grève, alors ce n'est pas sur
450 000 hommes que de Gaulle
pourra compter, mais sur une infi-
me minorité.
Dans les circonstances actuelles
jamais le contingent ne tirera sur
les grévistes. Le contingent est lié
au mouvement populaire par mille
(suite page 2)
ACCORDS ENTRE
GOUVERNEMENT, PATRONAT ET SYNDICATS
POOR TENTER DE LIQUIDER LA GREVE
II y a maintenant plus de 15 jours que 10 millions
de travailleurs sont en grève !
DE l'avis de tous il s'agit du plus important mouvement
enregistré en France depuis le début du siècle. Car
non seulement les étudiants et la classe ouvrière
sont entrés en lutte mais le choc a été ressenti dans toutes
les couches de la société (paysans, professions libérales,
etc...).
Cette lame de fond aurait pu chasser de Gaulle. Mais la
gauche, et en tout premier lieu le parti communiste, s'est
refusé à l'alternative de la rue ert préférant les élections.
Sur le plan revendicatif les di-
rections bureaucratiques des syndi-
cats ont refusé là aussi l'affronte-
ment avec le gouvernement et le
patronat en se contentant de miet-
tes.
Les accords de Grenelle, caution-
nés par les syndicats, sont sans
commune mesure avec ce qui avait
été obtenu en 1936 alors que les
grévistes étaient bien moins nom-
breux.
Les directions syndicales ont re-
culé sur tous les points :
— sur la réduction du temps de
travail le gouvernement n'offre que
des broutilles et ce n'est souvent
qu'à partir de 1970 (ou plus tard)
que le patronat promet les 40 h.
Et lorsque l'on sait ce que valent
les promesses de patrons on est
en droit de penser qu'il y a loin de
la coupe aux lèvres.
— sur le plan de l'augmentation
des salaires la revendication mini-
mum de 600 F a été bradée. Il est
déjà, quasiment impossible de vivre
avec une telle somme alors com-
ment les travailleurs pourraient-ils
accepté le compromis de 520 F par
mois sur la base de 40 h. ?
Quant à l'abrogation des ordon-
nances gaullistes sur la Sécurité So-
ciale qui était une des revendica-
tions prioritaires de la CGT, Pom-
pidou a simplement promis qu'on
en discuterait au parlement... et la
CGT d'accepter. Ce n'est certaine-
ment pas pour cela que 10 millions
de travailleurs se sont mis en grè-
ve.
Bien sûr, les organisations syn-
EMPECHER LA HAUSSE DES PRIX
Mais la hausse du prix de re-
vient ne signifie pas automati-
quement l'augmentation des prix
de vente. Entre les deux il y a
les profits patronaux. C'est sur
ces profits que les patrons doi-
vent prendre de quoi augmenter
les salaires. Quand il s'agit de
hausse de matières premières
ou d'énergie ou d'impôts sup-
plémentaires prélevés par l'Etat
pour aider les capitalistes à sou-
tenir la concurrence (subven-
tions) ou maintenir la paix so-
ciale (police armée), leur propre
Etat leur impose bien dans une
certaine mesure, de ne pas ré-
percuter ces charges sur les prix
de vente Ils s'en plaignent, ils
trichent mais ils obtempèrent.
Alors pourquoi lorsqu'il s'agit
de hausse de salaire seraient-ils
automatiquement autorisés à les
récupérer sur les prix de vente ?
Les patrons nous expliquent que
les impératifs de la concurrence
les obligent à moderniser cons-
tamment leurs moyens de pro-
duction et qu'ils doivent investir
de plus en plus. Mais depuis
vingt ans qu'ils nous affirment
la chose cela n'a pas l'air d'être
la bonne méthode pour être
« compétitifs » !
Et il leur faudra bien admet-
tre aussi qu'il y a un élément
de la production qui s'appelle,
la main-d'œuvre, qui exige aussi
des investissements dans les sa-
laires, sans provoquer la hausse
des prix.
Les travailleurs savent qu'il
faut investir pour améliorer la
production. Mais s'ils sont pour
l'amélioration de la production
des moyens de consommation
mis à la disposition des masses
travailleuses, ils n'ont que faire
des investissements destinés à
alimenter le gaspillage de la con-
currence et des contradictions
du système capitaliste. Il est
bien évident que les patrons, s'ils
sont contraints d'augmenter les
salaires essaieront d'en répercu-
ter les effets sur les prix de ven-
te pour en faire supporter la
charge aux consommateurs ce
qui signifie reprendre de la main
gauche ce qu'ils auront dû céder
de la main droite^ Mais cela n'est
pas automatique et cela dépend
des travailleurs.
Certains dirigeants de syndi-
cats notamment à Force Ouvriè-
re dressent l'épouvantail de la
hausse des prix et démagogique-
ment s'attaquent aux commer-
(Suite de la page 1)
çants. C'est vrai que certains
commerçants même petits n'ont
guère de scrupules à profiter de
chaque occasion pour réaliser
des bénéfices. Mais à cela il est
facile d'y remédier. L'exemple
de Nantes le montre bien et est
à imiter. C'est le comité de grè-
ve qui fait la chasse à la spécu-
lation et les détaillants affichent
des pancartes : « Prix contrôlés
par le Comité ».
Mais le fond du problème
n'est pas là. La hausse des prix
de détail, même si elle est aggra-
vée par une certaine spéculation
a ses racines dans la hausse des
prix industriels. Et c'est à ce ni-
veau que les travailleurs doi-
vent la combattre.
Pour cela il faut d'abord impo-
ser l'Echelle Mobile des Salai-
res. Les patrons se risqueront
beaucoup moins à augmenter
leur prix de vente s'ils savent
que parallèlement cela les obli-
gera à majorer les salaires.
Bien sûr l'Echelle Mobile des
Salaires n'est pas la panacée uni-
verselle. Ce n'est pas un texte
ou une loi aussi précis soient-
ils qui garantiront automatique-
ment le relèvement des salaires
en cas de hausse des prix. Mais
un texte ou une loi sont un point
d'appui pour exiger l'Echelle Mo-
bile des Salaires. Pour que cette
loi soit vraiment appliquée, il
faut les moyens politiques et
économiques de la faire respec-
ter. Cela peut se faire au moyen
du contrôle ouvrier sur la pro-
duction. On parle beaucoup en
ce moment d'accorder davantage
de droits aux ouvriers dans la
gestion des entreprises. Il ne
s'agit pas pour les travailleurs
de se contenter des informations
que voudront bien leur fournir
les patrons pour justifier leurs
difficultés. Il faut exiger des pa-
trons l'accès à tous les livres de
comptes, à tous les niveaux de
la production et de la vente
II faut imposer l'abolition du
secret commercial et le droit de
s'opposer à toute mesure de
hausse de prix.
C'est par l'exercice réel de ce
contrôle que les travailleurs
pourront accéder à la gestion
des entreprises et parallèlement
à celle de l'Etat sur la base
d'une économie mise au service
des besoins des masses travail-
leuses et excluant les profits
d'une minorité parasitaire.
H. VAUQUELIN.
dicales ont répliqué, après que le:,
travailleurs se soient prononcés
contre le protocole d'accords, qu'el-
les n'avaient jamais rien signé,
qu'il ne s'agissait que d un proto-
cole préliminaire aux accords et
qu'elles y étaient absolument oppo-
sées.
Mais pourquoi, dans ces condi-
tions, avoir attendu si longtemps
pour le dire ? Pourquoi ne pas
l'avoir dit aux journalistes qui
attendaient la fin des négociations ?
Pourquoi ne pas avoir déclaré
aux ouvriers de Renault et de Ci-
troën le lundi matin :
« Camarades, voilà ce que nous
« propose le gouvernement. Nous
« syndicalistes, pensons qu'il s'agit
« de broutilles et sommes pour la
« continuation de la grève. Mais
« c'est à vous de décider. »
Cette attitude, les dirigeants syn-
dicaux ne l'ont eu nulle part. Il
a fallu que les travailleurs repous-
sent le protocole pour que les bon-
zes syndicaux s'aperçoivent que son
contenu était « insuffisant ».
En fait les confédérations syndi-
cales, loin de se conduire en di-
rections ouvrières, ont toujours été
à la traîne des travailleurs. Et cela
depuis le début du mouvement.
C'est en dehors de l'appareil
syndical, et souvent malgré lui, que
les travailleurs sont entrés dans la
lutte. Et si finalement, vu le poids
de leur appareil, les directions syn-
dicales ont pu reprendre le mou-
vement en main, ce n'est que pour
mieux le trahir, d'abord en le dé
politisant puis en tentant de le
diviser.
Car après avoir refusé, contraints
et forcés par les travailleurs, les
accords de Grenelle, les directions
confédérales ont accepté que les
discussions reprennent par bran-
ches d'industrie et même par usi-
nes, c'est-à-dire qu'elles ont per-
mis que la force énorme des 10
millions de grévistes se dilue dans
des négociations particulières.
Là encore elles trahissent le mou-
vement.
Mais ce que répètent les révolu-
tionnaires depuis des années, à sa-
voir que le principal obstacle à la
révolution socialiste est constitué
par les appareils bureaucratisés des
organisations soi-disant ouvrières,
devient aujourd'hui une évidence
pour des dizaines de milliers de
jeunes, tant étudiants qu'ouvriers.
Et c'est là la meilleure chance
que les travailleurs reconstruisent
un jour des organisations qui soient
les leurs.
Pour la Représentation
Syndicale des Travailleurs
Étrangers et des Jeunes
DANS les revendications
mises en avant par les
Syndicats figure l'exten-
sion des droits syndicaux. Dans
la plupart des cas, les Syndicats
revendiquent en premier lieu la
reconnaissance de la section
syndicale d'entreprise. Pour
eux, il s'agit en fait, de conso-
lider leurs boutiques, de faire
bénéficier d'avantages supplé-
mentaires les secrétaires syndi-
caux, d'étendre leur participa-
tion et leurs droits dans les
Comités d'entreprise.
Mais si l'on parle d'extension
des droits syndicaux, un des
premiers points élémentaires à
revendiquer est : l'égalité des
droits syndicaux pour les ou-
vriers « étrangers » et les jeunes
à partir du moment où ils sont
à l'atelier, c'est-à-dire légalement
à partir de l'âge de 16 ans.
A 16 ans un jeune travaille à
part entière dans une usine —
son salaire, est lui, légalement
amputé. Et ce n'est qu'à 18 ans
qu'il aura le droit de voter aux
élections de délégués. Il ne pour-
ra être éligible qu'à 21 ans. Les
jeunes, les plus combatifs sont
donc automatiquement exclus de
par la loi de tout poste de délé-
gué.
Les étrangers, pour leur part,
s'ils ont le droit de vote à l'égal
des autres travailleurs aux élec-
tions de délégués du personnel,
ne peuvent voter pour les élec-
tions de délégués au Comité
d'établissement, et ne peuvent
pas être candidats dans l'immen-
se majorité des cas. Dans certai-
nes entreprises cela revient à
avoir pour délégué le contremaî-
tre ou le chef de chantier, tous
les travailleurs étant eux « étran-
gers ».
Dans les usines il n'y a pas
« d'étrangers ». Il y a ceux qui
produisent, quel que soit leur
âge, quel que soit le pays dont
ils sont originaires. Et aujour-
d'hui où l'accent est mis sur l'ex-
tension des libertés syndicales,
pourquoi les Centrales Syndica-
les ne posent-elles pas dans leurs
revendications la suppression de
toute discrimination dans les en-
treprises envers les jeunes, en-
vers les travailleurs immigrés,
envers des millions de produc-
teurs ; le droit de vote et l'éligi-
bilité à 16 ans, le droit de vote
et l'éligibilité de tous les travail- ~
leurs incorporés dans les entre-
prises ?
C'est bien là en fait, un des si-
gnes de leur abandon de tout
internationalisme et de toute
lutte de classe réelle.
Et c'est un des points qu'il
faut tenter d'imposer, dans !es
plateformes revendicatives, ;jnt
de nos bureaucrates syndicaux
que de nos Partis dits « de g sj-
che ».
S. GRENET.
Jamais l'État n'a été aussi faible
Jamais nous Savons été aussi forts !
liens sociaux et familiaux. Le con-
tingent n'est pas un corps spécia-
lisé, coupé du pays, dressé à la
répression, endocfriné et soumis
jusqu'à la mort. Le contingent c'est
avant tout des jeunes, les frères de
ces jeunes qui ont été partout dans
le pays, à l'université comme dans
les usines, le fer de lance du mou-
vement. Le contingent ne peut pas
tirer. Et de Gaulle le sait et le
craint. Engager le contingent dans
les circonstances actuelles cela re-
vient à armer les grévistes et
les jeunes révolutionnaires.
Restent les corps spécialisés, les
paras, les légionnaires, ces hommes
des causes perdues que l'on envoie
mourir pour des causes qui ne sont
pas les leurs et pour des hommes
qui les méprisent et parfois les
renient. Eux non plus ne sont peut
être pas « sûrs » pour le pouvoir.
Eux aussi ont au cœur autant d'a-
mertume envers l'Etat que de haine
envers les grévistes. Et nul ne peut
garantir leur fidélité.
Mais quand bien même ces hom-
mes choisiraient d'obéir à de Gaulle
que pourraient-ils faire de plus que
les C.R.S. et les flics des semaines
passées ? Tirer sur la population ?
Ce serait déchaîner la guerre ci-
vile. Or, ceux qui la craignent par
dessus tout, ce sont les bourgeois,
les patrons, ceux qui ont quelque
chose à y perdre.
Les travailleurs ne souhaitent pas
la violence. Mais quand les travail-
leurs sont le nombre dans la rue
alors la violence de l'Etat peut se
retourner contre lui. La fonction de
l'Etat est de maintenir l'ordre social,
l'ordre bourgeois. Il le fait au moyen
de bandes armées. Son rôle n'est
pas de mettre le feu aux poudres,
surtout quand le rapport de force
est en faveur des travailleurs. Et
c'est le cas. Pour la première fois
depuis 30 ans, le mouvement ou-
vrier peut se déployer dans toute
sa vigueur dans toute son immen-
sité. L'Etat en face d'eux ne dispose
que de quelques mercenaires —
moins de 200 000 en tout et en met-
tant les choses au pire. 200 000
mercenaires contre neuf millions de
(Suite de la page 1)
grévistes. Et 200 000 mercenaires
rendus militairement inutilisables
car la bourgeoisie est paralysée par
la peur de la guerre civile. — Elle
ne peut pas leur commander de
tirer.
Non, de Gaulle n'a pas déclaré la
guerre aux ouvriers. Il ne peu! pas
se le permettre. Car cette guerre
il la perdrait.
Son discours de jeudi n'éteit
qu'un coup de bluff. Comme tant
d'autres qui lui ont déjà réussi.
Mais un coup de bluff dont il ne
reste rien. Jamais le pouvoir n'a été
aussi faible. De Gaulle est au abois.
La bourgeoisie est aux abois. Ca-
marades poursuivons le combat1.
Nous pouvons, nous devons gagner.
Michèle TOURNY.
ctes dreonst&nces, "et en particulier <te ta
grève do personnct de la Mutualité, le Cercle Won
Trottky (k«w fr|jtill*M<frtt«** kwifrfi 2? inai, sur tt^tvjet
suivant : U révûlt. d*$ étudiants et ta classe ouvrier.,
.
çtserofis dfcs que possible. .._ ,
* ttoos réppetçns aux camarades cjui souhai
.fNHtt <|w'lfs peuvent *'«d
aux heur** habituelles» v
dé '
IES PIES D'ÂCIION cmmi
soutiendront De Gaulle aux
élections, mais auront du mal
à en faire autant dans la rue
APRES la manifestation du
« parti de la peur » aux
Champs-Elysées, on pou-
vait s'attendre, à en croire les
bons apôtres du Général, à voir
fleurir un peu partout des « Co-
mités d'Action Civique ».
Ces comités, regroupant tous
les « honnêtes citoyens » qui
continuent à faire confiance à
de Gaulle, ont pour but de faire
la guerre à tous les « bolche-
viks » qui montrent le nez ac-
tuellement, afin de rétablir l'or-
dre — gaulliste bien entendu —
dans le pays.
Mais depuis la grande démons-
tration de jeudi dernier, on ne
voit guère ces courageux « dé-
fenseurs de la république » pas-
ser à l'action, en plein jour, du
moins.
Il est vrai que sur les centai-
nes de milliers qui avaient défi-
lé sur les Champs-Elysées, lors-
qu'on aura retranché les vieil-
lards, les mémères et les frous-
sards de tout poil qui descen-
dent dans la rue seulement lors-
que les flics les y invitent, il ne
reste plus grand monde. '
Ces gens-là sont téméraires
lorsqu'il s'agit de hurler avec les
loups, ou d'attaquer de nuit à
dix contre un des travailleurs
isolés, mais il n'y a plus person-
ne quand il faut se heurter à des
millions de travailleurs et de
jeunes en lutte. Les C.R.S. eux-
mêmes, pourtant spécialistes de
la répression, n'y sont pas par-
venus. Aussi les « enragés » du
gaullisme y regarderont à deux
fois avant de s'attaquer aux
meetings et manifestations de
gauche.
La manifestation de l'UNEF
qui s'est déroulée le samedi 1"
juin, deux jours après celle des
Champs-Elysées, n'a pas vu l'om-
bre d'un flic ni d'un gaulliste.
Ceux qui voulaient 48 heures
avant expédier Cohn-Bendit à
Pékin se sont soudain volatilisés.
Ceux qui étaient si nombreux,
de la Concorde à l'Etoile pour
crier « La France au travail »,
qu'ont-ils donc fait depuis ? Les
locomotives sont encore au ga-
rage et le courrier n'est toujours
pas acheminé...
Cette bande de fainéants vou-
drait faire la loi, mais ils en
sont bien incapables. Ils ne se
sentent forts que protégés par
les gendarmes. Or actuellement,
ni les gendarmes ni la droite ne
se sentent forts.
Le seul poids dont ils dispo-
sent, c'est celui du bulletin de
vote. Car tous les jeunes qui
étaient aux barricades, tous les
travailleurs émigrés qui ont par-
ticipé à la lutte, n'auront pas le
droit d'aller voter ; par contre
toute la « pègre » des Champs-
Elysées aura accès aux urnes
pour élire en toute démocratie
un U.N.R. bon teint.
ALLEMAGNE :
Les bureaucrates
syndicaux n'ont rien
retenu de leur propre
histoire
LE parlement allemand a
voté les lois « d'urgen-
ce », lois scélérates con-
tre tout mouvement populaire.
Seule la jeunesse étudiante
du S.D.S. a lutté avec énergie
dans toutes les villes alleman-
des contre ces lois scélérates
qui, si elles réussissent à ligo-
ter tout mouvement révolution-
naire, feront le lit d'un nouveau
fascisme éventuel.
De jeunes ouvriers ont appuyé
les étudiants, mais les dirigeants
syndicaux d'Allemagne de l'Ouest
ont derrière eux un lourd passé
de trahison.
Avant 1933 déjà, ils contrôlaient
la majeure partie du mouvement
ouvrier, des millions de maisons du
peuple et de bourses du travail.
Systématiquement ils refusaient
d'organiser l'action directe contre
les nazis. Systématiquement ils sou-
tinrent les gouvernements sociaux-
démocrates qui prétendaient réali-
ser le socialisme sans s'attaquer aux
racines du capitalisme.
Les dirigeants réformistes des syn-
dicats, ces « lieutenants ouvriers
de la classe bourgeoise » dénon-
çaient la « pègre communiste »
traitant de « provocation » toutes
les tentatives d'action directe des
jeunes, des chômeurs et des ou-
vriers les plus mal payés, contre
l'Etat bourgeois et les nazis.
A ces actions, les bureaucrates
réformistes des syndicats allemands
opposaient « la force tranquille de
millions de syndiqués allemands ».
A la veille de la prise du pou-
voir par Hitler, ils refusèrent en-
core l'action directe ouvrière. Ils
bavardaient sur « le rôle purement
revendicatif » du syndicalisme.
Ils espéraient ainsi sauver leur
fromage, mais leur vile trahison ne
paya pas.
Au début de 1934, les S.A. nazis
occupèrent tous les maisons du peu-
ple. Les syndicats furent dissous :
le « front du Travail nazi » fut
constitué. Les quelques bonzes ré-
formistes qui retrouvèrent une once
de dignité rejoignirent les commu-
nistes dans les camps de concen-
tration. Les autres se turent et par-
fois battirent des mains devant le
passage du Fiihrer.
Aujourd'hui, ils ont retrouvé
leurs postes. Ils n'ont pas changé.
Ils ont retrouvé leur fromage.
10000 bureaucrates syndicaux d'AI-
magne occidentale prêts à toutes
les bassesses plutôt que de retour-
ner travailler à l'atelier, ligottent
le mouvement ouvrier; calomnient
les jeunes révolutionnaires du SDS
taxant « d'aventurisme » toute
action directe contre les fascistes du
N.P.D., et acceptent toutes les lois
scélérates sous prétexte qu'ils ne
veulent pas sortir « de la pure
action syndicaliste ».
La lutte pour un renouveau ré-
volutionnaire en Allemagne passe
par le combat contre cette bureau-
cratie syndicale pourrie.
A CLERMONT FERRAND
comme partout /
le pouvoir est dons lo roe !
PLUSIEURS dizaines de
blessés, légers en géné-
ral, 113 arrestations :
bilan officiel des heurts violents
qui ont suivi la grande mani-
festation unitaire et « électora-
liste » du samedi 1" juin orga-
nisé par le P.C.F., la F.G.D.S., la
C.G.T., la C.F.D.T., l'U.N.E.F....
Cela couvait depuis longtemps. La
jeunesse ouvrière bridée jusque-là
a enfin débordé la prudente lâcheté
des organisations traditionnelles
pour commencer à s'affronter avec
la police. Le retard s'explique. Le
Mouvement étudiant qui, partout
ailleurs, a servi de détonnateur, est
resté ici très peu combattif à l'ex-
ception des petites minorités révo-
lutionnaires. Et à l'exception de
quelques heurts le lundi 13 mai,
Clermcnt n'avait connu aucun af-
frontement violent.
Pourtant déjà la veille le ven-
dredi 31 mai, la coupe avait débor-
dé. Après l'appel de De Gaulle,
les gaullistes ont décidé de mani-
fester. Les étudiants refusent à la
majorité l'affrontement : ils déci-
dent de servir de main-d'œuvre aux
syndicats en se dispersant pour dif-
fuser des tracts appelant à une mar
nifestation samedi 1" juin à 16
heures.
Mais cette fois, un premier af-
frontement a lieu. Les 2 à 3000
gaullistes ne représentaient pas une
bien grosse force. Une grande ma-
jorité de vieux, de femmes d'un
âge certain, de très jeunes enfants.
Quelques « cadres » de fort belle
allure, de fort bel embonpoint dont
le costume s'ornait fréquemment
d'un quelconque ruban ; quelques
hommes de la génération de la 2'
guerre, quelques étudiants en
droit : telles étaient les forces de
l'ordre gaulliste.
Aussi une à deux centaines de
jeunes étudiants et ouvriers dont
certains diffusaient le tract des or-
ganisations syndicales et d'autres
assuraient la protection, se permi-
rent de ridiculiser sans grand mal,
il faut le dire, ce cortège de mus-
culairement faible. Tout au long,
il fut encadré de bandes de jeunes
chantant l'Internationale à pleins
poumons, criant : « à bas De Gaul-
le », et apostrophant les partici-
pants, très très peu belliqueux, du
cortège. La première et principale
banderole tricolore fut arrachée et
transformée en drapeau rouge.
Après la dispersion, les groupes de
gaullistes se voyaient joyeusement
envoyer au visage : « alors, c'est
vous qui allez défendre De Gaul-
le ? ». C'est là-dessus que chacun
se donna rendez-vous le lendemain
16 h.
Le samedi 1" juin, le cortège étu-
diant chantant l'Internationale rejoi-
gnit un important meeting ouvrier
devant Michelin. La manifestation
à travers la ville fut réellement im-
posante. 15 à 20000 personnes sur
plusieurs centaines de mètres se
rendirent en cortège à la préfec-
ture.
Mais les participants étaient de
deux sortes bien différentes. En
tête : les représentants des vieux
partis : le maire socialiste, les élus
locaux, les responsables du P.C.F.,
préparant les prochaines élections.
Séparés d'eux par des milliers de
manifestants, de jeunes étudiants et
ouvriers qui ne pensaient qu'à la
lutte qui se poursuit et doit vaincre.
En haut, on criait : « De Gaulle
démission », en bas : « A bas de
Gaulle ». Au début « la Gauche
au pouvoir », en bas le « pouvoir
aux travailleurs » ; en haut, on en-
tonnait la marseillaise et on faisait
silence devant le monument aux
morts, en bas on chantait l'Interna-
tionale derrière les drapeaux rou-
ges.
Devant la préfecture, la contra-
diction éclate. Alors que socialiste
et communiste épinglent leur dra-
peau l'un à l'autre dans les applau-
dissements unitaires ; les jeunes re-
fusent la dispersion.
Après avoir crié leur hostilité à
la police ; de jeunes ouvriers com-
mencent à prendre les pavés et
bombarder la préfecture cependant
que le service d'ordre tente de dis-
perser la manifestation. Les inci-
dents qui suivront : charge de po-
lice, grenades au hasard dans la
foule, deux petites barricades, quel-
ques heurts, prise de munition sur
les chantiers, sont désormais tra-
ditionnels. Ils n'auront pas très
grande importance ici. Seuls 4 à
500 jeunes se battront. Les anciens,
à l'exception d'une minorité, s'ils
approuvent les jeunes sont déso-
rientés par l'attitude des responsa-
bles du PC, de la CGT et de l'UNEF
(La CFDT, et il faut le signaler,
s'est refusé à désavouer les heurts.)
Le soir même, une seconde ma-
nifestation exigeait la libération des
emprisonnés. Une nouvelle barrica-
de était élevée, de nouveaux heurts
se produisaient.
Les conséquences de cet affron-
tement ne seront pas sans impor-
tance. Si l'appareil électoraliste
du PCF et de la SFIO hurlent à la
provocation, la jeunesse ouvrière a
fait un pas de plus vers la rupture
avec les organisations traîtres.
Ne bradons pas la grève
pour un bulletin de vote
(suite de la page 1)
Et la politique des partis de
gauche est d'autant plus révol-
tante que dans les entreprises et
dans la rue, le pouvoir était
désarmé. Que face à dix millions
de grévistes, il ne pouvait rien,
absolument rien faire, que des
discours de bravache auxquels il
était incapable de donner une
suite. Car que pouvaient les
100000 ou même au maximum
les 200000 hommes des forces
de répression dont de Gaulle dis-
pose face à dix millions de tra-
vailleurs mobilisés ?
Mais la gauche a préféré jouer
la carte électorale. Elle prétend
qu'elle peut gagner ces élections.
Mais quand cela serait, qu'est-ce
que cela changerait au sort des
travailleurs ?
La gauche victorieuse aux élec-
tions, cela n'oblige même pas,
constitutionnellement, de Gaulle
à partir, ni même à changer de
gouvernement.
Et puis, la « gauche », qu'est-
ce que cela signifie ? Le P.C.F. et
la F.G.D.S. ? Mais sur quel pro-
gramme gouverneront-ils. Même
pas sur le programme du P.C.F.,
pourtant bien modeste, puisque
la Fédération n'a pris aucun en-
gagement. Et nous avons connu
deux fois, dans ce pays, la
« gauche » au pouvoir, en 1936
et dans la période 1944-47. Nous
savons ce que cela signifie. Au
lendemain de la seconde guerre
mondiale, le Parti Communiste
et le Parti Socialiste ont même
eu à eux deux la majorité abso-
lue aux élections. Mais le P.S.
ne voulait pas gouverner sans
le M.R.P., et le P.C.F. s'est alors
rallié, au nom de l'unité, au tri-
partisme.
Quelles raisons avons-nous de
croire que cette « gauche » par-
lementariste qui a toujours tra-
hi ses promesses les tiendrait
aujourd'hui ? Aucune.
Et il ne faut pas croire, par
ailleurs, que placer la lutte sur
le terrain électoral est le meil-
leur moyen d'éloigner tout ris-
que de guerre civile. Bien au
contraire.
Tant que les travailleurs se-
ront en lutte, mobilisés, prêts à
la riposte, les forces de répres-
sion de la bourgeoisie seront in-
capables de passer à l'offensive.
Mais que la gauche triomphe
aux élections, que les travail-
leurs confiants reprennent le
travail en croyant leur victoire
acquise, c'est alors, sans nul
doute, que nous risquons de
voir les généraux essayer de re-
prendre la situation en main.
Souvenons-nous de l'Espagne.
C'est au lendemain des élections
de 1936 qui virent triompher le
« Frente Popular » que Franco
et ses acolytes passèrent à l'ac-
tion.
Le meilleur moyen de n'avoir
pas à employer la force, c'est
d'y être prêt, c'est d'avoir l'ini-
tiative, et non pas de se réfugier
dans les isoloirs.
« Ne bradons pas la grève
pour un bulletin de vote, » pro-
clamait à juste titre une bande-
role des travailleurs de Roussel-
Uclaf lors de la manifestation
du 1" juin.
AU SIEGE TOUS LES JOURS
de 8 heures à 20 heures
A LA SORBONNE
Salon Richelieu
Escalier du Grand Amphithéâtre
de 9 heures à 21 heures
POUR L'UNITE D'ACTION UN DRAPEAU DE CLASSE
du mouvement
L'ABSENCE d'un parti ré-
volutionnaire constitue à
l'heure actuelle l'obsti-
ele le plus important devant le
développement du processus
révolutionnaire.
Le mouvement en cours a
éveillé à la vie politique active
des milliers de jeunes, de tra-
vailleurs et étudiants. Des mil-
liers de jeunes qui ont fait, au
cours de la lutte, l'expérience
concrète de ce que sont les or-
ganisations ouvrières tradition-
nelles, réformistes ou stalinien-
nes. Des milliers de jeunes qui
cherchent un cadre politique et
organisationnel à leur action.
Cette jeunesse représente un po-
tentiel d'énergie considérable, c'est
elle qui a donné à la lutte des der-
nières semaines son dynamisme,
c'est encore elle qui pourra le lui
donner dans les semaines à venir.
L'avenir dépend dans une large me-
sure de la capacité des révolution-
naires à répondre à l'attente de ces
jeunes, à les organiser, à en faire
une force qui sait ce qu'elle veut et
dans quel sens elle agit.
Aucun des groupes ou groupus-
cules révolutionnaires n'a cependant
à l'heure actuelle une audience
telle qu'il puisse être un pôle d'at-
traction véritable pour les milliers
de jeunes qui désirent se battre.
Ce n'est pas une question d'idées,
de plateforme ou d'étiquette. Les
événements actuels donnent au con-
traire raison d'une manière écla-
tante à ces « groupuscules gau-
chistes », à leurs idées, aux métho-
des qu'ils préconisent — n'en dé-
plaise aux dirigeants bornés et
réformistes des organisations qui
osent se réclamer du communisme
ou du socialisme.
Mais avoir une audience nationale
suppose un poids organisationnel
et numérique que n'a aucune des
organisations révolutionnaires. En
unissant leurs forces cependant elles
ont la possibilité et le droit de par-
ler au nom de ceux qui se battent.
Elles auraient la capacité et les
moyens matériels de rendre efficace
le potentiel d'énergie révolution-
naire représenté par les jeunes.
Il ne s'agit pas de parler d'unifi-
cation et à plus forte raison de
fusion de ces organisations. Les con-
ditions d'une telle unification sont
loin d'être toutes remplies. En par-
ticulier, des divergences politiques
importantes et parfois fondamenta-
les les séparent. Dans ces conditions
une unification formelle n'est non
seulement pas possible, mais pas
même souhaitable.
Cependant, la lutte des idées
entre ces groupes ne peut et ne doit
pas empêcher l'unité dans l'action.
C'est au contraire cette action qui
confirmera la justesse des idées des
uns, et la fausseté des conceptions
des autres. Mais face à la bour-
geoisie et ses organisations, face au
parti dit Communiste, les organisa-
tions révolutionnaires doivent être
capables de rassembler leurs forces,
elles doivent être capables de re-
présenter matériellement et numéri-
quement un pôle d'attaction.
Et ce ne serait après tout que
réaliser consciemment cette unité
d'action qui s'est réalisée dans les
faits, dans les manifestations et
sur les barricades. Là l'unité s'est
faite spontanément et sous l'égide
des organisations d'étudiants» en
particulier de l'UNEF. En tout cas, les
désaccords n'ont pas empêché les
différentes tendances de se retrou-
ver côte à côte et fraternellement
dans le combat et dans toutes les
manifestations.
Il y a là, pour les révolution-
naires une occasion exceptionnelle
à saisir. Encore une fois tout peut
dépendre de leur capacité à le faire.
Il est tout d'abord nécessaire que
les organisations qui ont en com-
mun le programme trotskyste coor-
donnent leur action. C'est le but que
se sont proposés les participants au
comité de coordination, dont nous
republions ci-dessous l'appel.
Ce comité n'englobe pas encore
toutes les organisations trotskystes.
Toutes y ont cependant leur place.
Plus même, ce comité ne prendra sa
pleine signification que lorsque tou-
tes les organisations trotskystes y
participeront.
La coordination de l'action des or-
ganisations trotskystes devrait ce-
pendant pouvoir se faire dans le
cadre d'un mouvement révolution-
naire plus vaste, englobant tous les
groupes révolutionnaires.
Il ne s'agit ni pour les uns ni
pour les autres, de cacher leur
drapeau, leur programme, leurs di-
vergences. On n'a que faire d'un
magma où l'unanimité de façade
cacherait des oppositions profondes.
Mais il s'agit de se battre pour des
idées aux côtés d'autres tendances
révolutionnaires.
Le rassemblement le plus large
des organisations « gauchistes » est
une urgente nécessité. Il implique
la plus grande fraternité dans les
rapports.
Mais aussi — et ceci n'est nulle-
ment en contradiction avec cela —
la plus grande fermeté dans la
défense de ses idées et de son pro-
gramme.
Que les staliniens les'plus obtus
ricanent à l'idée d'un regroupement
qu'ils sont incapable de concevoir
autrement que sur la base d'un strict
monolithisme de pensée.
Les révolutionnaires se doivent de
réintroduire dans le mouvement ou-
vrier les pratiques détruites par le
stalinisme.
Réserver la haine et les coups
aux adversaires de classe. Mener de
pair l'unité dans l'action et la cri-
tique politique franche au sein du
mouvement révolutionnaire.
G. KALDY.
COMMUNIQUÉ
ETANT donné les dévelop-
pements de la situation
actuelle faisant ressentir
cruellement l'absence d'une di-
rection révolutionnaire et consi-
dérant qu'il est indispensable
d'unifier la lutte des organisa-
tions/ se réclamant du trotskyme,
les représentants de l'Union
communiste (Voix Ouvrière), du
Parti communiste internationa-
liste (section française de la IV1
Internationale) et de la Jeunes-
se Communiste Révolutionnaire
se sont rencontrés le dimanche
19 mai 1968 et on décidé la
formation d'un comité perma-
nent de coordination entre leurs
trois organisations.
Ce comité appelle toutes les
organisations qui se réclament
du trotskysme à s'associer à
cette initiative.
Les trois organisations recom-
mandent à leurs militants d'en-
trer partout en contact afin de
coordonner leur action.
Pour l'Union communiste,
G. KALDY, J. MORAND.
Pour le Parti communiste
internationaliste,
P. FRANK, M LEQUENNE.
Pour la J.C.R.
D. BENSAID, A. KRIVINE.
A cet appel est venu s'associer le
Groupe Marxiste
Révolutionnaire
G. MARQUIS, M. FIANT.
• E drapeau national
{{^t n'est pas la pro-
— priété du grand pa-
tronat et de la réaction qui
pratique une politique contrai-
re à l'intérêt de notre pays. Il
est le bien du peuple français.
Nous, communistes, nous le-
vons bien haut ce drapeau. »
II est vrai que si ce « drapeau
national » se retrouvait • pro-
fusion de la Concorde à l'Arc
de Triomphe, il se faisait bien
rare, ces derniers temps, dans
les manifestations étudiantes et
ouvrières. C'est sans doute pour
cela que Waldeck Roc net, dans
un discours prononcé vendredi
dernier, éprouvait le besoin de
rappeler les militants de son
parti à un peu moins d'exalta
tion. Le drapeau rouge, certes,
mais n'oublions pas, recom-
mande-t-il, le drapeau français,
les deux se trouvant « dans tou-
tes nos manifestations... étroi-
tement mêlés ». Il fallait que
le P.C.F. rassure ses alliés, te-
nants du « drapeau national »,
et par delà, la bourgeoisie fran-
çaise sur ses intentions.
En faisant le choix d'un dra-
peau, en refusant de rejeter le
drapeau des versaillais, Waldeck
Rochet et son parti ont voulu
montrer le camp dans lequel ils
se plaçaient.
Ce camp, ce n'est pas celui
des étudiants et des jeunes tra-
vailleurs qui, en ces journées de
mai, se battaient, brandissant
les drapeaux rouges et les dra-
peaux noirs, face aux flics, dé-
fenseurs d'un ordre qui lui ar-
bore le drapeau tricolore.
Dans quel camp se trouvait
donc le P.C.F. le 13 mai dernier,
alors que des dizaines de milliers
de drapeaux rouges noyaient les
très rares drapeaux tricolores
qui, ce jour-là, paraissaient fort
anachroniques ?
Et puisque Waldeck-Rochet
prétend que les 2 drapeaux, le
rouge et le tricolore se retrou-
vent toujours mêlés dans les ma-
nifestations de son parti, veut-il
confirmer par-là que le P.CF.
n'était pour rien dans la florai-
son des drapeaux rouges qui fu-
rent hissés aux portes des usi-
nes, aux premiers jours des oc-
cupations. Il y avait des dra-
peaux rouges ; fort peu de « dra-
peaux nationaux ». Car dans la
grève, les travailleurs français,
italiens, espagnols se retrou-
vaient tout naturellement au
coude à coude derrière les sym-
boles de la lutte ouvrière le dra-
peau rouge et « l'Internationa-
le ». On voyait mal en effet les
travailleurs algériens par exem-
ple, se ranger derrière le dra-
peau de l'impérialisme français
qu'ils combattait encore il y a
quelques années. Et il a fallu,
là encore, l'intervention, sur or-
dre, de militants du P.C.F. pour
qu'apparaissent, sur certaines
usines, les drapeaux tricolores.
Par contre, les drapeaux tri-
colores n'ont cessé de flotter
sur l'Elysée, les préfectures et
les casernes de C.R.S.
Ils flottaient, par milliers, de
la Concorde à l'Etoile, brandi ts
par la pègre des beaux quartiers
qui vitupéraient le « torchon
rouge ».
Est-ce avec ce drapeau, avec
les gens qui le brandissent que
le P.C.F. veut composer ?
De toute façon, Waldeck-Ro-
chet a choisi. Il préfère le dra
peau tricolore des C.R.S., et des
bourgeois, au drapeau noir. Et
il retrouve, contre le drapeau de
l'anarchie les accents des gaul-
listes ou d'Occident contre ie
drapeau rouge.
Quant à nous, qui nous ran-
geons derrière le drapeau rou-
ge, nous n'éprouvons aucune gê-
ne à le voir côtoyer, dans la lut-
te le drapeau noir. Car ces deux
drapeaux symbolisent en com-
mun la lutte sans rémission con-
tre la bourgeoisie, c'est-à-dire
contre le drapeau tricolore, une
lutte qui ne connaît pas les fron-
tières entre les états mais seu-
lement les frontières entre les
classes. Cette lutte-là, et les dra-
peaux qui la symbolisent, met
la bourgeoisie dans le plus pro-
fond effroi, mais elle effraie
aussi le P.C.F.
LE DRAPEAU ROUGE
SUR L'EUROPE?
GREVES à la Réunion. Agi-
tation, manifestations et
drapeaux rouges aux
Antilles. Les territoires sous le
joug de l'impérialisme français
ont été secoués eux aussi par
les événements de France.
Mais pas seulement eux.
L'agitation étudiante rebondit
de plus belle en Allemagne, en
Italie, en Espagne. Elle s'est me
me étendue à l'Angleterre, les
étudiants d'Oxford — la der-
nière des universités européen-
nes qu'on aurait pu croire at-
teinte par le virus révolution-
naire — affrontent à leur tour
la police. Il est vrai aussi que
l'exemple italien et surtout alle-
mand a joué un grand rôle dans
la mobilisation des étudiants
français.
La crise qui se développe sous
nos yeux n'est pas une crise pu-
rement française. Certes elle atteint
dans ce pays, pour le moment, son
acuité la plus grande. Mais c'est
une crise propre à toute l'Europe
occidentale.
Les moyens d'informations mo-
dernes, les liens noués entre les
pays par le développement écono-
mique actuel font que l'Europe,
sinon le monde entier ne forme
plus qu'un seul et vaste ensemble.
Les prodromes de la crise révo-
lutionnaire que nous voyons ac-
tuellement se développer à une
échelle internationale en sont une
preuve : aucune crise révolution-
naire ne peut se développer ac-
tuellement purement à l'intérieur de
frontières nationales. Elle doit pren-
dre automatiquement une exten-
sion internationale.
C'était déjà vrai il y a plus d'un
siècle lorsque les révolutions en
France de 1830 ou de 1848 se ré-
pendirent aussi, en quelques mois
sinon quelques semaines, à travers
l'Europe. C'est encore plus vrai au-
jourd'hui.
A ceux qui lui reprochent d'avoir
à la « libération » tourné le dos à
la révolution possible, dans les cir-
constances d'alors, les tenants du
P.C.F. arguent à tout coup des me-
naces internationales. La révolution
n'était pas possible, paraît-il, à
l'époque, parce que la bourgeoisie
internationale, et d'abord celle des
USA l'aurait immédiatement écra-
sée. C'est ainsi que le PCF n'aurait
eu d'autre choix que de mener la
politique de collaboration de classe
que l'on sait et qui a abouti au
résultat que l'on sait.
Ces bons apôtres oublient d'abord
le pacte de Yalta par lequel Sta-
line dès 1943 s'engageait à peser
de tout le poids de la bureaucratie
soviétique, qui était, comme on sait,
très grand, pour empêcher la révo-
lution en Europe Occidentale et
mettre les partis communistes de
cette région du monde à la re-
morque de leur propre bourgeoisie.
Ils oublient surtout qu'une situa-
tion révolutionnaire ne change pas
seulement la situation du pays dans
lequel elle se développe mais aussi
celle de tous les pays qui l'en-
tourent.
Aujourd'hui les bourgeoisies eu-
ropéennes, c'est évident, auraient
le plus grand mal à intervenir en
France, si elles le voulaient pour
écraser une révolution ouvrière.
Même la bourgeoisie américaine,
dont les troupes sont enlisées au
Vietnam, et elle-même en butte à
l'agitation de ses propres étudiants
et surtout de la fraction la plus mi-
sérable et la plus exploitée de ?cn
prolétariat, les noirs, n'a pas .es
mains libres.
La politique du PCF n'est por-
tant pas plus révolutionnaire p , ,r
cela. Bien au contraire.
La menace de l'intervention
étrangère est toujours réelle coi re
toute révolution. Pour les réform
tes c'est aussi toujours un prête* •-:
pour éluder celle-ci.
Les Vietnamiens n'auraient jamais
entamé ni poursuivi la lutte s'ils en
avaient fait un critère décisif.
Les révolutionnaires n'onr pas
d'autre choix — s'ils ne veulent
s'incliner — que d'entamer la lutte
et de la mener jusqu'au bout, avec
l'espoir que l'aide du prolétariat et
des révolutionnaires ne leur fera
pas défaut à l'échelle internationale.
C'est le pari que firent il y a 50
ans, les révolutionnaires russes. Ils
l'ont gagné.
Si nous, en France, étions capa-
bles de faire de même, il y a aussi
toutes les chances que nous le ga-
gnerions.
Les drapeaux rouges ou noirs,
qui ont apparu à Rome, à Berlin,
à Madrid et à Amsterdam en sont
une première preuve.
J. MORAND.
REJOIGNEZ LES CERCLES
«VOIX OUVRIÈRE»
JEUNES TRAVAILLEURS,
Les organisations qui se disent de gauche ou qui se disent
ouvrières sont prêtes à brader les luttes actuelles pour s'engager
sur le terrain chois! par de Gaulle : le terrain électoral.
Au lendemain des élections, nous risquons de nous retrou-
ver dans la même situation qu'hier ou avant-hier.
Rien ne sera cependant perdu, si l'expérience que vous
venez d'acquérir, jointe au courage et au dynamisme dont vous
avez fait preuve tous ces jours-ci, vous amènent à combattre
pour la constitution en France d'un véritable PARTI OUVRIER
REVOLUTIONNAIRE.
JEUNES,
Nous vous attendons, rejoignez les Cercles locaux de
VOIX OUVRIERE
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Voix Ouvriere
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no.30
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no.30