Analyses et Documents

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Numéro 154
SPÉCIAL ÉTUDIANTS
MAI 1968
analyses
ET
documents
Fiches classées de
Documentation
DE LA LUTTE ÉTUDIANTE
A LA LUTTE OUVRIÈRE
29, rue Descartes, Paris (5e)
MED. 55-20
G- C. P. 18 462 71 Paris

bimensuel
18 Mai 1968
0,50
SPECIAL ETUDIANTS
18 MAI 1968
SOMMAIRE
pape 1 " 7) " 11 " 1? " 19
- L'Université, entreprise rentable : - Les prises de oosition ': - Luttes étudiantes et luttes ouvrières: - Examens et autonomie : - Premières conclusions ;
Le but d'ANALYSES i DOCUMENTS est de fournir aux militants
ouvriers et révolutionnaires :
- une documentation pratique sur fiches, classées en rubriques,
permettant de préparer rapidement un exposé ou un article, en appli-
quant aux faits une méthode dialectique da clarification et d'analyses ;
- un moyen de poser les problèmes concrets et quotidiens de la
politique dans un cadre théorique capable d'en éclairer le contenu et
les perspectives ;
- les éléments, faits et arguments, leur permettant d'en tirer
eux-mêmes les enseignements et le choix raisonné d'un comportement
poli bique.
L'UNIVERSITE, ENTREPRISE RENTABLE -
JEUNES - 290
"Faire de l'Université une entreprise rentable", selon
les mots du recteur CAPELLS, tel doit être le but de l'enseignement
supérieur et la politique délibérément choisie par le pouvoir gaul-
l?ste, à travers la réforme FGUCHET, bien qu'elle ait accumulé des
"maladresses" dans son application, cristallisant ainsi l'opposition
étudiante, n'était pas,elle, une "maladresse" mais bel et bien un
choix dicté par la bourgeoisie. Les dix jours qui ont ébranlé l'Uni-
versité, aujourd'hui plus seulement elle, découlent de la mise en
application du plan de réforme et de la réunion d'éléments plus ou
moins fortuits : rentrée désastreuse en Octobre dernier (exemple :
1500 candidats ne peuvent être inscrits au Certificat préparatoire
des études médicales), discrimination introduite dans les inscrip-
tions aux facultés, démence accrue des examens (exemple : il faut
s'inscrire onze mois à l'avance pour la présentation au mémoire de
maîtrise d'enseignement), avec la promesse de la mise en pratique de
sélections préalables (avs.nt l'entrée en faculté suggère ZAMANSKY,
un an après l'entrée propose .VEDEL).
Dans cette période l'Union Nationale des Etudiants de
France se désagrège. Les bureaux sa font et se défont : les associa-
tions générales qui la forment ne paient plus leurs cotisations, l'or-
ganisation s'est montrée incapable de mobiliser les étudiants sur
quelque mot d'ordre que ce soit. Elle est partagée entre partisans
Imprimerie Spéciale d'ANALYSES & DOCUMENTS
29, rue Descartes - PARIS - Verne.
Le Directeur-Gérant
Jean RISACHES.
LES
J
UNES
DANS
Ï91
de l'aménagement de la réforme FOUCHET, d'un "centre-plan" ou d'une
réforme "démocratique" ; en partisans du dialogue E.VCC les pouvoirs
publics (exemple : dans les colloques ou les comités « Mais aux col-
loques de Caen, d'Amiens, les idées de réforme pédagogiques ou autres
sont ambiguës, l'idée d'autonomie de l'Université n'est-elle pas sou-
tenue par le ministre gaulliste Alain P3YRSFITTE ?) et en adversaires
de tels dialogues. Des années d'expérience ont montré la vacuité d'une
politique fondée sur le dialogue ; l'UNEF dialoguante n'a-t-elle pas
vu le gouvernement financer l'organisation scissionniste qu'il a
suscité, la Fédération Nationale des Etudiants de France ; présente
pour sa cogestion au COPA3 a-t-elle empêché l'augmentation du prix
des repas dans les restaurants universitaires ? Ce sont bientôt les
groupes politiques, majoritaires dans une association, qui impulsent
la lutte morcelée dans leur association, sur leurs mots d'ordre.
Parallèlement, le chômage augmente en France. Cette
année le pouvoir avoue au moins 100.000 jeunes condamnés au chômage,
chiffre loin de la réalité. La "reconversion" professionnelle avec
perte des avantages acquis devient une alternative quotidienne pour
la travailleur. L'afflux d'étudiants prévisible mais impréparés (en
dix ans de 170.00C à 602.000) précipite la misa en application de
barrages vers le supérieur qui vont ainsi faire ressentir directement,
auprès de chaque étudiant, ce que la réforme signifie.
Dans les cités universitaires, sur des mots d'ordre
partant des conditions de vie, lutte contre l'augmentation du prix
du loyer, révision du règlement intérieur des actions s'organisent à
Antony, à Orsay, à Nanterre. A Nanterre l'exemple des étudiants alle-
mands groupés dans le S..D.S, (étudiants socialistes de gauche) suggère
aussi des actions critiques contre l'Université bourgeoise elle-même.
La tentative d'assassinat de Rudi DUTSCKKE, après la manifestation de
Berlin contre la guerre au Vietnam, qui groupe dix mille jeunes, la
lutte des étudiants italiens-, commencent à inspirer les étudiants, déjà
sensibilisés à la résistance contre le plan FOUCHET par les diffé-
rentes minorités politiques d'extrême-gauche.
C'est dans ce contexte qu'à Nanterre des militants
étudiants occupent le 22 Mars la salle du conseil de faculté pour
protester contre les brimades infligées à plusieurs des leurs. Le 26
Mars, le "Mouvement du 22 Mars" tient une assemblée générale à Nan-
terre et décide d'organiser trois journées de lutte anti-impérialistes
(dès le 2 Mai). Les manifestations organisées paraîtélément contre la
guerre au Vietnam, des attentats contre diverses officines américaines
suggèrent à la police un amalgame ; elle arrête Daniel COHN-LENDIT,
cet étudiant qui prit à partie le ministre de la Jeunesse, lors de
l'inauguration de la piscine de Nanterre, et l'interroge douze heures
durant.. Le prétexte est alors les menaces qu'il aurait proférées
contre un étudiant de droite, affilié à la FNEF, Depuis plusieurs
jours, les(petits) commandos d'Occident, mouvement d'extrême-droite,
multiplient les menaces. Le 2 Mai, Occident signe l'incendie du local
de la FGEL (Fédération du Groupe d'Etudes de Lettres) à la Sorbonne.
L'agitation ayant grandi à Nanterre, après l'arrestation de COIIN-BENDIT,
le doyen ferme la faculté des Lettres et fait intervenir la police le
j Max. Les organisations d'extrême-gauche, après les menaces du groupe
A Se D N° 15*f - 18 MAI 196^ - 2
LES JJL.ÏÏ NES DANS LA SOCIETE - 292
Occident de chasser la"racaille bolchevique" du Quartier Latin, déci-
dent de défendre la Sorbonne et leurs services d'ordre se retrouvent
pour un meeting qui groupe quelques centaines de militants. Le recteur
.ROCKS appelle la police : à 16 heures elle entoure la Sorbonne, y
entre à 16 H ^5 * appréhende 590 personnes, immédiatement embarquées
dans des cars (2? seront gardées à vue dans les commissariats). L'ar-
restation des militants dans la Sorbonne provoque les incidents qu'on
sait, immédiatement, spontanément.
LES PRISE S_DE POSITION A TRAVEgS LE DEROULEMENT J)E_ LA LUTTE -
Ve n dr e di j M ai - Meeting à 12 H dans la cour de la Sorbonne. Formation
d'un service d'ordre étudiant face aux provocations fascistes puis,
lorsque le recteur ROCHE appelle la police, face aux policiers et
gardes mobiles. Les étudiants cernés dans la Sorbonne sont embarqués.
La révolte éclate spontanément dans la rue et se prolonge jusqu'à
23 H, La Sorbonne est fermée. Les dirigeants syndicaux et politiques,
et le service d'ordre sont interrogés pendant au moins 2^ heures.
Un ordre de grève des Universités est lancé.'
L'appel au meeting avait été lancé par l'UNEF, JCRj H AU, FER. Les
militants du 22 Mars étaient aussi présents. Soulignons donc que
la révolte a éclaté spontanément à la suitede l'arrestation de>
__
o£.3.nt£__ de _ t£us___ce_s_£r_£uj3e_3i« Notons que pendant ces événements
l'USC, qui n'a pas participé à la lutte, distribuait dans la cour
de la Sorbonne des tracts dénonçant des "groupuscules".
U^E^C ^ : "les responsables gauchistes prennent prétexte des carences
gouvernementales et spéculent sur le mécontentement des étudiants
pour tenter de bloquer le fonctionnement des facultés et empêcher
la masse des élèves de travailler et de passer leurs examens. Ainsi
ces faux révolutionnaires se comportent objectivement en alliés du
pouvoir gaulliste et de sa politique qui nuit à l'ensemble des
étudiants, en premier lieu à ceux dont 1 ' origine est la plus
mo de s te '.'
Le P^CjJF.i. déclarait le même jour : "Certains groupuscules (anar-
chistes, trotskystes, maoïstes, etc..) composés en général de fils
de grands bourgeois et dirigée par l'anarchiste allemand COEN-
BENDIT, prennent prétexte...." (suite, voir U.E.C.).
I-I^A^U^ : "Aujourd'hui, alors que de plus en plus nombreux les étu-
diants progressistes passent d'une protestation qui s'est avérée
vaine à une résistance légitime, le pouvoir lui, passe de l'igno-
rance à la répression brutale".
E.S.U. : "la conférence nationale des étudiants socialistes unifiée
dénonce l'attitude des militants communistes (enseignants et étu-
diants de îiante'rre) qui ont tenté de s'opposer au mouvement."
S.N.E.Snp (F.E.N.) : se déclare "solidaire des étudiants et appelle
les membres de l'enseignement supérieur à la grève générale dans
toutes les Universités".
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LES JEJ NES DANS LA SOCIETE - 293
Samedi k e t D i manche
Mai : La police quadrille le Quartier Latin.
la mobilisation pour le Lundi est
_
Des tracts sont distribués,
préparée .
Lundi 6 Mai : dès le matin : heurts avec la police. A midi : meeting
à la faculté des Sciences. Manifestation riva droite (10.000
personnes environ)» Nouveaux heurts rue Saint -Jacques et Place
Haubert. 18 H 30 : rassemblement à Deniert-Kochereau, marche
jusqu'à St-Germain-des-Prés (20.000). La police charge : 4-22
arrestations.
U^E.F^ (tract) : A l'appel de l'UNEF et du SNF.Sup, 16 heures
durant, "les étudiants manifestent pour exiger la libération de
leurs camarades étudiants ou ouvriers. La police charge : 800
blesséjs" .
Cette manifestation du Lundi répondait non seulement à la ferme-
tiire de la Sorbonne mais aussi aux quatre condamnations fermes
infligées aux manifestants arrêtés Vendredi, et prononcées le
Dimanche en audience de flagrant délit.
Ë-lïLlIîil-L. : "^e S NE S continuera à apporter sa contribution à l'or-
ganisation de la lutte de masse des étudiants et des enseignants
unis aux autres travailleurs et à leurs organisations. Dans l'im-
médiat, le SNES demande instamment la libération des étudiants
arrêtés et la réouverture de la faculté de Nanterre et de la
Sorbonne".
P. G. F. (Humanité) : "On voit clairement aujourd'hui à quoi abou-
tissent les agissements aventuristes des groupes gauchistes,
anarchistes, trotskystes et autres qui, objectivement, font le
jeu du gouvernement... Le discrédit qu'ils jettent sur le mouve-
ment estudiantin, favorise, en outre, les violentes campagnes de
la presse réactionnaire et de l'Q.R.T.F. qui, assimilant à leur
comportement celui de la masse des étudiants visent à isoler les
étudiants des travailleurs et de la population".
FJSJ^ : Déclaration de Michel POURNY (militant de l'UNEF, membre
du Bureau national de la FER) devant la commission disciplinaire
de l'Université de Paris, le Lundi à 11 heures : "Messieurs, je
vous récuse. Je récuse le conseil de discipline. Je récuse votre
tribunal". •
Mardi 7 Mai : Le soir, grande manifestation de 50.000 étudiants et
enseignants de Denf ert-Roche reau à l'Etoile, retour rue de Rennes.
Une seule banderole en té" be : "Vive la Commune" - à l'appel de
l'UNEF uniquement. Alors que l'ordre de dispersion est donné, la
police provoque plusieurs incidents qui feront des blessés. LJ_UNEF
et le SNESup lancent le mot d'ordre de grève illimitée, sur les
points suivants (3 préalables à toute discussion) :
- suspension des poursuites contre les étudiants et ouvriers
arrêtés et condamnés ou interrogés ;
- retrait des forces de police du Quartier Latin, de tous
les locaux universitaires ;
- réouverture des facultés fermées.
A & D
- 18 MAI
LES
2 NES DANS LA SOCIETE - 29k
Uj.Ny^iF.1 (déclaration dans la journée de Mardi) : "Nous condamnons
la sauvagerie policière : utilisation massive de gaz lacrymogènes,
matraquages d'étudiants isolés, de passants, de jeunes filles, de
femmes, passages à tabac à l'intérieur des cars, véhicules fon-
çant sur la foule, etc... Nous ne céderons pas à la répression
atroce dont use le gouvernement et, par son biais, la bourgeoisie
française contre le mouvement étudiant qui prend chaque jour plus
d'ampleur, revendiquant la liberté syndicale et politique et des
réformes progressives de l'Université. L'UNEF appelle les étudiants
à s'élever contre la barbarie en poursuivant la grève engagée et
en participant à toutes les actions des jours prochains".
U.N.E,_F. (tract) : airpel à la manifestation du soir :
"L'administration universitaire et le gouvernement ont créé
volontairement un état de violence inouïe et ils en sont les
seuls responsables... Dans le cas où des mesures précises et immé-
diates seront prises, apportant satisfaction sur ces trois points
et donc retoui" à un état normal, un débat pourra alors s'engager
sur les points suivants : libertés politiques et syndicales à
l'Université, refus des coiurr.irsions de sélection. Dans 1 ' immédiat.. .
grève totale dans tous les établissements parisiens, diffusion de
tracts et du journal de l'UNEF (ACTION) expliquant le mouvement,
son origine et ses prolongements".
F^E.R. (à propos de la journée de Lundi). "Pratiquement jour pour
jour, dix ans après la venue de DE GAULLE au pouvoir, la jeunesse
étudiante et ouvrière dans un combat exemplaire a ouvert la voie
de la résistance * Isolés, les étudiants seront vaincus. Plus que
jarnr.is il importe à l'appel de l'UNEF, que les syndicats ouvriers
et étudiants organisent la manifestation centrale de la classe
ouvrière et de la jeunesse".
i!z.£^.ÇjL il'lii-il. : ^He dénonce les ennemis du mouvement de niasse des
étudiants progressistes : "le pouvoir gaulliste, la clique diri-
geante du P.C.F., les groupuscules trotskystes et anarchistes, la
social-démocratie". Ensuite, dénonce les "faux amis" : J.-A. PENENT
à "Combat".... Guy MOLLET qui utilise les gauchistes étudiants
comme masse de manoeuvre pour faire pression sur le PCF. Quant
au Bureau national de l'UIÎEF "il est balloté par les événements,
désorienté, livré à toutes manoeuvres... Cette gesticulation irres-
ponsable du Bureau national de l'UNEF et des groupuscules trot-
skystes et anarchistes qui le manipulent doit cesser. Les étu-
diants progressistes exigent publiquement du Bureau national de
l'UNEF qu'il cesse immédiatement de faire le jeu des provocations
policières et des manoeuvres groupusculaires qui entraînent le
mouvement étudiant vers un effondrement brutal tel qu'il s'en
est déjà produit à plusieurs reprises dans le passé'1.
Mercredi 8 Mai : L ' UNEF et le .SNESup appellent au meeting de 18 EL ^>0
devant la faculté des Sciences. Réaffirmation des trois peints
fondamentaux. Le SNEG de Paris appelle les professeurs des Lycées
à manifester. GSISHAR et EENARD "nous lançons un appel solennel
au Conseil des ministres. Nous sommes prêts à engager des négo-
ciations. Mais si nous n'obtenons pas satisfaction sur nos
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- 18 MAI 1966
UNES DANS LA SOCIETE - 295
demandes préalables, le gouvernement portera l'entière responsa-
bilité des événements. Libérés par la police ou non, ce soir la
Sorbcnne sera à nous, étudiants et enseignants",
FaE.N* "estime, devant une situation aussi grave qu'il est de
trouver une ouverture
: de la violence aux
De
toute urgence absolument indispensable de
susceptible de mettre fin à cette escalade
conséquences imprévisibles".
Pendrnt ce temps, l'agitation dans les lycées se poursuit,
nombreux C.A.L. se foi-méat.
PEYFui^ïTIE promet la réouverture progressive des facultés à
1'Assemblée.
Le soir, le meeting de la Halle-aux-Vins (faculté des Sciences)
débouche sur un cortège qui s'arrête au Luxembourg (20.000 environ).
Le ralliement des syndicats et partis à la cause étudiante est
dénoncé : "opportunistes", "récupération". Des représentants du
PCF (le maire-adjoint de Kontreuil par exemple) avaient'd'ailleurs
prétendu se placer en tête du cortège au départ de la Halle-aux-
Vins et furent écartés. Le mot d'ordre de dispersion est lancé
par des militants UNEF, SFESup et parmi eux ceux de la FER. Il
provoque surtout la déception, le découragement ; des critiques
fusent contre l'UNEF.
P. S . TJ. - E . S ,Ut : "Que s'est-il passé Mercredi soir
Le mou-
vement a été soumis à diverses pressions qui l'ont conduit dans
une impasse provisoire... le gouvernement tout en tendant aux
étudiants la carotte de la réouverture possible des facultés et
du report des procès et mesures disciplinaires a maintenu ses
forces de police au Quartier Latin... Les forces démocratiques
(PCF et syndicats, personnalités "scientifiques" et une fraction
du corps enseignant - ZAKANSKY -) se sont dans les faits, ralliés
à cette politique en exigeant des étudiants une démonstration
"digne et responsable" pour impressionner le gouvernement et en
donnant comme débouché politique du mouvement la politique des
crédits supplémentaires à l'Education Nationale. Pour nous la
lutte continue. Les S£U appellent tous les étudiants à se struc-
turer dans les comités de lutte de l'UNEF pour obtenir satisfac-
tion totale. Mobilisons-nous pour la manifestation de Vendredi
soir à 18 H 30 à Denfert-Rochereau... l'ouvriérisme ou la fuite
en avant vers une alliance prématurée et sans véritable contenu
politique avec les partis et les syndicats ouvriers ne peut con-
duire qu'à l'affaiblissement des luttes anti-capitalistes à
1'Université".
Mouvement du ?2 K^rs^C.'i^L^ (tract) : "1.000 blessés - 3 morts -
Gaz de combat. Pourquoi ? (...) Dénonçons : - la réouverture des
facultés déciaée dans le seul but de faire passer les examens.
Nous ne voulons pas être les chiens de garde du Capital - le
détournement par les appareils bureaucratiques habituels d'un
mouvement de contestation globale de la société en un simple mou-
vement réformiste s'inscrivant dans le cadre de 1 ' imuiobilisme de
l'Université bourgeoise (,.,.). Nous ne céderons pas au chantage
(...). Nous manifesterons Vendredi 10 Mai à 18 H
a
Denfert".
A & D
- 13 MAI 1963 - 6
LES
J_E_U NES DANS LA SOCIETE - 296
J^C^S.^ : "Et maintenant ?.... Face à la répression, deux dangers
nous guettent : - l'intégration que favorisent ceux pour qui
l'union avec la classe ouvrière serait la liaison avec les bureau-
craties syndicales ; - la sclérose venue de ceux qui voudraient
maintenir un cartel factice dépassé. Comment riposter ? En offrant
des perspectives réalisables et discutées p&r tous les étudiants.
En organisant le mouvement en comites étudian_ts regroupant tous
les militants engagés dans la lutte, comités qui définiront nos
actions futures. Notre lutte ne doit pas s'arrêter".
C^A^L^ (tract pa.ru dans la semaine sans date) : "Le non-sens de
vos études... Le baccalauréat n'est qu'un instrument de la sélec-
tion qui ne vise qu'aux besoins professionnels d'une société qui
se désintéressa de la valeur de chacun... C'est donc bien dès le
lycée qu'on engage votre vie future. La neutralité politique dans
laquelle on vous maintient n'a pour objectif que de vous détourner
de ces problèmes qui vous concernent profondément... Exigez une
information politique de vos professeurs et adhérez au C.A.L.".
Comité; de Défense contre la Répression (de tendance maoïste) :
"La Sorbonne c'est un vieux tas de pierres. Saint-Denis, c'est
des milliers d'ouvriers qui luttent. Les flics peuvent se concen-
trer au Quartier Latin et nous y attendre. Qu'ils viennent dans
les banlieues, qu'ils viennent à Saint-Denis essayer de nous
empêcher ce nous lier aux travailleurs. Nous les attendons avec
les ouvriers (...), Tous à Saint-Denis".
Jeudi 9 Mai : Suite aux déclarations de PSYREFITTE, Nanterre est
rouverte, mais la Sorbonne reste fermée, sous le prétexte d'agi-
te,tion étudiante. L'opinion publique tout entière, surtout après
la meoiifestation sans incidents du Mercredi soir, s'attendait à
voir les facultés réouvertes ("La Sorbonne rouvre" disent les
journaux). C'est l'hypocrisie et la duplicité du gouvernement qui
relance la lutte.
Le matin, l'UNSF et le SNSSup font leur autocritique concernant
l'ordre de dispersion donné la veille au soir.
Meeting spontané place Saint-Michel (épisode ARAGON) en fin de
journée : dispersion.
Le soir : meeting JCR, transformé en tribune libre à tous les
représentants de tout le mouvement. Plusieurs groupes étrangers
interviennent : S.D.S. allemand, Italiens, Tunisiens, J.G.S. Belges,
Young Socialist de Grande-Bretagne, etc... les organisations en
lutte font le point.
Mouv£me_ut_du_22_Mars : Intervention de GOIIN-BENDIT. En résumé : il
faut discuter avec tous les courants révolutionnaires,
En finir
avec le stalinisme. Lutter contre toute tentative d'hégémonie
d'une organisation. Unité dans l'action. Démocratie directe dans
la rue.
U^J^C^MjJj. annonce une proposition unitaire : "La Sorbonne aux
travailleurs" et même propose un échange des locaux de la Sorbonne
avec la caserne des gardes mobiles de Saint-Ouen, d'où "la Sor-
bonne aux C.R.S. (curieux mot d'ordre).
- 18 MAI 19o8 - 7
J
UNES DANS LA SOCIETE - 297
Les dangers qui nous menacent •
-• la social-démocratie ;
- dans la pratique : les trotskystes et sa mar-. cnnette le
Bureau national de l'UNEF ;
- les théories vaseuses (ï-lARCUSE , MANDEL sont dénoncés) qui
essaient de faire croire à l'embourgeoisement de la classe
ouvrière ;
- on veut faire de la classe ouvrière une force d'appoint.
C'est la classe ouvrière qui est l'avant-garde des luttes.
Le vrai révolutionnaire est celui qui se lie aujourd'hui
aux ouvriers."
:U;,p£nee _d3_CCHN-BSNTIT : "Je m'en fous des appréciations de
l'UJC-i-iL ou autre sur les groupuscules."
J.C..R.. : un membre du Bureau national étudiant à Nanterre. Notons
COUN-BENDIT se déclare en accord avec cette intervention que nous
résumons sauf sur le problème du Parti : "II faut réfléchir, pen-
ser aux perspectives, discuter dans l'Université de tous les choix
de la bourgeoisie. La classe ouvrière reste l'élément historique
qui renversera le capitalisme à l'échelle mondiale. Ln. politique
syndicale est un frein. Les problèmes qui se posent actuelle nient
sont : absence de direction et d>-,: iijne - si on les pose mainte-
nant ils risquent de briser le mur - . -r^nt, - il faut nett"e en avant
des thèmes d'accords valables pra^ te us ; tr^vcr d.:s fermes de
lutte. L '"Université critique" doit être un procfcssus de contes-
tation permanente. Il faut avoir pour objectai une organisation
révolutionnaire générale car, 1 ) il n'est pas question de se mettre
à la remorque des directions syndicales ; 2) la classe ouvrière
est classe quand elle s'oppose en tarit que telle au patronat. En
l'absence d'un parti révolutionnaire, les vrais révolutionnaires
sont ceux qui se battent avec la police. Les groupes d 'avant-garde
correspondent à des courants révolutionnaires mondiaux. Ils doi-
vent actuellement respecter la ligne des autres, corriger la leur
on collant au mouvement de masse.
Les tâches : 1) lutter contre la répression et la menace de récu-
pération,
2) faire des progrès théoriques,
3} créer des comités de lutte pour la propagande et
l'explication dans les quartiers,
4) se structurer dans des lieux précis, créer un
épicentre : la Sorbonne, Nanterre, etc..,
5) faire une politique extra-parlementaire : créer
des conseils étudiants à Paris et Nanterre."
F. g .R. : elle appelle à la grève générale, à la manifestation
centrale des jeunes et jeu:».es ouvriers. Elle pousse à organiser
des comités de grève pour donner l'exemple. Elle appelle aussi à
lutter pour l'ORJ (Organisation Révolutionnaire de la Jeunesse)
à construire dans le combat ur*e direction révolutionnaire des
luttas et à la constitution d'un comité national de lutte.
poursuites.
Appelle à exiger la levée des sanctions, l'abandon des
A & D
- 18 KA.I 1968 -
8
DANS LA SOCIET
- 298
P^C^Xi. : dénonce (en demandant de soutenir les 3 points) les
aventuristes dont les conceptions n'ouvrent aucune perspective
aux étudiants.
Toujours pendant le meeting JCR, un militant en son nom personnel
(en fait PENINOÏÏ du M_._A_,_II_._) : "Heureusement que le gouvernement
n'a pas reculé hier sinon nous allions reculer. Nous ne sommes
pas organisés c'est pourquoi toutes les récupérations et compromis
sont possibles. Trouver un comité central de grève ne sert à rien.
L'UNEF est là pour ça. Il faut des comités à la base pour orga-
niser l'unité à la base, dans l'action mais surtout p_our l' action.
ILL^^y^Z^. : ^os militants se mettent à votre service. Nous leur
avons lancé le mot d'ordre : "Rejoignez les étudiants sur le pr.vé".'
Il faut que les étudiants viennent dans les usines. Nous laissons
nos cellules à votre disposition. Les permanents du PCF trahissent
la lutte.
2i£_i±Lr. (Condorcet) : Nous irons à Denfert demain Vendredi. Nous
créerons des CAL et appellerons à la grève.
CVA_._L._ (Lr.voisier) : propose "d'agir tout de suite auprès des
travailleurs et dans les quartiers pour briser l'isolement du
mouvement étudiant et lycéen..."
Un membre de la Fédération O.G.T. Métallurgie : II faut défendre
l'TJMEF, défendre le droit de tendance à l'ÏÏNSF. Il faut un Congiès
national de l'UNEF. Créer en même temps des comités de grève. Au
lieu d'aller à Denfert : aller à la Bourse du Travail. Sinon, on
débouche sur rien, ou sur la démobilisation. Demandons à la FER
d'annuler son meeting.
Vendre di_1^0 j-îai : Le meeting de la F.E.R. se déroule malgré la mani-
festation à Denfert, malgré les communications qui préviennent
la tribune de ce qui se passe au Quartier Latin : les barricades,
le bouclage du quartier, la tension qui monte. Le meeting, après
minuit, se rend cortège aux barricades au cri de "500.000 tra-
vailleurs Lundi au Quartier Latin", essaie de lancer le mot
d'ordre de dispersion qui est très mal accueilli, et décide de
faire quitter les lieux à ses militants.
Conclusions de ce meeting : 1 ) il faut qu'à l'appel de l'UNSF
(tract) se constitue un comité national de grève coordonnant les
activités clés différents comités de grève pour faire céder le
pouvoir sur la totalité des revendications ; 2) pour que dès le
Lundi 13, travailleurs et étudiants manifestent coude à coude
dans le coeur du Quartier Latin : 3) •«• "Vive la grève générale
des ouvriers et des étudiants ordonnée par les directions des
centrales syndicales. Elisons nos comités de grève."
Nuit du 10 Mai. : Diverses "négociations" s'engagent entre GSISMAR,
COHN-BENDIT et SAUVAGEOT d'une part, et PEÏREFITTE et FOUCHST
d'autre part, par l'intermédiaire de Radio-Luxembourg ou du rec-
teur ROCHE, sous la menace de l'occupation du Quartier Latin.
"Le nettoyage" du Quartier Latin. Après l'échec de ces négocia-
tions, plusieurs centaines de blessés, d'arrestations.
A & D 15if - 18 MAI 1968 - 9
LES J E ïï ïï E S DANS LA SOCIETE - 299
_Samedi_J ! !'o,i : 0:;xlre de grève générale pour Lundi 1J • Annulation de
la manifestation unitaire prévue pour le î.l^rdi 14. Ordre lancé
par CGT, CFDT, à la suite de difficiles discussions avec l'UÎÏEFj
FO s'y rallie plus tard,
Dimanche 1 2 Mai : Discussions entre l'UKEF, SNESup et les syndicats
ouvriers, sur la direction de la manifestation prévue le 1J Mai :
Gare de l'Est - Quartier Latin ou sens inverse. Appel commun de
l'UlTEJT, SNESup, CAL, Mouvement du 22 Mais :
"Le combat continue.
"La sauvagerie de la répression et l'atrocité des moyens utilisés
dans la. nuit du Vendredi à Samedi, ne peuvent rester sans réponse»
La journée du 13 liai 1968, doit être l'occasion d'une protesta-
tion populaire vaate r3.ssem"blant étudiants, enseignants et tra-
vailleurs .
L'U.IT.E.F. rappelle ses revendications d'une libération et d'une
amnistie de tous les manifestants étudiants, ou non, Français
ou étrangers. La manoeuvre du pouvoir visant à séparer les étu-
diants des travailleurs, visant à faire porter la responsabilité
des événements sur les groupuscules entraînés à la guérilla, nous
fera pas arrêter notre lutte "bien au contraire. Wous sommes soli-
daires de tous ceux qui ont résisté, violemment ou non, à l'at-
taque sauvage de la pclice. Les tentatives de division n'auront
de succès.
Enfin, l'U.N.E.F. tient à souligner qu'en aucun c?,s il ne peut
être question d'un retour pur et simple à If. situation antérieure,
Les atrocités policières ne peuvent s'effacer aussi facilement.
La mobilisation en commun, sans précédent, des étudiants, des
enseignants et des jeunes travailleurs, ne doit pas rester sans
lendemain.
Elle devrp , en particulier, déboucher sur la mise sur pied de
formes nouvelles d'organisation correspondant au cpr-actere nou-
vepu des luttes qui ont été menées.
Pour les étudiants, l'action engagée doit déboucher sur une cri-
tique radicale de l'Université, sur la remise en cause de l'Etat
dont lr nature policière est apparuo . "
Lundi 1 3 Mri : La manifestation, à Paris, regroupe près de 1.000.000
d' étudiants et d'ouvriers ; en province, plusieurs dizaine de
milliers. Les mots d'ordre s'affrontent,
Le soir même, les étudiants reprennent possession de la Sorbonne.
•x- -x-
*
A & D 154
18 MAI 1963 - 10
LES J E ïï 1! E S DAITS LA SOCIETE - 300
LUTTES ETUDIANTES ET LUTTES OUVRIERES -
La grève générale du 13 Mai.
La lutte des étudiants a bousculé les directions syn-
dicales et politiques traditionnelles, au point de les obliger à pr«n-
dre, en quelques heures, une décision de grève générale. Elles étaient
obligées, en effet, de prendre cette- décision de portée politique et
n-an revendicative, à moins d'avaliser une politique de force du pou-
voir gaulliste qui se serait tout de suite retournés contre elles.
Du même coup, cette décision rcmettpit en cause, beaucoup plus que
leur attitude vis-à-vis du mouvement étudiant : leur propre stra-
tégie vis-à-vis du pouvoir gaulliste.
La grève générale du 13 Mai 19&8, c'est, en effet, la
première grève générale depuis dix ans, exactement depuis le 28 Mai
195&« Mais cette dernière,qualifiée à l'époque d'enterrement de 1ère
classe, inaugurait une longue série de grèves symboliques sans aucun
effet pratique, sinon d'anesthésie vis-à-vis des travailleurs. Ainsi,
la grève du 17 Mai 19&7? "interprofessionnelle" pour les uns (CGT),
"généralisée" pour les autres (FEN). Cette dernière expression donne
le ton dérisoire qui convient. Car c'est "bien une dérision de faire
semblant de mobiliser les travailleurs, tout en faisant en sorte que
cette mobilisation n'ait pas vraiment lieu. Toute une façade de faux
prétexter, s'est écroulée le 13 Mai 196'8. Faux prétexte, celui de la
nécessité des luttes partielles, pour préparer les luttes d'ensemble :
sans aucune préparation d.ans les entreprises, l'ordre de grève a été
donné le Samedi pour le Lundi. Faux prétexte, celui de la difficulté
de trouver des mots d'ordre communs à tous l'es travailleurs : tous
les travailleurs étaient conscients, le 13 Mai, d'avoir à faire la
démonstration que la répression policière - celle de Caen comme celle
du Quartier Latin - n'a.urait pas raison de leur force. Les travailleurs
n'ont pas manifesté par un quelconque sentiment humanitaire. La soli-
darité qui les a soudés est une solidarité de classe, face à l'Etat
répressif.
Faux prétexte, celui de la difficulté de mobiliser
ensemble travailleurs du secteur public et du secteur privé. Balayé,
le respect des organisations du secteur public pour le préavis légal
de cinq jours ; le S.W.E.Sup. ayant donné l'exemple des le début, et
ignoré les timides remontrances du gouvernement. Faux prétexte encore,
les difficultés inhérentes à la pluralité syndicale : la F.E.îT. se
voyait obligée de faire grève avec le S.G.E.iT, (CFDT) ; F.O. elle-même,
déchirée, prenait le train à la toute dernière minute avec la C.G.T. :
elle ne pouvait tout de même pas faire moins que la C.G.C.. Dernier
"bastion" ; la C.F.T.C. maintenue, qui reste ainsi tout à fait dans
îes traditions du syndicalisme chrétien.
Mais il faut faire un historique de la révision déchi-
rante des directions syndicales.
A & D 154
18 MAI 1968
11
LL;
J K b îT E S DANS LA SOCIETE - 301
Ce qu_'ét_aie_nt__l_es^ perspectives de la G.G.T.
A 1'origine, la CCT et la CFDT avaient décidé, au cours
de rencontres des 23 et 27 Avril, une journée d'action peur le 15 Mai,
pour l'a": rogation des ordonnances d'Août 19&7 sur -'-a Sécurité Sociale.
Neuf mC'ic av lient donc été nécessaires pour organiser la riposte qui
ne comportait pas de mots d'ordre précis d'arrêts de travail, mais
des rassemblements, des pétitic-ns, des délégations -Auprès des auto-
rités locales et frr?tout à 1 'Assemblée Nationale. Dans l'esprit des
organisateurs, ce devait être le plus important. En effet, la FGDS
avait pris l'initiative de déposer une motion de censure contre la
politique économique et sociale du gouvernement pour le 13 Mai, à
laquelle le PC devait s'associer bien qu'on ne lui ait pas demandé
son avis. La motion ne pouvait d'ailleurs être déposée que le 14,
l1Assemblée ne piégeant pas le Lundi 13• Les travailleurs étaient
donc appelés moins à se mobiliser qu'à appuyer l'opposition parlemen-
taire, dans un débat sans lendemain. Notons aussi que des manifesta-
tions pour l'emploi devaient précéder cette journée d'action, d-ns
les régions les plus touchées par le chômage : le 8 Mai dans l'Ouest,
le 11 dans le Nord, le 13 dans l'Est, On permettait ainsi aux travail-
leurs d'exprimer leur combativité, ce qu'ils firent notamment dans
l'Ouest, mais en les confinant dans des actions régionales.
Le 1er Mai, la CGT et le PCF organisaient, pour la pre-
mière fois depuis 1954, un défilé de la République à la Bastille,
SEG-UY avait demandé au ministre de l'Information le droit d'exposer
à l'O.K.T.F. les raisons qui "déterminent les travailleurs français
à donner cette année à la fête du 1er Mai un éclat exceptionnel".
L'éclat eut lieu dans la manifestation : une bagarre opposa le service
d'ordre à des "éléments trotskystes, pro-chinois et anarchistes, dont
certains brandissaient le drapeau noir en réclamant "un gouvernement
ouvrier"." (Le Monde du 3/5/6a).
Le s organi s a tions tr adi tionne11es et le g gr o apus cules.
Le 2 Mai, GBAPPIN suspendait les cours à la faculté de
Lettres de Wanterre et six étudiants de cette faculté, dont COHN-BEïIDIT,
étaient déférés au conseil de discipline de l'Université de Paris. C'est
C?..?our m^Tne Çue le Pc continuait (car elle est ancienne) en l'inten-
sifiant, sa campagne contre les "groupuscules". "L'Humanité" du 3 Mai
publiait un vicient article de MARCHAIS dont nous extrayons un passage
significatif :
"Non satisfaits de l'agitation qu'ils mènent dans les
^milieux étudiants - agitation qui va à 1'encontre des intérêts de la
"masse des étudiants et favorise les provocations fascistes - voilà
"que ces pseudc-révolutionnaires émettent maintenant la prétention de
"donner des leçons au mouvement ouvrier. De plus en plus on les trouve
aux portes des entreprisos on dans les centres de travailleurs imni-
"grés distribuant tracts et autre matériel de propagande,
"Ces faux révolutionnaires doivent être énerg.iquerent
^démasqués car, objectivement, ils servent les intérêts du pouvoir
"gaulliste et des grands monopoles capitalistes."....
A & D 154 - 18 MAI 1968 - 12
LES
ïï NES DANS LA SOCIETE - 302
Le même jour, c'est l'intervention des forces de
police à la Sorbonne, l'arrestation des militants présents au meeting,
suivie de la première explosion des étudiants au Quartier Latin et
des premières scènes de répression. Pourquoi se gêner : le P.C. invite
à "combattre et isoler complètement tous les groupuscules gauchistes".
Le gouvernement a les mains libres.
. La répression de Vendredi et de Lundi ne change rien
à l'attitude du P.C.F.. Hardi 7 Mai, c'est SEGÏÏY qui, au nom de la
CGT apporte son pavé (en présentant à la presse le programme du Fes-
tival des Jeunes Travailleurs, prévu du 17 au 19 Mai et annulé par la
suite). Après avoir affirmé que : "La solidarité entre les étudiante,
les enseignants et la classe ouvrière est une notion bien connue de
tous les militants de la CGT" il continue en donnant une forme curieuse
à cette solidarité :
"C'est une tradition qui nous incite justement à
"n'avoir aucune complaisance envers les éléments troubles et provo-
"cataurs qui dénigrent la classe ouvrière, l'accusant d'être embour-
geoisée et ont 1'outrancière prétention de venir lui inculquer la
héorie révolutionnaire et diriger son combat."
"
Ces phrases ont été prononcées moins d'une semaine
avant la grève générale du 13 l*îai. Auprès d'elles, les réactions des
autres organisations paraissent faibles. Elles valent pourtant d'être
citées,.par référence aux virages postérieurs.
Le SGEN (CFDT) "--- réprouve les appels à la violence
"des organisations fascistes, mais il refuse toute solidarité avec les
"groupes dont l'action incohérente compromet une véritable réforme et
"paut populariser la politique gouvernementale de sélection."
La Confédération CFDT emploie le même langage :
Le bureau confédéral de PO "... déclare réprouver
"les excès ds meurs irresponsables et les violences qui en résultent..."
La F.G.D.S. a pris le vent : son groupe parlementaire
déclare prudemment, le 7 Mai, pensant en tirer un avantage politique
contre le gouvernement : "Quelle qu'ait pu être l'appréciation de ses
"membres sur l'attitude antérieure de tel ou tel groupement d'étu-
diants, le groupe PGI'S demande un débat immédiat sur l'ensemble des
"problèmes posés par les derniers événements..."
Quant à la F.E.N., elle ne dit rien jusqu'au 8 Mai,
pensant sans doute qu'elle n!a pas à intervenir, puisque les événements
ne concernent qu'un de ses syndicats constitutifs. Par contre, le
S.H.E.S. (second degré) condamne, dès le 6, la répression policière,
sans restriction, affirmant sa volonté d'-"apporter sa contribution à
'"'l'organisation de la lutte de masse des enseignants et des étudiants
"unis aux autres trav?illeurs et à leurs organisations."
Mais la seule organisation à apporter sa solidarité
active aux étudiants, c'est le S.R.E.Sup. (enseignement supérieur),
qui annonce le 8 un ordre de grève commun avec l'UKEF, et qui restera
dès lors à ses côtés dans la lutte, assumant à la fois, d'une manière
concrète, ses responsabilités pédagogiques et politiques.
A & D 154 - 18 LIAI 1968 - 13
LES JEUN E S DANS LA SOCIETE - 303
Le 8 Mai, si le PCP continue à fustiger "les agissements
aventuristes", il reprend aursi les '3 points de l'UîTEP et du SNESup,
tout en les attribuant à l'UEO ("le parti oonmuniste appelle les tra-
vailleurs et tous les Démocrates à agir avec lui et l'Union des Btu-
di ants C ommunis te s"...).
Le même jour, le "bureau de la CGT se solidarise purement
et simplement avec les é" tudir.it s et les enseignants et reprend les
3 Doiats, De même la, CFDT, qui va un peu plus loin en "assurant
l'UNEP de son soutien", Lp violence de la répression a fait son effet:
les organisations syndicales doivent exprimer concrètement leur soli-
darité, sous la pression de la "base.
La P.E.N. attend le 10 pour prendre position, c'est-à-
dira le lendemain de la "promenade" aux Champs-Elysées, dont elle
loue le "sérieux" et la "maturité". Elle demande des "mesures d'apai-
sement" et annonce une collecte pour le soutien de l'UNSF. Le SÎTI en
fait autant. Le SNES (secondaire) va plus loin, menaçant d'une grève
("y compris éventuellement avec l'ensemble de la FEN" ce qui est un
peu lui forcer la main). Il propose une "manifestation nationale qu'il
"souhaite commune aux organisations représentatives des étudiants,
"enseignants et travailleurs dans les jours prochains." Le SNES
(secondaire) ne va pas jusqu'à décider la grève ; il faut respecter
Ie3 formes légales, le préavis de 5 jours... Le tournant est pris.
Extension ou récupérâtjor de^ lutter ouvrières.
Puis, c'est la nuit du 10 au 11 Mai, les "barricades, le
déchaînement inouï des forcer répressives. La CGT réagit en début de
matinée par une déclaration de SEGUY :
"La CGT appelle les travailleurs à protester dans l'unité
"et avec la vigueur qu'imposé la situation contre l'attitude du pou-
"vcir et à préparer activement une puissante riposte populaire, déci-
"dée par les organisations syndicales ouvrières, d'étudiants et d'en-
"seignants. Elle leur propose à cet effet de tenir une réunion d'ur-
'gence,
Bourse du
Cette réunion a lieu le Samedi 11 Mai
Travail. Elle réunit les dirigeants de li
à 9 heures à la
CGT, de la CFDT,
de la F'Eîï ainsi que G3ISMAR, secrétaire-général du SNESup et MONTASSI2R,
trésorier de l'UNEP, A midi, la grève générale est décidée pour le
Lundi 13. On n'ira pas jusqu'à publier un communiqué commun (la FEIT
ne peut signer un texte qui serait également signé ppr le SGEN (CFDT).
La CGT et la CFDT publient donc un appel commun : "... Eslte à la
répression. Liberté, démocratie ! Vive l'union drs travailleurs et
des étudiants !", la PEN publiant un texte séparé.
Soulignons qu'an cours dos combats de la nuit, COM-BEîTDIT
avait appelé à la grève générale sur les antennos de rrdio. Quant à
FO, elle annonçait encore Vendredi soir qu'elle ne participerait pas
aux manifestations du 14 Mai (d?te prévue par la CGT et la CFDT avant
la soirée de Vendredi) "aux côtés d'une organisation politique, la CGT,
A
D 154 - 18 MAI 1968 - 14
LES JEUNES DANS LA
CTE -
"que la majorité des étudiants a sévèrement ju,~'ée... et dont la souci
"exclusif est de noyer les revendications légitimes des étudiants au
"
profi
la réalisation de ses propres objectifs politiques." PO
devait tout de même se rallier
la soirée.
la grève générale, le Samedi 11 dans
Notons une dernière tentative gouvernementale pour
couper court à la grève. Avant 10 heures, alors même nue les diri-
gea.nts syndicaux étaient réunis, l'A.P.P. diffusait une note offi-
cieuse disent :
"On déclare ce matin dans les nilieux gouvernementaux
"français, voire dans les manifestations de cette nuit au Quartier
"Latin, l'intervention de forces hostiles au retour
la paix, alors
"que se déroulent à Paris les pourparlers sur le Vietnam entre Améri-
"cains et Nord-Vietnamiens."
Liais ce clin d'oeil au PCF ne pouvait plus servir à
rien : la dynamique de la riposte ouvrière était engagée. Il ne res-
tait plus au gouvernement qu'à reculer à toute vitesse, pour ne pas
paraître céder à la "pression de la rue", ce que faisait POMPIDOU le
soir même. Cette intervention elle-même était trop tardive pour faire
revenir les centrales syndicales sur leur décision. Dimanche à 2 H
du matin, la CGT confirmait l'ordre de grève, de même que les autres
organisations.
Toute la journée de Dimanche, les représentants de
l'UNEF et du SKESup l'employèrent à obtenir des organisations syndi-
cales qu'elles changent l'heure et l'itinéraire de la manifestation.
Prévue pour 18 H J0> de la Place Saint-Michel à la Gare de l'Est, elle
fut reportée à 15 H, de la Gare de l'Est et République à Denfert-
Rochereau. Ainsi, la manifestation passerait .vi Quartier Latin à une
iiexxre rais^nrable, ce qui renda.it possible un certain nombre de débor-
dements .
La grève générale ne doit pas être portée seulement
au crédit du courage physique des étudiants - ce qui ne serait déjà
pas si mal - mais surtout à la conscience très claire qu'ils avaient
de la nécessité de la jonction avec la classe ouvrière.
Mais aussi les organisations traditionnelles ont été
bouscujées, elles n'ont pas pour autant, ni changé d'avis suz' les
"groupuscules", ni modifié leur programme de "démocratie véritable".
Dès le lendemain de la grève générale, le bureau politique du PCP :
"... met les travailleurs et les étudiants en garde contre tout mot
"d'ordre d'aventure susceptible, dans les-conditions actuelles, de
"disloquer le large front de lutte qui se constitue..."
C'est aussi le syndicat CGT-RENAULT qui publie un
tract le 17 pour s'opposer à la marche des étudiants sur Billancourt,
voulant à tout prix séparer le front uni étudiants-travailleurs, qui
risque de lui faire perdre le contrôle de l'extension extraordinaire
des mouvements de grèves avee occupations d'usines, qui s'étend à la
France entière, d'heure en heure, à partir de Nantes, en passant par
Renault-Cléon, Renault-Plins, Renault-Billancourt, etc... :
A & D 154 - 18 MAI 1908 - 15
LES J E ïï NES DA^IS LA SOCIETE - 505
"Jous soiiiciûs opposés à toute initiative inconsidérée
"qui pourrait comprorue G b:-_%e notre mouvement en plein développement et
"faciliter une provocation amenant une intervention gouvernementale,
"tous déconseillons vivement aux initiateurs de cette marche de main-
tenir cette initiative. Nous entendons, avec les travailleurs en
"lutte pour leurs revendications, diriger notre grève et nous nous
"refusons à toute ingérence extérieure conformément à la déclaration
"commune des trois syndicats OGT, CFDT, FO, qui a été approuvée ce
"matin par 25.000 travailleurs de l'usine au cours d'un meeting."
Les syndicats FO et CFDT RENAULT, par contre, avaient
acctieilli favorablement la marche sur Billancourt, d---ns l'espoir de
la coiffer. Citons pour ne laisser aucun doute à ce sujet un tr-nct
distribué devant la Sorhonne par la CFDT, au moment du départ des
étudiants vers Billancourt, le 17 Mai à 17 Heures, disant notamment :
"La lutte des étudi?.nts pour la démocratisation des uni-
"versités est de même nature que celle des travailleurs pour la démo-
"cratie dpns les entreprises."
La démocratie dans les entreprises, par la reconnaissance
de la section syndicale d'entreprise et autres organismes de collabo-
ration de classes, voilà la voie de garage vers laquelle les étudiants
et les travailleurs sont appelés à s'engager, voilà les mots d'ordre
par lesquels s'affirme la volonté de récupération du mouvement des
étudiants nomme de celui des travailleurs. Les rôles se répartissent :
à la CFDT les tentatives de récupération, à la CGT et au PCF les ten-
tatives d'étranglement. "Tout le problème, pour les états-majors syn-
dicaux qui prennent le "train en marche" est de savoir s-ils pourront
longtemps continuer à jouer le rôle de serre-fteins." (Les Echos du
17 Mai).
C'est dans ce contexte que les étudiants et les travail-
leurs doivent continuer leur action. La radicalisation accélérée des
luttes, des jours derniers, sera difficilement contenue par les ap-
pareils. Mais il ne faut pas se faire d'illusions, les appareils ont
encore des moyens divers et efficaces à leur disposition, pour dévier
les luttes vers un gouvernement FGDS qui serait, pour la "bourgeoisie,
le seul moyen de s'en tirer, -au cas eu le rapport de forces ne permet-
trait plus à DE GAULLE de faire jouer la répression.
Le 17 Mai, la rédaction de° "Echos" lançait un avertis-
sement solennel au pouvoir. Considérant que "la France ne peut pas
s'offrir le luxe d'une crise sociale majeure", elle estime, "à une
heure grave" que "la fermeté des convictions et des attitudes est
tou.icuis préfératle au désarroi et à la passivité ; ella peut et doit
éviter jusqu'à la limite du pcssinle le déchaînement de la violence."
Eviter le désordre à tout prix, "quel que soit le gouvernement de
demain", tel est l'avis de la Lourgeoisie industrielle.
A & D 154 - 18 MAI 19é8
16
JEU h E S DA\TS LA SOCIJ PE -
;C6
EXAiHMS ET AUTONOMIE -
Le problème des examens reste pou:- un grand nombre
d'étudiants le problème numéro un, notamment pour les moins politisés,
encore assez nombreux, qui attendent avant tout un,-.- décision concernant
leur situation immédiate. Cela explique que In. rad:" o et la presse ex-
ploitent cette question, et insistent sur les mots
systématique proposé par certains, sachant bien qu
étudiants né suivent pas
d'une aventure.
cette position "dure" et t'en méfient
'ordre de boycott
la majorité des
comme
Notons que ceux qui, dans les premiers jours de l'occu-
pation des facultés, ne venaient que dans le but de connaître la date
de leurs examens ont maintenant compris que ce n'est plus un problème
à l'ordre du jour. La majorité des étudiants et des enseignants tombent
d'accord pour refuser les examens sous leur ferme traditionnelle. Sui-
vant les disciplines, ils se séparent sur l'échéance de ces examens
modifiés : report de .quelques semaines ou bien à la session d'automne.
En ce qui concerne le boycott systématique il faut
distinguer entre deux motive tiens assez différentes : les militants du
Mouvement du 22 Mars, avec COH1Î-BEND1T, se sont'd'abord attaqués, à
travers les examens, au symbole de la société hiérarchisée. Le refus
des examens apparaissait comme un fer de lance de la lutte libertaire
contre la société oppressive. Devant l'importance de la question dans
l'esprit de la masse des étudiants, le 22 Mars a depuis lors cherché
à gagner du temps, dans l'attente des propositions d'autres groupes,
notamment l'UKEF. D'autres militants révolutionnaires, la FER par
exemple, voient dans le problème des examens une question démobili-
satrice qui risque de détourner les esprits du combat politique inau-
guré dans la lue.
La position de l'Union des Etu.dia.nts Oommunistes et
de quelques autres serait de repousser les examens de quelques semaines,
sous prétexte que certains étudiants ont besoin, immédiatement, de
leurs diplômes (ceux qui doivent retourner à l'étranger, les sursi-
taires, etc...). Or, une telle position présente un risque certain de
démobilisation : une fois leurs examens passés, de nombreux étudiants
partiront en vacances et le mouvernenc sera désamorcé.
La position de l'Union Nationale des Etudiants de
France est la suivante :
"1 - Le boycott des examens traditionnels qui ne servent qu'à
"éliminer les étudiants à partir d'un esneignement qui a fait faillite 5
"une première synthèse des débats permet de formuler les principes
"suivants :
a) il n'est pas question de faire payer aux étudiants les
"frais de la contestation des examens. Cela veut dire qu'il n'est pas
"concevable qu'ils perdent le bénéfice de leur année, qu'il n'-est pas
"concevable non plus que des examens lèsent les militants qui se sont
"battus alors que les autres restaient tranquillement chez eux ou les
"étudiants blessés, par rapport à ceux qui se portent bien.
A & D 154 - 18 MA.I 1968 - 17
LE: J__-_U N E S BA;;S LA SOCIETE - 307
"Etant donné oue la remise en cause des examens est liée à un
"changement total d ;• l'enseignement, c^la veut dire que toute discus-
"sion sur le contre'e de? connaissances lui est subordonnée. Ce qui
"compte dans les circonsbances présentes, c'est :
"- le contrôle par les étudiants de toute procédure
"d'examen ou d'autr. moy n de délivrance des diplômes ;
"- le changement dans un certain nombre de domaines du
"contenu d'éventuelles épreuves ;
"- le c -ntrôle de toute décision psr les étudiants.
"b) II n'est pas question de laisser fr>ire les examens et
"concours nationaux dans leiir forme habituelle :
"- nous proposons la transformation du concours du CAPES
"en examen : cela veut dire que l'on ne tiendra pas compte du contin-
"gentement prévu des postes ;
"- pour le baccalauréat : il n'est pas concevable que le
"baccalnuréat ait lj-eu sous sa forme traditionnelle. Au minimum nous
"proposons que les lycéens puissent exercer un pouvoir de contrôle et
"que tous les candidats puissent passer l'oral."
LJ/yu. t onomi e d e 1 ' Unir er s± + é .
Quant an problème de l'autonomie, l'UKEF le 17 Mai en
.dit ceci : "Sans pouvoir étudiant l'autonomie est un leurre puis-
qu'elle revient à donner l'autorité aux mandarins qui nous gouver-
nent. Par concre, s-ans autonomie, le pouvoir étudiant est un leurre
puisque le gouvernement et l'administration gardent des moyens consi-
dérables de contrôle. L'autonomie cela veut dire que toutes les déci-
sions prises par des étudiants en liaison avec des enseignants sont
immédiatement applicables."
Il n'est pas surprenant que l'autonomie soit proposée
comme mode d'organisation de l'Université et des laboratoires de
recherches : elle semble être un antidote à l'autoritarisme centra-
lisateur croissant pratiqué par les ministres de l'Education Natio-
nale et des Finances.
Le centralisme est ressenti comme le mode d'organisation
par le pouvoir bourgeois, de la formation de cadres en quantité et
qualité répondant aux besoins de la production capitaliste.
L'autonomie de l'Université a été dès lors perçue comme
un mot d'ordre de lutte contre cette subordination de l'Université.
La seule autonomie et le seul pouvoir que les étudiants
pouvaient espérer dans le c^dre de l'état bourgeois sont ceux qu'ils
ont conquis en obtenant, avec l'appui de la classe ouvrière, l'éva-
cuation des forces de police et l'occupation des facultés.
Au-delà, la question de l'autonomie représente une diver-
sion p?r rapport aux véritables problèmes, en ce qu'elle ignore déli-
bérément la loi de l'offre et de la demande qui régit la catégorie
sociale des universitaires comme les autres travailleurs dam le
système capitaliste, C'est pourquoi le pouvoir n'est pas hostile à
A & D 154 - 18 Ma! 1968 - 18
r
*
LES
B II ïï E S PANS LA SOCIFTE - 308
fe
t
l'atitonomie car il conduirait p.utomatiquement les etuc.ir.nts à faire
eux-mêmes la sélection contre laquelle ils se sont justement révoltés.
Cette conclusion s'applique tout spécialement à la
question des examens.
Pré %*
PREMIERES CONCLUSIONS -
Jusqu'au 13 Mai, la démocratie directe des dizaines
de milliers d!étudiants unis dans leur opposition au-pouvoir gaulliste
et à ses C.E.S., s'est révélée une arme révolutionnaire efficace. A
partir du 13, les facilités sont ouvertes aussi aux étudiants timorés,
inorganisés ou franchement réactionnaires. La démocratie directe qui
s'exerce avec eux dans les amphithéâtres ne mène qu'à la confusion ou
à la récupération par le pouvoir ou le P.C.P.. La nécessité d'une
organisation devient instante ; le Mouvement du 22 Mars, sans effica-
cité, se racrtro incapable de jouer le rôle organisateur dans cette
phase nouvelle.
Les mouvements les plus structurés, UJCML et FER, le
premier en insistant d'emblée sur la nécessité d'aller dans les quar-
tiers ouvriers et en minimisant la lutte étudiante, la seconde en appe-
lant dès le Mercredi 8 à la dispersion de la démonstration et à une
manifestation centrale des travailleurs et des étudiants', n'ont pas pu,
à l'échelle du Quartier Latin, organiser dans des structures politiques
fermes les éléments décidés à pousser plus loin le combat. L'inorga-
nisation prolongée d'un grand nombre d'étudiants liée également à
l'absence d'une organisation syndicale centrale, réellement représen-
tative, dans une phase où la spontanéité cesse, d'être un facteur posi-
tif en soi, pèse lourdement sur la suite du processus engagé.
En effet, l'UITEF et sa direction ont une lourde part
de responsabilité en s'étant pratiquement refusé à appeler au renfor-
cement de leur propre organisation, et en ayant accepté de subir passi-
vement le,°. critiques à l'égard des anciennes directions et d'er.coura-
ger ainsi les tentatives anti-syndicales de toute nature.
Certes?, l'attitude du PCP et de l'TJEC du 3 au 6 Mai
et même après, ont démontré, par les réactions violentes qu'elle a
suscité, que le besoin de la constitution d'une direction révolution-
naire est manifeste en milieu étudiant, comme en milieu ouvrier. Mais
l'organisation syndicale reste, plus que jamais, le lieu essentiel de
rassemblement d'une catégorie sociale spécifique, pour la défense de
ses revendications propres, notamment à une époque où le pouvoir d'état
cherche par tous les moyens, y compris la violence, à isoler et écraser
les groupes politiques, à intégrer les organisations ouvrières pour
détruire toutes les bases de résistance.
-O-O-O-O--O-
A & D 154 - 18 MAI 1968
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L£S JEUNES DANS LA SOCIETE - 309
P.-Z. - La grève s'étend à toute la France. Les étudiants
sentent c,ue la classe ouvrière joue maintenant le rôle prépondérant
-ai est p^r nature le sien. Un grand nombre d'entre eux assite à un
relatement du mouvement en C.A.R., C=A.L., H.A.U., groupée anarchistes,
etc... et qui n'ont pas toujours de vision à long terme du processus
r jvoluticnriaire .
Si nous appelons à ta regroupement des étudiants dans leur
syndicat, il doit être clair qu'il ne s'agit pas pour nous de soutenir
ou dénoncer la direction actuelle de l'U.N.E.F. (vis-à-vis de laquelle
chacun doit conserver sa liberté critique), ni de favoriser les tenta-
tives de noyautage en son sein, mais d'appeler* à faire_ de l'U.N^E.F.
un syndicat révolutionnap re_;l!lJ.££.IIiii2;2:i_l.li '''^-s^e _des étudiants qui
pourra seul dénoncer à la fois la politique bourgeoise et la politique
réformiste des directions syndicales o^lvrières.
-o-o-o-o-o-o-o-o-
Petit lexique des abréviations concernant les mouvements
(excepté les grandes formations, partis et syndicats)
C.A,T.,
G.A.P..
F-E.N.
M.A.U.
O.R.J.
P.C.M.L.F.
S^N.E.S.
S.N.B.Sup.
S . N . I .
U.E.G.
U.J.C,M.L
Comité d'Action des Lycées.
Comité d'Action Révolutionnaire.
Fédération de l'Education Nationale.
Fédération des Etudiants Révolutionnaires (trotskystes).
Fédération des Groupes d'Etudes de Lettres (UNEF).
Fédération Nationale des Etudiants de France (gouverne-
mentale).
Jeunesse Communiste Révolutionnaire (trotskystes).
Mouvement d'Action Universitaire.
Organisation Révolutionnaire de la Jeunesse (trotskystes).
Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France (pro-chinois).
Syndicat Général de l'Education Nationale (CFDT).
Syndicat National de l'Enseignement Secondaire (FEN).
Syndicat National de l'Enseignement Supérieur (FEN).
Syndicat National des Instituteurs (FEN).
Union des Etudiants Communistes.
Union des Jeunesses Communistes Marxistes-Léninistes
(pro-chinois)»
Union Nationale des Etudiants de France.
A & D 15't - 18 MAI 1968 -
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Title
Analyses et Documents
Issue
no.154
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Publication information
no.154